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Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Mercredi 7 mai 2008

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 49

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– En perspective de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie : Audition – Table ronde, ouverte à la presse, sur la « mobilisation des entrepreneurs » (n° 842) (M. Jean-Paul Charié, rapporteur)

M. le Président Patrick Ollier a remercié M. Jacques Creyssel, Directeur général du Mouvement des entreprises de France – MEDEF –, M. Alain Griset, Président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers – APCM –, M. Yvon Jacob, Président du groupe des fédérations industrielles – GFI –, M. Jean-Louis Jamet, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises – CGPME – et M. André Marcon, Premier vice-président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie – ACFCI –, d’avoir répondu à l’invitation de la commission pour cette deuxième table ronde consacrée à l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie. Il les a invités à donner leur avis sur le titre premier du projet de loi portant sur la mobilisation des entrepreneurs, le travail de la commission consistant à réfléchir aux moyens de faire évoluer le texte en fonction des propositions des uns et des autres, en vue de l’amélioration du dispositif. Il a salué le travail remarquable effectué par le rapporteur, M. Jean-Paul Charié, qui procède également à des auditions personnelles qui l’occupent sans relâche. Mme Christine Lagarde, accompagnée des secrétaires d’État Hervé Novelli et Luc Chatel, ainsi que de M. Eric Besson, secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, a été entendue hier après-midi et le sera à nouveau mercredi prochain, la réunion d’hier n’ayant pas permis de venir à bout de toutes les questions.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a invité les différents représentants du monde de l’entreprise à exposer de la façon la plus directe possible les principaux points qui les préoccupent. C’est ainsi que la réunion sera la plus efficace.

M. Alain Griset a souligné l’importance du projet de loi de modernisation de l’économie pour les entreprises artisanales, qui sont aujourd’hui 920 000, contre 800 000 en 2000, et qui ont créé, chaque année, 60 000 emplois en solde net.

Le thème qui les intéresse le plus est, à n’en pas douter, le statut de l’entrepreneur individuel. La France compte 2,5 millions d’entreprises dont la moitié des dirigeants considèrent, quelle que soit la politique menée en la matière, que se mettre à son compte est un acte personnel et n’ont pas envie de se mettre en société. Qui plus est, entre 50 et 60 % de sociétés sont fictives : on demande à un ami ou à un cousin de créer une société afin de bénéficier d’un avantage fiscal ou social.

L’APCM souhaite des règles économiques conformes aux réalités de l’entreprise et privilégiant, d’une part, simplicité et traitement équitable, quel que soit le statut juridique de l’entreprise et, d’autre part, la simplicité.

Aussi, le statut de l’entrepreneur individuel doit comporter deux éléments essentiels.

Le premier est la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur. Dans le projet de loi de modernisation de l’économie, l’insaisissabilité de la résidence principale prévue par la loi Dutreil devrait être étendue à des biens bâtis ou non bâtis non affectés à un usage professionnel. Pour l’APCM, mieux vaudrait ne prendre en considération que le patrimoine affecté à l’entreprise qui figure dans le bilan comptable. Les banquiers pourraient objecter que cela les priverait de garanties, mais l’artisanat a mis en place des systèmes de cautionnement mutuel –SIAGI et SOCAMA – qui offrent jusqu’à 70 % de garanties aux banquiers. Si l’on veut encourager les Français à s’engager dans l’entreprise, il faut leur permettre d’utiliser le statut qui leur est le plus favorable : il suffit de quelques minutes au CFE – le centre de formalités des entreprises – de la chambre de métiers pour être inscrit en tant qu’entreprise individuelle, sans autre formalité. Pour autant, tous les entrepreneurs individuels disposent d’un expert-comptable ou d’un centre de gestion habilité et présentent les mêmes bilans fiscaux que n’importe quelle autre entreprise.

Il convient également d’améliorer l’équité dans le statut de l’entrepreneur individuel. Aujourd’hui, l’entrepreneur individuel paie des charges sociales et l’impôt sur le revenu sur la totalité de son bénéfice, quand bien même il en réinvestit une partie dans l’entreprise. Dès lors que cela favorise le développement de l’économie, cette partie ne devrait pas entrer dans la base des cotisations sociales et de l’impôt.

Ces adaptations sont absolument prioritaires et concernent 1,5 million d’entrepreneurs.

L’APCM formule également trois propositions qui vont dans le sens de la simplification.

La première est une simplification de la fiche de paie. Beaucoup d’initiatives ont déjà été prises. M. Renaud Dutreil a mis en place le chèque emploi entreprise, utilisé par 70 000 entrepreneurs. Compte tenu de la difficulté que cela représente, l’APCM renonce à l’idée de la ligne unique. Elle souhaite toutefois qu’une disposition soit adoptée par le Parlement afin que les modifications de taux des cotisations sociales interviennent à une date unique dans l’année.

La deuxième proposition concerne les CFE : alors qu’ils sont destinés à faciliter les formalités des entreprises, un grand nombre d’organismes d’État et d’administrations continuent à interroger les entrepreneurs trois ou quatre fois par an, parfois pour obtenir les mêmes renseignements. L’APCM propose que l’ensemble des administrations soient tenues d’interroger préalablement les CFE, qui, neuf fois sur dix, détiennent l’information.

Enfin, alors qu’il est prévu d’étendre le rescrit social aux travailleurs indépendants, l’APCM souhaite qu’il soit généralisé afin que tout défaut de réponse de toute administration, dans un délai donné et raisonnable, soit considéré comme une réponse positive.

M. André Marcon a souscrit aux propos de M. Griset. Il a regretté que l’ACFCI n’ait pas été davantage consultée alors qu’elle regroupe les élus des entreprises. Imaginerait-on d’élaborer une loi agricole sans demander leur avis aux agriculteurs ? Qui plus est, comment de ne pas s’étonner que ce nouveau texte soit en contradiction, notamment en ce qui concerne l’urbanisme commercial, avec des propositions des commissions précédemment mises en place par M. Renaud Dutreil ?

Le projet de loi de modernisation de l’économie comporte néanmoins de très bonnes dispositions, même si elles méritent d’être complétées.

Tout en souhaitant un meilleur encadrement, les chambres de commerce et d’industrie considèrent apprécient en particulier les mesures relatives au statut de l’auto-entrepreneur. Elles y voient une « antichambre » de la création d’entreprise, qui répond à trois préoccupations : permettre aux chefs d’entreprise de proposer du travail afin qu’il soit possible de « travailler plus pour gagner plus » ; lutter contre le travail au noir, galopant dans de multiples activités, notamment de services ; faciliter l’accès au statut d’entrepreneur. Ce statut doit donc être limité dans le temps afin de devenir « le contrat à durée déterminée (CDD) de la création d’entreprise ».

M. Jacques Creyssel s’est félicité que les représentants des entreprises aient été, comme toujours, largement consultés en amont.

Pour le MEDEF, le projet de loi est globalement positif, en particulier parce que trois séries de dispositifs paraissent très intéressantes pour soutenir la croissance.

La première série vise à l’allègement des contraintes, particulièrement lourdes pour les PME. Le rescrit social, le rescrit crédit impôt recherche, la simplification du fonctionnement des SARL et des SAS, les dispenses d’immatriculation pour certaines activités, le lissage des effets de seuil vont dans le bon sens, même si l’on pourrait simplifier encore.

Le renforcement de la politique de l’offre va également dans le bon sens. La France souffre d’une insuffisance d’offre. Tout ce qui permet de favoriser l’investissement dans les entreprises est bon, notamment la création de fonds communs de placement à risques contractuels, l’assouplissement des fonds d’investissement de proximité – FIP –, l’élargissement des missions de la Caisse des dépôts.

Enfin, les dispositions destinées à renforcer l’attractivité paraissent également positives, en particulier celles qui portent sur la transmission des entreprises, les impatriés ainsi que sur la place financière de Paris.

Le MEDEF regrette cependant que le texte ne soutienne pas davantage la croissance des PME françaises, qui sont plus petites et qui progressent moins vite que dans les pays voisins. Cela est en partie dû à l’insuffisance des business angels, onze fois moins nombreuses qu’au Royaume-Uni, où l’avantage fiscal est également onze fois supérieur. Il importe donc d’améliorer de manière significative les déductions fiscales pour investissement dans les business angels à l’occasion non seulement de l’amorçage mais aussi du développement des entreprises. Cela avait été envisagé lors des contacts entre le MEDEF et le gouvernement mais ce dernier a reporté l’examen de cette disposition à la prochaine loi de finances. Il aurait pourtant été bon d’envoyer dès maintenant un signal fort.

M. Jean-Louis Jamet a souscrit à la plupart des remarques de M. Creyssel. Pour la CGPME, le projet de loi est favorable aux entreprises, même des aménagements paraissent nécessaires à la marge sur un certain nombre d’articles. Le statut de l’entrepreneur individuel, et la simplification des prélèvements paraissent particulièrement intéressants, tout comme le rescrit social et le développement du financement des PME.

S’il est bon de faciliter l’accès des « PME innovantes » à la commande publique, l’expression est un peu malheureuse dans la mesure où toute entreprise qui veut survivre doit être innovante à un moment donné. La Confédération souhaite donc que toutes les PME puissent soumissionner dans le cadre des marchés publics, en recourant le cas échéant à des variantes non prévues dans le cahier des charges.

L’élargissement du crédit d’impôt dit « Madelin » permettra de renforcer les fonds propres. Les mesures visant à favoriser la reprise et la transmission et à harmoniser les droits d’enregistrement vont aussi dans le bon sens. Les différences de taux entre SARL et entreprise individuelle paraissent anormales. Donner une seconde chance aux entrepreneurs est une véritable révolution.

Si l’on manque de business angels, ce sont surtout le poids de la fiscalité et la baisse des marges des PME qui les privent des fonds propres nécessaires à leur développement. Sous prétexte de développer la croissance, il est proposé de tout libéraliser, y compris la négociation commerciale entre les différents acteurs. La CGPME a toujours soutenu un libéralisme tempéré. Même aux États-Unis, il y a des règles. Si seule prévaut la loi du plus fort, les choses vont devenir très difficiles et PME et producteurs ne pourront résister aux monstres mondiaux de la distribution. Dans des sports comme le judo ou la boxe, l’existence des catégories empêche que les plus petits n’affrontent les plus gros...

Alors que la France est leader mondial et exportatrice en matière d’équipement commercial, il s’agit d’un domaine où aucun texte antérieur n’a donné de résultats et où l’on ne sait plus quoi faire.

S’agissant des commissions départementales, la CGPME souhaite qu’elles comportent au moins un représentant des entreprises. Il conviendrait aussi que les hôtels restent soumis à la procédure d’autorisation et que les schémas de développement commercial permettent une harmonisation des équipements sur le territoire. Si l’on n’utilise pas les études réalisées en matière d’urbanisme commercial, on aura encore travaillé pour rien.

Enfin, la CGPME souhaite que le livret A soit affecté aux PME et ne soit pas fusionné avec le livret de développement durable.

M. Yvon Jacob a centré son propos sur l’article 6 qui porte sur la réduction des délais de paiement, sujet capital pour le GFI qui se réjouit que le Gouvernement ait eu le courage de proposer une telle réforme.

En la matière, le premier enjeu est celui de l’équité dans les rapports, d’une part, entre les entreprises et, d’autre part, entre « dominants » et « dominés ». Avec l’Italie et l’Espagne, la France est en queue de peloton en Europe pour les délais de paiement, ce qui prive les dominés, c’est-à-dire les plus petites entreprises, des moyens financiers nécessaires à leur croissance. Réduire les délais de paiement, c’est permettre à ces entreprises de transférer vers le financement de l’investissement, donc de la croissance l’argent qui est immobilisé dans le financement du crédit inter-entreprises. Rares sont les secteurs professionnels qui n’accueillent pas ces dispositions avec enthousiasme.

Le deuxième enjeu est celui de l’efficacité économique. Il y a une corrélation étroite en Europe entre le taux de croissance et les délais de paiement : plus ces derniers sont courts et plus la croissance est élevée. Cela se vérifie tout particulièrement en Allemagne et dans les pays scandinaves.

Afin d’améliorer le texte, la représentation nationale doit tout d’abord être consciente qu’un contrôle est indispensable pour que les dispositions envisagées soient pleinement efficaces. Il convient en particulier que les commissaires aux comptes soient obligés de faire mention, dans leurs certifications, des délais de paiement pratiqués, qui doivent figurer dans les rapports annuels des entreprises, de façon à mettre en évidence les mauvaises pratiques. Il faudrait également prévoir des sanctions financières – amendes ou possibilité de débiter les frais afférents – en cas de mauvais paiements.

Cette nouvelle réglementation va par ailleurs provoquer un séisme temporaire. Aussi faudrait-il que le système bancaire soit davantage ouvert aux besoins de crédit de certaines entreprises.

Il serait également bon, même si cela ne peut pas être inscrit directement dans la loi, que les pouvoirs publics montrent qu’ils s’intéressent de très près au problème des retards de paiement de l’Etat, des collectivités territoriales et de l’ensemble du secteur public.

En réponse à cette remarque de M. Yvon Jacob, M. François Brottes a souligné que les collectivités territoriales sont irréprochables en ce domaine puisqu’elles sont d’ores et déjà soumises à des dispositions contraignantes qu’elles ont à cœur de respecter quelle que soit leur couleur politique.

Il a ensuite fait observer que le « tous entrepreneurs » - sur le modèle du « tous propriétaires » - peut créer l’illusion que tout le monde peut devenir chef d’entreprise alors que cela suppose quand même un certain talent.

On risque aussi d’instaurer une concurrence déloyale entre celui qui dispose à la fois d’un travail et d’une entreprise, avec les facilités de gestion offertes dans ce cas, et celui qui n’a qu’une entreprise, avec des coûts sensiblement supérieurs pour accéder à la même clientèle.

Ces dispositions risquent également de créer des liens de subordination, un chef d’entreprise pouvant être tenté, au lieu de salarier une personne, de lui demander de se mettre à son compte pour le faire travailler, ce qui sera moins onéreux pour lui. Cela créerait un système avec un seul client et un seul prestataire, comme on a pu en voir dans la filière bois, où la responsabilité est parfois portée par le prestataire et non par l’entreprise maître d’ouvrage.

Même si, à la différence des élus de l’opposition, les représentants des entreprises ont été consultés sur ce projet présenté comme « fondateur », un certain nombre de dispositions susceptibles de répondre à leurs préoccupations font encore défaut.

C’est en particulier le cas de ce qui touche à l’outil de travail. Le texte est ainsi muet sur les baux commerciaux alors que la pérennité de la situation des commerçants et des artisans est grandement menacée par la spéculation immobilière, y compris en dehors des centre-ville. Or, si l’on veut des clients, on a besoin d’un lieu où les recevoir.

Le texte ne prévoit rien non plus en ce qui concerne les assurances. Pourtant, nombre de petites entreprises qui essaient de se développer sur des marchés parfois compliqués et ambitieux ne trouvent pas d’assureurs, ces derniers n’étant en rien contraints d’assurer le risque lié à l’activité économique. Veut-on laisser ceux qui bénéficient des assurances en situation de monopole ?

Rien n’est fait par ailleurs pour permettre une vraie concurrence, dans le cadre de l’ouverture des marchés, au bénéfice du client final. L’acheteur final étant souvent en lien avec la grande distribution, cela renvoie à la notion de négociabilité des conditions de vente, sur laquelle il serait intéressant de connaître l’avis des entreprises.

Comment ne pas s’étonner enfin que le texte ne fasse aucune mention de l’envolée des prix de l’énergie, qui représente pourtant un poids considérable dans l’économie ? Là aussi, il serait intéressant de connaître la position du MEDEF, à un moment où la hausse du coût des matières premières met de nombreuses entreprises en difficulté.

M. le Président Patrick Ollier a rappelé que le débat portait uniquement sur le titre premier du projet de loi

M. François Brottes a demandé à M. Jacob s’il croyait vraiment que le texte imposera le respect des délais de paiement. Dans le rapport de force entre un client et un prestataire, celui qui protestera contre un délai de paiement trop long ne risquera-t-il pas tout simplement de perdre le marché ? A quoi bon adopter des dispositions dont on sait qu’on ne pourra les faire respecter ?

Mme Catherine Vautrin a indiqué que les parlementaires UMP ont constitué des groupes de travail sur le rapport Attali dont ils souhaitent ajouter, par voie d’amendement, certaines propositions au projet de loi de modernisation de l’économie. Ils partagent, notamment, l’analyse de M. Jacques Creyssel sur les business angels et réfléchissent sur le sujet. Ils considèrent également que le chèque emploi entreprise pourrait être étendu aux entreprises comptant moins de vingt salariés, ce qui serait important pour les PME.

Certaines activités sont consommatrices d’espace, notamment dans les agglomérations. Le projet traite des transformations des locaux d’habitation en locaux commerciaux ou à usage mixte ainsi que des rez-de-chaussée d’immeuble, mais il n’est pas question de l’accès au foncier. Les parlementaires UMP travaillent sur le sujet, notamment sur les problèmes de dépollution et d’accès aux friches.

S’agissant des délais de paiement, ils ont été interpellés sur la notion de réserves par certains industriels, notamment par des sous-traitants de l’automobile et des entreprises travaillant dans le secteur de la métallurgie, ainsi que par des représentants de chambres de commerce. Prétexter, pour prolonger les délais de paiement, que l’on a besoin de maintenir des réserves ou que la pièce fournie n’est pas tout à fait conforme est parfois un bon moyen de se faire de la trésorerie à bas coût. Le projet de loi prévoit une possibilité de négociation secteur par secteur. Est-ce suffisant ?

M. Lionel Tardy a regretté que les banques soient les grandes absentes du projet de loi – comme d’ailleurs des auditions de la commission –, ce qui signifie que les problèmes de trésorerie, de fonds de roulement et de capitaux perdureront. Si les entreprises avaient des moyens supplémentaires, il y aurait moins de soucis pour les délais de paiement et il ne serait pas nécessaire de légiférer à ce sujet.

On peut en effet s’interroger sur l’impact des dispositions prévues si elles ne sont pas assorties de sanctions. L’introduction de la notion de délai abusif permettra néanmoins à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – d’intervenir en se substituant aux fournisseurs. C’est un signal fort car, en général, le fournisseur n’ose jamais poursuivre son client.

Le rôle du commissaire aux comptes est important. La sanction ne suffit pas ; il faut également inciter. Si l’on peut noter les entreprises par rapport à leurs délais de paiement, comme on le fait par rapport à la qualité de leur bilan, cela permettra d’orienter les actions de la DGCCRF qui ne dispose que de 3 500 agents sur le territoire. La crainte d’un «gendarme»  peut avoir un effet sur les « moutons noirs ».

Les dispositions relatives aux délais de paiement devant produire un choc psychologique, mais il faut éviter au maximum les dérogations. Les motifs pour s’y soustraire sont légion : stocks à gérer, financement de la surface commerciale, organisation d’une exposition. Il faut fixer, pour l’ensemble des secteurs, un délai de soixante jours – avant de le réduire – pour que tout le monde y adhère, quitte à exclure les délais de paiement de la négociation car ils servent souvent de prétexte.

Il est également important d’inverser le rapport de force en faveur du fournisseur, qui doit redevenir la pièce maîtresse et ne plus être à la merci du client.

Le point le plus important est le financement de la période transitoire. Puisque les banques ne veulent pas, comme dans d’autres pays, financer les fonds de roulement, un fonds de financement pourrait être confié à OSEO pour apporter des garanties auprès des banques et des organismes financiers permettant de financer les besoins en fonds de roulement des entreprises pendant cette période.

M. Bernard Gérard s’est déclaré très intéressé par les propos de M. Griset sur l’extension du rescrit social aux travailleurs indépendants prévue à l’article 2. Il s’agit d’une réponse adaptée, intelligente et pertinente pour l’ensemble des chefs d’entreprise qui, parfois, hésitent à agir dans un certain nombre de domaines parce qu’ils craignent que leurs initiatives ne soient suivies d’un contrôle par l’URSSAF. De très nombreux chefs d’entreprise se voient infliger des sanctions par ces organismes pour un petit dépassement de la valeur du chèque-restaurant, alors qu’ils essayaient, par ce biais, de donner un peu de pouvoir d’achat supplémentaire à leurs salariés. Qui plus est, l’URSSAF a le droit d’asseoir les pénalités non seulement sur la part de dépassement mais aussi sur l’intégralité de la somme, ce qui est une catastrophe. Par ailleurs, un certain nombre de chefs d’entreprise hésitent à proposer des heures supplémentaires et les experts-comptables à en conseiller parce qu’ils craignent des contrôles des mêmes organismes. Le rescrit offre une sécurité juridique puisqu’il permet d’interroger les organismes et d’avoir une réponse préalable. Le projet de loi donne une occasion unique de le développer, comme le souhaitent les avocats, les experts-comptables et les chefs d’entreprise.

Mme Geneviève Fioraso a regretté le manque d’ambition du projet de loi. S’il comporte des dispositions qui vont dans le bon sens, il semble n’avoir pour objectif que de rassurer les petites structures – au nombre de 2,5 millions en France – et de les pérenniser. Pour être compétitif et créer des emplois, un État ne doit-il pas, au contraire, aider les entreprises à grandir afin de devenir de grandes PMI-PME ? L’Allemagne et l’Italie y parviennent, pas la France. Certains leviers ne sont pas utilisés, tels que l’accompagnement de la croissance des entreprises ou l’augmentation des fonds propres. Si l’on ne parle que des auto-entrepreneurs et des petites structures, on individualise culturellement le chef d’entreprise et on laisse encore croire que tout le monde peut créer une entreprise avec un euro, alors que les entreprises ont besoin d’être capitalisées et d’avoir des chefs d’entreprise compétents. Cet état d’esprit va à l’encontre de ce qui devrait être fait pour agir sur la croissance : être ambitieux à l’exportation, mutualiser les entreprises, faire en sorte que les organismes de recherche travaillent avec les PMI-PME, comme avec les grands groupes. Ces derniers sont absents du texte, tout comme les collectivités territoriales, qui ont pourtant leur mot à dire dans le cadre des pôles d’activité.

M. Olivier Carré a demandé à M. Yvon Jacob s’il juge satisfaisant le plafond de quarante-cinq jours ou s’il recommande de réduire encore les délais à la moyenne européenne qui est de trente jours. Dans ce cas, pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?

M. Marc Goua a, comme M. Lionel Tardy, regretté l’absence des banquiers à cette table ronde, alors qu’il aurait été intéressant de les interroger sur la manière dont ils envisagent de réagir face aux sérieuses difficultés de financement que la nouvelle réglementation relative aux délais de paiement risque d’entraîner dans un premier temps pour beaucoup d’entreprises. Il s’est étonné par ailleurs que le représentant de l’APCM ait été le seul à parler du report partiel ou total d’imposition des bénéfices réinvestis dans l’entreprise qui serait pourtant la mesure la plus efficace pour muscler les entreprises et les faire évoluer vers une taille plus importante.

M. le Président Patrick Ollier a précisé que le rapporteur avait auditionné des banquiers.

M. Alain Griset a indiqué que, conformément à la volonté du président Ollier, il ne répondrait qu’aux questions concernant le titre premier. L’APCM comprend la philosophie du projet de loi selon laquelle une mini-activité ne devrait pas avoir à supporter de charges avant de percevoir de recettes. En revanche, elle ne juge pas utile de créer un statut supplémentaire. Il suffirait de prévoir qu’un entrepreneur individuel, dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas un certain montant, bénéficie d’une franchise fiscale et sociale, pour répondre à la volonté du Gouvernement et pour régler le problème sans créer un nouveau statut, qui risque peut-être de complexifier encore le droit français. Au nom des chambres de métiers de France, M. Griset s’est déclaré prêt à examiner des modalités d’inscription facilitées et peu coûteuses dans les CFE pour ce type d’entreprise.

Il s’est réjoui que les membres de la commission aient semblé souscrire aux propositions qu’il a faites concernant l’entreprise individuelle. Le Small Business Act – SBA – requiert une décision courageuse de la France. Si le dispositif concerne les entreprises jusqu’à 2 000 salariés, il ne sert à rien. Il doit s’appliquer uniquement aux PME qui emploient, au maximum, 250 personnes, lesquelles représentent 98 % des entreprises françaises. Par ailleurs, si le SBA ne donne lieu qu’à des déclarations d’intention au niveau européen et non à des mesures opposables aux États, il n’est d’aucune utilité. Enfin, il faut partir du principe que toutes directives et toutes lois contraires à l’intérêt des entreprises visées par le SBA devraient être proscrites. Faute de cela, le SBA est inutile.

L’APCM se félicite également que le projet de loi prévoie des mesures en faveur du repreneur lors des transmissions, et non plus seulement du cédant comme dans les lois précédentes.

M. Griset a répondu à M. Brottes qu’en ce qui concerne les délais de paiement, la relation entre l’artisan et la grande entreprise peut être très contraignante. S’il y a pénalités, il faut qu’elles soient obligatoires et automatiques car toute réclamation de l’artisan le condamne à ne plus travailler ensuite avec l’entreprise concernée.

Pour ce qui concerne les banques, l’APCM a regretté, en son temps, la disparition des prêts bonifiés pour l’artisanat, qui étaient un bon levier pour développer le crédit. Faute de pouvoir les rétablir, il faudrait prévoir un soutien de l’État aux sociétés de caution mutuelle qui permettent à l’artisanat d’accéder plus facilement aux crédits bancaires.

Mme Fioraso a reproché au projet de manquer d’ambition, mais le lissage des seuils permettra aux entreprises de croître. Beaucoup d’entreprises artisanales s’arrêtent au seuil de neuf salariés, car aller au-delà a de fortes conséquences.

S’agissant des baux commerciaux, il y a en effet un vrai problème d’accession en centre-ville. La loi sur la préemption des fonds de commerce doit être améliorée, en donnant, en particulier, la possibilité aux collectivités publiques d’utiliser le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce – FISAC – pour mettre en œuvre la préemption.

M. le Président Patrick Ollier a indiqué qu’une discussion sur ce sujet était en cours avec le Gouvernement.

M. Jacques Creyssel a précisé qu’il était bien conscient que le projet de loi de modernisation de l’économie ne réglait pas tous les problèmes. Il ne l’a pas qualifié de texte fondateur, mais de texte positif qui nécessite assurément d’être amélioré et surtout complété ultérieurement par d’autres textes. Nombre de propositions méritent d’être examinées, comme celle de Mme CatherineVautrin sur le foncier et celle de M. Lionel Tardy sur le rôle supplémentaire que pourrait avoir OSEO, de même que les remarques de M. Bernard Gérard sur les contrôles URSSAF.

Tout cela doit s’accompagner d’une réflexion plus générale sur l’évolution des prélèvements obligatoires. Le sujet, majeur en France, de l’économie et du développement des entreprises est celui du niveau relatif à la fois des marges et des charges qui pèsent sur les entreprises françaises. Le taux de marge des entreprises françaises est inférieur de 30 % en moyenne à celui des entreprises allemandes. Il ne faut pas chercher d’autres causes au fait que les entreprises françaises soient plus petites, fassent moins de recherche et d’innovation et exportent moins. Le coût du travail et les prélèvements obligatoires sur les entreprises jouent également. Ces derniers sont supérieurs de 100 milliards à la moyenne des concurrents de la France. Il ressort de cette analyse que tous les éléments – très positifs – contenus dans le projet de loi doivent s’accompagner d’une revue générale des prélèvements obligatoires que le MEDEF appelle de ses vœux et qui tarde un peu, de façon à ce que, dans une perspective de moyen terme, la France se donne efficacement, et sur tous les sujets, les moyens permettant aux entreprises françaises d’être au niveau de celles des autres pays.

En réponse à M. François Brottes, M. Yvon Jacob a indiqué qu’il n’avait pas connaissance, lors de sa précédente intervention, des dispositions du récent décret du 28 avril dernier concernant le délai de paiement maximum dans les marchés publics et qu’il reconnaissait le caractère d’ores et déjà vertueux des collectivités locales.

Le GFI croit fortement dans la mesure prévue par l’article 6 du projet de loi, d’abord parce qu’elle répond à une demande exprimée depuis longtemps – une comparaison avec les autres pays montre sa nécessité –, ensuite parce que la loi sur les délais de règlement dans les transports, adoptée il y a un an et demi, a prouvé son efficacité : en l’espace d’un an, ces délais ont diminué pratiquement de trente jours.. C’est pourquoi le GFI croit à la loi, même si, sur le plan des principes, il préférerait passer par la négociation.

La réduction des délais de paiement à trente jours s’aligne sur le bon modèle, celui de l’Europe du Nord et de l’Allemagne. M. Christian Jacob a été chargé par Hervé Novelli d’une mission afin d’essayer de mettre en place, après le vote de la loi, des négociations interprofessionnelles pour tendre de soixante à trente jours. Si cela n’est pas possible, il n’est pas exclu que le Gouvernement saisisse à nouveau le Parlement pour y parvenir.

Les mauvaises pratiques en ce domaine sont un vrai sujet, qui ne concerne pas seulement le secteur de l’automobile. Elles doivent être éradiquées. C’est par le biais de la DGCCRF que l’on y parviendra. Des actions ont déjà été menées en ce sens. Il faut continuer.

M. Jean-Louis Jamet a souligné la difficulté de mener des réformes en France compte tenu de tous les sujets qui sont sur la table. On ne peut pas tout faire d’un seul coup mais le projet est globalement positif. La réduction des délais de paiement est en négociation depuis plusieurs années. Il n’est pas possible de les réduire à trente jours du jour au lendemain. Les fixer à soixante jours est déjà un pas très important.

Il est exact, comme l’a souligné M. François Brottes, que l’on ne se décrète pas chef d’entreprise uniquement, par exemple, pour sortir du chômage. Bien souvent les chômeurs ayant demandé à bénéficier d’une aide à la création d’entreprise se sont retrouvés au chômage quelques années après. C’était un vrai gâchis. En revanche, un véritable statut de l’entreprise individuelle amélioré est très intéressant.

La CGPME prône le Small Business Act depuis plus de dix ans. Elle avait jusqu’à présent prêché dans le désert. Elle se réjouit que l’on commence à s’y intéresser sérieusement. Cela lui paraît logique parce qu’il y a, dans l’économie, comme dans le sport, des catégories. Si tout le monde est soumis aux mêmes règles, les PME ne peuvent pas se développer. Améliorer les marges des PME et réduire les prélèvements obligatoires qu’elles supportent semble la seule solution pour qu’elles s’en sortent et rejoignent leurs concurrentes européennes.

M. André Marcon a admis, avec M. François Brottes, que tout le monde n’est pas capable de devenir entrepreneur. Pour autant, pendant quarante ans, les adultes ont fait miroiter à leurs enfants le salariat et la fonction publique, et l’on voit où cela est en train de conduire la France. L’esprit d’entreprise est essentiel. Les pays qui se développent le font parce qu’il y a des entrepreneurs, grands, moyens et petits, et, surtout, beaucoup de petits qui sont appelés à devenir grands. Dire aux gens qu’ils ont la capacité d’essayer d’être entrepreneurs est un signe fort, quitte, si cela ne correspond pas à leurs capacités, à ce qu’ils s’orientent ensuite vers une autre voie.

Quant à la concurrence déloyale, M. André Marcon la voit davantage dans le travail au noir, notamment dans les activités de service à la personne, où il y a un gisement d’emplois considérable et où des services se sont développés à partir de structures associatives.

S’agissant des éventuels liens de subordination, M. André Marcon, qui a créé un certain nombre de petites entreprises, considère qu’il vaut mieux être indépendant que salarié, d’autant que l’URSSAF peut requalifier le travailleur indépendant qui travaille pour une seule structure. C’est un débat de fond. L’ACFCI veut favoriser la création d’un maximum d’entreprises.

Un certain nombre de lacunes dans le projet de loi ont été pointées. L’ACFCI a beaucoup de propositions à faire. Si le MEDEF a été largement consulté sur le projet de loi, il n’en a pas été de même pour l’ACFCI qui rassemble pourtant des personnes élues par l’ensemble des entreprises de France.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a vivement regretté que le président de l’ACFCI, M. Bernardin, ait préféré se rendre auprès du ministre plutôt que devant la commission et que M. Marcon ait omis de rappeler qu’il l’avait rencontré au moins à trois reprises.

Le développement de l’entreprise est très important mais il ne faut pas laisser penser que c’est facile, alors que l’on se bat depuis des années contre les dérives. La création d’entreprise doit se faire dans un certain cadre. Il existe pour cela des chambres consulaires – chambres des métiers, chambres de commerce et d’industrie et chambres d’agriculture –. Faire croire qu’on pouvait créer une entreprise avec un seul euro était une erreur qui a d’ailleurs conduit le rapporteur à se taire pendant cinq ans…

M. Jean-Paul Charié s’est félicité de l’organisation de telles réunions, qui devraient être renouvelées pendant l’examen du texte et même après son vote, car le contenu de la loi est une chose, son application en est une autre, qui nécessitera l’appui des organisations professionnelles.

M. le Président Patrick Ollier a souscrit aux propos du rapporteur. Il aurait lui aussi préféré que le président de l’ACFCI vienne devant la commission car, dans l’hémicycle, ce sont les parlementaires qui discutent et négocient avec le Gouvernement et les décisions se prennent en commission. Le Gouvernement essaie ensuite de faire valoir ses positions mais il n’obtient pas automatiquement satisfaction.

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