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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 8 décembre 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Éric Molinié, dont la nomination à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) est envisagée par M. le Président de la République

– Vote sur cette proposition de nomination

La séance est ouverte à 16 heures 15.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Éric Molinié, dont la nomination à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) est envisagée par M. le Président de la République.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur Éric Molinié, je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue.

Cette réunion de la Commission des lois se tient conformément à l’article 1er de la loi du 23 juillet 2010, relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui dispose que les Commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat sont compétentes pour émettre un avis sur la nomination du président de la HALDE. Cet avis doit être précédé d’une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée, audition qui ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de cette personne a été rendu public.

La Commission des lois du Sénat a procédé à votre audition hier après-midi et a voté immédiatement après. Cependant, l’article 6 de la loi précitée disposant que, lorsqu’il est procédé à un vote en commission selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, le scrutin doit être dépouillé simultanément dans les deux assemblées, la Commission des lois du Sénat procédera au dépouillement de ses votes en même temps que nous.

Monsieur Molinié, votre audition est d’autant plus attendue que le rôle de la HALDE est sujet à débat, notamment dans la perspective de la création du Défenseur des droits.

M. Éric Molinié. C’est un grand honneur pour moi d’avoir été choisi à l’unanimité par les membres du collège de la HALDE pour exercer la fonction de président par intérim, puis d’avoir été pressenti par le Président de la République pour prendre la tête de cette haute autorité.

Je me propose, monsieur le président, de me présenter brièvement avant de vous exposer ce que j’ai cru comprendre du rôle de la HALDE depuis six mois que je suis membre de son collège, et de vous dire comme je vois l’avenir de cette institution.

Âgé de cinquante ans, je suis diplômé de l’école des Hautes Études commerciales. J’ai été moi-même confronté assez tôt à la discrimination puisque le proviseur de mon lycée n’avait pas jugé opportun, en raison de mon handicap, de m’accepter en classe préparatoire. J’exerce les fonctions de directeur délégué au développement durable du groupe EDF et de conseiller auprès de son PDG, Henri Proglio, sur les questions de handicap. J’ai par ailleurs participé à la commission Larcher sur les missions de l’hôpital, et je siège actuellement au comité de suivi de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, pour avoir rédigé en 2005 un rapport sur les missions de l’hôpital public, au nom du Conseil économique et social.

Parallèlement à mes fonctions professionnelles, j’assure celle de vice-président de l’Association des paralysés de France, l’APF, et je dirige d’autres organisations spécialisées dans le handicap, comme Handeo, enseigne chargée de labelliser les prestataires de services aux personnes handicapées.

Mon parcours se caractérise par une fertilisation croisée entre mes engagements professionnels et mon engagement personnel dans la lutte pour les droits de l’homme et contre les discriminations. Dès le début de ma carrière, commencée dans la banque, j’ai mis mes compétences financières au service du Téléthon, dont j’ai été pendant dix ans le trésorier. En sens inverse, ma mission au service de cette association m’a convaincu dès les années quatre-vingt-dix de l’importance de la recherche médicale et biotechnologique, et de la nécessité pour les entreprises, dont la mienne, d’investir dans des fonds de développement durable dans le secteur de la santé et de l’environnement. De même, aujourd’hui, ma fonction de conseiller sur le handicap auprès du président d’EDF et celle de vice-président de l’APF se fertilisent mutuellement.

Devenu membre du collège de la HALDE, j’y ai trouvé des équipes motivées et qui travaillent beaucoup. Chacun de nos juristes traite en moyenne cent à cent cinquante dossiers. En effet, la HALDE a reçu depuis sa création 40 000 réclamations et en a traité plus de 37 000 : les quelque 2 000 dossiers examinés par le collège ne sont que la partie émergée du travail de la haute autorité, le travail de qualification des cas et de réorientation des dossiers vers d’autres juridictions étant tout aussi important, d’autant qu’il contribue au désengorgement des tribunaux – et, en ce sens, la haute autorité joue un rôle d’auxiliaire de justice.

Au cours de ces six mois, j’ai également été frappé par la qualité de l’expertise technique de la HALDE en matière de droit des discriminations, expertise reconnue par les tribunaux. Ainsi l’argumentaire par lequel la HALDE a établi l’existence d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique dans une entreprise de Toulouse a été repris par la cour d’appel de cette ville. Par ailleurs, le parquet a sollicité notre expertise dans une vingtaine d’affaires en 2010, contre dix en 2009. Je voudrais faire à ce propos un sort au reproche qu’on nous adresse parfois de ne pas lui transmettre assez de dossiers. En réalité, le nombre de dossiers – plusieurs dizaines – que nous lui transmettons est comparable à celui des dossiers transmis au tribunal des prud’hommes ou au tribunal des affaires de sécurité sociale.

Cette expertise est également reconnue au niveau international, comme en atteste la visite que nous ont rendue il y a quelques jours nos homologues québécois, avec lesquels nous entretenons des rapports nourris. Nous bénéficions en outre de financements de l’Union européenne, qui sollicite également notre expertise en matière de discriminations.

La HALDE apporte de plus sa contribution à de véritables débats de société. J’en veux pour preuve notre délibération du 14 juin sur l’emploi des personnes handicapées dans le secteur privé, qui faisait suite aux nombreuses sollicitations des patrons de PME, soumis à l’injonction contradictoire de compter 6 % de travailleurs handicapés dans leur effectif sans pour cela recourir à des filières de recrutement spécialisées. Cet avis sera suivi de l’élaboration d’un guide pratique, véritable boîte à outils formalisant, à l’usage des entreprises, la doctrine élaborée par la haute autorité à partir de dossiers concrets. Tout dernièrement, dans le cadre d’un « mercredi » de la HALDE au titre évocateur, « Femmes, discriminées dans le travail, discriminées à la retraite », nous avons souligné les risques d’aggravation des inégalités entre hommes et femmes qu’emportait le projet de réforme de retraite, ce qui a permis d’amender ce texte. Nous conseillons également des administrations ou des organisations désireuses d’adapter leur réglementation intérieure ou leurs procédures de recrutement afin de se conformer aux exigences de la lutte contre les discriminations.

En bref, ces premiers mois au sein de la HALDE m’ont profondément convaincu que le budget de la haute autorité, qui a fait l’objet de maintes polémiques, est pour notre pays un investissement de cohésion sociale et de développement durable, au même titre qu’un plan de cohésion sociale ou qu’un plan banlieues. Certains témoignages m’ont démontré qu’un jeune issu de l’immigration, s’il est convaincu que la HALDE lui garantira l’égalité des chances dans son futur parcours professionnel, se lancera avec d’autant plus de confiance et de détermination dans une formation. La HALDE crée donc de la valeur pour notre économie comme pour notre société, la diversité étant une source d’enrichissement pour l’entreprise.

Pour ce qui est de l’avenir, je serai, si je suis nommé à la tête de cette institution, au service des valeurs républicaines promues par la HALDE et des missions d’intérêt général que la souveraineté nationale lui a assignées : la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances. Il s’agit, pour user de termes empruntés au monde de la médecine, de faire à la fois, et avec la même détermination, du préventif et du curatif. Pour cela, la HALDE doit, non seulement continuer à statuer sur des cas particuliers, mais également dégager de l'étude de cas similaires des lignes de force, à l’usage de la représentation nationale, comme nous l’avons fait à propos des retraites des femmes, ou de groupes particuliers, comme ce fut le cas pour les patrons de PME s’agissant du handicap. Si elle n’a certes pas à prendre position sur une loi, elle peut en revanche formuler des avis à destination du législateur ou lui signaler certains vides juridiques.

Dans le cadre juridique fixé par les représentants de la souveraineté nationale pour l’accomplissement de ces deux missions, je ne conçois l’exercice de la responsabilité qu’il vous est proposé de me confier qu’assorti d’une collégialité des décisions, la meilleure protection selon moi des droits des citoyens. La HALDE doit pouvoir continuer à s’appuyer sur un comité consultatif qui lui permet de tisser des liens avec la société civile. Dépassant l’étude de cas particuliers, les avis de ce comité – par exemple sur la question des gens du voyage – constituent une contribution tout à fait intéressante. Nous devons également continuer à bénéficier d’un réseau de délégués régionaux au plus près des citoyens, métropolitains ou ultramarins. Je rappelle que ces délégués sont à l’origine du tiers de nos saisines en 2010, et qu’ils nous aident, à travers leur mission de bons offices, à trouver des solutions négociées au niveau local.

Si j’ai l’honneur d’être nommé à l’issue de ces auditions, je fixerai à notre institution une feuille de route claire et pragmatique. Je compte tout d’abord, m’inspirant des remarques de la Cour des comptes, lancer une réflexion sur le traitement des réclamations. Après avoir, pendant cinq ans, étudié une à une toutes celles qu’on nous adressait, il est temps de les trier selon leur importance, en distinguant les dossiers susceptibles d’avoir une valeur emblématique de ceux dont l’intérêt est plus anecdotique. Nous devons également rechercher les moyens d’accélérer ce traitement et d’améliorer nos procédures internes.

Dans le cadre de notre mission de promotion de l’égalité, je compte également programmer des rencontres avec des partenaires, au premier rang desquels les entreprises, afin de favoriser la mutualisation des bonnes pratiques. On pourrait par ailleurs proposer aux juristes de la HALDE, qui viennent souvent du monde associatif, des stages d’immersion en entreprise pour leur permettre de se familiariser avec les réalités de la vie économique.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La mutualisation des bonnes pratiques me semble en effet plus porteuse d’améliorations, notamment dans le monde de l’entreprise, que la prolifération des règles qui sévit dans notre pays.

M. Christian Vanneste. J’aimerais savoir, monsieur Molinié, de quelle manière vous comptez résoudre les problèmes que nous avons, avec René Dosière, identifiés au cours de notre mission d’information sur certaines autorités administratives indépendantes.

Je voudrais d’abord vous interroger sur le nombre d’affaires traitées par la HALDE, et les « pertes en ligne » que l’on peut constater au regard des réclamations qu’on vous adresse : sur 7 788 enregistrées en 2008 – sans compter 30 000 appels téléphoniques –, 5 412 ont été rejetées et 704 seulement ont fait l’objet d’un traitement effectif. De ce fait, le coût de traitement de chaque dossier par cette autorité est supérieur à celui du médiateur de la République : 145 euros dans ce dernier cas, contre 1 900 euros s’agissant de la HALDE. On perçoit mal la raison d’une telle disproportion.

D’une manière plus générale, vous n’ignorez pas que nous sommes un certain nombre de parlementaires à nous inquiéter du coût de cet organisme pour le budget de l’État. Nous nous interrogeons notamment sur ses moyens immobiliers, que d’aucuns jugent fastueux. À cela, M. Schweitzer nous avait répondu que c’était une situation qui n’était pas de son fait, l’ayant trouvée à son arrivée. On pourrait cependant envisager de réduire la voilure, et cela sans tarder.

Le budget consacré à la communication pose également problème, la HALDE étant un des organismes qui dépense le plus dans ce domaine. Est-il absolument nécessaire qu’elle communique autant ?

Est-il indispensable qu’elle ait recours à des procédés tels que le testing, très contesté par les entreprises qui en ont été victimes ?

Je m’interroge également sur ses moyens en personnels. Pour quelle raison 51 seulement de ses 81 agents sont-ils commis au traitement effectif des dossiers ?

Je m’étonne enfin que le comité consultatif soit essentiellement composé de représentants d’associations militantes, telles que le MRAP ou SOS-Racisme. Ne serait-il pas préférable que ses membres soient des spécialistes des différents domaines où sévit la discrimination – le logement, le travail, etc. – plutôt que les porte-parole d’associations au positionnement souvent idéologique ?

M. René Dosière. Le collège de la HALDE a-t-il délibéré à nouveau de l’affaire de la crèche Baby Loup et arrêté une position définitive ?

Du passé, revenons à l’avenir : j’aimerais connaître votre sentiment quant au regroupement de la HALDE et d’autres autorités administratives indépendantes sous la houlette du futur Défenseur des droits. Quels sont, au vu de votre expérience et de l’importance que vous attachez au caractère collégial des décisions de votre institution, les avantages et les inconvénients de l’intégration de la HALDE dans cet ensemble plus vaste ? Considérez-vous comme une promotion de passer de la fonction de président de la HALDE à celle de « collaborateur » du Défenseur des droits, pour reprendre le terme employé par le ministre ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Les opposants à la création d’une autorité constitutionnelle dénommée Défenseur des droits invoquent la perte de lisibilité et les difficultés de fonctionnement qui résulteraient de l’institution de ce « monstre à quatre têtes », et font valoir une défiance traditionnelle de notre pays à l’égard des autorités administratives indépendantes, qui seraient étrangères à notre culture. Ils craignent par ailleurs que les agents de la HALDE n’aient du mal à trouver leur place dans cette structure.

En bref, quelle est votre position quant à la création, souhaitée par la Commission des lois, d’une autorité constitutionnelle dédiée à la défense des droits, et à laquelle seraient soumis des défenseurs adjoints, spécialisés chacun dans un domaine ?

M. Serge Blisko. Après le mandat éclair de votre prédécesseure et une polémique relayée par certains d’entre nous, voici que la HALDE doit subir un nouveau choc, avec l’annonce de sa disparition prochaine. Elle a pourtant fait du bon travail, défrichant en pionnière ce domaine de la lutte contre les discriminations, même si elle a fait des erreurs – notre collègue Dosière a évoqué l’affaire Baby Loup – et c’est aujourd’hui un outil qui mérite d’être préservé, quelle que soit son évolution sur le plan institutionnel. Quel est votre sentiment sur l’état d’esprit actuel dans votre institution et sur les chances d’assurer la poursuite de son œuvre ?

M. Éric Molinié. La question du nombre d’affaires traitées et du coût du traitement des dossiers est essentielle, monsieur Vanneste, mais on ne saurait y répondre sans considérer la nature de ces affaires, qui exige des enquêtes de longue haleine, des démarches multiples de nos juristes pour obtenir des pièces, les vérifier et les étudier. La lutte contre les discriminations suppose une expertise spécifique et l’élaboration progressive d’une jurisprudence. Il est normal dans ces conditions que ce traitement prenne plus de temps et soit plus coûteux que la résolution d’un litige entre administré et administration.

Je répète en outre que le nombre des affaires examinées par le collège ne constitue que la partie émergée de notre travail : il ne faut pas oublier tous les cas qui ont fait l’objet d’un règlement amiable – 1 300 sur les 40 000 réclamations reçues par la HALDE, à rapporter aux 1 800 qui ont été examinées par le collège. Cela aussi a nécessité du travail.

En ce qui concerne la question immobilière, la Cour des comptes a pris acte de notre volonté de rechercher une solution juridiquement viable. Cela étant, si on ne tient compte que des espaces de bureaux, chacun des agents de la HALDE dispose de onze mètres cinquante par personne, ce qui correspond aux normes de l’administration. Ce n’est que si on prend en compte l’espace occupé par les couloirs ou par ce hall d’entrée qui a fait couler tant d’encre, que le taux d’occupation monte à dix-huit mètres carrés par agent, ce qui est effectivement excessif.

Le relevé de conclusions définitives de la Cour des comptes souligne également, contrairement à son prérapport, que les dépenses de communication avaient permis d’accroître la notoriété de la HALDE, de la faire reconnaître comme un outil de lutte contre les discriminations. De plus, ce budget n’a fait que décroître, ce qui prouve bien que son importance était justifiée par le lancement de la « marque » HALDE. Travaillant à EDF, je sais qu’un changement de logo a toujours un coût pour une entreprise mais que ces dépenses sont utiles, mêmes si elles sont mal admises.

Pour ce qui est du testing, j’ai le sentiment que cette approche a été peu comprise et mal perçue par les entreprises, et il doit être clair que cela ne figurera pas au nombre des premières actions que je mènerai si je suis nommé à la tête de la HALDE. Il faudra organiser au préalable un retour d’expérience entre le monde de l’entreprise et la haute autorité.

Sur nos quelque quatre-vingts agents, 51 relèvent en effet de la direction des affaires juridiques, mais il ne faut pas oublier la seconde mission de la HALDE, la promotion de l’égalité, qui en mobilise douze. C’est une mission essentielle, puisqu’il s’agit du volet préventif de l’action de la haute autorité. Ce sont donc 63 personnes qui assurent ces deux missions, auxquelles s’ajoutent une documentaliste et huit agents chargés de la gestion administrative et financière, ce qui est tout à fait raisonnable.

Quant à la composition du comité consultatif, monsieur Vanneste, je retiens votre proposition : dans cet esprit de fertilisation croisée que je prône, je ne verrais que des avantages à ce que d’autres acteurs, de l’entreprise ou du logement, rejoignent les représentants des associations militantes au sein de cet organe.

En ce qui concerne l’affaire de la crèche Baby Loup, monsieur Dosière, nous avons estimé lundi que, dans cette situation transitoire, nous n’avions ni le temps, ni le recul, ni la légitimité nécessaires pour prendre position, d’autant que nous n’avons eu connaissance que tout récemment d’éléments nouveaux. La décision des prud’hommes devant tomber le 13 décembre, nous avons décidé d’attendre ce jugement et l’appel dont il sera inévitablement frappé, à la demande de l’une ou de l’autre des parties, pour délibérer à nouveau sur cette affaire. Cela nous donnera le temps et la sérénité nécessaires pour émettre un avis responsable sur une question de laïcité à laquelle je ne peux qu’être sensible. Nous pourrions être amenés à pointer des « vides juridiques » à propos de la législation sur le port de signes religieux, comme nous l’avons fait à propos de la réforme des retraites. Je pense à la proposition de Manuel Valls d’étendre cette législation à tous les lieux où il y a des enfants, mais il y a d’autres pistes possibles.

Vous m’interrogez, monsieur Dosière, sur le futur Défenseur des droits. Je répète que la collégialité constitue à mes yeux la meilleure protection des personnes contre les discriminations, et l’affaire Baby Loup en est une nouvelle preuve : une prise de position commune, dépassionnée et républicaine suppose, non seulement du temps, mais aussi la confrontation de points de vue différents, par le dialogue. C’est ce que permet la variété de la composition de notre collège, où se côtoient hauts fonctionnaires, représentants de la haute fonction publique ou de la diversité.

J’ai relevé quelques points positifs dans ce projet de loi et dans les propositions de votre Commission, notamment celle d’ouvrir au Défenseur la possibilité d’une action collective devant la juridiction administrative. Dans son état actuel, cependant, ce projet ne laisse de me poser question.

Quant à la perspective de devenir un simple collaborateur du Défenseur des droits, sachez que je n’ai aucun plan de carrière, et que je continuerai quoi qu’il arrive à remplir ma mission : traiter les dossiers individuels et renforcer la promotion de l’égalité en mutualisant les compétences. Notre collège apportera sa contribution aux réflexions sur la réforme en cours. On verra par la suite si je dois m’effacer au profit de quelqu’un d’autre. Pour l’heure, je n’ai qu’un objectif : faire fonctionner la HALDE de façon efficace, et sortir l’institution des polémiques médiatiques dont elle est l’objet, afin qu’elle aborde l’année 2011 dans la plus grande sérénité.

Vous me demandez, monsieur Morel-A-L’Huissier, ce que je pense de la création de cette nouvelle autorité. Tout ce qui peut permettre de mutualiser les compétences et d’assurer des fertilisations croisées, sur le modèle de ce qui se fait dans d’autres pays, me paraît une bonne chose. La question est de choisir le bon mode opératoire. Qu’en sera-t-il notamment de la collégialité, qui me semble, je le répète, un atout dans la lutte contre les discriminations ? D’une façon générale, les questions de discrimination me semblent différer de nature des problèmes qui relèvent du Médiateur. L’intégration de la HALDE dans ce regroupement n’était d’ailleurs pas prévue initialement : elle a été ajoutée au dispositif en cours de discussion.

Vous avez raison, monsieur Blisko, cet outil doit être préservé, en raison de l’expertise technique de ses équipes et de leur savoir-faire incontestables en matière de lutte contre les discriminations, et de son rôle au service de la cohésion sociale et du développement durable. Dans les prochains mois, je veillerai, non seulement à préserver la collégialité de la HALDE, mais à concentrer l’action de l’institution sur les grands enjeux de société, en évitant les sujets anecdotiques, qui pourraient être mal perçus par l’opinion. Mais je veillerai aussi à préserver cette compétence unique, constituée depuis cinq ans, cette expertise technique, non seulement de nos juristes mais aussi de l’équipe en charge de la promotion de l’égalité des chances, qui devra être un élément fort du futur dispositif, quelque forme que celui-ci puisse revêtir.

M. Patrice Verchère. Lorsqu’il juge qu’une délibération du collège pose problème au regard de principes fondamentaux tels que celui de laïcité, le président de la HALDE a-t-il le droit d’exiger une deuxième délibération, comme vous comptez le faire à propos de l’affaire Baby Loup ?

M. Éric Molinié. « Exiger » est un terme excessif : en réalité, il y a eu vote, et cette demande est partagée. C’est l’apparition de nouveaux éléments qui justifie la décision prise par la majorité du collège de rouvrir ce dossier, sans préjuger de la suite qui sera donnée. Il est vrai que cette procédure a posé question puisqu’elle n’avait jamais été utilisée. En tout état de cause, c’est et cela doit rester une exception.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur Molinié, je vous remercie.

Nous allons maintenant statuer à huis clos.

*

* *

Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement sur la nomination, envisagée par M. le Président de la République, de M. Éric Molinié en qualité de président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Dix commissaires ayant pris part au vote et huit suffrages ayant été exprimés, la Commission donne un avis favorable, par huit voix pour et zéro contre, à cette nomination.

La séance est levée à 17 heures 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. — M. Émile Blessig, M. Serge Blisko, M. René Dosière, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, M. Charles de La Verpillière, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jean Tiberi, M. Christian Vanneste, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. — Abdoulatifou Aly, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Éric Diard, M. Guy Geoffroy, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Bernard Roman