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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 7 octobre 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, de M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes et de MM. Gérard Moreau et Gérard Ganser, conseillers maîtres, responsables respectivement des secteurs « justice » et « intérieur »

– Examen de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marché (n° 1896) (M. Philippe Vuilque, rapporteur)

– Amendements examinés par la Commission

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président

La Commission procède tout d’abord, en présence de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, à l’audition de M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et de MM. Gérard Moreau et Gérard Ganser, conseillers maîtres, responsables respectivement des secteurs « justice » et « intérieur ».

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je suis heureux d’accueillir M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, ainsi que M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre et MM. Gérard Moreau et Gérard Ganser, conseillers maîtres, responsables respectivement des secteurs « justice » et « intérieur ».

Compte tenu de l’état sans précédent des finances publiques, le président de notre assemblée a invité toutes les commissions permanentes à présenter des contributions en matière d’optimisation de la dépense publique, de traque des dépenses inutiles et de suppression d’organismes dont l’utilité ne serait plus établie. Pour sa part, la Commission des lois a créé, le 15 juillet dernier, une mission d’information sur l’optimisation de la dépense publique, dont le premier objectif est d’établir un diagnostic clair et partagé sur l’état de nos finances publiques ; il lui appartiendra ensuite de présenter des mesures applicables dans les meilleurs délais.

Sans préjuger le résultat de nos travaux, il me semble que nous devrons tout d’abord réfléchir aux moyens susceptibles de rendre la dépense publique plus efficace dans les domaines entrant dans la compétence notre Commission. Tel est précisément l’objet de cette audition, qui nous permettra d’entendre des magistrats appartenant à la quatrième chambre de la Cour des comptes, chargée de contrôler les secteurs «  justice » et « intérieur ».

En deuxième lieu, on peut s’interroger sur le coût de la dette publique, notamment celui de la dette sociale – sujet dont nous avons eu à connaître en 2005 à l’occasion du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. La dette accumulée risquant de réduire à néant les efforts entrepris, nous devrons veiller à appréhender la situation de façon globale.

En dernier lieu, je tiens à rappeler que nous ne pourrons pas raisonner de façon statique : il faudra également chercher à stimuler les recettes publiques et à encourager la croissance.

Cette audition nous permettra d’achever notre cycle d’auditions et de remettre rapidement, sans doute dès la semaine prochaine, notre contribution au Président de l’Assemblée.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Si j’ai tenu à accompagner le président Pichon ainsi que MM. Moreau et Ganser, ce n’est pas seulement pour avoir le plaisir – bien réel – de m’exprimer pour la première fois devant votre Commission en tant que Premier président de la Cour des comptes ; je voulais également témoigner de l’intérêt et de l’estime que la Cour porte à votre démarche. Il me paraît tout à fait légitime que d’autres commissions que la commission des finances et celles des affaires sociales, qui me sont plus familières, je dois le reconnaître, se saisissent de cette question essentielle qu’est la maîtrise des finances publiques.

Je commencerai par vous présenter quelques éléments de portée générale dont j’ai déjà eu l’occasion de faire part, au cours des derniers mois, à la Commission des finances et à celle des affaires sociales.

Comme je l’avais indiqué devant le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur, la Cour produit de plus en plus de documents à destination du Parlement, mais il se trouve qu’elle est en relation, non pas avec chaque assemblée en tant que telle, mais seulement avec certaines commissions. Il y a probablement là un problème d’organisation qu’il serait bon de résoudre. On peut déplorer que certains des travaux que nous avons réalisés au cours des dernières années n’aient pas été portés à la connaissance de votre Commission.

La création du CEC, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, constitue un progrès indéniable. Comme l’a indiqué le Conseil constitutionnel, il conviendra toutefois que la loi précise les conditions dans lesquelles le CEC peut demander son appui à la Cour. Mais on peut surtout regretter qu’il n’y ait pas en France de structure commune aux deux assemblées qui soit compétente en matière de finances publiques, comme c’est le cas dans d’autre pays, notamment au Royaume-Uni.

S’agissant de l’état de la dette et du déficit publics, je ne pourrais probablement rien vous dire que vous ne sachiez déjà. Je me contenterai donc de présenter un certain nombre de points qui mériteraient, selon la Cour, une attention particulière.

L’objectif d’optimiser la dépense impose que l’on garde à l’esprit les principaux facteurs de son évolution et que l’on adopte un point de vue global. Il faut tout d’abord veiller à distinguer les stocks et les flux : notre stock de dette – environ 1 400 milliards au moment où je vous parle – est essentiellement le fait de l’État et résulte de l’accumulation des déficits publics au fil des ans. En dépit de la relative maîtrise des dépenses de l’État, dont certains d’entre vous estimeront peut-être qu’elle a été réalisée à bon compte, la croissance des dépenses de la sécurité sociale et des collectivités territoriales reste dynamique.

L’État a adopté la bonne résolution de fixer une norme d’évolution de ses dépenses et pris l’initiative d’évaluer plus systématiquement son action, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). La démarche entreprise est louable et je m’en voudrais de ne pas l’encourager, mais force est de reconnaître que les résultats sont encore très modestes. D’une certaine façon, nous nous trouvons dans la situation d’un individu qui aurait perdu ses clefs en pleine nuit et qui se bornerait à les chercher au pied du réverbère le plus proche. Si la norme de dépenses de l’État est peu ou prou respectée, de nombreuses autres dépenses explosent, notamment en raison du report de certaines charges sur les collectivités territoriales et sur les opérateurs, mais aussi en raison de la montée en puissance des niches fiscales – autant de domaines nécessitant, à mes yeux, une attention particulière.

Je précise tout de suite que mes propos ne tendent pas à stigmatiser les collectivités locales ou la sécurité sociale. Sur le plan local, par exemple, les collectivités cherchent à améliorer le service rendu à leurs administrés et l’on s’aperçoit que les dépenses transférées par l’État sont bien souvent dynamiques, contrairement aux recettes correspondantes. D’où un effet de ciseaux malheureusement bien connu des élus. D’autre part, les difficultés actuelles résultent en partie de la multiplication des centres de décision, de l’enchevêtrement croissant des compétences et de l’existence de nombreux doublons.

L’État porte une lourde responsabilité en la matière, car il n’a tiré que tardivement les conséquences de la décentralisation pour les services déconcentrés. Même s’il ne faut pas entretenir d’illusions sur la rapidité des résultats qu’on peut espérer, l’organisation administrative des collectivités territoriales et de l’État constitue un premier gisement d’économies. On peut donc se réjouir que l’administration territoriale de l’État ait commencé sa mue en 2008 et qu’une réforme des collectivités territoriales vous soit bientôt soumise.

Gardons toutefois en mémoire que les dépenses ne sont que faiblement élastiques : quels que soient les efforts de restructuration des services, qui sont aujourd’hui réels car c’est toute l’administration, dans les trois fonctions publiques, qui est en train de se réformer, il faudra des années pour atteindre un niveau d’effectifs correspondant aux besoins préalablement définis. Le principe de non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite est la limite à laquelle se heurte la réduction des dépenses de personnel, lesquelles représentent plus de la moitié des engagements financiers de l’État. D’autre part, les effectifs ne se réduisent pas forcément là où les besoins seraient moindres.

Rien n’est plus désespérant et démobilisateur que de songer à quelle vitesse les quelques millions d’euros durement économisés ici ou là peuvent être dissipés par des allégements d’impôts ou par la création de charges nouvelles, dont l’utilité n’est pas nécessairement établie. L’optimisation de la dépense est un souci louable, mais il ne faudrait pas oublier, pour autant, la question de l’optimisation des recettes, laquelle suppose d’abord la sécurisation de celles-ci. Les dépenses fiscales, à savoir la part de la fiscalité à laquelle l’État renonce pour une raison ou pour une autre et qui peut donc s’analyser comme une dépense, s’élèvent aujourd’hui à 70 milliards d’euros environ, tandis que le montant des exonérations de charges dépasse les 30 milliards, soit une masse de 100 milliards au sein de laquelle de substantielles économies pourraient être réalisées.

Il conviendrait également de faire preuve d’une vigilance accrue à l’égard des conséquences financières de l’évolution du contexte normatif. Les études d’impact sont désormais obligatoires pour tous les projets de loi, ce qui constitue une avancée essentielle, et votre président a tenu à ce que cela puisse également être le cas pour les propositions de loi. C’est une excellente initiative, car il est essentiel de mieux évaluer d’emblée l’impact financier des mesures proposées. À ce sujet, la Cour est tout à fait disposée, non pas à réaliser elle-même les études d’impact, mais à apporter son expertise, notamment en ce qui concerne les méthodes retenues.

On peut se demander, par exemple, si l’on avait bien évalué la charge supplémentaire que représentera, pour les juridictions, la nouvelle procédure d’exception d’inconstitutionnalité, ou encore la charge qui a résulté de la loi du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption d’innocence, laquelle a conduit les juridictions à réaliser, à leurs frais, des copies de toutes les pièces des dossiers à destination de l’ensemble des parties. Ainsi, certains agents passent aujourd’hui leur temps à faire des photocopies dont un très faible pourcentage sera effectivement utilisé.

M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes. Il est difficile de dégager des pistes d’économies, bien que cet exercice soit au cœur de l’activité de la quatrième chambre, qui a notamment compétence sur le ministère de la justice et sur celui de l’intérieur, dont le périmètre est désormais très étendu : il comprend en effet l’administration territoriale de l’État, les relations avec les collectivités locales, les missions de sécurité intérieure assurées par la police et par la gendarmerie, ainsi que les questions relatives à l’outre-mer, les structures du ministère correspondant ayant été réintégrées au sein du ministère de l’intérieur.

La quatrième chambre a eu l’occasion de réaliser un certain nombre de contrôles qui lui ont permis d’identifier des gisements d’économies dans les quelque 23,6 milliards d’euros de crédits alloués au ministère de l’intérieur. Je dois toutefois préciser que les évolutions dans le temps sont très délicates, car le ministère dépense l’essentiel de ses crédits sous la forme de dépenses de personnel et de dotations aux collectivités locales. Des économies sont certes possibles, mais à doses homéopathiques.

Les comparaisons internationales révèlent que le nombre de gendarmes et de policiers, rapporté à la population totale, au PIB ou encore à l’ensemble des dépenses budgétaires, est relativement élevé dans notre pays. On constate, en outre, une hausse sensible des effectifs et des coûts, notamment dans la police, du fait de la politique de revalorisation indiciaire et de revalorisation des carrières. Cette politique était sans doute justifiée, mais elle coûte cher à l’État. Au risque de paraître iconoclaste, on peut se demander si le nombre de policiers et de gendarmes correspond réellement aux besoins.

En outre, une fraction importante des personnels n’est pas affectée à des tâches correspondant à leurs missions premières. Un contrôle approfondi sur les compagnies républicaines de sécurité a ainsi démontré qu’un pourcentage substantiel des effectifs était affecté à des gardes statiques – les fameux « pots de fleurs ». Ayant tendance à vivre en vase clos, certains services confient également des tâches de nature administrative à des personnels chargés de la sécurité. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas envisager une externalisation de ces missions – secrétariat, maintenance ou encore entretien –, qui pourraient être attribuées à des fonctionnaires spécialisés, voire à des partenaires privés ?

On pourrait également s’interroger sur le maillage territorial de l’administration de l’État – je pense notamment aux sous-préfectures. Chacun sait que la dernière grande réforme en la matière date de 1928. Compte tenu des moyens de communication et de travail aujourd’hui disponibles, on pourrait sans doute réfléchir au nombre, au rôle et à la structuration des sous-préfectures, sans remettre en cause la fonction de sous-préfet en tant que telle.

Une autre piste de travail concerne les dépenses fiscales, évoquées par M. le Premier président. On pourrait notamment s’interroger sur le coût et l’efficience de plusieurs dispositifs relatifs à l’outre-mer, notamment le dispositif dit « Girardin » applicable aux investissements industriels et aux bateaux de plaisance. Quand on rapporte le nombre d’emplois créés à leur coût pour l’État et que l’on sait à quel point certains contribuables sont habiles, on peut se demander s’il est bien opportun de maintenir de telles dispositions.

S’agissant toujours du ministère de l’intérieur, nous avons prévu de vérifier si toutes les conséquences ont été tirées du rapprochement entre la police et la gendarmerie. Il y a certainement des économies d’échelle à réaliser en matière d’achats, de coordination, de frais d’hébergement et de déplacement.

Depuis que je préside la quatrième chambre, le ministère de la justice a fait l’objet d’une quinzaine de contrôles portant sur l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse, la protection de l’enfance, la gestion des parquets, les frais de justice, la gestion de l’aide juridictionnelle par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), la justice de première instance ou encore les conditions de mise en place de la réforme de la carte judiciaire.

Pour avoir suivi ces différents contrôles, mais également en tant que simple contribuable, j’ai l’impression que les moyens financiers dont dispose le ministère de la justice ne sont pas à la mesure de ce qu’exigeraient une démocratie et une République modernes. Les comparaisons internationales démontrent que les moyens ne sont pas très abondants – il ne s’agit pas tant des effectifs de magistrats que de l’environnement général de la justice : le nombre de greffiers, les crédits pénitentiaires, le nombre de places de prison, les crédits alloués à l’aide juridictionnelle, mais aussi les frais de justice. Une réflexion est d’ailleurs engagée sur les moyens alloués à l’aide juridictionnelle, qui sont bien plus faibles dans notre pays qu’en Angleterre ou en Allemagne.

Même si l’instauration d’une procédure d’exception d’inconstitutionnalité risque de multiplier les dossiers traités par les juridictions, il est certainement possible de trouver des gisements d’économies au sein du ministère de la justice. Quand une éponge est presque sèche, on peut encore la tordre pour en extirper quelques gouttes. On peut notamment considérer que la justice n’a pas encore réalisé son aggiornamento en matière de procédure : il y a trop de papiers et trop d’éléments inutiles. Il faudrait simplifier et moderniser les procédures afin de réduire les coûts de fonctionnement. L’achat du papier, par exemple, coûte aujourd’hui des fortunes.

Le ministère devra également veiller à tirer les conséquences de la réforme de la carte judiciaire en matière de ressources humaines et de gestion de l’immobilier, même s’il ne faut pas s’attendre à des merveilles. C’est que la réforme va coûter cher : entre 250 et 750 millions d’euros selon les estimations de la Chancellerie. Nous ne pourrons engranger les effets positifs des évolutions en cours qu’à moyen terme.

Ajoutons à cela que des plateformes interrégionales de gestion en matière d’achat sont en cours de constitution. Une meilleure organisation de cette fonction permettra sans doute d’économiser des moyens supplémentaires.

Au total, les économies susceptibles d’être réalisées par le ministère de la justice ne devraient pas dépasser une centaine de millions d’euros, montant qui, sans être négligeable, n’est malheureusement pas à la hauteur des déficits publics actuels.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Vous avez évoqué les conséquences du passage de la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Quelles sont les perspectives de gains en efficacité ?

M. Alain Pichon. On peut espérer que cette évolution permettra de mettre un terme à un certain nombre d’incohérences, notamment en ce qui concerne les systèmes informatiques, les moyens de communication par radio ainsi que les achats de matériel et d’uniformes. On peut en attendre des effets d’échelle. Une meilleure répartition des forces sur le territoire pourrait également contribuer à réduire les coûts, notamment en matière d’immobilier. Reste que ce patrimoine immobilier relève souvent des collectivités locales.

M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez évoqué les gisements d’économies possibles dans le domaine des collectivités territoriales et vous avez appelé à une plus grande attention sur les dotations de l’État, mais vous n’avez pas dit un mot des inégalités territoriales. Certaines villes jouissent quasiment de « ressources naturelles », tandis que d’autres n’ont pas les moyens nécessaires pour faire face aux difficultés de leurs quartiers sensibles.

S’agissant des effectifs de police qui ne seraient pas utilisés à bon escient, selon vous, vous avez cité les CRS affectées à des gardes statiques. Or certains maires sont plus qu’heureux d’avoir des compagnies stationnés à proximité et qui apportent leur appui aux forces de police en cas de besoin.

En ce qui concerne le ministère de la justice, nous ne pouvons que prendre acte de votre suggestion d’augmenter son budget. D’autre part, force est de constater que le montant de 100 millions d’euros d’économies est assez faible par rapport au budget total du ministère.

M. Philippe Séguin. Si je n’ai pas évoqué les inégalités territoriales, c’est parce qu’il me semblait que tel n’était pas le sujet de cette audition. Mais vous savez que je peux être intarissable sur ce problème tout à fait essentiel.

Assumer la décentralisation tout en restant fidèle aux principes de la République n’a rien d’une évidence : il ne suffit pas de proclamer que la France est une République décentralisée.

D’autre part, je regrette que certains travaux qui nous ont conduits à aborder, par exemple, la question de la fiscalité locale, notamment par le biais du patrimoine des ménages, n’aient pas été portés à la connaissance de votre Commission. Il en va de même des travaux du Conseil des impôts sur le même sujet. J’ai donc pris l’initiative d’adresser au Président de chaque assemblée un exemplaire de tous les documents envoyés aux commissions permanentes avec lesquelles nous sommes en relation ; libre à lui, par la suite, de diffuser plus largement ces documents auprès des autres commissions.

Sur le fond, je rappelle que nous avons conclu à la nécessité de mener un certain nombre de réformes, notamment en ce qui concerne les bases de la fiscalité locale. Ce sont en effet les collectivités dont le potentiel fiscal est le plus faible qui doivent affronter les difficultés les plus graves. Nous avons également examiné la question des dotations de l’État : quelle part des ressources des collectivités doit venir des dotations et quelle part des ressources propres ? L’autonomie financière a-t-elle nécessairement pour corollaire l’autonomie fiscale ? Ce sont là de véritables questions.

M. Alain Pichon. Nous avons conduit une enquête approfondie sur les 85 milliards d’euros de dotations accordés par an par l’État aux collectivités territoriales. Bien qu’un principe de péréquation ait été posé, nous avons constaté que ces dotations servaient d’abord à garantir les ressources des collectivités locales, et que les effets de péréquation restaient très limités. Les communes pauvres demeurent pauvres, et les communes aisées ou riches demeurent aisées ou riches.

M. Jean-Jacques Urvoas. J’aimerais savoir si la Cour pourrait nous apporter son précieux appui en ce qui concerne les effectifs de la mission « Sécurité ». Nous avons, en effet, observé des divergences notables entre les rapports budgétaires produits par notre assemblée et ceux produits par le Sénat.

Mme Alliot-Marie, que j’avais interrogée sur ce sujet lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, avait annoncé qu’elle me répondrait par écrit. N’ayant pas reçu de réponse, j’ai posé la question à son successeur, M. Hortefeux, qui a récemment cité le chiffre de 242 945 emplois lors d’une présentation de la mission « Sécurité » devant les préfets, alors qu’un document publié le même jour, et disponible sur Internet, faisait état de 243 057 emplois.

M. Alain Pichon. Comme vous, nous sommes confrontés en permanence à ce problème : l’État est incapable de mesurer ses effectifs à l’instant t. Il faut d’ailleurs distinguer, notamment, les équivalents temps plein et les emplois ouverts au budget.

Vos chiffres ne coïncident pas avec ceux dont je dispose. Pour 2009, le plafond d’emplois ministériel de la mission « Sécurité » s’élève à 245 689 agents, dont 146 000 pour la police et 99 509 pour la gendarmerie. Mais nous raisonnons à quelques centaines ou quelques milliers près. Il n’existe pas, hélas, d’observatoire ou de recensement fiable de l’emploi public, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales. Nous sommes fondés à appeler de nos vœux la mise en place d’un système informatisé moderne et efficient pour mieux connaître le volume et l’évolution des effectifs.

M. René Dosière. Pourquoi la présidence de l’Assemblée ne reçoit-elle pas plusieurs exemplaires des rapports de la Cour des comptes ? Celui relatif à l’exécution du budget de l’État, par exemple, qui intéresse tous les députés, n’est disponible qu’auprès de la Commission des finances. On nous explique qu’il est consultable sur le site Internet de la Cour, mais il n’est pas évident d’imprimer trois cents pages. Il fut un temps où ce rapport était disponible à notre « distribution », mais ce n’est plus le cas. Je me permets de vous signaler ce problème interne à l’Assemblée !

Le Gouvernement semble plus soucieux de réduire le nombre des élus locaux que celui de ses sous-préfets. Ancien rapporteur pour avis du budget de l’administration territoriale de l’État, je ferai observer que les effectifs de l’État sont mal répartis, certaines zones étant manifestement sous-dotées : des sous-préfectures de région parisienne, où vivent 500 000 habitants, se retrouvent avec 50 ou 60 agents de l’État, tandis que la préfecture et les sous-préfectures d’un département peuplé de 150 000 habitants en emploient cinq ou six fois plus. Il conviendrait de mieux doter les zones urbaines !

M. Alain Pichon. Dans notre travail sur l’évolution des effectifs de l’État, qui doit paraître prochainement, une carte est très révélatrice des différences de maillage territorial : des zones sont suradministrées alors que d’autres sont sous-administrées. Une meilleure répartition est sans doute souhaitable, mais elle se heurte au goût peu prononcé des fonctionnaires, en particulier des fonctionnaires d’État, pour la mobilité. Il conviendrait donc d’encourager la mobilité.

M. René Dosière. Il faut aussi compter avec la capacité des parlementaires à défendre leurs propres circonscriptions !

M. Philippe Séguin. Supprimer des sous-préfectures ne signifie pas automatiquement supprimer des sous-préfets ; ceux-ci restent « en stock », si j’ose dire, toujours animés par l’espérance de devenir préfets. La seule économie à espérer concerne l’immobilier, encore que les logements de province resteront à la charge de l’État, eu égard au contrat moral passé entre ce dernier et les fonctionnaires entrant dans le corps préfectoral. L’impact sera donc limité.

Quoi qu’il en soit, même lorsqu’un organisme perd sa vocation, on réinvente une fonction pour les effectifs en poste. C’est ce que j’appellerai le « syndrome Banque de France » : avec la mise en circulation de la monnaie unique, la Banque a perdu sa vocation, mais elle continue de s’occuper ; elle produit des rapports à destination des préfets, qui, même s’ils font sans doute doublon avec d’autres rapports, peuvent ne pas être inutiles, car il est toujours intéressant de recueillir plusieurs points de vue. Et son activité phare est désormais la gestion du surendettement. Napoléon aurait-il créé la Banque de France si sa seule utilité, à l’époque, avait été de gérer le surendettement ? Si la Banque de France n’existait pas, une autre formule n’aurait-elle pas pu être trouvée pour gérer le surendettement ? D’autant que – si je puis dire – le fonctionnement de la Banque de France n’est pas « donné »…

M. Bruno Le Roux. Après les derniers événements, les élus de banlieue n’ont pas réclamé l’augmentation du nombre de fonctionnaires au niveau national mais ont demandé s’ils sont bien affectés là où se concentrent les problèmes d’insécurité. En 1997, en superposant la carte de l’insécurité et celle de la répartition des effectifs, j’avais constaté que le rapport était souvent inversement proportionnel : les effectifs de police sont les plus faibles là où les problèmes d’insécurité sont les plus graves.

Je sollicite une information sur la question, mais je me heurte à quelques réticences de la part du ministère de l’intérieur. Pouvez-vous nous aider ? Avez-vous mené une étude répondant à mes interrogations ou nous encouragez-vous à persévérer pour obtenir que les effectifs de police soient répartis en fonction des problèmes d’insécurité ?

M. Gérard Ganser, conseiller maître, responsable du secteur « intérieur ». Monsieur Dosière, des directions départementales interministérielles sont en cours de création. Sous réserve des incertitudes statistiques relatives aux effectifs de l’État et à leur répartition, chacune de ces structures emploiera entre 35 et 250 fonctionnaires pour 100 000 habitants. Je vous indique ces chiffres sous toutes réserves, à titre d’ordres de grandeur, mais ils font apparaître un rapport de un à sept.

Monsieur Le Roux, nous travaillons régulièrement sur la police et notamment sur sa direction la plus importante en effectifs, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Le dernier référé du Premier président relatif à ce domaine, qui a comme d’habitude été transmis à la Commission des finances de l’Assemblée nationale, faisait deux constats : la répartition des effectifs est sujette à une inégalité spatiale ; elle obéit à des lois totalement mystérieuses pour nous. Les effectifs de la DCSP sont affectés à la marge : les quelques milliers de policiers supplémentaires qui étaient recrutés chaque année en période de croissance étaient répartis d’abord par directions, puis par circonscriptions. Pour rééquilibrer les effectifs au sein de leur département, les directeurs départementaux sont même obligés de tricher un peu avec la règle en mettant à la disposition d’une circonscription des agents affectés dans une autre circonscription.

M. Daniel Vaillant. Je ne jetterai la pierre à personne car le problème des chiffres est ancien.

Quand un policier part à la retraite huit mois à l’avance pour récupérer ses heures non payées, est-il comptabilisé dans les statistiques ? De tels phénomènes contribuent à brouiller les chiffres, de même que le soin consacré par le Gouvernement à ne pas afficher la baisse de fonctionnaires qu’il a souhaitée, pour une raison que chacun comprend : la sécurité étant un sujet politique qui compte.

Existe-t-il des données internationales permettant de comparer le taux de présence policière, notamment avec les autres pays européens ? Compte tenu de la croissance démographique, du regroupement des populations dans les zones urbaines et des problèmes rencontrés dans le monde rural, je ne suis pas sûr que la dotation de la France en policiers soit excessive, ni qu’elle soit beaucoup plus élevée qu’en Italie. Il faut savoir assumer une politique !

Le problème des tâches administratives indues doit toujours être soulevé. Nous avons davantage besoin de policiers sur le terrain, en proximité, au service des citoyens, que de policiers affectés à des tâches étrangères aux missions de sécurité publique.

Grâce à la télématique et à la bureautique, les tâches des sous-préfectures peuvent certainement être allégées – cet allégement a d’ailleurs été déjà entrepris. En revanche, je doute que la recentralisation entraîne des économies. Le transfert de la responsabilité de la rénovation des lycées de l’État vers les régions a permis d’accomplir des économies. Ce n’est pas la proximité qui coûte cher : c’est la centralité !

M. Philippe Séguin. Le mouvement de recentralisation s’effectue vers la préfecture, pas vers Paris.

M. Jacques Valax. Une logique de réforme peut s’appuyer sur la volonté d’accomplir des économies. Or, hier, un texte relatif à la disparition de la profession d’avoué a été adopté. Alors que cette réforme avait initialement pour objet d’entraîner des économies pour le justiciable, la garde des sceaux a reconnu que son coût serait au minimum de 400 ou 450 millions d’euros, alors que nous estimons, pour notre part, qu’il atteindra 900 millions d’euros. Quelle est la cohérence entre la volonté d’économies affichée et une telle mesure qui génère de nouveaux coûts ?

M. Philippe Séguin. Sans parler de cet exemple précis, certaines réformes ayant pour objectif de produire des économies à terme peuvent s’avérer coûteuses dans un premier temps. La fusion des services de la comptabilité publique et des impôts sera porteuse de cohérence et d’économies dans le futur mais, dans l’immédiat, elle se traduit à l’évidence par des surcoûts, ne serait-ce que parce que les nouvelles rémunérations ont tendance à s’aligner sur les rémunérations les plus élevées des anciens corps. Il en a été de même à Pôle emploi et à France Télévisions. La logique est identique lorsqu’une tâche est automatisée : cela s’avère coûteux dans un premier temps, parce qu’il faut acheter les équipements et parce que les personnels concernés ne partent pas immédiatement à la retraite.

Monsieur Vaillant, il est au moins souhaitable que toutes les statistiques s’appuient sur les mêmes critères, que le policier partant en retraite huit mois à l’avance soit systématiquement comptabilisé ou systématiquement extrait des effectifs.

M. Serge Blisko. En dépit du dévouement du personnel des greffes et des autres agents judiciaires, certains tribunaux de grande instance sont totalement débordés. La vétusté de l’immobilier et des locaux est aussi frappante, de même que les erreurs gigantesques commises en matière d’informatisation, notamment. Les missions parlementaires ont constaté que le système fonctionne mal.

Les comparaisons internationales nous intéressent beaucoup, en particulier concernant les prisons. Nombre de prisons sont construites en plein champ, comme l’exigent les collectivités locales et les habitants, ce qui entraîne des coûts très lourds, notamment des coûts sociaux, pour les personnels, les détenus et leurs familles.

N’oublions pas que 73 % des personnes détenues en maison d’arrêt sont condamnées à moins d’un an d’emprisonnement. C’est pourquoi nous préconisons le recours à des systèmes alternatifs – aménagement de peine et bracelet électronique –, mais il importe que nous disposions de données fiabilisées relatives à leur coût et à leur montée en charge.

Enfin, j’ai pris connaissance du coût extraordinairement élevé de la construction, à Paris, d’un nouveau palais de justice. L’état du bâtiment actuel, certes vétuste, situé sur l’île de la Cité, me semble améliorable, en particulier si un effort est accompli pour perfectionner l’informatisation et les méthodes de travail. J’ai toujours mis en doute l’évaluation des besoins, qui date des années quatre-vingt-dix, c’est-à-dire d’une époque où la numérisation était moins développée qu’aujourd’hui. L’affaire est largement engagée, mais dépenser de 500 à 700 millions d’euros pour un second bâtiment serait excessif : il serait plus judicieux de consacrer ce surcoût à l’amélioration de la condition pénitentiaire.

M. Gérard Moreau, conseiller maître, responsable du secteur « justice ». Nous lisons et entendons que la Ville de Paris et le ministère de la justice envisagent une construction dans le quartier des Batignolles, par le biais d’une procédure de partenariat public-privé. Je n’en sais pas plus que vous. Le projet est suffisamment avancé pour arriver à nos oreilles, mais aucun contrat n’a été signé, aucun texte n’a été adopté. La Cour a simplement constaté – son rapport annuel 2008 en rend compte – que la problématique de la modernisation du tribunal de grande instance de Paris a été étudiée dès 1993 et qu’elle a été travaillée depuis lors, mais qu’une actualisation complète s’impose, eu égard aux évolutions possibles sur l’île de la Cité – le ministère de l’intérieur envisage de faire déménager ses fameux services du quai des Orfèvres. La Cour a donc demandé au ministère de la justice de reprendre son travail et de concevoir un projet global afin d’identifier le meilleur investissement, sans parler de la localisation, qui doit être déterminée conjointement par l’État et la ville, à supposer qu’une reconstruction se révèle nécessaire.

Créer un établissement public spécialisé n’est pas forcément la formule la plus économe. La vraie question est la suivante : est-il prioritaire de dépenser 600 ou 700 millions d’euros pour un tel investissement, alors que le ministère croule sous les besoins, tant dans le domaine pénitentiaire que dans le domaine judiciaire ?

M. Alain Pichon. Vous connaissez l’essentiel du roman à épisodes de l’EPPJP, l’établissement public du palais de justice de Paris. Après plusieurs avatars, l’option Batignolles, dont le coût est élevé, semble maintenant sur les rails.

J’attire l’attention de la Commission sur les opérations en partenariat public-privé (PPP). Loin d’être la pierre philosophale, cette méthode offre des solutions illusoirement moins coûteuses que le financement sur crédits publics.

Nous avons procédé à divers contrôles, portant sur le ministère des affaires étrangères, sur des prisons ou des palais de justice. Les universités et les collectivités locales seront sans doute aussi sollicitées et séduites par ces montages car il n’y a que des loyers à payer et le partenaire privé apporte le financement et supporte le risque. S’il s’agit d’une opération commerciale comme la construction d’une scène de spectacle, c’est sans doute intéressant ; s’il s’agit d’un équipement aussi régalien qu’une prison ou un hôpital, je suis un peu plus réservé. Un tel contrat est extraordinairement sophistiqué et il incombe au directeur de prison ou au président du tribunal de grande instance, qui n’est ni équipé ni organisé à cet effet, de surveiller son exécution. Autrement dit, la marge de manœuvre et de négociation du partenaire privé est considérable.

Enfin, le coût actualisé des loyers, qui courent souvent sur quarante années, est vertigineux. EUROSTAT, pour l’instant, n’assimile pas ces loyers à de la dette, mais cela ne saurait durer car le risque du partenaire privé est limité lorsque l’État apporte sa garantie pour une prison ou un tribunal. Il y a quelques années, la Hongrie, qui avait multiplié les PPP, a dû payer les pots cassés. Je ne suis pas adversaire des opérations en PPP, mais je préconise la parcimonie et la prudence en la matière.

Mme Marietta Karamanli. Lors de la discussion sur la loi de finances pour 2009, nous avons été plusieurs à noter la très grande variété des dotations financières de l’État aux collectivités territoriales, chaque concours obéissant à ses propres règles de calcul, certains servant de variable d’ajustement ou de compensation d’exonération.

En 2010, la masse de ces dotations augmentera de 0,6 à 0,7 %, soit deux fois moins que prévu. Le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) devrait progresser de 1,2 % et le basculement de la taxe professionnelle vers la cotisation économique territoriale s’effectuera en deux temps.

Les collectivités assument des compétences de plus en plus étendues avec des ressources souvent précaires et des dotations en stagnation ou en régression. Que vous inspire la complexité des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, pour partie retracées dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ? Quels mécanismes seraient de nature à réduire la vulnérabilité des transferts entre l’État et les collectivités et donc à renforcer leur stabilité ?

M. Alain Pichon. Les dotations de l’État aux collectivités territoriales forment une alchimie de plus en plus complexe, défiant l’entendement de quiconque essaie de s’y retrouver. Ceux qui maîtrisent la totalité du système sont extrêmement rares : quelques parlementaires, le Comité des finances locales – instance décisionnelle en la matière –, des fonctionnaires de la direction générale des collectivités locales et du ministère des finances.

L’État s’essouffle et peine de plus en plus à alimenter ses dotations : les chiffres annoncés pour 2010 marquent un freinage très net des taux d’augmentation par rapport aux exercices précédents. Il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur les choix politiques, mais j’estime qu’il faudra un jour ou l’autre installer des structures de dialogue et de concertation entre les élus locaux et les décideurs nationaux, afin d’assurer une programmation et une contractualisation à moyen terme.

Malgré le nombre de bénéficiaires – entre 50 000 et 60 000 communes et intercommunalités – et la coexistence d’une quinzaine de dotations avec des multicritères très sophistiqués, leur attribution donne lieu à peu de contentieux et de contestation. Les élus locaux reçoivent à peu près ce qu’ils attendaient : s’ils obtiennent 1 % de mieux que prévu, ils sont contents ; s’ils obtiennent 1 % de moins que prévu, on leur explique pourquoi. Cette gigantesque pompe aspirante et refoulante, actionnée par des agents préfectoraux peu nombreux mais très dévoués, réussit donc assez bien à irriguer les collectivités locales. Toutefois, l’enveloppe, qui s’élève aujourd’hui à 85 milliards d’euros, ne peut continuer de dériver au rythme des dernières années ; il convient d’organiser une concertation pour assurer une programmation à moyen terme.

M. le président Jean-Luc Warsmann. L’utilité des structures intercommunales est incontestable, mais leur création s’est traduite par l’ajout d’un niveau d’administration, avec un coût supplémentaire, souvent sans entraîner la moindre économie de fonctionnement pour les communes membres. Afin de remédier à ces dérapages, il convient de favoriser la mutualisation des services entre communes et intercommunalités. Quels travaux avez-vous conduits à ce sujet ? Savez-vous mesurer ce niveau de mutualisation ? Auriez-vous des pistes législatives à nous suggérer pour faire disparaître les doublons ?

M. Philippe Séguin. Nous faisions déjà ce constat dans notre rapport public de 2005 consacré à l’intercommunalité. Nous y chiffrions même à plusieurs dizaines de milliers le nombre d’emplois nets créés dans les intercommunalités, le personnel précédemment affecté aux matières intercommunalisées ayant été maintenu.

M. Alain Pichon. La Cour a traité le sujet de l’intercommunalité à deux reprises, dans le rapport cité par M. le Premier président, puis dans un rapport de suivi constatant des progrès en ce qui concerne le maillage du territoire et les économies d’échelle obtenues. Le vrai problème, c’est que beaucoup d’intercommunalités ont été créées par effet d’aubaine, pour profiter des bonifications de dotations proposées par l’État. Si cela s’est traduit par des créations nettes d’emplois, c’est parce que les communes voulaient conserver leur propre personnel et parce que les intercommunalités, qui voulaient apparaître comme des structures nouvelles, ont refusé de s’embarrasser de personnel ancien. Bref, même si les intercommunalités n’en ont pas le statut constitutionnel, nous avons assisté à la naissance d’un quatrième niveau de collectivités territoriales.

M. Gérard Ganser. Les intercommunalités ont recruté du personnel pour exercer leurs missions, ce qui est normal, mais, dans le même temps, les effectifs des communes membres, loin de baisser, ont eux-mêmes augmenté.

En outre, la plus grande part de la fiscalité levée par les intercommunalités – c’est-à-dire essentiellement la taxe professionnelle unique – est en fait rétrocédé aux communes membres. L’approche globale par les ressources démontre donc le caractère factice de certaines intercommunalités : la solidarité intercommunale a rapidement atteint ses limites. Mais chaque situation est unique et les chambres régionales des comptes ont procédé à des analyses locales détaillées pointant les défauts de mutualisation.

M. Alain Pichon. Nous venons d’observer l’évolution comparée, sur une période de vingt-huit ans, des effectifs de l’État et des collectivités territoriales : il est assez paradoxal que les collectivités locales où les effectifs ont le plus augmenté soient les communes et les intercommunalités, c’est-à-dire les moins concernées par les transferts de compétences liés à la décentralisation.

M. Alain Vidalies. Je vous remercie d’avoir déclaré que la dépense fiscale n’est pas un champ d’investigation interdit. Nous devrions parler davantage du dispositif Girardin, invention extraordinaire dont le coût pour le budget de l’État est considérable, à l’heure où il a tant besoin de ressources. On trouve sur Internet des explications si sophistiquées que la question pourrait être rattachée au projet de loi dont nous discuterons ce soir : le dispositif Girardin est un jeu, mais un jeu où l’on gagne à tous les coups, avec des gains énormes. Pouvez-vous préciser les chiffres en masse ?

Dans un certain nombre de juridictions, des pôles de l’instruction ont été créés : on a rassemblé des magistrats, regroupé des bureaux, démoli des locaux. Or voilà que la fonction de juge d’instruction va être supprimée. Ne serait-il pas intéressant que la Cour évalue le coût de ce « pas de deux » pour les finances publiques ?

Les meilleurs magistrats formés par la République sont employés à ce pas juger, affectés à toutes sortes d’activités administratives. Les tribunaux ne pourraient-ils pas être gérés par des directeurs, comme c’est le cas depuis longtemps pour les hôpitaux ?

Le partenariat public-privé n’est effectivement pas si merveilleux. Dans ma commune, une nouvelle prison a été construite dans ces conditions. Les coûts sont extravagants et le fonctionnement au quotidien pose d’énormes problèmes : les contrats prévoient une durée maximale d’intervention, par exemple, pour remplacer les ampoules usagées et l’opérateur privé, pour maximiser sa marge d’exploitation, intervient évidemment le plus tard possible. La Cour s’est manifestement engagée sur ce champ d’investigation ; l’Assemblée nationale devrait aussi s’y intéresser.

M. le président Jean-Luc Warsmann. J’aimerais pour ma part connaître les aspects du dispositif Girardin relatifs aux bateaux de plaisance.

M. Gérard Ganser. Le projet de loi de finances évalue les dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer à 2,9 milliards d’euros – soit plus que le budget de ladite mission –, dont 1,18 milliard au titre de la TVA à taux réduit et 800 millions au titre du dispositif « Girardin industriel », issus principalement, sauf erreur de ma part, d’une opération exceptionnelle en Nouvelle-Calédonie.

Les travaux de la Cour sur le « Girardin immobilier » ont conduit le Premier président à adresser un référé aux ministres concernés ; l’un d’eux a d’ailleurs répondu et n’a pas contesté les constatations de la Cour : ce dispositif conduit l’État à s’endetter sur cinq ans à un taux supérieur à 10 % et l’administration reconnaît qu’une subvention directe coûterait sensiblement moins cher.

La Cour a pu constater l’absence d’effets du « Girardin industriel » à Wallis et Futuna notamment : devant le nombre considérable de dossiers et l’absence totale de contrôle, nous avons été amenés à saisir la justice. Les bateaux de plaisance, Monsieur le président Warsmann, relèvent de ce dispositif industriel.

Mme Sandrine Mazetier. L’existence de la préfecture de police de Paris est-elle, aux yeux de la Cour, un facteur d’économies ou cette structure fait-elle doublon pour certaines dépenses ?

Par ailleurs, le mécanisme imaginé par l’État pour compenser la suppression de la taxe professionnelle ne risque-t-il pas de figer à jamais les déséquilibres territoriaux existants ?

M. Philippe Séguin. Pour ce qui est de votre seconde question, la Cour ne saurait se prononcer sur le fond d’un projet soumis au Parlement. Après que la mesure aura été votée, promulguée et appliquée, nous ne manquerons pas de faire connaître nos observations, mais nous ne pouvons interférer dans une discussion qui n’appartient qu’à vous.

M. Alain Pichon. La Cour a procédé il y a quelques années à un contrôle approfondi de la gestion de la préfecture de police. Cette instance, vous le savez bien, est une sorte d’État dans l’État. Le préfet de police a un poids considérable au sein du ministère de l’intérieur. Il ne rend compte qu’au ministre, voire plus haut…

Or, notre contrôle avait mis au jour un grand nombre de dysfonctionnements, notamment en matière de gestion des effectifs, de durée du travail, de gestion des véhicules et des garages, d’accidentologie, d’informatique. Après nos critiques, plusieurs corrections ont été apportées. Nous reprendrons ce contrôle l’année prochaine.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la réforme étendant les pouvoirs du préfet de police aux départements de la petite couronne semble difficile. Les techniques d’emploi des forces de sécurité et de police par les préfets départementaux s’en trouvent quelque peu déstabilisées.

Que la préfecture de police de Paris soit un bel outil, cela ne fait pas de doute ; un outil peu coûteux, c’est plus discutable.

M. Olivier Dussopt. La Cour a remarqué que les transferts de compétences de 2004 s’étaient accompagnés de transferts de moyens généralement statiques alors que la dépense est dynamique. Il est dommage que nous ne puissions profiter en amont de pareille expertise de la Cour en ce qui concerne la réforme de la taxe professionnelle – d’autant que vous laissez pressentir que votre intervention en aval ne plaira pas forcément à ses initiateurs !

Par ailleurs, la dépense fiscale s’élève aujourd'hui 70 milliards d’euros. Le dispositif Girardin ne représente qu’une part infime de ce montant. Quelles autres pistes la Cour suggère-t-elle ? On ne peut s’empêcher de mettre en regard les 100 milliards de dépenses fiscales et d’exonérations sociales avec les 115 milliards annoncés du déficit pour 2010 : dans un budget présenté comme contracyclique, l’impact ne sera que de 15 milliards de dépenses nouvelles.

Enfin, je suis surpris que l’on ne puisse évaluer le coût mobilier et immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Il serait utile que notre commission soit régulièrement informée des estimations réalisées. Là encore, une étude d’impact et une concertation dépassant le seul rapport des présidents de cour – que la garde des sceaux n’a au demeurant pas pris en compte dans ses décisions – auraient dû précéder la réforme.

M. le président Jean-Luc Warsmann. En ce qui concerne les problèmes de diffusion interne, j’enverrai dès aujourd'hui, à la suite de l’intervention de plusieurs collègues, un courrier demandant au président de l’Assemblée nationale de transmettre à notre commission tout document de la Cour des comptes en relation avec nos domaines de compétences.

M. Philippe Séguin. Je vous confirme, Monsieur Dussopt, que les textes n’autorisent pas la Cour à intervenir en amont. Tout au plus pourrions-nous, lorsque l’étude d’impact existe – mais après la réforme constitutionnelle, le Gouvernement pourrait être de plus en plus tenté d’utiliser la voie de la proposition de loi –, apprécier la qualité de la méthodologie retenue.

M. Gérard Moreau. La réforme de la carte judiciaire s’est engagée le 1er janvier dernier et s’accentuera le 1er janvier prochain. Dans le cadre de l’élaboration de son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État, qu’elle présentera au printemps prochain, la Cour étudie les chiffres annoncés. Certaines données commencent à se préciser, comme l’indemnisation des avocats et des personnels, ou encore l’évaluation des coûts immobiliers – dont certains sont inscrits dans le projet de loi de finances, mais avec une dispersion et des écarts qui amènent la Cour à engager actuellement un contrôle « post-étude d’impact » portant sur les bases sur lesquelles on a posé la réforme.

M. Jean-Paul Garraud. Le président Alain Pichon a souligné à juste titre que le ministère de la justice pourrait réaliser des économies en matière de procédure. Je remarque que la loi du 15 juin 2000, votée à l’unanimité par des parlementaires animés des meilleures intentions du monde, non seulement n’a pas renforcé la présomption d’innocence – il y a toujours autant de mises en détention provisoire –, mais a de plus engendré un formalisme considérable auquel il est urgent de remédier.

Par ailleurs, si le Gouvernement a fait valoir les économies qui découleraient de la réforme de la carte judiciaire, il engagera dans un premier temps – cinq à dix ans, selon le président Pichon – de fortes dépenses. Même s’il s’agit surtout de prospective, la Cour peut-elle fournir une estimation de ces dépenses et en préciser la durée ?

M. Alain Pichon. Il s’agit d’une réforme d’envergure, attendue et annoncée depuis longtemps. Elle touche aux hommes – juges, avocats pour lesquels on s’est empressé de trouver un système de dédommagement, etc. –, mais elle représente également un grand bouleversement immobiliser. Fermer un tribunal revient souvent à restituer le bâtiment, après remise en état, à la collectivité qui en était propriétaire – laquelle collectivité avait complètement perdu de vue cet aspect et n’a pas toujours envie de s’en embarrasser. Vendre un tribunal n’est pas forcément chose facile !

À ce problème de ressources s’ajoute celui de la construction des nouveaux tribunaux. Entre la décision et l’inauguration, il s’écoule rarement moins de quatre ou cinq ans.

Le ministère de la justice doit être bien conscient que cette réforme lourde suppose le recrutement d’experts en ressources humaines, en gestion et en opérations immobilières, etc. Il s’est doté d’un opérateur, l’agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), qui peut se charger du travail, mais il a trop longtemps vécu en autarcie administrative, confiant à ses magistrats des tâches de gestion. De ce point de vue, l’idée d’instituer dans chaque tribunal un directeur ou un secrétaire général qui ne soit pas forcément un magistrat, mais une personne rompue aux techniques de gestion, représenterait un progrès.

Quoi qu’il en soit, on ne peut attendre d’effets positifs et d’économies qu’après le laps de temps que j’ai indiqué. Autrement dit, la réforme sera une charge nette pour le budget de l’État au moins pendant le premier lustre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est surprenant que la Cour dénonce la « dérive » des dotations de l’État aux collectivités locales alors que l’augmentation n’est que 0,6 % cette année et de 1 à 1,5 % en règle générale. Je rappelle que l’État fixe aussi l’augmentation des rémunérations de nos salariés : 3,5 % cette année, pour une masse salariale qui représente 50 à 60 % de la dotation. La différence ne peut être comblée que par une augmentation de la richesse de la commune, elle-même fonction d’une taxe professionnelle qui va disparaître ! Ma commune ayant été classée comme la plus pauvre des villes de plus 50 000 habitants, je suis bien placé pour trouver excessif le terme de dérive.

Par ailleurs, la Cour est-elle en mesure d’aider les élus – en particulier ceux de la Seine-Saint-Denis – à avoir une meilleure connaissance de la répartition des effectifs des forces de sécurité ? Son intervention est toujours utile, au moins pour alerter l’opinion publique. Alors que les ministres de l’Intérieur ont des comptes à rendre aux citoyens sur ce point, ils se sont toujours montrés évasifs. Le tableau de la délinquance existe, celui des effectifs de policiers aussi, il est donc possible d’élaborer et de rendre public un tableau annuel de la répartition. Il est notoire que le rapport entre effectifs et délinquance est inversé, au prétexte que certains quartiers nécessitent plus de protection que d’autres.

Il serait également utile d’établir le rapport entre le nombre de policiers nationaux affectés dans une commune et le nombre de policiers municipaux. Il ferait apparaître que, plus une ville crée d’emplois de policiers municipaux – ce à quoi l’État l’incite fortement –, moins elle bénéficie de renforts de policiers nationaux. Il s’agit donc d’un réel transfert.

Par ailleurs, les conditions de rémunération des CRS sont sans commune mesure avec celles du reste de la police nationale. Puisque ces fonctionnaires ne sont pas employés, la plupart du temps, à leur mission originelle de maintien de l’ordre, n’y a-t-il pas moyen de combler quelque peu cette inégalité, d’autant que les gendarmes mobiles coûtent bien moins cher ?

Plus généralement, les effectifs des forces mobiles sont sensiblement plus élevés aujourd'hui que dans les années 1960, où pourtant les conflits sociaux étaient autrement plus nombreux et plus violents. Je me suis laissé dire que l’on pourrait économiser 30 à 40 % de ces emplois.

Enfin, si la Cour ne peut, a priori, nous aider dans le calcul des péréquations qui interviendront après la suppression de la taxe professionnelle, ne lui est-il pas possible d’assister les parlementaires pour étudier l’impact de leurs amendements ?

M. Philippe Séguin. Voilà une compétence supplémentaire qui m’aura échappé…

M. Jean-Christophe Lagarde. La péréquation entre collectivités est coûteuse et ses effets sont marginaux. Sans taxe professionnelle, les communes pauvres n’ont plus la perspective d’un impôt dynamique potentiel. Si l’on n’améliore pas l’outil de péréquation, on pérennise une usine à gaz. Au demeurant, Monsieur le président Pichon, je doute qu’il existe un seul haut fonctionnaire capable d’avoir une vision d’ensemble du système. On m’a expliqué à la direction générale des collectivités locales que ce système était devenu si complexe que l’on ne pouvait déterminer les effets de la modification d’une de ses données. C’est ainsi que le simple changement de strate démographique d’une autre ville a provoqué la suppression de la dotation de solidarité urbaine pour ma commune !

M. Alain Pichon. Comme vous le soulignez, Monsieur le député, la police municipale se développe : il y a actuellement 17 000 policiers municipaux. Mais la doctrine d’emploi et les modalités de recrutement, de formation et d’encadrement mériteraient examen ! Il est en effet paradoxal que, lorsqu’une commune fait l’effort de se doter d’une police municipale digne de ce nom, l’État ait tendance à réduire la voilure : la collectivité se retrouve victime de sa propre bonne volonté.

En ce qui concerne les dotations, je confirme que l’effet de la péréquation actuelle est dans l’épaisseur du trait au regard des enjeux. Seule une remise à plat complète permettrait d’envisager un système à l’effet péréquateur beaucoup plus important. Mais cela suppose un consensus global qui me semble loin d’être acquis.

M. Dominique Raimbourg. Une meilleure gouvernance peut-elle conduire à des améliorations dans la gestion de l’immobilier de la justice ?

Comment améliorer le mécanisme de l’aide juridictionnelle et augmenter le nombre de bénéficiaires ? Peut-on envisager des financements extérieurs ?

Enfin, un système plus satisfaisant de péréquation entre les collectivités locales est-il possible ?

M. Alain Pichon. À l’occasion du contrôle qu’elle a consacré à l’aide juridictionnelle et à son affectation aux avocats par le biais des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), la Cour a constaté une stabilisation du montant de l’aide à hauteur d’environ 300 millions. La comparaison avec les dispositifs en place à l’étranger est périlleuse car ceux-ci ne recouvrent pas les mêmes réalités. Cela dit, les crédits budgétaires consacrés par la France à cette aide ne sont pas considérables. Concernant les sources de financement extérieur, il existe un projet visant à augmenter le montant de l’aide de 100 à 200 millions en « taxant » certaines opérations.

Le financement des besoins en personnel des CARPA était couvert par les crédits de l’aide juridictionnelle. Il y avait 96 de ces caisses et ce chiffre n’a que peu baissé. Sans doute faudrait-il procéder au moins à un regroupement par cour d’appel. En outre, le système ne pouvait fonctionner que lorsque les coûts administratifs étaient faibles et que les rendements des placements étaient forts. Ce n’est plus le cas, si bien que l’on marche à front renversé : c’est le produit financier des dépôts privés des clients des avocats qui permet la gestion et la distribution de l’aide juridictionnelle.

Mme Delphine Batho. La Cour souligne le caractère mystérieux de la répartition des effectifs de policiers, d’autant plus paradoxal que la gestion des affectations est centralisée. La réforme consistant à adapter la répartition aux besoins, longtemps annoncée, n’a jamais vu le jour : on lui opposait un argument d’ordre technique, la différence entre effectifs théoriques et effectifs réels. Mais cet argument tombe avec la mise en place de la main courante informatisée, outil qui fournit tous les éléments en matière de gestion des ressources humaines.

En examinant la mission « Sécurité », on constate une augmentation des recrutements de personnels administratifs au cours des dix dernières années. La Cour estime-t-elle que cela a permis de libérer des personnels non-administratifs ?

En matière d’ordre public et de sécurité, n’existe-t-il pas des redondances, par exemple entre les CRS affectées à la sécurisation, les brigades anticriminalité et les compagnies de sécurisation ?

La Cour a-t-elle déjà évalué la réforme qui a conduit à la création de la direction centrale du renseignement intérieur (la DCRI), au-delà des remarques qu’elles avaient formulées au sujet du siège de Levallois-Perret ?

Jacques Alain Bénisti et moi-même avons analysé dans un rapport d’information la question des fichiers de police. En matière de police comme de justice, les systèmes informatiques représentent des enjeux considérables. Les procédures de marchés publics posent problème en raison d’un effet pervers de la logique d’externalisation : l’État ne détient plus les compétences pour mener un dialogue exigeant avec les prestataires privés.

Enfin, plusieurs pays, notamment le Canada, mènent des études non seulement sur les coûts directs de l’insécurité (police, justice), mais aussi sur ses coûts indirects, par exemple pour le système de santé ou en matière d’assurances. De telles réflexions seraient souhaitables en France.

M. Alain Pichon. Ces questions nous aideront à établir le programme de travail de la Cour pour les trois prochaines années, car nous n’avons pas encore mené toutes les investigations que vous évoquez.

Votre dernier point, celui des coûts indirects, constitue un enjeu d’avenir important, même s’il relève plus de l’évaluation que du contrôle.

En ce qui concerne la réforme du renseignement intérieur, nous ne sommes pas persuadés que le greffon prend bien. Ni l’installation dans l’immeuble en question ni la synergie et les économies escomptées ne semblent correspondre à ce que des esprits optimistes avaient envisagé.

M. Gérard Ganser. La Cour n’a pour l’instant exercé son contrôle que sur l’opération de construction du siège de Levallois-Perret, ainsi que sur la sécurité de cet immeuble et sur l’accroissement du parc automobile qui a suivi la réforme.

Elle a, par ailleurs, constaté que les effectifs administratifs se traduisaient en effet par des réaffectations de personnels sur le terrain. Il n’en reste pas moins que nos contrôles montrent toujours que des policiers actifs, qui n’ont pas les mêmes conditions de rémunération et de retraite que les personnels administratifs, continuent à occuper des postes de gestion sans justification opérationnelle.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Combien de postes cela représente-t-il ?

M. Gérard Ganser. Il est difficile de l’établir. Chaque loi de programmation fixe des objectifs de substitution de personnels qui se chiffrent en milliers et chaque bilan d’exécution montre que ces objectifs ne sont que partiellement atteints.

M. François Vannson. Ma question, à laquelle, je le crains, la Cour opposera son devoir de réserve, porte sur la réforme des grandes collectivités – départements et régions – qui s’annonce. Une éventuelle fusion ouvre-t-elle la perspective de réelles économies en matière d’effectifs, de dotations, de financements croisés, etc. ? Je regrette moi aussi que l’on ne puisse recourir davantage à l’expertise de la Cour avant de s’engager dans de tels débats.

M. Philippe Séguin. En émettant une opinion sur une réforme à venir, non seulement la Cour trahirait son devoir de réserve, mais elle ne respecterait pas le Parlement : tant que ce dernier ne s’est pas prononcé, il n’y a pas de réforme.

La réponse ne pourra résulter que d’un examen commune par commune, département par département, région par région. La seule certitude à l’heure actuelle, c’est qu’une meilleure cohérence de la gestion des ressources humaines entre les intercommunalités et les communes serait un réel gisement d’économies.

M. Manuel Valls. S’agissant de la police, il est certain que l’on pourrait trouver des gisements d’économie, ne serait-ce que par une évaluation de l’organisation et de l’efficacité des forces de l’ordre.

Dans la région parisienne, il existe entre la petite et la grande couronne de réelles inégalités, qui seront renforcées par la réforme dite du « Grand Paris » et qui se manifestent par l’intervention à des degrés variables de plusieurs agents publics : la police nationale, les polices municipales – toutes les communes ne choisissant pas d’en avoir une et ne pouvant y consacrer les mêmes moyens – et la gendarmerie. Dans la circonscription dont je suis l’élu, qui recouvre un secteur essentiellement urbain et relativement étroit, la zone police et la zone gendarmerie se superposent, ce qui pose des problèmes non seulement d’organisation, mais aussi de locaux, car les casernes de gendarmerie coûtent cher, aux collectivités territoriales comme à l’État. Il y aurait là, incontestablement, une source d’économie.

S’agissant de la justice, je fais bien évidemment mienne la proposition de mon collègue Vidalies sur l’organisation des palais de justice, et je juge moi aussi nécessaire une évaluation de la réforme de la carte judiciaire. Il faudrait, en revanche, examiner ce que cela pourrait apporter aux palais de justice, qui sont démunis et dont l’effectif est, comme dans l’Essonne, quasiment stable depuis vingt ans, malgré la forte augmentation de la population et des affaires à traiter. Les magistrats sont débordés par les problèmes immobiliers et administratifs, on manque de juges, il y a un turn-over très important : tout cela ne contribue pas à une justice sereine.

S’agissant de l’intercommunalité, il existe là aussi des gisements d’économie, comme l’avait d’ailleurs montré la Cour dans son rapport sur la politique de la ville, lequel soulignait l’enchevêtrement des responsabilités entre communes, intercommunalités et État. Aujourd’hui, tout le monde s’occupe de la politique de la ville !

S’agissant des partenariats public-privé, je signale que lorsque j’étais vice-président de la région Ile-de-France, chargé des finances, j’ai mis fin, sous la houlette de Jean-Paul Huchon, aux marchés d’entreprise de travaux publics. De tels systèmes posent des problèmes de transparence, de concurrence et de coût : c’est de la dette – certes masquée, mais de la dette quand même.

Prenons l’exemple de la construction de l’hôpital d’Évry-Corbeil : si, dans un premier temps, il y a eu un effet d’aubaine pour l’État, on a aujourd’hui des difficultés à établir des prévisions sur plusieurs années concernant un programme appelé à évoluer en fonction des progrès de la médecine. Résultat : l’État va devoir abonder le budget, qui plus est sans véritable contrôle. Je ne vois pas où est l’économie !

Il faut donc être extrêmement prudent sur les dossiers de ce type, qui mettent en jeu des milliards et ne concernent que trois grandes entreprises françaises.

M. Philippe Séguin. Le terme « évaluation » prête à malentendu. Il convient de préciser de quoi l’on parle.

Le contrôle qui peut être utile au Parlement comporte trois stades : le contrôle de la régularité, qui consiste à vérifier que les textes sont bien appliqués ; le contrôle de l’efficience de la gestion – le stade actuel ; et l’évaluation proprement dite – le stade à venir. Certains parlent également d’« évaluation de niveau 1 » pour le deuxième stade et d’« évaluation de niveau 2 » pour le troisième.

C’est à ce dernier stade que sera évaluée l’efficacité de la réforme judiciaire ou du plan cancer. Au-delà des rapports que nous avons déjà rédigés, la seule question qui vaille est en effet de savoir si l’on dénombre moins de malades, davantage de guérisons, bref, si l’on note un progrès. À l’heure actuelle, nous sommes dans l’incapacité d’y répondre.

Aux termes de la Constitution, le Parlement est chargé de « l’évaluation des politiques publiques » – qui, à l’évidence, correspond à une évaluation de niveau 2. La politique de la ville sert-elle à quelque chose ? Ce choix stratégique est-il opportun ? En d’autres termes, il ne s’agit plus de savoir, lorsqu’un pont a été construit, si les marchés ont été passés régulièrement et si les délais d’exécution ont été respectés, mais si l’ouvrage est utilisé ! Si le Parlement est chargé de cette appréciation, c’est en raison de sa dimension politique ; le rôle de la Cour des comptes est de vous assister.

Cela ne se fera pas en un jour. D’abord, nous ne pourrons pas être les seuls à vous assister : si la Constitution mentionne la Cour des comptes, ce n’est pas de manière exclusive. De notre côté, nous devrons faire notre révolution, car nous aurons besoin de recourir à des spécialistes et de mettre en œuvre une pluridisciplinarité qui, à l’heure actuelle, n’existe pas chez nous.

Il faudra également remédier à de nombreuses bizarreries : non seulement les textes ne donnent pas à votre commission un accès direct à la Cour, mais, quand nous avons été saisis d’une demande d’assistance de la Commission des finances sur les services d’incendie et de secours, il nous a été impossible d’y répondre, car la Commission n’avait pas le droit de saisir les chambres régionales des comptes et nous, nous ne pouvions pas aller sur leur terrain. La question se réglera d’ailleurs devant votre commission, puisque nous viendrons vous présenter la réforme mise au point par le Gouvernement, laquelle reprend nombre des idées que nous avions avancées.

Enfin, cette nouvelle évaluation demandera du temps. Actuellement, nous devons répondre dans les huit mois aux présidents des commissions des Finances et des commissions des Affaires sociales des deux assemblées. Mais avant d’obtenir l’évaluation du plan cancer ou celle de la politique de la ville, il faudra s’armer de patience ! Probablement devrons-nous définir un rythme de travail dès le début de législature.

Pour l’heure, je le reconnais, nous sommes incapables de donner une réponse sur l’efficacité de certaines politiques publiques. Ainsi, six milliards sont dépensés par les collectivités territoriales au titre de l’aide aux entreprises, mais l’on ignore si c’est utile !

M. Pascal Terrasse. Pour rebondir sur ce dernier propos, je voudrais saluer l’excellent travail accompli l’année dernière par la Cour et les chambres régionales sur les collectivités territoriales. Cela nous a permis de vérifier que l’aide économique n’apporte pas grand-chose lorsqu’elle est individualisée, mais qu’elle est plus pertinente lorsqu’elle est attribuée de manière globale, par exemple via les filières.

S’agissant du rôle respectif de la Cour et des chambres, je suis d’accord avec vous, Monsieur le premier président : il faut qu’elles continuent à ne pas juger de l’opportunité des choix politiques. Nous, gestionnaires de collectivités territoriales, n’apprécierions pas que l’on sollicite les chambres régionales des comptes afin de juger une décision. En revanche, il est bien évident qu’une chambre régionale doit pouvoir porter à tout moment à la connaissance des élus et de la population les effets d’une politique publique.

La pratique de l’évaluation pratiquée outre-Atlantique sous le nom de reporting n’a pas servi à grand-chose, sinon à créer des bataillons de sociétés privées, qui n’ont fait que relayer les missions menées par d’autres entreprises ou par la puissance publique. Un humoriste a d’ailleurs dit que le reporting, cela revenait à dire : « Je te donne ma montre et tu me donneras l’heure ».

Ce qui importe, c’est de mesurer la pertinence et l’efficacité d’une politique publique – et c’est ce que nous faisons dans mon département. Il convient de savoir à qui et à quoi sert l’argent public. Tel est l’objet du débat sur les niches sociales et fiscales.

M. Philippe Séguin. Et sur les dépenses d’intervention !

M. Pascal Terrasse. Bien évidemment. Les dépenses d’intervention représentent 70 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 5 milliards de niches sociales fiscales, soit une dépense totale de 75 milliards d’euros, dont on ignore l’utilité.

Je souhaiterais par ailleurs vous poser quelques questions techniques. Vous ne répondrez probablement pas à toutes aujourd’hui, mais peut-être pourrez-vous transmettre ultérieurement des éléments d’information au président Warsmann.

Tout d’abord, quels sont les résultats des premières évaluations de la Cour sur la rationalisation des services de l’État dans les départements ? En tant que président de conseil général, j’ai le sentiment que cela se passe plutôt mal. Les préfets sont chargés de l’organiser, mais un certain nombre de ministères y échappent : ainsi la justice ou l’éducation nationale, dont les troupes sont pourtant importantes.

Cette rationalisation comporte en outre un volet immobilier. Il est compliqué de tout mettre en œuvre en même temps. France Domaine demande aux préfets de rationaliser les locaux à coûts constants. Or, si l’on veut vraiment rationaliser l’ensemble des actifs immobiliers de l’État, il faudrait admettre que c’est impossible à coûts constants.

Une grande partie des hauts fonctionnaires chargés de mettre en place la RGPP se trouvent démunis face aux coups de boutoir prononcés par les organisations syndicales, par les salariés et même par les collectivités territoriales – pourtant prêtes, le cas échéant, à accompagner le mouvement. Malgré notre bonne volonté, on note une discordance d’opinions entre, d’un côté, France Domaine, et, de l’autre, les préfets. Résultat : la RGPP se passe très mal sur le terrain.

Cela m’amène au rôle des sous-préfectures, que vous avez évoqué dans votre propos liminaire. Allons jusqu’au bout : compte tenu du lien de subordination existant entre le préfet de région et les préfets de département, les préfectures de département ne sont-elles pas devenues, de facto, des sous-préfectures ?

Par ailleurs, combien de préfets et de magistrats se trouvent aujourd’hui sans affectation ou mission, tout en étant payés – et chèrement – par le contribuable ? On va chercher des préfets au tour extérieur, alors que l’on a « en magasin » des gens compétents qui ne font rien !

Enfin, s’agissant des services de secours et d’incendie, il faut dire la vérité : leur gestion pose un problème de fond, dans la mesure où, à l’heure qu’il est, le payeur n’est pas le décideur.

Premier exemple : cette année, le préfet de mon département a mobilisé, dans le cadre de ses compétences, les services de secours et d’incendie pour déneiger des toits. Cette décision est à l’avantage des propriétaires des bâtiments et, surtout, des assureurs, qui n’auront pas à rembourser d’éventuels dégâts ; mais la facture, c’est le département qui la paie.

Deuxième exemple : un ancien ministre de l’intérieur – dont je ne citerai pas le nom – a jugé nécessaire que les pompiers volontaires disposent d’une pension de retraite. Fort bien, mais qui paie ? Le département.

Dernier exemple : les maires peuvent à tout moment solliciter l’intervention des pompiers, cela fait partie de leurs pouvoirs de police. Or, les contributions des communes sont bloquées ; le dispositif législatif de 1996 arrivant cette année à son terme, toute augmentation future des dépenses des services de secours et d’incendie sera entièrement à la charge des conseils généraux.

Bref, les deux institutions qui ont la capacité de faire appel aux pompiers ne sont pas les payeurs : c’est un facteur d’irresponsabilité ! D’autant plus qu’il existe un troisième décideur, invisible celui-là : l’assurance-maladie. Chaque fois que des services sanitaires ferment ou que la présence médicale est réduite, ce sont les pompiers qui servent de tampon, et les coûts augmentent.

Alors que nous sommes confrontés à des dépenses de plus en plus actives, nos ressources sont passives. La réforme de la fiscalité consiste en réalité à transformer une autonomie fiscale en autonomie financière. Sur le fond, cela se discute, mais il faudrait que nous puissions faire face à nos nouvelles dépenses.

Si l’on veut que l’État continue à être le garant de la sécurité des biens et des personnes, il faut centraliser, ou, tout au moins, régionaliser, les services qui l’assurent – dont les services de secours et d’incendie. Cela permettrait, pour le coup, de dégager de substantielles économies, car les départements ont engagé une « course à l’échalote » en recherchant les meilleurs équipements en matière de sécurité, quitte à acheter de grandes échelles qui ne servent que deux fois par an.

M. Jacques Alain Bénisti. Nous serons amenés dans les prochains mois à débattre à nouveau des nouvelles prérogatives de la Cour des comptes. Toutefois, je crois que, dans le cadre de ses avis sur les politiques publiques, elle devra tenir compte du fait que toute réforme visant à la diminution des effectifs de nos administrations, la rationalisation des bâtiments et l’optimisation des services suppose un investissement de départ. La Cour doit se concentrer sur l’objectif, à savoir la diminution des dépenses publiques.

M. Philippe Séguin. L’objectif ne doit pas être la diminution de la dépense publique, mais l’équilibre des recettes et des dépenses. Que l’on dépense 95 % du PIB n’est pas notre affaire : cela relève d’un choix politique. En revanche, si l’on veut éviter toute difficulté ultérieure, il vaut mieux équilibrer le budget. Pour ce faire, il n’existe que deux méthodes : soit la maîtrise de la dépense, soit l’augmentation de la recette – qui peut s’obtenir sans augmentation des prélèvements, par la suppression de certaines niches fiscales.

Par définition, nous n’avons pas de préférence. Tout ce que nous disons, sans avoir les moyens de l’imposer – ce qui est heureux, car sinon ce serait le gouvernement des juges –, c’est qu’il faut faire attention au déséquilibre du budget et à l’accumulation de la dette, sous peine que la capacité de manœuvre du Gouvernement ne se trouve progressivement réduite.

Monsieur Terrasse, quoi qu’on en dise, la réforme de l’administration territoriale de l’État, dans le cadre de la RGPP, ne peut pas, à titre principal, générer des économies. Peut-être que, par la suite, cela débouchera sur une meilleure organisation de l’État au plan territorial et assurera une plus grande réactivité. Mais du point de vue strictement budgétaire, réduire le nombre de directions ne changera rien, dès lors que les effectifs resteront constants. La seule source d’économie proviendrait du non-remplacement d’une personne sur deux – et encore, cela est contesté.

De ce fait, le problème ne se pose pas seulement, même si c’est un phénomène spectaculaire, pour quelques préfets désœuvrés – « hors cadre », « chargés de mission » ou « ambassadeurs » auprès d’organismes : il concerne aussi d’autres corps, dont les ambassadeurs.

M. Pascal Terrasse. Avez-vous des chiffres ?

M. Philippe Séguin. Nous pourrons vous les transmettre, si vous le souhaitez.

M. Alain Pichon. Il y a quelques années, nous avions réalisé deux contrôles, presque simultanés, d’une part sur les ambassadeurs, d’autre part sur les préfets qui n’avaient plus d’affectation officielle.

Administrativement, plusieurs cas de figure étaient possibles. Certains avaient été placés hors cadre, mais sans affectation, et continuaient à percevoir leur traitement indiciaire. D’autres étaient « haut-le-pied », mais avaient été mis au placard ou chargés de missions plus ou moins fictives. D’autres, enfin, étaient priés de rester chez eux à ne rien faire.

Nous avions dénoncé la situation auprès des deux ministres concernés, et s’agissant des préfets, des corrections ont été apportées : les préfets priés de rester chez eux à ne rien faire se comptent désormais sur les doigts des deux mains. En revanche, le problème des préfets hors cadre ou prétendument chargés de mission ne semble pas avoir été réglé.

S’agissant de la RGPP, l’immobilier de l’État, pour 95 % des surfaces et des immeubles, relève des administrations déconcentrées. Pourtant, jusqu’à présent, les opérations les plus spectaculaires de cession des biens de l’État n’ont concerné que des immeubles de prestige parisiens, qui ne représentent qu’une part infinitésimale du total. Parfois même, le solde s’avère globalement négatif. Ainsi, l’on a vendu l’immeuble de l’avenue Kléber à Paris pour acheter celui de la rue de la Convention. Résultat : le Président de la République a découvert un beau matin que l’on ne pouvait plus organiser de conférences internationales de niveau mondial dans des locaux d’État parisiens. Il faut aller ailleurs, et cela coûte cher !

Il convient de sortir de la logique notariale de France Domaine – vendre pour pouvoir acheter –, pour engager une réforme globale du parc immobilier de l’État ; celui-ci se montre à la fois mauvais propriétaire, mauvais bailleur et mauvais locataire.

Monsieur le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le premier président, monsieur le président, messieurs les conseillers maîtres, je vous remercie. Cette audition a été fort intéressante pour notre mission, et elle a permis de poser les bases de futurs échanges entre la Cour des comptes et la Commission des lois.

M. Philippe Séguin. Permettez-moi d’en faire le rapide inventaire.

Les rapports publics de la Cour ne posent aucun problème de communication ; j’ai pris bonne note des propos de M. Dosière à ce sujet.

L’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances et l’article 2 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale permettent aux deux commissions des finances, séparément, et aux deux commissions des affaires sociales, séparément, de nous commander des rapports. Le Conseil constitutionnel a émis une réserve en demandant que soit maintenue la capacité d’autonomie de programmation de la Cour. Toutefois, nous réalisons chaque année une quinzaine de rapports, destinés à la commission qui en a passé commande. Si l’un d’entre eux concernait une autre commission, peut-être pourrions-nous envisager qu’il lui soit transmis directement, après une période de trente jours et sous certaines conditions.

Nous adressons par ailleurs aux ministres des référés, qui ne sont pas destinés à être rendus publics, mais sont extrêmement utiles. Nous avons l’obligation de les transmettre à l’issue d’un délai de deux mois à la Commission des finances de chacune des deux assemblées. On pourrait imaginer que, dès lors que cela vous concerne, nous soyons également tenus de vous les envoyer dans un délai de deux à trois mois.

Il existe en outre des notes d’exécution du budget, dans lesquelles étaient d’ailleurs consignées les réponses à plusieurs de vos questions. Elles sont rédigées annuellement, à l’appui du rapport sur l’exécution de la loi de finances. Elles sont pour l’instant transmises aux seules commissions des Finances, mais vous gagneriez à en avoir une copie pour les missions et programmes qui vous concernent.

Enfin, vous disposerez bientôt, je l’espère, des rapports d’évaluation.

*

* *

La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Philippe Vuilque, la proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marché (n° 1896).

M. Philippe Vuilque, rapporteur. Cette proposition de loi du groupe SRC part d’un constat largement partagé.

Tout d’abord au sommet de l’exécutif, puisque le Président de la République lui-même a fustigé les rémunérations indécentes et déresponsabilisantes des dirigeants mandataires sociaux et des traders des banques à Toulon, le 25 septembre 2008, et à Saint-Quentin, le 24 mars dernier.

Il est partagé, aussi, sur tous les bancs de notre Assemblée, puisqu’une mission d’information de notre Commission, dont Philippe Houillon était le rapporteur, a rendu public, le 2 juillet dernier, un rapport qui, s’il n’a pas fait l’unanimité sur toutes ses propositions, a cependant donné lieu à une convergence de vues sur la nécessité d’une intervention du législateur.

Depuis le début de la crise, le groupe SRC n’a cessé d’appeler le Parlement à l’action. Cependant, malgré quelques avancées bienvenues, obtenues notamment en loi de finances pour 2009, grâce à l’opiniâtreté du président de la commission des Finances, Didier Migaud, la majorité n’a pas souhaité donner suite aux suggestions de bon sens que nous avions formulées.

C’est ainsi que la proposition de loi n° 1544 relative aux hauts revenus et à la solidarité, examinée dans le cadre d’une précédente séance réservée à l’ordre du jour proposé par le groupe SRC, et qui visait notamment à abroger le bouclier fiscal et à empêcher certaines rémunérations abusives dans les entreprises privées aidées par l’État, a été repoussée.

À vrai dire, peu d’arguments de fond lui ont été opposés. D’ailleurs, quelques semaines plus tard, d’éminentes voix de l’UMP se prononçaient en faveur de la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu.

Cette prise de distance de l’exécutif et de la majorité parlementaire à l’égard d’un débat crucial pour les Français paraît d’autant moins compréhensible que, sur plusieurs sujets, des convergences sont possibles dans l’intérêt général.

L’état actuel du droit favorise les inégalités de rémunérations entre, d’une part, un petit nombre de privilégiés, à la tête des entreprises du SBF 120 et dans les salles de marchés des grandes banques, et, d’autre part, la grande majorité des Français qui subit chaque jour plus durement les licenciements et la diminution du pouvoir d’achat.

La rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de 2 millions en 2007, soit une hausse de 150 %. Les stock-options et les actions gratuites jouent un rôle central dans cette augmentation.

Les rétributions consenties au titre de la cessation des fonctions ont également connu une évolution anormale. En matière de retraite, de grandes sociétés cotées ont provisionné plusieurs millions d’euros afin de garantir à leurs anciens dirigeants une rente annuelle de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Et que dire des indemnités versées au titre d’un départ provoqué ? Est-il besoin de rappeler les 8,2 millions d’euros touchés par M. Noël Forgeard à l’occasion de son départ de EADS, en 2006, ou les 5,2 millions versés en 2008 à M. Serge Tchuruk, artisan de la fusion ratée d’Alcatel avec Lucent ?

Les rémunérations des opérateurs de marchés financiers ne sont pas moins contestables. Comme a pu le vérifier notre mission d’information, il n’est pas rare que des responsables d’activités de trading perçoivent une rémunération supérieure à celle du PDG de la banque qui les emploie.

La presse a récemment révélé que, en dépit des pertes subies par la Société générale du fait de l’affaire Kerviel, de substantiels bonus avaient été versés aux traders de l’établissement en 2007 (jusqu’à 10,75 millions d’euros pour un chef de desk) et en 2008 (3 millions d’euros pour le même), tandis que les analystes financiers et les secrétaires devaient se contenter de la portion congrue, avec respectivement 15 000 euros et 850 euros de rémunération variable.

Dans le même temps, le pouvoir d’achat de nos concitoyens stagne, le chômage approche les 10 % de la population active, l’inactivité partielle subie se généralise et le surendettement explose. Qui peut se satisfaire de ce constat ? Pas le groupe SRC, ni ses partenaires de l’opposition en tout cas.

Jusqu’alors, l’exécutif et la majorité se sont abrités derrière le dogme de l’autorégulation pour justifier l’inaction du législateur, mais notre mission d’information sur les nouvelles régulations de l’économie et l’Autorité des marchés financiers ont émis de sérieux doutes sur l’efficacité de cette autorégulation.

Ainsi, l’AMF a récemment révélé des pratiques de cumul d’un contrat de travail avec le mandat social exercé, en dépit de leur interdiction par les organisations professionnelles, ainsi que de nombreuses imprécisions sur les conditions d’octroi des indemnités de départ.

Le cas des rémunérations des opérateurs de marchés n’est guère plus reluisant. À la faveur de la torpeur estivale, certains établissements bancaires de la place de Paris ont annoncé le retour à des pratiques que l’on croyait révolues, du moins tant que ces établissements bénéficiaient d’un apport en capital de l’État.

L’heure est donc venue, pour le législateur, de prendre ses responsabilités. D’ailleurs, des pays n’étant pas réputés interventionnistes en matière économique ont déjà pris des mesures législatives. Je pense notamment à l’American Recovery and Reinvestment Act du 17 février 2009 qui plafonne les rémunérations des dirigeants d’entreprises aidées par l’État fédéral américain, ainsi qu’à la loi fédérale du 31 juillet 2009, qui encadre davantage le régime des stock-options outre-Rhin.

Notre proposition de loi procède du même esprit pragmatique. Elle vise trois grands objectifs, qui se déclinent en huit mesures concrètes – vous noterez au passage que la proposition ne comporte pas l’abrogation du bouclier fiscal : le débat ayant eu lieu le 30 avril, nous prenons acte du refus de la majorité de le supprimer ; cela attendra l’alternance.

Le premier objectif consiste à réduire les rémunérations des dirigeants et des opérateurs de marchés des sociétés et banques aidées par l’État.

À cet effet, l’article 1er plafonne la rémunération totale pouvant être consentie à ces dirigeants à 25 fois la rémunération la plus basse de l’entreprise, ce qui correspond aux écarts qui prévalaient dans presque tous les pays jusqu’aux dérives des deux dernières décennies.

Parallèlement, l’article 7 prohibe l’attribution de stock-options dans les entreprises soutenues par l’État, l’intervention publique n’ayant pas vocation à procurer, à moyen terme, des plus-values aux principaux responsables des difficultés ayant provoqué la recapitalisation ou l’octroi de prêts par les contribuables.

La proposition de loi vise ensuite à mettre un terme définitif aux travers juridiques qui ont permis les abus de ces dernières années.

L’article 2 institutionnalise les comités des rémunérations, démembrements des conseils d’administration ou de surveillance plus spécialement chargés de définir la politique de rémunération de chaque société cotée. Cette idée avait été partagée par les membres de la mission d’information de notre commission, en juillet dernier, ce qui ouvre la voie à un large consensus.

L’article 3 instaure une corrélation légale entre la plus faible rémunération en équivalents temps plein versée dans chaque société commerciale et la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Les conseils d’administration et de surveillance se verraient chargés d’établir un coefficient multiplicateur, validé par l’assemblée générale des actionnaires, après avis du comité d’entreprise.

Par ailleurs, dans un souci de réalisme et de pragmatisme économiques, l’article 4 plafonne les indemnités de départ à deux fois la plus forte indemnité de licenciement prévue dans la société, ce qui mettra un terme aux parachutes dorés sans exposer les chefs d’entreprise à une insécurité personnelle.

De même, l’article 5 limite les montants des retraites supplémentaires à 30 % de la rémunération de la dernière année d’activité, ce qui demeure confortable. Cet article fera d’ailleurs l’objet d’un amendement de ma part, visant à prendre en compte, plutôt que la dernière année, les cinq dernières années d’activité, afin d’éviter tout gonflement artificiel des sommes allouées.

L’article 6 interdit l’octroi de stock-options dans les entreprises de plus de cinq ans. Cette mesure vise à rétablir la vocation originelle des stock-options, qui était de fidéliser sur le moyen terme les personnels les plus talentueux d’entreprises qui n’ont pas les moyens financiers de les rémunérer fortement, comme les start-up.

Le dernier objectif est la limitation des rémunérations variables des opérateurs de marchés. L’article 8 prévoit à cet effet un plafonnement de la rémunération variable au montant de la rémunération annuelle fixe. C’est une mesure qui n’est pas antiéconomique, puisque les opérateurs de marchés conserveront la perspective de bonus. Le mécanisme sera néanmoins plus transparent et surtout davantage corrélé aux résultats objectifs de chacun.

En résumé, ce texte ambitionne d’introduire de manière pragmatique, raisonnable et, je l’espère, consensuelle, la régulation que les Français appellent de leurs vœux, sans pour autant dégrader l’attractivité des sociétés et de la finance françaises.

Compte tenu des avancées obtenues dans le cadre du G 20 et de l’Union européenne, nous avons l’opportunité historique de corriger les travers d’une économie qui a dérivé de la production de richesses vers la spéculation. À nous de la saisir, dans l’intérêt de la cohésion nationale.

M. Pascal Terrasse. Cette proposition de loi n’a pas pour objet de réaliser le « grand soir », mais seulement de prendre en compte l’évolution de l’opinion publique. Nos concitoyens ne font pas que souffrir des conséquences de la crise économique : ils sont également choqués par les écarts incompréhensibles de revenus entre ceux qui travaillent et ceux qui dirigent les entreprises.

C’est pourquoi nous proposons de limiter la rémunération des dirigeants de société à 25 fois la plus basse rémunération versée à un salarié. Après les discours – chacun se souvient des propos tenus par le Président de la République à Toulon et à Saint-Quentin – nous passerons ainsi aux actes. C’est notre responsabilité de législateur.

S’agissant des stock-options, nous proposons, non de remettre en cause leur existence, mais de les encadrer dans les entreprises bénéficiant d’une aide de l’État. Il serait en effet curieux, au moment où l’on prétend revaloriser la « valeur travail », que l’argent public serve à distribuer des stock-options.

Je rappelle que les comités de rémunération existent déjà dans de nombreux pays et qu’il n’est pas anormal que les mandataires sociaux puissent fixer le cadre de la rémunération des chefs d’entreprise. Pour le moment, certains dirigeants parviennent à auto-organiser leur propre rémunération au moyen de participations croisées au sein des conseils d’administration.

En dernier lieu, n’oublions pas que le traitement mensuel des parlementaires que nous sommes est inférieur à ce que gagnent, par jour, les dirigeants de la plupart des PME et des PMI, et qu’un cadre moyen travaillant dans un établissement financier gagne autant que nous. Je crois que cela mérite réflexion.

M. Alain Vidalies. Une question très simple se pose à nous : quand passerons-nous enfin des déclarations aux actes face à la crise financière ?

Nous avons fait le choix de ne pas vous proposer de revenir, à la faveur de cette proposition de loi, sur un certain nombre de dispositions fiscales adoptées à l’initiative du gouvernement, notamment le bouclier fiscal. Nous vous proposons en revanche des mesures précises concernant les stock-options, qui ont tant défrayé la chronique.

Ce mécanisme, que nous avons contribué à instaurer, avait pour objet de favoriser le recrutement de cerveaux dans des sociétés ne disposant pas de suffisamment de capital ou de fonds propres. Notre but n’était pas de permettre l’attribution de sommes considérables à des individus dont la seule contribution à la vie économique est d’avoir été inspecteur des finances avant de devenir PDG d’entreprises privatisées par l’État – dans certains cas, nous ne sommes pas loin de ce qui s’est passé lors des privatisations dans l’ancien bloc de l’Est.

Pour favoriser la transparence en matière de rémunération, nous proposons, non d’instaurer une grille unique qui serait applicable dans toutes les entreprises, mais de permettre aux actionnaires de se prononcer en toute connaissance de cause, sur la base d’un rapport établi par un comité des rémunérations indépendant, et aux salariés de participer au processus par l’intermédiaire des comités d’entreprise ou bien par la présence de leurs représentants au sein du comité des rémunérations. Nous contribuerons ainsi à faire évoluer les relations entre le capital et le travail au sein de l’entreprise, comme le Président de la République nous invite à le faire – ce n’est certes pas mon auteur préféré, mais nous pouvons l’écouter.

M. Jacques Alain Bénisti. La comparaison entre le salaire des cadres moyens dans le secteur bancaire et le traitement des députés pourrait peut-être nous inciter à voter cette proposition de loi si celle-ci n’était pas totalement dépassée. Cela fait des mois que le Président de la République s’est engagé sur cette question au plan européen et au plan international, dans le cadre du G20. On ne peut même pas dire que vous prenez le train en marche : vous êtes encore sur le quai de la gare !

Sur le fond, on peut être d’accord avec certaines des mesures que vous proposez, mais il est évident qu’une action limitée à notre seul pays ne ferait que conduire à la délocalisation de certaines activités dans d’autres pays. S’en tenir à la France serait une grossière erreur.

Nous pourrons peut-être voter l’article 2, puisqu’il ne fait que reprendre une des préconisations de l’excellent rapport d’information rédigé par Philippe Houillon ; en revanche, il me paraît impossible d’approuver le reste du texte.

M. Philippe Houillon. Je rappelle que notre Commission a adopté, à l’unanimité, le rapport d’une mission d’information dont Philippe Vuilque faisait partie, et que ce rapport ne faisait absolument pas référence à un plafonnement des rémunérations. La situation des entreprises étant très variée, il serait inopportun d’édicter des règles uniformes.

Comme l’a dit Jacques Alain Bénisti, nous pourrions, en revanche, adopter l’article 2, qui reprend l’une des propositions de la mission d’information, à savoir l’institutionnalisation des comités de rémunération.

M. le rapporteur. Les auditions organisées dans le cadre de la mission d’information nous ont permis de constater que tout le monde était d’accord sur un point : la situation actuelle ne peut pas durer. Une partie du patronat considère que la création du comité des sages présidé par Claude Bébéar ne suffit pas, car les dérives continuent – chacun a pu le constater cet été. De son côté, Mme Lagarde nous a expliqué qu’il valait mieux éviter de légiférer, l’autorégulation étant préférable à ses yeux, mais nous avons pu constater que cette solution ne marchait pas ! Il faut donc que nous prenions nos responsabilités. Le Président de la République n’a d’ailleurs pas dit autre chose : nous devons choisir entre la jungle et la loi.

Je me félicite que le Président de la République se soit engagé sur ce sujet au plan international, Monsieur Bénisti, mais je ne vois pas pourquoi cela nous devrait nous empêcher de légiférer. Les États-Unis l’ont fait, en plafonnant les rémunérations des chefs d’entreprises aidées par l’État. Malgré une forte mobilisation du patronat, l’Allemagne a également adopté des mesures en matière de rémunérations des dirigeants. Rien de tout cela n’est incompatible avec les discussions engagées dans le cadre du G 20.

M. Houillon récuse la logique du plafonnement. Je serais d’accord avec lui si ce que nous proposons était généralisé à toutes les entreprises. Or, ce n’est pas le cas : il s’agit seulement d’encadrer les pratiques dans les entreprises aidées par l’État. C’est une question de moralité publique. Puisque l’État paie, il est normal qu’il impose des règles, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent.

On peut naturellement débattre du coefficient de 25, mais il correspond à la moyenne constatée au cours des dernières années – et à peu près au plafond de 500 000 dollars appliqué aux États-Unis. Qui pourrait trouver scandaleux d’encadrer la rémunération des patrons de sociétés renflouées par l’État après avoir s’être trouvées en situation de faillite sur les marchés ?

D’autre part, je rappelle que nous avons pris la précaution de laisser aux entreprises le soin d’adopter le coefficient multiplicateur qui leur paraîtra souhaitable compte tenu de leur situation économique. Il est donc faux de prétendre que ce texte instaure un plafonnement.

Je suis heureux de constater que l’article 2 fait, en revanche, l’objet d’un consensus.

Il est vrai que nous avons voté avec la majorité le rapport de la mission d’information ; mais nous avions fait des propositions complémentaires sur un certain nombre de points.

La Commission aborde ensuite l’examen des articles de la proposition de loi.

Titre 1er : Exigences applicables aux rémunérations des dirigeants d’entreprises, mandataires sociaux et opérateurs de marché

La Commission adopte l’amendement de suppression CL 1 du rapporteur.

Article 1er (art. L. 225-185-1 [nouveau] du code de commerce) : Plafonnement des rémunérations des dirigeants d’entreprises bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation :

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2 (art. L. 225-35-1 [nouveau] du code de commerce) : Institutionnalisation par la loi des comités des rémunérations :

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL 2, CL 3 et CL 4 du rapporteur.

Elle examine ensuite un amendement CL 8 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. le président Jean-Luc Warsmann. L’article prévoit déjà que les conditions d’application seront fixées par décret en Conseil d’État. Je vous propose d’adopter un amendement ajoutant au II de l’article l’alinéa suivant : « Ce décret fixe également les conditions de chiffre d’affaires et d’effectifs des sociétés auxquelles s’applique le I ». Cela permettra d’établir des seuils pour éviter de viser les petites sociétés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 225-35-2 [nouveau] du code de commerce) : Plafonnement des rémunérations des cadres dirigeants des sociétés cotées par les conseils et assemblées générales, après avis des comités d’entreprise :

La Commission rejette l’amendement CL 5 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 (art. L. 225-185-2 [nouveau] du code de commerce) : Limitation du montant des indemnités de départ des dirigeants mandataires sociaux :

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 (art. L. 225-185-3 [nouveau] du code de commerce) : Limitation des retraites supplémentaires à prestations définies ::

La Commission rejette successivement les amendements CL 6 et CL 7 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 5.

Article 6 (art. L. 225-185-4 [nouveau] du code de commerce) : Interdiction de l’attribution de stock-options dans les sociétés cotées de plus de cinq ans d’existence:

La Commission rejette l’article 6.

Article 7 (art. L. 225-185 du code de commerce) : Interdiction de l’attribution de stock-options dans les sociétés cotées bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation :

La Commission rejette l’article 7.

Article 8 (art. L. 500-1-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Plafonnement de la rémunération variable des opérateurs de marchés au montant de leur rémunération fixe nette::

La Commission rejette l’article 8.

Titre de la proposition de loi :

La Commission examine un amendement CL 9 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous propose d’intituler ce texte : « Proposition de loi visant à créer un comité de rémunération dans les sociétés anonymes ».

M. le rapporteur. Votre manœuvre, au demeurant assez habile, tend à dénaturer ce texte. En n’adoptant qu’un seul de ses articles et en modifiant son titre, vous allez en quelque sorte le transformer en proposition de loi du groupe UMP, manipulation à laquelle nous ne pouvons que nous opposer.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il s’agit simplement de mettre le titre de la proposition de loi en accord avec son contenu.

M. Alain Vidalies. Malgré toute la subtilité dont vous êtes coutumier, M. le Président, vous ne pouvez pas vous approprier cette proposition de loi, qui a été déposée par le groupe socialiste. Vous pouvez contester et rejeter nos propositions – c’est votre droit –, mais ce que vous venez de proposer est tout à fait inacceptable.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Pendant toute la première partie de la législature, vous nous avez reproché de refuser de passer à la discussion des articles de vos propositions de loi. La Constitution et le règlement ayant été modifiés, nous avons examiné les articles de ce texte. La majorité n’a pas approuvé la plupart de ses dispositions, mais elle a adopté, par honnêteté intellectuelle, l’article 2, qui ne faisait que reprendre l’une des propositions adoptées par la mission d’information.

Le texte viendra en séance publique dans la rédaction adoptée par la Commission, mais vous aurez tout loisir de déposer des amendements tendant à réintroduire les articles que nous avons rejetés, ce qui permettra au débat d’avoir lieu.

J’ai proposé un titre correspondant mieux au contenu du texte tel que nous l’avons adopté, mais je suis prêt à retirer mon amendement, quitte à le redéposer par la suite dans le cadre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

La séance est levée à 13 heures.

——fpfp——

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Avant l’article 1er

Supprimer la division et l’intitulé :

« TITRE Ier

« Exigences applicables aux rémunérations des dirigeants d’entreprises manataires sociaux et opérateurs de marché ».

Amendement CL2 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 7, après le mot : « mandataires », insérer les mots : « sociaux ».

Amendement CL3 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 8, substituer aux mots : « l’entreprise », les mots : « la société ».

Amendement CL4 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 9, substituer à la première occurrence des mots : « l’entreprise », les mots : « la société ».

Amendement CL5 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 3

À la fin de l’alinéa 2, après les mots : « le conseil d’administration », insérer les mots : « ou de surveillance ».

Amendement CL6 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 5

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « un régime différentiel de retraite, ou “retraite chapeau,” », les mots : « une retraite supplémentaire à prestations définies ».

Amendement CL7 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 5

À la fin de l’alinéa 2, substituer aux mots : « la dernière année de l’exercice de sa fonction », les mots : « moyenne sur une période de référence couvrant les cinq dernières années de l’exercice de sa fonction ».

Amendement CL8 présenté par M. Jean-Luc Warsmann :

Article 2

Compléter l’alinéa 11 par la phrase suivante :

« Ce décret fixe également les conditions de chiffre d’affaires et d’effectifs des sociétés auxquelles s’applique le I. »

Amendement CL9 présenté par M. Jean-Luc Warsmann :

Titre

Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi visant à créer un comité des rémunérations dans les sociétés anonymes. »

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Manuel Aeschlimann, Mme Brigitte Barèges, Mme Delphine Batho, M. François Bayrou, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Serge Blisko, M. Claude Bodin, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. François Calvet, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. François Deluga, M. Bernard Derosier, M. René Dosière, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Paul Garraud, M. Charles-Ange Ginesy, M. Claude Goasguen, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Sébastien Huyghe, Mme Maryse Joissains-Masini, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Charles de La Verpillière, M. Bruno Le Roux, Mme Sandrine Mazetier, Mme George Pau-Langevin, Mme Sylvia Pinel, M. Didier Quentin, M. Jean-Jack Queyranne, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Schosteck, M. Éric Straumann, M. Pascal Terrasse, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. André Vallini, M. Manuel Valls, M. François Vannson, M. Michel Vaxès, M. Patrice Verchère, M. Alain Vidalies, M. Philippe Vuilque, M. Jean-Luc Warsmann, M. Michel Zumkeller

Excusé. - M. Abdoulatifou Aly