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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 17 octobre 2007

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 08

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi de finances pour 2008

– Examen pour avis des crédits des missions « Justice » : « Justice et accès au droit » (M. Jean-Paul Garraud, rapporteur), « Administration pénitentiaire et protection de la jeunesse » (Mme Michèle Tabarot, rapporteure)

– Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi de finances pour 2008.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné sa volonté d’améliorer la qualité de la justice dans l’intérêt du justiciable. Aujourd’hui, 66 % des Français considèrent que leur justice fonctionne très mal. Ils lui reprochent d’être lente et de manquer d’efficacité. Ils ont le sentiment qu’elle ne s’applique pas de la même manière partout et pour tous.

Les Français doivent pouvoir se reconnaître dans cette justice qui est rendue en leur nom. Ils attendent qu’elle se montre plus ferme avec la délinquance, et plus humaine avec les victimes. Ils attendent qu’elle rende ses décisions dans des délais raisonnables et qu’elle les fasse exécuter. Ils attendent enfin qu’elle soit plus facile d’accès. Ils veulent qu’elle s’adresse à eux dans un langage compréhensible. Ils attendent qu’elle s’acquitte efficacement de ses missions au service du bien commun.

Il faut donc rénover l’organisation de la justice, la rendre plus cohérente, plus rationnelle, plus efficace. Cette action demande de la volonté et du courage. Elle appelle la mobilisation de tous. Elle est déjà en marche, avec les réformes qui ont été engagées depuis mai dernier. Le Parlement y prend sa part, les projets qu’il a déjà adoptés en témoignent.

Le Gouvernement est conscient des défis que la justice doit relever. Il a fait du budget de la justice une priorité dans son projet de loi de finances pour 2008. Ainsi, le projet de budget de la justice augmente de 4,5 %, pour atteindre 6,52 milliards d’euros, tandis que que le budget de l’État ne progresse que de 1,6 %. Dans le même temps, 1615 créations d’emploi sont prévues pour la justice, alors que l’État ne remplace pas 22 900 départs en retraite dans l’ensemble de ses ministères.

En faisant ce choix clair, le Gouvernement confie à la garde des sceaux une grande responsabilité. Il faut sans plus attendre moderniser le système pénitentiaire pour mieux enrayer la récidive ; changer le regard que les victimes portent sur la justice, en changeant celui que la justice pose sur elles ; améliorer le fonctionnement des juridictions.

Le premier axe est celui de la modernisation du système pénitentiaire.

La loi du 10 août 2007 a permis de prendre de front le phénomène de la délinquance, en particulier celui de la récidive. Une politique pénale n’est légitime que si elle repose sur le respect de la personne humaine en détention, c’est d’ailleurs un point auquel Michèle Tabarot, rapporteure pour avis, est particulièrement sensible.

Le futur Contrôleur général des lieux de privation de liberté aura la mission de veiller au respect de ces droits fondamentaux.

La loi pénitentiaire qui sera présentée en novembre redéfinira le rôle et les missions de la prison. Elle améliorera les conditions de prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels.

La France doit par ailleurs disposer du nombre de places en détention dont elle a besoin. Elle doit aussi améliorer la réinsertion des détenus.

En 2008, 1100 postes supplémentaires seront créés au sein de l’administration pénitentiaire. Sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes, dont trois spécialement dédiés aux mineurs.

Les « séjours » de courte durée en prison et les sorties « sèches », sans mesures d’accompagnement, préparent mal à la réinsertion. Lutter contre la récidive suppose ainsi de développer l’aménagement des peines, afin de permettre aux condamnés de retrouver une place dans la société.

Ainsi, 5,4 millions d’euros seront consacrés au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles et ce sont quelque 3 000 bracelets qui seront disponibles dès 2008. Par ailleurs, un million d’euros sera consacré au financement des associations qui aident à la réinsertion des condamnés.

Les mineurs reçoivent une attention particulière dans la politique pénale. Les centres éducatifs fermés ont montré leur efficacité : 61 % des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. En leur donnant les repères qui leur ont manqué, ces centres leur offrent une nouvelle chance.

Dix nouveaux centres ouvriront en 2008, ce qui portera leur nombre à 43. En outre, cinq d’entre eux seront dotés d’une prise en charge pédopsychiatrique renforcée répondant ainsi à une demande des juges pour enfants et des éducateurs.

Le budget pour 2008 permet la création de cent emplois supplémentaires qui permettront de renforcer l’action de la PJJ dans les centres fermés et dans les établissements pour mineurs.

Le deuxième axe vise à changer le regard que la justice pose sur les victimes. Pour ces dernières, les procédures judiciaires relèvent souvent d’un « parcours du combattant ». Les victimes ont le sentiment que la justice a pour elles moins de considération que pour les condamnés. Trop souvent, les faits leur donnent raison.

La ministre a donc exprimé la volonté d’améliorer la réponse judiciaire qui leur est faite. Des progrès ont déjà été accomplis, en particulier grâce aux bureaux de l’exécution des peines, dispositif qui sera généralisé. Il faut mieux accompagner les victimes, leur garantir que les peines prononcées seront bien exécutées et améliorer leur indemnisation.

Une série de mesures a été annoncée, qui seront mises en œuvre en 2008 : un service d’assistance au recouvrement des victimes d’infraction (SARVI) sera créé. Un juge délégué aux victimes sera instauré. Les missions du juge qui préside la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) seront élargies. L’action des associations sera confortée par une augmentation de 15 % de leurs crédits.

Le sénateur Roland du Luart a présenté la semaine dernière un rapport qui propose de nombreuses pistes pour réformer l’aide juridictionnelle. Elles seront étudiées pour que le dispositif fonctionne mieux, pour qu’il soit plus juste et pour que son coût pour l’État soit stabilisé.

Troisième axe : l’organisation judiciaire doit se moderniser en profondeur.

Avec 400 emplois supplémentaires, le projet de budget pour 2008 renforce le fonctionnement des juridictions. Outre le remplacement des départs en retraite, les juridictions bénéficieront de 187 emplois de magistrats supplémentaires et d’un nombre équivalent de greffiers, car, sans greffier, aucun magistrat ne peut prendre de décision.

Le budget permettra également la promotion de 149 fonctionnaires de catégorie C et la création de 26 emplois de secrétaires administratifs de catégorie B.

La justice est avant tout constituée d’hommes et de femmes qui se dévouent avec passion à leur métier. Pour qu’ils puissent être fiers de leurs missions, il faut leur donner les moyens de l’accomplir efficacement et dans la sérénité. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis, en est parfaitement conscient.

Les bâtiments de la Justice doivent être adaptés à leur travail : 121 millions d’euros seront consacrés à la rénovation de certains tribunaux, ainsi qu’à la mise aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité pour les handicapés.

La justice doit être rendue dans la sérénité mais aussi en toute sécurité. Chacun a en tête les drames de Metz et de Laon. On ne peut accepter qu’ils se reproduisent. Plusieurs rapports avaient été rendus sur ce sujet au cours des cinq dernières années, les commissions d’hygiène et de sécurité avait rendu de nombreuses conclusions de non-conformité. Dès son arrivée, la ministre a souhaité que les tribunaux qui ne l’étaient pas soient remis aux normes et que la sécurité dans les juridictions soit mieux assurée. C’est aujourd’hui le cas dans 90 % d’entre elles, soit par l’installation de portiques avec des agents de surveillance, soit par l’affectation de personnel supplémentaire, soit par la mise aux normes des installations. 20 millions d’euros ont été débloqués dès le mois de juin 2007 pour cela. Cet effort sera poursuivi en 2008, puisque quelque 39 millions d’euros y seront consacrés.

Il faut également tenir compte des attentes de nos concitoyens en faveur d’une justice plus rapide, plus compréhensible, et plus facile d’accès. La justice doit recourir aux progrès qu’offrent les nouvelles technologies. La numérisation des procédures pénales et civiles sera opérationnelle dès le 1er janvier 2008. Demain, le justiciable et son avocat pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Ils pourront suivre l’avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront compléter ou consulter un dossier à distance. Les greffes gagneront un temps précieux, qui sera consacré à des travaux plus importants que la reproduction, la gestion manuelle des dossiers ou le stockage.

Toutes les juridictions doivent bénéficier de ces avancées. Pour cela, plus de 67 millions d’euros seront consacrés aux programmes informatiques de la justice.

Les questions amènent à aborder celle de la carte judiciaire car l’arrivée des nouvelles technologies dans les prétoires va rapprocher la justice des Français, dans le temps et dans l’espace. Une justice de proximité, ce n’est pas un tribunal à un quart d’heure de chez soi. C’est une justice qui rend ses décisions rapidement, qui sait les rendre lisibles, qui a les moyens de les faire appliquer. C’est une justice proche des préoccupations des citoyens, qui sanctionne la délinquance et qui accueille les victimes.

La réforme de la carte judiciaire, sans cesse évoquée, sans cesse reportée, est plus que jamais une nécessité. Il n’est plus possible de disséminer des moyens sans cesse croissants dans 800 juridictions, réparties sur 1 200 sites.

Là où les caractéristiques des territoires le permettent, il faut regrouper les plus petits tribunaux au siège d’une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Le regroupement et la mutualisation des moyens sont la condition d’une justice plus rapide et plus efficace : dans une juridiction plus importante, l’organisation du travail permet un audiencement plus rapide, la charge de travail est mieux répartie, les magistrats peuvent échanger et s’entraider, les services du greffe peuvent se spécialiser et la continuité du service est assurée, même en cas d’absence, de congé de maternité ou de formation.

La concertation, engagée depuis le 27 juin, a donné lieu à de nombreux débats dans le ressort des cours d’appel concernées. Sur la base de toutes les propositions qui sont apportées, un schéma d’organisation a été élaboré, qui prend en compte, région par région, l’impératif d’équilibre des territoires.

La ministre a indiqué faire actuellement le tour des régions pour recueillir les observations des élus et des acteurs du monde judiciaire. Chaque fois que cela est possible, leurs observations sont prises en compte. Si les uns ou les autres ont de meilleures propositions, elles sont étudiées avec attention, c’est ce qui s’est produit dans les deux dernières cours d’appel visitées.

Il n’y a pas de schéma national préétabli. Il n’y aura pas de réforme mécanique. La concertation se poursuit tous les jours. La ministre a encore reçu cette semaine les syndicats des personnels de la justice ainsi que les représentants des barreaux. Elle fera le point la semaine prochaine avec le comité consultatif. Les propositions des professions et des organisations représentatives ont largement alimenté les réflexions.

La réforme se fera progressivement, en trois ans. Elle commencera en 2008, par les pôles de l’instruction, et s’achèvera en 2010.

Cette réforme aura des conséquences immobilières. Il faudra restructurer certains bâtiments, en agrandir d’autres, voire construire de nouveaux palais de justice.

Les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires seront acteurs de cette réforme. Ils seront accompagnés individuellement dans sa mise en œuvre. Des mesures seront prises pour faciliter les transports, les déménagements, pour aider ceux qui le souhaitent à trouver un nouveau logement. Sur ces sujets également, des concertations avec les organisations syndicales sont déjà engagées, à chacun des déplacements de la ministre.

Dès 2008, une provision de 1,5 million d’euros est destinée à cet accompagnement social. Grâce à la réserve de précaution que constitue en début d’année le Gouvernement, les mesures nécessaires en 2008 pourront être financées en respectant le plafond de dépenses voté par le Parlement.

La réforme de la justice demandera de grands efforts. Elle se fera grâce à la mobilisation de toutes les forces, de toutes les volontés. C’est à ce prix que l’on pourra rapprocher la justice des citoyens.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis pour la justice et l’accès au droit, a salué les efforts accomplis par le Gouvernement en faveur de la justice, que traduit un budget en hausse sensiblement plus importante que celui de l’État. Au sein du programme « justice judiciaire » on observe également une augmentation significative dans l’action « traitement et jugement des contentieux civils » - + 13 % -, dans l’action « cassation » - +7 % -, et dans l’action « formation » - + 6 % - afin de financer le recrutement supplémentaire de greffiers.

Par ailleurs, les frais de justice, qui avaient explosé au cours des années précédentes, sont désormais tout à fait contrôlés, en particulier grâce aux économies réalisées sur les marchés des empreintes génétiques et de la téléphonie.

Un effort considérable de 39 millions d’euros est également fait pour le plan de sûreté des juridictions, qui en avaient bien besoin.

Pour assurer cette sécurité, on fait appel soit à des sociétés privées, soit à la réserve civile de l’administration pénitentiaire. Cette dernière solution paraissant excellente car il s’agit de personnels expérimentés, ne conviendrait-il pas de la généraliser ?

Par ailleurs, depuis mai 2007, le logiciel informatique « outilgref », qui permet d’estimer les besoins en personnel compte tenu des affaires nouvelles et terminées, a été mis à la disposition de l’ensemble des juridictions. Est-il possible d’en dresser un bilan ?

La prime modulable, qu’on appelait à l’origine prime au mérite, a été instituée pour les magistrats et elle joue pleinement son rôle. Toutefois, dans la mesure où les magistrats sont entourés de toute une équipe qui les aide dans leur décision, on peut se demander pourquoi les fonctionnaires de justice ne bénéficient pas de ces primes, ce qui est parfois mal ressenti dans les juridictions. Comme l’a souligné la garde des sceaux, un magistrat ne saurait agir sans greffier ; pourquoi ne pas appliquer la même règle à l’ensemble de l’équipe ? Une enveloppe pourrait-elle être prévue à cet effet ?

On sait par ailleurs qu’un nombre important de magistrats et de fonctionnaires partiront à la retraite au cours des dix prochaines années. Il convient donc d’anticiper ces départs afin de mieux assurer la gestion des effectifs. La commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau a d’ailleurs préconisé la création d’une grande direction des ressources humaines au sein du ministère de la justice. Pour l’instant, ce dernier compte quatre services chargés des relations humaines, est-il envisagé de les regrouper ?

Enfin, le taux de TVA applicable à l’aide juridictionnelle est de 5,5 %, mais la Commission européenne considère qu’il conviendrait d’appliquer le taux normal de 19,6 %, ce qui augmenterait sensiblement le coût de cette aide. Le gouvernement envisage-t-il de négocier un accord avec la commission ? À défaut, a-t-il prévu les crédits nécessaires en cas d’application d’une TVA à taux normal ?

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, s’étant réjouie des efforts accomplis par le Gouvernement, en particulier de l’augmentation de 6,4 % des crédits destinés à l’administration pénitentiaire, a posé à la ministre les questions suivantes :

Le programme immobilier est considérable, puisqu’il est prévu l’ouverture de sept établissements pénitentiaires pour majeurs en 2008, dont trois pour les mineurs et de sept autres en 2009. Ce calendrier prévisionnel sera-t-il respecté ?

La ministre peut-elle par ailleurs indiquer quand les premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) entreront en fonction ?

Les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) paraissent également un outil très intéressant. Quels enseignements peut-on tirer des premiers mois de fonctionnement des premiers établissements en 2007 en vue de prochaines ouvertures en 2008 ?

S’agissant des centres éducatifs fermés (CEF), une démarche « lolfienne » invite à comparer coûts et résultats. Certes, cet outil semble donner satisfaction, mais serait-il possible de disposer de plus d’informations sur les instruments d’évaluation du taux de récidive ? Ne conviendrait-il pas en outre de vérifier si une augmentation du nombre des mineurs accueillis ne permettrait pas de réduire le coût de journée qui est actuellement de plus de 600 € par jour et par mineur ?

Dans le cadre de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice dont Mme Michèle Tabarot est rapporteure du volet mineurs, les déplacements sur le terrain ont permis de mesurer les problèmes rencontrés par les greffes des tribunaux et par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais c’est surtout la question des mesures en attente qui a été évoquée. Quels sont les moyens alloués à la PJJ pour remédier à ce problème préoccupant ?

La rapporteure avait par ailleurs déjà interrogé le Gouvernement l’an dernier sur les retards de paiement de l’État envers le secteur associatif habilité. Où en est-on désormais ?

Pour le nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté, un budget de 2,5 millions d’euros avait été évoqué à l’occasion du débat parlementaire, la ministre peut-elle confirmer ce chiffre ?

S’agissant enfin de la mission « santé », la loi sur la récidive du 10 août dernier a généralisé l’injonction de soins pour les personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel. Cela suppose que des moyens soient engagés, en particulier pour le recrutement de médecins coordonnateurs. Qu’en est-il exactement ?

M. René Couanau, rapporteur spécial de la commission des finances, a salué un budget dynamique, qui s’inscrit dans la ligne politique de l’action déjà engagée. Il a également remercié les services du ministère pour les réponses rapides qu’ils ont apportées à la plupart de ses questions.

Il a souhaité savoir, comme Mme Tabarot, si les moyens prévus seraient suffisants, d’une part pour permettre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté de remplir ses missions, d’autre part pour assurer une application effective de l’injonction de soins.

Il a par ailleurs observé que les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sembleraient être des points faibles de la justice et a souhaité savoir si la ministre avait l’intention d’en renforcer l’efficacité, dont dépendent la politique pénale comme la politique d’alternative à l’incarcération.

Il a également estimé qu’il convenait de contrôler les délais de recrutement et de remplacement afin de s’assurer que les emplois sont assez rapidement pourvus, car on sait que le ministère des finances est prompt à supprimer tout poste non pourvu effectivement ! On peut nourrir quelque inquiétude quand on constate des retards dans les recrutements au sein des services de PJJ et dans le remplacement des greffiers et des personnels administratifs, qui sont indispensables au fonctionnement de la justice. En effet, un greffier qui n’est pas remplacé dans les six mois, c’est autant de retard pris dans les instructions et dans les notifications. Il a enfin demandé à la ministre des précisions sur la création d’une direction des ressources humaines.

En réponse aux rapporteurs, la garde des sceaux a apporté les précisions suivantes :

• Le plan de sécurisation des juridictions bénéficiera de 39 millions d’euros en 2008, 20 millions d’euros lui ayant déjà été consacrés en 2007. À son arrivée à la chancellerie, la ministre a trouvé pas moins de quatre rapports traitant des problèmes de sécurité dans les juridictions. La commission d’hygiène et de sécurité avait rendu un avis défavorable à propos de 90 juridictions. Alors que les personnes qui ne respectent pas ces avis sont passibles de poursuites, comment aurait-on pu admettre que la justice soit rendue dans des lieux en infraction ? Les besoins de remise aux normes ont été évalués et les juridictions où il manquait un portique, des agents de sécurité ou des agents d’accueil ont été recensées. Le bilan est aujourd’hui assez satisfaisant puisque beaucoup d’intrusions ont pu être empêchées et que 90 % des juridictions sont désormais équipées en portiques et dotées d’agents de surveillance.

• Si l’utilisation des réservistes de la police nationale pour assurer la sécurité des tribunaux et des bâtiments judiciaires a été envisagée, c’est parce qu’une centaine seulement de réservistes de l’administration pénitentiaire est utilisée à ce jour ; il convient donc de faire la promotion de ce moyen de sécurisation.

• « Outilgref » sert à mettre en relation la charge de travail et les moyens à affecter. Il a permis en 2007 le lissage des emplois non affectés. Il permet également de rééquilibrer les moyens entre les juridictions en fonction des vacances de postes constatées. Il s’agit d’un très bon outil de gestion et d’organisation dont la version actualisée en 2006 donne satisfaction.

• Faire bénéficier les fonctionnaires et les greffiers de primes modulables à un taux comparable à celui des magistrats nécessiterait 10 à 15 millions d’euros de crédits supplémentaires. Il a plutôt été choisi, dans la mesure où la concertation a montré que les syndicats ne souhaitaient pas que les personnels fassent davantage d’heures supplémentaires, de mettre l’accent sur les créations d’emplois. Ainsi, 400 postes supplémentaires ont été créés pour les services judiciaires.

En revanche, s’agissant des primes d’installation, la ministre a souhaité, lors de son dernier déplacement en Corse, que les greffiers et les fonctionnaires bénéficient des mêmes primes que les magistrats, car les risques encourus sont identiques.

Par ailleurs, même si les règles d’avancement dans la fonction publique sont contraignantes, il faut essayer de mettre en œuvre des mesures incitatives afin d’attirer les magistrats et les greffiers vers les postes que l’on ne parvient pas à pourvoir.

• Au ministère de la justice, tous les départs à la retraite seront compensés. Grâce à 357 sorties de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), le solde net sera de 187 magistrats. Autant d’emplois de fonctionnaires et de greffiers seront créés.

• Dès son arrivée, la ministre a voulu créer un service de ressources humaines. Il était pour le moins surprenant que l’on puisse nommer uniquement sur dossier, sans jamais les recevoir, des personnes à des postes de responsabilités importantes, dans lesquelles ils doivent garantir les libertés individuelles. Ce service est opérationnel, pour les magistrats comme pour les greffiers dont il était important de valoriser les compétences, depuis le 1er août dernier. Il ne s’agit pas d’une direction, tout simplement parce que des statuts différents coexistent au sein du ministère.

Ce service comporte trois bureaux. Le premier est destiné à la valorisation des compétences et à l’aide à l’orientation, afin d’éviter qu’une affectation n’empêche un magistrat de mettre à profit son expérience ou que l’on se prive de lui là où l’on a besoin d’une personne connaissant parfaitement les procédures. Le deuxième bureau est dédié au placement car il est regrettable que lorsque l’on recherche les magistrats spécialisés pour une autre administration, un organisme privé ou des organisations internationales, on n’ait personne à proposer. Le troisième bureau sera celui du statut.

Il est primordial que la gestion des ressources humaines se fasse dans l’intérêt des magistrats et des greffiers, ce qui marque quand même une petite révolution au sein du ministère. Qui plus est il était important de faire le lien entre l’évaluation, exercée au niveau local, et la promotion et l’avancement, organisés au niveau central.

• Il est vrai que la Commission européenne a saisi la Cour de justice en juillet dernier en vue d’une augmentation du taux de la TVA applicable à l’aide juridictionnelle. La France maintient toutefois sa position au motif que cette aide ne fausse pas la concurrence car elle ne concerne que les plus modestes.

• En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, ce sont bien quatre établissements pour majeurs et trois établissements pour mineurs qui seront ouverts en 2008, et sept autres en 2009, afin d’atteindre l’objectif de 63 000 places de détention en 2012.

• Les UHSA, ou « hôpitaux-prisons », sont destinées à accueillir des condamnés dangereux toujours placés en détention mais atteints de troubles psychiatriques graves et dont on a par conséquent souhaité une prise en charge par un hôpital, sous surveillance pénitentiaire. Les deux premières unités ouvriront en 2009, à Lyon pour 60 places et à Rennes pour 40 places. Au total, il est prévu que 705 places soient ouvertes d’ici fin 2011.

• La LOPJ de 2002 a prévu la création de sept EPM : quatre fonctionnent déjà et trois seront ouverts en 2008. Ces établissements permettent d’éviter de placer les détenus mineurs dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires où, si l’obligation scolaire s’impose jusqu’à 16 ans, il n’existe en revanche aucune obligation d’activité entre 16 et 18 ans, ce qui est particulièrement néfaste pour des jeunes qui ne parviennent pas à se réinsérer et récidivent souvent. À l’inverse, le règlement intérieur des EPM impose aux jeunes de tenir leur chambre propre et rangée et les oblige à avoir une activité tout au long de la journée.

• Il conviendrait d’améliorer la prise en charge des mineurs délinquants : les CEF fonctionnent bien mais accueillent des mineurs multiréitérants, c’est-à-dire pris un peu tard dans leur parcours délinquant. Il faut une vraie politique pénale des mineurs en France.

Dès son arrivée, la ministre a envoyé une circulaire rappelant qu’à chaque infraction devait être apportée une réponse pénale, ce qui ne signifie pas forcément une incarcération. Les mineurs qui font l’objet d’une première condamnation sont rarement des primo-délinquants. La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance a élargi la palette non seulement des sanctions mais aussi des mesures éducatives, permettant un traitement différencié, individualisé, adapté à chaque branche d’âge (10/13 ans, 13/16 ans et 16/18 ans).

En outre, les juges pour enfants sont en charge à la fois de l’assistance éducative et du traitement de la délinquance ; ils protègent et punissent et sont souvent amenés à mêler les deux aspects dans leur décision, si bien que des mineurs victimes côtoient souvent les mineurs auteurs. Depuis le mois de juillet 2007 est expérimentée la dissociation des fonctions entre juges dédiés uniquement à la protection des mineurs et juges qui se consacrent exclusivement au pénal. Une évaluation sera conduite pour voir si une telle dissociation permet une meilleure appréhension des mineurs. L’intérêt n’est pas de sanctionner mais de réinsérer et si le mineur arrive à l’âge de 18 ans sans aucune mesure de protection ou d’aide à la réinsertion, c’est que la justice a failli dans sa mission.

Ce sont par ailleurs dix CEF qui ouvriront en 2008. Dans cinq d’entre eux, il est prévu une prise en charge pédopsychiatrique renforcée, les éducateurs des CEF étant aujourd’hui parfois obligés de surveiller certains mineurs atteints de troubles graves pour qu’ils n’agressent pas les autres. Or ce n’est le métier ni des éducateurs ni des juges pour enfants et il est bon que la prise en charge pédopsychiatrique intervienne le plus en amont possible.

• La ministre a reconnu qu’il y a de nombreuses mesures en attente concernant la PJJ. Cette dernière bénéficiera de 100 postes supplémentaires en 2008. La ministre s’intéressera plus particulièrement, après la réforme de la carte judiciaire, à la réforme de l’ordonnance de 1945 et à la protection des mineurs. La loi du 5 mars dernier a retiré à la PJJ la charge de la protection administrative, qui relève des conseils généraux, pour ne lui laisser que celle de l’enfance en danger et de l’enfance délinquante.

L’amélioration de l’exécution des mesures passe sans doute aussi par la réorganisation de la PJJ, qui est aujourd’hui dotée de 15 directions interrégionales, contre 9 pour l’administration pénitentiaire. Une harmonisation est souhaitable dans l’organisation territoriale des différentes directions du ministère de la Justice.

• Le dispositif des bureaux d’exécution (BEX) sera généralisé.

• S’agissant des crédits du secteur associatif, le report des charges de 2005 à 2006 s’est élevé à 62 millions d’euros. Du fait des abondements et des dégels de crédits, ce report a été de 36 millions d’euros entre 2006 et 2007. Mi-octobre 2007, les retards de paiement devraient atteindre 2 millions d’euros. La ministre s’est engagée à ce que le retard soit résorbé avant la fin de l’année.

• Concernant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la ministre a indiqué que 2,5 millions d’euros ont été inscrits dans le programme « coordination du travail gouvernemental ». Le contrôleur disposera d’une équipe de 40 personnes qui pourront être à temps plein ou à temps partiel. Le projet du Gouvernement s’est inspiré du modèle britannique, afin que les vacations et les mises à disposition puissent faire varier les effectifs en fonction des besoins.

• En ce qui concerne les dispositions sur les délinquants sexuels inscrites dans la loi du 10 août 2007 sur la récidive, l’application de l’injonction de soins a été différée au 1er mars 2008 compte tenu de la nécessité de recruter 300 nouveaux médecins coordinateurs, dont les indemnités vont par ailleurs être doublées.

• Les moyens affectés aux SPIP augmentent de 6 % en 2008 pour atteindre 336 millions d’euros. Dès le 27 juin dernier, la ministre, qui avait anticipé l’absence de grâce collective, a lancé les conférences régionales d’aménagement des peines. Le taux d’aménagement est aujourd’hui de 45 %, ce qui est sans précédent. On a beaucoup progressé en ce qui concerne les bracelets électroniques et la semi-liberté, moins en revanche pour les libérations conditionnelles. En effet, pour l’instant la libération conditionnelle intervient à la demande du détenu et le juge d’application des peines (JAP) n’a aucune possibilité d’anticiper une telle demande. Les femmes, en particulier, n’entament les démarches de réinsertion qu’au moment où elles sont « conditionnables » et elles ne demandent parfois la libération qu’à un mois de leur sortie. Il est souhaitable d’inciter les détenus à préparer plus tôt leur libération conditionnelle.

Les SPIP vont par ailleurs être déchargés de ce qui n’a pas trait au cours de leurs missions afin de les recentrer sur l’insertion et la probation. Aujourd’hui, l’unité de visite familiale (UVF) dépend non pas du JAP mais de l’administration pénitentiaire. Dès lors, pourquoi ne pas confier à cette dernière d’autres mesures, telles que les permissions de sortie pour se rendre auprès de l’ANPE ou d’une mission locale, ce qui éviterait en outre aux détenus d’être obligés d’attendre une prochaine audience du JAP ?

• Un décret du 1er août 2007 a étendu à l’exécution des peines l’application du bracelet électronique, jusque-là réservée aux libérations conditionnelles. Ainsi, l’administration pénitentiaire ayant signalé comme dangereux un détenu qui allait être libéré, la ministre a donné au parquet l’instruction qu’on le retienne le temps d’aménager sa sortie et il est sorti sous placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Les 3000 bracelets fixes et mobiles disponibles en 2008 permettront des réinsertions et des aménagements de peines.

• Il faut faire confiance à la ministre pour éviter l’immobilisme qui susciterait la convoitise de « Bercy ». Les sorties d’école prévues en 2008 permettront d’affecter les greffiers et les fonctionnaires sur les postes vacants. Dès son arrivée, consciente du problème des greffes, la ministre a demandé à toutes les juridictions quels étaient leurs besoins ponctuels. Elle a alors débloqué 5 millions d’euros et affecté 500 vacataires pour résorber les retards et alléger les tâches quotidiennes des greffiers et des fonctionnaires.

La ministre a enfin informé M. Couanau que le président du tribunal de grande instance de Saint-Malo serait affecté prochainement.

M. Georges Fenech s’est félicité de la croissance du budget de la justice : alors que celui-ci avait déjà augmenté de 36 % entre 2002 et 2007, l’effort sera poursuivi en 2008 avec une hausse de 4,5 % et un solde net de créations d’emplois de magistrats de 187 postes car, contrairement aux autres administrations, il n’y aura pas de départ en retraite qui ne soit pas remplacé.

Il a ensuite rappelé que la ministre avait annoncé la création du service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI), ainsi que d’un juge délégué aux victimes. Comment ces créations pourront-elles être prises en charge par le budget de la justice au regard de la masse que représentent les dommages-intérêts prononcés en faveur des milliers de victimes éligibles à l’aide juridictionnelle ?

Pourquoi ne réfléchit-on pas par ailleurs à la création, dont on parle depuis de nombreuses années, d’un corps intermédiaire d’assistants de justice, qui pourraient permettre d’améliorer la qualité et la rapidité de la justice ? En effet, les magistrats sont aujourd’hui les derniers responsables de la haute administration à cumuler des tâches décisionnelles avec d’autres, purement administratives. Certes, il y a les greffiers, dont le nombre augmente d’ailleurs parallèlement à celui des magistrats, mais ils sont là pour authentifier, pour assurer la régularité et la légalité de l’acte ; ils ne participent en aucun cas à l’aide à la décision. Le magistrat est donc seul – que serait un parlementaire sans assistant ? – alors que l’on pourrait très bien concevoir, comme cela existe dans les chambres régionales des comptes, une forme d’aide à la décision, de recherche de jurisprudence, de mise en forme des dossiers, mais qui touche déjà au fond de la procédure et qui permette au magistrat de se consacrer uniquement à sa décision. Ce corps pourrait en outre offrir des perspectives de carrière aux greffiers.

M. Arnaud Montebourg a observé que les « bleus » budgétaires montraient une diminution d’environ 1 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sur l’ensemble de la mission justice et il a souhaité savoir à quoi correspondaient ces suppressions et obtenir le détail des pertes et des gains de postes, puisque l’on annonce par ailleurs des embauches.

La LOLF a permis, grâce aux indicateurs de performance, de mesurer la productivité du système judiciaire. On voit ainsi apparaître le travail mené, année après année, dans certaines juridictions encombrées. Il faut en particulier saluer les efforts du Premier président Guy Canivet pour résorber le retard du contentieux de la Cour de cassation. Les tableaux de bord montrent aussi les efforts qui restent à faire. Il serait toutefois souhaitable – et c’est une demande que fait le groupe SCR – que ces tableaux de bord ne soient plus des moyennes mais que, dès lors que l’on entre, et c’est heureux, dans une culture de l’efficacité des fonds publics, ils permettent d’apprécier ce qui se passe dans chacune des juridictions. Et cela paraît plus nécessaire encore dans la perspective de la réforme de la carte judiciaire, qui risque d’entraîner une dégradation des délais de jugement.

Là où de petites juridictions sont efficaces, rapides et rendent des services, si ce n’est « au coin de la rue », du moins à proximité du domicile des justiciables, il serait utile de pouvoir mesurer où en sont les nominations et comment évoluent les délais de jugement. Il y a en effet des écarts très importants dans les délais de réponse entre les différentes cours d’appel, et le moment semble venu de travailler en toute transparence sur l’efficacité des juridictions.

Pour restaurer la crédibilité de la justice, c’est un effort qu’il faut faire, bien sûr, sur le plan pénal, mais aussi pour le civil, qui est la justice du quotidien des Français. Sans doute sera-t-il d’autant plus facile d’obtenir ces informations que les juridictions ne seront plus si nombreuses après l’application de la réforme de la carte judiciaire… Cette transparence paraît d’autant plus indispensable que le ministère a longtemps vécu dans une tradition régalienne de sous-administration et il est donc nécessaire de travailler tous ensemble pour améliorer l’efficacité de la justice in concreto.

La ministre a par ailleurs annoncé 121 millions d’euros de travaux pour les juridictions, ce qui semble peu au regard de l’investissement en faveur de la sécurisation des tribunaux. Or les modifications de la carte judiciaire rendront nécessaires des efforts d’investissement en faveur des programmes immobiliers. Lorsque l’on supprimera, comme dans beaucoup de départements, trois ou quatre tribunaux d’instance pour les intégrer dans un palais de justice où l’on est déjà à l’étroit, comment fera-t-on ? Quelle est la programmation les travaux avant la fin de la réforme, en 2010 ? C’est un sujet sur lequel il serait également nécessaire de travailler ressort par ressort.

Par ailleurs, si l’intention est excellente, chacun se demande comment fonctionnera le SARVI, avec quels moyens et dans quelles proportions il pourra répondre aux demandes des justiciables.

Quelle est également la ligne politique de la ministre en ce qui concerne l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire l’accès à la justice pour les plus modestes ? Le budget n’augmente que de 1 % sur cette ligne alors que le nombre des affaires et donc des victimes progresse. S’agit-il pour le Gouvernement d’une priorité ? Est-il disposé à s’engager financièrement dans les cinq années qui viennent ? Considère-t-il que cela incombe plutôt aux assurances privées, comme les franchises en matière de santé ?

Enfin, Mme Tabarot a eu raison de demander une évaluation des CEF. L’évaluation ne doit pas être uniquement financière, car, s’il est moins onéreux de mettre les mineurs en prison, ce n’est pas pour autant souhaitable et il convient au contraire de rechercher systématiquement les alternatives à l’emprisonnement. Il faut aussi évaluer le fonctionnement des centres, dont la gestion est souvent concédée à des associations et où il y a beaucoup de fugues et des problèmes de sécurité. Si le ministère a déjà fait procéder à des évaluations, peut-il les communiquer aux parlementaires ?

M. Alain Vidalies a souhaité savoir quel avenir était réservé aux maisons de la justice et du droit, les élus locaux se demandant si l’État ne s’apprête pas à se désengager financièrement.

Il s’est étonné que la ministre ait affirmé la veille, à l’occasion l’une question d’actualité sur la réforme de la carte judiciaire, que « la justice publique de proximité n’est pas remise en cause. Le greffier et le magistrat se déplaceront par exemple chez toutes les personnes placées sous tutelle, qu’elles vivent à l’hôpital, en maison de retraite ou à leur domicile ».

Cette « justice à domicile » est une idée d’autant plus novatrice qu’elle n’avait jamais été envisagée à l’occasion de la réforme des tutelles pourtant opérée il y a quelques mois seulement. Ce serait un saut qualitatif considérable, et on en cherche vainement des traces dans ce projet de budget, alors que l’effort financier sera d’autant plus important que l’éloignement sera plus grand, en raison de la suppression des tribunaux d’instance opérée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Philippe Goujon s’est réjoui de l’effort considérable fait par l’État à l’occasion de ce budget, en particulier en faveur de l’administration pénitentiaire.

Il a estimé que les UHSA vont permettre l’hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux et rappelé qu’il avait rédigé à ce propos un rapport, adopté en son temps à l’unanimité par la commission des lois du Sénat, préconisant que des chambres médicalisées soient réservées en détention pour permettre à des détenus d’y purger une bonne partie de leur peine, ce qui permettrait d’assurer une continuité des soins, en particulier pour les personnes condamnées à une détention de plus de dix ans. Que pense la ministre de cette idée ?

On évoque par ailleurs depuis plusieurs années le transfert à l’administration pénitentiaire de la mission d’extraction, d’escorte et de transfèrement actuellement confiée à la police et à la gendarmerie. A-t-on avancé sur ce sujet important ?

Où en est par ailleurs le programme d’extension des unités de vie familiale (UVF) pour 2008 ? Quel est le plan d’équipement des maisons centrales en UVF à plus long terme ?

Enfin, on annonce de très importantes opérations de rénovation de ces grands établissements pénitentiaires que sont les Baumettes et la Santé. Qu’est-il prévu dans le budget 2008 pour le début de la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé ?

M. Michel Vaxès s’est félicité que ce budget progresse en volume davantage qu’en 2007, mais il s’est interrogé sur sa structure.

Ainsi, si l’on annonce la création de 1 100 postes dans l’administration pénitentiaire, ceux-ci iront pour l’essentiel aux nouveaux établissements et au remplacement des départs en retraite et ils ne serviront donc pas à combler les lacunes des services de probation et d’insertion. Or 80 % des effectifs et 62 % des crédits sont affectés à la garde et au contrôle. Les autres activités paraissent pourtant essentielles dans la mesure où, pour éviter la récidive, il faut créer les conditions d’une bonne réinsertion. On peut donc se demander si la loi pénitentiaire consacrera les mêmes déséquilibres ou si elle commencera à les corriger.

Il est regrettable que l’activité judiciaire ne soit évaluée que de façon quantitative et non qualitative. En effet, la justice ne se mesure pas seulement à sa rentabilité mais aussi à sa qualité. La ministre compte-t-elle prendre des dispositions afin d’introduire des indicateurs de qualité dans les procédures d’évaluation ?

L’annonce faite hier d’une « justice à domicile » est source d’interrogation chez les citoyens. Quels éléments de réponse est-il possible de leur apporter ?

On peut craindre que la réforme de la carte judiciaire ne pénalise les familles d’origine modeste, en particulier pour les contentieux liés aux affaires familiales et à la jeunesse, qui appellent une relation directe entre les juges et les familles. Il s’agit souvent de personnes pour lesquelles il est très difficile de se déplacer, pas seulement pour des questions financières. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, si l’on supprime les tribunaux d’instance, elles auront bien du mal à se rendre dans l’une des deux métropoles.

Cette réforme aura par ailleurs un coût élevé dans la mesure où il faudra aménager ou construire des salles d’audience et des locaux pour accueillir les personnels et le public. Puisque l’on a déjà évalué le nombre de tribunaux qui devront être supprimés, a-t-on procédé aussi à l’évaluation de ce coût ?

M. Bernard Carayon a souhaité savoir quelle appréciation la ministre portait, quatre mois après son entrée en fonctions, sur les conditions de la formation initiale des magistrats. Puis il a posé les questions suivantes :

Que penser de l’évolution de l’appréciation des agents de la PJJ sur les établissements pénitentiaires pour mineurs ?

Si l’on s’accorde sur l’idée que les victimes doivent être la priorité de la justice, il y a des victimes plus singulières que d’autres, celles de la justice elle-même. Qu’entend faire la ministre pour améliorer la réparation des dommages causés par la justice aux citoyens ?

Enfin, la promotion du droit français dans le monde est un sujet important, souvent sous-estimé. Où en est aujourd’hui la Fondation du droit ?

M. Émile Blessig s’est réjoui des efforts accomplis pour que l’on puisse rendre une décision de qualité dans des délais raisonnables, mais il a souhaité insister sur la situation des agents de catégories B et C.

La LOLF a permis de mettre en adéquation les postes et les missions et « outilgref » permet de définir des plafonds d’emplois par juridiction. Mais, pour combler les postes vacants, il faut tenir compte des délais de formation. Ainsi, deux à trois ans seront nécessaires pour que les 187 greffiers recrutés en 2008 soient sur le terrain. Pour faire le lien, il est nécessaire de recruter des vacataires. Pour cela, la masse salariale ne doit pas être strictement ajustée au plafond d’emplois mais prendre en compte ce décalage afin que les juridictions puissent opérer ces recrutements temporaires indispensables pour assurer une bonne justice.

M. Étienne Blanc a souligné l’indigence des services informatiques des institutions judiciaires. Un effort sera certes fait en 2008, mais l’on continue à reporter la mise en œuvre d’un certain nombre de logiciels, en particulier de Cassiopée. Va-t-on enfin avancer ? Procédera-t-on à l’acquisition des nouveaux matériels nécessaires ? Une formation spécifique des personnels est-elle prévue ?

M. Serge Blisko s’est réjoui qu’avec une augmentation de 4,5 % ce budget soit moins mal loti que d’autres. Un certain nombre de problèmes demeurent toutefois.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, il faut rappeler l’actuelle situation alarmante de surpopulation carcérale. Cette situation est aggravée par des textes récents, comme la loi du 10 août 2007 sur la récidive. Même si l’on peut plutôt s’accorder sur le refus de grâce collective du 14 juillet, on n’en est pas moins aujourd’hui dans une situation indigne et fort éloignée des recommandations du Conseil de l’Europe. Et la construction de nouveaux établissements ne paraît pas de nature à répondre à ce problème in abstracto. La politique pénale qui consiste à mettre toujours plus de gens en prison soulève de légitimes interrogations, notamment sur la détention provisoire et sur sa durée.

La ministre semble décidée à avancer résolument sur la voie du développement du bracelet électronique. Cependant n’y a-t-il pas un risque de ne faire de ce dispositif qu’un simple outil de localisation, afin que la personne puisse être arrêtée plus facilement à chaque fois qu’elle se trouve en dehors de la zone fixée ou qu’elle récidive ? Dans ces conditions, il s’agirait plus d’une facilité policière que d’un substitut à l’incarcération. Mieux vaudrait utiliser le bracelet comme un premier pas vers la réinsertion.

En dépit des efforts annoncés, la situation des SPIP est extrêmement problématique, le nombre des détenus dont chaque agent de probation à la charge étant trop élevé pour leur permettre de faire un réel travail de fond.

Enfin, il est vrai que l’on ne distingue pas encore clairement ce que seront les UHSA. La ministre peut-elle préciser le calendrier et les modalités d’organisation du débat fondamental sur la future loi pénitentiaire ?

M. Jean-Michel Clément a rejoint les appréciations de ses collègues sur la réforme de la carte judiciaire. Il est indispensable de faire le lien avec les questions immobilières, en particulier parce que dans un certain nombre de villes, comme Poitiers, le débat sur la création d’une cité judiciaire est lancé depuis longtemps. L’amélioration du fonctionnement de la justice passe aussi par des moyens matériels. Plutôt que de mettre autant d’argent dans des moyens de sécurité dont on sait qu’ils seront rapidement obsolètes, mieux vaudrait mettre à plat tous les éléments, y compris la question des locaux qui accueilleront, demain, cette nouvelle organisation.

La réforme qui a touché aux compétences des huissiers de justice est passée inaperçue bien qu’elle soit particulièrement importante. Compte tenu du coût très élevé de fonctionnement des études, il est très probable qu’elles seront bientôt toutes concentrées au chef-lieu de département. Déjà, les huissiers proches de la retraite ne trouvent plus de repreneurs pour les études rurales. Il y a de quoi être inquiet car cela crée des inégalités dans l’accès au droit.

Répondant aux intervenants, la ministre a précisé que :

• Aujourd’hui, deux tiers des victimes qui peuvent prétendre à une indemnisation ne sont pas indemnisées. Elles sont pourtant souvent éligibles à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) mais les délais très courts qui encadrent la procédure les empêchent souvent de constituer des dossiers recevables. Pour obtenir l’exécution d’une décision de justice, il faut avoir un avocat ou avancer les frais d’huissier. Le SARVI servira à avancer les frais liés aux procédures d’indemnisation, mais il pourra aussi verser une avance forfaitaire sur l’indemnisation allouée par la justice. Il permettra ainsi aux plus modestes d’être indemnisés rapidement ou, pour le moins, de toucher une provision.

Par ailleurs, lorsque les victimes ont obtenu une décision de justice, elles n’ont pas toutes un avocat et, outre que faire exécuter les décisions de justice est particulièrement onéreux, un certain nombre d’entre elles, en particulier les femmes victimes de violences conjugales ou de viols, refusent tout nouveau contact avec les personnes condamnées, y compris pour faire valoir leur droit à indemnisation auquel elles renoncent ainsi souvent, même quand il s’agit de la pension alimentaire pour leurs enfants. Le SARVI sera donc l’intermédiaire entre ces victimes et les personnes condamnées. Il n’est pas question ici d’assurance puisque ce dispositif concernera les condamnés solvables.

• La ministre remet par ailleurs actuellement à plat le fonctionnement de la CIVI. Elle revoit en particulier les délais de fonctionnement et les conditions d’éligibilité. Cette commission est financée par les assureurs et il convient donc de mener avec eux une concertation sur son coût de fonctionnement.

• S’il existe en Grande-Bretagne un système de « clercs » qui aident les magistrats dans la décision de justice, la création d’un corps intermédiaire n’est pas souhaitable en France, non seulement en raison de son coût budgétaire, mais aussi parce que cela nuirait à la fluidité du système judiciaire. Pour autant, une réflexion a été engagée sur l’environnement des magistrats, qui font aujourd’hui des choses qui ne relèvent pas de leur mission. La numérisation des documents de la procédure permettra d’y accéder plus vite, donc d’améliorer la qualité de la justice civile, dont M. Montebourg a eu raison de rappeler qu’elle est la justice du quotidien. Il y a d’ailleurs chaque année 2,5 millions de décisions civiles pour 1,5 million de décisions pénales. La dématérialisation évitera au greffier de faire des copies, aux avocats de se déplacer, aux magistrats de multiplier les dossiers papiers. On peut voir à Angoulême, où le mouvement a débuté, qu’il apporte un confort aux fonctionnaires, aux greffiers et aux magistrats et qu’il réduit les délais de jugement.

Il faut enfin rappeler que la réforme du statut des greffiers leur permet aujourd’hui de préparer des pré-projets de décision, ce qui aide les magistrats, notamment pour les affaires familiales.

• La commission « Outreau » avait mis l’accent sur la faiblesse de la formation des magistrats et sur les mauvaises conditions de leur avancement. Cette formation doit être en relation avec ce qu’est la justice aujourd’hui, avec l’évolution de la société et avec celle de la délinquance. Il convient aussi que les magistrats soient formés au management et à l’organisation, ne serait-ce que pour travailler en bonne intelligence avec les greffiers. Le nouveau directeur de l’École nationale de la magistrature a reçu une lettre de mission claire, qui peut être consultée sur Internet, dans laquelle il lui est demandé de revoir la formation initiale et continue des magistrats pour ce qui touche aux modules, aux enseignements, aux enseignants mais aussi à la position des magistrats au sein de leur environnement.

• En 2007, les ministères ont dû étudier la réalité de l’emploi public et ont observé que de très nombreux emplois étaient vacants depuis des années et que les postes étaient conservés par tacite reconduction : ainsi, s’agissant de la justice, en cas d’augmentation du contentieux, on n’accroissait pas forcément le nombre de postes budgétaires mais en cas de diminution, on ne le réduisait pas non plus. Il a donc été décidé de réajuster les emplois aux nécessités. « Outilgref » permet d’ailleurs de mettre en adéquation la charge de travail et les besoins en emplois. C’est ce qui explique l’évolution du nombre des ETPT.

• Il existe effectivement des indicateurs de performance juridiction par juridiction et la ministre est prête à les rendre publics. Elle les fournit d’ailleurs à chacun de ses déplacements car c’est aussi sur eux que se fonde la réforme de la carte judiciaire. On se rend compte toutefois que la forme de ces indicateurs varie entre chacune des directions du ministère et la ministre a souhaité réorganiser l’administration centrale afin de disposer d’un outil statistique unique. De même, elle entend qu’il y ait un seul service informatique, dirigé par un spécialiste de ces questions.

M. Arnaud Montebourg a remercié la ministre car ces indicateurs seront fort utiles à la représentation nationale. Il a observé que sur les documents fournis par les chefs de cours, on disposait du nombre des affaires mais pas des délais de jugement.

Mme la garde des sceaux a répondu qu’il était tout à fait possible de les transmettre également. Elle a toutefois noté que la différence entre les délais dépend également de l’importance des dossiers. Il convient donc de croiser les indicateurs.

La ministre a fait remarquer que c’est aussi en raison de la dispersion des moyens que certaines cours rendent plus lentement leurs décisions. Quand un juge d’instance n’a que 100 dossiers à traiter dans son tribunal, cela fonctionne très bien. Pour autant faut-il multiplier les postes de dépenses publiques ou au contraire mutualiser les moyens et disposer de davantage de magistrats, mieux formés, au bénéfice d’une justice meilleure et plus rapide ? Quand un juge d’instance isolé prend un congé pour des vacances ou pour une formation, il bloque le fonctionnement de sa juridiction. On est en outre obligé de sécuriser un site pour un seul juge. Aujourd’hui, il existe une cinquantaine de juridictions sans aucun magistrat ni greffier. L’intérêt de regrouper les magistrats est aussi qu’ils ne soient plus livrés à eux-mêmes.

• La ministre a indiqué son intention de remettre à plat de nombreuses dispositions du code civil, ce qui améliorera les performances de la justice civile.

• Les crédits consacrés aux programmes immobiliers augmentent de 21 %, 121 millions d’euros étant consacrés au programme lié aux juridictions. C’est bien parce qu’il n’est pas possible de trouver du jour au lendemain des lieux permettant de regrouper les magistrats que la réforme de la carte judiciaire doit être étalée dans le temps. Tout ceci se fera de manière concertée et en prenant le temps nécessaire, qui a été estimé à trois ans.

• La ministre est particulièrement attachée à l’aide juridictionnelle qui permet l’accès à la justice mais aussi l’exercice des droits de la défense des plus démunis. À cet égard, la commission « Outreau » a montré que certains avocats ne connaissaient pas les dossiers, qu’ils se contentaient de téléphoner en disant « je m’en rapporte », qu’ils ne se déplaçaient pas. Si l’on améliore l’aide juridictionnelle, on est donc en droit de demander aux avocats une véritable contrepartie en termes de service public. Si les avocats se crispent, sur ce sujet, c’est sans doute parce qu’ils sont conscients de la forte détermination de la ministre.

• S’il y a eu au début un nombre assez important de fugues dans les centres éducatifs fermés, le taux est aujourd’hui passé à 3 % et les fugues ne dépassent pas 24 heures. Les CEF sont une bonne solution parce qu’ils permettent de réduire significativement la récidive : 61 % des mineurs qui en sortent ne récidivent pas un délai d’un an. Toutefois, il est vrai que, faute d’une véritable politique pénale des mineurs, les mineurs placés en CEF ont déjà un lourd passé de délinquants : ils y sont placés trop tardivement. Ce sont des structures qui coûtent cher mais qui fonctionnent très bien parce que l’encadrement est renforcé. La ministre souhaite améliorer la prise en charge des mineurs en CEF, mais elle veut aussi que l’on intervienne le plus en amont possible pour les mineurs délinquants comme pour ceux qui doivent être protégés : une réponse adaptée (prise en charge éducative, sanction pénale, soins) doit être apportée rapidement.

• Dissipant les inquiétudes qui ont pu être émises, la ministre a indiqué que toutes les maisons de la justice et du droit qui existent seront pérennisées et que d’autres seront créées, car c’est un dispositif dans lequel la ministre croit.

• La justice de proximité à domicile existe déjà. On la voit peu parce que, quand un juge d’instance est seul, il s’occupe à la fois des tutelles, de la consommation, du surendettement et de l’accueil du justiciable dans le cadre de l’accès au droit. Un tribunal d’instance, ne fait pas que rendre des décisions de justice, mais répond aussi à de nombreuses demandes de renseignements. Regrouper les moyens permettra donc de dédier un juge aux tutelles.

Les magistrats se rendent déjà dans les maisons de retraite. Et ce ne sont pas les tutelles qui sont dévolues aux greffiers, mais la gestion des comptes. C’est parce qu’il y a eu un certain nombre de scandales que la loi sur les tutelles a changé des choses, mais il est déjà permis de rendre visite aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Cela vaut aussi pour le pénal, avec la mise en examen à l’hôpital.

M. Alain Vidalies a fait observer que la ministre avait indiqué la veille qu’en contrepartie de la suppression des tribunaux d’instance, qui inquiète en raison de l’éloignement qu’elle entraînera, on généraliserait la justice à domicile. Cette annonce nécessitait donc des explications.

Poursuivant ses réponses, la ministre a précisé que :

• Les UHSA permettront de soigner des personnes atteintes de troubles mentaux graves sous la surveillance du personnel pénitentiaire. Si elles vont mieux, elles retourneront en détention sinon, elles poursuivront leur détention à l’hôpital.

• La responsabilité des transfèrements et des escortes continuera à incomber aux forces de police et de gendarmerie, à l’exception des deux expérimentations qui sont poursuivies à Marseille et à Toulouse pour les escortes médicalisées.

• Les études sont en cours pour la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé.

• On n’a jamais autant augmenté les effectifs consacrés à l’insertion et à l’approbation que depuis 2002. Les moyens progresseront encore fortement en 2008. La loi pénitentiaire fera de l’insertion et de la probation une priorité. Si les SPIP impliqués interviennent très peu en détention c’est tout simplement parce qu’ils sont surtout en milieu ouvert, au titre des aménagements de courtes peines. Toutes les peines inférieures à un an d’emprisonnement sont en effet aménageables ab initio.

• Une importante partie de la loi pénitentiaire sera en outre consacrée à la formation, à l’éducation et à tout ce qui concerne la réinsertion, afin qu’il n’y ait plus de sorties « sèches ».

M. Michel Vaxès a observé que si les moyens avaient effectivement beaucoup progressé, ils n’en restaient pas moins insuffisants au regard des besoins.

Mme la garde des sceaux a répondu que la loi pénitentiaire déchargera les agents de probation d’un certain nombre de missions qu’ils exercent aujourd’hui et qui peuvent être confiées à l’administration pénitentiaire.

• Bien évidemment, l’évaluation ne doit pas être seulement quantitative mais aussi qualitative et il existe pour cela un certain nombre de critères, en particulier en ce qui concerne les délais et l’accueil des justiciables.

• La réforme de la carte judiciaire ne devrait pas concerner les affaires familiales et la protection de l’enfance, qui relèvent du tribunal de grande instance. En effet, quand un TGI disparaît, on maintient sur place un tribunal d’instance et il est possible au cas par cas de lui déléguer les affaires familiales. La ministre le fera ponctuellement, là où cela sera nécessaire en raison de l’existence d’un important contentieux en la matière. La proximité n’est ainsi pas remise en cause.

• Bien sûr, la réforme de la carte judiciaire aura un coût, mais celui-ci sera immédiat alors que si la carte n’est pas réformée, la dispersion des moyens se poursuivra, au détriment de la qualité. Le coût de la réforme aujourd’hui permettra donc une économie à moyen terme. Ce coût est évalué cour par cour, en particulier en fonction de l’impact immobilier de la réforme.

• Les victimes de l’institution judiciaire sont indemnisées par l’État. Il convient déjà de faire fonctionner le régime existant avant toute réforme d’envergure, qui pourrait trouver sa place dans celle des institutions.

• Pour la promotion du droit français dans le monde, 300 000 € sont affectés à la Fondation du droit.

• Des vacataires seront embauchés en fonction de la charge de travail, mais on ne peut pas recruter des fonctionnaires uniquement pour répondre à des besoins ponctuels.

• On attend depuis 2004 que les juridictions soient informatisées et cela n’a jamais été fait. Désormais une convention a été passée avec la Caisse des dépôts et consignations : au 1er janvier 2008, toutes les juridictions seront informatisées et l’application Cassiopée pourra être utilisée dans le courant de l’année. La formation des personnels relèvera d’une mission conjointe des services de la Chancellerie et la Caisse des dépôts dont c’est le métier.

• Malgré la surpopulation carcérale, il n’y a pas eu d’incident en milieu pénitentiaire lié à l’absence de grâce collective. Mais il y a chaque jour deux agressions contre les personnels, et il faut rendre hommage à leur dévouement dans l’exercice de leur mission difficile. Il est important de rénover les établissements et de créer des places de détention. Humaniser et réinsérer n’excluent pas la création de places supplémentaires, bien au contraire !

• La détention provisoire a fortement diminué puisqu’elle ne concerne plus que 17 000 détenus sur 60 000.

• Le GPS mobile est un moyen de localisation mais c’est surtout un mode d’exécution d’une peine, assorti d’obligations. Martial Leconte avait une obligation de soins ; il a été retrouvé errant, alcoolisé et a donc été remis en détention.

• Grâce aux 1 000 créations d’emplois dans les services de probation, chaque agent traite aujourd’hui environ 80 dossiers contre une centaine avant 2002.

• La question des huissiers est étrangère à ce budget. La réforme envisagée ne devrait pas toucher les études rurales.

• S’agissant enfin du calendrier de la loi pénitentiaire, le comité d’orientation remettra son rapport lundi prochain et l’on peut espérer que la première lecture aura lieu avant la fin de l’année.

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Après le départ de la ministre, la commission a examiné les crédits de la mission « justice » pour 2008.

Sur proposition de ses rapporteurs pour avis, M. Jean-Paul Garraud, pour la justice et l’accès et au droit et Mme Michèle Tabarot, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, elle a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

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Le Président Jean-Luc Warsmann a rappelé que la Commission entendra Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales le mercredi 24 octobre avant l’examen des crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurité civile » et « Relations avec les collectivités territoriales », sans préjudice de la commission élargie qui se tiendra le mardi 23 octobre sur la mission « Sécurité ».

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