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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 30 septembre 2009

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 131

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de loi de finances pour 2010

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre de l’Économie, monsieur le ministre du Budget, nous sommes heureux de vous accueillir à l’occasion de cette réunion de la Commission des finances, traditionnelle après l’adoption par le Conseil des ministres d’un nouveau projet de loi de finances. Je vous propose d’entamer sans tarder la présentation du projet de budget pour 2010, après quoi le rapporteur général et moi-même vous poserons quelques questions, suivis par les orateurs des différents groupes et, enfin, par les membres de la Commission qui souhaiteront s’exprimer.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi. Je commencerai par quelques éléments de cadrage macroéconomiques avant de passer brièvement en revue les mesures fiscales les plus emblématiques de ce projet de loi, laissant à Éric Woerth le soin d’en détailler le contenu.

L’année 2009 a été marquée, en France, par l’arrivée de la récession, et par la mise en œuvre d’un plan de relance ambitieux, ciblé et réversible, conformément à ce que recommandaient, outre la Commission européenne, l’ensemble des institutions financières internationales, à commencer par le FMI. Si l’on rapporte notre situation à celle d’autres pays économiquement comparables, on constate que nous traversons dans des conditions un peu plus favorables cette crise dont l’ampleur est pourtant sans équivalent depuis la Seconde guerre mondiale. Par rapport au deuxième trimestre de 2008, le déficit de croissance au deuxième trimestre 2009 est de 2,8 % en France, contre 5,9 % en Allemagne, 5,5 % au Royaume-Uni, 4,2 % en Espagne et 3,9 % aux États-Unis. De même, il convient de garder à l’esprit les prévisions de la Commission européenne : une croissance négative de 2 % en France, contre 4 % pour l’ensemble de la zone euro.

On voit donc que la France résiste un peu mieux que les autres pays. Nous avons en effet mis en place un plan de relance massif qui se décompose en un plan de financement des petites et moyennes entreprises, mobilisant 22 milliards d’euros, en un plan destiné à débloquer un secteur financier grippé – avec un renforcement des fonds propres des banques et la garantie de l’État aux prêts interbancaires –, et en un ensemble de mesures sociales décidées en particulier à la suite du sommet social de février 2009, de façon à lutter contre les effets de la crise économique sur l’emploi.

La dégradation de l’emploi a en effet été massive pendant le premier trimestre 2009, mais la situation tend à s’améliorer au second trimestre. Ainsi, alors qu’en moyenne le nombre d’emplois détruits chaque mois dépassait 81 000 au début de l’année, il est descendu à 25 000, notamment grâce aux résultats du mois de juin, particulièrement favorables.

M. Henri Emmanuelli. En somme, tout va bien ?

Mme la ministre. Cela montre que, dans un contexte extrêmement sombre, le plan de relance et les mesures qui en ont découlé ont permis à la France de mieux s’en sortir. Toutefois, on ne peut nier que l’année 2009 soit une année de récession et les conséquences, sur l’économie et sur l’emploi, du choc financier se feront sans aucun doute encore sentir au début de 2010.

En ce qui concerne le paysage financier français, l’analyse des spreads de CDS est sans doute la moins mauvaise façon de mesurer l’appréciation que font les marchés de la solidité et de la santé des banques. Or leur évolution fait apparaître une bonne performance des établissements financiers bancaires, dans un contexte pourtant difficile. Le Fonds monétaire international attribue ce résultat à la meilleure régulation des mécanismes du crédit en France et au fait que notre modèle économique bancaire est plus équilibré, mais aussi à l’originalité de notre plan de soutien aux activités bancaires, ce qui a d’ailleurs amené EUROSTAT à devoir réexaminer la relation contractuelle sur la base des deux sociétés dont vous avez voté la création en octobre dernier : la Société de financement de l’économie française -la SFEF- et la Société des prises de participation de l’État -la SPPE-.

À ce propos, certains ont pu penser que l’on allait "faire cadeau"de 360 milliards d’euros aux banques. Or, sur l’année 2009, la SFEF a engagé la signature de l’État pour 75 milliards d’euros de prêts, tandis que la SPPE a engagé 20 milliards d’euros, pour l’essentiel sous forme de titres supersubordonnés. Ces sommes sont progressivement remboursées : ainsi, la BNP-Paribas a annoncé hier sa décision de faire appel au marché pour augmenter son capital et rembourser l’État, lequel encaissera au passage un peu plus de 220 millions d’euros d’intérêts. De même, d’autres banques ont indiqué qu’elles allaient bientôt procéder à un remboursement. C’est au total 1,4 milliard d’euros que l’État va récupérer en intérêts. En effet, lors de la mise en place de la SPPE, nous avions certes écarté toute approche spéculative, mais aussi pris la décision de garantir les montants que nous récupérerions, majorés d’intérêts non négligeables.

Le Fonds monétaire international a pu ainsi affirmer en juillet, à l’occasion de son examen de la situation économique et financière nationale au titre de l’article IV de ses statuts, que la réponse budgétaire française, en termes de soutien à l’économie en 2009 et 2010, avait été appropriée et que le plan de relance était convenablement proportionné, bien diversifié et concentré sur l’année 2009.

Pour la première fois depuis longtemps, la prévision de croissance pour l’année en cours est révisée à la hausse, même si elle reste négative : elle s’établit à moins 2,25 % au lieu de moins 3 %. Quant à l’inflation, le taux prévisionnel est de 0,4 %, en dépit du risque annoncé de déflation qui devait accompagner la dépression. Le plan de relance, dont les vertus ont été reconnues par le FMI, a donc manifestement rencontré un certain succès.

S’agissant de l’année 2010, la prévision de croissance est également revue à la hausse, de 0,5 à 0,75 %, avec un taux d’inflation de 1,2 %. Ces chiffres se fondent sur un certain nombre de paramètres dont je tiens naturellement le détail à votre disposition.

Les investissements des entreprises, qui jouent un rôle déterminant dans l’évolution de l’emploi, augmenteront en 2010 de 0,6 %, alors qu’ils avaient connu un véritable effondrement – moins 7,9 % – en 2009. Les investissements publics, eux, devraient progresser de 7,6 % en 2009. Ils ont été fortement stimulés par le mode de relance que nous avons adopté…

M. Jérôme Cahuzac. Et par les collectivités locales, surtout !

Mme la ministre. Elles ont en effet beaucoup participé à l’effort.

L’essentiel de l’investissement public a donc, comme prévu, été engagé en 2009.

Le taux des prélèvements obligatoires diminuera sensiblement en 2009 : il sera de 40,7 %, contre 42,8 % au titre de l’exercice précédent.

J’en viens à nos orientations de politique économique. Pendant l’année 2009, nous avons fait le choix de répondre à la récession par une politique de relance fondée d’abord sur l’investissement, tout en consacrant 14 milliards d’euros, sur un total de 45 milliards, aux ménages et au soutien à la consommation. L’année 2010 sera celle du soutien à la reprise. Nous sommes en effet, avec l’Allemagne, le seul pays à enregistrer une croissance positive au deuxième – et probablement au troisième – trimestre de l’année 2009. Cette reprise est fragile et il faut impérativement la soutenir. C’est d’ailleurs la résolution adoptée par l’ensemble des pays présents au G20 de Pittsburgh, et c’est aussi la recommandation très ferme donnée par le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn : ne pas abandonner l’effort de relance, continuer à soutenir la moindre bribe de croissance, consolider le malade ; il sera temps, ensuite, de lui retirer ses béquilles.

Notre première priorité, compte tenu de l’aggravation du chômage que nous avons connue en 2009, est de maintenir les emplois existants et de stimuler la création d’emplois. Ainsi, nous conserverons des mesures d’activité partielle en maintenant l’allongement du volume des heures et en flexibilisant le recours aux heures de chômage partiel. Nous conservons le principe, qui a connu un franc succès en 2009, du « zéro charges », pendant douze mois, pour toute embauche réalisée avant le 30 juin 2010 dans une entreprise de moins de vingt salariés. Nous poursuivons l’effort sur les contrats de transition professionnelle : de huit en début d’année, le nombre de CTP est passé à vingt-cinq, et la loi sur la formation professionnelle a prévu de le porter à quarante. La loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, désormais votée, va entrer en vigueur, et le FISO permettra d’orienter les dépenses vers les domaines où les besoins sont les plus urgents. Enfin, le plan d’urgence pour les jeunes, décidé le 24 avril et amplifié par les mesures annoncées hier par le Président de la République, sera bientôt mis en œuvre.

La deuxième priorité de notre politique va à des mesures de soutien à l’investissement et à la compétitivité des entreprises. Il est en effet impératif que le secteur privé vienne prendre le relais du secteur public pour financer l’investissement productif et la recherche et développement, de façon à renforcer l’attractivité et la productivité de notre pays. C’est pour cette raison que nous engageons la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle je reviendrai en répondant à vos questions, et que nous prolongeons le mécanisme de remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche -le CIR-. Le CIR, largement plébiscité par les entreprises, est fortement doté dans le projet de loi de finances pour 2010, car il constitue un bon accélérateur pour les investissements en recherche et développement.

Enfin, à ces deux priorités vient s’ajouter notre détermination environnementale, en faveur de ce que j’appellerai l’éco-croissance. Il s’agit de modifier les comportements, notamment grâce à la taxe carbone, ou aux dispositifs d’aide au logement – dispositif Scellier, crédit d’impôt sur le remboursement des intérêts d’emprunt. Très utiles pour soutenir le secteur de l’immobilier, ces incitations ne sont pas supprimées mais font l’objet d’un « verdissement ». Ces mesures, ainsi que la prime à la casse, le bonus-malus et l’aide au financement d’installations de chauffage ou d’isolation plus performantes, constituent un des axes forts de notre politique économique.

M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Avant de présenter le projet de loi de finances pour 2010, il convient, pour éclairer nos choix, de revenir sur le budget pour 2009, un budget destiné à affronter la crise, et marqué en conséquence par un déficit important.

Trois décisions majeures ont été prises à l’occasion du budget pour 2009. La première est le sauvetage des établissements bancaires, qui a finalement constitué une bonne affaire pour l’économie nationale : non seulement le crédit est relancé, mais nous allons récupérer 1,4 milliard d’euros d’intérêts. La seconde est la décision de laisser s’opérer une réduction spectaculaire – 20 % – des recettes fiscales : de 265 milliards d’euros en 2008, elles sont passées à 212 milliards d’euros en 2009, alors qu’en période normale, elles tendent à augmenter de 10 à 12 milliards d’euros par an. La crise, et la lutte contre cette crise, ont donc en réalité entraîné une réduction des recettes de l’ordre de 65 milliards d’euros, ce qui est colossal.

Le produit de l’impôt sur les sociétés diminue ainsi de 30 milliards d’euros en 2009. Quant à la TVA, elle passe de 129 à 117 milliards d’euros, en dépit du fait que la consommation s’est maintenue à un bon niveau : en effet, les prix ont baissé, et on a par ailleurs sans doute plus consommé de produits soumis au taux réduit. Enfin, le produit de l’impôt sur le revenu passe de 52 à 48 milliards d’euros, en raison de la réduction jusqu’à deux tiers du montant de l’impôt dont a bénéficié une partie des Français.

La troisième décision majeure est évidemment l’engagement du plan de relance, qui a pesé sur les finances publiques. Son coût atteint 39 milliards d’euros en 2009, soit 16,4 milliards d’euros de dépenses, une diminution des recettes atteignant 15,8 milliards d’euros, et 6,7 milliards de prêts aux constructeurs automobiles. Cette réactivité budgétaire a permis d’obtenir des résultats : d’abord, comme l’a relevé Mme Lagarde, la récession est en France deux fois moins importante que dans l’ensemble de la zone euro ; ensuite, la croissance des transferts sociaux – élément de stabilisation du climat économique et social, mais aussi du pouvoir d’achat des Français – a été trois fois plus rapide en 2009 que dans les dix dernières années : de 6 % contre 2 %. L’effort a donc été considérable pour l’ensemble des prestations sociales.

Seule la crise est à l’origine de l’aggravation du déficit public, et non un relâchement de notre vigilance en matière de contrôle de la dépense. Les recettes publiques – sécurité sociale incluse – ont baissé beaucoup plus vite que le PIB : 3,6 % contre un peu plus de 2 %. On peut espérer voir un tel phénomène d’élasticité se produire dans l’autre sens au moment de la reprise, mais nous restons très prudents sur ce point, et c’est pourquoi nous n’avons pas inscrit ce supplément de recettes dans le projet de loi de finances pour 2010.

Sur un total de 141 milliards d’euros de déficit, la part liée à la crise atteint 96 milliards, soit 70 %. Le déficit structurel, en légère progression, est donc de l’ordre de 45 milliards d’euros.

M. le président Didier Migaud. Comment qualifiez-vous la baisse de la TVA sur la restauration ?

M. le ministre. C’est naturellement une mesure structurelle, que nous prenons donc en compte dans le déficit structurel. Nous ne « pipeautons » pas !

Hors plan de relance, la dépense de l’État est strictement tenue : elle a progressé comme l’inflation. La règle du « zéro volume » est donc bien respectée. Il est en effet important, dans cette période compliquée, de conserver certains repères.

Il est vrai que la diminution de la charge d’intérêts de la dette nous a aidés à maintenir ce gel des dépenses : ces intérêts coûtent en effet 4,5 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu dans le budget pour 2009. En revanche, la faiblesse de l’inflation réduit notre marge de manœuvre.

Parmi les mauvaises nouvelles, le prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne nous coûte 1 milliard d’euros de plus. En effet, la part de la richesse française par rapport à l’Union a augmenté, parce que la situation française, en valeur relative, est meilleure qu’en 2007. On le voit bien en comparant les taux de croissance du déficit : ce dernier augmente plus fortement en Allemagne – il est vrai qu’on partait là d’un niveau plus bas –, en Espagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Alors que les déficits publics augmentent de 6 points de PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE, cette évolution est de 5,5 en France pour les deux dernières années. Au final, le déficit public s’élèvera dans notre pays à 8,2 % du PIB, contre 3,4 en 2008. La crise explique presque 100 % de cette augmentation.

Entre la réduction de la charge des intérêts de la dette et l’augmentation des dépenses sociales liée à la crise, il reste une marge que je proposerai de consacrer à la réduction de la dette de l’État envers la sécurité sociale.

J’en viens au projet de budget pour 2010. Il s’agit d’un budget de reprise : l’objectif est de conforter les tendances, même modestes, indiquant une sortie de la récession, mais aussi de faire en sorte que cette sortie soit durable. Nous devons donc éviter les erreurs et afficher une vraie cohérence économique.

Nous ne mettons pas brutalement fin au plan de relance : une partie des crédits qui lui sont consacrés sont reconduits en 2010. La mission « Plan de relance de l’économie » est dotée d’une somme de 4,1 milliards d’euros, destinée à financer les mesures du Fonds d’intervention sociale, ainsi que les mesures en faveur de l’emploi et de la formation. Dans l’automobile, la prime à la casse est prolongée, tout en étant progressivement réduite : 700 euros, puis 500 euros au deuxième trimestre. Enfin, par rapport au budget triennal, 700 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au soutien de l’emploi.

Le deuxième élément de notre politique d’accompagnement de la sortie de crise consiste à préserver la trésorerie des entreprises. Nous reconduisons donc la mesure de remboursement anticipé des sommes dues au titre du crédit d’impôt recherche, une mesure que d’ailleurs tout le monde, à droite comme à gauche, a jugée utile. Cette avance de trésorerie coûtera 2,5 milliards d’euros.

Si la suppression de la taxe professionnelle coûtera, en année pleine, 5,8 milliards d’euros à l’État, ce montant sera beaucoup plus élevé en 2010 – 11,7 milliards d’euros – en raison notamment du paiement des dégrèvements correspondant aux années précédentes. L’économie ainsi réalisée par les entreprises aura un effet considérable sur leur compétitivité. On peut donc considérer que cet écart, cette « bosse » d’environ 7 milliards d’euros entre une année normale et l’année 2010, constitue une participation au plan de relance. Si on prend en compte les crédits alloués au crédit d’impôt recherche et ceux de la mission « Plan de relance de l’économie », c’est donc un total de 15 milliards d’euros que la France consacrera en 2010 à la sortie de la crise.

Le budget pour 2010 refuse les fausses solutions et fait le choix de la cohérence. Une fausse solution serait, par exemple, celle de l’inflation. Je ne crois pas, en effet, que l’inflation puisse nous permettre de régler, comme par magie, notre problème de déficit. De même, nous refusons la solution simpliste de la hausse des impôts. Dans un pays qui est le cinquième au monde, après les pays scandinaves, pour le niveau des prélèvements obligatoires, augmenter ces prélèvements ne serait pas la bonne solution : ce serait passer de l’imposition à la « surimposition ». Nous avons choisi un autre chemin : susciter la croissance et continuer à maîtriser les dépenses. À cet égard, notre projet de budget manifeste une cohérence certaine.

Tout d’abord, une réforme fiscale de grande ampleur est entreprise de façon à favoriser la compétitivité et l’emploi. Nous supprimons la taxe professionnelle, mais aussi l’imposition forfaitaire annuelle : après une réduction de 336 millions d’euros en 2008, nous la réduisons de 630 millions d’euros cette année. Il restera 400 millions d’euros en 2010, année de sa suppression totale. Ce sera alors la fin de ce mauvais impôt qui frappait les entreprises faisant plus de 400 000 euros de chiffre d’affaires, quel que soit leur résultat. Cela représente un effort important en faveur de la compétitivité.

Deuxième élément de cohérence du budget, la priorité donnée à la formation et à l’économie de la connaissance. L’augmentation des moyens alloués à l’enseignement supérieur et la recherche se poursuit au même niveau que l’année dernière, soit 1,8 milliard d’euros, sous forme de mesures fiscales ou de dotations budgétaires. Contrairement à ce qui s’est pratiqué par le passé, nous ne faisons pas du budget de la recherche une variable d’ajustement.

Nous mettons également en œuvre des mesures en faveur des jeunes, à hauteur de 500 à 600 millions d’euros. Annoncées hier par le Président de la République, elles ne figurent pas dans le budget, où elles seront inscrites par voie d’amendement. En revanche, leur financement est déjà pris en compte, et ce pour deux raisons : d’une part, certaines mesures – contrats CIVIS, missions locales, plateformes d’orientations – seront financées dans le cadre du FISO, qui dispose d’une enveloppe budgétaire suffisante ; d’autre part, les crédits que nous avons décidé de consacrer au RSA en 2010 permettent de financer son extension aux jeunes actifs.

Troisième élément de cohérence : l’effort de revalorisation du travail. L’idée majeure est que les revenus de remplacement du travail doivent être traités, sur le plan fiscal et sur le plan social, comme les revenus du travail. Dire cela n’a rien d’inhumain, c’est au contraire un principe absolument équitable.

Ainsi, les indemnités de retraite seront fiscalisées dès le premier euro. Aujourd’hui, en cas de départ volontaire, ces indemnités ne sont pas soumises à l’impôt en dessous de 3 050 euros. Cela va contre notre souci de maintenir au travail. Pour la même raison, nous soutiendrons toute proposition d’amendement tendant à fiscaliser les indemnités journalières d’accident du travail.

Nous prendrons également, dans le cadre du PLFSS, un certain nombre de mesures destinées à élargir la participation des revenus du capital au financement de la protection sociale. Celle-ci ne doit pas, en effet, peser de façon excessive sur le travail. Nous proposerons de soumettre à la CSG les contrats d’assurance-vie multisupports en cas de décès – ils y sont déjà soumis dans les autres cas.

Par ailleurs les plus-values mobilières seront soumises à la CSG dès le premier euro, même si elles resteront défiscalisées.

Nous proposerons de doubler le forfait social en le portant à 4 %. L’écart restera très important par rapport au niveau de cotisation normal – soit 30 % –, et la conclusion d’accords d’intéressement ou de participation restera donc favorisée, mais nous considérons que les revenus qui en résultent doivent participer plus largement à l’effort de protection sociale.

Quatrième et dernier élément de cohérence : la transformation de l’économie française par l’adoption d’un modèle de croissance verte. Au-delà de la taxe carbone, cette volonté se traduit par le « verdissement » d’un certain nombre de mesures. Je note que le crédit d’impôt en faveur de certains systèmes de chauffage – tels que les pompes à chaleur – coûtera 2,7 milliards d’euros en 2009, alors que nous avions prévu un coût de 1,5 milliard d’euros. Cet effort destiné à aider les Français à réduire leur consommation énergétique représente donc un montant plus important que celui qui sera prélevé sur les ménages au titre de la taxe carbone. Prise dans son ensemble, la fiscalité verte, dont la taxe carbone constitue un aspect important, forme donc un tout cohérent.

Nous ne relâchons en aucun cas notre effort en matière de dépenses publiques. Nous conservons nos repères et nous répondons au déficit structurel par des réformes structurelles. La règle du « zéro volume » sera respectée en 2010. Les dépenses atteindront 352 milliards d’euros, soit une progression de 4,3 milliards – toujours hors relance – correspondant à 1,2 % d’augmentation.

Nous avons également respecté le principe du budget triennal pour plus de la moitié des missions votées dans ce cadre. Seules les missions relatives à la relance, à l’emploi, etc., ont fait exception. Nous devrons renouveler ce travail, car ce budget triennal est un formidable guide pour la dépense publique.

Nous continuons à réduire le nombre de fonctionnaires. Cette réduction sera de 34 000 en 2010 : 16 000 à l’éducation nationale, 8 250 à la défense, 1 294 à l’écologie, 3 500 à l’intérieur, 3 000 au budget... À 84,6 milliards d’euros, la masse salariale ne progresse que de 0,6 %, très au-dessous de l’inflation. Ce mouvement s’accompagne de la promotion d’une politique salariale prenant de plus en plus en compte le mérite.

Les dépenses de fonctionnement hors salaires et hors dépenses d’intervention vont diminuer de 1 % en valeur. Priorité est donnée à la réduction du train de vie de l’État, notamment en gérant mieux l’immobilier, en réduisant le nombre des logements de fonction, celui des véhicules administratifs, etc.

Enfin, Mme Lagarde et moi-même avons annoncé hier, devant le comité des finances locales présidé par M. Gilles Carrez, que les dotations de l’État aux collectivités locales augmenteraient de 0,6 %. Cette progression est inférieure à l’inflation prévue, mais l’État paiera ce qu’il doit au titre du fonds de compensation de la TVA, lequel progressera de 6 %.

En matière de finances sociales, j’observe que 2009 sera la première année où nous tiendrons – à très peu près – l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, fixé à 3,3 % par le Parlement. Nous proposons de réitérer cet effort en 2010 avec un ONDAM à 3 %.

Alors que les déficits publics augmenteront, le déficit prévisionnel de l’État en 2010 va se réduire, passant de 141 à 116 milliards d’euros grâce à une diminution de l’effort budgétaire pour la relance et à une augmentation des recettes. Les déficits publics, « bosse » de taxe professionnelle comprise, s’élèveraient ainsi à 8,5 % du PIB. Sans le supplément provoqué par la taxe professionnelle, on se retrouve exactement au déficit de l’année précédente.

Le problème tient donc au déficit de la sécurité sociale, dont la part est passée de 1,4 à 2,3 % de PIB, et plus particulièrement à la forte baisse des recettes. Remonter la pente prendra du temps. Nous le ferons à mesure que le chômage diminuera.

En tout état de cause, c’est une politique structurelle qui nous permettra de continuer d’assainir nos finances publiques et de réduire les déficits une fois la crise passée. La clef sera un retour à la croissance en 2011. L’objectif de 2,5 % ne paraît pas hors d’atteinte, sauf à croire que la France ne peut connaître une croissance supérieure à celle qu’elle a connue dans les dernières années. Avec une progression des dépenses publiques limitée à 1 % en volume – ce que nous avons réalisé en 2008 –, il nous serait alors possible de réduire les déficits publics de 1 % et de les ramener à 6 % du PIB en 2012.

Enfin, s’agissant du solde des paradis fiscaux,…

M. Henri Emmanuelli. Le Président de la République a dit qu’il n’y en avait plus !

M. le ministre. …nous intégrerons en projet de loi de finances rectificative des mesures précises qui permettront à la France d’être exemplaire. À cet égard, je salue la décision de BNP Fortis de fermer la plupart de ses implantations dans les paradis fiscaux. C’est un effet direct du travail mené par le Président de la République au niveau international.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie. La présentation est toujours séduisante…, et toujours de qualité…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez raison de le souligner, monsieur le président.

Le budget pour 2010 est clairement un budget de sortie de crise. Il se caractérise par la poursuite des mesures de relance, par la priorité accordée aux entreprises et donc à l’emploi, avec cette réforme considérable que représente la suppression de la taxe professionnelle, et par un redressement des recettes – certes très partiel encore : ainsi le produit de l’impôt sur les sociétés, par exemple, s’élève à 33 milliards d’euros alors qu’il avoisine les 50 milliards en régime de croisière.

Le déficit prévu, 116 milliards d’euros, est élevé, mais c’est un déficit totalement assumé.

Les chiffres concernant l’exécution du budget 2009 étant à peu près stabilisés, nous pouvons dresser un rapide bilan. En France comme dans tous les pays touchés par la crise, l’État a été appelé en soutien. De l’avis général, notre appui aux banques s’est révélé l’un des plus rapides et des plus efficaces. Le « retour » financier de ce dispositif devrait s’élever à 1,4 milliard d’euros au bénéfice de l’État en 2010, nous avez-vous dit. Pourriez-vous, madame la ministre, détailler ce retour non seulement pour 2010 mais également pour 2009, en précisant ce qui revient respectivement à la Société de financement de l'économie française -SFEF- et à la Société de prises de participation de l'État -SPPE- ?

S’agissant du soutien général à l’économie, il est aujourd'hui incontestable que la décroissance est limitée à 2 % dans notre pays, c'est-à-dire à la moitié de celle qui affecte les autres pays. Il serait paradoxal, de la part de ceux qui ont qualifié il y a quelques mois le plan de relance d’« insuffisant », de critiquer à présent le niveau du déficit ! Cela dit, nous sommes tous conscients que le redressement de nos finances publiques sera une priorité absolue dès que la croissance sera revenue à un niveau normal, c'est-à-dire, on l’espère, à partir du second semestre 2010 et en 2011.

De ce point de vue, entre le grand emprunt et l’annonce faite par le Premier ministre d’un projet de loi de finances pluriannuel qui serait proposé au printemps prochain, comment envisagez-vous l’assainissement des comptes de l’État et des comptes sociaux ?

Le projet de loi de finances, orienté vers la relance, est caractérisé par deux réformes fiscales de première importance : la suppression de la taxe professionnelle, mais aussi l’introduction d’une véritable préoccupation environnementale dans notre fiscalité par le biais de la taxe carbone et du « verdissement » de plusieurs dispositifs.

Il faut enfin saluer la maîtrise de la dépense publique d’État.

J’en viens à quelques questions supplémentaires.

Concernant la suppression de la taxe professionnelle, quelle est la clef qui permet de passer d’un coût évalué, en régime de croisière, à 4,3 milliards d’euros, à un coût particulier de 11,7 milliards en trésorerie pour 2010 ? D’autre part, cette estimation à 4,3 milliards inclut-elle le produit de la taxe carbone qui sera appliquée aux entreprises ?

En matière d’évolution des dépenses fiscales, alors qu’il avait été prévu 3,6 milliards d’euros pour la mensualisation des remboursements de crédits de TVA, le montant s’élève à 6,5 milliards. Comment expliquer cet écart presque du simple au double entre la prévision et la réalité ? Il en va de même pour les remboursements de créances d’impôt sur les sociétés au titre des reports en arrière : le coût serait de 4,5 milliards d’euros alors qu’on prévoyait 1,8 milliard.

Il y a deux ans, nous avons mis en exergue la forte dérive du crédit d’impôt destiné à promouvoir les économies d’énergie dans les logements. Son coût était passé de 900 millions d’euros à 2,6 milliards entre 2006 et 2008. En 2009, on en est à 2,8 milliards d’euros, contre 1,3 milliard prévu en loi de finances. Comment améliorer nos prévisions dans ce domaine ?

L’objectif de dépenses fiscales, fruit d’un long travail réalisé dans le cadre de la réforme des procédures budgétaires, a été fixé à 69 milliards d’euros pour 2009, soit, tout de même, une progression de 4,2 % par rapport à 2008. Sera-t-il tenu ?

Par ailleurs, où en est-on dans l’exécution du plan de relance ? Constate-t-on des dépassements ? Y a-t-il, au contraire, des crédits qui ne sont pas consommés ?

Il est prévu que la charge des intérêts de la dette dans le budget de l’État progresse de 3,5 milliards d’euros en 2010 par rapport à l’exécution de 2009, laquelle est paradoxalement inférieure de 3 milliards d’euros à la prévision. Vous serait-il possible de nous donner quelques éléments sur la progression de cette charge au-delà de 2010 et réaliser des tests de vulnérabilité à une éventuelle remontée des taux d’intérêt, afin que nous discernions mieux les enjeux budgétaires liés à ce poste ?

S’agissant des collectivités territoriales, quelle est l’évolution de leur besoin de financement en 2009 et quelle est la perspective pour 2010 ? Je rappelle que, jusqu’en 2005, les collectivités apportaient plutôt un excédent.

Enfin, quelle est la prévision de déficit en 2009 et en 2010 pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale, UNEDIC comprise ?

M. le président Didier Migaud. Le rapporteur général a posé beaucoup de questions pertinentes.

Il me semble, monsieur le ministre du Budget, qu’avant de commencer à proposer d’augmenter les impôts, on peut essayer de ne pas les baisser ! Le déficit n’est pas seulement fonction de la dépense, il est aussi fonction de la maîtrise des recettes et l’on voit bien qu’il y a là une difficulté.

Certes, vous faites valoir une réduction des prélèvements obligatoires, mais c’est au prix d’une explosion formidable et extrêmement dangereuse de la dette, qui nous rend vulnérables aux fluctuations des taux d’intérêt. Comment appréciez-vous l’évolution de ces taux en 2010 et ses éventuelles conséquences sur la charge de la dette ?

En outre, le grand emprunt va venir s’ajouter à la dette existante et bousculer les données figurant dans les documents budgétaires, qui prévoient un niveau d’investissement relativement étale entre 2009 et 2010. Même si le montant est de 40 ou 50 milliards d’euros, soit la moitié de ce que l’on annonce parfois, comment tout cela peut-il s’articuler avec votre discours sur la maîtrise de la dépense ? Que je sache, si l’on emprunte, c’est pour dépenser !

L’idée d’investir ne me gêne nullement, mais peut-on en même temps augmenter la dépense et réduire la recette ? Ne risque-t-on pas un grand écart, donc une fracture et, à terme, une facture que devront acquitter tous les Français ?

Par ailleurs, quelle est la traduction budgétaire du plafonnement des niches fiscales que nous avons décidé l’année dernière ? Disposez-vous d’une estimation du gain possible ? Le rapporteur général avait par exemple parlé de 200 millions d’euros : pouvez-vous confirmer ou infirmer ce chiffre ?

S’agissant de la taxe professionnelle, quelle est, sur les 11,7 milliards que vous avez évoqués, la part qui va directement, non pas aux banques ou à la grande distribution, mais aux entreprises industrielles effectivement soumises à la compétition mondiale ?

Enfin, le Gouvernement insiste beaucoup sur la neutralité de la taxe carbone, compte tenu des compensations. Prévoit-il une compensation pour les collectivités territoriales ? À quelle hauteur estime-t-il la facture supplémentaire que la taxe représentera pour elles ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le comité des finances locales a souhaité hier, à la quasi-unanimité, que les intercommunalités bénéficient d’une partie de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée. Cela étant, madame la ministre, il nous faut absolument des simulations. Grosso modo, le dispositif remplace l’assiette « équipements et biens mobiliers » -EBM- par une assiette « valeur ajoutée ». Nous devons être en mesure de déterminer, selon les catégories d’entreprises, quels sont les gagnants et quels sont les perdants, et de comparer la géographie des EBM et celle de la valeur ajoutée, je crains que cette dernière ne soit encore plus concentrée dans l’Île-de-France et dans des départements comme Paris ou les Hauts-de-Seine.

J’ai demandé ces simulations à la fin du mois de juillet. Si nous ne les avons pas avant la fin de cette semaine, la qualité de notre travail s’en ressentira.

M. Jérôme Chartier. Lorsque le président Didier Migaud regrette un accroissement de la dépense et un amoindrissement des recettes, j’imagine qu’il vise la dépense fiscale. Or la dépense fiscale que le Gouvernement va mettre en œuvre n’est rien d’autre que de la politique budgétaire, que nous assumons totalement ! Dans une note récente la fondation Terra Nova se demandait si ce budget était « le meilleur des budgets possibles compte tenu des circonstances ». La réponse est oui.

J’en viens à mes questions. L’agence Standard & Poor's a abaissé fortement la notation de l’État russe en raison de la récession qui frappe ce pays : 10 % et de la forte proportion - 40 % - de créances douteuses détenues par les établissements de crédits. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement -BERD- demande à ses actionnaires 10 milliards d’euros supplémentaires pour contribuer à l’équilibre financier des pays d’Europe centrale et orientale. A-t-on intégré, au niveau européen, le risque que représente la situation financière et budgétaire de ces pays ? Un accroissement de l’effort financier en leur faveur fait-il partie des perspectives budgétaires ou s’en remettra-t-on à une loi de finances rectificative ?

Aux États-Unis, 40 % des entrepreneurs s’apprêtent à licencier massivement en 2010. Qu’en sera-t-il en France, sachant que le nombre des dépôts de bilan a augmenté de 15 % entre 2008 et 2009 – d’où les mesures prévues dans ce PLF en faveur des entreprises ?

Par ailleurs, le Gouvernement poursuivra en 2010 sa politique de réduction du nombre des fonctionnaires en reconduisant le principe du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Alors que certains départements ministériels, comme la défense, sont particulièrement sollicités, l’éducation nationale se trouve plutôt préservée. Les chiffres ronds figurant dans les documents budgétaires représentent-ils des objectifs, des estimations, ou correspondent-ils à des postes dont on sait précisément, après les avoir étudiés un par un, qu’ils seront effectivement supprimés ?

M. Jérôme Cahuzac. La dette atteint un niveau sans précédent. Aux yeux de la Cour des comptes elle n’est plus maîtrisée dès lors que le déficit dépasse 8 % du PIB. Or c’est ce qui va arriver à notre pays deux années de suite !

M. Woerth présente la baisse de la charge de cette dette comme une chance, alors que c’est le résultat de sa décision de privilégier les emprunts à taux courts par rapport aux emprunts à taux longs au moment où ceux-ci arrivaient à échéance. L’artifice ne pourra durer : la charge de la dette, qui consomme dès à présent la quasi-totalité du produit de l’impôt sur le revenu, n’en restera pas à ce niveau.

Je vois mal quelle est la stratégie du Gouvernement pour désendetter le pays. Vous avez raison d’estimer, monsieur le ministre, que l’inflation n’est sans doute pas la solution. Vous formulez ensuite l’hypothèse d’une croissance à 2,5 %. Force est de constater que cela n’a pas suffi à désendetter le pays dans les années passées. Mais, à supposer que l’on tienne ce niveau pendant dix ans, à combien estimez-vous le désendettement qui s’ensuivrait ? La réduction de la dépense de l’État et la révision générale des politiques publiques que vous invoquez se résument à trois chiffres : vous aviez annoncé 20 milliards d’euros pour l’ensemble de la mandature, vous n’en ferez que 6 à 7, et le Président de la République en annonce 100 dans les trois ans qui viennent. On aimerait comprendre !

Vous récusez l’idée de nouveaux prélèvements mais vous fiscalisez les indemnités journalières et augmentez le forfait hospitalier. À ce propos, le budget prévoit-il la taxe censée financer la suppression de la profession d’avoué, taxe qui frapperait les justiciables en appel et en cassation pour un produit espéré de 250 à 260 millions d’euros ?

En matière d’emploi, vous annoncez l’extension des contrats de transition professionnelle. Retiendrez-vous des bassins de vie supplémentaires au-delà des quatre ou cinq qui restent à choisir. Si oui, combien ? Quand arrêterez-vous des critères d’éligibilité ? De nombreuses demandes restent pendantes.

Quant à la suppression de la taxe professionnelle, il est clair que l’État n’a plus les moyens des réformes que le Gouvernement veut mettre en œuvre : cette mesure sera financée par un déficit supplémentaire de 12 milliards d’euros l’année prochaine et de près de 5 milliards les années suivantes !

Vous soutenez à l’envi que le déficit permettra de relancer l’investissement privé. Encore faudrait-il que les banques jouent le jeu ! Ce n’est pas le cas et chacun sait que les PME sont dans une situation très préoccupante.

Pour ce qui est de la taxe carbone, ni le signal prix ni l’assiette, qui ne comprend pas l’électricité, ne laissent espérer une modification des comportements. Il ne s’agit que d’une taxe de plus. Comment une taxe de plus peut-elle contribuer à l’« écocroissance » que vous invoquez ? À ce propos, la mesure « chaudières », que ce dispositif récupère, est-elle bien, comme vous le dites, un crédit d’impôt, ou simplement une réduction d’impôt ?

Vous annoncez 3 500 suppressions de postes au ministère de l’intérieur. Les gardiens de la paix, dont la présence sur le terrain est pourtant indispensable à la politique de sécurité affichée par le Président de la République, sont-ils visés ?

À ce propos, comment ne pas mettre les 500 millions d’euros d’économies résultant de la réduction de l’emploi public en regard des 3 milliards d’euros de manque à gagner liés à la baisse de la TVA dans l’hôtellerie-restauration ?

Au total, votre Gouvernement considère qu’il y a trois variables d’ajustement budgétaire : les salariés, la sécurité sociale et les collectivités locales. Il eût d’ailleurs été plus loyal de préciser que la progression de 6 % du FCTVA porte sur deux exercices et non sur un seul.

M. Charles de Courson. La ligne du groupe Nouveau Centre n’a pas varié : nous pensons que les déficits publics – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – ont atteint un niveau insoutenable. Vous avez bien du mérite, monsieur le ministre, à essayer de contenir la dépense au niveau de l’inflation, soit 1,2 %, mais c’est insuffisant pour redresser les comptes dans un délai raisonnable – 5 à 10 ans – puisque le déficit structurel demeure compris entre 45 et 50 milliards d’euros. Il faut que la majorité aille au-delà des efforts que vous avez engagés, en proposant par voie d’amendements une réduction de la dépense à hauteur de 5 milliards d’euros.

Pour cela, il y a deux idées très simples.

D’abord le « coup de rabot » : le Parlement vous donne, par ordonnance, la possibilité de réduire chaque niche de 5 % : l’économie serait de 3,5 milliards d’euros.

Ensuite, il est notoire que les exonérations de charges sociales patronales n’ont aucun effet sur les grandes entreprises. Que représentent les quelques dizaines de millions d’euros dont Total bénéficie à ce titre au regard de son chiffre d’affaires ? En supprimant ces exonérations – sans toucher les PME –, on gagnerait 1,5 milliard d’euros.

Par ailleurs, contrairement aux conservateurs, de gauche comme de droite, qui réclament des efforts et qui se récrient au moindre mouvement, notre groupe soutient la taxe carbone. Ce qui ne va pas dans le dispositif, c’est qu’il n’est pas lié à un effort de modification du comportement.

En ce qui concerne les entreprises, le Gouvernement accepterait-il l’amendement dit « suédois », qui subordonne le remboursement de la taxe carbone à la signature d’une convention de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

Pour ce qui est des ménages, pourquoi ne pas recycler une partie de la taxe carbone en améliorant le système de crédit d’impôt lié aux travaux d’économie d’énergie ? La lisibilité s’en trouverait améliorée. Il faut aussi prévoir le remboursement de la taxe lorsque celle-ci concerne des trajets domicile-travail pour lesquels il n’existe pas d’alternative à la voiture. Après tout, il suffit de se caler sur les critères d’évaluation des frais professionnels dans le cadre de la déclaration des revenus. Ce ne sont pas des primes qui modifieront le comportement de nos concitoyens.

S’agissant enfin de la suppression de la taxe professionnelle, notre groupe reste attaché à trois principes : l’autonomie fiscale locale ; le lien entre les entreprises et les élus locaux, en particulier les intercommunalités qui ont la compétence en la matière ; l’efficacité du système pour les entreprises. Le Gouvernement accepterait-il d’attribuer une partie du produit de la contribution complémentaire – la taxe sur la valeur ajoutée – aux intercommunalités et non aux départements, sachant que notre groupe est par ailleurs favorable à l’instauration d’une CSG départementale ?

M. Henri Emmanuelli. Et comment les autres collectivités investiront-elles ?

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est cohérent : c’est la seule chose sur laquelle on ne peut le contredire. Pour le reste, je n’ose imaginer les cris d’orfraie qu’aurait poussé la majorité actuelle si la gauche avait annoncé un déficit correspondant à 8 % du PIB !

Aucun des deux ministres n’a daigné utiliser le terme de « chômage ». En jargon techniciste, on préfère parler de « destruction d’emplois ». Pour ceux qui en sont victimes, c’est la même chose. Tenons-nous en à la réalité : l’aggravation du chômage et l’appauvrissement massif…

Mme Chantal Brunel. Cela n’a rien à voir avec le budget !

M. Jean-Pierre Brard. Bien au contraire !

Dans sa conférence de presse de Pittsburgh, truffée de fautes de français, le Président de la République a annoncé des mesures dont aucune ne se retrouve dans ce budget : rien contre la fraude, rien qui aille dans le sens d’une taxe Tobin ; en revanche, on nous annonce des impôts nouveaux sur les indemnités journalières et sur les retraites, ainsi qu’une extension de la CSG, sans aucun plancher, aux plus-values immobilières et aux contrats d’assurance-vie en cas de décès.

Bref, vous frappez à nouveau, pour l’essentiel, les petites gens. Les banquiers, eux, peuvent renouer avec leurs pratiques détestables, désormais garanties par l’État via la SFEF.

J’en viens à mes questions. Pouvez-vous nous dire par quelle recette d’un rapport équivalent vous remplacerez la taxe professionnelle pour chaque niveau de collectivité ?

J’aimerais enfin savoir combien il reste d’argent à M. Tapie car il y a peut-être par là quelques sous à trouver…

M. Hervé Mariton. S’agissant des remboursements effectués par les banques, l’État a-t-il son mot à dire ou bien les établissements décident-ils seuls du moment où ils y procèdent ? Dans la première hypothèse, celui choisi par BNP Paribas vous paraît-il opportun ?

Pour ce qui est de la taxe professionnelle, si je comprends tout l’intérêt aujourd’hui de la supprimer pour les entreprises – à condition que son produit soit compensé pour les collectivités –, je trouve curieux que cette réforme de la fiscalité locale intervienne avant celle de la décentralisation. Comment le justifiez-vous ?

S’il est intelligent de « verdir » la fiscalité en faisant en sorte que des impôts existants tiennent mieux compte des enjeux environnementaux, l’instauration d’une taxe carbone relève, elle, d’une tout autre logique. La stratégie du Gouvernement est-elle de « verdir » la fiscalité existante ou, au motif que ce « verdissement » ne permettrait d’aller ni assez vite ni assez loin, de créer de nouveaux impôts ? C’est une question clé pour l’évolution de la fiscalité écologique.

Enfin, madame la ministre, si vous avez largement évoqué le G20 et les succès qu’y a obtenus le Gouvernement français, vous n’avez quasiment pas parlé de coordination au niveau européen. Des discussions ont-elles été engagées avec nos partenaires européens en vue de remplacer le défunt pacte de stabilité ? Un calendrier est-il prévu ?

M. Henri Emmanuelli. Nous savons d’avance que, quelques semaines seulement après son adoption, ce projet de budget sera rendu caduc par le collectif consacré au grand emprunt. Comment le Conseil constitutionnel pourra-t-il considérer que le projet de loi de finances soumis au Parlement était sincère ?

Certaines de vos affirmations, madame la ministre, monsieur le ministre, témoignent pour le moins d’un manque de considération à l’encontre des membres de la Commission des finances.

Ainsi nous avez-vous expliqué que l’État avait fait « une bonne affaire » avec l’aide accordée aux banques à l’automne dernier puisque cela allait lui rapporter 1,4 milliard d’euros. Il faut rappeler que vous aviez à l’époque refusé d’entrer au capital des établissements, comme nous vous l’avions conseillé. Or, le cours de l’action BNP Paribas, alors tombé à 27 euros, est aujourd’hui remonté à 58 euros. Si vous nous aviez écoutés, sur ce seul établissement, l’État aurait réalisé une plus-value de cinq milliards d’euros ! Comment pouvez-vous aujourd’hui parler de « bonne affaire » ? Une nouvelle fois, c’est l’État qui a pris des risques lorsqu’il y en avait et ce sont les actionnaires qui vont encaisser les plus-values.

M. François Goulard. Les cours auraient aussi pu diminuer…

M. Henri Emmanuelli. Il aurait alors fallu attendre le moment opportun pour vendre. D’où la pertinence de la question posée sur le moment choisi pour le remboursement.

Autre insulte à l’intelligence des commissaires : vous vous apprêtez, comme vous l’a suggéré M. Copé, à soumettre à l’impôt sur le revenu les indemnités journalières d’accident du travail, au motif qu’il est logique que tous les revenus du travail soient taxés d’égale façon. Mais dans le même temps, vous ne proposez pas de supprimer la détaxation des heures supplémentaires, et ce alors même que le chômage explose. S’il est bien de faire valoir certain principe dans un cas, encore faudrait-il ne pas s’en affranchir grossièrement dans un autre !

Nul ne nie ici la crise non plus que le fait que notre pays n’est pas le seul dont les comptes publics se sont fortement détériorés. Mais lorsque monsieur le ministre nous dit qu’il n’y aura pas d’impôt nouveau et que l’inflation ne repartira pas, chacun sait que ce n’est pas vrai. Au-delà du principe du bouclier fiscal, scandaleux en lui-même, certaines situations concrètes font encore apparaître plus clairement ce scandale. Ainsi un contribuable qui perçoit 300 000 euros de revenus d’une assurance-vie qui, non fiscalisables, n’existent donc pas aux yeux du fisc, peut se voir rembourser 50 % de ses impôts locaux. N’est-ce pas là pure provocation ? Alors, oui, il existe bel et bien des marges de manœuvre pour accroître les recettes et ainsi assainir quelque peu nos finances publiques, sans obérer en rien nos capacités d’investissement. Il suffirait d’en finir avec toutes ces niches, sans même parler de la lutte contre la fraude fiscale. Il y a vraiment des moments où je me demande à quoi nous servons !

M. Daniel Garrigue. Ce projet de budget traduit une double crise des finances publiques et de la solidarité.

Des finances publiques tout d’abord. On fait l’impasse sur la couverture de certaines dépenses fiscales nouvelles et on occulte la progression des dépenses. Plus grave encore, on instille dans l’opinion publique l’idée que le creusement des déficits est inéluctable – force est d’ailleurs de constater que ceux-ci avaient commencé de se creuser avant la crise. Comment pourrions-nous par ailleurs nous prononcer sérieusement sur ce projet de budget, notamment sur le niveau d’endettement qu’il comporte, sans connaître ni le montant du futur grand emprunt ni le cadre dans lequel seront gérées les dépenses qu’il doit financer ? Un autre motif d’inquiétude tient aux risques de divergences avec certains de nos partenaires européens. Au moment où l’on parle de gouvernement économique de l’Europe, nous aimerions bien savoir si et comment la France s’est concertée, notamment avec les pays de la zone euro, pour préparer ce budget.

Celui-ci trahit aussi une crise de la solidarité. Alors même que le ministre nous explique qu’il n’y aurait pas de sens à augmenter les prélèvements, le Gouvernement s’apprête pourtant à instituer la nouvelle taxe carbone – d’autres, archaïques, reposant sur les pylônes ou les transformateurs, étant par ailleurs à l’étude. Le futur projet de loi de financement de la sécurité sociale, quant à lui, comporte une hausse du forfait hospitalier tandis qu’il est prévu, de manière tout aussi injuste, de taxer les indemnités journalières d’accident du travail. Pourquoi ne pas augmenter plutôt, ce qui serait beaucoup plus juste, l’impôt sur le revenu, la CRDS ou la CSG ? Je n’ignore pas que si vous vous y refusez, c’est que cela aurait une incidence sur le bouclier fiscal et que cela vous gêne. Pour sortir de cette impasse, seriez-vous prêts à remettre en question d’une façon quelconque ce bouclier, qu’il soit supprimé, suspendu, ou plafonné pour les contribuables les plus fortunés au moins ?

S’agissant des paradis fiscaux, vous avez indiqué que des mesures seraient prises pour « le solde ». Mais il semble qu’un pays puisse très facilement ne plus être considéré comme un paradis fiscal. Vous avez parlé d’une évaluation mais qui en fera l’objet ? La plupart des paradis fiscaux signent des accords entre eux et des accords bilatéraux à la portée limitée, prévoyant seulement qu’ils livrent les informations demandées. À entendre le discours des banques suisses alors même que la Suisse ne figure plus dans la liste des paradis fiscaux, on peut légitimement s’interroger !

M. Marc Goua. Les ministres nous ont assuré que nous n’étions pas en déflation. Or, dans la zone euro, l’inflation a été de -0,3% sur un an, et encore de -0,2% le mois dernier. En Allemagne, si le nombre de chômeurs a augmenté de 220 000 en un an, ce qui, soit dit au passage, est proportionnellement beaucoup moins qu’en France, compte tenu que la population allemande est une fois et demie plus nombreuse, il a diminué de 20 000 le mois dernier.

J’aimerais savoir ce qu’une hausse d’un point des taux d’intérêt représenterait comme dépense supplémentaire dans le budget 2010. La Cour des comptes a indiqué qu’au taux de 4%, la charge de la dette représenterait 8% du revenu national et serait supérieure aux recettes totales de TVA. Jusqu’à quand un tel niveau d’endettement sera-t-il supporté et supportable ?

Par ailleurs, il est abusif de soutenir, comme dans le document qui nous a été remis, que « la sortie progressive du plan de relance contribue à la réduction du déficit budgétaire de 24 milliards d’euros entre 2009 et 2010. » Elle y contribue en effet à hauteur de 31,5 milliards d’euros, mais la réforme structurelle de la TVA coûte 6 milliards d’euros.

La diminution du PTZ, qui avait doublé, constitue une attaque contre les classes moyennes qui cherchent à accéder à la propriété.

Enfin, quid de l’évolution de la dotation de solidarité urbaine ? Rien n’en est dit.

M. René Couanau. S’agissant de la taxe carbone, dont je ne remets nullement en cause le principe, n’aurait-il pas été plus cohérent et plus compréhensible pour tous d’affecter le montant de 1,9 milliard d’euros qui sera acquitté par les entreprises à un fonds de financement d’investissements destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à développer les transports collectifs, notamment en zone rurale, à améliorer l’efficacité énergétique de l’habitat ? En effet, la nouvelle taxe ne sera pas remboursée aux entreprises comme elle le sera aux ménages car elle est censée être compensée par la suppression de la taxe professionnelle. Le risque est que son produit ne se fonde dans les recettes générales du budget. Je n’ignore pas les réticences des tenants de l’orthodoxie budgétaire quant à la création de fonds d’affectation spéciale, mais le nouveau dispositif en eût été plus crédible.

La taxe professionnelle va être supprimée le 1er janvier 2010, alors que la réforme des collectivités, notamment de leur financement, n’interviendra, elle, qu’en 2011. Que se passera-t-il donc en 2010 ? Quelles compensations toucheront-elles ? Sur quelles bases ? L’Association des maires de France, comme toutes les associations d’élus locaux, avait demandé une nouvelle source de financement dynamique et n’exonérant pas les collectivités de leur responsabilité. Or, si j’ai bien compris, la part de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée sera redistribuée au niveau national. Les collectivités recevront donc une dotation, soit tout le contraire d’une recette dynamique sur laquelle elles auraient prise. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, même si le projet de réforme n’est pas encore entièrement bouclé ?

Enfin, comme Daniel Garrigue, je persiste à penser que le Gouvernement aura au fil des ans de plus en plus de mal à défendre le dogme du bouclier fiscal. Pourquoi ne pas avoir assorti l’ensemble des mesures de ce budget, qui sont bonnes, d’un début de réforme de ce bouclier, qu’il soit plafonné ou qu’en soient exclus les impôts locaux, dont rien ne justifie qu’ils y entrent, ou bien encore les cotisations sociales alors qu’un effort va être demandé à la nation tout entière, en matière sociale, le problème étant, nous dit-on, davantage celui des recettes que des dépenses. Je ne comprends pas l’obstination du Gouvernement à refuser de toucher non pas au principe du bouclier fiscal, mais à ses modalités d’application.

M. Pierre-Alain Muet. Pour la première fois depuis 1945, deux années consécutives, le déficit public dépassera 8 % du PIB et son montant sera à peu près égal à la moitié des dépenses du budget général. Comme l’a souligné le Premier président de la Cour des comptes, la dette risque bel et bien de devenir incontrôlable.

Comment, dans une situation où le déficit public sert à financer les intérêts de la dette et une large part des dépenses courantes, signe d’une gestion financière hasardeuse et inconséquente, peut-on envisager un grand emprunt ayant vocation à financer des dépenses d’avenir ? Où est la cohérence ? Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce qu’avant même la crise, le déficit de notre pays représentait 3,4 % du PIB. L’Allemagne, dont l’économie est beaucoup plus ouverte que la nôtre, a certes davantage souffert que nous de la crise et son PIB s’est plus fortement dégradé, mais ses comptes étaient à l’équilibre lorsque celle-ci est survenue. Malgré une récession deux fois plus forte, elle a réussi à stabiliser son niveau de chômage, alors qu’il a explosé dans notre pays. Vous parlez de réduire le déficit d’un point de PIB par an mais comment vous croire alors que vous n’y êtes jamais parvenus jusque-là ? De 2002 à 2008, le déficit n’a jamais diminué, toujours voisin de 3 % du PIB. Depuis 25 ans, il n’y a qu’entre 1997 et 2001 que le déficit a été réduit d’un demi-point de PIB par an. Comment allez-vous faire pour tenir vos prévisions ? À la lumière de votre action passée, c’est bien le scénario d’une dette explosive et incontrôlée, implicitement décrit par la Cour des comptes, qui risque de se produire.

M. Jean-Yves Cousin. Ce budget traduit une forte volonté de mettre le pays en bon état de marche pour la sortie de crise, ce dont je me réjouis. Pour autant, s’agissant du bouclier fiscal, je rejoins l’analyse de René Couanau.

Ma question porte sur la réforme de la taxe professionnelle. Il est essentiel pour les collectivités de conserver à la fois leur autonomie fiscale et des recettes dynamiques. L’assiette de la valeur ajoutée me paraît une bonne réponse. Mais les communes et les structures intercommunales en bénéficieront-elles ?

M. François Goulard. S’il est vrai que la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses partenaires, cela tient en partie, vous ne l’avez pas dit, à la part des dépenses publiques dans son PIB, les fameux « stabilisateurs automatiques ». Autant cela a amorti la crise, autant en régime de croisière, ce niveau tout à fait exceptionnel – nous serons l’an prochain les champions du monde de la dépense publique – handicape notre croissance et nous en paierons le prix en sens inverse, même si cela sera moins visible. Je tiens à souligner que certains qui s’inquiètent aujourd’hui ici du niveau du déficit actuel jugeaient insuffisant le plan de relance et prêchaient en faveur d’une augmentation encore plus forte de la dépense publique pour faire face à la crise. Passons !

Pour ma part, je pense que le plan de relance était bien calibré mais alors que nous sortons de la crise, il ne semble pas que l’on ait vraiment pris conscience de la situation dramatique de nos finances publiques, comme celles d’ailleurs de la plupart des pays occidentaux. S’agissant des recettes, on continue de prêcher la diminution des impôts, et on s’y livre, par exemple en supprimant la taxe professionnelle. Fût-ce politiquement incorrect, je me demande s’il était vraiment opportun de réduire à cet instant les recettes de l’État. D’un autre côté, on continue à dépenser sans compter comme si la dépense était nécessairement vertueuse. Est-il pertinent d’engager sept milliards d’euros de dépenses en faveur de l’activité fret de la SNCF alors que tous ceux qui connaissent le dossier savent que les difficultés actuelles ne tiennent pas à un sous-investissement mais à la gestion interne de l’entreprise ? Ne faudrait-il pas faire preuve de plus de pédagogie vis-à-vis des responsables des entreprises publiques et de l’opinion ? En entérinant en 2010 la dérive inévitable et nécessaire enregistrée en 2009, ce projet de budget n’indique pas la bonne direction.

Et que dire du grand emprunt ? Il n’est pas sérieux à mes yeux dans la situation actuelle de nos finances publiques, d’envisager plusieurs dizaines de milliards d’euros de dépenses nouvelles, fussent-elles d’investissement. D’autant que chacun sait que nous ne parviendrons pas à dépenser cinquante milliards d’euros en un an ni même en deux, même si on a confié à l’imagination fertile de deux inspecteurs généraux des finances retraités le soin de dresser une liste des dépenses envisageables.

S’agissant de la taxe carbone, je ne suis toujours pas convaincu que taxer la consommation d’énergies fossiles dans un pays comme le nôtre aura la moindre incidence sur l’état de la planète dans les années à venir, quand on connaît les consommations actuelles et les tendances de leur évolution dans le monde. Pour autant, cette taxe est appelée à augmenter et pour qu’elle soit vraiment efficace, ce n’est pas de quelques centimes seulement qu’il faudra relever le prix du litre d’essence ou de gazole ! Par ailleurs, si cette taxe doit systématiquement être compensée pour les ménages, notamment par une baisse de l’impôt sur le revenu, outre que les compensations sont toujours arbitraires, que restera-t-il de cet impôt, au produit déjà faible dans notre pays ? On va peu à peu le démolir, comme Dominique Strauss-Kahn avait funestement commencé de démolir la taxe professionnelle lorsqu’il était ministre des finances.

Enfin, le Gouvernement s’était engagé ici l’an passé à ce que le produit du plafonnement des niches fiscales vienne en réduction de la recette nouvelle créée pour le financement du RSA. Or, on ne trouve nulle trace de cet engagement dans ce projet de budget. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce point ?

M. Claude Bartolone. Les premières collectivités à « boire la tasse » cette année seront les départements, dans la mesure où 80 % de leurs dépenses sont des dépenses obligatoires et que leurs perspectives de recettes s’assombrissent. Avant même toute simulation, dont je pense, comme le rapporteur général, qu’elles sont indispensables, des aberrations sautent aux yeux. Les départements, notamment ceux qui sont confrontés aux plus fortes dépenses sociales tout en ne bénéficiant que de faibles recettes et qui ont des taux élevés de taxe professionnelle, sont soumis à un ticket modérateur qui plombe parfois fortement leurs finances. À quel titre devrait-il être maintenu alors qu’on s’apprête à supprimer la taxe professionnelle ?

J’appelle l’attention sur le fait que c’est la première fois qu’autant de départements auront une épargne nette négative. Leur seule solution pour présenter un budget en équilibre sera d’augmenter leur endettement – l’État aura alors beau jeu de prétendre qu’il maîtrise, lui, le sien ! – ou de diminuer leurs dépenses, en premier lieu d’investissement, auxquelles l’État les appelle pourtant. Pas un ministre en effet ne se déplace en visite officielle sans réclamer des départements ou des régions qu’ils investissent dans les universités ou dans d’autres grandes infrastructures… La seule variable d’ajustement dont disposent les départements pour éviter le dérapage de leur budget est de ne plus investir dans des équipements relevant de la compétence de l’État. Quels risques supplémentaires représente pour les départements l’accroissement de leur endettement et quelles conséquences aura sur le niveau d’investissement public, jusque-là élevé dans notre pays, la baisse inévitable des dépenses d’investissement des départements dans les trois années à venir au moins ? Nous aimerions disposer de simulations sur ce sujet.

M. Henri Nayrou. Face à la situation, le Gouvernement ne peut pas rester inactif s’agissant du bouclier fiscal ni ne pas reporter la réforme de la taxe professionnelle, qui coûtera 12 milliards d’euros au budget de l’État en 2010. Enfin, il est indécent qu’avec un tel projet de budget, certains membres du Gouvernement osent donner des leçons de bonne gestion aux élus locaux !

M. le ministre. Monsieur le rapporteur général, nous avons gagné en 2009 1,250 milliards d’euro sur la SFEF - Société de financement de l’économie française - et 150 millions d’euros sur Dexia, soit au total 1,4 milliard d’euros. En 2010, les recettes devraient monter à 130 millions d’euros pour Dexia et 300 millions pour la SPPE - Société de prises de participation de l’État -, étant entendu que pour la SFEF, le dispositif s’arrête. Voilà en tout cas les sommes budgétées. Si elles sont supérieures, nous ne pourrons que nous en réjouir.

Alors que l’objectif de dépenses fiscales avait été fixé à 69,1 milliards d’euros en 2009, le montant avoisinera plutôt 70,7 milliards. Cette différence s’explique par la baisse de la TVA sur la restauration à hauteur de 1,3 milliard d’euros, le dépassement du crédit d’impôt « chaudière » pour 1,3 milliard d’euros également et diverses modifications techniques de périmètre, les dégrèvements d’investissements nouveaux notamment ayant été réintégrés dans les crédits d’impôt.

J’en viens au grand emprunt, évoqué par plusieurs orateurs qui l’ont rapporté notamment aux déficits publics. Ce qui, pour ma part, me semblerait anormal et insincère, monsieur Emmanuelli, serait que cet emprunt figure dans ce projet de budget alors que n’en ont été définis ni le montant ni les conditions ni l’utilisation et que le Parlement n’en a pas encore été saisi, et ce même si deux anciens Premiers ministres, inspecteurs généraux des finances retraités, y réfléchissent. Un collectif vous sera présenté, vraisemblablement début 2010, qui apportera les corrections nécessaires, dont nous aurons l’occasion de rediscuter.

M. Henri Emmanuelli. Quinze jours seulement après avoir voté le budget !

M. le ministre. Tels sont les faits. La même chose est d’ailleurs arrivée l’an passé.

S’agissant des mesures du plan de relance concernant les remboursements de TVA, il est vrai que leur coût final devrait être de 6,6 milliards d’euros, contre 3,6 initialement prévus. Cela tient à la forte attractivité du dispositif, qui a fait que les entreprises ont demandé davantage de remboursements et ont opté pour la mensualisation, laquelle coûte pas mal d’argent au départ en raison d’un effet d’anticipation. Nous y verrons plus clair dans quelques mois, ayant demandé une analyse précise de ces effets à la DGFiP. S’agissant des mesures concernant le paiement de l’impôt sur les sociétés, l’estimation initiale de leur coût à 1,8 milliard d’euros était trop faible : il sera de 4,5 milliards d’euros. Pour autant, il ne s’agit que d’une question de trésorerie. L’État devait de toute façon ces sommes, qui ne constituent en aucun cas des dépenses nouvelles.

En ce qui concerne la dette, oui, la charge de ses intérêts progressera en 2011 si les taux augmentent ou si l’inflation repart à la hausse, vraisemblablement de l’ordre de 4 milliards d’euros. Aujourd’hui, cette charge est somme toute assez bien contenue en dépit du volume parce qu’à la fois les taux d’intérêt et l’inflation sont faibles, inférieurs à leur niveau antérieur. Mais tous les pays verront la charge de leur dette s’alourdir en 2011. Vous avez raison, l’endettement public de la France est très élevé, mais il se situe dans la moyenne de celui des pays de l’Union européenne et est inférieur de vingt points à la moyenne des pays de l’OCDE.

S’agissant du plan de relance, M. Devedjian fera le point sur son exécution le 6 octobre prochain. Pour l’heure, celle-ci est bonne, 75 % des dépenses ayant été engagées. Il faut pousser les collectivités à lancer les opérations pour lesquelles elles avaient pris des engagements et veiller en fin d’année, pour les projets en cours d’instruction, à ce qu’elles ne soient pas pénalisées.

Le déficit de l’ensemble des régimes sociaux est estimé en 2009 à 27 milliards d’euros, dont 24 milliards pour le régime général, un milliard pour l’UNEDIC, 3 milliards pour le FSV, tandis que les régimes de retraite complémentaires AGIRC-ARCCO sont à l’équilibre. En 2010, le déficit s’établirait à 45 milliards d’euros, dont 31 milliards pour le régime général, 5 milliards pour l’UNEDIC, 4 à 5 milliards pour l’AGIRC-ARCCO et un montant équivalent pour le FSV. Pour ramener le déficit du régime général à 10 milliards d’euros, il faudrait qu’en 2011-2012, la masse salariale augmente de 10 %. Il est très difficile d’accroître les recettes de la Sécurité sociale, d’où la nécessité de bien maîtriser les dépenses, notamment en limitant la progression de l’ONDAM à 3 % et en engageant la réforme des retraites en 2010. Nous en discuterons avec les partenaires sociaux et le Parlement. Si le déficit de l’assurance maladie peut se combler de lui-même lorsque les recettes retrouvent un niveau normal, les régimes de retraite ne peuvent structurellement, dans le cadre actuel, être équilibrés. Et le Gouvernement a bien l’intention de s’attaquer à ce déficit structurel.

L’évolution du besoin de financement des collectivités avoisine -0,5% du PIB en 2010 contre -0,4% en 2008 et 2009.

La charge de la dette représentera 42,5 milliards d’euros en 2010, soit 500 millions de moins qu’en loi de finances initiale pour 2009 et 2,7 milliards de moins que dans la loi de programmation triennale. Ce niveau est en revanche supérieur à l’exécution 2009, du fait d’un effet volume à hauteur de quelque 2 milliards d’euros, d’un effet taux à hauteur de 600 millions en 2010 et de l’inflation. En 2011-2012, cette charge devrait s’accroître jusqu’à 47 ou 48 milliards d’euros.

Monsieur Migaud, nous nous opposons de longue date sur l’opportunité de baisser ou non les impôts, je ne m’y étends donc pas. Pour le reste, je pense que ce projet de budget s’articule bien avec le grand emprunt, dont on peut certes contester le bien-fondé. Pour ma part, je pense qu’il est nécessaire, à condition que l’on s’assure de sa rentabilité en opérant avec soin les choix, nécessairement restreints, qui seront faits.

Pour ce qui est des recettes issues du plafonnement des niches fiscales, je ne dispose pas encore d’estimations précises pour 2010. Je vous les ferai parvenir dès que possible.

Il est impossible de neutraliser la taxe carbone pour les collectivités territoriales et l’État. Cela permettra d’ailleurs qu’ils infléchissent leurs comportements. Pour être moi aussi maire, je sais que cela constituera une dépense supplémentaire pour ma commune et examine donc déjà comment on pourrait faire des économies sur l’éclairage, le chauffage…

M. Henri Emmanuelli. Les collectivités étaient déjà attentives à ces dépenses.

M. le ministre. Il n’est pas prévu de rembourser la taxe carbone aux collectivités. Dire le contraire serait vous mentir, et ce n’est pas mon genre…

Monsieur Chartier, les chiffres concernant les suppressions d’emplois publics sont des objectifs. Nous avons procédé à 5 000 suppressions de plus que prévu en 2008. Nous suivons tout cela de très près. L’objectif de 34 000 sera atteint, peut-être même dépassé.

Monsieur Cahuzac, il n’est pas exact de dire que nous avons choisi de nous endetter à court terme. Le ratio dette à court terme/dette à long terme a peu varié par rapport aux années précédentes : la maturité moyenne de notre dette est toujours de sept ans.

Pour ce qui concerne les avoués, le projet de loi de finances rectificatif comportera des mesures fiscales, qui ne sont pas encore finalisées.

Je confirme que les économies attendues sur l’emploi public sont bien de 500 millions d’euros par an. Depuis 2007, l’économie a été de 3 milliards bruts et 1,5 milliard net puisque la moitié de l’économie réalisée est réinjectée au profit de mesures salariales et catégorielles dans la fonction publique.

Monsieur de Courson, je n’engagerai pas ici le débat sur le déficit structurel. Je suis comme vous convaincu de la nécessité de réduire la part de la dépense publique dans notre pays : 56 % du PIB, c’est assurément trop, même s’il faut tenir compte de la contraction du PIB. Le bon niveau en France serait sans doute de 50 %, compte tenu de notre culture du service public. Nous essayons d’y parvenir.

S’agissant de la taxe carbone, vous avez vanté les mérites du dispositif institué en Suède. Mais il faut bien voir que nous rendrons aux entreprises l’intégralité du produit de la taxe, et bien au-delà d’ailleurs, au travers de la suppression de la taxe professionnelle. Nous restituons également le produit de cette taxe aux ménages. Seul le secteur public entendu au sens large ne se verra pas restituer cette taxe.

Je suis très opposé à une CSG départementale. Si l’on commençait à ouvrir une brèche en affectant une partie de cette contribution à tel ou tel niveau de collectivité, nous ne contrôlerions plus rien et il n’y aurait plus aucune cohérence dans notre politique fiscale générale. Même si les départements ont compétence en matière sociale, la CSG a été créée pour financer l’ensemble des régimes sociaux, ce à quoi elle ne suffit d’ailleurs pas. Ce n’est donc pas le moment de détourner une part de son produit !

Monsieur Brard, vous ne pouvez pas dire que rien n’est fait en matière de lutte contre la fraude. Des mesures figureront dans le collectif concernant les entreprises et soyez assurés que nous faisons tout ce qui est en notre possible. Pour ce qui est de M. Tapie, vous comprendrez que je ne puisse pas répondre contribuable par contribuable !

Monsieur Emmanuelli, il n’y a aucune contradiction entre la fiscalisation des indemnités journalières d’accident du travail et le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous avons défiscalisé celles-ci pour encourager au travail, mais hormis cela, les revenus du travail n’échappent pas à l’impôt. Il est logique que des revenus de substitution, ce qui est bien le cas des indemnités journalières d’accident du travail, soient taxés de la même façon.

M. Henri Emmanuelli. Expliquez-le à l’opinion publique !

M. le ministre. L’opinion publique doit trouver équitables les mesures prises. Pourquoi les indemnités journalières d’accident du travail seraient-elles traitées différemment des allocations chômage, des indemnités journalières maladie ou maternité ?

M. Henri Emmanuelli. Parce qu’on ne choisit pas d’avoir un accident du travail !

M. le ministre. Il faut distinguer entre la rente, éventuellement destinée à réparer l’accident du travail, qui demeurera défiscalisée, et l’indemnité journalière qui, elle, le sera car il s’agit d’un revenu de substitution.

Monsieur Garrigue, vous pensez que rien d’efficace n’a été fait pour lutter contre les paradis fiscaux : nous essaierons de vous démontrer le contraire. Des progrès spectaculaires ont d’ores et déjà été enregistrés.

M. Jean-Pierre Brard. Pipeau !

M. le ministre. On peut toujours tout contester. Lorsque nous ne faisions rien, vous nous le reprochiez et quand nous agissons, vous n’y croyez toujours pas !

M. Jean-Pierre Brard. Seul un syndicat endogame des voleurs s’est constitué !

M. le ministre. Non, les paradis fiscaux ne signent pas aujourd’hui de conventions qu’avec d’autres paradis fiscaux. La principauté d’Andorre a certes signé un accord avec le Liechtenstein, mais aussi avec l’Allemagne et s’apprête à le faire avec la Grande-Bretagne et la France. Dès lors que ces conventions auront été signées, tous les contrôles nécessaires seront possibles et opérés.

Mme la ministre. Je compléterai brièvement les excellentes réponses d’Eric Woerth.

Monsieur Brard, je m’étonne que vous jugiez négligeable ce que la France et l’Union européenne ont obtenu à Pittsburgh.

M. Henri Emmanuelli. C’est ce que dit la presse internationale.

Mme la ministre. Personne ne parlait des paradis fiscaux avant le 2 avril dernier et si le Président de la République n’était pas intervenu pour obtenir des pays de l’OCDE et du G20 une classification des États en « noirs, gris et blancs » et le début d’une liste –je vous concède qu’il ne s’agissait que d’un début -, rien n’aurait été fait. À Pittsburgh, alors même que les listes d’États noirs ou gris se sont déjà allégées, nous avons obtenu l’accord des pays du G20 pour que des sanctions soient prises à compter de mars 2010. Certains pays laisseront peut-être traîner les choses, ce ne sera pas le cas de la France, bien déterminée à agir. Des mesures seront prises comme l’alourdissement significatif de la fiscalité applicable au paiement des dividendes, aux flux de capitaux en provenance ou à destination des paradis fiscaux. Par ailleurs, vous n’ignorez pas que BNP Paribas a indiqué avant-hier qu’elle allait fermer l’ensemble de ses filiales implantées dans des paradis fiscaux, où elles faisaient essentiellement de la gestion de patrimoine. C’est un signe que les choses avancent, à notre initiative, et il est bienvenu que nous puissions montrer l’exemple. Enfin, au sein de l’OCDE qui a établi la liste des États « noirs, gris, blancs », le groupe de travail Global Forum a été réactivé. Présidé par François d’Aubert, qui y consacre beaucoup de temps et d’énergie, ce groupe examinera ce que fait concrètement chacun des pays membres de l’organisation pour lutter contre les paradis fiscaux. Nul ne peut nier que la France a été motrice en la matière.

Un mot sur les fruits des mesures de sauvegarde et de soutien au système bancaire prises à l’automne dernier. Alors que beaucoup de banques étaient en grand péril, les banques françaises, à l’exception de Dexia, tenaient à peu près la route, notamment par rapport à leurs homologues allemandes, britanniques et américaines. Nous avons choisi de ne pas entrer à leur capital pour ne pas laisser croire qu’une sauvegarde était nécessaire.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas la raison.

Mme la ministre. Si. En revanche, nous sommes entrés au capital de Dexia parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen de sauver la banque, en quoi nous avons été suivis par la Belgique et le Luxembourg, Dexia étant une banque franco-belgo-luxembourgeoise.

Ce contexte rappelé, nous sommes entrés sous forme de titres super-subordonnés ou d’actions préférentielles au capital des établissements. Je ne dis pas que nous avons fait « une bonne affaire », simplement agi de façon solide, sérieuse et raisonnable. En effet, les actions préférentielles sont mieux rémunérées que les actions ordinaires. Nous avons peut-être manqué une opportunité de plus-value, mais une moins-value eût tout aussi bien pu arriver ! Dans l’intérêt du pays et de l’ensemble du réseau bancaire français, nous avons préféré rester raisonnables, sans rechercher aucune spéculation et en incitant les établissements à rembourser les aides perçues. S’agissant des remboursements, les recettes encaissées au titre de la SFEF s’élèvent à 1,24 milliard d’euros. S’agissant des remboursements au titre des participations de l’État, nous avions pris pour hypothèse qu’il n’y en aurait pas en 2009. Or, un remboursement de la BNP va intervenir en octobre pour un montant de 5,3 milliards d’euros et une ou deux autres banques ayant bénéficié de ces actions préférentielles ou de ces titres super-subordonnés opéreront également un remboursement, leur situation s’étant rétablie et les ressources disponibles sur le marché financier étant désormais moins chères que les aides de l’État. Les banques arbitrent rationnellement en termes de coût.

M. le rapporteur général. L’idée un temps émise que les actions préférentielles puissent être transformées en actions ordinaires est donc abandonnée ?

Mme la ministre. Oui.

M. Henri Emmanuelli. Et voilà comment on perd cinq milliards d’euros !

Mme la ministre. Non.

J’en viens à la réforme de la taxe professionnelle. Sa suppression représentera un gain de 5,8 milliards d’euros pour les entreprises hors effet IS et de 4,3 milliards d’euros effet IS inclus. Monsieur le rapporteur général, l’écart entre ces 4,3 milliards et les 11,7 milliards  s’explique ainsi : si on ajoute à 4,3 milliards hors IS, 1,5 milliard d’effet IS, 5 milliards liés au décalage du plafonnement à la valeur ajoutée au titre de 2009 puisque les remboursements sont opérés l’année n+1, 400 millions de décalage de cotisation sur la valeur ajoutée et 500 millions d’écrêtement, on trouve bien 11,7 milliards d’euros pour 2009. Le 1,9 milliard d’euros de la taxe carbone constitue d’une certaine manière un poste séparé. Nous avons choisi de ne pas rembourser cette taxe aux entreprises ni d’en utiliser le produit pour abonder un fonds d’encouragement à l’investissement, tout simplement parce que la réforme en profondeur de la taxe professionnelle qui a été engagée se traduira par une amélioration considérable de la compétitivité des entreprises. Cette réforme leur donne en 2009 un énorme avantage à la fois de trésorerie et de productivité, qui demeurera substantiel s’agissant de la productivité en régime de croisière. Lorsque le prix de la tonne de CO2 sera progressivement relevé, conformément aux préconisations de la commission dite « verte », il sera toujours temps d’examiner, en fonction de la situation des finances publiques, s’il faut prévoir un dispositif spécifique de remboursement de cette taxe aux entreprises. Pour l’heure, l’amélioration de leur compétitivité résultant de la réforme de la taxe professionnelle est telle que cela ne nous a pas paru nécessaire.

Vous vous demandiez, monsieur le président, s’il était raisonnable d’augmenter la dépense en cette période de moindres recettes. C’est un pari, il est vrai, et nous sommes confortés dans cette démarche par la Commission européenne et le Fonds monétaire international qui nous recommandent de poursuivre, sur fonds publics, l’effort de soutien à la relance, afin de consolider la croissance.

En faisant ce pari, nous escomptons en effet une croissance améliorée – ce qui donnera également toute sa valeur aux  45 milliards d’euros engagés au titre du plan de relance – et un surplus de recettes. Lorsque la croissance, ainsi consolidée, pourra repartir avec les deux moteurs que sont l’investissement privé et la consommation – en espérant que nos exportations représenteront une contribution neutre, voire positive, arrivera le moment où l’on pourra réduire l’investissement public. C’est dans une telle perspective que nous prévoyons un redressement de la trajectoire des finances publiques à compter de 2011.

M. le président Didier Migaud. Quelle sera la part des entreprises industrielles dans le gain de 11,7 milliards d’euros obtenu avec la suppression de la taxe professionnelle ?

Mme la ministre. En régime de croisière, le gain pour l’industrie serait de l’ordre de 2,3 milliards d’euros par an. Mais en 2010, il sera évidemment beaucoup plus important.

Pour ce qui concerne le calendrier, monsieur Couanau, l’année 2010, année d’entrée en vigueur de la réforme, sera neutre pour les collectivités locales, l’État apportant sa compensation pendant tout l’exercice – soit sur la base 2009 et au taux 2009, soit sur la base 2010 au taux 2008, la meilleure de ces deux options pouvant être retenue. Nous rechercherons pendant cette année de transition la meilleure façon de ventiler entre les collectivités territoriales les recettes complémentaires – cotisation basée sur la valeur ajoutée, TASCOM, TASCA, allègements des frais de recouvrement, dotation complémentaire. Je serai ouverte à toute proposition sur ce point, sachant qu’il faudra rester ferme sur le taux national pour ce qui concerne la valeur ajoutée, afin que les entreprises disposent d’une visibilité de ce qui leur sera prélevé.

En réponse à Jérôme Chartier, je dirai que si la situation des pays de l’Est a été très tendue pendant une partie de l’année 2009 – notamment en Lettonie, pays qui a bénéficié d’un plan de soutien financé par la Commission européenne et le FMI –, la situation internationale semble aujourd’hui se normaliser. L’observatoire mis en place par le Fonds monétaire international ne nous laisse craindre aucune catastrophe.

M. Bartolone m’a interrogé sur le « ticket modérateur » créé en 2005, lors de la réforme dite Copé, afin d’éviter toute dérive en matière de taxe professionnelle grâce à un plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée. Ce dispositif sera maintenu. Son coût est de l’ordre de 600 millions d’euros, mais compte tenu du fait qu’un nombre beaucoup moins important d’entreprises dépassera le seuil de 3 %, on estime qu’il coûtera environ 100 millions d’euros à l’avenir. Des simulations seront par ailleurs adressées à votre commission, sur la base des calculs effectués de manière conjointe avec les services du ministère de l’intérieur. Nous n’avons évidemment pas couvert l’intégralité des communes, des départements, des régions et des EPCI, mais travaillé en retenant des catégories de collectivités.

Vous vous êtes interrogés sur la nature de la taxe carbone. Pour ma part, je considère qu’elle n’est pas vraiment une taxe, d’autant que son produit est restitué – entièrement dans le cas des ménages, et avec une forte contrepartie dans celui des entreprises. C’est plutôt un signal prix – dont on peut discuter le niveau – destiné à inciter à une modification des comportements. Quant aux mesures de « verdissement », elles visent à convaincre les constructeurs de bâtiment et les acquéreurs de biens immobiliers que pour bénéficier d’avantages fiscaux, ils doivent s’orienter vers des modes de construction, de chauffage, d’isolation qui respectent l’environnement.

Enfin, monsieur Mariton, en ce qui concerne le remboursement des participations de l’État, les banques prennent leur décision en fonction des opportunités du marché, après vérification auprès de la Commission bancaire et de l’Autorité des marchés financiers que le niveau de capitalisation est approprié et que le recours au marché se fait dans les conditions requises. À part cela, la décision est laissée à l’appréciation des établissements.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie. Nous aurons bien d’autres occasions de prolonger ce débat.

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