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Mercredi 5 décembre 2007

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française.

Le président Patrick Ollier a remercié M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française, d’avoir bien voulu répondre à nouveau à l’invitation de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La précédente audition, le 14 novembre 2007, a été riche et stimulante mais s’est révélée trop courte. M. Attali a en outre indiqué que les travaux de sa commission toucheraient à leur fin en décembre et qu’il pourrait en dire un peu plus sur leurs possibles conclusions.

De plus, la commission souhaiterait connaître le sentiment de M. Attali sur les propos de MM. Gallois et Dassault au sujet des risques de délocalisations qui résultent de la parité actuelle entre l’euro et le dollar. La commission serait heureuse de connaître l’analyse de M. Attali sur ce point.

M. Jacques Attali se dit très honoré d’être une nouvelle fois entendu par la commission des affaires économiques et précise que la commission pour la libération de la croissance française, son président, son rapporteur général, Mme Josseline de Clausade, et l’ensemble de ses membres sont à la disposition des parlementaires.

La prochaine réunion plénière de la commission se déroulera au Sénat, un déjeuner de travail aura lieu avec le Premier ministre, puis toute une série de réunions de travail se tiendront avant une dernière réunion prévue le 5 janvier, au cours de laquelle le rapport sera finalisé. Celui-ci sera remis au Président de la République et au Premier ministre à partir du 8 janvier.

Les rencontres et les auditions progressent également. M. Attali a été reçu par les responsables de certains grands partis représentés à l’Assemblée, par des présidents de groupes et de commissions parlementaires, par des rapporteurs. Il demeure à la disposition des groupes parlementaires comme à celle des bureaux des grands partis, que ce soit avant ou après la remise du rapport.

La commission continue à recevoir beaucoup de personnalités, dont plusieurs commissaires et parlementaires européens. Un de ses membres, la députée européenne social-démocrate allemande Évelyne Gebhardt, fut rapporteure du Parlement européen sur la directive relative aux services dans le marché intérieur et possède une vaste connaissance de tout ce qui a trait à la régulation et à la dérégulation.

La commission est désormais à peu près au clair sur les grandes orientations de son rapport et sur les conditions dans lesquelles elle conçoit sa mise en œuvre. La façon dont a été reçue la première « salve » d’analyses et de propositions constitue à cet égard une leçon pour la suite. De ces éléments, qui ne représentaient que 5 % environ du total de ce que la commission avait à dire, on n’a retenu que le quart, à savoir ce qui pouvait être recommandé pour accroître la concurrence entre les grandes surfaces. Au surplus, cela a été retenu à l’envers : on a cru que la commission voulait ouvrir les portes aux grandes surfaces alors qu’il s’agissait de réduire les rentes de celles qui se sont déjà installées et de libérer du pouvoir d’achat. Les économistes ont d’ailleurs évalué à 10 milliards d’euros le gain de pouvoir d’achat qui serait dégagé par la levée des contraintes recommandée par la commission.

Cette dernière a pourtant émis concomitamment de nombreuses propositions concernant la défense et le renforcement du petit commerce, du commerce indépendant et des fournisseurs. Elle a préconisé beaucoup de mesures très fortes en matière de logement, notamment le renforcement du rôle de l’État et la transparence des organismes d’HLM.

Il lui faut donc faire mieux comprendre à l’opinion que ses propositions forment un tout et reposent sur un équilibre. Il ne peut y avoir plus de liberté s’il n’y pas plus de sécurité, et réciproquement. Il faut également remettre les propositions dans leur contexte, même s’il est vrai que souvent, l’opinion publique ne semble pas très au clair sur les enjeux qu’il comporte.

Nous sommes, nous Français, très attendus par l’Union européenne. La prochaine présidence française sera la dernière avant au moins quinze ans. Elle sera très importante non seulement pour nous et nos intérêts, mais aussi pour l’Europe, qui traverse une crise profonde de « leadership » et a besoin que de grands projets soient lancés. L’Europe doit être un des facteurs de croissance de la France, comme la France doit être un des moteurs de croissance de l’Europe. Si la France ne prend pas les initiatives qu’elle est seule à pouvoir prendre au cours de sa présidence, il est à craindre que le prix à payer ne soit considérable. La panne européenne concernera alors les grands projets, la stratégie face à la spéculation financière internationale, la réflexion sur les équilibres entre le pouvoir de la Banque centrale européenne et celui de l’autorité de gouvernance économique de l’Union monétaire, bref, toutes les dimensions européennes qui doivent être aujourd'hui pensées et dans lesquelles, si l’Europe doit apporter beaucoup à la France, la France peut aussi apporter beaucoup à l’Europe, tant par son moteur interne que par les propositions qu’elle doit avancer.

Au demeurant, de nombreuses propositions de la commission pour la libération de la croissance française peuvent être transposées assez rapidement au niveau européen.

L’appréciation globale de la commission est que la France a tout à la fois beaucoup d’atouts et beaucoup de difficultés. Parmi les atouts qui la privilégient par rapport à ses partenaires européens, on relève bien entendu sa situation géographique, sa démographie, son niveau technologique. Les difficultés concernent principalement la compétitivité, l’insuffisance de la mobilité sociale et la lourdeur étatique et bureaucratique. A cet égard, des actions simples peuvent être entreprises, autour desquelles se structurent la réflexion de la commission ainsi que ses propositions, qui aborderont les thèmes suivants.

Il est très important que certains domaines soient considérés comme porteurs de la croissance et soient mis en exergue, quels que soient les obstacles ou les blocages, afin que de grands programmes puissent être lancés.

Le premier est le domaine du numérique, qui recèle certainement plusieurs points de croissance. Il est urgent que la France lance un grand programme national, aussi important, sinon plus, que l’avait été en son temps l’aménagement du territoire. Cet « aménagement du territoire virtuel » doit faire l’objet de la même volonté politique non partisane. À l’heure actuelle, non seulement nous prenons du retard mais la multiplicité des agences régulatrices – pas moins de onze, mais certains en comptent quatre-vingts – a un effet paralysant. La commission fera des propositions très détaillées sur ce sujet.

Le deuxième domaine est celui de la santé, qui ne doit pas être considéré comme une charge. L’emploi du terme négatif de « charges sociales » est à cet égard une catastrophe : il désigne ce qui est en fait une prime d’assurance et que les gens accepteraient d’acquitter sous cette dénomination. La santé est un des secteurs de croissance de l’économie mondiale et la France est particulièrement bien placée, à condition que sa gestion soit efficace et qu’un choix conscient soit fait sur le caractère obligatoire, c'est-à-dire public, ou facultatif, c'est-à-dire renvoyé à l’assurance privée, des primes d’assurance.

Parmi les autres secteurs majeurs de croissance, on mentionnera également le tourisme, l’agriculture et les biotechnologies. Tous les grands chantiers qu’il faut lancer doivent s’inscrire dans le respect d’un certain nombre de fondamentaux, au premier rang desquels le développement de l’éducation, créateur de mobilité. On tiendra la clef qui permettra à la société d’avancer lorsque l’on aura créé les conditions d’une mobilité géographique, sociale et économique. Cela implique de profonds changements en matière de financement de l’enseignement supérieur, qui doit être très largement développé.

Il faut aussi faire tout ce qui est possible en faveur de la mobilité sociale, en particulier dans les banlieues, où l’on devra aller bien au-delà de l’aspect répressif.

Il est également nécessaire d’instaurer des conditions telles que plus personne ne puisse sortir de l’enseignement primaire et secondaire sans avoir les moyens de créer des richesses.

La commission travaille par ailleurs aux mesures juridiques, fiscales et administratives qui permettraient d’aider les PME et les TPE à croître et de conférer aux grandes entreprises des moyens supplémentaires pour exporter.

Une autre réflexion porte sur la gouvernance dans laquelle toutes ces mesures doivent s’inscrire. Qui fait la loi ? Comment celle-ci est-elle faite ? Comment est-elle proposée ? Comment peut-on simplifier l’appareil administratif ? Comment faire pour que les services de l’État et les collectivités publiques soient beaucoup plus réactifs et rapides, et se considèrent comme au service de la société et non comme un acteur en soi de la société ? Comment obtenir que les administrations publiques utilisent les nouvelles technologies tout en maintenant la proximité ? Comment, enfin, ramener les dépenses publiques à un niveau raisonnable ?

La commission prend en compte de nombreux travaux déjà réalisés, notamment ceux qui résultent des négociations sociales. Celles-ci sont en effet la clef des mutations à venir. Il faut que la gouvernance publique renvoie autant que possible à la négociation, qui doit être un préalable à la loi en particulier dans tous les domaines touchant à l’entreprise et au travail. S’il faut libéraliser très largement les conditions et la durée du travail, cela doit toujours être fait dans un contexte de négociation et d’accord entre les partenaires sociaux. Pour y parvenir, il est important que l’État réforme sa façon de s’organiser et de gouverner.

Au-delà, la commission proposera un calendrier de mise en œuvre de l’ensemble de ces réformes. Elle restera à la disposition du Gouvernement pour proposer les textes qui s’avéreraient nécessaires. Dans son travail, elle prend en compte les contraintes nécessaires, notamment l’obligation de réduire fortement les dépenses publiques et de ne pas augmenter la pression fiscale. Dans diverses autres instances, des propositions séduisantes ont été avancées, mais sans que l’on n’ait tenu compte de leur coût pour les finances publiques. Or cet aspect est d’autant plus important que l’on imagine mal la France prendre la présidence l’Union européenne avec des finances publiques en crise.

Il convient également d’avoir à l’esprit une contrainte plus globale. Nous sommes au début d’une crise financière internationale majeure. Le ralentissement très fort de la croissance américaine qui en résulte ne sera pas compensé, en dépit des espérances de certains, par les économies des pays en développement ou en passe de devenir des pays industrialisés car celles-ci n’ont pas la puissance nécessaire pour être des moteurs de substitution. L’économie de la spéculation continue à peser sur le cours du dollar et à conduire les entreprises qui y sont exposées à des délocalisations, ce qui correspond à leur rationalité propre. On ne peut en effet demander à des entreprises de se suicider alors que la rationalité des taux de change leur est étrangère. Pour prendre l’exemple d’Airbus, la réponse au problème des délocalisations n’est pas à Toulouse, mais à Francfort et à Bruxelles. Elle réside dans la capacité que les traités confèrent aux autorités européennes de faire en sorte que le taux de change, qui relève de la compétence partagée de l’Eurogroupe et de la Banque centrale, soit fixé de façon politique, ce qui est loin d’être le cas aujourd'hui.

Le président Patrick Ollier a approuvé la volonté affichée par M. Attali de ne pas aggraver les déficits publics. C’est d’ailleurs la commission des affaires économiques, dans le cadre du comité de suivi du Grenelle de l’environnement, qui a fortement incité le Gouvernement à garantir que les mesures à venir dans ce domaine seront prises à fiscalité constante. La superposition de mesures fiscales nouvelles ou de taxes pourrait devenir tout à fait insupportable.

Aujourd'hui, toutes les réflexions sur le pouvoir d’achat tournent autour de l’idée de revenus supplémentaires. L’actionnariat salarié, la participation, l’intéressement et le dividende du travail constituent à cet égard une piste intéressante. Cependant ne pourrait-on orienter aussi la réflexion sur le « dépenser moins » ou « dépenser mieux » ? La commission pour la libération de la croissance française le fait en proposant de renforcer la concurrence pour faire baisser les prix à la consommation. Se pose aussi le problème de l’explosion des charges locatives, de l’évolution du prix de l’eau ou de la prise en charge des ordures ménagères, ainsi que des dépenses de téléphonie. S’agissant des charges locatives, les mesures pour modérer les loyers ne changeront rien et dans bien d’autres secteurs l’augmentation de la dépense annulera, à terme, tous les efforts réalisés pour accroître le pouvoir d’achat.

L’État doit jouer un rôle de régulation et il existe sans doute des dispositions à prendre. La commission de M. Attali a-t-elle exploré ces pistes ?

M. François Brottes, s’exprimant au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, a remarqué qu’il est un peu facile d’invoquer la notion de fiscalité constante alors que les cadeaux fiscaux qui ont été accordés au mois de juillet dernier diminuent l’impact de l’impôt progressif et amoindrissent les ressources de l’État.

Le travail mené par la commission pour la libération de la croissance française est riche, dense et complet. Il possède, pour reprendre les termes du président Attali, une cohérence globale. Il s’apparente même à un programme de gouvernement, tant les éléments ayant trait à la méthode d’action et à la gouvernance sont nombreux. N’est-il pas à craindre que l’on aille butiner parmi ces propositions et que l’on n’en retienne que quelques-unes, qui risquent de se révéler, ainsi sorties de leur contexte, totalement incohérentes et contre-productives ? M. Attali ne maîtrisera pas l’usage qui sera fait de son rapport, lequel contient au demeurant, il faut en convenir, un certain nombre de propositions assez « décoiffantes ».

L’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture un projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, présenté par M. Luc Chatel et comportant un volet consacré à la grande distribution et au commerce de détail. Quel regard M. Attali porte-t-il sur ce premier ensemble de mesures, qui, pour l’essentiel, aboutit à une nouvelle définition du seuil de revente à perte ? Plusieurs députés ont dénoncé les inconvénients d’une telle disposition. En tout état de cause, on ne retrouve pas dans ce projet de loi la force des propositions de la commission pour la libération de la croissance française. Ainsi, l’instauration d’une autorité unique de la concurrence n’a pas été retenue. Les dispositions du texte adopté restent marginales par rapport à l’ensemble présenté par la commission.

M. Jean-Paul Charié, s’exprimant au nom du groupe UMP, a de nouveau fait part de son souhait d’être reçu avec plusieurs collègues par le président Attali, pour lui faire connaître le détail de certaines réflexions.

Comme l’a rappelé le président Patrick Ollier, le pouvoir d’achat dépend d’abord de la nuance entre le « pouvoir » et le « vouloir » acheter. La hausse du pouvoir d’achat a permis, dans un très court intervalle de temps, l’achat massif de téléphones portables. Cependant, cette augmentation du niveau de vie doit être çà et là relativisée, eu égard à ce qui est proposé au consommateur. Le pouvoir d’achat est aussi fonction de la diminution des coûts, qui peut dépendre des distributeurs et des fournisseurs. Le rôle de l’État en la matière est très important pour tout ce qui concerne le logement, l’éducation, les transports.

Toutefois le pouvoir d’achat est peut-être aussi dans les esprits, comme le souligne le président Ollier, et l’ensemble des prescripteurs devraient contribuer à ce que le consommateur en prenne conscience. Il y a quelques années, ne pas être riche signifiait ne pas même avoir les moyens d’acheter bon marché. Aujourd'hui, on sait que 60 % des achats effectués dans les grandes surfaces sont des achats que le client n’avait pas prévu de faire en entrant ! L’objectif est peut-être d’acheter moins cher, mais, quand on voit tout ce que les gens jettent, on se dit parfois que le commerce de proximité peut contribuer à renforcer le pouvoir d’achat dans la mesure où il ne fait pas dépenser plus que le nécessaire.

Le groupe UMP est entièrement d’accord avec un certain nombre des propositions de la Commission. La liberté des prix peut certes entraîner une diminution des prix et une augmentation du rapport qualité/prix, donc du pouvoir d’achat. Il faut cependant noter que la baisse des prix ne se traduit pas toujours par une hausse du pouvoir d’achat : mieux vaut acheter un peu plus cher un cartable qui va durer trois ans qu’un cartable à prix modique qui ne durera que trois mois.

Mme Catherine Coutelle a objecté qu’il faut déjà en avoir les moyens.

M. Jean-Paul Charié indique aussi que le groupe UMP est très favorable à une autorité de la concurrence unique et indépendante, ainsi qu’à certaines ententes qui peuvent être souhaitables et qui porteraient remède à un vrai problème franco-français : en effet, certains commerçants indépendants de centre-ville ne peuvent aujourd'hui passer des ententes pour répondre à des appels d’offres lancés par des établissements publics.

Le groupe souscrit également à tout ce qui a été dit sur le logement, sur les grands projets et sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il est grave que beaucoup de petites et moyennes entreprises, et parfois de grandes entreprises, n’aient pas adopté ces technologies.

En revanche, il est incompréhensible que la commission pour la libération de la croissance française en soit encore à penser que les grandes surfaces sont créatrices d’emplois, et même par centaines de milliers si on les libère de certains cadres juridiques. Les grandes surfaces ne sont rien d’autre que des commerces en libre-service sans vendeurs. Comment créer des emplois dans ces conditions ? Le petit commerce représente 3,5 fois plus d’emplois. Il ne s’agit pas de revenir à l’époque de la brouette, mais on ne peut soutenir que les grandes surfaces créent de l’emploi !

Sont-elles, pour autant, un facteur de baisse des prix, et donc d’augmentation du pouvoir d’achat ? Ce n’est pas toujours vrai. Il ne faut pas se montrer naïf et faire preuve au contraire de discernement : une fois qu’elles ont éliminé la concurrence des stations-service, des magasins d’électroménager ou d’autres enseignes, les grandes surfaces ne baissent plus leurs prix. Elles ont plutôt tendance à les augmenter.

Enfin, comment développer en France les grandes surfaces, comme le souhaite le président Attali, alors que, malgré des lois sur l’urbanisme commercial censées être les plus sévères au monde, la densité d’équipement commercial au mètre carré est dans notre pays plus forte que partout ailleurs ? Le document de la commission affirme que les lois Royer-Raffarin ont empêché leur implantation : encore faudrait-il le prouver ! En outre, comment poursuivre ce développement déjà considérable tout en maintenant le petit commerce ?

M. Daniel Paul, s’exprimant au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a déclaré souscrire à au moins une proposition de M. Attali, la dernière du document intitulé « Premières propositions sur le pouvoir d’achat » : permettre aux personnes âgées bénéficiant du minimum vieillesse de disposer du droit d’usage d’un logement social sans loyer jusqu’à leur décès. C’est en effet une proposition d’actualité.

Pour le reste, ce document consacré au pouvoir d’achat ne dit rien sur les salaires, rien sur les retraites, rien sur l’accumulation financière à un bout de la chaîne et sur l’extrême pauvreté à l’autre bout, y compris chez les salariés. Le développement de ce dernier phénomène est pourtant caractéristique de la période récente.

En matière de logement, le président Patrick Ollier a raison de souligner l’augmentation des charges locatives, liée souvent au coût de plus en plus élevé de l’énergie. Dès lors que le logement est éloigné des lieux de travail et des centres-villes, il faut prendre en compte le problème des transports. Sur ces questions, le document ne comporte aucune proposition alors qu’il s’agit d’un secteur où les coûts pour les usagers risquent d’exploser dans les prochaines années.

S’agissant de la grande distribution, M. Daniel Paul a indiqué que l’implantation de deux hypermarchés de la même « obédience » dans sa circonscription n’a nullement fait baisser les prix, les autres commerces ayant été presque tous éliminés. Et c’est maintenant la suppression des caissières est envisagé.

M. Jacques Attali recommande également une forte réduction de la dépense publique, mais c’est plutôt une demande de dépense publique, certes ciblée, que l’on observe aujourd'hui.

Au sujet des délocalisations, l’abaissement du cours de l’euro par rapport au dollar donnerait sans aucun doute des atouts importants à l’industrie. La région havraise, par exemple, abrite de grands groupes comme Renault, Total, des cimentiers ou des verriers qui souffrent cruellement du taux de change actuel. Pourtant, celui-ci nous permet de mieux supporter la hausse des prix de l’énergie et d’un certain nombre de produits importés. Qu’adviendrait-il si l’on réussissait à le modifier ? La solution ne serait-elle pas plutôt de passer des contrats en euros, comme on l’a fait en Chine ? Le document ne mentionne pas cette piste qui permettrait de se défaire quelque peu de la mainmise du dollar sur le commerce international.

Le président Patrick Ollier a souligné que M. Jean-Paul Charié a ouvert le débat de société sur la distinction entre l’utile et le superflu. Dans ce débat, le rôle régulateur de l’État doit être mis en avant. À ce titre, l’annonce, ce matin, d’une éventuelle hausse du prix du gaz est inacceptable. Le président Patrick Ollier a indiqué l’avoir signifié par écrit au ministre concerné.

L’État régulateur est quelque peu occulté dans les propositions de la commission pour la libération de la croissance française. L’augmentation du pouvoir d’achat est une conséquence souhaitée des gains de croissance que l’on tente de conquérir, et c’est dans ce contexte qu’il faudrait resituer le rôle de l’État régulateur, notamment en ce qui concerne le prix de l’énergie.

La semaine prochaine, la commission des affaires économiques soutiendra une proposition de loi visant à permettre le retour aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel. Ce texte résoudra partiellement le problème pendant une courte de période de trois ans. Il serait heureux que la commission pour la libération de la croissance française aille plus loin sur ce sujet.

M. Jacques Attali explique que la première partie du document qui a été remis aux membres de la commission des affaires économiques comporte déjà de nombreuses pistes pour augmenter le pouvoir d’achat. La commission pour la libération de la croissance française est par exemple très favorable à l’idée d’un quatrième opérateur de téléphonie mobile et à un renforcement significatif de la concurrence dans ce secteur.

À titre personnel, M. Attali se dit partisan du maintien de certaines gratuités, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, où ce qui est en train de se préparer comporte de grands dangers aussi bien pour les libertés publiques que pour le pouvoir d’achat. Cependant, la Commission ne s’est pas encore prononcée sur ce sujet.

Le rapport contiendra de nombreuses propositions pour la réduction des charges locatives, pour un meilleur accès des locataires au logement et, dans le même temps, pour une meilleure protection des propriétaires.

L’augmentation des dépenses contraintes tient souvent à des facteurs sociaux, en particulier la décohabitation, qui est une réalité de nos sociétés et avec laquelle il faut bien vivre.

Pour ce qui est des déficits de l’État, il est évident qu’il faut d’abord dépenser mieux, ce qui revient aussi à dépenser moins. La commission fera de nombreuses propositions en ce sens. Il lui semble possible de réduire les dépenses d’au moins 20 milliards d’euros par an.

Le rôle des consommateurs est important et la commission a beaucoup travaillé sur la proposition, examinée par le Parlement, qui vise à permettre les actions de groupe – les « class actions ». Cette proposition est très nécessaire, même si elle doit être envisagée de façon mesurée : la commission estime que les actions de groupe sont utiles à condition qu’elles ne donnent pas lieu à des dérives judiciaires excessives. De toute évidence, il y a là des réserves importantes de pouvoir d’achat.

Contrairement à ce que M. Brottes a suggéré, le travail de la commission ne constitue pas un programme de gouvernement. L’objectif est d’élaborer un programme non partisan, reposant sur l’idée qu’il existe dans la société française un certain nombre de choses qui s’imposent d’évidence et qui pourraient former pendant dix ou quinze ans un axe pour un ensemble de réformes. Ces réformes pourraient être « teintées » plus à gauche si un gouvernement de gauche est aux affaires ou plus à droite dans le cas contraire.

Elles représentent cependant un tout et M. Brottes a raison de craindre que, si l’on ne retient qu’un petit nombre d’entre elles, l’équilibre s’en trouve rompu. Ainsi, en matière de commerce, on court à la catastrophe si l’on n’adopte que la suppression des commissions départementales d’équipement commercial : il faut mettre en place dans le même temps une autorité de la concurrence très forte, sans laquelle la fin des CDEC se traduira par la constitution de monopoles et par le renforcement du pouvoir des grandes surfaces, que le rapport de la commission vise au contraire à réduire. Il en va de même pour toutes les autres mesures du rapport, concernant les délais de paiement des fournisseurs, le renforcement du plan local d’urbanisme, la réaffectation au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce – FISAC – des ressources de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat – TACA –, ce qui permettrait de financer les petits commerces et les petits fournisseurs. Si l’on ne met pas en œuvre ces dispositions, on n’aura rien fait : on aura même aggravé la situation existante.

Encore une fois, ces propositions forment un tout. Si l’on en retranche une, l’édifice s’effondre comme un château de cartes.

Commenter le projet de loi présenté par M. Luc Chatel serait s’instituer en « Léon Zitrone » de la politique gouvernementale. Ce texte s’inscrit néanmoins dans un contexte global de mesures que le Premier ministre et les ministres concernés présentent comme devant être mises en œuvre au cours de l’année 2008. Si rien n’est fait sur le seuil de revente à perte – qui est en réalité un seuil de connivence entre fournisseurs et distributeurs –, si rien n’est fait pour créer une autorité de la concurrence forte, si rien n’est fait en faveur des petits commerces, on ira à la catastrophe.

Citant M. Daniel Paul, qui a observé que les deux grandes surfaces implantées dans sa circonscription étaient de la même « obédience », M. Jacques Attali a souligné la justesse du propos : la clef du problème est bien l’absence de concurrence et la connivence entre grandes surfaces. La commission indique d’ailleurs dans son document préliminaire qu’elle souhaite une autorité de la concurrence forte non seulement dans le domaine de l’industrie, mais aussi dans celui du commerce afin de rendre impossible de tels cas de figure. Si une situation de monopole se crée dans une zone de chalandise, il faut la casser, y compris en allant jusqu’à casser les partenariats capitalistiques. Il n’y a pas de concurrence possible si la concurrence n’est qu’une avenue vers le monopole. D’où la nécessité d’une autorité de la concurrence forte, indépendante et dotée du pouvoir de casser les alliances capitalistiques.

Au total, si l’on ne prend qu’un petit nombre des propositions de la commission, on court à la catastrophe ; si l’on n’en prend aucune, on est dans la catastrophe.

D’autres dimensions doivent aussi être prises en compte. La loi Chatel constitue un premier pas, mais le tourisme, par exemple, est aussi un secteur clef. Or, pour ouvrir un hôtel de plus de trente chambres dans notre pays, il faut l’accord d’une commission où les hôteliers possédant eux-mêmes des hôtels de plus de trente chambres ont un droit de veto. Comment développer le tourisme dans ces conditions ? Le parc hôtelier français évolue de telle manière que seules les grandes chaînes peuvent s’installer, puisqu’elles siègent déjà dans lesdites commissions. Ainsi, le tourisme s’uniformise, les hôtels de proximité disparaissent et la diversité touristique de notre pays, si essentielle pour notre avenir, s’estompe.

Il faut aussi rendre le pouvoir aux élus et renforcer le plan local d’urbanisme. Il vaut mieux faire confiance à des personnes élues qu’à des ordres qui se sont parfois constitués dans des périodes antérieures à la République ou ayant formé une parenthèse dans son histoire. Le plan local d’urbanisme doit permettre d’imposer l’implantation des petits commerces et le pouvoir de préemption du maire sur les locaux commerciaux lorsque cela est nécessaire. Tout est possible, pour peu que l’on ne laisse pas un pouvoir de cooptation à certaines grandes surfaces.

Pour en venir aux remarques de M. Jean-Paul Charié, apprendre à bien consommer suppose que l’on renforce les associations de consommateurs. Par ailleurs, toutes les études économiques montrent que les grandes surfaces créent des emplois. En augmentant le pouvoir d’achat par la réduction des prix, elles libèrent une demande supplémentaire et créent de l’emploi non seulement dans le commerce, mais aussi dans l’industrie qui alimente celui-ci. En outre, les grandes surfaces sont également des centres commerciaux dans lesquels il y a des vendeurs. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire et à faire en matière d’urbanisme commercial, et le rapport y insistera davantage. Il est tout à fait possible d’imaginer des villages commerciaux de qualité qui n’enlaidissent pas les abords des villes.

Quoi qu’il en soit, les études économiques concluent unanimement que les mesures préconisées créeront plusieurs centaines de milliers d’emplois et une augmentation de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat par an.

M. Jean-Paul Charié demande à avoir copie de ces études.

M. Jacques Attali répond qu’il les tient à sa disposition, notamment celles de M. Francis Kramarz et de M. Elie Cohen, sur lesquelles la commission s’est beaucoup appuyée.

M. Daniel Paul a raison de souligner que le document ne traite que d’une partie des sujets relatifs au pouvoir d’achat. À l’évidence, l’augmentation des bas revenus, que ce soit sous forme de salaires et de retraites ou par une modification de la répartition de la valeur ajoutée aujourd'hui désastreuse entre profits et salaires, au détriment de ceux-ci, est une des conditions de la croissance.

Parmi les grands projets, l’importance des ports sera mise en exergue. Il faut donner une place beaucoup plus grande à deux d’entre eux : l’ensemble Le Havre-Rouen-Paris, qui devrait former une unité commune autour d’une autorité unique basée au Havre, et le port de Marseille. Aujourd'hui, Le Havre n’est plus que le quarante-neuvième port mondial, alors qu’il était encore le quarante-sixième l’année passée. Pour enrayer ce déclin, il y a beaucoup à faire en matière d’investissement, de règles sociales et d’efficacité dans le fonctionnement des structures.

Il est également essentiel que de plus en plus de contrats internationaux soient passés en euros. À cet égard, Airbus, qui produit en euros et vend en dollars, se trouve dans la pire des situations et il est normal que l’entreprise tente de s’équilibrer en produisant un peu en dollars. Néanmoins, il y a beaucoup plus à perdre à un euro faible qu’à un euro fort, ne serait-ce que dans le domaine de l’énergie, où un euro faible aurait des incidences catastrophiques sur les prix. L’euro fort nous permet de nous protéger des hausses, peut-être même à l’excès car cela risque de retarder les ajustements nécessaires en matière de consommation d’énergie.

De ce point de vue, il est crucial de mettre en place une politique européenne de l’énergie qui en protège la dimension de service public, afin que nos grandes entreprises énergétiques ne soient pas exposées à tous les vents de la concurrence mondiale et offertes à la convoitise de grands intérêts internationaux, ce qui serait une tragédie pour l’indépendance de l’Europe et de la France.

M. Yves Albarello, en tant qu’élu local, s’est réjoui que M. Jacques Attali souhaite rendre le pouvoir aux élus. En matière de logement toutefois, la commission pour la libération de la croissance française recommande d’« autoriser l’État à se réapproprier le foncier disponible des communes dans lesquelles la construction de logements sociaux ne répond pas aux objectifs de la loi SRU », et même, de façon encore plus restrictive pour les élus, de « donner aux préfets, par un texte spécifique, le pouvoir de relever d’autorité les coefficients d’occupation des sols (COS) à caractère manifestement « malthusien ». On a l’impression que ce texte, écrit pour un gouvernement de droite, revient sur des acquis de 1981 en remettant complètement en cause la décentralisation !

M. Philippe Plisson, reprenant l’affirmation selon laquelle le déficit budgétaire de la France entame sa crédibilité en Europe, a demandé si M. Attali est favorable au bouclier fiscal voté par le Parlement en janvier, qui aggrave ce déficit au profit d’une catégorie sociale déjà privilégiée.

Aux propos de M. Attali évoquant « un certain nombre de choses qui s’imposent d’évidence » à tous, on peut objecter qu’il peut y avoir différentes sortes d’évidences. Celui-ci martèle que la croissance résoudra tous nos maux et préconise une dérégulation économique et même écologique – avec l’abandon du principe de précaution – censée relancer cette croissance. Or, tant au sein du Grenelle de l’environnement qu’au forum de Bali, les dégâts d’un productivisme effréné sont unanimement reconnus. La consommation débridée prônée par la commission pour la libération de la croissance française, qui se traduira par plus de gaspillage, plus de déchets et plus de pollution, est-elle compatible avec les objectifs affichés dans ces deux instances ?

M. Antoine Herth a souhaité revenir sur les dispositions proposées pour « instaurer la libre entrée dans le commerce de détail et l’hôtellerie ». Il est préconisé de supprimer les CDEC et de s’en tenir aux règles du permis de construire. Or celui-ci a connu récemment une réforme et les municipalités disposent désormais de moins d’informations sur les bâtiments et les équipements qui seront installés, ce qui leur pose des difficultés : comment calibrer, dans ces conditions, les transports publics, les équipements scolaires ou bien encore le service de traitement des ordures ménagères ? Bref, le permis de construire est devenu un outil quelque peu aléatoire pour exercer un contrôle.

D’autre part, pourquoi ne trouve-t-on rien, dans le document de la commission, sur l’ouverture des commerces le dimanche ?

M. Jean-Louis Gagnaire a précisé que la recherche de l’efficacité de l’État ne signifie pas le démantèlement de l’État.

La grande distribution est un modèle dépassé. Avec la paupérisation de la société, certaines catégories sociales urbaines se fournissent dans les magasins low cost.

Dans ses « Premières propositions sur le pouvoir d’achat », la commission pour la libération de la croissance française assimile les livres aux autres produits. Remet-elle en cause la loi de 1981 relative au prix du livre, dite loi « Lang » ?

La démarche qu’elle adopte est toujours « top-down », empreinte de jacobinisme. Tout part de l’État et doit s’imposer aux collectivités territoriales alors que la France, d’après sa Constitution, est un pays décentralisé. Lorsque M. Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre, il a été question que le FISAC soit transféré aux régions. Est-ce toujours d’actualité ?

Mme Marie-Louise Fort a souhaité que le rapport traite de la question de l’éducation à la citoyenneté et à la consommation, qui doit accompagner les réformes, car certaines populations rencontrent énormément de difficultés pour gérer leur budget. S’agissant de l’éducation de manière générale, de l’école primaire à l’université, le rang occupé par la France dans les classements européens et mondiaux est malheureusement catastrophique.

Mme Geneviève Fioraso a déploré que la presse ne rende pas compte du programme global porté par la commission pour la libération de la croissance française et se contente de citer des « mesurettes ». M. Attali saura-t-il se montrer ferme sur les prix et défendre la cohérence de son rapport ?

Le pouvoir d’achat et la croissance dépendent aussi de la qualification des emplois et de l’économie de la connaissance, c’est-à-dire du niveau de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

L’idée des « écopolis » est très technocratique. Beaucoup de travail doit être fait sur la rénovation et la mixité des villes et quartiers existants. Même du point de vue du développement durable, il serait préférable de favoriser une densification intelligente.

M. Jérôme Bignon a témoigné de la difficulté à se faire une idée de l’esprit d’ensemble du futur rapport de la commission pour la libération de la croissance française. De plus, le temps de la pensée, de la réflexion, des propositions n’est pas exactement calé sur le calendrier parlementaire.

Les nouvelles technologies liées au développement durable ne sont pas citées parmi les secteurs porteurs. Le Grenelle de l’environnement constitue-t-il une contrainte ou une opportunité pour la croissance ?

M. Pascal Deguilhem a noté que le niveau de production immobilière de ces dernières années n’a pas permis de régler les problématiques du mal-logement et de l’accès au logement social. Dans l’agglomération de Périgueux, le nombre de logements sociaux créés est quinze fois inférieur à celui des logements construits grâce aux incitations fiscales telles que celles prévues par la loi de 2003, relative à l’urbanisme et à l’habitat, dite loi « de Robien » ; le parc qui en résulte est totalement inadapté aux besoins. Quel dispositif fiscal la commission pour la libération de la croissance française préconise-t-elle pour le secteur du logement ?

M. Alain Gest a dit comprendre l’intérêt écologique des « écopolis » puisque l’habitat consomme beaucoup d’énergie, mais préférer le concept de quartiers nouveaux à celui de villes nouvelles permettrait de régler le problème de l’initiative de leur création, qui n’est pas abordé dans le rapport de la commission. Par ailleurs, l’équilibre financier et l’impact sur l’emploi de ces opérations ne requièrent-ils pas des partenariats public-privé ?

Mme Corinne Erhel a demandé à M. Attali son avis sur l’avenir de la filière des télécommunications, fleuron de l’industrie française et européenne. Quelles suites seront données au rapport du groupe de travail présidé par M. Pascal Faure sur les perspectives du secteur des télécommunications ?

M. Michel Lejeune s’est déclaré dubitatif sur la question de « écopolis ». Avant de se lancer, il serait bon de se pencher sur la situation des villes nouvelles créées il y a quelques années, comme Le Vaudreuil.

Les zones rurales sont très sollicitées par des familles venant de la ville et souhaitant s’installer à la campagne. Un combat quotidien doit être mené contre des administrations comme la direction départementale de l’équipement (DDE) ou la direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF), qui empêchent les ménages de s’installer.

Le principe du financement de la rénovation des magasins et des vitrines par les grandes surfaces doit être maintenu, car il s’agit d’une contrepartie en faveur des petits commerçants, qui souffrent tant de la concurrence.

M. Serge Letchimy a estimé que les « Premières propositions sur le pouvoir d’achat » oublient une catégorie, celle des plus exclus et des plus démunis, qui n’ont même pas accès au logement social, et pas seulement outre-mer.

Pour que les collectivités locales puissent supporter la relance de la politique du logement, encore faudrait-il qu’elles en aient les moyens. Il serait regrettable de les déposséder de leurs prérogatives sur les schémas urbains en donnant au préfet la possibilité de relever les COS.

La réflexion de la commission pour la libération de la croissance française tient-elle compte du contexte économique de l’outre-mer ? Libérer l’installation des grandes surfaces en outre-mer ferait exploser les petits producteurs.

M. Martial Saddier s’est enquis de la compatibilité du programme de la commission pour la libération de la croissance française avec les politiques territoriales résultant notamment de la loi de 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ou de la loi de 1986 relative à l’aménagement, la protection et le mise en valeur du littoral.

Mme Michèle Delaunay a suggéré qu’un troisième ensemble portuaire soit soutenu sur l’arc atlantique, autour des équipements de Bordeaux, de La Rochelle et de Bayonne, afin de désengorger les routes, d’assurer un aménagement équilibré du territoire et de soutenir la comparaison avec les grands ports espagnols comme celui de Bilbao.

Mme Annick Le Loch a fait observer que Mme Laurence Parisot, au cours de son audition par la commission des affaires économiques le 19 novembre dernier, avait regretté que la politique économique française soit fondée sur la consommation et non sur la production. Or les propositions de M. Attali sont essentiellement axées sur la consommation et le pouvoir d’achat.

M. Jacques Attali a considéré que le renforcement de l’État n’est pas antinomique avec la démocratie, dans la mesure où l’État constitue l’incarnation des élus. Il existe trois niveaux fondamentaux d’exercice du pouvoir : les communes et les regroupements communaux ; les régions ; l’État. Les autres structures verront progressivement leurs compétences se regrouper, pour des raisons d’efficacité. Le pouvoir régional doit être renforcé, notamment en matière de formation professionnelle et d’urbanisme. La dimension communale ou « supercommunale » est également importante. Quant à l’État, il doit remplir son rôle, par exemple sur la question du logement : si les communes n’appliquent pas les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, il doit la faire respecter.

Le COS est un facteur de croissance fondamental et certaines communes en ont une conception malthusienne, au détriment de leur potentiel de développement. Il appartient au Parlement et au Gouvernement, dépositaires de la puissance publique, de se demander s’ils n’ont pas leur mot à dire. Lorsqu’une commune importante refuse ostensiblement la croissance, cela nuit à ses habitants et il est de la responsabilité de l’État et du Parlement d’intervenir.

Le bouclier fiscal est une mesure tout à fait raisonnable, dont le coût avoisine 500 millions d’euros. Pour qu’un ménage en demande le bénéfice, il doit se soumettre à des contrôles fiscaux, ce qui explique que certaines ne le fassent pas… Il conviendrait en revanche de repenser l’équilibre entre l’impôt sur la fortune et celui sur les successions, car ce dernier est facteur de mobilité sociale et de justice sociale. Il ne faudrait pas qu’une réduction excessive de cet impôt compromette et partant, obère notre potentiel de croissance.

L’industrie de l’environnement, ou « green economy », est un secteur extrêmement porteur. Le principe de Kyoto est une erreur stratégique : le problème de l’environnement ne pourra être réglé que par les technologies et non par des quotas bureaucratiques, les Américains l’ont beaucoup mieux compris que les Européens.

Tel qu’il est défini dans la Constitution, le principe de précaution est incompréhensible et risque de se traduire par une application réactionnaire et bloquante pour les initiatives, car les acteurs économiques ne voudront pas encourir le risque de s’exposer à des sanctions pénales. Il ne s’agit pas de contester le fond de ce principe, mais bien la rédaction qui a été retenue dans la Constitution. Les députés devraient travailler à une formulation plus claire. La France est du reste le seul pays européen à avoir inscrit ce principe dans sa loi fondamentale.

M. Jacques Attali a indiqué qu’il avait réaffirmé son adhésion au principe de précaution dans un courrier public au Président de la République mais qu’il avait soutenu son opposition à une rédaction inapplicable et dangereuse.

Il est souhaitable de développer les ouvertures du dimanche, mais de façon négociée.

Le rôle du PLU doit être renforcé en matière de logement.

Les bas prix constituent un sujet philosophique essentiel. Une réforme du système de distribution permettra de diversifier les magasins y compris de faire venir des magasins « low cost » en centre ville, ce qui n’est pas nécessairement néfaste. Les magasins « low cost » ne sont pas réservés au « lumpenproletariat », mais s’adressent à toutes les catégories de consommateurs – l’attrait de la Logan le montre –, qui peuvent ainsi gagner du pouvoir d’achat pour acquérir d’autres biens.

Il n’est pas question de toucher à la loi Lang ; les secteurs de la librairie et de la culture doivent être exclus de la concurrence. À cet égard et à titre personnel, M. Jacques Attali a affirmé son hostilité à la réforme de la gestion des droits numériques annoncée, accompagnée d’une surveillance des internautes.

Les grandes surfaces doivent effectivement être associées, d’une façon ou d’une autre, au financement de la réhabilitation du petit commerce. Le rôle des régions dans la gestion du FISAC doit être renforcé.

L’éducation citoyenne est cruciale. Ce sujet invite à se poser la question vertigineuse de la dégradation de la place de la famille et des parents.

La commission pour la libération de la croissance française sera vigilante pour que la cohérence globale de ses propositions soit garantie, faute de quoi elles perdraient de leur efficacité.

La commission pour la libération de la croissance française a beaucoup réfléchi sur les « écopolis », au cours d’une multitude de réunions de travail. Elle préconise l’aménagement de villes dans des zones nouvelles, même si les quartiers existants doivent être modernisés. Des opérations d’intérêt national devront être menées pour dépasser les obstacles administratifs, politiques et juridiques, et pour que ce nouveau type d’urbanisme offre une vitrine intéressante. L’État ne doit pas renoncer à son rôle en matière d’urbanisme. S’agissant du calendrier, il importe d’agir le plus rapidement possible. Les hommes d’État se distinguent des hommes politiques en ce qu’ils acceptent d’être provisoirement impopulaires.

La construction de logements est de moins en moins active : en 2007, elle sera inférieure aux prévisions et, en 2008, elle suivra encore une courbe descendante. Un toilettage important des dispositifs fiscaux s’impose pour réorienter la production vers des types de constructions plus utiles.

La réflexion sur les « écopolis » a été conduite avec des ministères et des entreprises privées. Il semble que leur construction pourrait être neutre pour la dépense publique car beaucoup de groupes sont prêts à s’impliquer, soit dans le cadre de partenariats public-privé, soit de façon purement privée.

La filière des télécommunications, comme celles de la défense et de l’électronique, est hautement stratégique. Il faut éviter que ne se reproduise l’expérience désastreuse que nous avons connue avec Alcatel.

Certaines villes nouvelles ne sont effectivement pas des réussites mais Cergy-Pontoise et quelques autres peuvent être considérées comme des exemples. Et puis, les 36 000 communes sont-elles toutes des réussites ?

La commission pour la libération de la croissance française devra se pencher sur la question de la très grande pauvreté.

Le rapport final contiendra également des propositions spécifiques concernant l’outre-mer.

Les lois « littoral » et « montagne » sont excellentes et ne créent pas de blocages.

Un pôle portuaire d’équilibre est nécessaire au sud de la Bretagne.

L’avenir de la compétitivité française passe par une politique de l’offre. Il n’y a pas de pouvoir d’achat sans justice sociale mais le pouvoir d’achat sans l’offre favorise les importations.

Le président Patrick Ollier a proposé à M. Attali que la commission le reçoive de nouveau. Une évolution s’est manifestement produite : chacun a pris conscience que les propositions de la commission pour la libération de la croissance française forment une architecture globale. Le projet qu’elle soumet constitue une révolution culturelle enthousiasmante, quoique difficile à assumer, au même titre que les conclusions du Grenelle de l’environnement.

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