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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 9 juin 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 67

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Examen, en lecture définitive, du projet de loi organique relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (M. Charles de la Verpillière, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées (n° 1450) (M. Daniel Goldberg, rapporteur)

–  Amendements examinés par la Commission

– Examen de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) (M. Jean Mallot, rapporteur)

–  Amendements examinés par la Commission

– Examen de la proposition de résolution des mêmes auteurs tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491) (M. Jean Mallot, rapporteur)

–  Amendement examiné par la Commission

– Examen du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (discussion générale) (n° 2383) (M. Yves Nicolin, rapporteur) et examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées (n° 1451) (M. Yves Nicolin, rapporteur)

La séance est ouverte à dix heures.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Charles de La Verpillière, en vue de sa lecture définitive, le projet de loi organique, relatif à l’application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. En raison d’un désaccord avec le Sénat, le Gouvernement demande à l’Assemblée nationale, en application du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, de statuer définitivement sur le projet de loi organique relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Je précise que conformément au troisième alinéa de l’article 46, le texte ne pourra être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres.

Le cinquième alinéa de l’article 13, issu de la révision constitutionnelle de 2008, soumet à l’avis des commissions compétentes des deux assemblées les nominations par le Président de la République à certains emplois ou fonctions. Sous certaines conditions de majorité, les commissions disposent d’un droit de veto.

Le point de désaccord entre les deux assemblées concerne les conditions du scrutin : le Sénat voudrait que la délégation de vote soit possible, l’Assemblée nationale ne le souhaite pas. L’avis exprimé résultant de l’addition des votes émis dans chacune des assemblées, une harmonisation des conditions de vote est bien sûr indispensable.

Il vous est donc proposé de reprendre le texte que vous avez adopté en nouvelle lecture le mois dernier.

La Commission adopte à l’unanimité le projet de loi organique dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

*

* *

La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Daniel Goldberg, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées (n° 1450).

M. Daniel Goldberg, rapporteur. La proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, et je souhaite qu’elle rencontre le même accueil à l’Assemblée nationale.

Le sujet est important et symbolique. Notre législation ainsi que plusieurs dispositions réglementaires comportent actuellement des restrictions à raison de la nationalité pour une quarantaine de professions libérales ou privées – soit une dizaine de moins qu’en 1999, année de publication du rapport très détaillé du cabinet Bernard Brunhes consultants, suivi en mars 2000 du rapport du Groupe d’études sur les discriminations –, dont une dizaine restent soumises à une condition de nationalité uniquement française.

Ces professions regroupent les officiers publics et ministériels – notaires, huissiers de justice et greffiers de tribunaux de commerce – dont l’activité est liée à des prérogatives de souveraineté et de puissance publique, certains métiers touchant à la sécurité, notamment les lieutenants de louveterie et les agents de l’Office national de la chasse exerçant des missions de police, mais aussi, et de manière plus étonnante, certaines fonctions exercées dans la communication – membres des comités de rédaction d’une édition de publications destinées à la jeunesse, directeurs de société coopérative de messagerie de presse –, ainsi que les conseillers du travail, le personnel navigant professionnel des aéronefs et les concessionnaires d’énergie hydraulique.

Par ailleurs, un peu plus d’une vingtaine d’autres professions libérales et privées demeurent ouvertes aux seuls Français et ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Tous les secteurs sont concernés : professionnels de santé, dont la condition de nationalité a cependant été récemment assouplie dans un sens proche de celui de la proposition de loi ; professions du droit – avoués et avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation – ; activités liées au tourisme et aux loisirs – guides interprètes et conférenciers nationaux, directeurs de casinos ; direction et personnel éducatif des établissements d’enseignement privé ; gestion d’activités liées à la sécurité privée ou d’activités commerciales spécialisées – débitants de tabac et de boissons, dirigeants de régies ou d’entreprises de pompes funèbres, notamment.

Enfin, il existe moins d’une dizaine de professions libérales ou privées dont l’exercice est ouvert aux étrangers non communautaires sous réserve d’une réciprocité, dans leur État d’origine, à l’égard des Français. Se trouvent dans ce cas les avocats, les architectes, les médecins et les pharmaciens, les experts-comptables et les commissaires aux comptes.

Bien souvent, les dispositions qui fondent de telles discriminations – car il s’agit bien de discriminations légales –, sont l’héritage ou la réminiscence de moments sombres de notre histoire. La plupart ont été introduites dans notre droit soit à la fin du XIXe siècle, soit dans les années 1930 et 1940, dans un contexte de xénophobie et de protectionnisme exacerbés.

D’un point de vue juridique, au demeurant, il est permis de s’interroger sur la solidité d’un tel édifice normatif, tout particulièrement depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité. Si nous n’y mettons bon ordre, le Conseil constitutionnel pourrait se pencher sur la question. Il n’est pas fortuit, d’ailleurs, que sa première censure dans le cadre de la nouvelle procédure ait porté sur la rupture d’égalité entre anciens combattants français et étrangers issus des anciennes colonies. Je me réjouis que de la même façon, à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, un amendement ait été adopté pour mettre fin à une rupture d’égalité, en permettant aux entrepreneurs étrangers de participer, tant comme électeurs que comme candidats, aux élections des représentants des chambres de commerce et d’industrie.

D’après le cabinet Bernard Brunhes consultants, près de 600 000 emplois privés, au total, seraient fermés aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Cette estimation demeure pertinente après l’actualisation à laquelle je me suis attelé. À ces professions privées, il faut ajouter le cas particulier de la fonction publique – 5,2 millions de postes au total – et du secteur public – un million d’emplois statutaires environ.

Si les grandes lois de 1983, 1984 et 1986 ont maintenu la condition de nationalité française pour l’accès aux trois fonctions publiques, le législateur a toutefois introduit des brèches dans ce principe : tout d’abord, en autorisant l’accès des étrangers non communautaires à certains emplois de fonctionnaires, notamment dans l’enseignement supérieur ; ensuite, en ouvrant aux ressortissants des pays de l’Union européenne, par la loi du 26 juillet 1991, la possibilité d’accéder aux corps, cadres d’emplois et emplois dont les attributions sont séparables de la souveraineté ou ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’État et des autres collectivités publiques.

La distorsion qui subsiste à l’égard des étrangers en situation régulière pose une question de principe et soulève un enjeu d’intégration. En effet, bien souvent les étrangers sont cantonnés, dans les collectivités territoriales, les hôpitaux et les services de l’État, à des statuts de contractuels précaires, alors même qu’ils remplissent des fonctions similaires aux nationaux sous statut.

Une évolution apparaît d’autant plus souhaitable que, dans le secteur public, les choses ont sensiblement évolué depuis dix ans. Ainsi, depuis qu’en décembre 2002 la RATP a unilatéralement aboli la condition de nationalité qui présidait à ses recrutements, la part des étrangers non communautaires dans l’entreprise est passée de 1 à 5 %.

Toutefois, cet exemple n’est pas la règle générale dans le secteur public. La SNCF constitue ainsi l’un des derniers bastions des emplois statutaires fermés aux étrangers. Il apparaît hautement souhaitable qu’un changement puisse intervenir, ce à quoi ne semblent opposées ni la direction, ni les principales organisations syndicales de l’entreprise.

La proposition de loi que le Sénat a adoptée, composée de cinq articles, assouplit substantiellement les conditions de nationalité posées pour l’exercice de sept professions, à savoir celles de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de vétérinaire, de géomètre-expert, d’architecte et d’expert-comptable. C’est un premier pas intéressant, mais je vous propose d’aller plus loin.

Outre quelques propositions d’amélioration liées notamment à des évolutions législatives récentes – en particulier la loi HPST du 21 juillet 2009 et l’ordonnance qui a suivi en décembre 2009 –, je vous soumettrai plusieurs amendements visant à abolir la condition de nationalité dans d’autres fonctions ou professions privées et à examiner l’opportunité de maintenir une certaine préférence nationale ou européenne pour l’accès à la fonction publique.

Ces amendements ont tous été mûrement réfléchis à la suite des multiples auditions que j’ai conduites. Ils ont à mes yeux le mérite de poser les termes d’un débat légitime et important pour tous ceux qui vivent et travaillent sur notre territoire mais subissent toutes sortes de vexations quotidiennes liées à leur origine, en même temps qu’un taux de chômage élevé et une précarité forte.

Dans une délibération du 30 mars 2009, la HALDE a appelé le Gouvernement à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’exercice d’activités privées et de fonctions publiques non liées à des prérogatives de puissance publique ou de souveraineté. L’occasion nous est fournie aujourd’hui de faire écho à cette demande en établissant une règle claire et simple – qui, bien entendu, s’appliquerait à qualifications identiques. J’espère que, par-delà nos éventuelles divergences, nous parviendrons à faire aboutir ce texte.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La proposition de loi adoptée par le Sénat procède d’une démarche que je considère intéressante. En revanche, je ne suivrai pas le rapporteur pour généraliser l’accès des étrangers non communautaires à la fonction publique…

Mme Sandrine Mazetier. Pour ma part, je remercie le rapporteur de nous proposer d’élargir la portée du texte adopté par le Sénat.

On ressort presque couvert de poussière de l’examen de dispositions surannées, dont certaines ont été prises aux heures les plus sombres de notre histoire, en particulier sous le régime de Vichy. La semaine dernière, un hebdomadaire publiait la photographie saisissante d’officiers de la Gestapo écoutant un discours d’Hitler dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. C’est à cette époque qu’ont été prises beaucoup des dispositions qui restreignent l’accès des étrangers à l’emploi. J’aimerais que chacun s’en souvienne au moment d’examiner les amendements du groupe socialiste.

Le rapporteur a rappelé la double discrimination dont sont victimes les étrangers –ou les personnes que l’on pense de nationalité étrangère – : discrimination dans l’accès aux emplois qui leur sont ouverts, dénoncée année après année par la HALDE ; mais aussi discrimination tout à fait officielle, consistant à fermer l’accès à certains emplois pour cause de nationalité. Or dans un État républicain du XXIe siècle, l’aptitude et les compétences devraient être, hors le cas des fonctions liées à la souveraineté nationale, les seuls critères de recrutement.

M. Michel Hunault. Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, et nous pouvons nous accorder sur sa philosophie. En revanche, l’exposé du rapporteur m’a beaucoup inquiété. En ce qui concerne les professions réglementées, il faut veiller de façon très précise à ce que l’abolition des conditions de nationalité n’entraîne pas celle des conditions de compétence, dans le secteur juridique comme dans le secteur de la santé. S’agissant des missions de service public, je note qu’à la SNCF, l’accès aux emplois n’est même pas ouvert aux ressortissants de l’Union européenne.

Il convient donc de bien nous entendre sur les objectifs et d’éviter de créer des problèmes avec ce texte. Il serait bon de ne pas l’adopter à la va-vite, sans avoir les certitudes nécessaires, en particulier en matière de qualification et de sécurité.

M. Noël Mamère. Cette proposition de loi est conforme à l’esprit de la directive européenne de 2004 visant à interdire la discrimination devant l’emploi entre nationaux et non-nationaux. Elle répond également aux recommandations de la HALDE – institution qui a beaucoup apporté à la lutte contre les discriminations et que, pour notre part, nous ne voulons pas voir intégrer dans celle du Défenseur des droits –, qui a suggéré d’élargir les possibilités de recruter des ressortissants non communautaires dans les trois fonctions publiques.

Il faut mettre fin à des situations inacceptables, en particulier dans le secteur hospitalier : pour pallier le manque de professionnels, on fait appel à des étrangers extracommunautaires qui ne parviennent pas à obtenir la reconnaissance de leur diplôme et sont maintenus dans un statut précaire. Répondre à leurs attentes ne serait donc que justice.

On ne peut que faire le lien entre cette question et celle du droit de vote des étrangers. Au nom de quoi refuser à un étranger extracommunautaire des droits que l’on accorde aux ressortissants des pays de l’Union ? Tant l’inégalité devant le droit au travail que l’inégalité devant le droit de vote doivent être combattues.

Nous avons donc déposé des amendements allant dans le sens de l’ouverture la plus large, afin de mettre fin à un anachronisme qui ne fait que creuser les inégalités et contribuer à installer, chez les étrangers vivant sur notre territoire, le sentiment de subir une discrimination. La citoyenneté de résidence et le droit du sol ne sont-ils pas supposés prévaloir dans notre pays ?

M. Bernard Roman. Je souhaiterais que règne à l’Assemblée le même état d’esprit qu’au Sénat. Non seulement le texte y a été adopté à l’unanimité, mais la tonalité des débats n’excluait pas la possibilité d’aller plus loin.

Pour certaines professions, il ne devrait même pas y avoir de discussion entre nous : qu’est-ce qui peut objectivement justifier qu’aujourd’hui, une personne n’ayant pas la nationalité française ne puisse pas ouvrir un débit de boissons ou diriger une entreprise de pompes funèbres ? Les motivations de ces interdictions sont dépassées – pour les pompes funèbres, par exemple, elles étaient d’ordre sanitaire.

Nous pourrions également avoir une approche consensuelle pour ce qui concerne les fonctionnaires, notre rapporteur ayant écarté d’emblée les fonctions régaliennes. Depuis dix ans, nous avons adopté des dispositions permettant à des citoyens étrangers de travailler dans la fonction publique dans un cadre contractuel, conforme aux dispositions européennes relatives aux contrats à durée indéterminée. En outre, la majorité actuelle nous a fait voter il y a quelques années la création d’un titre de séjour exceptionnel à l’intention des personnes dont nous pourrions avoir besoin dans la fonction publique. Entre la délivrance d’un titre de séjour spécial et l’ouverture aux étrangers des emplois de la fonction publique – à l’exception de ceux relevant des fonctions régaliennes –, la différence est faible.

M. Jacques Alain Bénisti. M. Roman souhaite que l’ensemble des membres de la Commission adoptent une approche consensuelle, mais les choses ont mal commencé avec l’intervention de Mme Mazetier : la référence à Vichy procède d’un amalgame démagogique et inadmissible, qui tranche avec la présentation sereine du rapporteur.

Mme Sandrine Mazetier. Je n’ai fait qu’un rappel historique !

M. Jacques Alain Bénisti. Ce texte mérite que l’on prenne le temps de l’étudier. Il comporte des mesures que l’on peut juger acceptables, mais si le débat est ouvert sur l’opportunité d’autoriser les étrangers à entrer dans la fonction publique, il est loin d’être clos. Au-delà de la question des critères, on peut préférer inciter les étrangers à demander la nationalité française, ce qui leur permettrait ensuite d’intégrer notre fonction publique.

Par ailleurs, quel que soit l’intérêt de son contenu, cette proposition de loi n’est assortie d’aucune étude d’impact. Je propose donc à M. Goldberg que nous en reportions l’examen, afin de travailler préalablement avec des membres de la majorité à l’élaboration d’un texte cohérent, dont chaque disposition aura été étudiée avec soin.

M. Claude Goasguen. Faute d’éléments précis sur les conséquences que pourrait avoir l’adoption de cette proposition de loi, je n’entrerai pas dans le fond du débat. Alors que le principe des évaluations législatives et des études d’impact a été posé, on nous présente un texte de quatre pages, dépourvu d’exposé des motifs et d’éléments d’évaluation. Il contient pourtant des dispositions fondamentales pour le secteur privé comme pour le secteur public. Je rappelle au passage à Mme Mazetier que la plupart des dispositions restrictives concernant le secteur public ont été prises par des gouvernements de gauche : le premier à avoir édicté des limitations en matière d’accès à la fonction publique était le ministre de l’intérieur du Front populaire ; et M. Mauroy l’a suivi en 1982. Cette question ne devrait donc pas faire l’objet d’une vision manichéenne. Or la présentation qui a été faite de cette proposition de loi pousse au manichéisme.

Le fait que ce texte ait été voté à l’unanimité par les sénateurs n’est pas un bon argument : souvent, les textes adoptés à l’unanimité sont ceux dont on a expédié l’examen. Je ne souhaite pas examiner à la va-vite des dispositions qui ont des conséquences graves sur la fonction publique et sur certaines professions libérales. Au minimum, il me faut une étude d’impact. Je demande donc le retrait de cette proposition, faute de quoi je voterai contre.

M. Christian Vanneste. Il convient en effet de ne pas aborder ce texte de manière idéologique. Je remarque d’ailleurs que deux dispositions concernées datent de 1945 et 1946 : faudrait-il conclure des propos de nos collègues que les années de la Libération étaient des années noires ?

La nuit du 4 août fut celle de l’abolition des privilèges, mais aussi de la reconnaissance de l’égalité des citoyens. Or certains élus de gauche ont manifestement la sourde volonté de nier la profonde différence qui existe entre une discrimination injuste et une distinction tout à fait légitime. Nous devons lutter contre la première, fondée sur des différences n’ayant aucune légitimité, comme la différence raciale. En revanche, le fait d’être citoyen d’une nation est un statut juridique tout à fait légitime, d’où doit découler une distinction qui ne l’est pas moins. Ainsi, il n’est pas illégitime de réserver à des nationaux un certain nombre d’emplois, comme c’est le cas dans la plupart des pays du monde. Pour l’instant, il n’existe pas de citoyenneté mondiale… En revanche, une citoyenneté européenne est en cours de développement – et on se rend compte, dans le contexte économique actuel, à quel point elle est nécessaire –, mais il ne faut pas tout mélanger. Il est invraisemblable, en particulier, de mélanger la notion de race et celle de nation.

Enfin, chargé avec notre collègue René Dosière, dans le cadre du CEC, d’une mission sur les autorités administratives indépendantes, je me dois de rappeler que ces autorités non élues peuvent donner des avis, mais que les décisions appartiennent aux pouvoirs législatif et exécutif : ce n’est évidemment pas à la HALDE de décider.

M. Jean-Paul Garraud. Après avoir récemment proposé d’accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires, l’opposition voudrait aujourd’hui supprimer les conditions de nationalité restreignant l’accès des étrangers à certaines professions. Comme le montrent certaines interventions, la même intention se cache derrière les deux propositions. Or nous avons déjà tranché le débat sur le droit de vote.

Je suis d’autant plus réservé à l’égard de cette proposition de loi qu’elle me paraît d’une grande approximation. Tout d’abord, comme cela a été dit, nous ne disposons d’aucune étude d’impact, alors que nous avons souligné à plusieurs reprises la nécessité de connaître les répercussions, notamment économiques, d’une législation. Ensuite, le titre évoque l’exercice de « certaines » professions libérales ou privées : qu’est-ce que cela signifie ?

M. le rapporteur. Il suffit de lire le texte.

M. Jean-Paul Garraud. Des avocats étrangers, par exemple, pourraient-ils exercer en France, et donc être amenés à traiter de certains sujets très délicats ?

On se trompe de débat : la vraie question est celle de l’acquisition de la nationalité française. Si des étrangers travaillent régulièrement en France, ils peuvent la demander. Dès lors, il n’y a pas besoin d’adopter des dispositions aussi risquées.

Enfin, j’aimerais savoir si des pays étrangers ont déjà adopté des dispositions de cet ordre, ce qui nous assurerait une réciprocité. Qu’en est-il dans les autres pays européens ?

Pour toutes ces raisons, je voterai contre cette proposition de loi.

Mme Maryse Joissains-Masini. Je suis stupéfaite qu’une proposition porteuse d’un changement aussi fondamental dans la société française puisse être ainsi présentée sans étude d’impact ni travail sérieux – car il n’est pas sérieux de présenter un texte en réunion de Commission sans que nous ayons pu préalablement en discuter.

Tout d’abord, exiger la nationalité française pour l’exercice de certaines professions ne me paraît pas du tout discriminatoire. La même pratique existe dans presque tous les pays du monde.

Ensuite, se pose la question de la réciprocité : c’est une observation que l’on entend souvent dans la rue – car nous avons à prendre en considération l’avis de la rue. Les États dont les ressortissants bénéficieraient des dispositions proposées dans ce texte reconnaîtraient-ils chez eux les mêmes droits aux Français?

Enfin, l’étroite réglementation dont font l’objet, sur notre territoire, la plupart des professions concernées est un gage de sécurité. Je ne vois pas pourquoi des personnes n’ayant pas suivi le même cursus pourraient être autorisées à exercer les mêmes fonctions.

C’est pourquoi je demande à mon tour le retrait de ce texte.

M. François Bayrou. Ce débat me semble avoir pris un tour un peu surréaliste. Des collègues se sont inquiétés du caractère trop vague du titre de la proposition de loi, mais il suffit de lire son contenu pour constater que les professions concernées sont strictement précisées : une disposition concerne les médecins, sages-femmes et chirurgiens-dentistes, à la condition qu’ils aient « effectué la totalité du cursus en France » ; les autres professions visées sont les vétérinaires, les géomètres-experts, les architectes et les experts-comptables.

Il est vrai, en revanche, que nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les conséquences que pourrait avoir l’adoption des dispositions proposées, et notamment de savoir le nombre de personnes qui pourraient être concernées. Je trouverais donc sage de réaliser une étude d’impact, mais une quinzaine de jours devrait suffire pour y voir plus clair.

En tout cas, il est clair que cette proposition de loi n’a pas pour but d’ouvrir toutes les professions à tous les étrangers, sans limitation ; et la fonction publique, qui a été largement évoquée, n’est pas concernée par ce texte.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Elle est visée par certains amendements.

M. Claude Bodin. Ce texte, qui ne concerne en effet que peu de professions, paraît assez équilibré. Il a été adopté au Sénat avec la bienveillance du Gouvernement. Ce sont la présentation que le rapporteur en a faite et surtout les amendements qu’il a déposés qui le dénaturent, de même que les propos très excessifs de nos collègues de l’opposition. Cependant la précipitation avec laquelle il nous est présenté, l’absence d’étude d’impact et les légitimes interrogations qui ont été formulées devraient nous conduire à en reporter l’examen afin de pouvoir l’étudier de façon plus approfondie.

M. Dominique Perben. En ce qui concerne les professions libérales, il peut être intéressant pour la France, compte tenu du contexte de mondialisation et de l’internationalisation de ces activités, de conclure des accords de réciprocité avec les pays non communautaires. Il est évident qu’il ne faut pas pratiquer le désarmement unilatéral. J’avais eu moi-même des discussions avec la Chine sur l’exercice de la profession d’avocat, difficiles mais très importantes sur le plan stratégique. Je voudrais être sûr que cet aspect des choses a bien été envisagé.

M. Jérôme Lambert. Certains d’entre vous réclament un débat sur le fond, mais il me semble que c’est justement pour cela que nous sommes réunis ce matin. Après avoir entendu la réponse du rapporteur, nous serons suffisamment informés pour prendre nos responsabilités. Par ailleurs, ceux qui se demandent encore quelles sont les professions concernées ne semblent avoir ni entendu le rapporteur, ni même lu le texte. Nous devrions pouvoir débattre entre nous sans agiter des fantasmes.

S’agissant de la réciprocité, il faut garder à l’esprit que tous les pays n’ont pas forcément les mêmes besoins que le nôtre. Dans mon département – comme dans d’autres –, le manque de médecins est flagrant ; heureusement que des médecins d’origine étrangère exercent dans nos hôpitaux. Notre intérêt est de répondre à nos propres besoins – et il ne faut pas laisser croire que ces professionnels arriveront en France avec des diplômes sans valeur puisque le texte impose qu’ils aient accompli tout leur cursus en France.

Enfin, le fait que ce texte ait été adopté à l’unanimité au Sénat n’est pas un argument pour l’écarter ! L’ensemble de la représentation nationale peut parfois se retrouver sur des avancées concrètes.

M. Jacques Valax. Ce texte sérieux répond à des préoccupations réelles et je suis surpris des réactions qu’il soulève.

J’étais de ceux qui craignaient que la politique « d’ouverture » pratiquée par le Gouvernement crée la confusion dans l’esprit des Français, mais je suis aujourd’hui rassuré : il y a bien une différence fondamentale entre la gauche et la droite – car la première est une force de proposition, comme le montre ce texte, et la seconde est une force de réaction. Je suis heureux de faire partie des partisans du mouvement, et navré de voir que certains s’arc-boutent sur des positions dépassées.

M. Dominique Raimbourg. Il faut bien distinguer le texte et les amendements qui ont été déposés. Ces derniers portent en particulier sur la fonction publique. À ce sujet, force est de constater qu’aujourd’hui, de nombreux médecins étrangers exercent dans nos hôpitaux, avec des contrats qui sont du bricolage.

Quant au texte lui-même, il est très modeste. Il ne pose la question de la nationalité que de façon incidente. Ce n’est qu’un essai d’harmonisation de l’accès à certaines professions. Je rappelle que d’ores et déjà, les étrangers peuvent exercer de nombreuses professions réglementées. Ainsi, de nombreux avocats étrangers exercent en France et de nombreux avocats français exercent à l’étranger.

Ce texte mesuré me paraît donc devoir être soutenu.

M. Jean-Paul Garraud. C’est bien entendu une bonne chose que des médecins étrangers puissent exercer en France. Ce qui m’inquiète dans ce texte, c’est le risque d’élargissement – déjà prôné par certains membres de l’opposition. Le texte évoque les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes, les vétérinaires et les architectes, mais j’aimerais savoir, d’une part, pourquoi on cantonne à ces professions le dispositif proposé et, d’autre part, pourquoi il n’y aurait pas un élargissement ensuite. En matière de nationalité, il faut se montrer plus que vigilant.

Le vrai sujet – outre celui de la réciprocité – est l’acquisition de la nationalité française. En France, on peut acquérir la nationalité relativement facilement – beaucoup plus qu’en Suède, par exemple.

M. Guénhaël Huet. Ce qui nous est proposé, ce n’est tout de même pas le grand soir ! Néanmoins ce texte est suffisamment important pour que l’on prenne le temps de bien réfléchir, d’autant que certaines dispositions sont assez floues. Ainsi, l’article 2, alinéa 9 évoque des cas où la procédure habituelle de vérification des connaissances des vétérinaires ne serait pas suivie.

Il peut être dangereux de mettre le doigt dans l’engrenage : si nous votons ce texte, on posera demain la question de son extension à d’autres professions libérales ou privées, et après-demain celle de la fonction publique… Par ailleurs, pour répondre à notre collègue Lambert, ce n’est pas parce que l’une des deux assemblées adopte un texte à l’unanimité que l’autre doit faire de même. J’appelle donc à la modération et à la réflexion.

M. Thierry Mariani. Je suis opposé à ce texte pour deux raisons.

Le droit de la nationalité français est l’un des plus ouverts au monde. Un médecin, une sage-femme ou un architecte qui a effectué la totalité de son cursus en France y réside nécessairement depuis plus de cinq ans ; il peut très bien choisir de ne pas devenir Français, mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre !

D’autre part, les élites des pays africains nous disent en avoir assez de payer des études en France à des gens qui, une fois formés, restent chez nous. Si nous voulons aider ces pays à se développer et à améliorer leur situation sanitaire, le meilleur service à leur rendre n’est pas d’encourager cette pratique : je suis très surpris que nos collègues de gauche, qui nous parlent d’aide au développement, soutiennent un texte qui va précisément à l’encontre du développement de ces pays.

M. Jean-Sébastien Vialatte. L’article 1er de cette proposition de loi méconnaît la manière dont sont organisés les concours d’entrée en médecine ou en pharmacie. Il existe en effet, d’une part, un quota pour les étrangers venant étudier en France pour repartir ensuite travailler dans leur pays et, d’autre part, un quota pour les étudiants français, fixé selon les besoins estimés de praticiens en France. On ne peut donc pas décider, comme il est proposé, que le fait d’avoir suivi le même cursus suffit pour exercer en France – sauf à modifier la règle de ces concours en supprimant le quota réservé aux étudiants étrangers.

M. Pierre Morange. Incontestablement, notamment dans la filière sanitaire, les étudiants étrangers sont envoyés en France dans la perspective de former ensuite les élites des pays dont ils viennent. Cette réalité s’inscrit dans une vision géostratégique de coopération et de codéveloppement. A-t-on mesuré les conséquences, de ce point de vue, des dispositions proposées ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je souscris totalement aux propos de notre collègue Jean-Paul Garraud. Certes la liste des professions concernées par ce texte est limitative, mais des extensions sont possibles, d’autant que n’en viser que certaines pourrait être considéré comme discriminatoire par le Conseil constitutionnel.

Mme George Pau-Langevin. On ne peut pas dire que le temps passé en France pour des études compte nécessairement pour l’acquisition de la nationalité car en général, on considère que l’étudiant n’a pas réellement transféré son domicile en France. Par ailleurs, s’il est en effet souhaitable que les élites issues du tiers-monde fassent profiter leurs pays d’origine de leurs talents, il est évident qu’à l’issue des études, il est bon de pouvoir exercer quelques années en France. Il serait contreproductif d’être obligé pour cela de solliciter la nationalité française.

M. Daniel Vaillant. Je vois une contradiction dans la position de M. Mariani : si l’objectif est que les élites formées en France retournent dans leur pays, il ne faut pas les pousser à demander la nationalité française !

M. le rapporteur. Pour ceux qui ne m’auraient pas bien entendu tout à l’heure, j’avais exprimé le souhait que notre débat se déroule dans les mêmes conditions qu’au Sénat. S’agissant du sérieux de notre travail, je vous renvoie à la quinzaine de pages qui vous ont été adressées vendredi.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je précise que cette proposition de loi sera discutée en séance la semaine prochaine à l’initiative de groupe SRC. Le texte de la Commission devant être disponible sept jours auparavant, nous devons l’examiner aujourd’hui. Le rapporteur a fait son travail, le « pré-rapport » a été envoyé par courriel à chacun vendredi dernier ; tout a été fait dans les formes prescrites par le Règlement.

M. le rapporteur. S’agissant des professions visées, ceux qui ont fait des observations sur le titre de la proposition de loi auraient sans doute dû se pencher sur son contenu et lire cette quinzaine de pages, qui contiennent en particulier des rappels historiques et des données quantitatives très claires, notamment en ce qui concerne les professionnels de santé.

M. Hunault a soulevé le point fondamental de la qualification. Pour les professions médicales, en particulier, le texte ne vise que des étudiants étrangers non communautaires qui ont fait toutes leurs études en France et qui, aujourd’hui, ne peuvent pas exercer en libéral, sauf par dérogation. Le Sénat a voulu régler cette question. Nos collègues les plus virulents pour exiger la nationalité française semblent avoir oublié que, d’ores et déjà, la distinction entre Français et autres ressortissants communautaires est abolie...

M. Thierry Mariani. Il y a réciprocité !

M. le rapporteur. Cette proposition de loi vise des non européens, dont la qualification est reconnue en France ; elle touche à la condition de nationalité, non à celle de la qualification.

S’agissant des professionnels de santé, depuis le vote de ce texte au Sénat est intervenue la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), qui a réglé le problème – sauf pour certains chirurgiens-dentistes, oubli que l’un de mes amendements vise à réparer.

En ce qui concerne les autres professions, je vous rappelle qu’il existe en France une carte de séjour « compétences et talents » et que nous allons bientôt discuter de la transposition de la directive sur la « carte bleue européenne », autant de dispositifs visant à attirer sur notre sol une main d’œuvre hautement qualifiée. Si vous êtes favorables à ces dispositifs, comment refuser aux professionnels dont nous parlons d’exercer leurs talents en France ?

Certains sous-entendent qu’aucun étranger non communautaire ne travaille dans ces professions ni dans la fonction publique. Comme le montre mon rapport, ce n’est pas le cas. Que ces collègues déposent donc un amendement pour interdire la présence de ressortissants non communautaires parmi les enseignants ! Les principaux de collège, les proviseurs et même les directeurs d’école, lorsqu’ils manquent de remplaçants, se tournent vers Pôle Emploi, sans aucune condition de nationalité. On n’en pose pas davantage dans nos mairies pour recruter des vacataires, notamment des femmes exerçant des fonctions d’ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) ou employées dans les cantines.

M. Claude Goasguen. Elles sont contractuelles, c’est toute la différence !

M. le rapporteur. Mais nous parlons de la profession exercée, non de la manière dont s’effectue le recrutement.

Pour s’en tenir aux professions visées par la proposition de loi, il s’agit de faire en sorte que les médecins étrangers qui possèdent un diplôme français, les vétérinaires, experts-comptables, géomètres-experts ou architectes qui possèdent un diplôme français puissent exercer leur profession dans les mêmes conditions que les Français.

En revanche, je n’ai pas voulu lancer le débat sur d’autres points, notamment sur la profession d’avocat. La discussion a d’ailleurs eu lieu au Sénat. Un dispositif de réciprocité existe avec certains pays, mais il n’est question d’aller plus loin sur ce sujet, ni dans la proposition de loi, ni dans mes amendements.

Quant à la SNCF, elle devrait peut-être s’inspirer de la RATP, qui a fait évoluer ses conditions de nationalité pour tout ce qui ne touche pas strictement à la sécurité. Je n’ai pas déposé d’amendement parce que cela ne relève pas de la loi, mais j’en ai parlé avec la direction et les organisations syndicales : il serait intéressant d’ouvrir le statut permanent de la SNCF aux étrangers non communautaires – qui sont aujourd’hui 580 à avoir été embauchés sous le statut PS 25 et à ne pas avoir le même déroulement de carrière ni les mêmes conditions de retraite que le reste du personnel.

Enfin, je vous propose par amendement d’étendre le texte à quelques professions qui ne me semblent pas relever des prérogatives de souveraineté et de puissance publique – pompes funèbres et débitants de boissons.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous en arrivons à la discussion des articles.

Article 1er (art. L. 4111-1 du code de la santé publique) : Suppression de la condition de nationalité pour les étrangers non-communautaires titulaires d’un diplôme français qui souhaitent exercer les professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage femme sur le territoire national :

La Commission est saisie de l’amendement CL 10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à corriger une omission, en étendant aux étrangers titulaires du diplôme français d’État de chirurgien-dentiste la dispense de condition de nationalité qui a été reconnue aux étrangers titulaires d’un diplôme français d’État de docteur en chirurgie dentaire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article premier.

Après l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement CL 3 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC.

M. le rapporteur. Cet amendement supprime la condition de nationalité en vigueur pour les cafés, cabarets et débits de boissons – une condition posée par une loi du 9 novembre 1915 pour préserver la moralité, composante de l’ordre public…

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. L. 241-1 et art. L. 241-2-1 [nouveau] du code rural) : Assouplissement des conditions exigées des étrangers non-communautaires qui souhaitent exercer la profession de vétérinaire :

La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels CL 11, CL 12, CL 13 et CL 14 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 (art. 10 et art. 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Suppression de la condition de nationalité pour les étrangers non-communautaires qui souhaitent exercer la profession d’architecte :

La Commission est saisie de l’amendement CL 15 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il paraît préférable, pour modifier la condition de nationalité imposée aux architectes, de réécrire l’article 11 plutôt que l’article 10 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture. Je précise que, pour cette profession comme pour celles qui suivront, les ordres professionnels ont été consultés et approuvent mes amendements.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 (art. 3 et art. 4 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’ordre des géomètres-experts) : Suppression de la condition de nationalité pour les étrangers non-communautaires qui souhaitent exercer la profession de géomètre-expert :

La Commission est saisie de l’amendement CL 16 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de permettre aux géomètres-experts titulaires d’un diplôme non communautaire d’exercer en France en cas d’accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement CL 17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Même objet, pour les géomètres-experts stagiaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 (art. 3 et art. 27 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert comptable) : Suppression de la condition de nationalité pour les étrangers non-communautaires qui souhaitent exercer la profession d’expert-comptable :

La Commission rejette l’amendement de coordination CL 18 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CL 19 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement permet de mieux prendre en compte les demandes des experts-comptables.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’amendement de coordination CL 20 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement CL 6 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC.

M. le rapporteur. Il s’agit de l’extension aux pompes funèbres.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL 7 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC.

M. le rapporteur. Il s’agit ici des directeurs de société coopérative de messagerie de presse et des membres du comité de rédaction d’une édition de publications destinées à la jeunesse.

Mme Sandrine Mazetier. On ne voit pas pourquoi un étranger ne pourrait pas diriger une entreprise de pompes funèbres dès lors qu’un étranger peut y travailler. Rien ne justifie non plus de maintenir une condition de nationalité pour un directeur de société coopérative de messagerie de presse ou un membre de comité de rédaction, à l’heure où la communication se dématérialise.

M. le rapporteur. J’ajoute que la condition de nationalité appliquée à ces professions me paraît contraire au droit européen.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’amendement CL 8 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC.

Elle est saisie de l’amendement CL 5 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC.

M. le rapporteur. Cet amendement concerne les fonctions publiques, sujet sur lequel je savais bien que le débat ne pourrait être tranché aujourd’hui. Il vise à en ouvrir l’accès à des étrangers extra-communautaires résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire français depuis au moins cinq ans, en reprenant en cela la directive européenne du 25 novembre 2003.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette aussi l’amendement CL 2 de M. Noël Mamère.

Titre

La Commission rejette successivement les amendements CL 9 de M. Daniel Goldberg et des membres du groupe SRC et CL 1 de M. Noël Mamère.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par MM. Noël Mamère, Yves Cochet et François de Rugy :

Titre

Après les mots : « professions libérales ou privées, » insérer les mots : « et dans la fonction publique, ».

Amendement CL2 présenté par MM. Noël Mamère, Yves Cochet et François de Rugy :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant :

« Le début du premier alinéa de l’article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :

« Les ressortissants des États membres de l’Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ont accès… (le reste sans changement). »

Amendement CL3 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant

« Le huitième alinéa de l’article L. 3332-3 du code de la santé publique est supprimé. »

Amendement CL5 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant

« I. – La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :

« 1° Au premier alinéa de l’article 5 bis, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l’Union européenne ou des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France, ainsi que les ressortissants des autres États résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire français depuis cinq ans » ;

« 2° Le premier alinéa de l’article 5 ter est ainsi rédigé :

« Pour les ressortissants des États visés à l’article précédent qui accèdent aux corps, cadres d’emplois et emplois des administrations de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics, la limite d’âge est reculée d’un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif accompli dans les formes prévues par la législation de l’État dont ils relevaient au moment où ils ont accompli le service national. » ;

« 3° Le premier alinéa de l’article 5 quater est ainsi rédigé :

« Les emplois mentionnés à l’article 3 peuvent également être occupés, par voie de détachement, par des fonctionnaires relevant d’une fonction publique d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou des autres États établis régulièrement en France, lorsque leurs attributions soit sont séparables de l’exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice des prérogatives de puissance publique de l’État ou des autres collectivités publiques. »

« II. – Les dispositions du I entrent en vigueur après avis du Conseil commun de la fonction publique prévu à l’art 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, devant être rendu au plus tard deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. »

Amendement CL6 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant

« Le dernier alinéa de l’article L. 2223-24 du code général des collectivités territoriales (4°) est supprimé. »

Amendement CL7 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant

« Au premier alinéa de l’article 11 de la loi n° 47-585 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, les mots : « de nationalité française » sont supprimés. »

Amendement CL8 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant

« Le sixième alinéa (1°) de l’article 4 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse est abrogé. »

Amendement CL9 présenté par M. Daniel Goldberg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Titre

Substituer aux mots : « professions libérales ou privées », les mots : « fonctions et professions libérales ou privées ainsi que l’accès des étrangers extracommunautaires aux emplois de la fonction publique ».

Amendement CL10 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« Au dernier alinéa de l’article L. 4111-1 du code de la santé publique, les mots : « des articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 4131-1, aux 1° et 2° de l’article L. 4141-3 ou au 1° de l’article L. 4151-5 ».

Amendement CL11 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 2

Au début de l’alinéa 7, substituer au mot : « infra-étatique », les mots : « territoriale constituante d’un État fédératif ».

Amendement CL12 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 2

À la fin de l’alinéa 7, substituer aux mots : « l’activité professionnelle que l’intéressé se propose lui-même d’exercer en France », les mots : « que ses propres ressortissants les activités de vétérinaire ».

Amendement CL13 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 8, substituer aux mots : « la qualité », les mots : « le statut ».

Amendement CL14 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 9 :

« II. – Dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, les vétérinaires titulaires d’un titre de formation non prévu à l’article L. 241-2, délivré par un État ou une entité territoriale mentionnés au I n’étant ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice des activités de vétérinaire peuvent être autorisés, par le ministre chargé de l’agriculture, à exercer leur profession en France si des arrangements internationaux de reconnaissance des qualifications professionnelles ont été conclus à cet effet avec cet État ou cette entité territoriale et si leurs qualifications professionnelles sont reconnues comparables à celles requises en France pour l’exercice de la profession. »

Amendement CL15 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 3

Substituer aux alinéas 2 à 7, les alinéas suivants :

« 1° L’article 11 est ainsi rédigé :

« Art. 11. –Les personnes physiques ressortissantes des États qui ne sont ni membres de l’Union européenne ni partie à l’Espace économique européen sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional sous les mêmes conditions de jouissance des droits civils et de moralité que celles prévues au premier alinéa de l’article 10, lorsqu’elles remplissent les conditions fixées par le 1° de ce même article 10 ou qu’elles peuvent se prévaloir de conventions de réciprocité ou d’engagements internationaux.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles un architecte ressortissant d’un État n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen peut, sans être inscrit à un tableau régional, être autorisé à réaliser en France un projet déterminé. »

« 2° L’article 12 est ainsi modifié :

« a) A la première phrase du premier alinéa, les mots : « architectes peuvent constituer des sociétés civiles ou commerciales entre eux » sont remplacés par les mots : « personnes physiques exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux articles 10 et 10-1 peuvent constituer des sociétés civiles ou commerciales entre elles » ;

« b) Au début de la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « Ils » est remplacé par le mot : « Elles » ;

« c) A la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « architectes » est remplacé par les mots : « personnes physiques exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux articles 10 et 10-1 » ;

« 3° L’article 13 est ainsi modifié :

« a) À la première phrase du 2°, les mots : « un ou plusieurs architectes personnes physiques » sont remplacés par les mots : « une ou plusieurs personnes physiques exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux articles 10 et 10-1 » ;

« b) À la deuxième phrase du 2°, les mots : « un architecte personne physique » sont remplacés par les mots : « une personne physique exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux articles 10 et 10-1 » ;

« c) Au 5°, le mot : « architectes » est remplacé par les mots : « des personnes physiques exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux articles 10 et 10-1 ». »

Amendement CL16 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 4

Après l’alinéa 6, insérer les alinéas suivants :

« d) Le b du 4° est ainsi rédigé :

« b) Pour les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que pour les personnes physiques exerçant ou habilitées à exercer sur le territoire d’un État ou d’une entité territoriale constitutive d’un État fédératif dont les autorités compétentes ont conclu un accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles avec l’ordre des géomètres-experts approuvé par décret, dès lors qu’ils ne sont pas titulaires d’un des diplômes mentionnés au a du présent 4°, avoir été reconnu qualifié par l’autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Amendement CL17 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 4

À l’alinéa 7, substituer au mot : « étrangers », les mots : « et personnes physiques mentionnés au b du 4° de l’article 3 ».

Amendement CL18 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 5

Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :

« 1° bis Au premier alinéa de l’article 4 bis, les mots : « du 1° et » sont supprimés. »

Amendement CL19 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 5

Rédiger ainsi l’alinéa 3 :

« Au premier alinéa de l’article 27, les mots : « tout ressortissant d’un État qui n’est pas membre de la Communauté européenne ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen à condition qu’il soit titulaire soit du diplôme français d’expertise comptable, soit d’un diplôme jugé de même niveau et, dans ce cas, » sont remplacés par les mots : « , sans être titulaire du diplôme mentionné au 4° de l’article 3, tout ressortissant d’un État qui n’est pas membre de l’Union européenne ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen à condition qu’il soit titulaire d’un diplôme jugé de même niveau que le diplôme français d’expertise comptable et ».

Amendement CL20 présenté par M. Daniel Goldberg, rapporteur :

Article 5

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« 3° Au 4° de l’article 83 bis, la référence : « 1°, » est supprimée. »

La Commission en vient à l’examen, sur le rapport de M. Jean Mallot, de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n°2499) et de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à réviser le Règlement de l'Assemblée nationale (n°2491).

M. Jean Mallot, rapporteur. Ces deux textes du groupe SRC, qui seront discutés en séance publique le 17 juin, touchent à un vaste sujet, l’articulation de la démocratie sociale et de la démocratie politique.

Les dispositions de l’article L. 1 du code du travail, issues de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, prévoient une concertation préalable, pouvant déboucher sur une négociation sociale, pour tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi ou la formation professionnelle relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle. Elles ont été utilisées à plusieurs reprises ; je pense par exemple à la négociation préalable à la loi du 25 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail.

Il n’est évidemment pas dans notre intention de remettre en cause la prééminence du Parlement, à qui il revient de trancher ; mais il nous semble utile de permettre d’abord aux partenaires sociaux de rechercher un accord. Or l’article L. 1 du code du travail ne concerne pas les propositions de loi, qui peuvent pourtant intervenir dans le même champ que les projets gouvernementaux. De ce fait, il suffit d’utiliser ce vecteur pour échapper à l’obligation de concertation préalable. Cela s’est produit notamment avec la proposition de loi de M. Richard Mallié sur le travail du dimanche et avec celle de M. Jean-Frédéric Poisson destinée à faciliter le maintien et la création d’emplois – qui d’ailleurs, après avoir été adoptée par l’Assemblée nationale, n’a toujours pas poursuivi son chemin.

Nous proposons aujourd’hui de faire en sorte qu’un même traitement soit appliqué aux propositions de loi et aux projets de loi. Aux termes de l’article premier de la proposition de loi qui vous est soumise, l’auteur d’une proposition de loi devra communiquer aux partenaires sociaux le texte déposé. L’article 2 renvoie la définition des modalités de mise en œuvre du principe de concertation préalable au Règlement de chacune des deux assemblées. Si nous avons souhaité présenter en même temps la proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale, c’est afin de vous apporter dès maintenant, avec la plus grande honnêteté, toutes les précisions nécessaires.

Il ne s’agit évidemment pas d’appliquer la procédure de concertation préalable à toutes les propositions de loi déposées ; seules sont visées celles qui entrent dans le champ de l’article L. 1 du code du travail et qu’il est prévu d’inscrire à l’ordre du jour – soit, sans doute, deux, trois voire quatre par an.

Il existe désormais à l’Assemblée nationale, comme au Sénat, un protocole prévoyant une procédure semblable, adopté par la Conférence des présidents le 16 février dernier. Mais ce texte, qui n’a pas de portée juridique réelle, a pour premier défaut de rester inconnu des parlementaires et des partenaires sociaux… En outre, il ne laisse à ces derniers qu’un délai de quinze jours pour se prononcer sur l’opportunité de conduire une négociation ; pour notre part, nous proposons un délai d’un mois. Enfin, il prévoit une procédure d’urgence permettant au Président de l’Assemblée de ne pas appliquer ce dispositif.

Nous avons consulté les partenaires sociaux, qui sont tous favorables au dispositif proposé, tout en exprimant quelques nuances au sujet de la procédure. Le délai d’un mois leur paraît convenable. Ils sont donc tout disposés, après avoir été rassurés sur le nombre de textes qui pourraient être concernés chaque année, à jouer le jeu.

La commission des affaires sociales a examiné pour avis ces deux textes la semaine dernière. Elle a émis un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi après l’avoir amendée, mais un avis défavorable à la proposition de résolution.

En ce qui concerne cette dernière, nous avons eu un débat sur la conformité du dispositif proposé à la Constitution. Les constitutionnalistes que nous avons consultés ont des positions divergentes ; ceux qui pensent qu’il y aurait un risque constitutionnel voient dans ce dispositif une limitation du droit d’initiative parlementaire, mais on pourrait en dire autant de beaucoup de dispositions de notre Règlement... Même si le risque constitutionnel n’est pas avéré, j’ai déposé un amendement rappelant l’évidence : la résolution s’appliquera sans préjudice de l’application des articles 29 et 48 de la Constitution.

Le Président de l’Assemblée a, dans un premier temps, demandé au président Ayrault s’il acceptait que le Conseil d’État soit saisi pour avis de cette proposition de loi, en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Mais finalement, en dépit de l’accord du groupe socialiste, il a renoncé à cette saisine, considérant que les risques étaient levés par les amendements déposés. Il lui a peut-être également semblé difficile de réserver à la proposition de loi un traitement qui ne peut évidemment pas s’appliquer aux dispositions déjà inscrites à l’article L. 1 du code du travail.

Bien entendu, il n’est pas question de soumettre à la procédure que nous proposons les amendements d’origine parlementaire. Par ailleurs, des domaines qui ne sont pas actuellement dans le champ de l’article L. 1 du code du travail pourraient faire l’objet de dispositions similaires, mais nous avons choisi d’en rester là pour le moment. Enfin, les représentants syndicaux que nous avons auditionnés ont évoqué le problème de la concertation préalable dans la fonction publique ; notre proposition de loi ne traite pas de ce sujet, mais rien n’interdira de s’y s’intéresser par la suite.

M. Pierre Morange, suppléant M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme l’a indiqué le rapporteur, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi sous réserve des amendements déposés par notre rapporteur pour avis, M. Gérard Cherpion, que je vous prie de bien vouloir excuser.

La traduction législative des accords nationaux interprofessionnels de 2008 et de 2009 nous a permis de constater l’efficacité, un temps mise en doute, du dispositif inscrit dans la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. S’agissant des propositions de loi, le Bureau du Sénat le 16 décembre 2009, puis la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale le 16 février 2010 ont adopté des protocoles organisant, à titre expérimental, la concertation. La proposition de loi s’inscrit dans le prolongement de cette démarche d’ensemble.

En revanche, la commission des affaires sociales considère qu’il ne serait pas opportun d’adopter la proposition de résolution, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, il existe un doute sérieux sur sa conformité à la Constitution, comme le professeur Bertrand Mathieu, président de l’Association française de droit constitutionnel, l’a indiqué lorsqu’il a été auditionné. En effet l’article 48 de la Constitution institue un droit, en quelque sorte inconditionnel, à l’inscription à l’ordre du jour non seulement des textes souhaités par le Gouvernement, dans le cadre de l’ordre du jour dit « prioritaire », mais aussi de ceux que souhaitent les groupes parlementaires, dans le cadre des « niches » qui leur sont attribuées. Or la proposition de résolution conditionne l’inscription des propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail à la tenue d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux, auxquels il est prévu d’accorder un délai pour qu’ils donnent leur avis et, éventuellement, pour qu’ils conduisent des négociations.

Si j’ai bien compris, le rapporteur considère que cette contradiction avec l’article 48 de la Constitution est sans conséquence car, dès lors que le Conseil constitutionnel ne contrôle pas que les lois ont été votées conformément aux Règlements des assemblées, ceux-ci ne faisant pas partie du « bloc de constitutionnalité », il ne se souciera pas de l’éventuelle inconstitutionnalité d’une disposition du Règlement. Or le Conseil est, au contraire, extrêmement soucieux de la conformité des Règlements des assemblées à la Constitution ; il exerce un contrôle automatique et rigoureux sur chacune de leurs révisions.

La deuxième raison de notre avis défavorable est de nature chronologique. La révision du Règlement serait immédiatement applicable, alors que la proposition de loi n’entrerait en vigueur qu’une fois adoptée définitivement par le Parlement. Selon nous, une révision du Règlement ne devrait être engagée qu’après l’adoption définitive d’un texte législatif, dont elle constituerait la mesure d’application à l’Assemblée nationale.

La troisième raison est d’ordre rédactionnel. On constate en effet des différences entre ce texte et le protocole expérimental mis en place le 16 février dernier. Par exemple, le délai laissé aux partenaires sociaux pour répondre à l’offre de concertation doit-il être de quinze jours ou d’un mois ? Il existe aussi des contradictions entre le texte de la proposition de résolution, selon lequel la procédure de concertation est engagée par le président de la commission des affaires sociales, et celui de la proposition de loi, qui confie ce soin aux auteurs de la proposition de loi.

Par respect pour la démocratie sociale, notre commission, donc, est d’accord pour donner une base légale générale à une obligation de concertation avec les partenaires sociaux sur les textes portant sur le droit du travail ; en revanche, elle considère qu’il faut attendre avant de figer les détails d’une nouvelle procédure que, eu égard aux risques de non-conformité à la Constitution, il convient de définir avec beaucoup de précautions.

M. Pascal Terrasse. Je me concentrerai, pour ma part, sur les raisons de fond qui nous conduisent à souhaiter une modernisation de nos pratiques. Dès lors que les possibilités d’initiative des parlementaires ont été en principe accrues par la dernière révision constitutionnelle, il serait normal d’assurer le parallélisme des procédures applicables aux projets du Gouvernement et aux propositions des parlementaires.

J’aimerais toutefois savoir ce qu’on entend par « négociation ». Peut-on parler, par exemple, de véritable négociation sur la réforme des retraites ou sur le statut des infirmières ?

Par ailleurs, le rapporteur peut-il nous indiquer si cette procédure s’appliquera également au Sénat ?

M. Alain Vidalies. La question qui nous est soumise est assez simple. Chacun peut constater qu’il existe une différence entre les croyances et les pratiques, y compris en matière de démocratie sociale et de respect de la négociation. Les obligations prévues par l’article L.1 du code du travail ont, en effet, été immédiatement contournées par le recours à des propositions de loi, notamment sur le travail le dimanche et sur le télétravail, ainsi que par le dépôt d’amendements – des dérogations ont ainsi été apportées aux règles de représentativité pour les pilotes de ligne. On ne peut pas parler sans cesse de respect des partenaires sociaux et accepter ce détournement des procédures. C’est pourquoi cette proposition de loi a pour but d’étendre aux textes d’initiative parlementaire les obligations prévues à l’article L. 1 du code du travail.

Je ne comprends pas les réticences de la majorité. Pourquoi l’Assemblée resterait-elle frileuse sur cette question alors que le Sénat a déjà introduit des dispositions dans son Règlement ? Nous avons besoin d’un engagement très fort. Le seul défaut de ces deux textes est sans doute d’avoir été déposés par le groupe SRC… Ils n’en sont pas moins nécessaires, dans un domaine qui est particulièrement complexe. Des dérives inquiétantes ont pu être constatées au cours des dernières années dans les rapports entre la loi et le contrat, pas toujours du fait du Parlement ; je trouve, par exemple, inacceptable que des partenaires sociaux aient cru bon d’adresser des injonctions au Parlement sous la forme d’une « position commune ».

Sans remettre en cause la légitimité de l’intervention du Parlement, force est de constater que les compromis auxquels parviennent les partenaires sociaux ont plus de chances de durer que les dispositions résultant de la seule initiative du législateur. La loi de 1990 sur les contrats à durée déterminée, fruit d’un accord retranscrit pour l’essentiel par le législateur, n’a été que marginalement modifiée, alors que c’est l’un des sujets les plus complexes qui soient. Si cette loi n’a que peu évolué, c’est qu’elle donne satisfaction aux intéressés. Il faut également rappeler qu’elle a été adoptée dans un contexte de conflit entre le Parlement et les partenaires sociaux. Je ne comprends donc pas les réticences portant sur les dispositions qui vous sont proposées, qui sont nécessaires et attendues.

Quant aux objections de nature constitutionnelle, chacun sait qu’on peut toujours trouver un constitutionnaliste pour en formuler. En l’occurrence, les arguments qui nous ont été exposés ne sont guère convaincants.

Nous sommes prêts à prendre en considération les modifications que la majorité souhaiterait apporter à nos propositions, pourvu que l’on avance sur le sujet. N’apparaissons pas comme en retard par rapport au Sénat ! Ce serait le signe que vous voulez continuer de pouvoir utiliser certaines facilités ; ce n’est pas ce que nous voulons pour notre part, ni ce que désirent les partenaires sociaux.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est notre majorité qui avait proposé le principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les projets touchant au droit du travail.

M. Alain Vidalies. Nous avions voté pour !

M. Jacques Alain Bénisti. Mais vous avez voté contre les dispositions relatives à la rénovation du dialogue social lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue hier, alors que le texte résulte d’une concertation avec les représentants des syndicats.

M. Alain Vidalies. Cela n’a rien à voir. C’est un texte qui porte sur le dialogue social dans la fonction publique !

M. Jacques Alain Bénisti.  Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il faudrait imposer à un parlementaire qui dépose une proposition de loi touchant au droit du travail de respecter préalablement une procédure de concertation. Cela revient à lui dire qu’il fait mal son travail.

Tout parlementaire a un droit d’initiative, reconnu par la Constitution ; il convient de ne pas le limiter. Nous voterons la proposition de loi, sous réserve de l’adoption des deux amendements déposés par M. Gérard Cherpion.

M. Dominique Perben. Je suis très hostile à l’idée de légiférer sur la manière de légiférer. C’est une forme de bavardage – car on voit mal quelle pourrait être la sanction du non-respect de la loi, qui peut toujours être remplacée par une autre. Et surtout, cette idée repose sur un parallèle, que je dénonce, entre l’initiative gouvernementale et l’initiative parlementaire. Il n’y a rien de choquant à ce que le législateur impose au Gouvernement certains préalables au dépôt d’un texte, comme nous l’avons fait pour les projets de loi touchant aux relations sociales. Il est là dans son rôle. En revanche, il serait étrange qu’il s’impose à lui-même des obligations. S’il est évidemment de bonne politique de consulter les partenaires sociaux en cette matière, il est constitutionnellement surprenant que le législateur adopte une loi pour dire comment il doit légiférer.

M. Guénhaël Huet. Veillons à distinguer la logique juridique et la pratique parlementaire.

En ce qui concerne la logique juridique, il peut sembler difficilement acceptable qu’une négociation soit imposée quand un texte est déposé par le Gouvernement, et qu’elle ne le soit pas si le texte est d’origine parlementaire.

Sur le plan pratique, cependant, force est de constater que, bien que la dernière révision constitutionnelle ait renforcé les pouvoirs du Parlement, il reste difficile de faire aboutir les propositions de loi. Or ce qui nous est proposé constituerait une entrave supplémentaire. En outre, nous ne disposons pas des mêmes moyens que le Gouvernement pour organiser la consultation des partenaires sociaux. On peut donc avoir quelques inquiétudes sur les conséquences de l’adoption de telles dispositions. Comme l’a observé M. Perben, elles constituent une auto-limitation du pouvoir législatif.

Enfin, j’avoue avoir eu du mal à saisir ce qu’a dit le rapporteur à propos de la fonction publique, qui à mes yeux ne doit pas faire l’objet d’un traitement dérogatoire.

M. Patrice Verchère.  La proposition de loi est la suite logique du texte de 2007, qui ne concernait que les projets du Gouvernement. Sous réserve des amendements présentés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, on ne peut qu’y être favorable. S’agissant de la proposition de résolution, j’ai une inquiétude concernant la suppression de la procédure d’urgence, dont le maintien me paraît nécessaire pour conserver un pouvoir d’appréciation et d’initiative.

M. Claude Goasguen.  Cette proposition de loi me laisse très sceptique.

Ce qu’a dit M. Perben me semble très juste. Une proposition de loi n’est pas un projet de loi, et si nous pouvons astreindre le Gouvernement à consulter les partenaires sociaux, l’obligation est beaucoup plus discutable pour les propositions de loi. On imagine mal, au demeurant, qu’un groupe parlementaire dépose une proposition de loi touchant au droit du travail sans consulter les partenaires sociaux.

Quelle serait la sanction du non-respect de cette obligation ? Quels seront les moyens de recours d’un syndicat qui n’aurait pas été consulté ? Faute de pouvoir s’appuyer sur un principe constitutionnel, il ne pourra pas contester la loi en tant que telle. Il lui sera, en revanche, possible d’attaquer des décisions réglementaires prises en application de la loi, par exemple des arrêtés préfectoraux. Il pourra saisir le tribunal administratif par la voie de l’exception pour obtenir leur annulation.

Au motif de principes très aléatoires, l’adoption de telles dispositions entraînerait donc des difficultés juridiques dont on ne sait pas très bien quelle serait l’issue.

M. Alain Vidalies. Je suis surpris que le débat sorte du champ de la proposition de loi.  M. Bénisti a évoqué la CMP d’hier, exemple dépourvu de toute portée : dans la fonction publique, les pouvoirs publics ne peuvent pas organiser de négociations préalables entre les employeurs et les employés, l’employeur étant l’État lui-même !

M. Jacques Alain Bénisti. Il y a aussi les collectivités territoriales !

M. Alain Vidalies. Le texte ne vise que les négociations interprofessionnelles au niveau national.

Je rappelle d’ailleurs que le Conseil d’État contrôle le respect de l’obligation de négociations interprofessionnelles lorsque le Gouvernement adopte des dispositions par voie d’ordonnances. C’est ce qui ressort d’un récent colloque, ainsi que du rapport public du Conseil d’État de 2008.

La question qui se pose à nous, assez simple, est de savoir si le législateur doit respecter un temps de négociation préalable quand il entend modifier des dispositions concernant l’ensemble des salariés dans des domaines strictement définis. Puisque c’est déjà le cas pour les projets de loi, pourquoi ne pas en faire autant pour les propositions de loi ?

M. Claude Goasguen. C’est qu’une proposition de loi n’est pas un projet de loi…

M. le rapporteur. Aucun constitutionnaliste ne conteste la constitutionnalité de la proposition de loi. Le seul doute qui ait été formulé porte sur la proposition de résolution. Afin d’y parer, j’ai déposé un amendement précisant que la modification du Règlement ne remet pas en cause l’application des articles 29 et 48 de la Constitution.

L’amendement adopté par la commission des affaires sociales a pour effet de déplacer le point d’application du dispositif, en le faisant porter non plus sur l’inscription du texte à l’ordre du jour, mais sur son examen en commission – ce qui peut modifier la perception des délais, mais nous y reviendrons tout à l’heure.

J’ajoute que ce texte ne limite en rien l’initiative parlementaire : les propositions de loi seront toujours rédigées et déposées librement. Nous demandons seulement qu’une concertation soit organisée avant l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour.

J’en viens à l’articulation entre la proposition de loi et la proposition de résolution. Si nous avons déposé cette proposition de loi, ce n’est pas pour le plaisir de légiférer sur la manière de légiférer, mais pour nous assurer que le Sénat nous suivra. Par ailleurs, pour coordonner dans le temps l’application des deux textes, il suffit de subordonner l’application de la modification du Règlement à l’adoption définitive de la proposition de loi.

Si les députés et les sénateurs de l’opposition qui ont participé à la commission mixte paritaire réunie hier sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ont émis un vote négatif, ce n’est pas parce qu’ils s’opposaient à la traduction législative des accords conclus par les partenaires sociaux. C’est parce que le Gouvernement a introduit, par lettre rectificative, un article 30 – qui, lui, n’avait pas fait l’objet de consultation préalable – visant à modifier le régime de retraite des infirmières.

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est pas ce qui s’est dit en CMP !

M. le rapporteur. C’est en tout cas la position que nous avons défendue en séance publique.

Rendrons-nous plus difficile le travail parlementaire, comme l’affirme notre collègue Guénhaël Huet ? On peut considérer que c’est le cas de toute procédure de consultation préalable, mais cela revient alors à contester le protocole adopté par la Conférence des présidents. Si l’on accepte le principe de la consultation préalable, il n’y a pas lieu de refuser que son principe figure dans notre Règlement, dont l’objet est précisément de définir les modalités de travail de notre Assemblée.

Nous n’aurons pas besoin de moyens supplémentaires : il suffira d’écrire aux partenaires sociaux pour leur demander s’ils entendent engager une négociation collective sur le sujet abordé. Si leur réponse est positive, ils disposeront d’un délai raisonnable pour le faire. Si la négociation collective aboutit à un accord, nous pourrons le prendre en compte, sans que cela soit une obligation.

L’article 48 de la Constitution qui s’impose à nous et qui nous a conduits à écrire au début de l’article 48 de notre Règlement : « Sous réserve des dispositions de l’article 29, alinéa 1 et de l’article 48, alinéas 2 et 3, de la Constitution, l’Assemblée fixe son ordre du jour sur proposition de la Conférence des présidents », doit permettre d’inscrire la proposition de loi en tout état de cause. En cas d’urgence, laquelle n’a pas plus de raison d’être appréciée par le Président de l’Assemblée que par le président de la commission des affaires sociales, il restera possible d’avancer.

S’agissant des délais, les partenaires sociaux disposeront d’un mois pour nous indiquer s’ils veulent négocier. Si c’est le cas, il nous reviendra de leur accorder un « délai raisonnable » au terme duquel nous reprendrons la main. Quant à l’accord auquel les partenaires sociaux auront éventuellement abouti, nous aurons le choix entre lui donner une traduction législative, l’amender ou l’écarter. Si donc il vous est proposé d’améliorer l’articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale, il n’est nullement question de remettre en cause la prééminence de la première.

M. Claude Goasguen. Je n’ai pas parlé de problème constitutionnel ; j’ai posé la question de la sanction en cas d’inobservation des dispositions proposées.

M. le rapporteur. Actuellement, aucune sanction n’est prévue si le Gouvernement ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1 du code du travail.

Par ailleurs, qu’elle soit issue d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, une loi a toujours de la même portée. Je ne vois pas comment un tribunal administratif pourrait arguer d’une loi pour annuler les conséquences d’une autre.

M. Claude Goasguen. Dans de telles matières, un syndicat qui n’aura pas été consulté utilisera tous les moyens de recours possibles. La voie de l’exception devant le tribunal administratif en est un.

M. le rapporteur. Dans ces conditions, la loi sur le travail du dimanche est très vulnérable, puisque c’est un projet de réforme envisagé par le Gouvernement qu’il a fait adopter par le biais d’une proposition de loi.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi (n° 2499).

Article 1er (art. L. 1 du code du travail) : Concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi :

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis suppléant.  Notre souhait est de donner une assise législative au protocole expérimental, tout en laissant aux assemblées la latitude nécessaire dans le cadre de leurs Règlements.

M. le président M. Jean-Luc Warsmann. Quelles sont les différences entre les amendements de la commission des affaires sociales et le protocole expérimental ?

M. le rapporteur pour avis suppléant. Notre amendement vise à mieux articuler la proposition de loi et le protocole expérimental. Il évite de trancher les modalités de la concertation, en écartant ainsi une cause de fragilité juridique devant le Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur. L’amendement précise que « les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée » : il me paraîtrait logique que ce soit dans le Règlement.

Le contenu de la proposition de résolution diffère du protocole expérimental sur deux points. Tout d’abord, le délai accordé aux partenaires sociaux pour indiquer leur intention de conduire ou non une négociation passe de quinze jours à un mois, délai cohérent avec le délai de dépôt des propositions de loi avant leur inscription à l’ordre du jour. Ensuite, la procédure d’urgence ne nous paraît pas convenir dans la mesure où elle est décidée par le président de l’Assemblée nationale. Toutefois, elle continue de pouvoir s’exercer dans le cadre de l’article 48 du Règlement et de l’article 48 de la Constitution.

La Commission adopte l’amendement CL 1.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé.

Article 2 : Renvoi des modalités de mise en œuvre du principe de concertation préalable aux règlements des assemblées parlementaires :

La Commission adopte l’amendement de suppression CL 2 de la commission des affaires sociales.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales :

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l’assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

Amendement CL2 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales :

Article 2

Supprimer cet article.

Elle en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution (n° 2491).

Article unique (art. 85-1 [nouveau] du Règlement de l’Assemblée nationale) : Procédure applicable aux propositions de loi entrant dans le champ de l’article L. 1 du code du travail :

La Commission rejette l’amendement CL 1 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article unique, la proposition de résolution étant ainsi rejetée.

Amendement examiné par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Jean Mallot, rapporteur :

Article unique

Au début de l’alinéa 2, insérer les mots : « Sans préjudice de l’application des articles 29 et 48 de la Constitution, ».

Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Yves Nicolin, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (n° 2383) et la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées (n° 1451).

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le projet de loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires réglementées que j’ai l’honneur de vous présenter et la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’initiative du sénateur Laurent Béteille, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions, procèdent de la même volonté de rapprocher la justice de nos concitoyens et d’adapter son fonctionnement aux exigences de la modernité. Une même conviction les réunit : la modernisation de la justice civile et commerciale suppose la rénovation de son fonctionnement et doit se faire avec l’ensemble des professionnels du droit.

Ces textes ont fait l’objet de très longues discussions, afin d’aboutir à une vision partagée et aux solutions les plus consensuelles possibles. Ils s’organisent autour de trois priorités : renforcer la sécurité juridique ; simplifier les procédures ; moderniser l’exercice des professions du droit.

Il convient tout d’abord de renforcer la sécurité juridique, afin de répondre à l’anxiété de nos concitoyens confrontés à un environnement mouvant. Il s’agit de faire en sorte que le justiciable ne reste pas démuni face à l’opacité croissante des normes – aux normes nationales, multiples et changeantes, venant s’ajouter un nombre croissant de normes internationales.

La création de l’acte contresigné par avocat, qui a fait couler beaucoup d’encre, repose sur un constat : aujourd'hui, de nombreux actes sous seing privé, parfois complexes, sont effectués dans des conditions qui ne permettent pas d’assurer une sécurité juridique suffisante. L’acte contresigné attestera que les parties concernées ont reçu l’assistance juridique d’un avocat. En outre, il engagera la responsabilité de l’avocat, ce qui est une façon de renforcer la confiance des parties.

Mais, point essentiel, l’acte contresigné par un avocat ne sera pas un acte authentique.

Les notaires et les avocats ont un statut différent, leurs missions sont différentes : il est logique que cette différence se retrouve dans les actes qui leur sont confiés. Seule l’authentification donne à un acte la même force exécutoire qu’un jugement ; elle est également seule à lui donner une telle force probante qu’il ne peut être contesté que par l’inscription de faux. J’insiste sur le fait que les deux professions, qui ont su dépasser leurs arrière-pensées, sont d’accord pour retenir cette solution équilibrée.

Renforcer la sécurité juridique, c’est aussi conforter l’intervention des notaires ; c’était là un autre élément de la discussion.

Les notaires sont les professionnels de l’acte authentique ; le projet les conforte dans leurs missions essentielles. En matière foncière, il précise que seul un acte authentique peut permettre de procéder aux formalités de publicité foncière – règle qui figurait déjà dans un décret, mais que je vous propose d’inscrire dans la loi. En matière de droit de la famille, le rôle des notaires est également renforcé : le notaire qui a rédigé une convention de PACS pourra procéder lui-même à l’enregistrement de la convention, sans passer par le greffier. Pour le citoyen, ce sera un gain de temps et d’argent, en même temps qu’une simplification. Pour la constitution des dossiers de mariage, les notaires se verront confier l’établissement des actes de notoriété. En matière d’adoption, ils seront seuls habilités à recueillir le consentement de l’adopté. Sur ce sujet, d’autres dispositions sont en préparation, concernant en particulier l’adoption internationale.

L’équilibre du projet de loi, j’y insiste à nouveau, repose sur l’accord entre les deux professions de notaire et d’avocat, qui se voient l’une et l’autre reconnues dans leurs missions fondamentales.

Le deuxième objectif poursuivi est de simplifier les procédures. Leur complexité nuit à la compréhension et à l’accessibilité de la justice. Elle en compromet parfois l’efficacité. C’est vrai dans tous les domaines, et particulièrement en matière civile et commerciale.

Une meilleure répartition des contentieux, tout d’abord, permettra de concilier lisibilité et efficacité. Aujourd’hui, lorsqu’une décision de justice a été rendue et n’est pas exécutée, le justiciable ne sait pas à qui s’adresser. Le résultat, c’est que bon nombre de décisions de justice ne sont pas suivies d’exécution. La confiance que les justiciables placent dans la justice en est atteinte.

La proposition de loi adoptée par le Sénat rationalise la répartition des contentieux entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance en matière d’exécution des décisions de justice. Des blocs cohérents de compétences faciliteront l’accès du justiciable à l’autorité judiciaire. Le juge de l’exécution est recentré sur les difficultés liées aux voies d’exécution. Le juge d’instance pourra se voir confier la compétence en matière de surendettement.

En second lieu, la proposition de loi tend à instituer une procédure participative, afin de favoriser le règlement amiable des conflits. Il convient en effet de réagir à la judiciarisation de la société et à l’accroissement du nombre des contentieux, qui rend la société plus conflictuelle – car dans le cadre d’une décision de justice, il y a toujours un gagnant et un perdant, le premier étant le plus souvent insatisfait de ce qui lui a été accordé, et le second, toujours mécontent de ce à quoi il a été condamné. Il est donc souhaitable qu’avant d’arriver devant le juge, les parties aient été encouragées à rapprocher leurs points de vue.

Cette procédure participative renforce le rôle d’assistance et de conseil de l’avocat, à qui il reviendra de rechercher les termes d’un règlement amiable. La convention de procédure participative sera homologuée par les juridictions. En cas de désaccord, le travail préalable qui aura été fait permettra d’accélérer la procédure judiciaire. 

Enfin, le troisième objectif est de moderniser l’exercice des professions du droit, afin de répondre aux évolutions de la société et à une internationalisation croissante. Il est poursuivi par l’un et l’autre des deux textes qui vous sont soumis.

Il s’agit tout d’abord de moderniser le cadre d’exercice des professions du droit. Cela passe par un rapprochement des professions. À cet égard, le projet vise à garantir la pérennité des cabinets et des offices, par un régime de responsabilité adapté aux risques juridiques ; à assurer leur financement, en imaginant de nouvelles solutions, notamment la possibilité pour des holdings de prendre des participations dans des sociétés d’exercice libéral d’avocats et de notaires ; à préserver le dynamisme de ces professions en facilitant l’insertion des jeunes professionnels ; et bien sûr, à renforcer leur dimension internationale, dans un contexte de véritable concurrence internationale, qui est également une concurrence entre deux systèmes juridiques, anglo-saxon d’un côté et continental de l’autre.

Le rapprochement des professions ne veut pas dire leur fusion ; elle doit se faire dans le respect de l’identité de chacune. « L’interprofessionnalité capitalistique » – par le moyen d’une holding – est un moyen d’y parvenir.

La modernisation concerne, en deuxième lieu, les pratiques professionnelles de l’ensemble des professionnels du droit.

La proposition de loi modernise ainsi les moyens des huissiers. La délivrance des actes est facilitée – accès facilité aux immeubles, possibilité de s’adresser directement aux administrations susceptibles de communiquer l’adresse et l’employeur du débiteur ou les comptes bancaires dont il est titulaire. L’intervention des huissiers en matière de successions est également facilitée : certaines mesures conservatoires prises après un décès, aujourd’hui accomplies par les greffiers en chef des tribunaux d’instance  – apposition des scellés, réalisation des états descriptifs du mobilier – sont confiées aux huissiers.

Enfin, plusieurs mesures contenues dans la proposition de loi visent l’ensemble des professions du droit, en particulier l’obligation de suivre une formation tout au long de la carrière. En matière disciplinaire, l’indépendance des instances sera renforcée ; les procédures disciplinaires seront traitées à l’échelon régional, et non plus à l’échelon local.

Tous les professionnels du droit contribuent à l’œuvre de justice. Ma responsabilité est de leur permettre de travailler dans les meilleures conditions et la meilleure entente possibles, dans le respect de leur identité professionnelle, et en les mettant en situation de résister à une concurrence internationale qu’on ne saurait négliger.

M. Yves Nicolin, rapporteur. Notre commission est saisie de deux textes d’importance pour notre justice, le projet de loi déposé le 17 mars dernier sur le Bureau de l'Assemblée nationale et la proposition de loi que le Sénat a adoptée, en première lecture, le 11 février 2009.

Ces deux textes visent à traduire dans la loi de nombreuses réflexions et propositions issues notamment des rapports Guinchard et Darrois, tendant à la modernisation des professions du doit et à l'amélioration du fonctionnement de la justice. Ils proposent des innovations attendues, quelquefois depuis longtemps, par l'ensemble des professions judiciaires et juridiques concernées. Cet ensemble de dispositions me paraît équilibré.

S'agissant du projet de loi, je ne mentionnerai que quelques articles.

L'article 1er met en œuvre l'une des préconisations essentielles du rapport Darrois, la création d'un « acte contresigné par avocat ». Je souligne dans mon rapport que cet acte n'a pas vocation à constituer un troisième type d'acte : il s'agit de conférer à l'acte sous seing privé, lorsqu'il est contresigné par un avocat, une efficacité juridique renforcée, dans le souci d'accroître la sécurité juridique offerte à nos concitoyens. Je souligne également les différences entre cet acte contresigné et l'acte authentique.

L'article 2 permet à un avocat de s’associer avec un confrère exerçant en Europe.

Afin de conforter le rôle irremplaçable des notaires, notamment dans les transferts de propriété immobilière, et d'assurer une meilleure sécurité juridique, il est proposé d'inscrire dans le code civil les règles de publicité foncière et la dispense de mentions manuscrites sur les actes authentiques. Figure également dans ce texte une mesure tendant à assurer la pérennité de la Caisse de retraite et d'assistance des clercs de notaires.

D'autres articles visent à simplifier l'enregistrement et la modification des PACS passés par acte authentique, à transférer aux notaires l'acte de notoriété suppléant en cas de mariage l’acte de naissance ainsi qu’à donner la possibilité aux organes chargés de la représentation des professions judiciaires et juridiques de se constituer partie civile et de mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Enfin, une série de dispositions permettra de développer l'interprofessionnalité en prenant davantage appui sur des structures capitalistiques et permettra à nos professionnels du droit de mieux se défendre face à leurs confrères étrangers. L'article 19, par exemple, modernise le régime des sociétés civiles professionnelles – SCP –, notamment en assouplissant les règles entourant leur dénomination ainsi qu'en substituant un régime de responsabilité conjointe à la responsabilité solidaire actuelle des associés. L'article 21 tend à permettre à des sociétés de participations financières de professions libérales – SPFPL – de prendre des participations dans des sociétés d'exercice libéral – SEL – concernant des activités juridiques ou judiciaires différentes – SEL de notaires et d'avocats, par exemple –, de manière à privilégier les rapprochements capitalistiques interprofessionnels.

Plusieurs articles du projet visent à simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens. C'est le cas de l'article 8, qui permet à ceux qui résident à l'étranger de s'appuyer sur un notaire dans leurs démarches.

Je vous proposerai des amendements permettant quelques avancées significatives, sans remettre en cause l’équilibre obtenu grâce aux riches concertations menées par le Gouvernement.

La proposition de loi, quant à elle, tend à favoriser l'exécution des décisions de justice et à améliorer les conditions d'exercice des professions réglementées.

Au titre de la meilleure exécution des décisions de justice, en matière de droit de la consommation, son article 1er permettra de mettre à la charge du professionnel condamné l'intégralité des frais d'exécution forcée, pour le cas où il ne remplirait pas ses obligations. Les huissiers pourront accéder aux dispositifs d'appel des immeubles, pour leurs missions de signification. Je proposerai de leur permettre l'accès aux parties communes. De même, ils auront accès, sans le truchement du parquet, aux informations nécessaires à la mise en œuvre d'un titre exécutoire.

Au titre de l'amélioration des conditions d'exercice des professions réglementées, je souligne que l'obligation de formation continue sera étendue aux huissiers, notaires, greffiers des tribunaux de commerce ou commissaires priseurs judiciaires. Les attributions des instances disciplinaires, les modalités de la négociation collective, le rôle des associations seront précisés.

Par ailleurs, la convention de procédure participative permettra d'offrir à nos concitoyens un nouvel outil de règlement des différends. Je vous proposerai, compte tenu de la reprise des travaux sur le rapprochement des professions d'avocats et de conseils en propriété industrielle, de supprimer les dispositifs adoptés par le Sénat prévoyant la fusion de ces deux professions. Je vous proposerai également de renforcer la valeur probante des constats d'huissiers, de donner à ces officiers ministériels davantage de moyens, afin de mieux exécuter les décisions de justice, de faciliter la procédure de reprise d'un bien immobilier abandonné par un locataire, de mieux sécuriser les états des lieux établis entre différentes parties et de renforcer le contrôle de la profession d'expert judiciaire.

Ces deux textes forment un tout équilibré, dotant nos professions du droit d'une législation améliorée leur permettant de mieux répondre aux défis actuels.

M. Étienne Blanc. Depuis très longtemps, des réflexions sont menées par des commissions ad hoc sur la modernisation des professions du droit et des pratiques juridiques. La commission Darrois a fait un travail exceptionnel et suggéré des réformes essentielles.

Tous les professionnels du droit sont aujourd'hui confrontés à une compétition internationale. Le poids des grands cabinets anglo-saxons est considérable ; il en est de même de celui des cabinets italiens dans le domaine du droit européen. Hélas, nos cabinets sont loin d’avoir toujours la même dimension. La réforme, en dotant les professionnels des moyens nécessaires, vise à permettre au droit français, qui rayonne depuis si longtemps en Europe et sur d’autres continents, de retrouver toute sa place dans le concert international.

Je tiens à vous féliciter, madame la ministre d’État, d’avoir su trouver avec les notaires un terrain d’attente sur l’acte d’avocat – car c’était loin d’être gagné d’avance. Les notaires craignaient en effet qu’il y ait confusion entre l’acte contresigné par avocat et l’acte authentique. Les dispositions que vous proposez clarifient bien les choses. L’acte d’avocat, acte sous seing privé signé par un avocat, n’aura pas force exécutoire ; en revanche, il démontrera que les parties ont été bien informées des conséquences de leur engagement. Certes la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît déjà la responsabilité de l’avocat lorsqu’il peut être prouvé qu’il est intervenu dans la négociation d’un acte sous seing privé, mais il s’agit ici d’une formalisation. De plus, cette disposition nous met en position favorable dans la compétition avec les pays anglo-saxons pratiquant le deed. Le petit opuscule qui nous a été adressé par le Syndicat national des notaires, selon lequel la mise en place de l’acte contresigné par avocat ferait s’effondrer tout le droit français, paraît, pour le moins, peu pertinent.

La création de la procédure participative est une autre réforme importante. En France, on a trop tendance à passer devant le juge, contrairement à nos voisins européens. Tout en permettant de désencombrer la justice, cette procédure, comportant des règles précises, permettra que les intérêts des parties soient bien défendus, le conseil étant au cœur du dispositif. Elle sera très utile, elle aussi, dans la concurrence internationale.

Autre point très important : le décloisonnement des professions du droit. Le partage actuel des responsabilités et la difficulté à faire fonctionner les différents professionnels ensemble sont contraires aux intérêts du justiciable ou du client. Une entreprise ou un particulier a parfois besoin, pour faire face à une difficulté, de recourir à plusieurs professionnels du droit. Il est bon, comme dans tous les autres pays européens, de permettre à ces professions de travailler en lien plus étroit car elles ne sont pas concurrentes, mais complémentaires. Cela évitera, de plus, de perpétuer des malentendus anciens.

Enfin, la modernisation des procédures d’exécution était nécessaire. Les procédures encadrant le travail des huissiers sont parfois désuètes. Par ailleurs, il convient de faire disparaître certaines entraves à l’exécution des décisions de justice pénale, dont les Français se plaignent.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier.  Moi-même avocat, je salue les dispositions qui nous sont proposées. Je voudrais cependant me faire l’écho des inquiétudes des notaires, ruraux en particulier, au sujet de l’acte contresigné par avocat. J’aimerais que le débat parlementaire permette de préciser l’intention du législateur. Il ne faudrait pas, faute d’avoir exactement défini la valeur juridique de cet acte, favoriser le développement d’une jurisprudence sur le sujet.

M. Michel Vaxès. Je ne vous surprendrai pas, madame la garde des Sceaux, en tenant un discours différent de celui de mes deux prédécesseurs.

Ce projet de loi, qui reprend une partie des propositions contenues dans le rapport Darrois, ne peut être regardé comme un texte permettant de « mieux répondre aux besoins des Français », bien au contraire.

C’est ainsi que l’acte contresigné par avocat affaiblira la sécurité juridique en bouleversant les règles de fond du droit français de la preuve. Le simple contreseing de l'avocat sur l'acte sous seing privé vaudrait attestation des conseils formulés aux parties ; l'avocat serait ainsi légalement présumé, par sa simple signature, avoir donné un conseil éclairé. C'est donc sur les parties que pèsera la charge de la preuve du conseil donné. Nous vous proposerons un amendement pour rétablir un équilibre entre le professionnel du droit et les parties.

La mise en place de ce nouvel acte aboutira, par ailleurs, à un affaiblissement du service public du droit et constituera une atteinte au libre accès au droit. D'ailleurs, les justiciables n'ont jamais demandé la création d'un tel acte. Celle-ci résulte, en fait, d’une demande des « sollicitors » qui contestaient le monopole de l'acte authentique par les notaires. Il semblerait en effet que ce soit le seul intérêt des grands cabinets d'avocats anglo-saxons qui ait été privilégié, comme en témoignent l’article 2 et l’article 21 du projet.

Ce texte ambitionnait également, comme le rapport Darrois, « de moderniser et renforcer les professions du droit et de les inciter à travailler ensemble » : le moins que l’on puisse dire est que l'objectif est loin d'être atteint, comme le montrent d’ailleurs les propos de M.  Morel-A-L’Huissier. Les notaires contestent un projet de qui œuvre au profit d'une seule profession, celle des avocats, et qui menace, à terme, l'existence de la leur. Les huissiers dénoncent un projet qui « perturbe les équilibres entre professions juridiques, en créant un avantage anticoncurrentiel au profit d'une seule profession ». Les experts comptables, pour leur part, ont saisi l’Autorité de la concurrence pour que leur soit reconnu le même droit qu'aux avocats. Les avocats ont riposté en faisant la démonstration que les experts comptables seraient fort mal placés pour disposer des mêmes droits… Finalement, plutôt que d'inciter les professions du droit à travailler ensemble, vous avez ouvert une véritable guerre de tranchées ! Il faut reconnaître que les jalousies ont tout lieu d'être exacerbées à l'heure où les avocats s’attirent les faveurs du Gouvernement.

Nous aurions, du reste, aimé que le texte fasse sa place aux justiciables en permettant, notamment, aux plus démunis d’accéder à une défense de qualité. Nous avons déposé, dans les limites fixées par l’article 40 de la Constitution, un amendement en ce sens.

Enfin, nous regrettons, sans en être étonnés, que le Gouvernement ait choisi, pour sortir la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires de ses difficultés, d'augmenter les cotisations salariales, alors que les cotisations patronales sont grandement insuffisantes. Il s’agit évidemment d’un choix idéologique.

Vous l'avez compris, nous sommes très hostiles à ce projet de loi qui ne vise qu'à « relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit ». Il poursuit le travail minutieux et méthodique d'ouverture à une hyper-concurrence sur le marché du droit, au détriment des justiciables, et d'alignement de notre droit sur le système anglo-saxon, dont la crise économique et financière a pourtant démontré les énormes lacunes.

Je souhaiterais, pour conclure, obtenir un éclaircissement sur l'article 11. L'Assemblée de liaison des notaires de France indique que le barreau s'opposerait à effectuer les déclarations de soupçon auprès de Tracfin, la cellule française de lutte anti-blanchiment. Doit-on en déduire que seuls les notaires seront réellement concernés par le nouveau dispositif prévu à l’article 11 ?

Mme George Pau-Langevin. Les dispositions proposées sont principalement d’ordre technique. Que l’on permette au professionnel compétent de contresigner un acte paraît assez cohérent.

En revanche, nous ne voyons pas la logique d’ensemble de ce qui nous est soumis. Que nous propose-t-on pour réellement moderniser notre justice et pour faire évoluer les relations entre les professions ? Nous percevons mal les arbitrages que vous avez effectués entre les différentes pistes ouvertes par le rapport Darrois, lesquelles allaient de la grande interprofession à une spécialisation accrue. Nous sommes d’ailleurs assaillis par les représentants des diverses professions du droit, chacune faisant de la surenchère.

Il semble également que la suppression d’un grand nombre de tribunaux d’instance et le remodelage par trop rapide de la carte judiciaire vous conduisent à confier aux notaires ou aux huissiers des actes jusqu’à présent effectués, dans le cadre du service public, par les greffiers des tribunaux d’instance. Certes chacune de ces professions est en mesure d’assumer ces nouvelles compétences, mais le justiciable devra désormais payer des actes jusqu’alors gratuits.

C’est ainsi que vous voulez donner aux notaires la possibilité d’enregistrer les PACS, alors que nous souhaitons que celui-ci soit enregistré par les officiers d’état civil, comme le proposait le rapport Darrois.

Enfin, comme l’a souligné notre collègue Vaxès, tout en essayant de mettre de l’ordre dans les relations entre les professions du droit, ce qui rendra service aux justiciables, ce texte ne facilite en rien l’accès des plus modestes à un conseil juridique de qualité. C’est son principal manque. Il convient de développer l’aide juridique pour la rédaction des actes et les points d’accès au droit, structures qui, à Paris, rencontrent le plus grand succès. Le texte ne répond pas non plus au besoin de conseil en matière de consommation.

C’est la raison pour laquelle, en dépit d’avancées indéniables, ce texte nous paraît, dans sa rédaction actuelle, de portée insuffisante.

M. Jacques Valax. Vous dites, madame la garde des Sceaux, avoir réussi à dissiper les craintes des professionnels du droit. Pour ma part, avocat comme M.  Morel-A-L’Huissier, je suis partagé sur la création de l’acte contresigné par avocat. Je constate que les avocats que j’ai rencontrés, aussi bien ceux du barreau où j’étais inscrit que le bâtonnier de Paris, y sont tous favorables. Peut-être peut-on les suivre, encore que je me demande si cet article 1er avait véritablement sa raison d’être puisque les actes évoqués étaient déjà établis par des avocats. Mais je constate aussi que les notaires sont très réservés.

Madame la garde des Sceaux, je vous prie d’excuser la brutalité, et presque l’irrévérence, de mes questions. À quelle profession ce texte vise-t-il à faire plaisir ? À quelle vision de l’avenir répond-il en matière de droit et de justice ? Pour quelle catégorie de justiciables a-t-il été conçu ?

Les avocats sont avec vous car avec ce texte, vous leur faites plaisir. Mais je crains qu’ils n’aient pas vu le risque d’être, peut-être dans quelques mois, dépossédés du traitement des divorces au profit des notaires.

Je me demande aussi, madame la garde des Sceaux, s’il ne s’agit pas pour vous de gérer la pénurie entraînée par la fermeture d’un trop grand nombre de tribunaux d’instance. On assèche la mission de service public sans régler en rien le problème du libre accès du justiciable au droit. Qui, du reste, paiera l’acte contresigné par avocat ? Vous ne dites mot là-dessus. Les petits conseils donnés par le notaire sont souvent gratuits.

Enfin, l’idée de créer de grands cabinets de droit continental permettant de concurrencer le droit anglo-saxon me paraît un vœu pieux. Ce texte va à l’encontre de cet objectif. Dans le brûlot qu’il nous a adressé, le Syndicat national des notaires évoque le risque de voir des établissements bancaires entrer sur le marché du droit et d’aller vers une concentration des professions contraire à la protection à laquelle nous étions attachés.

M. Sébastien Huyghe. Comme membre de la commission Darrois, j’avais exprimé le regret que celle-ci ait commencé par s’intéresser aux professions du droit, plutôt que de se pencher d’abord sur les moyens de rendre notre système juridique plus protecteur pour nos concitoyens. J’aimerais que nous évitions de travailler, nous aussi, à l’envers.

Le système juridique le plus protecteur est notre système de droit continental, qui repose sur trois piliers : la loi votée par le Parlement, le juge appelé à trancher les conflits, les accords entre les parties dotés du sceau de l’État par l’intermédiaire de l’acte authentique – qui permet précisément d’éviter de recourir trop souvent au juge. Si l’un de ces trois piliers est mis en péril, c’est tout notre système juridique qui en pâtira, le système anglo-saxon ayant une certaine propension à l’extension.

L’acte contresigné par avocat, en lui-même, ne porte pas atteinte à l’acte authentique puisqu’il s’en distingue. Le problème réside dans ce qu’il risque de devenir. M. Paul-Albert Iweins, ancien président du Conseil national des barreaux, M. Thierry Wickers, son nouveau président, M. Jean-Charles Krebs, Mme Brigitte Longuet, membres du CNB, ont tous reconnu que l’acte contresigné, qu’ils souhaitent appeler l’acte d’avocat, n’était qu’une première étape menant à l’accès au fichier immobilier. Cette perspective est loin d’être anodine car elle mettrait en péril l’acte authentique, et par voie de conséquence l’un des piliers de notre système juridique. En effet, les officiers ministériels qui rédigent les actes authentiques seraient économiquement étranglés. C’est la raison pour laquelle je reste très dubitatif sur la création de l’acte contresigné par avocat.

Vous avez répondu par avance à cette crainte en déclarant que l’exclusivité de l’acte authentique en matière de publicité foncière sera désormais inscrite dans la loi et ne reposera plus sur un simple décret. Vous avez même annoncé que tant que vous seriez garde des Sceaux, il n’y avait aucun danger en la matière. Puis-je toutefois vous rappeler que vous serez un jour remplacée à ce poste et qu’une loi peut défaire ce qu’une autre loi a fait ?

Il convient donc d’encadrer avec précaution la création de l’acte contresigné par avocat, dans la philosophie de la commission Darrois, qui était de créer une communauté juridique composée de l’ensemble des professionnels du droit, ce que confirme le titre du rapport : « Vers une grande profession du droit ».

Il serait paradoxal que la première traduction concrète de cette intention soit la création d’un acte réservé à un seul membre de cette grande communauté juridique. L’acte contresigné ne doit donc pas être uniquement réservé à la profession d’avocat : c’est la raison pour laquelle je vous proposerai de l’élargir à tous ceux qui ont la capacité de faire du conseil juridique ou de rédiger des actes sous seing privé tels que définis par la loi de 1971.

Il est par ailleurs prévu que l’acte fera foi pour les parties qui l’auront signé : or l’avocat n’a aucune délégation de puissance publique pour certifier l’écriture et la signature des parties. Le texte lui accorde donc une prérogative qui dépasse sa fonction, tout en fermant la porte aux revendications de parties contestant en justice l’acte contresigné. De plus, la disposition introduit une confusion entre les qualités de l’acte contresigné et de l’acte authentique. C’est pourquoi je défendrai deux amendements, le premier visant à supprimer cette disposition, le second, de repli, pouvant être accepté par tous.

En ce qui concerne la procédure participative prévue par la proposition de loi, est-il normal qu’elle ne soit, là encore en contradiction avec les orientations du rapport Darrois, réservée qu’à une seule profession juridique alors que les huissiers de justice, par exemple, ou les notaires, ont l’habitude de la conciliation ?

S’agissant enfin de la taille des cabinets français, le constat avait été fait, au sein de la commission Darrois, que les cabinets qui grossissaient finissaient par souffrir de mésententes internes aboutissant à leur explosion. Je ne suis donc pas sûr que l’instauration d’un nouvel outil soit à cet égard utile.

M. Jean-Michel Clément. On ne peut que se réjouir que ces textes confortent le rôle des professionnels du droit dans l’économie tout entière. C’est ainsi que l’acte d’avocat peut contribuer à renforcer la sécurité du consommateur. Quant à la mésentente, elle existe dans toutes les professions : il n’est donc pas inutile de renforcer les structures d’exercice visant à assurer la pérennité des cabinets, ce qui va également dans le sens de la sécurité du justiciable et du consommateur. Je suis également favorable à la procédure participative, qui, sous un autre nom, se pratique déjà dans le règlement de nombreux litiges, d’autant qu’elle n’interdit pas le recours à la justice en cas d’échec.

Il est bon enfin d’améliorer l’image internationale d’une profession, d’autant que le fonctionnement en réseau se développe. En effet, les clients qui ont des activités dans plusieurs pays à la fois sont toujours plus nombreux, ce qui implique de travailler plusieurs matières juridiques.

Du reste, monsieur le président, il vaut mieux simplifier le droit dans le cadre de tels textes que le faire à la sauvette à la faveur de textes de fin d’année qu’on ne cesse de rallonger ! Depuis le dépôt de la proposition de loi de M. Étienne Blanc, nous avons pu auditionner tous les professionnels du droit.

Ces deux textes – le transfert de certains actes des greffes vers les professionnels du droit le confirme – n’en accompagnent pas moins le désengagement de l’État et la réforme de la carte judiciaire. Ma circonscription ne dispose plus d’aucun tribunal : seuls les professionnels les plus proches, notamment les notaires, peuvent pallier cette disparition. La RGPP est également passée par là : les greffiers des tribunaux voient leurs charges augmenter.

Grâce à l’instauration de nouveaux modes de traitement des conflits, ces textes visent également à éviter à nos concitoyens, autant que faire se peut, de recourir à la justice.

Enfin je regrette, madame la garde des Sceaux, que votre texte ne traite pas de l’accès au droit, alors même qu’il conditionne l’efficacité des dispositifs proposés – je pense notamment à la procédure participative. Il faudra, dans le cadre de la prochaine loi de finances, faire des efforts sensibles en la matière, qu’il s’agisse des points d’accès au droit et des maisons de justice et du droit ou de l’aide juridictionnelle.

Cela étant, dès lors que les professions concernées se sont accordées sur l’essentiel, je ne m’opposerai pas aux dispositions proposées.

M. Dominique Raimbourg. Le texte organisant le partage d’un marché, il n’est pas étonnant que les différentes professions aient montré un art certain pour la chicane, par-delà la défense de leurs intérêts légitimes. Tous ces professionnels ont intérêt à se décloisonner et à se regrouper. Il s’agit donc d’un texte de compromis.

Comme M. Huyghe, je me demande s’il ne serait pas possible un jour d’étendre l’acte contresigné et la procédure participative aux autres professions du droit : ce serait un élément d’unification.

Monsieur le rapporteur, les négociations entre les avocats et les conseils en propriété industrielle ont-elles réellement échoué ? N’y a-t-il aucun rapprochement possible ?

Madame la ministre d’État. Je tiens à remercier le rapporteur du travail qu’il a effectué dans l’esprit du texte. Mes remerciements vont aussi à M. Étienne Blanc pour son approbation de l’équilibre général du texte et pour la manière dont il l’a expliquée. Bien entendu, l’adoption de certains amendements permettra d’apporter encore des améliorations.

M. Morel-A-L’Huissier a évoqué l’inquiétude des notaires ruraux. Je veux donc rappeler qu’il y a moins de deux mois, je suis allée devant les 6 500 notaires de France réunis au Zénith. Lorsque j’ai parlé de l’accord intervenu sur le contenu du texte, tous ont applaudi, certains debout. La semaine dernière, à Bordeaux, j’étais devant 3 500 notaires : ils ont également tous applaudi le contenu de l’accord.

Il est vrai que si j’ai obtenu un accord entre les professions, je n’ai pas obtenu l’unanimité à l’intérieur de chacune d’entre elles. Il reste que les organes représentatifs s’expriment avec une quasi-unanimité.

À mes yeux, ce n’est pas au sein du monde rural que l’acte contresigné connaîtra son plus grand développement car, je le rappelle, les avocats engageront leur responsabilité : les avocats isolés des zones rurales seront moins enclins à le faire que ceux des grands cabinets. Les notaires ruraux n’ont donc pas grand-chose à craindre de l’acte contresigné. Ils ont en revanche d’autres inquiétudes que je connais.

Monsieur Vaxès, il faudra que vous m’expliquiez en quoi l’acte contresigné affaiblirait la preuve : c’est exactement le contraire, puisqu’il apportera une garantie en constituant un élément de preuve, ce qui rassurera les cocontractants. Il ne portera pas non plus atteinte au libre accès au droit.

Monsieur Clément, je cherche à rapprocher l’information juridique des citoyens. En dehors des maisons de justice et du droit et des points d’accès au droit, je prévois d’installer des bornes de la justice et du droit dans les mairies. Il me faut auparavant savoir si leur contenu pourra être compréhensible par tous ou si un accompagnement sera nécessaire. Lorsque, à la fin de l’année, nous aurons fait le bilan des bornes installées dans les maisons de justice et du droit, nous verrons comment il faut procéder.

Quant aux huissiers, ils ne contestent pas l’acte contresigné et ont même tenté d’être associés à la mesure, oubliant que leur responsabilité de professionnels serait engagée. Les experts comptables y ont renoncé après avoir saisi l’Autorité de la concurrence, qui leur a rappelé qu’il convenait de distinguer les professions du chiffre et celles du droit.

Mme Pau-Langevin m’a interrogée sur la logique d’ensemble du texte : c’est de moderniser tant l’accès au droit que le fonctionnement des professions juridiques, et de répondre, d’une part, à l’inquiétude du justiciable devant les incertitudes ou la mobilité du droit et, d’autre part, à leur attente de proximité. Aujourd'hui, un PACS rédigé chez le notaire mais non encore enregistré ne peut produire aucun effet, notamment en matière de succession. Supprimer l’obligation de se déplacer en renonçant à une journée de travail représente aussi pour nos concitoyens un gain financier. L’objet des textes n’est donc pas de combler un prétendu assèchement du service public.

M. Valax a demandé si l’acte d’avocat représentait une réelle avancée : oui, puisque cela va dans le sens de la sécurité juridique. Les Français ne doivent plus avoir peur du droit.

Plus généralement, monsieur Huygue, pour l’ensemble des dispositions proposées, nous ne sommes pas partis de l’intérêt de telle ou telle profession, mais de celui du citoyen.

Je vous rappelle par ailleurs que 60 % des pays économiquement développés appliquent le droit continental et non pas le droit anglo-saxon, même si celui-ci apparaît plus agressif en certains domaines.

Quant à la question de l’accès au fichier immobilier, elle a été examinée avec les professions concernées. On ne saurait en tout cas arguer du fait que les ministres et les majorités passent, faute de quoi il ne serait plus la peine d’adopter aucune loi !

S’agissant de l’acte contresigné, le texte a été pesé au trébuchet. Les deux professions sont venues avec leurs experts, notamment des universitaires. Si je suis par principe très ouverte aux amendements, sur ce point je demande la plus grande prudence.

Monsieur Raimbourg, les avocats sont les professionnels les mieux à même de rédiger des textes. Les experts-comptables, professionnels du chiffre, n’ont pas les mêmes qualifications. Chaque profession doit exercer son cœur de métier et y être confortée pour pouvoir dialoguer et s’organiser avec les autres de telle sorte que l’accès du citoyen au droit en soit facilité. Chaque professionnel du droit pourra alors, comme dans le cadre d’un portail unique d’entrée, renvoyer le citoyen au professionnel compétent.

M. Yves Nicolin, rapporteur. Monsieur Vaxès, l’acte contresigné, loin d’affaiblir la sécurité juridique, permettra de la renforcer et donc d’éviter de nombreux conflits. Aujourd'hui, les sources de ces actes, notamment sur Internet, sont trop souvent incertaines.

Les auditions des représentants du Conseil supérieur du notariat et surtout du Syndicat des notaires nous ont bien fait comprendre l’opposition de certains notaires, qui repose toutefois sur des arguments me paraissant peu recevables. C’est pourquoi nous souhaitons conserver l’équilibre du texte.

Mme George Pau-Langevin a parlé, à tort me semble-t-il, de surenchère entre les professions du droit. Durant les auditions, je me suis montré très ouvert pour trouver des dispositifs permettant d’améliorer leur fonctionnement et de moderniser les pratiques. Quant au coût des actes, il restera modique : le tarif pour les formalités de publicité du PACS devant notaire sera de 10,95 euros, hors taxes.

Je tiens à rappeler à M. Valax que l’acte contresigné restera facultatif. L’accord paraît équilibré – M. Jean-Michel Clément et moi-même y avons travaillé. Quant au désengagement de l’État, ce n’est pas une maladie honteuse, à partir du moment où il permet au service public de se concentrer sur ses actions prioritaires, en se déchargeant de certaines tâches sur le privé, qui les remplira mieux.

Enfin, monsieur Raimbourg, les négociations entre les avocats et les CPI n’ont pas échoué, mais les positions des uns et des autres ayant évolué depuis que nous travaillons sur ce texte, la réflexion se poursuit, avec le concours actif de la Chancellerie. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas faire figurer des dispositions sur ce sujet.

La séance est levée à treize heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Manuel Aeschlimann, Mme Brigitte Barèges, M. François Bayrou, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Serge Blisko, M. Claude Bodin, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. Alain Cacheux, M. François Calvet, M. Jean-Michel Clément, M. Bernard Derosier, M. René Dosière, M. Julien Dray, M. Olivier Dussopt, M. Jean-Paul Garraud, M. Guy Geoffroy, M. Charles-Ange Ginesy, M. Claude Goasguen, M. Daniel Goldberg, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, M. Michel Hunault, M. Sébastien Huyghe, Mme Maryse Joissains-Masini, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Charles de La Verpillière, M. Bruno Le Roux, M. Jean Mallot, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Yves Nicolin, Mme George Pau-Langevin, M. Dominique Perben, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Jean-Pierre Schosteck, M. Georges Siffredi, M. Éric Straumann, M. Pascal Terrasse, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. André Vallini, M. Christian Vanneste, M. François Vannson, M. Michel Vaxès, M. Patrice Verchère, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Alain Vidalies, M. Philippe Vuilque, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Abdoulatifou Aly, Mme Delphine Batho, M. Patrick Braouezec, M. Philippe Gosselin, M. Didier Quentin

Assistaient également à la réunion. - M. François Deluga, M. Daniel Fasquelle, M. Pierre Morange, M. Jacques Remiller