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Mercredi 16 juillet 2008

Séance de 14 heures 45

Compte rendu n° 72

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur les transports ferroviaires, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (n° 955) (M. Christian Jacob, rapporteur)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a organisé une table ronde sur les transports ferroviaires.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques a souhaité la bienvenue aux participants à cette importante table ronde réunie en préalable à la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du « Grenelle de l’environnement » qui devrait venir en commission fin septembre et en séance publique à partir du 7 octobre.

Il a regretté que la SNCF ne soit pas représentée, mais elle tient son comité exécutif annuel en même t temps que cette table ronde.

Les participants à cette table ronde sont M. Hubert du Mesnil, président de RFF, M. Gérard Longuet, président de l’AFITF, accompagné de M. Stéphane Khelif, secrétaire général, M. Cyrille du Peloux, directeur général de Veolia Transport, accompagné de M. Michel Quidort, directeur des relations extérieures et des affaires européennes et de Mme Sophie Jeng, directrice communication France, M. Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) et M. Christian Rose, délégué général adjoint de l’association des utilisateurs de transport de fret (AUTF).

La commission des affaires économiques a la chance de compter dans ses nombreuses compétences les questions de transport et de développement durable. Nous y consacrons une part importante de nos travaux. Nous avons ainsi accueilli il y a quelques jours les présidents des commissions en charge de ces problèmes dans 27 pays européens. Nous souhaitons aujourd’hui nous enrichir des réflexions, des réalisations comme des projets des participants à cette table ronde.

M. Christian Jacob, rapporteur a indiqué que sa première question concerne essentiellement RFF, mais que chacun peut apporter sa contribution. Manque-t-on d’infrastructure ou la gestion des sillons est-elle en cause ? Le problème, récurrent, est sérieux compte tenu de l’importance des investissements.

S’agissant du développement des autoroutes ferroviaires à haute fréquence, une autoroute a été lancée entre Perpignan et le Luxembourg mais elle ne répond pas aux attentes, car dix fois moins de camions que prévu l’empruntent. Faut-il persévérer dans cette voie ? Devons-nous allonger les trains pour porter leurs capacités au maximum ? Là encore, du fait des investissements en jeu, ces questions sont cruciales.

Ces réflexions valent également pour le TGV : quelles priorités faut-il définir ? Quid de l’augmentation de la tarification ?

La piste du report modal est-elle réaliste ? Comment peut-on le financer ? Sera-t-il possible de modifier les statuts ? Quels seront les montages financiers ? Quelles nouvelles missions l’AFITF souhaiterait-elle mettre en place ?

M. Maxime Bono a rappelé, s’agissant de RFF, que chacun se souvenait de l’audit sur les infrastructures mené par l’institut polytechnique de Lausanne qui chiffrait à 500 millions par an le montant des investissements. Ce montant n’a jamais été atteint. Il avait été annoncé 110 millions en 2006, 230 millions en 2007. La réalité fut toute autre : 70 millions en 2006 et 85 millions en 2007.

Parallèlement, le réseau s’est dégradé. Une meilleure organisation des sillons sera-t-elle la réponse ? Au-delà de la création de nouveaux sillons, le maintien en l’état du réseau actuel est en question. Or, les moyens ne sont pas au rendez-vous. Comment développer le réseau pour faire face aux demandes nouvelles tout en maintenant en l’état l’intégralité du réseau ?

Concernant l’AFITF, les financements sont à bout de souffle après l’utilisation de ces 4 milliards issus de la funeste vente des sociétés d’autoroutes. Va-t-elle devenir une agence simplement porteuse d’emprunts pour le compte de l’État ? A-t-elle des perspectives de nouvelles ressources ? A sa création, l’AFITF semblait pouvoir favoriser le transfert modal en permettant de financer le ferroviaire par des ressources issues de la route. Cette source tarie, comment sera-t-elle remplacée ?

Quant à Veolia, les nouvelles dispositions permettent aux ports autonomes d’investir. L’on parle beaucoup d’opérateurs de proximité. Les ports autonomes pourraient être des pôles de stabilité publique dans le cadre de la mise en œuvre de ces nouveaux opérateurs de proximité qui permettraient d’acheminer les wagons isolés. Comment la coopération avec ce nouveau type d’opérateurs est-elle envisagée ?

M. Yanick Paternotte  a souligné que deux questions se posent pour l’AFITF : le financement du programme à l’horizon 2020, voire 2025 et l’adaptation de la réflexion à l’augmentation des énergies fossiles. Est-on capable d’apporter des réponses flexibles et évolutives à cette situation ?

Il semble que l’on parle beaucoup aujourd’hui de report modal, de réseau européen, mais il y a peu d’harmonisation, au niveau européen, entre les porteurs d’infrastructures nationaux. M. Hubert du Mesnil envisage-t-il une évolution ? Le prochain paquet ferroviaire européen permettra-t-il de l’accélérer ou est-elle freinée par des lobbying ?

L’on prône aujourd’hui le report modal des usagers de la voiture vers le train, mais n’est-il pas temps de travailler sur le volume des rames et le confort ? La climatisation est une avancée, mais elle ne correspond pas vraiment au développement durable.

RFF est une nécessité, mais comment se positionne-t-elle par rapport à cette nouvelle autorité de régulation ferroviaire qui doit être celle qui dispose des sillons ?

Enfin, où se situent RFF et Veolia par rapport à la spécialisation ? Faut-il des sillons, voies et réseaux spécifiques pour le fret, ou les camions peuvent-ils partager les infrastructures ? La question se pose à l’heure où l’on ouvre à nouveau la grande ceinture aux passagers d’Ile-de-France.

M. Daniel Paul a souhaité savoir si les premiers effets de la hausse des prix du carburant se faisaient déjà sentir.

Dans ce contexte marqué par la lutte contre la carbonisation des moyens énergétiques, comment l’intensification de l’électrification du réseau, en particulier pour les grandes lignes, est-elle envisagée ?

Sera-t-il possible, à court terme, d’allonger les rames ? Il semble que les gares en France aient une longueur limitée.

Quelles ressources supplémentaires envisage-t-on pour adapter le réseau à l’époque actuelle ?

S’agissant du ferroviaire, un article dans la presse posait ce matin la question de la perspective de dépassement de 25 % des parts de marché. Que doit-on en penser ?

Quant au poids des ports, il est primordial. Comment augmenter leurs moyens, notamment pour les lignes dédiées au fret ?

M. Daniel Fasquelle a souligné que sa région, comme de nombreuses communes touristiques, s’est développée grâce au train. Or, depuis le début du siècle dernier, la situation a peu évolué. La ligne de chemin de fer, Paris-Amiens-Boulogne, n’est toujours pas électrifiée sur l’ensemble de son trajet. Les réponses apportées aujourd’hui sont essentiellement régionales, ce qui peut être très dangereux, car faute de complémentarité et de cohérence, elles pourraient conduire à couper la ligne et à perdre l’accès direct à Paris – l’électrification démarre dans le Nord-Pas-de-Calais, mais est très en retard en Picardie.

La seule intervention des régions, même si elle est très positive, ne suffit pas. Il faut mettre en place une véritable coordination à un niveau plus global.

Qu’est-il prévu en la matière ?

M. François Brottes : Tous les membres de cette commission sont attachés au ferroviaire, mais le ferroviaire peut-il tenir ses promesses ?

En Rhône-Alpes, mais sans doute ailleurs aussi, il faut attendre indéfiniment le matériel ferroviaire, l’industrie n’étant pas en mesure de le fournir, même si l’on a les moyens de le payer.

M. François Brottes a souhaité faire part d’une récente expérience qui concerne la SNCF. Ayant pris récemment un train de nuit, arrivé en avance sur le quai de gare de Valence, il a vu passer en 40 minutes un seul train de marchandises, sur un réseau axe. Et l’on explique que le réseau est saturé ! Pourquoi, dans ces tranches horaires qui ne sont pas encombrées par le trafic de voyageurs ne fait-on pas circuler davantage de trains de marchandises ? Peut-être répondra-t-on que l’on en profite pour assurer la maintenance, mais, dans ce cas, autant renoncer à faire cohabiter les flux sur les voies.

Peut-on, avec le réseau existant, quand il est électrifié, faire du périurbain, du transit, de l’intercité, du fret ? Si ce n’est pas le cas, il faut le dire et engager les procédures lourdes pour créer de nouveaux réseaux !

Enfin, ceux qui suivent le transport régional et périurbain pensent-ils que le « versement transport » a de longs jours devant lui ?

M. Lionel Tardy a souhaité que les intervenants s’expriment particulièrement sur le fret, qui montre des faiblesses. Ainsi, le peu de marché existant en Haute-Savoie est remporté par des sociétés étrangères.

S’agissant des autoroutes ferroviaires, peuvent-ils donner des éléments de coût ?

Le calendrier du Lyon-Turin s’est-il précisé ?

Les plates-formes multimodales – il en existe une en Savoie – répondent-elles aux attentes ?

Faut-il mettre en place des lignes dédiées au fret, sachant, qu’aujourd’hui, elles sont souvent récupérées pour le transport des voyageurs ?

Enfin, les voies uniques – la Haute-Savoie en compte une – posent également problème en ce qu’elles ne favorisent pas un cadencement performant des TER.

M. Philippe Tourtelier a demandé, s’agissant des arbitrages entre le fret et le transport de personnes, si une réflexion a été menée au niveau européen, afin de prendre en compte les régions périphériques comme la Bretagne.

Comment est envisagée l’évolution des transports périrurbains, qui jouent un rôle très important et correspondent davantage aux bassins de vie et d’habitat que les structures institutionnelles ?

Enfin, nombre de pays utilisent des extenseurs de ceinture dans les transports en commun pour les personnes obèses et les femmes enceintes. Ce n’est pas le cas en France, ce qui met en danger la sécurité de ces personnes en cas d’accident. Une réflexion est-elle menée à ce sujet ?

Mme Pascale Got a souhaité savoir si le système tram-train va se développer dans les prochaines années.

Elle a par ailleurs noté le manque d’adéquation entre l’habitat qui se développe dans les zones périurbaines ou rurales et les moyens de transport.

M. Jean Dionis du Séjour a observé qu’un certain nombre de lignes de voies ferrées n’étaient habituellement pas considérées comme rentables. Mais les données économiques, notamment l’augmentation du fuel, changent sans doute la donne. Les participants à cette table ronde disposent-ils de quelques informations à ce sujet ?

M. Hubert du Mesnil, président de RFF, a tout d’abord répondu aux questions sur l’adaptation des infrastructures au développement des transports de marchandise et sur la nécessité de dédier des lignes.

Ce n’est pas parce que le réseau manque de capacité que le transport de marchandises a décliné ces dernières années, chutant de 30 % entre 2000 et 2006 en France, alors qu’il augmentait de 30 % en Allemagne.

Le nombre de trains qui circulent chaque année en France ne cesse de baisser – environ 5 % par an. Le nombre de TGV est stable, en dehors des cas de lignes nouvelles. Seul le transport régional augmente. Au final, le nombre total de trains qui circulent sur le réseau français n’augmente pas.

En revanche, des problèmes de répartition des capacités apparaissent, notamment dans les zones plus encombrées que les autres, comme en région parisienne ou lyonnaise.

Tout est plus facile en l’absence de conflit entre le fret et le transport de voyageurs. Aux États-Unis, où l’on a renoncé au transport de voyageurs, les lignes ferroviaires sont réservées au fret, c’est forcément plus simple. Il ne semble pas qu’en France on puisse séparer le trafic voyageur du trafic marchandises, pour des raisons de coût, mais aussi parce que le trafic de marchandises n’est pas encore assez important. Ainsi, très peu de trains de marchandises circulent sur la rive droite du Rhône, l’une des rares voies dédiées au fret. Comment refuser indéfiniment aux communes traversées, en particulier dans la région Rhône-Alpes, de mettre en ligne des trains de voyageurs sur cette voie ? L’intérêt de l’entreprise publique gestionnaire du réseau est de faire rouler les trains.

Elle doit gérer le réseau, les sillons et les capacités pour donner à chacun la place dont il a besoin au bon moment. Le cadencement, c’est-à-dire l’organisation de la circulation sur les trains réguliers, permet de réserver des intervalles au fret ou aux voyageurs.

Le réseau ferroviaire est encore trop peu et trop mal utilisé, et coûte, par conséquent, de plus en plus cher.

Il faut mettre en place une organisation harmonieuse avant d’envisager les situations au cas par cas. Sur certains grands axes, le fret joue un rôle très important, notamment pour les ports. Les régions périrubaines doivent retenir également toute l’attention. L’exemple de la grande ceinture a été cité. Voici quelques années, l’on a projeté de faire circuler des trains de voyageurs sur cette ligne principalement dédiée au fret. Le port du Havre s’en est inquiété, car la concurrence entre le transport de voyageurs et le fret avait toutes les chances de tourner en faveur du transport de voyageurs. L’on a donc, sur le même axe, séparé les voies. Tout le monde passe, même en étant un peu serrés. L’on peut imaginer ainsi de nouvelles solutions.

Autre exemple : parce qu’il n’est pas possible de laisser les trains de fret traverser Nîmes et Montpellier qui sont des zones urbaines denses, l’on créé une ligne extérieure dédiée prioritairement au fret.

Tout est possible, à condition que la SNCF apprenne à organiser les capacités en tenant compte de la diversité des activités et des entreprises ferroviaires. L’ouverture au marché européen oblige en effet des entreprises de différentes natures à cohabiter sur le réseau.

Le régulateur a toute sa place en France, car la répartition des activités doit être contrôlée par un organe indépendant.

La part du trafic marchandise baisse depuis un certain nombre d’années, et l’enjeu est aujourd’hui d’inverser cette tendance en augmentant cette part de 25 % en cinq ans. Il faudrait ainsi passer de 14 % aujourd’hui à 17 %. L’Allemagne, grâce à l’activité portuaire, a déjà atteint ce niveau. L’activité portuaire sauvera également le fret, et inversement. L’avenir et le sort des ports et du ferroviaire sont indissolublement liés. RFF propose de constituer sur le réseau français des axes à priorité fret qui desservent les ports et qui soient inscrits dans les réseaux européens, et s’engage, sur ces axes, à répondre aux besoins des transports de marchandises, c’est-à-dire à réserver les sillons en quantité et en qualité nécessaires, et à réaliser les investissements nécessaires. Cela vaut notamment pour le projet du contournement de Lyon, qui n’a pas émergé du Grenelle, mais qui mérite l’attention, car l’on ne pourra pas laisser indéfiniment les trains de marchandise traverser la gare de la Part-Dieu.

Concernant le réseau européen, il est vrai que RFF s’est lancé dans l’harmonisation européenne à reculons, pour de multiples raisons, et a tardé à croire au marché ferroviaire européen qui s’impose aujourd’hui. Les grandes entreprises ferroviaires, en particulier la SNCF, prennent une dimension européenne en s’intéressant aux activités à l’extérieur des frontières. Le deuxième client de RFF est tout de même la Deutsche Bahn (DB).

Enfin, RFF et la SNCF sont très préoccupés par le financement de la rénovation du réseau, parallèlement au développement des lignes à grande vitesse, financées avec l’aide des collectivités publiques et de l’Europe, ainsi qu’une partie du produit des péages. Le marché des TGV étant assez porteur, on arrive tant bien que mal à financer ces projets, mais il faut savoir être patient. En revanche, la rénovation du réseau, notamment dans les zones peu denses, ne peut être réalisée sans la solidarité nationale. Il faut prélever des recettes des péages TGV pour aider les petites et les moyennes lignes. A défaut, on risque de perdre ce réseau national. On déplore 1 300 kilomètres de ralentissement sur le réseau. Depuis deux ans, des efforts ont été consentis pour réduire les ralentissements, mais parallèlement, de nouveaux apparaissent ! Le nombre de ralentissements ne diminue donc pas, il est tout juste stabilisé. Si l’on n’augmente pas les moyens consacrés au réseau, les ralentissements augmenteront à nouveau et des lignes seront fermées. Ce n’est pas grave si d’autres moyens de transport, tout aussi écologiques, peuvent prendre le relais, mais c’est loin d’être toujours le cas. Un problème est survenu il y a deux jours sur une ligne ferroviaire qui dessert Semur-en-Auxois et un dépôt de céréales. La ligne a craqué, cinq wagons ont déraillé. La ligne, qui n’avait pas été rénovée, est aujourd’hui arrêtée.

Le fameux audit cité tout à l’heure a donné quelques ordres de grandeur : on est passé d’une dépense annuelle de 900 millions d’investissement pour le renouvellement à plus d’un milliard cette année, l’objectif étant de 1,5 milliard en 2010. Il faudrait parvenir à investir 2 milliards, ce qui permettrait de conserver le réseau en bon état et d’éviter les ralentissements.

On en est au tout début de cet effort. On ignore si l’on pourra aller jusqu’au bout mais l’avenir du réseau en dépend.

M. Cyril du Peloux, directeur général de Veolia Transport, a souligné que Veolia Transport est présent un peu partout dans le monde, dans une trentaine de pays. L’entreprise est ainsi le premier opérateur privé en France, en Europe et dans le monde. Elle est présente dans le ferroviaire en Allemagne où elle est numéro 2 à la fois pour le transport de marchandises et de voyageurs et où elle gagne des parts de marché sur la DB. Elle est également présente aux États-Unis, en Australie, aux Pays-Bas, en République Tchèque, en Suède, en Norvège, un peu partout en Europe, avec des perspectives de marché très dynamiques.

Le choc pétrolier ne fait qu’accélérer la situation. On constate un peu partout dans le monde des taux de croissance en volume des activités voyageurs entre 5 et 7 % par an. Peu d’activités mondiales se développent à cette vitesse. Dans le fret, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en France, la croissance est également forte – + 5 à 6 % par an en Allemagne où le fret occupe 20 % des parts de marché par rapport à la route. La croissance du groupe est de l’ordre de 20 % par an.

Comment améliorer la situation en France ?

Il faut tout d’abord créer une autorité de régulation et ouvrir les marchés. La France est le seul pays européen à avoir maintenu un monopole. Il ne suffit pas d’ouvrir les marchés, il faut également mettre en place un régulateur qui aura le pouvoir de faire accéder au marché de nouveaux entrants face à l’opérateur historique. Une autorité de régulation qui n’aurait pas de pouvoir économique serait une fausse autorité de régulation.

S’agissant du transport de voyageurs, l’Europe a décidé d’ouvrir le transport international au 1er janvier 2010. Il faudrait transposer cette directive européenne en droit français.

Cette ouverture prévoit la possibilité de cabotage au sein des États membres, ce qui est une bonne idée. Veolia travaille actuellement avec Air France à des ouvertures de lignes entre Bruxelles, Paris, Marseille ou Francfort, Strasbourg, Paris. La loi française ne le permet pas, et les projets de loi qu’il a été possible d’obtenir « en catimini » ne transposent pas correctement cette directive. Les restrictions posées sont telles qu’elles ne permettront pas d’instaurer un cabotage intérieur.

Concernant le transport des voyageurs, les régions ont pris, partout en Europe, le pouvoir, et ont fait progresser le transport régional en mettant en concurrence l’opérateur principal. En Allemagne, la DB détient encore 75 % du marché. Veolia lui en a pris environ 10 %. La concurrence joue normalement. L’amélioration de l’offre, en termes de capacité, de confort, de tarification ou d’augmentation de la taille des wagons sera une conséquence naturelle de l’ouverture de la concurrence. Même les régions qui ne souhaiteraient pas d’autre opérateur que la SNCF ont intérêt à disposer de cette arme pour mieux négocier avec la SNCF.

Pour ce qui est de la gestion de l’infrastructure ferroviaire, la situation n’est pas satisfaisante, notamment pour le fret où il est aujourd’hui difficile d’obtenir les sillons nécessaires. Les temps de traitement des demandes sont trop longs, les travaux sont mal programmés ou ne sont pas facilement intégrables par rapport aux demandes des transporteurs. La circulation est de plus en plus difficile, à cause des travaux en particulier. RFF n’a peut-être pas tous les moyens d’exercer les fonctions d’un gestionnaire d’infrastructures, alors qu’il doit pouvoir exercer sa mission de façon qu’il soit possible d’utiliser l’infrastructure comme en Allemagne. Il doit avoir la totalité des responsabilités pour attribuer, planifier et gérer les sillons, indépendamment de l’opérateur historique qui aura toujours intérêt à maintenir sa position dominante sur le marché.

M. Stéphane Khelif, secrétaire général de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, a observé que l'Agence finance la part de l’État dans certains programmes d’investissement dans les infrastructures de transport et aussi, depuis deux ans, de régénération du réseau routier. Son budget pour 2008 atteint 2,2 milliards en crédits de paiement et 4,3 milliards en autorisations d’engagement, montants comparables à ceux des années 2006 et 2007.

En comparaison, l’AFITF bénéficie de ressources affectées récurrentes, de 850 millions d’euros, votées en loi de finances, et elle a touché une dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros, provenant de la cession en 2005 des parts de l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes. La première année de son fonctionnement, c'est-à-dire 2005, le modèle économique était différent puisque les recettes correspondaient au dividende versé par les sociétés concessionnaires. Ces 850 millions d’euros proviennent de trois sources : premièrement, la taxe d’aménagement du territoire sur les péages autoroutiers pour 530 millions d’euros ; deuxièmement, la redevance domaniale, une sorte de loyer d’occupation du domaine public payé par les sociétés d’autoroutes, instauré par décret en 1997 et qui a atteint cette année 170 millions ; troisièmement, une partie du produit des amendes constatées par les radars automatiques sur les routes, dont on attend 150 millions. Pour combler la différence, il reste le solde de la dotation exceptionnelle, soit 1 351 millions d’euros, mais il sera dépensé d’ici à la fin de l’année.

Les engagements pris en trois ans et demi d’existence prennent la forme de conventions de subvention qui s’étalent sur plusieurs années. L’AFITF en a contracté pour 11,6 milliards d’euros au titre de 165 conventions de financement. Les paiements correspondants se sont montés à 5,3 milliards et les engagements à honorer représentent la différence. Ces 6 milliards sont censés être financés par les 850 millions annuels. Il y a ainsi un problème pour l’avenir, d’autant que les engagements pris représentent des travaux déjà faits pour le TGV Est, la LGV Est, ou des études préparatoires. Or il reste des projets stratégiques à mener, notamment la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, appelée aussi « Sud Europe-Atlantique ». Ainsi, il figure pour 1,2 milliard dans les 4,3 milliards d’autorisations d’engagement, au titre de la part de l’État dans la subvention publique d’équilibre que pourrait demander le compétiteur privé qui serait retenu. Le Grenelle de l’environnement ne change guère l’équation en termes financiers au moins jusqu’en 2012, en raison des délais de la phase préparatoire. Il faudra tout de même, pour tenir compte des décisions du Gouvernement, que l’Agence trouve en 2009 3,1 milliards, au lieu de 2,2 milliards. Comment résoudre ce problème de ressources dans la durée, sachant que l’AFITF avait été créée à l’origine pour pérenniser le financement des infrastructures, les ressources prélevées sur le budget de l’État étant frappées par les gels et les annulations de crédits au point de compromettre la réalisation d’ouvrages qu’il n’est pas possible de fractionner ?

Pour se procurer des ressources nouvelles, trois options sont possibles. L’emprunt, d’abord, que les statuts permettent de souscrire, dans la limite d’un plafond voté en loi de finances. Mais il s’agirait d’une dette maastrichtienne qui viendrait augmenter celle de l’État. En outre, qui dit emprunt dit remboursement. Autrement dit, il faudrait gager l’emprunt sur des recettes, qui seraient amputées d’autant, au détriment des autres engagements. Ensuite, la subvention budgétaire que peut consentir l’État à ses opérateurs. L’AFITF en a fait l’expérience une fois, en 2006. Elle devait toucher une somme de 394 millions, votée et contresignée par le ministère des finances. De gel en gel, elle s’est amenuisée jusqu’à 62 millions, qui ont été versés le 2 janvier 2007 ! Enfin, il reste les ressources nouvelles. L’idée d’une « écotaxe » frappant la circulation des poids lourds sur le réseau routier non concédé a été évoquée plusieurs fois, mais la hausse du carburant et la situation économique des transporteurs routiers ne sont pas propices à son instauration, même si la nouvelle organisation du ministère du développement durable, parue dans le Journal Officiel du 10 juillet, laisse présager qu’elle verra le jour. Il est donc question de l’affecter à l’Agence, mais, dans le cadre de la réglementation prévue par la directive « Eurovignette », elle devrait rapporter entre 800 millions et 1,1 milliard, par an. L’intégration des coûts externes de pollution dans la tarification telle que l’envisage « Eurovignette 3 » à l’horizon 2011-2015, permettrait un accroissement du produit de la taxe, mais encore faut-il que le secteur, ou in fine le consommateur, puisse la supporter.

En tous cas, pour l’an prochain, la situation n’incite pas à l’optimisme. À compter du 1er janvier 2009, l’AFITF sera dans une impasse financière, et son avenir est en train de se jouer dans le cadre des arbitrages de la loi de finances pour 2009.

M. Christian Rose, délégué général adjoint de l’Association des utilisateurs de transport de fret, a indiqué que l'assocation dont il est le délégué représente les industriels utilisant le transport de fret, tous modes confondus : ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien. Aujourd'hui, elle regroupe approximativement 170 entreprises, qui doivent à elles seules représenter de 50 % à 60 % du fret ferroviaire en France. Cette association regroupe également des fédérations professionnelles, ce qui la met en contact avec les petites et moyennes entreprises.

La mise en œuvre des orientations du Grenelle de l’environnement inspire quelques questions, qui peuvent passer pour impertinentes. Faut-il transposer les conclusions du Grenelle de l’environnement ? Si oui, comment ? Ne faut-il pas en accommoder certaines ? Faut-il en transposer tout ou partie ? Avons-nous, avec le Grenelle, amorcé un virage dans la bonne direction ? Il semble important, pour éclairer le travail parlementaire qui va commencer, de souligner trois lacunes.

Le fret a été abordé quasiment exclusivement sous l’angle des nuisances environnementales, sans considération pour son rôle économique. Or, si les transports sont nécessaires, c’est parce qu’ils sont au service de l’industrie. Il est important de le rappeler. Nous sommes de plus en plus nombreux à regretter que ces rencontres ne se soient pas plutôt appelées « Grenelle du développement durable » pour englober les trois piliers que sont l’économique, le social et l’environnemental.

Le Grenelle a un peu trop rapidement à nos yeux transformé l’objectif initial de réduction des émissions de gaz à effet de serre en objectif de report modal. Or il ne s’agit que d’un moyen parmi d’autres d’atteindre la cible. Pour commencer à répondre à la question de M. Paul sur un éventuel frémissement inaugurant le report modal, consécutif à la hausse du prix du gazole, il faudrait répondre positivement, mais pas seulement. Il n’est pas de semaine où la presse professionnelle ne donne l’exemple d’un chargeur ayant basculé tout ou partie de son fret de la route vers le rail ou la voie d’eau, ou en combinant autrement rail et route. Mais beaucoup d’industriels réfléchissent à une stratégie pour réduire leurs coûts de transport en conservant à la route sa primauté dans les acheminements : optimisation des tournées, recours à des matériels de transport plus performants, voire, à plus long terme, la remise en cause des plans de transport via la déspécialisation des sites de production ou le raccourcissement des circuits de distribution, pour minimiser les distances parcourues. Or rien ne dit que le transport ferroviaire en sera le bénéficiaire. Il faut bien avoir à l’esprit que ce que les chargeurs envisageront sûrement le report modal, mais pas seulement le report modal.

D’où cette troisième lacune, sans doute difficile à combler. Le Grenelle ne s’est pas donné les moyens d’analyser en profondeur les réactions des acteurs au signal que constitue le prix.

Le corollaire est un triple risque. Le premier, c’est de ne pas atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2012. Les infrastructures qui sont nécessaires, sinon suffisantes, au développement du fret ferroviaire ne s’inscrivent pas dans la même échelle de temps. Le deuxième, c’est de passer à côté de l’objectif de report modal à cause d’une mauvaise anticipation du comportement des acteurs, malgré les efforts que nous ne manquerons pas de faire pour l’atteindre. Le troisième, enfin, c’est le plus grave, c’est d’entraver la compétitivité des industriels utilisant le fret.

Quelles sont les attentes des chargeurs ? Ils espèrent disposer de l’offre la plus diversifiée possible et ils se réjouissent, s’agissant du rail, de l’ouverture à la concurrence qui créera une émulation propice à la création de nouveaux services ferroviaires. Ils s’interrogent beaucoup à propos des autoroutes ferroviaires, auxquelles ils s’intéressent comme à toute offre nouvelle. Surtout, ils voudraient voir la mobilité garantie par tous les modes de transport. Il est prioritaire qu’ils puissent continuer à transporter ce qui se produit – parce que ce qui se produit, c’est ce qui se vend – sans craindre d’être contraints de ne produire que ce qui se transportera.

Par ailleurs, les chargeurs, quelle que soit l’échelle à laquelle ils opèrent, nationale, européenne, ou mondiale, souhaitent éviter qu’une intervention ne favorise ou ne pénalise trop un mode de transport, et, par voie de conséquence, ses utilisateurs, par rapport aux autres. Il faut aussi pouvoir jouer la complémentarité modale. On doit être très favorable au développement de solutions ferroviaires, mais sans nier le rôle que continuera de jouer le transport routier auquel il faut donner les moyens de s’optimiser tant au plan environnemental qu’au plan économique. Il faut éviter tout ce qui peut freiner la mobilité. Or, aujourd'hui, nous sommes quelque peu inquiets de ce qui pourrait se dessiner.

Le fret ferroviaire se heurte avant tout à un problème de capacité et de partage du réseau. La mauvaise qualité du réseau a déjà été signalée. La question de la qualité des services fournis par les opérateurs, et qui va en s’améliorant, passe au second plan. Les plages de travaux sont mal anticipées, ou trop vite décidées, ce qui pèse fatalement sur les choix des industriels. La répartition du trafic entre le fret et les passagers est délicate, s’agissant du contournement des agglomérations. Faut-il séparer les deux réseaux ? La question n’est pas suffisamment posée dans le cadre du projet de loi. Il a été écrit à un certain moment que les créneaux libérés par les lignes à grande vitesse seraient affectés au fret et il serait bon que les déclarations se traduisent dans les faits. Il serait bon aussi que l’allocation des sillons et la gestion opérationnelle de la signalisation reviennent à RFF. Nous attendons sur ce point le rapport du sénateur Haenel. Quant aux fermetures de ligne, elles interviennent pour cause de vétusté, mais aussi faute de trafic. Les entreprises ferroviaires se sont engagées dans une logique de massification et n’assurent plus, comme au bon vieux temps du service public ferroviaire, une desserte fine du territoire. Il est certain qu’une réorganisation du secteur est en cours. Il faut s’en féliciter bien qu’elle ait des effets secondaires sur l’aménagement du territoire.

M. Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, a déclaré représenter une fédération qui regroupe à peu près 150 associations locales, soit au total environ 40 000 personnes.

À la question posée par M. le rapporteur Christian Jacob : « Est-il réaliste de souhaiter le transfert modal ? », on peut être tenté de répondre par une autre question : face au double défi que représentent l’explosion du prix du pétrole, qui ne fait que commencer, et le réchauffement climatique qui s’accélère, est-il réaliste de se contenter de la co-modalité, c'est-à-dire du développement séparé des différents modes de transport, chacun tentant de se rationaliser au mieux ? Il est impératif de changer de logique et de provoquer non seulement le transfert modal, mais aussi la réduction des besoins de transport, par exemple en luttant réellement contre l’étalement urbain.

Dans ce contexte, le rail dispose d’atouts bien connus : la sécurité, la vitesse, le confort, la faible consommation d’énergie. Il est dès lors justifié d’envisager des efforts préférentiels en sa faveur. Il faut voir grand pour le rail, c'est-à-dire mener simultanément l’extension du réseau TGV, pour permettre au train de concurrencer l’avion et même la voiture, la régénération et la modernisation du réseau classique en augmentant sa capacité et en poursuivant son électrification.

On parle souvent de « créneau de pertinence du rail », notion qui sous-entend qu’il serait pertinent uniquement pour le transport de masse sur longue distance. C’est une notion très trompeuse car elle fluctue en fonction des avancées technologiques, des performances économiques de l’exploitant, du prix de l’énergie, de la fiscalité et de la tarification. Autrement dit, il ne faut pas sous-estimer la place que peut prendre le rail pour le transport tant des marchandises que des voyageurs.

Comment valoriser au mieux les potentialités du chemin de fer ? Le projet de loi est rempli de bonnes intentions puisqu’il prévoit une extension de 2 000 kilomètres du réseau à grande vitesse, une augmentation sensible des crédits de l’État destinés à la régénération du réseau classique, auxquels viendront s’ajouter ceux des régions, sans compter des initiatives commerciales intéressantes concernant le fret : les autoroutes ferroviaires, le fret à grande vitesse ou les opérateurs de proximité. Mais, il faut regarder les choses en face : on ne pourra pas valoriser le chemin de fer si l’on continue à développer vigoureusement les autres modes de transport. Le projet de loi Grenelle ne met absolument pas fin au développement incontrôlé des infrastructures routières puisque, d’après les termes mêmes du texte, le développement autoroutier pourra répondre aux mêmes préoccupations que dans le passé, à savoir la congestion, la sécurité ou l’intérêt local. On n’a d’ailleurs jamais observé autant de pression de la part des élus locaux en faveur des routes que depuis lessix derniers mois. Certains s’offrent même une page entière du Monde pour vanter leurs projets locaux. Or toute augmentation de la capacité routière finit par induire du trafic et concurrencer les autres modes de transport, qu’il s’agisse d’autoroutes urbaines – pensez à l’A45, la deuxième autoroute Lyon-Saint-Etienne, ou aux projets franciliens et interurbains tels que Pau-Langon. Bref, si l’on veut favoriser le transfert modal, il faut arrêter le développement des infrastructures routières. Il ne faut pas oublier non plus que ces projets ont été conçus à une époque où le baril de pétrole valait quatre fois moins qu’aujourd’hui. Ils ne sont peut-être plus aussi pertinents sur le plan économique.

La poursuite de la construction des aéroports est aussi critiquable. Ainsi, celui de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, ne répond à aucune préoccupation sérieuse, puisqu’il existe une solution alternative qui n’a même pas été étudiée, à savoir la réorientation de la piste unique de l’aéroport existant.

Il faudrait également s’interroger sur l’opportunité du canal « Seine-Nord » qui fait pourtant consensus. Il s’agit d’un projet apparemment très vertueux sur le plan écologique, mais il est extrêmement coûteux et rien ne dit qu’il permettra le transfert modal de 4 milliards de tonnes par kilomètre et par an affiché dans le projet de loi. Qu’est-ce que ce chiffre vient faire dans un texte de loi ; le transfert modal ne se décrète pas. Ce canal renforcera l’attractivité des ports d’Anvers et de Rotterdam au détriment du Havre, où l’on vient pourtant d’investir lourdement et au moment où le secrétaire d’État aux transports, M. Bussereau, mène une politique courageuse de réforme des ports, précisément pour favoriser l’entrée des conteneurs dans les ports français. La voie d’eau n’est pas condamnable, mais le vrai créneau de la voie d’eau, c’est le fleuve, et non le canal interbassins. Regardons ce qui se passe en Allemagne. Les investissements en infrastructures non ferroviaires capteront du trafic qui pourrait se reporter sur le chemin de fer au détriment de l’environnement.

M. Yanick Parternotte a jugé courageux de se montrer aussi direct !

M. Jean Sivardière a répondu qu'il dit simplement ce qu'il pense. Et il n'est pas le seul à penser ce qu'il dit.

En outre, ces investissements capteront aussi de l’argent public car, comme le disait Alfred Sauvy, « il n’y a qu’une caisse et on ne dépense son argent qu’une fois ». Les milliards d’euros engloutis dans les routes, les aéroports ou les canaux manqueront pour finaliser le projet Lyon-Turin par exemple.

Pour financer le développement du ferroviaire, il faut commencer par éviter les gaspillages et trouver de l’argent supplémentaire. Mais se le procurer auprès des voyageurs se révélerait extrêmement dangereux, parce que le client est très sensible aux prix. Ce constat n’empêche pas la SNCF d’augmenter subtilement ses tarifs en élargissant les plages des heures de pointe et les zones blanches du calendrier ferroviaire. Ainsi, un relèvement trop fort des péages ferroviaires risquerait de dissuader le voyageur de renoncer à sa voiture ou à l’avion, au détriment de l’environnement.

On peut en revanche demander aux régions de faire un effort supplémentaire. Ce n’est pas une solution de facilité car, si bien des régions, comme la région Rhône-Alpes, ont déjà investi, elles sont encore nombreuses, tels les Pays de la Loire, à avoir consacré beaucoup d’argent aux routes, alors que ce n’est pas leur vocation, c’est celle des départements. On donne de l’argent aux départements pour financer des routes qui concurrenceront le système ferroviaire régional. Elles peuvent faire encore davantage pour le ferroviaire, indépendamment de ce qu’elles font déjà très bien pour l’exploitation des TER.

Si l’on veut véritablement développer le ferroviaire, il faut mettre en place des « écotaxes » frappant les concurrents du rail, c'est-à-dire l’avion et la voiture. Dans les travaux de l’atelier Transports du Grenelle de l’environnement, il a été réclamé en vain l’instauration d’une taxe sur les billets d’avion, sur le modèle de la taxe Chirac pour lutter contre le SIDA. C’était une solution extrêmement simple, à laquelle l’État a préféré une autre formule consistant à inclure dans un avenir lointain le trafic aérien dans le marché des quotas de carbone. On aurait très bien pu décider de taxer l’avion au moins sur les lignes en concurrence avec le TGV.

Il est nécessaire enfin de taxer davantage les parcours automobiles interurbains pour dégager des ressources destinées au maintien de certains services ferroviaires, du type des trains Corail, qui jouent un rôle très important dans l’aménagement du territoire, et qui sont actuellement délaissés au profit des TGV et des TER. Il y a pourtant de la place entre ces deux créneaux.

En conclusion, si on ne s’oriente pas vers ces choix, on aura manqué l’occasion de valoriser le ferroviaire, et, partant, de relever les deux défis majeurs qui pèsent sur notre avenir.

M. Christian Jacob, rapporteur a souhaité répondre d'un mot à M. Sivardière qui a contesté sa question sur le report modal. C’est tout de même le lieu et le moment de s’interroger. On voit bien qu’il ne suffit pas de construire des autoroutes ferroviaires pour qu’elles servent. Il faut peut-être prendre le temps de pousser la réflexion un peu plus loin. L’objectif n’est pas d’inventer des taxes nouvelles. Il s’agit plutôt de rendre compétitifs des systèmes de transport de marchandises compatibles avec les objectifs du Grenelle. Pour aller dans le sens de M. Sivardière, on pourrait interdire et fermer autoroutes et aéroports. De cette façon, c’est sûr, nous aurions du report modal. Mais il y a aussi d’autres approches, plus équilibrées, qui favorisent la compétitivité des moyens de transport les plus conformes aux objectifs du Grenelle.

M. Serge Poignant a pensé que M. Sivardière comprendra qu’étant élu de Loire-Atlantique, il ne partage pas son opinion sur la construction du nouvel aéroport Notre-Dame-des-Landes. Il est absolument nécessaire à l’économie de la région, et il entre tout à fait dans les critères du Grenelle de l’environnement puisque tous les aspects environnementaux ont été pris en compte dans le cadre de l’enquête publique et de la décision d’implantation. Pour le reste, sur l’action de la région, M. Poignant a indiqué qu’il ne faisait pas de commentaire, mais qu’il fallait parvenir à un équilibre.

S’agissant de la tarification, M. Khelif a parlé de l’écotaxe sur les poids lourds et de la directive « Eurovignette ». Elle sera à l’origine d’une évolution en profondeur puisqu’il faudra internaliser les coûts externes. L’Allemagne et la Suède se sont opposées pour l’instant à la prise en compte du CO2. Quelles perspectives existent pour la directive « Eurovignette » ? Quels financements en attendre au plan national ?

M. Daniel Paul a jugé que, dans ces interventions successives, se dissimule un tabou, une expression qui tient en trois mots : partenariat public-privé, le fameux PPP. Il faut oser dire les choses ! C’est probablement la direction dans laquelle on nous oriente compte tenu des insuffisances du financement public. Ce sera ça ou rien ! M. du Mesnil, lui, a franchi le pas lors d’une autre réunion il y a quelques semaines.

Par ailleurs, pour faire suite aux propos de M. Rose, peut-on développer le ferroviaire sans pénaliser volontairement le routier et l’autoroutier ? Il ne semble guère possible de courir deux lièvres à la fois et on ne peut pas dire que l’on aidera le ferroviaire – sous toutes ses formes, fret et passagers, et toutes distances – à s’en sortir sans mettre le holà, grâce à une politique publique appropriée, au développement du transport routier en général.

Pour sa part, M. Daniel Paul a toujours été réservé envers le projet « Seine-Nord Europe ». M. Sivardière n’a pas tort de dire que ce sera une belle autoroute desservant Anvers et Dunkerque, qui a au moins le mérite d’être en France. En revanche, nulle part ne figure dans le Grenelle la moindre ligne sur un projet qui aurait donné du sens à Seine-Nord, c'est-à-dire le projet « Seine-Est ». Celui-ci aurait permis aux ports de la Basse-Seine, y compris celui de Paris, d’aller, via Champagne-Ardenne, jusqu’au Luxembourg et, du coup, d’améliorer ce que l’on appelle l’attractivité du territoire.

Enfin, la question du financement est au cœur de toutes les politiques publiques. Aujourd'hui, on parle des transports, mais ce sera demain de la sécurité sociale, des retraites ou de l’école. Or toutes ces politiques sont aujourd'hui sanctionnées par les insuffisances de financement, que les victimes s’appellent AFITF, RFF, SNCF ou autres. Ce sont toujours les mêmes logiques qui sont à l’œuvre. Il faudrait que l’on nous dise enfin par souci d’honnêteté – dans le premier cas, de sécurité dans le deuxième et de transparence dans le troisième – que l’impasse financière sera comblée par les partenariats public-privé, que « Seine-Nord » n’a de sens que si « Seine-Est » vient le compléter et enfin, que, pour favoriser le ferroviaire, il faudra bien pénaliser la route.

M. Yanick Paternotte a indiqué à M. Sivardière qu'il est élu de Roissy et qu'il s’intéresse à tous les modes de transport, y compris au canal « Seine-Nord ». Ayant été administrateur du port autonome de Paris, il n’a pas eu l’impression que les gens du Havre et de Rouen se plaignaient de cette infrastructure à taille européenne. Elle constitue aussi, pour une partie des populations du détroit du Pas-de-Calais, une réponse pour mieux répartir les flux. On ne peut pas à la fois être contre la route et contre la voie fluviale. Au lieu de ne plaider que pour un seul type de report, il vaudrait mieux aujourd'hui, pour aller dans le sens de M. Rose, privilégier les plates-formes multimodales avec une incitation au développement durable. C’est la chaîne logistique qu’il faut organiser et non opposer un mode de transport à un autre.

M. Sivardière a ensuite évoqué les infrastructures en Ile-de-France, il avait sans doute en tête la Francilienne Ouest et l’A16. En tant que maire d’une commune qui, du fait de leur absence, supporte tous les trafics de report routiers, M. Poignant l’invite à venir présenter ses thèses devant les habitants exposés au bruit et à la pollution de l’air. Il y rencontrera sûrement un vif succès. Un réseau doit d’abord être fluide ! Quand 200 000 véhicules par jour traversent le centre ville, faute de mieux, et que cet engorgement finit par tuer à petits feux les industries de Cergy-Pontoise et l’industrie automobile de Poissy, il faut bien à un moment faire preuve de réalisme.

Quant à la concurrence des projets face au financement, on peut être tenté de répondre que les bons projets trouvent des financements. S’il y a un retour sur investissement, on trouvera les fonds. Comme l'a laissé entendre Daniel Paul, les partenariats public-privé sont faits pour ça. Si le projet est bon, il trouvera des financeurs, publics comme privés. Ainsi, le projet CAREX de TGV fret qu’anime M. Poignant aboutira bien à du report modal, mais il faut aussi une plate-forme intermodale. Si l'on exclue l’intermodalité, on n’aura plus de chaîne logistique, ni de développement durable, ni de croissance économique.

Il semble y avoir une opposition entre les discours de M. du Mesnil et M. Rose. Le premier déclare que les infrastructures existent, ce qui n’empêche pas le déclin du fret, tandis que le second déplore l’absence de sillons, la qualité du réseau et l’ouverture au fret. Où est la vérité ? Est-ce la qualité ou la quantité qui fait défaut ?

M. Maxime Bono a souhaité savoir à quoi sert désormais l’AFITF. Son président annonce quasiment qu'elle sera bientôt en cessation de paiement. Dans le contexte de la révision générale des politiques publiques, on peut se faire du souci pour son avenir. M. de Robien avait dit, lorsque les sociétés d’autoroutes ont été vendues, qu’on ne vend qu’une fois et qu’on pleure toute sa vie. Le temps des pleurs est venu.

Au-delà, l’avenir des infrastructures de transport est source de préoccupation. On dit que l’ouverture à la concurrence est la réponse à toutes les difficultés rencontrées par le fret ferroviaire. Mais, depuis 2003, l’ouverture, certes partielle, n’a pas entraîné une augmentation du trafic. Un point devrait d'ailleurs être fait sur ce que l’ouverture à la concurrence a apporté. Si la SNCF a désormais des concurrents, on n’a en aucun cas observé le transfert modal que l’on aurait pu espérer. Le président de RFF préconise le cadencement pour mieux utiliser le réseau existant, mais cela suppose aussi des investissements considérables dans la signalisation, domaine où nous sommes très en retard. La regrettable insuffisance des financements signe la fin de l’AFITF.

Quelles solutions reste-t-il ? On ne peut rejeter les partenariats public-privé – les maires en ont l’habitude – mais, s’agissant d’infrastructures aussi stratégiques que les voies ferrées, on peut craindre les conséquences du dessaisissement de la puissance publique sur l’aménagement du territoire. En dehors de ces PPP, qui va-t-on faire payer pour développer le fret ? Les passagers du TGV ? Ou les automobilistes et, plus généralement la route, comme l’a proposé M. Sivardière ? Autrefois, l’AFITF organisait cette collecte de la route au rail, on peut craindre qu’elle ne soit plus en mesure de le faire. En tout cas, il faudra bien choisir puisque l’État n’est pas à même de remplir son rôle dans le financement des infrastructures.

M. le président Patrick Ollier s'est interrogé sur ce que M. Bono reproche à l’AFITF. Mais, en tant que modeste administrateur, il peut lui assurer que des discussions sont précisément engagées avec le Gouvernement pour que l’Agence puisse bénéficier de recettes affectées et se procurer les 2 milliards dont elle a besoin. Il ne faut préjuger des décisions qui seront prises, mais, en attendant, il ne faut pas non plus enterrer l’AFITF.

Mme Françoise Branget a rejoint les positions de M. Paternotte sur l’intermodalité. On a trop longtemps opposé les modes de transport les uns aux autres, et on aurait tout à gagner à examiner de près le modèle allemand. En Allemagne, certains sillons ont été privatisés et l’ouverture à la concurrence s’est accompagnée d’un fort développement du fret ferroviaire. De plus, 13 % du fret circule sur les voies d’eau. Les liaisons interbassins sont le moyen de favoriser la cohérence dans le transport de marchandises car, si Marseille et Le Havre souffrent d’un manque d’activité par rapport aux ports néerlandais, c’est la conséquence de l’absence de liaison interbassins. M. Paul a raison, il faut développer « Seine-Moselle », « Rhin-Rhône », ou encore « Saône-Moselle ». Il faut développer les liaisons fluviales, mais surtout veiller à la cohérence du transport de marchandises.

M. Cyrille du Peloux a vu dans « Eurovignette » une des réponses possibles en faisant payer la tonne-kilomètre dans un cadre européen. Ce serait un bel outil économique pour favoriser le transfert modal et le financement des infrastructures. En outre, il aurait un impact positif sur l’environnement et la sécurité.

Quant au coût de la maintenance et d’accès à l’infrastructure, il faut noter que, pour être un opérateur en Allemagne et aux États-Unis, le coût d’accès à l’infrastructure reste bas : nous payons 1,20 euro à la tonne-kilomètre en France, contre deux euros en Allemagne. Pourtant, nous nous développons plus vite en Allemagne. La différence réside dans la qualité dans l’affectation des sillons. Il y a Outre-Rhin peu de goulots d’étranglement, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de problèmes de financement des infrastructures. Mais celles qui existent sont bien utilisées. La clé, c’est l’efficacité de la régulation. Or qui dit plus de trafic dit plus de recettes.

Quant aux recettes complémentaires pour financer le réseau, il faut rappeler que la SNCF réalise des profits très élevés : elle a un endettement zéro, elle s’est dégagée de ses engagements sociaux exorbitants du droit commun. Elle est vraiment dans une situation extraordinaire, sans faire pour autant de gains de productivité. Pourquoi ? Parce qu’elle est en situation de monopole. Elle vient de lancer une OPE sur Geodis, elle est en train de prendre le contrôle de Keolis, ce qui pose un problème fondamental de droit de la concurrence. Comment une entreprise bénéficiant d’un monopole et des financements de la collectivité – puisqu’elle s’est défaite de ses engagements de retraites –, peut-elle en même temps intervenir sur des marchés ouverts à la concurrence, sans y être soumise sur son propre marché ? Selon le chiffre qui circule, la SNCF dégage du TGV 1 milliard d’euros de profit. Et il est possible de faire payer davantage l’accès au réseau pour se rapprocher de la moyenne européenne. Développons le trafic, faisons payer l’accès un peu plus cher à tous les opérateurs et mettons en place – c’est l’objet de cette loi – les autorités de régulation qui conviennent.

M. Jean Sivardière a observé que les défis résident dans le prix de l’énergie et le réchauffement climatique, car les infrastructures sont construites pour des décennies et les décisions qui sont prises aujourd'hui ne se concrétiseront pas avant vingt ou vingt-cinq ans. Quel sera alors le prix du pétrole ou le trafic du nouvel aéroport de Nantes ?

En guise de conclusion, il faut une politique globale cohérente. Tout à l’heure, il a été question de l’échec de l’autoroute ferroviaire. Il n’a rien de choquant et il durera jusqu’à l’instauration du péage à la tonne-kilomètre qui intégrera les externalités. Ce jour-là, les choses changeront.

Il y a un bon exemple à suivre dans le domaine du rail, c’est la Suisse. Les Suisses ont depuis longtemps perçu tous les inconvénients du transit routier et ils ont réfléchi pendant vingt ans à la parade. Ils ont finalement adopté une politique cohérente consistant à bloquer les capacités routières internationales et à percevoir une « écotaxe » sur le trafic routier – la RPLP, pour redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations – dont le produit finance d’énormes travaux ferroviaires : le plan Rail 2000 et les deux tunnels du Lötschberg et du Gothard. En 2020, ils auront résolu le problème.

M. Hubert du Mesnil a souligné que, pour assurer son développement, le ferroviaire doit d’abord compter sur lui-même plutôt que sur les pressions exercées sur les autres, car il a des réserves de progrès qu’il lui faut mobiliser. La vitesse moyenne de circulation des trains de marchandises se situe entre quinze et vingt kilomètres à l’heure et la route n’y est pour rien. Il faut donc commencer par « se retrousser les manches » pour faire marcher le réseau ferroviaire. Le TGV a été inventé en interne, on n’a qu’à continuer à innover.

Le ferroviaire ne pourra jamais se passer d’argent public. On a donc bien besoin d’une agence. Que l’on fasse appel au privé pour optimiser les délais et les coûts, c’est une chose, mais se passer d’argent public, en est une autre.

Quant à « Eurovignette », la route paie déjà beaucoup de choses, mais elle pourrait payer plus, notamment les tracés deux fois deux voies. Certes, il faut déployer la tarification « Eurovignette ». Mais encore faut-il que les prélèvements servent non seulement à renchérir le prix de la route, mais surtout à financer le ferroviaire ! S’ils vont renflouer les finances publiques, l’État ne s’en portera que mieux, mais cela ne nous rapportera rien. Il faut certes équilibrer les conditions de concurrence, mais le prix du carburant s’en charge automatiquement. Développer la tarification, certes, mais à condition qu’elle serve de source de financement.

L’élargissement de l’Union européenne crée de la croissance. Deux ans après l’ouverture du marché à la concurrence, et, pour la première année, le trafic de marchandises va cesser de baisser. Les entreprises privées ont pris 10 % de parts de marché, ce qui représente une croissance exceptionnelle, sans que ce développement se soit fait entièrement au détriment de la SNCF. Le transport ferroviaire est en croissance nette.

Il est de la responsabilité de RFF d’offrir les bons sillons. RFF doit s’entendre avec la SNCF pour qu’il en soit ainsi et a en la matière une obligation de résultat.

M. Christian Rose a répondu à M. Paternotte que la dissension entre M. du Mesnil et lui-même n’est qu’apparente, parce que les goulots d’étranglement sont concentrés à certains endroits précis du territoire. Le fret circule selon cinq axes : trois axes nord-sud – Lille-Perpignan, Lille-Montpellier et Lille-Marseille – et deux axes transversaux, Le Havre-Italie, d’une part, et Le Havre-Allemagne. Sur ces axes, l’on retrouve Paris, Lyon et Montpellier, qui sont bien les points de blocage.

S'agissant d'Eurovignette, M. Christian Rose a déclaré ne pas partager l’idée d’introduire une régulation intermodale par les coûts. Quoi qu’on fasse et quoi qu’on imagine, le transport routier restera largement dominant. Si on généralise une taxe sur les poids lourds sans mesure d’accompagnement, ou sans modulation intelligente et efficace tenant compte de l’offre de transport alternatif, on pénalisera l’ensemble des marchés captifs de ce mode de transport. La question deviendra alors politique : ce sera le consommateur qui paiera, pour un objectif de report modal qui n’aura pas forcément été atteint. Une augmentation – naturelle ou fiscale – des coûts de transport routier peut constituer un signal prix, mais elle ne suffira jamais à mailler l’Europe d’un réseau ferroviaire serré.

Concernant les projets fluviaux, Mme Branget a raison d'inviter à réfléchir à un axe « Seine-Moselle », pour relier les bassins du Nord et du Sud. Il est indispensable, mais la priorité du moment, c’est le canal « Seine-Nord », et l'on ne peut accepter l’idée qu’il soit remis en cause. Sans doute a-t-il été, à tort, présenté comme essentiellement environnemental, alors qu’il s’agit aussi d’un projet économique. Il est pourtant de nature à remplir trois objectifs majeurs. Premièrement, contrairement à ce qui a été dit, il contribuera à élargir l’hinterland du port du Havre, et les Havrais portent ce projet, car les ports sont tributaires des autres modes de transport pour évacuer les conteneurs. Il s’agit là d’un marché d’avenir et l’intermodalité offre certainement les meilleures perspectives de report modal. Le transport combiné rail-route peut doubler d’ici à 2012. Deuxièmement, le canal « Seine-Nord » sert à l’approvisionnement en granulats de l’Île-de-France, ce qui est important au regard des perspectives de développement urbain à un horizon de vingt ans. Troisièmement, c’est une fabuleuse occasion de rapatrier enfin sur le territoire national toutes les activités logistiques qui se font aujourd'hui aux Pays-Bas et en Belgique, et qui nous envoient des camions, et pas des trains. Il faut cesser de dénigrer ce projet qui se justifie pleinement.

M. Stéphane Khelif a observé, s’agissant d’ « Eurovignette », que la mise en place d’un péage sur le trafic non concédé ne sera pas une première : il faut évoquer le cas de l’Allemagne et de la Suisse, qui, n’étant pas membre de l’Union, a négocié l’internalisation des coûts externes. L’écart entre les deux pays est de un à cinq. La taxe routière, parce qu’elle est cinq fois plus chère, rapporte à la Suisse 850 millions sur un territoire plus petit que la région Rhône-Alpes. C’est là une source de financement intéressante.

L’AFITF est habilitée à financer des contrats de partenariat. Dans le budget de cette année, figure un contrat de partenariat PPP routier, pour réaliser la liaison L2 à Marseille. Les collectivités locales sont d’accord pour y participer. Elle a donc de bonnes chances de se faire.

À quoi sert l’AFITF ? Il existe une agence de ce type en Allemagne – elle porte d’ailleurs le même nom – qui est financée uniquement par la taxe perçue sur les poids lourds. Nous sommes là pour honorer les engagements qui ont été pris. Le Gouvernement devrait donc trouver des solutions. L’expérience des trois dernières années a montré que nous avions réussi à atteindre un niveau d’engagements financiers considérable, de l’ordre de 12 milliards. Il n’y a pas de raison de revenir sur des engagements politiques, cette fois, qui étaient des engagements très forts.

M. le président Patrick Ollier a remercié très sincèrement, au terme de cette table ronde, tous les intervenants. Le compte rendu sera le plus précis possible et cette audition servira incontestablement au rapporteur et aux groupes politiques à préparer les amendements au texte ainsi que le débat du mois d’octobre.

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