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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 8 octobre 2008

Séance de 11 heures 15

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Examen du rapport de la mission d’information relative à la clarification des compétences des collectivités territoriales (M. Didier Quentin, rapporteur, et M. Jean-Jacques Urvoas, co-rapporteur).

Le Président Jean-Luc Warsmann informe les membres de la Commission de l’adoption à l’unanimité par la mission qui vient de se réunir du rapport présenté par M. Didier Quentin, rapporteur et M. Jean-Jacques Urvoas, co-rapporteur et dont la présentation figurera en annexe du présent compte rendu. Il rappelle qu’il revient à la commission d’autoriser le dépôt du rapport en vue de sa publication.

M. André Vallini. Je suis bien sûr tout à fait favorable à la publication du rapport, ce travail me semble en effet vraiment excellent. Il serait donc d’autant plus dommage que ce rapport se trouve marginalisé face aux multiples initiatives qui se mettent en place : réflexions mises en place par le Gouvernement et par le groupe UMP, initiative coordonnée par M. Pierre Méhaignerie, commission qui serait confiée à M. Édouard Balladur… À mon sens, la prise en compte des propositions de la mission sera un test grandeur nature de la revalorisation du Parlement. Il ne faut pas s’avouer vaincu à l’avance, nos propositions peuvent être centrales, comme cela a été le cas sur le dossier EDVIGE.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Le cas EDVIGE sera difficile à reproduire puisque l’on retrouve les neuf recommandations de la Commission dans le projet de décret, presque à la virgule près. Il serait peut-être présomptueux d’espérer que les dix principes retenus par la mission d’information connaissent un tel succès.

M. André Vallini. Parmi les sujets qui me préoccupent figure le développement de l’intercommunalité. Lorsque j’étais membre de l’association des petites villes de France, il y a une dizaine d’années, je mettais en garde mes collègues contre un développement des structures intercommunales qui ne s’accompagnerait pas d’une réduction de la sphère d’intervention communale. Or, c’est bien ce qui s’est passé, avec une explosion des dépenses de fonctionnement des intercommunalités. Je connais des cas, en Isère, d’intercommunalités qui se sont dotées de vingt, voire de quarante, vice-présidents, indemnisés, sans que, dans le même temps, ne baisse le nombre d’adjoints au maire eux aussi indemnisés. Il en est de même de l’explosion des frais de personnel ou immobiliers. L’opinion publique est parfaitement consciente de cette situation et le ressent très mal.

Mon autre sujet de réflexion concerne l’avenir des départements et des régions. À cet égard, je suis satisfait que la mission d’information se prononce pour une réduction du nombre de collectivités. Personnellement, je suis assez favorable au maintien d’un échelon départemental et d’un échelon régional à partir du moment où l’on clarifie les compétences de chacun et où l’on réduit le nombre de collectivités dans chaque strate. La carte départementale date de 1790 : ses critères, fondés sur la nécessité d’atteindre le chef-lieu du département à cheval en une journée, sont dépassés. Atteindre un niveau de 50 à 60 départements me semblerait réaliste et utile. Dans le Sud-Est, on remarque d’ailleurs que les départements s’emboîteraient facilement deux par deux : le Rhône avec la Loire, la Savoie avec la Haute-Savoie, l’Isère avec les Hautes-Alpes, la Drôme avec l’Ardèche, les Alpes de Haute Provence avec les Alpes maritimes, les Bouches du Rhône avec le Var, le Gard avec la Lozère, le Cantal avec la Haute-Loire, l’Aude avec les Pyrénées orientales…

Au niveau régional, sans descendre jusqu’au nombre de 12 régions évoqué par Jean-Pierre Raffarin, l’existence de 15 régions permettrait à celles-ci de peser à l’échelle européenne face à des régions influentes telles que la Catalogne, la Lombardie ou le Bade Wurtemberg. Des régions comme l’Alsace, la Lorraine, la Picardie ou le Limousin n’ont pas une taille suffisante.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais que soient désignés quelques membres de la Commission pour réfléchir au cas particulier de l’Île-de-France et je désirerais connaître la position du président face à cette proposition. Le Sénat a mené une réflexion sur le sujet, mais celle-ci a surtout alimenté la polémique et s’est donc avérée peu utile.

M. Philippe Gosselin. Notre mission d’information a été créée dès novembre 2007, nous avons donc été en avance dans la réflexion et il nous faut en effet, forts de cette antériorité, continuer à peser sur la réflexion en cours. J’estime également que cette question doit être couplée avec celle de la fiscalité locale. Sur l’intercommunalité, il est exact que les dépenses de fonctionnement ont augmenté. Mais il faut préciser que bien souvent, dans le monde rural, les compétences des communes étaient bien souvent nominales alors qu’elles sont aujourd’hui effectivement exercées par les intercommunalités, apportant un réel service à la population.

M. Serge Blisko. Sur le fond, je suis d’accord avec le « Big bang » voulu par les uns et par les autres. Toutefois, il faut rester prudent dans l’expression et se garder de la provocation, telle celle qui a entouré la proposition de la « Commission Attali » de supprimer les départements. Il faut être audacieux sur le fond mais prudent dans la forme.

S’agissant de la proposition n°9 de supprimer les pays, je n’y suis pas opposé sur le principe mais je souhaiterais conserver l’appellation, qui est passée dans la population, pour remplacer le terme affreux « d’intercommunalité ».

M. Michel Hunault. Je suis d’accord avec la nécessité de procéder à des réformes. Mais il faut également être mesuré et prudent dans l’expression dans une société fragile. S’il faut clarifier les compétences, il faut néanmoins conserver la proximité apportée par nos collectivités territoriales, qui est un élément rassurant. Par ailleurs, si l’intercommunalité a effectivement un coût, je veux insister sur le dévouement des élus en milieu rural, dont beaucoup renoncent à leur indemnité et ne se font pas rembourser leurs frais de déplacement. Je voudrais enfin faire une suggestion dans le débat sur le nombre et la taille des collectivités territoriales : celle de développer les contrats d’association. Pour prendre l’exemple du grand Ouest, il est bon de permettre la défense de la langue bretonne par exemple, mais il faut également des actions communes aux régions Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, dans le domaine des grandes infrastructures par exemple.

M. Jean-Michel Clément. La recommandation de faire disparaître les pays est peut-être à tempérer. En effet, parmi les pays, on peut observer le pire comme le meilleur. Si certains ont été créés par défaut, d’autres sont pertinents et très utiles. Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, l’État se réforme et il apparaît que le pays est l’échelon pertinent pour devenir l’interlocuteur de l’État. Dans les faits, les pays sont souvent des regroupements d’établissements publics de coopération intercommunale : assemblons ce qui marche bien.

M. Jean-Pierre Schosteck. Je m’associe aux propos de Jean-Christophe Lagarde sur l’Île-de-France. En effet, cette question ne se résume pas au débat autour du « Grand Paris ». La banlieue n’est plus le « paillasson devant la ville où chacun s'essuie les pieds » comme le disait Céline. De nombreuses intercommunalités se créent. Il est vrai que certaines sont parfois superficielles : c’est pourquoi je crois qu’il faut favoriser les intercommunalités de projet.

M. Philippe Gosselin. Il n’est évidemment pas question de supprimer les communes. Je rappelle d’ailleurs que pour Tocqueville, c’est dans la commune « que réside la force des peuples libres ». Si une suppression des pays devait être envisagée, c’est seulement dans le cadre d’une réforme d’ensemble, car le pays est aujourd’hui le premier échelon de la coopération intercommunale. Il est aussi l’outil le plus adapté à l’échelle d’un bassin de vie.

M. François Calvet. Il est parfois délicat de discuter avec les responsables de certaines grandes régions étrangères limitrophes, je pense à la Catalogne, car leurs compétences sont plus étendues que celles des collectivités territoriales françaises, par exemple en matière de santé animale. La Catalogne a également la compétence en matière de création d’hôpitaux, mais les élus locaux français ne peuvent pas être son interlocuteur car ils n’ont pas cette compétence. Au-delà de la question de la fusion des collectivités, se pose, en fait, le problème de leurs compétences. Si la loi de 2004 permet des expérimentations, dans les faits très peu d’initiatives ont pu être lancées. Pourtant, il existe une forte demande de proximité de la part des citoyens.

M. Étienne Blanc. Il conviendrait en effet de conduire une analyse particulière sur les zones frontalières. De plus en plus de décisions qui touchent la vie quotidienne de nos concitoyens qui y résident sont prises de l’autre coté de la frontière. L’un des seuls outils disponibles est le groupement local de coopération transfrontalière, mais il faut en créer un pour chaque sujet. Cela ajoute donc à la complexité des structures territoriales.

M. Didier Quentin, rapporteur. Je vous remercie pour les compliments que vous avez formulés. Je constate avec plaisir des convergences qui dépassent les partis.

Lorsqu’André Vallini évoque la nécessaire réduction du nombre de départements, il s’inscrit dans la lignée de Michel Debré, qui proposait à la fin des années 1940 deux fois moins de départements deux fois plus grands. Jean-Pierre Raffarin a également déjà évoqué le besoin de réduire à une douzaine le nombre de régions.

En ce qui concerne l’expression « big bang territorial », dont s’inquiète Serge Blisko, l’idée de vos rapporteurs est d’aboutir à un big bang contrôlé.

Comme le disait Philippe Gosselin, l’avantage de cette mission est d’avoir commencé ses travaux il y a un certain temps, et il est souhaitable de garder la main.

J’ai bien pris note des réflexions d’ordre sémantique. Le souhait de vos rapporteurs n’est pas de donner l’image de la brutalité, mais au contraire d’une réforme en douceur.

La suggestion formulée par Michel Hunault, de procéder par la voie d’expérimentations, pourrait être une piste intéressante.

Les gens ne sont pas seulement en colère, comme le disait André Vallini, contre les indemnités parfois excessives des élus mais aussi contre la croissance excessive du nombre des agents territoriaux. Pour ne citer qu’un exemple, la ville de Royan qui comptait il y a quelques années 400 agents municipaux en compte désormais plus de 600, alors que l’intercommunalité a par ailleurs abouti à la création de 120 postes supplémentaires.

Je note la spécificité de l’Île-de-France, évoquée par Jean-Christophe Lagarde et Jean-Pierre Schosteck, ainsi que celle des zones frontalières, soulignée par Étienne Blanc et François Calvet. Dans les deux cas, il s’agit de pistes d’étude intéressantes, sans parler de la question du financement des collectivités territoriales, étudiée par nos collègues de la commission des Finances, MM. Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, ou de celle des modes de scrutin.

M. Jean-Jacques Urvoas, co-rapporteur. Quand nous avons commencé ce travail, sous les auspices de notre président, nous partagions une conviction : la pesanteur du réel, avec ce qu’elle porte de tradition et d’idées fausses, peut limiter l’audace et l’inventivité. Nous avions en commun la volonté de ne pas faire de manichéisme, en considérant que le Gouvernement serait le garant de l’intérêt général tandis que les élus locaux seraient enfermés dans leurs intérêts particuliers. Nous avions également décidé de ne pas tout traiter, assumant ainsi les éventuelles lacunes, pour aboutir à ce qui fait, je crois, la force de ce rapport : l’idée que le volontarisme doit être encouragé par le législateur et qu’il faut accompagner les dynamiques locales.

La Commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication, conformément aux dispositions de l’article 145 du Règlement.

——fpfp——

La mission d’information, qui a commencé ses travaux à la fin de l’année 2007, a procédé à l’audition des représentants des associations d’élus locaux : non seulement l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des régions de France (ARF), mais aussi l’Assemblée des communautés de France (ADCF), l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), l’Association des petites villes de France (APVF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’Association des grandes villes de France (AGVF). Elle a également entendu des représentants de l’administration, ainsi que des experts. Elle a pu constater rapidement que l’enjeu de la clarification des compétences s’imposait à tous. En effet, les collectivités territoriales et leurs établissements publics souffrent d’un enchevêtrement à la fois en termes de compétences exercées et de financement de ces compétences. Les élus locaux eux-mêmes appellent donc de leurs vœux une réforme.

Dans son discours de clôture du dernier Congrès des maires et des présidents de communautés de France, le Premier ministre François Fillon, évoquant le thème de la clarification des compétences, présentait en quelques mots le cœur du problème actuel : « nous souffrons tous de l’empilement et de l’enchevêtrement des compétences. C’est du temps perdu pour dégager des compromis. Ce sont des coûts supplémentaires pour monter des dossiers, pour suivre des procédures, pour faire émerger les projets. Nous devons tous ensemble regarder comment mieux articuler les différents niveaux de compétence. En tout état de cause, le statu quo est impossible. »

Par ailleurs, la question de la distribution des compétences est indissociable de celle de l’architecture territoriale actuelle et du trop grand nombre d’échelons d’administration territoriale.

Pour résoudre ce double problème, le rapport formule deux séries de propositions : les premières concernent les modifications à apporter à la distribution actuelle des compétences, tandis que les secondes ont trait aux mécanismes qui permettraient de favoriser le regroupement des structures territoriales.

La clarification de la répartition des compétences constitue le premier volet du rapport.

Pour atteindre cet objectif, le rapport propose tout d’abord d’instaurer une règle générale applicable au financement de l’ensemble des compétences : que la loi n’autorise qu’un seul niveau de collectivités locales à financer un projet initié par une autre collectivité : le maître d’ouvrage serait ainsi responsabilisé et les financements croisés réduits. Le législateur pourrait toutefois prévoir une dérogation en faveur des plus petites communes, dont les ressources sont souvent peu importantes.

Le rapport préconise par ailleurs, par dérogation à la clause générale de compétence que la loi a reconnu à toutes les catégories de collectivités territoriales, que chaque échelon bénéficie d’un plus grand nombre de compétences exclusives : il serait souhaitable que 80 % des compétences soient exclusivement attribuées à un niveau de collectivités, à charge pour les collectivités concernées d’en déléguer entièrement l’exercice à une collectivité d’un autre niveau. Le rapport ne dresse pas une liste exhaustive de ces compétences, mais propose seulement quelques exemples pour chaque échelon.

Il propose de charger exclusivement les communes et intercommunalités de la construction des équipements sportifs. D’une manière plus générale, l’échelon communal ou intercommunal paraît être le plus adapté pour l’exercice des compétences relatives à l’urbanisme et au logement.

En faveur des départements, il serait possible de prévoir une compétence exclusive pour la gestion de l’ensemble des dispositifs d’insertion sociale, d’hébergement d’urgence, et d’aide aux personnes handicapées relevant actuellement de l’État, ainsi que, plus globalement, une compétence exclusive en matière d’action sociale. Dans le même sens, il serait possible de compléter le transfert aux départements des compétences encore exercées par l’État en matière de construction et d’entretien des établissements médico-sociaux d’éducation spéciale, de médecine scolaire et d’insertion scolaire des élèves handicapés.

Une compétence exclusive pourrait être attribuée aux départements :

- pour définir et conduire la politique de développement du tourisme, tout en permettant aux départements qui le souhaitent d’en déléguer l’exercice à la région – ce qui serait, peut-être, souhaité dans des régions telles que la Bretagne ou l’Alsace ;

- pour gérer les bibliothèques, archives et musées, et plus généralement tout ce qui touche à la politique culturelle.

Les régions pourraient, elles aussi, se voir confier des compétences les renforçant dans leurs domaines prioritaires d’action.

Il serait, d’autre part, souhaitable de transférer des départements aux régions la gestion des collèges, afin de confier à un unique échelon territorial la compétence relative à tous les établissements de l’enseignement secondaire. De même, l’établissement d’une carte de l’enseignement supérieur et de la recherche pourrait être confié au conseil régional, qui déterminerait le financement par la région de la construction, de l’équipement et de l’entretien des établissements d’enseignement supérieur figurant dans cette carte.

Le rapport propose par ailleurs de transférer des départements aux régions la compétence relative aux transports routiers, y compris en matière de transports scolaires où les départements et les communes ont conservé des compétences concurrentes.

Il serait également possible de prévoir :

- l’organisation par les régions d’actions complémentaires d’enseignement supérieur et de recherche, sans préjudice des compétences de l’État en matière d’homologation des titres et diplômes ;

- une compétence exclusive à l’égard de l’ensemble des établissements d’enseignement artistique initial ;

- une compétence exclusive de coordination entre les différents modes de transport collectif de voyageurs et la définition d’une politique régionale des déplacements.

Ces quelques exemples de compétences exclusives n’épuisent bien entendu par le sujet, puisqu’à terme 80 % des compétences devraient être attribuées exclusivement à l’un ou l’autre des échelons.

Le rapport de la mission d’information comporte un second grand volet : la rationalisation des structures territoriales.

Même si elle ne préconise pas la suppression d’une catégorie de collectivités territoriales ou d’une autre, la mission considère que notre effort de rationalisation doit aussi concerner les structures territoriales.

En effet, la situation actuelle, qui résulte d’un empilement de structures d’époques différentes sans aucune réforme d’ensemble, génère des surcoûts et complique la répartition des compétences entre collectivités territoriales. Pour y remédier, le rapport propose de créer les conditions d’un « big bang territorial », en fixant dans la loi les principes de regroupement des collectivités territoriales tout en renvoyant, dans un premier temps, les initiatives aux assemblées délibérantes. Il convient donc de privilégier la souplesse et le volontariat.

Pour inciter les collectivités à se regrouper, la mission estime nécessaire de créer une incitation financière en faveur des collectivités se regroupant, par exemple sous la forme d’un abondement supplémentaire de la dotation globale de fonctionnement, pour une durée qui pourrait être de dix ans à compter de la mise en œuvre effective du regroupement.

Afin de favoriser toutes les initiatives permettant de réduire le nombre de structures, deux grands types de regroupements devraient être encouragés :

- d’une part, des regroupements horizontaux, entre collectivités territoriales relevant de la même catégorie ;

- d’autre part, des regroupements verticaux, entre collectivités territoriales de différents niveaux.

Concernant les regroupements horizontaux, le rapport propose d’abord de faciliter le regroupement volontaire des régions, en dispensant celles-ci de l’accord préalable des conseils généraux. Les régions agrandies qui en résulteraient disposeraient ainsi, tant en termes de population que de richesse, de la taille critique qui, sur le plan budgétaire plus que géographique, leur fait actuellement défaut au niveau européen.

Mais un effort de regroupement s’impose aussi au niveau communal et intercommunal, caractérisé un émiettement que ne connaissent pas les autres pays de l’Union européenne – rappelons que la France compte plus de 36 000 communes, plus de 16 000 syndicats de coopération intercommunale et près de 2 600 EPCI à fiscalité propre… Seule la Chine dispose d’un plus grand nombre de communes, mais sa population est plus de vingt fois supérieure à la nôtre !

En matière d’intercommunalité, il s’agirait d’inciter à la fois au regroupement des EPCI entre eux et à l’achèvement de la couverture du territoire national par des EPCI à fiscalité propre. Au-delà d’une date butoir, fixée par exemple au 1er janvier 2011, le représentant de l’État dans le département devrait pouvoir intégrer d’autorité toute commune isolée à un EPCI à fiscalité propre, après consultation de commission départementale de la coopération intercommunale. Enfin, dans certains cas, des regroupements communaux pourraient être favorisés : en s’inspirant du statut spécifique applicable aux villes de Paris, Lyon et Marseille, il serait possible de permettre, dans toutes les agglomérations de plus de 50 000 habitants, la création d’une commune à arrondissements, composée de la commune-centre et des communes périphériques. Dans ce nouvel ensemble, chaque ancienne commune deviendrait un arrondissement, comprenant un conseil d’arrondissement ainsi qu’un maire d’arrondissement, et exercerait certaines compétences de proximité.

Pour les petites communes rurales, le regroupement communal serait réservé aux opérations envisagées à l’échelle du périmètre intercommunal.

Concernant les regroupements verticaux, la mission souhaite permettre deux types de regroupements :

- la fusion volontaire d’une région et de ses départements en une même collectivité, que l’on pourrait qualifier de « grande région », exerçant l’ensemble de leurs compétences ;

- la transformation d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine au poids prépondérant au sein d’un département en une collectivité territoriale de plein exercice se substituant au conseil général, les autres communes étant intégrées aux départements voisins avec leur accord.

Il est évident que certains de ces regroupements n’intéresseront, en pratique, qu’une partie du territoire national – on peut penser par exemple aux grandes agglomérations. Toutefois, il doit être possible de combiner harmonieusement regroupements horizontaux et verticaux en laissant les initiatives locales s’exprimer – le législateur devra, bien entendu, s’assurer de la cohérence des résultats obtenus au niveau national et, au besoin, « reprendre la main ».

Après les étapes majeures de la décentralisation que furent les transferts de compétences décidés au début des années 1980 et en 2004, le bilan de cette politique apparaît aujourd’hui contrasté, tant les compétences apparaissent enchevêtrées. Le temps est donc venu de repenser l’organisation des collectivités locales, qu’il s’agisse de leurs compétences ou de leur architecture. Les propositions formulées aujourd’hui par la mission d’information doivent permettre de rompre avec la confusion et les enchevêtrements qui se sont aggravés au fil du temps. Pour ce faire, il faut à la fois réfléchir aux regroupements de structures et redistribuer les compétences à la lumière de l’expérience, en privilégiant la clarté, la cohérence et une plus grande spécialisation de chaque niveau de collectivités.