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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 10 novembre 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Examen de la proposition de loi de MM. Dominique Raimbourg et Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues visant à instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire (n° 2753) (M. Dominique Raimbourg, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine sur le rapport de M. Dominique Raimbourg la proposition de loi de MM. Dominique Raimbourg et Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues visant à instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire (n° 2753).

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Nous savons tous que la France est confrontée au problème de la surpopulation carcérale. La situation s’est un peu améliorée dans la période récente, en raison de l’augmentation du nombre de places et du développement des aménagements de peine. Néanmoins la surpopulation demeure : au 1er octobre 2010, on dénombrait 41 041 détenus pour 34 000 places dans les maisons d’arrêt. Le cas des établissements pour peines est différent puisqu’on y pratique le numerus clausus : un détenu ne peut y entrer qu’à la condition qu’une place soit vacante. Dans les maisons d’arrêt, la situation est très inégale, mais la surpopulation atteint à certains endroits un niveau difficilement supportable : en Vendée, l’un des départements les plus touchés, on compte 101 détenus pour 40 places à la maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon, et 99 détenus, également pour une quarantaine de places, à celle de Fontenay-le-Comte.

Cette situation rend le travail de réinsertion extrêmement difficile, de même que le travail des surveillants. J’ai visité hier la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, où on dénombre 750 détenus pour 500 places. Le personnel pénitentiaire est tellement habitué à cette situation qu’il considère qu’elle devient insupportable seulement lorsqu’on frôle les 1 000 détenus et qu’il faut mettre trois lits dans une cellule de 10 mètres carrés. Je me suis fait ouvrir une cellule de 10 mètres carrés avec trois lits : j’ai constaté – il faut l’avoir vu pour le réaliser – qu’il était impossible à trois personnes d’être debout en même temps.

La proposition de loi que je vous présente a donc pour but d’instaurer un double mécanisme.

Lorsqu’un détenu arrive en surnombre, nous proposons que celui qui est le plus proche de la fin de peine bénéficie de l’un des deux aménagements votés dans la loi pénitentiaire, à savoir l’aménagement de peine simplifié et la procédure de fin de peine sous bracelet électronique. Cela sera toujours possible puisque, selon les informations fournies par l’administration pénitentiaire, dont la coopération a été parfaite, la proportion des détenus qui sont à moins de trois mois de la fin de leur peine est de 21 %.

En deuxième lieu, nous proposons d’instaurer un mécanisme de libération conditionnelle à deux tiers de peine. Cette libération conditionnelle dite « automatique » serait applicable sauf avis contraire du juge d’application des peines. Ce mécanisme existe en Angleterre – où la libération est prévue à mi-peine –, en Belgique et en Finlande. Le rapport 2009 de l’administration pénitentiaire rappelle que la libération conditionnelle, qui n’est accordée qu’à 7 000 détenus par an, sur les 85 000 sortants, pourrait être rendue plus attractive si un mécanisme de ce type était mis en place. C’est dire que cette administration, intellectuellement au moins, n’est pas opposée à ce système.

En retenant cette double solution, on éviterait dans la plupart des cas les sorties sèches. Celles-ci ne se produiraient que dans le cas de détenus proches de la fin de peine qui refuseraient un aménagement – ce qui n’est pas une hypothèse d’école, certains délinquants préférant éviter tout contrôle.

La première objection que l’on peut nous faire est, sur le plan des droits de l’homme, que le système proposé revient à mettre en place un contrôle social. C’est vrai. Mais c’est précisément le but et cela n’a rien d’anormal, puisque l’on est dans le cadre d’une peine.

Certains pourraient nous dire qu’une partie de l’opinion est très attachée au fait que les peines soient exécutées jusqu’au bout : je crois que ce n’est pas exact. L’opinion, me semble-t-il, nous demande d’être efficaces dans la lutte contre la délinquance et contre la récidive ; mais dès lors que nous mettons en place des mécanismes de contrôle, elle peut nous soutenir si nous prévoyons qu’une partie de la peine va s’exercer à l’extérieur.

Autre critique possible : la rupture d’égalité, dès lors que la durée de la peine varie selon l’encombrement de la maison d’arrêt. C’est vrai, mais l’exécution de la peine n’est-elle pas, d’ores et déjà, différente selon que la maison d’arrêt est ou non surpeuplée ? Ce n’est pas du tout la même chose d’exécuter une peine dans une prison où il y a un détenu par cellule, ou dans une autre où il y a trois détenus par cellule… La rupture d’égalité me paraît donc un argument recevable sur le plan théorique, mais à écarter dans la pratique. On peut d’ailleurs ajouter que la façon dont on est jugé varie elle-même selon les tribunaux.

Les dispositions que nous proposons pourraient aussi être considérées comme laxistes. Mais ce n’est pas le cas, dès lors qu’elles ne concernent en rien l’entrée en prison : elles n’empêchent nullement de mener une politique pénale très ferme. Ce n’est pas l’entrée qui est visée, mais la sortie.

Enfin, on pourrait nous reprocher de vouloir mener une politique onéreuse. Non : alors qu’un détenu hébergé coûte 80 euros par jour, un détenu non hébergé coûte 15 euros par jour. Par ailleurs, si l’on observe les condamnations prononcées par les tribunaux administratifs à l’encontre de l’État pour conditions de détention contraires à la dignité, on constate qu’en 2008, où il y a eu un seul cas, le détenu a obtenu une indemnisation de 3 000 euros, tandis que les 30 détenus qui ont obtenu une indemnisation en 2010 ont reçu à eux tous un total 140 250 euros : ce n’est pas grand-chose comparé au budget de la justice mais, outre le fait qu’il est regrettable pour l’État d’être condamné pour conditions de détention indignes, l’argent que l’on consacre à ces indemnisations pourrait, si l’on décidait d’appliquer le mécanisme de prévention de la surpopulation pénale que je vous propose, être mieux utilisé ailleurs.

M. Serge Blisko. Au nom de tous mes collègues du groupe SRC, je voudrais dire combien cette proposition de loi, dont je suis cosignataire, est novatrice et intéressante. Elle pose dans sa globalité un problème qui avait été débattu en 2009 lors de la discussion de la loi pénitentiaire et s’inscrit dans le prolongement de ce que, à l’issue d’une commission mixte paritaire productive, la loi pénitentiaire avait posé comme principes.

L’État est de plus en plus souvent condamné, tant au niveau européen que par la justice administrative, pour l’indignité des conditions de détention dans notre pays. C’est ainsi encore qu’un jeune homme qui avait été violé en 2001 par un codétenu, dont l’administration pénitentiaire ne pouvait ignorer la dangerosité, vient de se voir accorder une indemnisation de 10 000 euros – qui ne réparera évidemment pas son traumatisme.

Les gouvernements successifs ont lancé un programme, en voie d’achèvement, de 13 200 nouvelles places, auxquelles le Président de la République, dans un mouvement un peu inconsidéré, a ajouté 5 000 autres. Cela fait donc au total 18 000 places. Mais Mme la garde des sceaux elle-même a reconnu que si les nouvelles places apportent davantage de confort matériel, en revanche elles posent problème sur le plan de l’humanisation des prisons, tant pour les détenus que pour le personnel pénitentiaire – d’autant que les nouveaux établissements sont souvent très éloignés des centres urbains, ce qui, notamment, ne facilite pas les rapports avec la famille.

À ce programme de construction s’ajoute un programme de rénovation complète de 12 000 places, que nous n’avons jamais critiqué tant la situation est indigne.

Comme l’a dit notre collègue Raimbourg, – et il faut évoquer aussi la situation particulièrement difficile de l’outre-mer –, l’encombrement des prisons entraîne inégalités, mauvaises conditions de détention et difficultés de réinsertion. Ce que l’administration pénitentiaire pratique déjà, et depuis longtemps, en établissement pour peines et particulièrement en maison centrale, à savoir ce qu’il est convenu d’appeler un numerus clausus, mais qui est tout simplement l’adéquation entre les places et les besoins, reste impossible dans les maisons d’arrêt – où, je le rappelle, environ un tiers des détenus sont des prévenus, les autres étant condamnés à de courtes peines.

Voulons-nous allègrement piétiner une grande avancée de la loi pénitentiaire, la réaffirmation du principe de l’encellulement individuel ? On constate aussi, en dépit de ce que nous avions voté, le faible nombre de détenus en activité professionnelle ou en formation : pas plus du tiers au total, et certainement moins dans certains établissements. N’oublions pas non plus les difficultés du personnel pénitentiaire, souvent confronté à des détenus manifestant des troubles psychiatriques qui, à l’évidence, ne peuvent être qu’aggravés par la promiscuité.

Bref, nous avons toutes les raisons de souscrire à cette proposition de loi. Elle est équilibrée, mesurée, respectueuse des individus, mais aussi des juges – puisque, comme il est écrit dans l’exposé des motifs, le mécanisme proposé vise notamment à assurer « la mise à exécution immédiate de toute peine d’emprisonnement ». Elle n’est nullement laxiste, mais répond à la volonté que les peines soient exécutées dans des conditions dignes. Elle donne la place qui convient au service d’insertion et de probation et au juge de l’application des peines. Elle traduit une réelle volonté de prévention de la surpopulation pénitentiaire, sans se limiter à une déclaration de principe.

J’observe au passage que les lois sur les peines planchers et sur la récidive ont provoqué une forte augmentation du nombre des entrées pour de courtes peines. Par voie de conséquence, beaucoup de personnes condamnées – on parle de 30 000 à 40 000 – n’ont pas exécuté leur peine faute de place. La victime d’une agression peut ainsi continuer à croiser dans la rue  son agresseur, pourtant condamné : c’est pour le moins curieux comme résultat, venant d’une majorité qui se prétend sécuritaire.

Ce texte apporte des solutions, sans obliger à construire toujours plus de places de prison – je rappelle que la journée coûte 80 euros, contre 15 euros pour un détenu non hébergé. Si l’on veut que la prison soit utile au détenu et à la société, il faut voter cette proposition de loi.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur Blisko, la majorité ne se prétend pas sécuritaire, elle travaille simplement à améliorer la sécurité de nos concitoyens.

Mme Maryse Joissains-Masini. La cause défendue à travers cette proposition de loi est généreuse, mais les solutions proposées ne sont pas acceptables. Il me paraît extrêmement dangereux d’introduire une notion d’automaticité en une telle matière. Comment imaginer que l’automaticité s’applique à un délinquant sexuel ? Restons-en au contrôle du juge, quitte à examiner comment il pourrait s’exercer plus rapidement. Pour ma part, je préfère que les peines de prison soient en principe exécutées jusqu’au bout ; et je souhaiterais surtout que l’on s’oriente vers la constitution de centres adaptés à chaque type de délinquance.

M. Dominique Perben. Cette proposition de loi mélange à tort la question de la surpopulation carcérale et les mécanismes de fin de peine.

S’agissant des fins de peine, nous avons fait ces dernières années de vrais progrès. Vous y êtes pour quelque chose, monsieur le président : vous avez œuvré pour introduire dans notre droit des mécanismes à visée pédagogique, afin qu’il n’y ait plus de sorties sèches et que, à chaque fois, la sortie soit adaptée en fonction de la manière dont le détenu s’est comporté. C’est extrêmement important, tant pour la réinsertion sociale du détenu après sa sortie que pour le fonctionnement des établissements, nécessairement meilleur si les prisonniers ont un intérêt à bien se conduire.

La surpopulation carcérale est un autre sujet. Je voudrais d’abord rappeler la nécessité, pour un État moderne, de construire régulièrement de nouvelles places de prison. Je regrette que depuis trente ans, seule la majorité à laquelle j’appartiens ait lancé des programmes de construction – même s’il est arrivé que d’autres les mettent en application. Ce mouvement de construction doit être poursuivi. Comme le disait Mme Joissains-Masini, il faudrait des établissements dédiés à différents types de condamnation : il est inutile d’incarcérer dans des établissements à sécurité renforcée des détenus condamnés à quelques mois de prison ; il faudrait avoir, pour l’accomplissement des courtes peines, des établissements à sécurité plus faible et plus proches des lieux où résident leurs familles.

Le nombre global de détenus est certes partiellement lié aux politiques pénales, mais il est surtout le résultat d’une multitude de décisions de juges indépendants. J’ajoute que pendant longtemps, la surpopulation carcérale a été gérée au moyen des grâces présidentielles du 14 juillet. Ce système assez détestable a heureusement été abandonné. Ce n’était pas un mécanisme automatique, mais cela y ressemblait terriblement…

Laissons donc à la loi de 2009 le temps d’être mise en application, veillons à ce que l’administration pénitentiaire ait les moyens nécessaires pour assurer l’aménagement des fins de peine ; et par ailleurs, faisons régulièrement le point sur la capacité d’accueil et finançons les programmes de construction et de rénovation dont nous avons besoin.

M. Étienne Blanc. Je ne pense pas que ce texte passerait aisément le contrôle de constitutionnalité. La contradiction avec le principe d’égalité me paraît en effet manifeste : une peine de prison ne s’exécuterait pas de la même façon en janvier ou au mois de juillet –puisque la population carcérale n’est pas la même tout au long de l’année ; et selon que l’on serait condamné dans une région de surpopulation carcérale ou dans une autre où les prisons sont moins pleines, on exécuterait ou non sa peine…

À un problème réel, ce  texte me semble apporter des réponses simplistes : puisqu’il y a trop de monde dans les prisons, ouvrons les portes pour qu’elles se vident ! Les réponses de fond sont aujourd’hui apportées par le programme de construction qui se poursuit, par l’utilisation de peines alternatives – qui suppose notamment la recherche de nouveaux champs pour les TIG, domaine dans lequel peuvent s’impliquer des collectivités territoriales, des associations et même des entreprises –, par les aménagements de peine – et il convient de renforcer les moyens à la disposition des juges d’application des peines et des services pénitentiaires d’insertion et de probation –, enfin par le suivi médical des personnes libérées.

M. Philippe Gosselin. Ce texte apporte en effet une mauvaise réponse à une vraie question. La solution se trouve dans le programme ambitieux de construction et de modernisation actuellement en cours, qui doit s’inscrire dans la durée. Et peut-être faut-il, comme l’ont dit certains collègues, des établissements plus différenciés.

Quant à la liberté conditionnelle, sans doute faut-il user de divers instruments pour la développer, mais la solution consistant à la rendre quasi-automatique à l’issue des deux tiers de la peine heurte le principe de l’examen au cas par cas.

Laissons vivre la loi de 2009, dont l’encre est à peine sèche… Et n’ouvrons pas trop vite la cage aux oiseaux !

M. Julien Dray. Monsieur le président, c’est la manière dont la majorité s’occupe des problèmes de sécurité qui ne nous convient pas – et qui depuis huit ans aboutit aux résultats que l’on sait.

Député de la circonscription où se trouve la prison de Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe, je ne l’ai jamais connue, en vingt-deux ans, autrement que surpeuplée. Tous les directeurs et membres du personnel de l’administration pénitentiaire m’ont dit qu’en créant des places, on donnait à l’institution judiciaire la facilité de remplir les prisons, au lieu de réfléchir, à chacune des étapes, aux solutions alternatives. Tout aussi régulièrement, le personnel m’a répété que moins on envoie de gens en prison, moins il y a de criminels. C’est le paradoxe de la situation actuelle : les prisons sont remplies de jeunes majeurs, pour qui la prison est moins une sanction que l’occasion de nouer des contacts – d’autant que les portables se généralisent dans les cellules… Aujourd’hui, des mafias se structurent à l’occasion du parcours carcéral.

La prison doit être réservée aux peines lourdes, destinées à mettre à l’écart des individus dangereux. Dans les autres cas, il faut développer les peines alternatives et tout ce qui permet la réinsertion, que la sanction a pour premier objet de préparer. L’administration pénitentiaire dit elle-même que dès le premier jour de la détention d’une personne, son travail devrait être de réfléchir à la sortie, notamment pour éviter la récidive.

Je ne fais qu’évoquer la situation sanitaire dramatique de certaines prisons, ou encore ce qui se passe dans les quartiers de sécurité. Si l’on ne met pas en place un mécanisme autoritaire pour limiter le nombre de détenus, la fuite en avant aboutira paradoxalement à une augmentation de la délinquance. C’est pourquoi j’approuve cette proposition de loi, utile à la construction d’une politique de sécurité qui distingue petits délinquants et gros délinquants.

M. François de Rugy. Les députés écologistes soutiennent cette proposition de loi. Personne ici n’est contre la construction de nouvelles prisons : il faut pouvoir accueillir les détenus, et les accueillir correctement. Il faut aussi des établissements différenciés. Mais par ailleurs, il faut des peines alternatives à la prison.

Je trouve regrettable que, de proposition de loi en proposition de loi de l’opposition, la majorité ne sache que se prononcer pour le rejet. Si nous partons d’un constat partagé, pourquoi ne pas débattre d’amendements à ce texte ? Je ne peux pas le laisser caricaturer : monsieur Blanc, croyez-vous qu’un seul député de la République propose d’ouvrir les portes et de vider les prisons ? Ce n’est pas sérieux !

M. Jacques Alain Bénisti. La délinquance a changé. Les délinquants sont beaucoup plus jeunes et beaucoup plus violents. L’incarcération n’est pas la meilleure des solutions : l’attaque du fourgon de Villiers-sur-Marne a été concoctée dans une prison entre des jeunes délinquants et le grand banditisme ; au vu de ce qui se passe aujourd’hui dans les prisons, il faut trouver des solutions alternatives.

Nous disposons notamment de centres éducatifs fermés : les derniers rapports sont assez concluants. C’est aux juges qu’il revient, alors que 40 000 peines ne sont pas effectuées, de déterminer les aménagements possibles et de lutter ainsi contre la surpopulation carcérale.

Cela fait vingt-deux ans que les prisons connaissent la surpopulation. Les constructions prévues par la loi de 2009 permettront de résoudre ce problème, mais il faut par ailleurs se préoccuper de celui des jeunes. Dans le cadre de la mission que le Premier ministre m’a confiée, je proposerai un certain nombre de solutions alternatives d’aménagement de peine. C’est par une approche très large que l’on peut avancer : même amendée, cette proposition de loi ne pourrait suffire à traiter le problème.

M. Philippe Houillon. La surpopulation carcérale et la situation que l’on sait en matière d’encellulement individuel n’honorent pas notre pays, dont on aime à rappeler pourtant qu’il est le pays des droits de l’homme.

À ce problème, il faut apporter des réponses immobilières et des réponses culturelles. En ce qui concerne les premières, Dominique Perben a fort bien rappelé que seule cette majorité a engagé des programmes de construction. Sur le plan de la culture, il s’agit de passer du tout-carcéral à l’aménagement des peines ; là encore, seule cette majorité a commencé à inverser la culture judiciaire, en introduisant dans les textes successifs des dispositions en ce sens.

La réponse proposée par notre collègue Raimbourg, pour qui j’ai beaucoup de considération, me fait un peu penser à M. Tapie déclarant le chômage illégal… L’un rentre, donc un autre sort : on ne peut pas raisonner de cette façon, sur la base de critères de sortie qui font penser aux critères de licenciement collectif et qui aboutissent à une loterie.

Enfin, comme l’a dit Étienne Blanc, ce texte pose un problème de constitutionnalité. Mieux vaut donc laisser la loi de 2009 produire ses fruits – ce qui ne veut pas dire refermer le dossier.

M. Guénhaël Huet. Le problème de fond qui sous-tend cette proposition de loi n’est contesté par personne, mais il faut y apporter des solutions de fond. Il ne suffit pas de quelques mécanismes procéduraux pour remédier à la surpopulation pénitentiaire. Un gros travail a été accompli lors de l’élaboration de la loi pénitentiaire, à l’occasion de laquelle chacun a pu s’exprimer et faire des propositions. La vraie réponse au problème qui nous occupe, c’est la mise en application de cette loi.

Au demeurant, ce n’est pas à l’opposition de donner des leçons sur ce thème, les programmes immobiliers ayant tous été décidés par cette majorité.

Enfin, je ne peux pas laisser dire que la première fonction de la détention est de préparer la réinsertion. Ce n’est que la deuxième, la première étant de protéger la société – ce que cette proposition de loi ne permettrait pas de faire, non plus d’ailleurs que de régler le problème de la surpopulation pénale.

M. Bruno Le Roux. Le débat a eu lieu à de nombreuses reprises. Il n’est pas une seule orientation de cette proposition de loi qui n’ait pas déjà figuré dans un rapport parlementaire. Celui de la commission d’enquête sur les prisons qui avait été constituée pendant la législature 1997-2002 avait été adopté à l’unanimité. Les représentants de l’actuelle majorité se sont donc engagés comme nous, à un moment quelconque, sur chacun des éléments proposés. Ce texte pragmatique et réaliste a simplement pour but de concrétiser ces engagements, alors que nos collègues trouvent sans cesse de bonnes raisons pour reculer.

M. le rapporteur. La surpopulation des prisons est ancienne. Une loi de 1875 promettait déjà un encellulement individuel, après lequel nous courons encore aujourd’hui. Il est donc temps de s’attaquer réellement au problème.

Certains d’entre vous ont critiqué l’automaticité de la libération conditionnelle, mais il ne s’agirait en fait que d’une automaticité apparente puisque le juge de l’application des peines pourrait toujours s’opposer à cette libération.

S’agissant de la constitutionnalité de ce texte, l’argument du non-respect du principe d’égalité, à première vue justifié, doit être écarté car les conditions actuelles d’incarcération, parfois particulièrement indignes, diffèrent tant d’un établissement à l’autre qu’elles sont bien plus inégalitaires encore.

Enfin, les collègues de la majorité me paraissent sous-estimer la neutralité du mécanisme proposé, lequel est compatible avec n’importe quelle politique pénale et n’importe quelle politique immobilière.

Si nous pouvions nous retrouver sur une partie des dispositions contenues dans ce texte, chers collègues, rien ne vous interdirait, d’ici à la discussion en séance publique, de déposer des amendements, par exemple pour écarter, si vous le jugez utile, ce qui concerne la libération conditionnelle.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (Chapitre Ier bis [nouveau], section 1 [nouvelle], art. 712-1 A [nouveau], section 2 [nouvelle] et art. 712-1 B à 712-1 F [nouveaux] du code de procédure pénale) : Interdiction de dépassement de la capacité maximale d’accueil des établissements pénitentiaires et création d’un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2 (art. 733-1 A à 733-1 B [nouveaux] du code de procédure pénale) : Libération conditionnelle de droit aux deux tiers de la peine

La Commission rejette l’article 2.

Elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

La séance est levée à 11 heures.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

— MM. Guy Geoffroy et Bernard Derosier, pour participer aux travaux du Comité d’évaluation et de contrôle sur la révision générale des politiques publiques et MM. Pierre Morel-A-l’Huissier et Jean-Michel Clément, pour participer aux travaux du Comité d’évaluation et de contrôle sur la politique d’aménagement du territoire en milieu rural ;

—  M. François de Rugy, rapporteur sur la proposition de loi organique de M. François de Rugy, Mme Anny Poursinoff, MM. Noël Mamère et Yves Cochet relative à l’initiative législative citoyenne par droit de pétition selon l’article 11 de la Constitution (n° 2908).

—  M. Guy Geoffroy, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers (n° 2305).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. François Bayrou, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Émile Blessig, M. Serge Blisko, M. Claude Bodin, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. Alain Cacheux, M. François Calvet, M. Éric Ciotti, M. Bernard Derosier, M. Éric Diard, M. Julien Dray, M. Olivier Dussopt, M. Jean-Paul Garraud, M. Guy Geoffroy, M. Charles-Ange Ginesy, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, Mme Maryse Joissains-Masini, M. Charles de La Verpillière, M. Bruno Le Roux, Mme Sandrine Mazetier, M. Yves Nicolin, Mme George Pau-Langevin, M. Dominique Perben, Mme Sylvia Pinel, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M  Bernard Roman, M. François de Rugy, M. Jean-Pierre Schosteck, M. Georges Siffredi, M. Éric Straumann, M. Pascal Terrasse, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. André Vallini, M. Manuel Valls, M. François Vannson, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Philippe Vuilque, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Abdoulatifou Aly, Mme Brigitte Barèges, Mme Delphine Batho, M. René Dosière, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Thierry Mariani, M. Jacques Valax, M. Patrice Verchère

Assistait également à la réunion. - Mme Laurence Dumont