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Après que la Commission eut procédé à la désignation de rapporteurs sur les projets de loi dont elle était saisie, M. Christophe Carresche a estimé, au nom des commissaires socialistes, républicains et citoyens, que les brefs délais dans lequel le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive serait examiné ne devaient pas interdire à la commission des Lois de procéder à l’indispensable audition de M. Jacques-Henri Robert, président de la commission d’analyse et de suivi de la récidive.
Le président Jean-Luc Warsmann a indiqué qu’il transmettrait cette demande au rapporteur du projet de loi.
Puis la Commission a examiné, sur le rapport de M. Sébastien Huyghe, l’article 7 du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (n° 4), dont elle s’est saisie pour avis.
M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis, a souligné que si le niveau de la rémunération des dirigeants d’entreprise était en débat depuis plusieurs décennies en France, la question avait pris une importance plus forte à mesure que le capitalisme était passé d’un stade patrimonial à un stade financier. Il a observé que les critiques avaient plus particulièrement ressurgi à l’occasion des différents retournements de conjoncture impliquant des baisses de valeurs boursières pour les actionnaires et des licenciements pour les salariés, jugeant symptomatique que l’expression de ces critiques ait reçu un écho significatif jusque dans les pays considérés comme les plus libéraux, au premier rang desquels les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Il a rappelé ensuite que le Parlement français n’était pas resté passif dans ce débat puisque, dès le début de la XIIème législature, la commission des Lois de l’Assemblée nationale avait mené une réflexion sur les adaptations du droit des sociétés, qui évoquait, entre autres, le sujet de la rémunération des dirigeants d’entreprise. A l’époque, la Commission avait considéré qu’il fallait laisser la possibilité aux entreprises de réguler elles-mêmes leurs pratiques, grâce à l’élaboration de codes de bonne conduite interprofessionnels. Quatre ans ont passé et il faut bien reconnaître, à la lumière d’exemples récents, que le renforcement de la transparence des émoluments des responsables de sociétés cotées n’a pas permis de mettre un terme à des abus isolés.
Le rapporteur pour avis a estimé qu’il n’est pas anodin que le Gouvernement présente, dès le début de la XIIIème législature, des mesures encadrant davantage l’une des composantes emblématiques de la rémunération des dirigeants d’entreprise, à savoir les indemnités de départ plus connues sous l’appellation de « parachutes dorés », dans un projet de loi qui traite par ailleurs de la revalorisation du travail et du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes.
Les parachutes dorés sont apparus aux États-Unis, où ils ont connu un essor significatif et une vulgarisation importante au début des années 1980. Dans un contexte de crise économique consécutif au second choc pétrolier de 1979, les sociétés multinationales éprouvant de fortes difficultés de gestion ont cherché à attirer des dirigeants capables de redresser leur situation en leur octroyant des garanties financières forfaitaires équivalentes à une ou plusieurs années de salaire en cas de renvoi.
Le montant de ces indemnités a considérablement augmenté sous le double effet, d’une part, de la concurrence entre entreprises pour attirer les meilleurs gestionnaires et, d’autre part, des mouvements de fusion-acquisition, le parachute devenant un argument très efficace des sociétés prédatrices à l’égard du management des sociétés cibles. Les formes des avantages accordés ont également évolué, l’indemnité se diversifiant en mêlant au strict aspect financier des avantages matériels ou boursiers.
Peu à peu, les sociétés européennes ont, elles aussi, eu recours à ce procédé, leurs dirigeants prétextant l’existence d’un marché international du recrutement de gestionnaires d’entreprise pour exiger des avantages similaires à leurs homologues américains. Depuis dix ans, les indemnités de départ se sont ainsi généralisées, y compris en période de reprise économique.
Devenues aujourd’hui une composante à part entière de la part variable de la rémunération des dirigeants, ces indemnités ont atteint une proportion plus que significative des salaires de base, à en juger par une étude conduite par le cabinet Hay group, en 2006, auprès de près de dirigeants de multinationales américaines et européennes réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5 milliards d’euros. A titre d’illustration, le montant des indemnités de départ des dirigeants américains s’échelonnerait entre 100 et 300 % de leur rémunération annuelle en espèces, tandis qu’il se situerait à 250 % pour leurs homologues allemands, 200 % pour les dirigeants sociaux français et 100 % pour les Britanniques.
Il ressort de cette comparaison que les pratiques en matière de définition du montant des indemnités de départ versées aux dirigeants sociaux sont relativement similaires au sein des pays développés, ce qui n’est pas très étonnant dans un contexte d’économie fortement internationalisée. L’importance des sommes allouées est incontestable mais le problème principal réside plus particulièrement dans leur adéquation au bilan du dirigeant révoqué.
Le rapporteur pour avis a jugé qu’il serait d’ailleurs inexact, pour ne pas dire partial, d’affirmer que l’attribution de tels parachutes dorés à des dirigeants d’entreprises s’est jusqu’à présent effectuée, en France, en l’absence de limites légales et de contrôles du juge. D’une part, les « golden parachutes » doivent être autorisés par le conseil d’administration ou de surveillance de la société, conformément au régime des conventions réglementées dont ils relèvent, en application des articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce, le non-respect de ces procédures entachant de nullité l’avantage consenti. D’autre part, les dirigeants étant, pour les principaux d’entre eux, révocables ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, sans préavis, ni motivation, la jurisprudence a été amenée à sanctionner tout « golden parachute » présentant un caractère financièrement dissuasif et liant les décideurs de la révocation ; dans certains cas, lorsque l’intérêt social s’est trouvé en cause, elle a même pu exercer un regard attentif sur le montant des sommes allouées.
Néanmoins, comme l’a déploré le Président de la République, il n’existe pas de lien systématique entre le versement d’une rémunération différée substantielle, au moment du départ d’un dirigeant de société, et les performances que celui-ci a pu réaliser. Cette situation est d’autant plus regrettable que, fondamentalement, les dirigeants d’entreprise sont des gestionnaires, recrutés pour développer la société et la valoriser.
L’exemple le plus caricatural est sans doute fourni par l’ancien président directeur général du groupe World Com qui, malgré la faillite de sa société, s’est vu accorder en 2002 le remboursement d’un prêt de 400 millions de dollars ainsi que des indemnités annuelles avoisinant 1,5 million de dollars. A moindre échelle, de telles pratiques ont parfois pu être mises en œuvre en France sans déroger aux obligations légales, ce qui souligne, à l’heure où la gouvernance ne se réduit plus à un vague concept, les carences de notre législation. Certes, il existe aussi des contre-exemples, à l’image de M. Pierre Bilger, ancien président directeur général d’Alstom qui, en 2003, renonça à un parachute doré de 4,1 millions d’euros en raison des difficultés de son entreprise. Néanmoins, ils restent minoritaires.
Le rapporteur pour avis a fait valoir qu’à partir du moment où la pratique des parachutes dorés s’est, dans les faits, transformée en véritable politique de rémunération, il convient d’en tirer les conséquences sur le plan juridique. La réforme proposée se veut donc tout à la fois efficace et réaliste. Elle porte plus particulièrement sur deux aspects fortement décriés.
En premier lieu, le caractère systématique du gain des bénéficiaires de parachutes dorés ou de rémunérations équivalentes, quels que soient leurs résultats de gestion, se trouvera remis en cause. Le versement des indemnités deviendra en effet subordonné à des conditions de performance fixées a priori par le conseil d’administration ou de surveillance, lequel en appréciera également la réalisation au moment du départ du dirigeant.
En second lieu, la transparence des attributions de « golden parachutes » sera renforcée, puisque la conclusion de clauses d’indemnités de départ se verra soumise à des exigences de publicité à brefs délais.
En conclusion, le rapporteur pour avis a considéré que ces modifications de la législation apporteront des réponses pragmatiques et concrètes à des dérives regrettables. Le principe du versement d’indemnités de départ prendra davantage de sens économique, dans la mesure où seuls les dirigeants efficaces révoqués de manière impromptue ou à la suite d’une offre publique d’acquisition à laquelle ils étaient hostiles continueront à y avoir droit. De surcroît, il est probable que la transparence prévue amènera les protagonistes à observer une certaine mesure quant aux montants à percevoir.
M. Alain Vidalies a tout d’abord rappelé que le Président de la République, alors candidat, avait jugé nécessaire, lors d’un discours à Agen et en réaction notamment à la situation du co-président du conseil d’administration d’EADS, d’assimiler la pratique des parachutes dorés à une forme d’abus de bien social. Il s’est alors étonné de constater une légère distorsion entre cet objectif et les dispositions du projet de loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat. Il a ajouté que ce décalage était d’autant plus manifeste qu’une étude récente réalisée par le cabinet Hay Group faisait, selon un titre de La Tribune, des « patrons français » les « champions du parachute doré », confirmant ainsi la singularité de leur situation par rapport à leurs homologues européens.
Le projet de loi, loin de correspondre au slogan « travailler plus pour gagner plus », contribuera, avec le renforcement du bouclier fiscal, à permettre à ceux qui gagnent beaucoup de gagner encore plus sans travailler.
Pour répondre réellement à la problématique et pallier les insuffisances du texte proposé, M. Alain Vidalies a annoncé que le Groupe Socialiste, Républicain et Citoyen déposerait devant la commission saisie au fond des amendements qui imposeront une délibération fixant l’échelle des rémunérations au sein de l’entreprise et qui rendront obligatoire la publicité des termes de la convention de rémunération des dirigeants et leur transmission aux partenaires sociaux et pas seulement, comme cela est prévu dans le texte, la publicité de l’autorisation des parachutes dorés. Ce n’est qu’au prix de ces modifications que l’effet d’annonce pourra se transformer en réalité objective.
M. Jérôme Lambert a demandé de quelle manière le projet de loi empêcherait les dirigeants sociaux de percevoir des indemnités particulières par l’entremise de filiales de droit étranger. Il a craint que cet artifice ne puisse être évité et qu’en conséquence le texte soumis au Parlement ne reste lettre morte.
M. Serge Blisko, tout en relevant qu’il était toujours délicat de légiférer sous le coup des émotions suscitées dans l’opinion, a considéré qu’il était indispensable d’intervenir en la matière. Il s’est demandé si la prise en considération de la performance de l’entreprise, telle que proposée dans un amendement du rapporteur pour avis, pour accorder un parachute doré, pouvait, sans plus de précision, s’appliquer au cas récent d’Airbus, dont le dirigeant remercié avait touché une indemnité confortable alors que, presque dans le même temps, un plan massif de réduction des effectifs était annoncée.
Le rapporteur pour avis a apporté les éléments de réponse suivants :
– une interdiction pure et simple des parachutes dorés dans le code de commerce ne servirait à rien, dans la mesure où elle pourrait être contournée par le truchement de filiales de droit étranger, non concernées par la législation française. Le projet de loi tient compte de cette contrainte et apporte une réponse équilibrée, même s’il apparaît nécessaire de lancer, en complément, une réflexion au niveau communautaire en vue d’une harmonisation des pratiques en Europe ;
– il n’est pas certain que le législateur soit le plus à même de définir et de fixer a priori les critères de performance sur lesquels le bilan des bénéficiaires de parachutes dorés sera établi. En l’espèce, ce sont les conseils d’administration ou de surveillance qui apparaissent les mieux placés pour ce faire ;
– l’étude du cabinet Hay Group portait sur un panel de 3 000 dirigeants américains et européens. Sans information précise sur le nombre de chefs d’entreprises françaises sondés, il apparaît difficile de tirer des conclusions aussi définitives que celles d’un grand quotidien économique sur l’étendue et l’ampleur de la pratique des parachutes dorés en France. En outre, il est incontestable que les montants perçus aux États-Unis sont souvent – mais pas systématiquement – bien plus considérables qu’en France ;
– enfin, les actionnaires devraient être informés non seulement de l’autorisation de versement d’un parachute doré accordée par un conseil d’administration ou de surveillance, mais également de la nature des avantages consentis et de leur montant.
M. Arnaud Montebourg a souligné l’abîme qui s’est ouvert entre l’annonce de l’interdiction des parachutes dorés par le Président de la République, alors en campagne, et la grande plasticité des dispositions du présent projet de loi. Il a regretté que de véritables sanctions ne soient pas prévues en cas d’indemnités manifestement outrancières, avant de rappeler que les socialistes, soucieux de réguler les excès de l’économie, avaient proposé sous la précédente législature de confier à l’assemblée générale des actionnaires la définition de la nature de toutes les rémunérations directes et indirectes dans l’entreprise.
Il a fait observer qu’une telle pratique était en cours dans de nombreux pays voisins, où un véritable pacte économique et social est défini dans chaque unité productive, sans que, contrairement à ce que M. Pascal Clément, alors président de la commission des Lois, avait répondu à ces propositions, l’économie de ces pays ne s’en trouve ruinée. La modération salariale exigée des salariés ne devrait pas s’accompagner d’une immodération incontrôlée de la rémunération des dirigeants.
M. Bernard Carayon a relevé que les dispositions en cause ne posaient rien moins que la question de la moralisation de l’économie capitaliste, question à laquelle devait être apportée une réponse pragmatique et technique.
Une première réponse pourrait être transversale, fondée sur l’application de normes générales, sans distinction de secteur, auquel cas on risquerait de se trouver face à des règles rapidement dépassées par le jeu des négociations internationales. Une seconde réponse, plus adaptée, consisterait à confier à chaque assemblée générale d’actionnaires, entreprise par entreprise, le soin de définir des normes particulières, permettant de répondre aux spécificités de chaque secteur, la marge d’un point du secteur automobile ne pouvant être comparée aux quatorze points de marge enregistrés dans un secteur comme celui des cosmétiques.
Il a par ailleurs estimé que la nullité de plein droit constitue une sanction amplement suffisante et conforme aux règles du code de commerce.
Mme Arlette Grosskost a souhaité avoir des précisions sur le contenu du premier alinéa auquel renvoyaient les alinéas 6 et 13 de l’article 7 du projet de loi.
Après avoir rappelé les termes du 1er alinéa de l’article L. 225-90-1 du code de commerce, le rapporteur pour avis a affirmé qu’il lui apparaissait spécieux d’attribuer au Président de la République la promesse de supprimer les parachutes dorés, alors qu’il s’était seulement offusqué que des dirigeants laissant leur entreprise dans une mauvaise situation puissent en bénéficier. De ce point de vue, le projet de loi est parfaitement conforme avec les propositions formulées pendant la campagne présidentielle : seuls les chefs d’entreprise ne remplissant pas des conditions de performance ne pourront se prévaloir de tels avantages, la sanction prévue étant la nullité absolue de toute indemnité consentie en violation de cette disposition.
Le rapporteur pour avis a également rappelé que l’assemblée générale des actionnaires se prononcera sur les conventions accordant des parachutes dorés, de sorte qu’elle sera appelée à exercer une surveillance étroite quant à son principe et à son contenu.
Il a enfin indiqué que les conditions de publicité de l’autorisation d’octroi et du versement d’un parachute doré seront fixées par décret en Conseil d’État, lequel pourra fort opportunément prévoir que les critères de performance arrêtés par le conseil d’administration ou de surveillance seront portés à la connaissance des actionnaires de manière à éclairer leur approbation sur les avantages consentis.
La Commission est alors passée à l’examen de l’article dont elle s’est saisie pour avis.
Article 7 (art. L. 225-42-1, L. 225-22-1, L. 225-90-1 et L. 225-79-1 du code de commerce) : Assujettissement des éléments de rémunération différée des dirigeants d’entreprises cotées à des critères de performance sous le contrôle des organes sociaux :
Le rapporteur pour avis a présenté un amendement visant à soumettre l’octroi de rémunérations, indemnités ou avantages de départ au dirigeant d’une société anonyme à conseil d’administration non seulement aux performances de ce dirigeant mais également aux performances de la société elle-même.
La Commission a adopté cet amendement.
Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur ayant le même objet en ce qui concerne les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance.
Le rapporteur pour avis a présenté un amendement prévoyant que les commissaires aux comptes attestent des informations relatives à la rémunération des dirigeants de sociétés qui sont publiées dans le rapport annuel, sur le fondement de l’article L. 225-102-1 du code de commerce. Il a expliqué que cette disposition, suggérée par la mission d’information de la Commission des Lois sur la réforme du droit des sociétés, avait été prévue par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, avant d’être supprimée six mois plus tard par une ordonnance, et qu’il paraissait utile de la rétablir.
La Commission a adopté cet amendement.
Puis elle a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence ainsi qu’un amendement de coordination du même auteur.
La Commission a alors émis un avis favorable à l’adoption de l’article 7 ainsi modifié.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
— M. Guy Geoffroy, rapporteur sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (sous réserve de son adoption par le Sénat) ;
— M. Bernard Carayon, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant création d’une délégation parlementaire au renseignement (n° 13) ;
— M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (n° 4) (Art. 7).
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