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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 11 décembre 2007

Séance de 17 h 15

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, et examen en application de l’article 86, alinéa 8 du Règlement, du rapport de mise en application de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (n° 397) (M. Guy Geoffroy, rapporteur et M. Serge Blisko, co-rapporteur).

La Commission a procédé à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, et a examiné, en application de l’article 86, alinéa 8 du Règlement, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (MM. Guy Geoffroy, rapporteur, et Serge Blisko, co-rapporteur).

Accueillant Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, le président Jean-Luc Warsmann a rappelé que la commission des Lois a pris l’habitude de dresser le bilan de l’application d’une loi en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement en entendant le ministre concerné, au cours d’une séance ouverte à la presse, sur le rapport d’un membre de la majorité et d’un membre de l’opposition, en l’occurrence, M. Guy Geoffroy, rapporteur de la proposition de loi initiale, et M. Serge Blisko.

Puis il a estimé que la loi du 4 avril 2006 a pris la mesure d’un phénomène longtemps occulté, celui des violences conjugales, en renforçant les règles pénales applicables ; elle s’inscrit dans un mouvement plus large qui tend à mieux prévoir et combattre ce type de délinquance.

La commission des Lois est tout d’abord désireuse de disposer d’informations précises sur la mesure de ce type de violences et sur le premier bilan que l’on peut tirer après l’entrée en vigueur de la loi. Elle sera également attentive aux informations que la ministre pourra lui fournir sur la politique menée par les parquets pour améliorer la réponse pénale en cette matière, au regard de la circulaire prise en avril 2006. Elle souhaitera enfin savoir s’il faut envisager des améliorations du dispositif législatif mis en place.

M. Guy Geoffroy, rapporteur, a tout d’abord souligné que le travail mené de concert avec M. Serge Blisko s’est effectué dans un esprit de très grande ouverture. Tous les interlocuteurs rencontrés ont apprécié la volonté de la commission des Lois de mettre en place un dispositif d’évaluation de l’application des lois qui ne soit pas partisan, même s’il peut être enrichi par la sensibilité de chacun.

Ce sont des séances d’initiative parlementaire qui ont permis à l’Assemblée nationale de débattre d’une proposition de loi – elle-même issue à l’origine de deux propositions de loi sénatoriales – votée à l’unanimité par le Sénat. L’Assemblée a apporté des modifications substantielles à ce texte, suivie en cela par le Sénat et, enfin, par la commission mixte paritaire. Dans chaque assemblée, la proposition de loi a été votée à l’unanimité, ce qui atteste de la volonté partagée de traiter ces problèmes de la façon la plus efficace et la plus large qui soit.

Le rapporteur a souligné la gravité de ces problèmes puisque l’on entend souvent dire qu’« une femme meurt tous les trois jours sous les coups d’un conjoint ou d’un ex-conjoint » ; plus généralement, d’après les chiffres établis en 2000 par l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France – ENVEFF – à partir d’un panel très large et très représentatif, environ une femme sur dix dit avoir été victime de violences au sein de son couple dans l’année qui a précédé l’étude. Si la violence physique est la plus apparente, bien d’autres formes doivent être prises en compte, notamment les violences psychologiques.

Ce texte ayant été inscrit dans des « niches » parlementaires, la commission des Lois de l’Assemblée nationale n’avait pas eu le temps de procéder à des auditions aussi larges que celles qui avaient été réalisées par le Sénat. La préparation du rapport sur la mise en application de la loi aura donc été l’occasion, pour les rapporteurs, d’entendre toutes les personnes qui avaient été entendues par les sénateurs un an et demi auparavant.

M. Guy Geoffroy a ajouté qu’il s’était également rendu, avec M. Serge Blisko, dans le centre médico-psychologique de La Garenne-Colombes, où les rapporteurs ont pu mesurer l’importance du travail réalisé en direction des auteurs de violences, et dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale – CHRS – de Seine-et-Marne, Le Relais de Sénart, qui prend en charge les femmes victimes de violences et les aide à se reconstruire.

Les rapporteurs ont observé que le dispositif législatif mis en place est unanimement salué, tant pour la cohérence juridique des réponses pénales qu’il apporte, que pour sa portée symbolique et sociétale. Même s’il est encore difficile de mesurer l’application de la loi sur un plan quantitatif, celle-ci a sans nul doute contribué, avec les textes d’application qui l’ont accompagnée, à libérer la parole des femmes victimes de violences et à donner plus de poids à l’action menée par les structures associatives ou institutionnelles qui travaillent aux côtés des victimes pour briser le mur du silence qui entoure encore ces questions.

Malgré les progrès accomplis, seulement 8 à 10 % de ces situations de violence font l’objet d’une plainte, et, le cas échéant, d’un traitement pénal. Beaucoup de chemin reste donc à parcourir.

Les acteurs rencontrés ont salué l’ensemble des points forts du texte :

– l’introduction, à l’initiative du sénateur Robert Badinter, de la notion de « respect » parmi les éléments constitutifs du mariage énoncés à l’article 212 du code civil, avant même celles de « fidélité », de « secours » et d’« assistance » ;

– le renforcement des possibilités d’éloigner le conjoint violent, mesure difficile à mettre en œuvre, tant il est compliqué de trouver des places d’accueil et de mettre en place un dispositif d’accompagnement ;

– la reconnaissance du vol et du viol entre époux ;

– d’une manière plus générale, la reconnaissance comme circonstance aggravante du fait de commettre des crimes et délits dans le cadre d’une relation conjugale ou après la rupture de celle-ci ;

– l’extension de la portée de la loi aux couples non mariés concubins ou liés par un PACS, ainsi qu’aux ex-conjoints, au sens large du terme.

Bien qu’il soit trop tôt pour dresser un bilan quantitatif de l’application des articles de ce texte, le rapporteur a souhaité savoir si la Chancellerie pouvait néanmoins en livrer une appréciation globale. Quels points peuvent être encore améliorés ? Qu’est-il prévu pour y parvenir ?

Le rapporteur a souligné qu’un sujet d’inquiétude a été mis en avant par plusieurs personnes entendues, notamment lors de la visite du Relais de Sénart : la disparité des politiques pénales menées par les parquets, alors même que la circulaire du 19 avril 2006 leur donne tous les outils pour mettre en œuvre cette loi qui est, par ailleurs, d’application directe. Le législateur s’était à cet égard efforcé de ne pas introduire dans la loi des dispositions relevant du règlement ou de la politique pénale du garde des sceaux.

Dans le cas d’espèce, la même association se trouve confrontée à deux parquets dont les politiques sont diamétralement opposées. On ne saurait rester insensible à de telles disparités, dont la Chancellerie doit se saisir.

A contrario, le procureur de Douai mène, depuis 2003, une politique volontariste de prise en charge globale des auteurs de violences, ce qui montre qu’une forte implication des parquets peut permettre l’amélioration de la situation, en particulier une diminution notable du taux de réitération. À Douai, ce taux a été ramené à 6 %.

Les disparités constatées sont préjudiciables à la crédibilité même du dispositif législatif mis en place et, plus généralement, au traitement des violences faites aux femmes.

Une autre question a trait aux chiffres de la mortalité qui fait suite aux violences conjugales. Le chiffre de 130 morts par an – repris par la presse et cité par Mme Valérie Létard dans sa présentation du plan qu’elle vient de lancer pour les trois prochaines années – n’est pas contesté, mais les chiffres établis à partir des procès en assises sont dix fois inférieurs : 10 à 15 morts par an. Il faut que cet écart soit analysé et expliqué.

La prise en compte de la violence au sein du couple ne saurait toutefois être limitée à la mortalité et aux violences physiques : il faut y adjoindre la violence psychologique. Celle-ci est sans aucun doute beaucoup plus difficile à cerner, mais quiconque s’intéresse à ces phénomènes attestera de la réalité du laminage et de la déstructuration psychologiques qui en sont les effets.

M. Guy Geoffroy a demandé à la ministre s’il était envisagé de s’attaquer à ces problèmes, comme l’ont souhaité de nombreux interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs. Comment définir les violences psychologiques au sein du couple ou après la dissolution de celui-ci, lorsque, bien souvent, les enfants sont pris en otage ? Peut-on envisager d’en inscrire le principe et la définition dans la loi ?

Enfin, les rapporteurs ont été frappés par les discordances pouvant survenir dans le traitement de ce genre d’affaires par les juridictions civiles et les juridictions pénales. Lorsqu’une partie du différend conjugal est traitée au civil alors que des violences font l’objet d’une procédure pénale, les contacts sont, dans le meilleur des cas, réduits ; souvent il n’existe pas d’échange d’informations entre le civil et le pénal. On peut donc assister, dans un même ressort, à des décisions contradictoires, notamment pour ce qui concerne l’éloignement du conjoint et la prise en charge des enfants. La Chancellerie étudie-t-elle des solutions pour améliorer l’articulation entre le civil et le pénal en cette matière ?

M. Serge Blisko, co-rapporteur, s’est associé aux propos de M. Guy Geoffroy et a souhaité les prolonger par trois réflexions.

Tout d’abord, au vu de l’ampleur du phénomène des violences conjugales, il paraît opportun de pratiquer des « piqûres de rappel ». La Chancellerie doit rappeler chaque fois que cela est nécessaire l’existence, la portée et l’intérêt de cette loi. De l’avis général, le premier contact des femmes victimes de violences tant avec les services de police ou de gendarmerie, qu’avec les services sociaux s’est beaucoup amélioré. En revanche, dans le domaine hospitalier, des progrès restent à faire. L’information et la formation des services publics revêtent une grande importance. Il convient également de rappeler que la plainte est de droit et que la simple main courante ne devrait plus être pratiquée en la matière, ce qui éviterait de minorer le phénomène.

En deuxième lieu, la médiation pénale qui est encore trop souvent proposée semble inappropriée aux yeux de tous les spécialistes de ces questions, qui dénoncent une « fausse bonne idée ». Elle paraît en effet établir une forme d’égalité entre la victime et l’auteur des actes, d’autant qu’elle est souvent confondue avec la médiation familiale. Il conviendrait que la Chancellerie poursuive sa réflexion sur cette procédure.

Enfin, si l’éviction des auteurs d’actes de violence est permise, à Douai, par la mobilisation de quelques places d’un CHRS associatif, elle est beaucoup plus compliquée à mettre en œuvre dans les très grandes villes, en particulier lorsque le bail est au nom du conjoint violent qui fait l’objet d’une mesure d’éviction. La divergence entre le civil et le pénal évoquée par M. Guy Geoffroy peut aboutir à ce qu’une décision pénale éloigne la personne violente de son conjoint tandis que cette dernière garde, au civil, les droits relatifs au logement du couple. Au-delà, l’affaire de Dunkerque a montré que, lorsque des actes criminels ou délictueux sont frappés de prescription, les personnes qui hébergent et protègent la victime peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires, ce qui rend délicates les conditions d’intervention des associations.

Les rapporteurs ont pu constater toute l’importance de la loi pour mettre au jour un phénomène social. De l’avis général, sans la loi et ses mesures d’accompagnement, le nombre d’actes signalés n’aurait pas été multiplié par vingt en dix ans : les choses seraient sans doute restées en l’état. Dans ce domaine comme dans d’autres, le principe selon lequel la loi protège le plus faible se vérifie, ce qui ne peut qu’inciter à poursuivre le travail.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué qu’elle avait reçu le 23 novembre les représentantes des associations qui défendent les femmes victimes de violences. Celles-ci ont rappelé, une fois encore, la nécessité de l’application de la loi et du rappel de la loi, tout en reconnaissant que la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple avait marqué une réelle avancée.

Il faut à cet égard saluer l’initiative de Mme Nicole Borvo, dont une première proposition de loi – fusionnée ensuite avec le texte débattu – visait à porter l’âge légal du mariage des jeunes filles à 18 ans.

Cette loi sanctionne davantage les violences conjugales. La qualité de conjoint, concubin, partenaire lié par un PACS ou ex-conjoint au sens large constitue désormais une circonstance aggravante. Est également reconnue l’existence du viol et des agressions sexuelles à l’intérieur du couple.

En outre, la loi renforce les mesures d’éviction du conjoint violent. Introduite par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la procédure d’éviction du conjoint violent a été utilisée à 350 reprises en 2005 et plus de 1 000 fois en 2006. L’impact de cette mesure fait actuellement l’objet d’une étude. En matière pénale, elle est utilisée dans une procédure de violences graves sur trois.

La loi du 4 avril 2006 a été mise en œuvre immédiatement : la circulaire d’application, signée dès le 19 avril 2006, préconise un traitement rapide et adapté des procédures relatives aux violences conjugales.

La garde des sceaux a ajouté que, depuis le vote de cette loi, notre arsenal législatif a été complété par deux lois.

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a étendu le suivi socio-judiciaire aux auteurs de violences conjugales et instauré une injonction de soin pour les auteurs de violences commises au sein du couple. Celle-ci est obligatoire lorsque les violences présentent un caractère habituel. Afin de mieux identifier les phénomènes de violence, son article 34 prévoit par ailleurs que le médecin n’a pas à recueillir l’accord de son patient pour lever le secret médical lorsque la victime n’est pas en capacité de se protéger. Cette disposition vise à protéger les femmes soumises à l’emprise d’un conjoint violent.

La loi du 10 août 2007 complète ces dispositions en instaurant des peines minimales pour les conjoints violents récidivistes et en renforçant les obligations de soins pouvant leur être imposées.

Le bilan de la loi du 4 avril 2006 fait apparaître des avancées dans trois directions : les victimes sont mieux prises en charge ; les poursuites rapides se sont développées ; les condamnations prononcées sont plus sévères.

La prise en charge des victimes, tout d’abord, est améliorée dès le dépôt de la plainte. Les mains courantes sont devenues de plus en plus rares, de même que les classements sous condition. Pas moins de 168 associations d’aide aux victimes interviennent dans 1 350 lieux d’accueil : maisons de la justice et du droit, tribunaux, hôpitaux, mairies, points d’accès au droit. Elles organisent également des permanences dans 150 commissariats de police ou brigades de gendarmerie. Près de 70 commissariats de police et unités de gendarmerie disposent du concours de travailleurs sociaux. En outre, 28 psychologues interviennent dans des commissariats. Ces professionnels accompagnent les victimes au moment du dépôt de la plainte et au plus près de la commission de l’infraction.

L’étape du dépôt de plainte reste néanmoins difficile. Selon les enquêtes de victimation, seulement 8 % des victimes de violences conjugales osent déposer plainte, d’où l’intérêt d’inciter le signalement par d’autres acteurs, notamment les médecins. Les dispositifs mis en place renforcent la confiance des victimes en les protégeant et en les accompagnant.

Le partenariat en matière d’accueil et d’accompagnement des femmes victimes de violences a été renforcé par deux conventions signées par le ministère de l’intérieur, la première le 25 mai 2005 avec l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation – INAVEM – et la seconde le 7 mars 2006 avec le Centre national d’information des droits des femmes et de la famille – CNIDFF – et la Fédération nationale Solidarité femmes. Depuis, six conventions locales ont été signées et une trentaine sont en projet pour assurer la prise en charge effective et le suivi de la victime après le dépôt de plainte.

En outre, les procureurs et leurs substituts ont été mieux sensibilisés au phénomène des violences conjugales. En 2006, ils ont été saisis de 52 000 affaires, contre 39 000 plaintes en 2003. Comme M. Guy Geoffroy l’a relevé, les différences entre les données du ministère de la justice et celles de l’Observatoire national de la délinquance sont considérables. À l’évidence, les ministères en charge de la justice, de l’intérieur, de la santé et de la solidarité ont besoin d’un outil statistique commun.

Cependant, ces différences, peuvent être expliquées. Alors que les chiffres fournis par le ministère de l’intérieur reposent sur des faits constatés en 2006, l’outil statistique de la justice repose sur la qualification pénale de l’infraction. Or, jusqu’en avril 2006, l’infraction pénale de « meurtre sur conjoint » n’était pas prévue par la loi. Il s’agissait d’un « assassinat » ou d’un « meurtre ». Il n’y avait donc pas de prise en compte du phénomène en tant que tel. Seules des données partielles ont pu être recueillies. Au surplus, la qualification retenue par le procureur et le juge d’instruction peut influer sur les données statistiques : ceux-ci peuvent choisir de qualifier la mort d’une femme d’assassinat s’il y a préméditation ou de meurtre sur conjoint, l’un et l’autre étant punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

Enfin, un certain nombre de situations juridiques ne sont pas prises en compte dans les statistiques du ministère de la justice sur les homicides dans la sphère familiale. Tel est le cas des meurtres suivis du suicide de l’auteur, qui font l’objet d’un classement sans suite du fait de l’extinction de l’action pénale, ou encore des meurtres commis par des auteurs pénalement irresponsables.

En dépit de ces incertitudes, l’augmentation du nombre des procédures transmises au parquet donne une image plus réelle du phénomène des violences conjugales, encore qualifié de « mineur » il y a quelques années. Le taux de réponse pénale a fortement augmenté passant de 76 % en 2005 à 80 % en 2006 et à 83 % pour les trois premiers trimestres de l’année 2007. Cela signifie que les parquets donnent davantage de suites judiciaires aux affaires de violences conjugales. Ils effectuent moins de classements sans suite directs.

La circulaire du 14 mai 2004 présentant la loi du 9 mars et le guide de l’action publique relatif à la lutte contre les violences au sein du couple, publié en septembre 2004, prohibent le recours au classement sec. Cette préconisation est régulièrement rappelée aux parquets. Elle l’a encore été par la circulaire du 19 avril 2006.

Les procureurs ont développé les mesures alternatives aux poursuites. Ces procédures apportent une réponse rapide sans qu’il soit nécessaire de saisir un tribunal. Elles sont parfaitement adaptées aux infractions les moins graves.

Les parquets travaillent avec les associations d’aide aux victimes. Certains ont mis en place des stages pour les conjoints violents ; en ce domaine également, le procureur de Douai a été un précurseur. Au cours de ces stages, plusieurs auteurs de violences sont réunis en présence d’un psychologue et un travail de réflexion sur le passage à l’acte est effectué. L’absence à ces stages expose à des poursuites devant le tribunal.

M. Guy Geoffroy a très justement mis en exergue la notion de « violences psychologiques ». Elles sont une réalité. Bien qu’elles soient moins visibles, elles sont tout aussi graves, d’autant qu’elles ont également des répercussions sur les enfants. Le chapitre du code pénal intitulé « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne » donne déjà les moyens d’y répondre, même si les atteintes à l’intégrité psychique n’y sont pas détaillées. La jurisprudence prend en compte cette forme de violence, de même que les médecins lorsqu’ils établissent l’incapacité temporaire de travail.

Deuxième évolution depuis 2006 : les poursuites rapides se sont développées.

Pour les faits les plus graves, les parquets ont davantage recours aux poursuites. Même si l’auteur des faits est un primo-délinquant au regard de la justice, la poursuite est quasi systématique si le conjoint indique que les violences sont habituelles. Alors que le taux de procédures ayant fait l’objet de poursuites était de 35 % en 2005, il a été supérieur à 41 % pour les trois premiers trimestres de l’année 2007.

Des directives de politique pénale sont régulièrement adressées aux procureurs généraux. Un guide de l’action publique relatif à la lutte contre les violences au sein du couple a par ailleurs été diffusé en septembre 2004 dans tous les parquets et il appartient aux procureurs généraux de veiller à la coordination et à l’homogénéité de l’action publique au sein de leur cour d’appel. Si des disparités subsistent entre parquets – dans de bien moindres proportions toutefois –, elles s’expliquent par la variété des réponses pénales qui peuvent être apportées : dans une juridiction où existe un fort réseau associatif, les alternatives aux poursuites sont plus nombreuses. Ailleurs, faute d’alternative, on poursuivra davantage.

Les parquets sont encouragés à privilégier des modes de poursuite rapides, soit en comparution immédiate dans les 48 heures pour les faits les plus graves, soit par convocation par officier de police judiciaire, les délais n’excédant pas, dans ce cas, deux ou trois mois suivant l’infraction. Ces poursuites rapides sont souvent associées à une mesure d’éviction du conjoint pour répondre à l’urgence. Ce dispositif facilite l’accompagnement de la victime et la prise en charge de l’auteur. Le juge interdit à ce dernier d’entrer en contact avec la victime. Tout manquement à cette interdiction entraîne une incarcération. De janvier à septembre 2007, 1 222 mesures d’éloignement du domicile conjugal ont été ordonnées, dont 713 de moins de deux mois et 509 de plus de deux mois.

La bonne application de ces dispositions permet d’éviter aux femmes ayant des enfants de devoir chercher un hébergement dans l’urgence et, parfois, d’être placées dans des foyers.

Enfin, les tribunaux se sont montrés plus fermes à l’encontre des auteurs de violences conjugales.

L’emprisonnement, qui est la peine la plus prononcée, devient quasiment le principe ; on relève par ailleurs une progression de la part des emprisonnements fermes. Le quantum moyen de la peine ferme est de six mois. En 1996 près de 5 000 condamnations ont été prononcées. Ce nombre a été porté à 12 000 en 2006. La récidive est davantage sanctionnée : la loi du 10 août 2007 a d’ores et déjà donné lieu à 843 condamnations en matière de violences conjugales. Des peines planchers ont été prononcées pour 67 % des violences sur conjoint ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours et pour 75 % des affaires avec ITT supérieure à huit jours.

Ces chiffres démontrent que les tribunaux ont pris la mesure de la gravité des faits de violences conjugales.

Cependant, si un important travail a été réalisé depuis la mise en œuvre de la loi du 4 avril 2006, il reste encore beaucoup à faire.

Il faut, par exemple, améliorer la prise en charge des auteurs de violences conjugales. C’est l’un des douze objectifs du plan triennal mis en place par Mme Valérie Létard. Le ministère de la justice est associé à ces travaux. Il conviendra notamment de mettre en oeuvre un accompagnement adapté pour prévenir la récidive, tant les violences conjugales sont souvent associées à l’alcoolisme ou à l’oisiveté.

Les rapporteurs ont également souligné la nécessité d’améliorer l’articulation entre les procédures civile et pénale, ce qui correspond à une demande réelle des associations.

À cet égard la loi du 26 mai 2004 sur le divorce a apporté une première réponse : le juge peut attribuer l’autorité parentale et le domicile conjugal au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences. Cette mesure, qui est en cours d’évaluation, a été utilisée plus de 1 000 fois en 2006.

En outre, le plan triennal permettra de mieux coordonner les décisions prises au niveau judiciaire. D’ores et déjà, un avant-projet de décret vise à faciliter la communication de pièces entre le juge aux affaires familiales et le juge des enfants. Cette communication est en effet nécessaire pour éviter les décisions contradictoires et pour mieux apprécier l’intérêt de l’enfant, qu’il s’agisse de l’attribution de l’autorité parentale, de la résidence de l’enfant ou des mesures éducatives décidées par le juge des enfants.

La Commission a autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

——fpfp——