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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 1er juillet 2008

Séance de 14 h 15

Compte rendu n° 71

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi organique, adopté avec modifications par le Sénat, relatif aux archives du Conseil constitutionnel (n° 896) et au projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, relatif aux archives (n° 897) (M. François Calvet, rapporteur)

– Audition de M. Xavier Darcos, Ministre de l’Éducation nationale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 1008) (M. Charles de la Verpillière, rapporteur)

Réunie en application de l’article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. François Calvet, un amendement au projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, relatif aux archives (n° 897).

Article 30 : Remise d’un rapport sur les conditions de conservation des archives numériques :

La Commission a repoussé l’amendement n° 1 de Mme Marietta Karamanli.

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La Commission a procédé à l’audition de M. Xavier Darcos, Ministre de l’Éducation nationale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 1008) (M. Charles de la Verpillière, rapporteur).

Le Président Jean-Luc Warsmann a remercié M. le ministre de l’Éducation nationale d’avoir accepté de venir présenter le projet de loi – adopté par le Sénat la semaine dernière – instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles publiques pendant le temps scolaire obligatoire. Ce texte définit de nouvelles règles en matière de grève des enseignants des écoles maternelles et élémentaires ainsi que les conditions de mises en place d’un service d’accueil par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Comme l’a souhaité le Président de la République, il vise également à concilier le droit de grève et la liberté du travail grâce à l’instauration d’un mécanisme de prévention des conflits mais, aussi, à permettre l’accueil des élèves par les communes et les EPCI en anticipant les absences des enseignants.

M. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, a tout d’abord prié les commissaires aux Lois, en particulier ceux de l’opposition qui ont quitté la salle avant son arrivée, de bien vouloir excuser son retard dû à une rencontre exceptionnelle entre les membres de la Commission européenne et ceux du Gouvernement en ce premier jour de la présidence française de l’Union européenne.

Puis il a exposé que le projet de loi présenté se justifie en raison de l’inégalité affectant les familles en cas de grève dans l’école primaire : certaines ont les moyens de faire garder leurs enfants, d’autres non. Autre principe républicain mis à mal dans ce type de situation : le droit de travailler, aussi constitutionnel que celui de faire grève. L’expérimentation de ce dispositif d’accueil mis en place à la fin du mois de janvier a été concluante avec environ 15 % de la population scolaire globale concernée et 30 % de la population scolaire des villes de plus de 100 000 habitants. Le Gouvernement a voulu le réutiliser au mois de mai mais, l’enjeu s’étant politisé, les élus de gauche ont tout fait pour qu’il ne fonctionne pas. Pire : le maire de Paris, lui, a décidé de fermer purement et simplement les écoles. Une loi était donc nécessaire.

Toute l’année, l’État garantit le droit d’accueil des élèves et gère les remplacements des enseignants absents, lesquels sont d’ailleurs de plus en plus nombreux en raison de la féminisation du métier – le premier degré est composé à 85 % de personnels féminins : maternités, maladies des enfants etc. Néanmoins, en cas de grève, l’État ne peut organiser cet accueil. Le texte initial prévoyait donc que le dispositif d’accueil se mettrait en place dès lors que les communes compteraient 10 % de grévistes ; le Sénat a préféré prendre pour base 20 % d’enseignants grévistes par école. Par ailleurs, le projet prévoit la mise en place d’un dispositif d’alerte avec obligation de négocier dans le cadre du préavis de grève. La loi prévoit, en outre, que les grévistes devront se signaler 48 heures avant le mouvement ; le Sénat a voté un amendement disposant que ce délai doit comprendre au moins un jour franc. L’État demande ensuite aux maires de bien vouloir organiser cet accueil dans les locaux de l’école ou tout autre lieu idoine disponible et de désigner les personnes chargées d’assurer cet accueil : assistantes maternelles, fonctionnaires municipaux volontaires, représentants d’associations familiales ou de gestion de centres de loisirs, mères de famille, enseignants retraités, étudiants – le code de l’action sociale et sanitaire n’exige aucune qualification particulière en la matière pour ce type d’accueil ne dépassant pas quatorze jours. Le Gouvernement souhaite par ailleurs que les maires et les inspecteurs de l’Éducation nationale se mettent d’accord en début d’année pour comptabiliser les personnes pouvant être mobilisées en cas de mouvement social. En échange du service ainsi rendu, l’État concourra au remboursement des frais engagés. Le texte initial prévoyait que la charge financière incombant aux communes serait en l’occurrence compensée par une prise en charge de l’État à hauteur de 90 euros par groupe de 15 élèves ; le Sénat a souhaité que cette somme soit portée à 110 euros et a en outre jugé qu’il fallait instaurer un forfait minimal de 200 euros versé à la commune quel que soit le nombre d’élèves accueillis. Enfin, la responsabilité administrative de l’État, comme l’a souhaité le Sénat, se substitue à celle de la commune organisant l’accueil des enfants.

Le Gouvernement a veillé à ce que le droit de grève ne soit en rien entamé. Un travail de fond a par ailleurs été effectué avec les élus représentants les communes : association des maires de France (AMF), association des maires des grandes villes de France, association nationale des villes de montagne, association des maires d’Île-de-France. Un travail particulièrement constructif a également été réalisé avec le rapporteur, M. Charles de La Verpillière, ainsi qu’avec la rapporteure pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, Mme Françoise Guégot,et les travaux de la commission des Lois permettront, également, d’améliorer un texte auquel l’opinion publique est par ailleurs très favorable.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur, a demandé au ministre pourquoi avoir prévu que l’organisation du service d’accueil incombe aux communes en cas de grève alors qu’il revient à l’État de l’assurer dans les autres cas. Par ailleurs, le ministre peut-il confirmer que les conditions de qualifications et de taux d’encadrement prévues par le code de l’action sociale et des familles ne s’appliqueront pas pour le service d’accueil ? En outre, les communes devront-elles faire appel uniquement aux fonctionnaires « volontaires » ?

Le ministre a répondu qu’il était délicat, sur ce dernier point, de procéder à une réquisition.

Le rapporteur a noté que le deuxième alinéa du nouvel article 7 bis mentionne quant à lui des « personnes volontaires ».

Le ministre a précisé que les maires étaient en effet quelque peu gênés à l’idée de faire appel à des fonctionnaires territoriaux « contre » des fonctionnaires d’État. Le maire, par ailleurs, peut requérir des personnels s’il le souhaite. Quoi qu’il en soit, une modification du texte, sur ce plan-là, est envisageable.

Après avoir regretté la discordance qui résulterait de la rédaction du premier alinéa de l’article L. 133-6-1 du code de l’éducation évoquant des « personnes susceptibles de » et du second alinéa faisant référence à des « personnes volontaires » le rapporteur a demandé au ministre si le directeur d’une école devait obligatoirement informer les familles sur l’existence de ce service d’accueil ou bien si cette information devait être dispensée par la seule commune. En outre, indépendamment de l’enjeu constitutionnel de ce texte – ne pas porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales –, auquel le forfait permet de répondre, est-il possible d’envisager une augmentation de ce dernier ? Enfin, l’association des maires de France a indiqué que la rémunération de 110 euros par groupe de 15 élèves est insuffisante de même que l’encadrement de ces 15 élèves par une seule personne.

Après s’être prononcé en faveur de la rédaction du premier alinéa visant les « personnes susceptibles de », le ministre a précisé que si l’État est tenu de remplacer les professeurs absents, c’est parce que l’absence d’un enseignant ne doit pas, en principe, entraîner pour l’enfant une interruption de l’enseignement. Ce n’est que lorsque ce remplacement n’est pas possible à court terme ou lorsqu’il est exclu en droit – cas de l’enseignant gréviste – que la solution alternative de la répartition des enfants dans les classes demeurant ouvertes est envisagée. L’État organise donc l’accueil, y compris en cas de grève, sauf lorsque celle-ci devient massive – plus de 20 % de grévistes prévisionnels par école. Ce n’est que lorsque cette solution est inapplicable en raison du nombre d’enseignants grévistes et donc du nombre d’enfants à répartir qu’il convient de prévoir l’intervention des communes. Les directeurs d’école, en la matière, n’ont pas les mêmes prérogatives que les chefs d’établissements du second degré. S’il est par ailleurs souhaitable que les premiers informent les parents des possibilités d’accueil, il n’est pas possible de le leur imposer puisqu’ils peuvent fort bien être grévistes.

Par ailleurs, l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles, qui impose des taux d’encadrement, n’est pas applicable au service d’accueil qui sera organisé. Ce dernier, en effet, ne vise que les modes d’accueil collectifs à caractère éducatif « entrant dans l’une des catégories fixées par décret en Conseil d’État ». Or, le service d’accueil des élèves en cas de grève importante ne rentre dans aucune des catégories visées par ce décret codifié aux articles R. 227-1 et suivants. Ce dernier ne vise en effet que deux types d’accueil sans hébergement : l’accueil de loisirs de sept à trois cents mineurs, en dehors d’une famille, pendant au moins quatorze jours consécutifs ou non au cours d’une même année ; l’accueil de jeunes de sept à quarante mineurs, âgés de quatorze ans ou plus, en dehors d’une famille, pendant au moins quatorze jours consécutifs ou non au cours d’une même année et répondant à un besoin social particulier explicité dans le projet éducatif mentionné à l’article R. 227-23.

S’agissant du financement de ce dispositif et même si des avancées sensibles ont été d’ores et déjà apportées au Sénat, le ministre a indiqué qu’il était prêt à parfaire le « filet de sécurité » des communes. Les propositions financières de l’AMF, quant à elles, peuvent être débattues.

Mme Françoise Guégot, rapporteure pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, s’est demandé s’il ne serait pas possible de repenser le seuil de déclenchement du dispositif à la fois à partir de 20 % de grévistes par école – lequel pourrait, seul, soulever un certain nombre de problèmes pour les petites communes – et à partir de 10 % de grévistes par commune.

Le ministre a répondu que la position du Sénat lui semblait convaincante, une grève de 20 % des effectifs étant déjà très importante. Outre, par ailleurs, que l’élaboration d’un « mixte » entre les deux seuils demanderait un certain nombre de projections, le dispositif ne serait sans doute guère lisible.

M. Guy Geoffroy a tout d’abord considéré qu’il était très dommageable de devoir en passer par la loi pour faire en sorte que la « politique » ne l’emporte pas sur la République. En tant qu’élu local mais aussi comme enseignant, il s’est en effet déclaré choqué que certains aient fait de ce projet – qu’il faut saluer – un enjeu politicien.

Il a ensuite rappelé que, s’agissant de la grève du mois de janvier, les élus ont procédé en fonction d’un commun accord non écrit avec le Gouvernement et, s’agissant de la grève du mois de mai, en fonction de la convention signée entre l’État et la commune. Le texte annulera-t-il cette dernière ? Autrement dit, si le seuil de 20 % de grévistes par école n’est pas atteint, la municipalité pourra-t-elle décider de l’application du dispositif en vertu de la convention ? Si, enfin, la responsabilité juridique de l’État se substitue à celle des communes, quid de la responsabilité politique des mairies dans le cadre d’une grève nationale de la fonction publique et au cas où des familles reprocheraient au Premier Magistrat de ne pas avoir mis en place le dispositif ?

Le ministre a répondu que la loi se substitue aux dispositifs locaux antérieurs. Il a par ailleurs indiqué que, au cas où la commune ne pourrait pas mettre en place le dispositif, celle-ci engagerait sa propre responsabilité et que, en cas de recours d’un particulier, le juge administratif ne pourrait considérer qu’il y a eu faute : non seulement « à l’impossible nul n’est tenu » mais il peut exister des cas de force majeure. Le risque est donc extrêmement faible. Enfin, en dessous du seuil de 20 % de grévistes, c’est l’État qui se charge traditionnellement de l’accueil des élèves et si la commune met elle-même en place un dispositif, elle ne sera pas financée, sauf convention spécifique.