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Mardi 16 septembre 2008

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 75

Présidence de Mme Catherine Vautrin Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des Transports, auprès du ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (n° 955)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, auprès du ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (n° 955).

Mme Catherin Vautrin, présidente, a remercié M. le secrétaire d’État chargé des transports, lui rappelant que l’Assemblée devait débattre prochainement du projet de loi de programme. Elle a indiqué également que les membres de la commission souhaitaient pouvoir apprécier avec lui la mutation que va connaître le secteur des transports dans notre pays.

M. Christian Jacob, rapporteur, a interrogé M. Dominique Bussereau sur le principe d’une évaluation systématique des projets, sur la base d’un rapport coût-efficacité prenant en considération les tonnes d’émission de gaz à effet de serre évitées ou stockées.

Le chiffre d’affaires des entreprises de transports est significatif, dépassant 50 milliards d’euros. En revanche, leur marge nette est très faible, d’environ 1,5 %. Selon les chefs d’entreprises de ce secteur, le système de taxation représenterait l’équivalent de cette marge nette. Ce n’est pas tout à fait la réalité, car les transporteurs étrangers aussi seront taxés. La charge sera néanmoins très lourde pour les transporteurs français. Des engagements ont été pris par le Gouvernement, et nos transporteurs sont très attachés à la mise en place de systèmes de compensation. On pourrait, par exemple, répercuter le coût de la taxe envisagée sur les bénéficiaires des transports de marchandises : c’est alors qu’elle aurait vraiment une portée écologique.

Les transporteurs ont posé aussi la question de l’encadrement du cabotage, domaine où ils sont en concurrence avec les transporteurs étrangers et sur la possibilité de charger à 44 tonnes les véhicules routiers. Il ressort, par ailleurs, des auditions, que le mode de transport le plus prisé et le plus efficace est celui des transports combinés, alors que l’on a tendance à se focaliser sur les autoroutes ferroviaires. Il serait intéressant de faire un bilan précis de ces dernières et de voir s’il ne faudrait pas mettre plus l’accent sur les premiers.

Le péage urbain ensuite semble fonctionner dans plusieurs pays voisins. Ne pourrait-on pas prévoir un tel système en France, tout en laissant aux collectivités locales le soin de l’expérimenter, si elles le souhaitent ?

Pour financer les infrastructures, l’idée d’un fonds de capitalisation a été évoquée. Il permettrait d’utiliser des actifs de participations de l’État dans les sociétés où il est actionnaire. On pourrait également ouvrir ce fonds aux investisseurs institutionnels et aux collectivités territoriales. Un tel fonds permettrait de lever de l’emprunt et donc de disposer d’un financement autre que celui que peuvent procurer les systèmes actuels de taxation – lesquels risquent d’être mal ressentis par nos concitoyens. Quelle est ainsi la situation de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ? Quelles sont ses perspectives ?

Les représentants de la SNCF ensuite se disent victimes d’une taxation sur le fret électrique, qui rend aujourd’hui plus intéressant l’utilisation pour le fret des locomotives diesel. Qu’en est-il ?

Enfin, ne serait-il pas opportun que l’Assemblée puisse discuter au moins une fois par législature du schéma national des infrastructures, qui donnerait lieu à une présentation globale, puis à un grand débat ?

Mme Catherine Vautrin, présidente, a rappelé que 253 incidents avaient été relevés par la SNCF dans les huit premiers mois de l’année. Est-ce que cela justifie de revoir la façon dont fonctionnent les relations entre RFF et la SNCF ?

M. Maxime Bono a évoqué l’article 10 du projet de loi et les transports de marchandises. L’objectif antérieur était, semble-t-il, « d’augmenter de 25 % d’ici 2012 la part de marché du fret ferroviaire ». Or l’article 10 pose l’objectif « d’augmenter de 25 % d’ici 2012 la part de marché du fret non routier. » N’est-ce pas se situer en deçà de ce qui était prévu les ambitions affichées pour le fret ferroviaire ?

L’article 11 relatif aux transports de voyageurs fixe comme objectif d’organiser « un système de transports intégré et multimodal privilégiant les transports ferroviaires dans leur domaine de pertinence. » Comment peut-on définir ce domaine de pertinence d’une façon qui ne soit pas restrictive ?

L’article 12 concerne les transports urbains. Ces derniers ont malheureusement été très absents des différentes « tables rondes » qui ont préparé les débats et n’ont pas fait l’objet d’un examen spécifique. D’autant que le présent texte est très en retrait par rapport aux engagements pris par le Président de la République lors du Grenelle de l’environnement. L’État était prêt à apporter 4 milliards d’euros, et non pas 2,5 milliards, au titre de projets nouveaux. D’autres modes de financement sont-ils prévus ?

Le financement de l’AFITF arrivera prochainement à son terme, avec environ 3 milliards d’euros d’inscription en dépenses, et 850 millions d’euros en recettes. On ne peut que regretter encore une fois la vente des sociétés d’autoroutes. Elles auraient pu rapporter, a estimé M. Maxime Bono, 40 milliards d’euros, ce qui aurait permis de transférer des recettes de la route vers d’autres modes de déplacement.

Il est aujourd’hui proposé de vendre des participations d’État pour abonder un fonds de capitalisation. Outre le fait qu’aujourd’hui, de tels fonds n’inspirent pas grande confiance, il pourrait être judicieux d’envisager des recettes plus pérennes – et par là même, un rôle nouveau pour l’AFITF. Quel est ainsi l’avenir de l’AFITF, sur le plan financier comme sur le plan de son organisation et de ses missions ?

L’état du réseau inquiète. Depuis l’audit de l’École polytechnique de Lausanne, l’on sait qu’il faudrait consacrer à peu près 500 millions d’euros par an au réseau, uniquement pour le maintenir en état. Jamais, depuis lors, de telles sommes n’ont été atteintes. L’on est resté très en deçà et, lorsque des sommes significatives ont été inscrites, les régulations budgétaires les ont ramenées à des niveaux très éloignés des besoins. Une série d’incidents a été constatée. Le Gouvernement a évoqué une « loi des séries ». Les « séries » se prolongent et l’on peut craindre que ces incidents ne soient que la conséquence du défaut d’entretien.

En ce domaine, les engagements sont flous. Il est question de 400 millions d’euros par an supplémentaires équivalant à deux fois et demi le niveau de 2004. Comment nous assurer que ces engagements seront tenus ?

M. Serge Poignant a indiqué que chacun pouvait être satisfait, que la question des transports ait été abordée sous l’angle des émissions de CO2.

Chacun souhaite développer le fret ferroviaire. Cela implique des infrastructures, donc des financements, mais la question ne pourrait-elle aussi être résolue en partie par une amélioration de la gouvernance et une rationalisation de l’utilisation de l’existant ?

Au niveau national, il convient de se caler le mieux possible sur les décisions européennes existantes ou futures, s’agissant notamment des émissions de CO2, car il faut considérer la dimension de la concurrence. Au niveau local, il faut raisonner davantage en termes de déplacements, d’aménagement du territoire et travailler sur les relations entre l’urbanisme et les transports.

La « taxe poids lourds » doit être le plus possible dédiée aux infrastructures de « remplacement ». Il faudra faire attention aux transporteurs, notamment aux petits transporteurs, qui seront plus touchés que ceux des zones frontalières ou des zones de transit. Quelles sont les compensations possibles ?

Enfin, dès lors que le projet comporte une liste de lignes à grande vitesse, il conviendrait de ne pas oublier la liaison Bordeaux-Nantes.

M. André Chassaigne a estimé que tout le monde est d’accord pour dire que le mode ferroviaire est celui qui émet le moins de gaz à effet de serre. Mais les lignes sont très fatiguées ; selon un audit de l’École polytechnique de Lausanne sur les infrastructures, 2 500 kilomètres de voies seraient « très dégradées »  – dont 10 % en Auvergne, où la fermeture de 250 kilomètres de lignes a déjà été engagée pour des raisons de sécurité. Sur les lignes très dégradées, la circulation ne dépasse pas 30 kilomètres à l’heure. On évalue à 580 millions d’euros la somme nécessaire à la régénération et à la pérennisation des lignes en Auvergne.

De plus le système ferroviaire est très endetté – 27 milliards pour RFF. Des rapports récents de la Cour des comptes, du Sénat, du Conseil général et des Ponts et Chaussées confirment l’ampleur de la dette et la nécessité de nouvelles ressources pour régénérer les infrastructures.

L’article 10 du projet de loi apporte une réponse : « En complément de l’effort des régions pour l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire, les moyens dévolus par l’État et ses établissements publics à la régénération de ce réseau ». C’est là un vrai retournement. La compétence de l’État devient soudain secondaire ; on transfère aux régions, au détour d’un article, la compétence de financer l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire ; ce point doit être éclairci, a estimé M. Chassaigne.

La réforme de la tarification, en cours d’arbitrage entre RFF et l’État, aura des conséquences importantes. Certes, il s’agit d’augmenter les péages pour préparer l’ouverture à la concurrence en 2010 ; seront concernés le réseau TGV et, plus largement, les lignes fréquentées. Mais le fait que l’État n’engage pas de ressources nouvelles, pourtant nécessaires et essaie de faire payer le ferroviaire par le ferroviaire ne risque-t-il pas d’aboutir à une déstructuration du réseau national, à un accroissement de l’inégalité entre les territoires dans l’accès au mode ferroviaire et entre les régions pour le financement des TER ? Certaines régions riches vont s’engager, comme on le constate déjà ; les régions pauvres ne le pourront pas, et le réseau sera abandonné.

Enfin l’on compte résoudre la question du fret un peu trop facilement. L’article 10 dispose que : « La création d’opérateurs ferroviaires de proximité sera encouragée afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire de wagons isolés. Des dotations du budget de l’État encourageront le recours au transport combiné par des compensations tarifaires aux opérateurs, au moyen de conventions passées entre l’État et les opérateurs… ». Cela revient à subventionner le secteur privé pour lui garantir une certaine rentabilité, alors que les moyens accordés à la SNCF sont insuffisants. Au détour de ce projet de loi, le Gouvernement n’ouvre-t-il pas encore un peu plus la porte à la privatisation du réseau ferré ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, a rappelé qu’il avait présenté en Conseil des ministres un projet de loi créant une autorité de régulation ferroviaire. Il était important, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence en 2010, de créer une autorité indépendante sur le modèle de ce qui existe dans le domaine de l’énergie ou des télécommunications.

L’évaluation des projets sur la base d’un rapport coût-efficacité et des économies de CO2 sera bien la règle. La dimension d’aménagement du territoire sera également prise en compte. C’est ainsi que le besoin de doublement de la ligne Paris-Lyon – qui sera bientôt saturée – a amené le Gouvernement à demander à RFF et au préfet de la région Auvergne l’étude d’un tracé partant de la gare d’Austerlitz, passant par Orléans, le Berry, Clermont-Ferrand et Lyon, qui tiendra compte de la nécessité de permettre au Massif Central d’avoir accès à la grande vitesse.

S’agissant de la « taxe poids lourds », le cadre actuel est celui de la directive « Eurovignette ». Certains pays européens ont adopté un tel système : l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et l’Italie y réfléchissent. Le 8 juillet, la Commission européenne a présenté un nouveau projet de directive « Eurovignette » qui a fait l’objet d’une discussion les 1er et 2 septembre à La Rochelle au cours d’un conseil informel des ministres des transports. Les pays périphériques sont moins intéressés que les pays de transit. Pour autant, on doit pouvoir arriver à un consensus, à la condition que cette vignette soit facultative et que les États puissent décider à peu près librement de son affectation – même s’ils seront fortement incités à l’affecter au financement des infrastructures.

La création de cette « redevance poids lourds » est donc envisagée. À la suite de la « loi Bur », elle serait appliquée à l’Alsace un an avant sa mise en œuvre globale. L’objectif est de l’appliquer en 2012 sur le réseau autoroutier actuellement gratuit, c’est-à-dire non concédé, sur ce qui reste du réseau de routes nationales et, si certains départements le demandent, sur quelques routes départementales très utilisées, avec, bien évidemment, un retour pour ces départements, puisque ce sont eux qui les construisent et qui les entretiennent. C’est une charge supplémentaire pour les transporteurs routiers et une répercussion intégrale de cette taxe en pied de facture est envisagée. L’harmonisation de la taxe à l’essieu, qui passerait par une diminution de la part française, est par ailleurs en bonne voie. Enfin, en concertation avec les entreprises de transport, toutes les mesures de transition seront étudiées.

Le projet du Gouvernement est d’affecter cette redevance au financement des infrastructures de transports. Dans le cadre de la directive « Eurovignette » actuelle, elle devrait rapporter en 2012 entre 800 000 et 1,2 milliard d’euros – sachant que le fonctionnement du système a un coût. L’on envisage plutôt un système satellitaire, du type de celui qui est utilisé en Allemagne puis, à terme, le système GALILEO.

Il faut également penser à l’harmonisation européenne, non pas réitérer avec la « redevance poids lourds », ce qui a été fait avec les systèmes ferroviaires, où chacun a son propre système de signalisation, d’électrification, de sécurité, voire son propre écartement des voies. Il faudra prévoir, à l’avant des poids lourds, le même appareil.

De la même façon, il faut travailler à l’harmonisation du cabotage au niveau européen. Un texte l’encadrant strictement a déjà été voté sous la présidence tchèque.

Le débat sur « les 44 tonnes » est difficile. L’augmentation du poids unitaire des camions circulant sur les routes ne va pas vraiment dans le sens du Grenelle de l’environnement. Des exceptions existent déjà au moment des récoltes, pour le transport des céréales, des betteraves, des grumes, ou autour des grands ports maritimes. Mais une telle augmentation risque d’avoir un impact négatif dans notre pays et le Gouvernement est réservé.

Actuellement, deux autoroutes ferroviaires concernent la France : Aiton-Orbassano, sur la ligne classique du Mont Cenis et, depuis un peu plus d’un an, l’expérimentation menée entre Le Boulou dans les Pyrénées-Orientales et le péage de Bettembourg, au Luxembourg. Cette dernière ligne rencontre des difficultés ; ses acteurs économiques l’ont récemment recapitalisée.

On peut faire monter en régime les autoroutes ferroviaires : il est envisagé d’allonger le parcours de celle qui relie la France et l’Italie, de faire monter en puissance l’autoroute ferroviaire entre le Luxembourg et l’Espagne et d’en créer une sur l’axe Paris-Bordeaux à mesure de la mise en service de la voie nouvelle entre Tours et Bordeaux, qui dégagera des sillons sur la voie classique.

Même en les augmentant fortement, les autoroutes ferroviaires ne permettront pas de traiter de grosses masses. Pour cela, il faudra se tourner vers les transports combinés, le trafic maritime mondial se développant par les conteneurs et par les caisses. Pour autant, les autoroutes ferroviaires, comme d’ailleurs les autoroutes de la mer, restent des vecteurs pertinents du report modal.

Le Gouvernement envisage de permettre aux collectivités – qui le voteraient en conseil municipal – d’instituer des péages urbains sur un axe ou sur un quartier, et de gérer les ressources correspondantes. Il existe de nombreux exemples de péages urbains en Europe ou en Asie. Mais il s’agirait d’une possibilité offerte aux collectivités, qui pourraient ou non en user.

Pour financer les infrastructures, le rapporteur a proposé de réfléchir à la création d’un fonds de capitalisation. Le Gouvernement envisage également l’institution de la redevance d’usage pour les poids lourds. En attendant, il faudra, par des subventions budgétaires, compléter le financement de l’Agence de Financement des Infrastructures de France. On pourrait aussi modifier la redevance domaniale des sociétés d’autoroutes.

M. Dominique Bussereau a indiqué qu’il était favorable à un élargissement du rôle de l’Agence. Au lieu d’être un simple guichet, elle pourrait faire de l’ingénierie financière. Mme Pérol-Dumont a assisté récemment à Bordeaux à une réunion sur le financement de Tours-Bordeaux, de Poitiers-Limoges, de Bordeaux-Toulouse et de Bordeaux-Espagne. D’une certaine façon, l’État procède à des montages financiers avec les collectivités locales. On pourrait confier ce rôle à l’AFIFT.

À propos des redevances thermiques et électriques, on paie effectivement plus cher pour le fret électrique, parce qu’il faut tarifer non seulement l’entretien et l’exploitation des installations électriques, mais encore les pertes d’électricité provoquées par la caténaire. RFF avait proposé d’aligner les deux redevances, mais c’est pour l’instant incompatible avec la directive européenne 2001-94.

Autre sujet de mécontentement : les opérateurs privés qui circulent sous caténaires avec des locomotives diesel. C’est parfois pour éviter des ruptures de charges, ce qui peut se comprendre. Mais c’est surtout parce qu’il n’y avait pas sur le marché européen suffisamment de locomotives électriques disponibles. Les opérateurs européens ont acheté récemment de nombreuses locomotives électriques, à Alstom, à Bombardier et à d’autres constructeurs. Ces anomalies devraient donc être corrigées.

L’idée de soumettre au Parlement un rapport sur le schéma national des infrastructures n’est pas sans intérêt et sera soumise au Premier ministre et à M. Borloo.

Les incidents de caténaires interviennent généralement dans trois situations : un grand froid, une forte chaleur ou un vent violent. Ce n’était pas le cas lors des incidents récents. Peut-être la forte montée du trafic voyageurs, en juillet en en août, a-t-elle entraîné une usure inhabituelle des caténaires ? On sait qu’à Aubagne, une erreur humaine est à l’origine de l’incident. À la sortie de la gare Montparnasse, on ne peut imputer l’incident au vieillissement du matériel ; peut-être à un défaut d’entretien. Quant aux autres incidents, on n’en connaît pas encore la cause. Les inspections ne seront pas suffisantes en elles-mêmes, mais elles aboutiront à des constats et à des améliorations du réseau sur certains points. La SNCF est capable de les financer.

La loi de 1997, qui appliquait la directive, a montré ses avantages et ses inconvénients. Tous les maires savent bien combien il est difficile d’acquérir des infrastructures ferroviaires non utilisées, en raison notamment de la complexité des relations entre RFF et la SNCF. M. Le Premier ministre a confié au sénateur Hubert Haenel, le père de la régionalisation ferroviaire, une mission dont ce dernier nous donnera les résultats à la fin de ce mois. Deux thèmes seront abordés : le point de la régionalisation ferroviaire et l’évolution de la relation entre RFF et la SNCF. Ce rapport sera présenté au Parlement. Peut-être entraînera-t-il des modifications législatives.

À M. Maxime Bono, M. Dominique Bussereau a répondu qu’il y avait peut-être une confusion sur l’article 10 du projet : lorsque le Président de la République a annoncé cet objectif de report modal de 25 %, il a clairement dit qu’il s’agissait d’un report sur les modes non routiers : le ferroviaire et le fluvial. Cet objectif est donc maintenu.

Quant à la « pertinence » du ferroviaire, Louis Armand disait : « Si le chemin de fer survit au XXe siècle, il sera le mode d’avenir du XXIe siècle. » De fait, aujourd’hui, c’est un mode de plus en plus pertinent. En témoignent les nombreux projets de lignes à grande vitesse dans le monde entier. Les Allemands ont récemment fait l’essai d’un train de fret entre Hambourg et Pékin ; malgré les difficultés et les changements d’écartement des voies, il a mis dix jours de moins qu’un bateau. L’élargissement de l’Europe a redonné de la pertinence au fret ferroviaire sur de longues distances, un peu sur le modèle américain. Il y a vingt ans, les compagnies américaines étaient moribondes ; avec l’ALENA, elles transportent sur tout le continent, au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Il en sera de même en Europe. Aujourd’hui déjà, jusqu’à 1 000 kilomètres, le TGV prend tous les trafics à l’avion. Nous n’avons donc pas à nous inquiéter sur la pertinence du mode ferroviaire. C’est d’ailleurs une chance pour la France qui possède un outil ferroviaire et une industrie ferroviaire dans tous les domaines : infrastructures, matériels, et où de grands groupes comme Veolia ou Transdev ou encore Keolis exploitent des réseaux ferroviaires de transport urbain.

M. Maxime Bono, qui a accueilli dans sa ville la Semaine des mobilités européennes, a souligné l’importance des transports urbains. Le Gouvernement ne les a pas mis en retrait mais annoncé, pour les projets nouveaux, 2,5 milliards d’euros jusqu’en 2020, et le reste ensuite, ce qui paraît assez réaliste.

Sur l’état du réseau, il faut rappeler que l’on en rénove à peu près 500 kilomètres par an. M. Dominique Perben avait annoncé qu’un effort important serait fait ; cet effort est en cours de réalisation. Bien que cela ne fasse pas partie de leurs compétences d’origine, certaines régions ont engagé des travaux de rénovation, le Midi-Pyrénées, le Limousin, l’Auvergne mais l’État doit faire un effort.

À M. Serge Poignant, qui avait parlé gouvernance et rationalisation, s’agissant du fret, M. Dominique Bussereau a répondu que certes, la SNCF a encore beaucoup de progrès à faire. M. Pepy a eu raison de décider de faire travailler ensemble Geodis et SNCF Fret. Il y a quelques années, la Deutsche Bahn a racheté le premier logisticien allemand ; ils sont maintenant capables de prendre une marchandise dans la région de Hanovre et de l’envoyer en Chine par train, par avion et par les chemins de fer chinois en gérant la même facture de transport. Le travail en commun de SNCF Fret et de Geodis devrait permettre de regagner des parts de marché.

Pour l’instant, l’ouverture à la concurrence se traduit par le fait que sept entreprises privées, françaises ou étrangères, travaillent en France. Si elles prennent des parts de marché à la SNCF, celle-ci peut et doit en regagner ailleurs. Cela dit, l’environnement de la concurrence n’est pas mauvais en soi. Si tous les chemins de fer européens – sauf le nôtre – ont regagné des parts de marché dans le fret, c’est certainement grâce à la concurrence.

M. Dominique Bussereau a estimé que M. Serge Poignant avait justement évoqué les problèmes de la « taxe poids lourds » et de son incidence sur les petits transporteurs.

S’agissant d’une liaison Nantes-Bordeaux, il a rappelé que la région Pays de Loire est en train d’électrifier Nantes-Les Sables d’Olonnes, La Roche-sur-Yon –Les Sables d’Olonnes ; la région Poitou-Charentes réfléchit à l’électrification de l’étoile de Saintes et à la relation La Rochelle-Rochefort. Tous ces efforts aboutiront certainement à l’électrification complète de l’axe Bordeaux-Nantes qui a été construit par des sociétés privées au XIXe siècle, avec peu d’argent et qui ne permet pas de grande vitesse ; il est très utile pour le fret, mais même électrifié, on n’y dépassera jamais les 120-130 kilomètres/heure du fait des difficultés du tracé est très mauvais, bien que l’on soit toujours dans des zones de plaines ou dans de marais.

Il est exact que c’est l’Auvergne qui a le plus de lignes dégradées : dans les endroits où le trafic avait le plus baissé, l’entretien était moindre. Il faudra donc faire un effort d’entretien pour ces lignes. Aujourd’hui, le trafic des TER repart. La future loi ferroviaire devrait permettre à RFF de traiter en direct l’entretien des petites lignes réservées au fret. On n’a pas besoin du même niveau d’entretien sur les lignes où circulent des TER et sur les lignes où ne circulent que des trains de fret pour desservir une coopérative agricole, un entrepôt ou une zone logistique. Nous voulons développer les opérateurs de proximité, qui permettent de conserver des trafics ferroviaires, sur des lignes que la SNCF n’est pas en capacité de gérer parce que ses moyens sont trop importants : quand elle arrive, c’est avec un locotracteur, le conducteur, l’aiguilleur, le chef de service ; l’opérateur arrive avec une seule personne, qui peut tout faire.

Si aujourd’hui les ports allemands nous font une dure concurrence, c’est justement parce que, sur ces ports, interviennent des opérateurs de proximité qui vont chercher les wagons sur les quais et les amènent aux opérateurs ; de la sorte, le trafic de la plupart des ports allemands repart par le fer, ce qui n’est pas le cas chez nous. Une expérience a été menée en région Centre ; il est souhaitable qu’il y en ait d’autres et que l’on développe en France des opérateurs de proximité qui aillent chercher les wagons et les remettent à l’opérateur ferroviaire.

Il faut certes augmenter les péages sur les lignes TGV. Si en 2010 la « Deutsche Bahn » assure un Francfort-Marseille, il serait anormal qu’elle ne s’acquitte pas d’un péage, puisque c’est la France qui a payé cette ligne. Nous avons considéré que, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, il convenait d’augmenter les péages, notamment sur ces lignes. Mais comme l’a estimé M. André Chassaigne, il ne faut pas que ce péage crée des inégalités entre les différents réseaux du territoire.

Enfin, quand l’État sera moins « nécessiteux », il devra se pencher sur le problème que posent les 27 milliards d’euros d’endettement de RFF et trouver les moyens de rembourser cette dette. Quand on a créé RFF en 1997, on y a « logé » la dette de la SNCF. Cette dette n’a fait que s’amplifier. C’est un beau sujet pour les ministres du budget des années à venir !

M. Daniel Fasquelle. Le secteur du tourisme est le premier en termes d’emplois et représente plus de 6 % du PIB. Lors des dernières assises du tourisme, l’on a observé une concentration trop importante sur Paris ; une évolution des séjours qui sont de plus en plus courts, ce qui signifie que le temps d’accès au séjour prend de plus en plus d’importance ; le fait que les touristes sont de plus en plus sensibles au développement et au tourisme durables, qu’il s’agisse du moyen d’accès au lieu de séjour touristique ou de l’habitat qu’on y propose. Le transport ferré doit être à tout prix développé en direction des zones touristiques. De grandes stations bien connues du littoral français se sont développées au début du siècle dernier grâce au train. Malheureusement, depuis plus d’un siècle, le temps d’accès n’a pas changé.

Dans le cadre des débats du Grenelle de l’environnement, l’on a peu parlé de l’économie touristique. Elle ne doit pas être absente du projet de loi du Grenelle I. Quelle attention faut-il porter à cet impératif qui consiste à desservir, en particulier par des lignes à grande vitesse, les zones touristiques ? M. Daniel Fasquelle a rappelé l’attention qu’il portait avec d’autres collègues comme M. Alain Gest à un projet de ligne à grande vitesse Paris-Amiens-Londres via la côte d’Opale et la côte picarde.

M. Philippe Duron a estimé que la question du financement est essentielle, pour la modernisation des infrastructures comme pour leur évolution. L’AFITF est dans une situation difficile. Le problème se posera dans les trois ans à venir, avant que ne soit instituée la « taxe poids lourds ». Comment pallier cette impasse de financement ? Serait-il possible d’augmenter le niveau de la taxe d’aménagement du territoire ? Ce serait assez indolore pour le contribuable, sans avoir de coût pour l’État. Ce serait également le moyen de compléter la « taxe poids lourds » : si celle-ci rapporte un milliard d’euros, ce ne sera pas suffisant pour compenser le trou de l’AFITF.

Le projet évoque la réalisation du canal Seine-Nord-Europe. Mais la modernisation et la mise à niveau du reste du réseau fluvial constituent un vrai sujet, s’agissant du réseau magistral. En effet, on n’est pas allé au bout de la modernisation des infrastructures ou, plus concrètement, des sociétés qui portent les infrastructures. On pourrait très bien faciliter et accélérer cette modernisation en transférant à VNF le patrimoine fluvial, comme ce fut fait pour RFF. Qu’est-ce qui pourrait s’opposer à cela aujourd’hui ? La loi ne pourrait-elle pas être l’occasion d’avancer  sur ces questions?

M. André Chassaigne a parlé des difficultés rencontrées par les régions, notamment, pour faire rouler leurs trains sur des infrastructures un peu obsolètes, comme cela a pu être le cas il y a quelque temps dans la région Basse-Normandie. Il avait été proposé jadis à RFF de préfinancer la régénération ferroviaire en échange d’une réduction momentanée du coût des péages. Une telle solution permettrait tout à la fois d’améliorer l’efficacité du réseau ferroviaire, de protéger un réseau qui se délite et qui est menacé par endroits d’obsolescence et in fine, de régénérer plus rapidement le réseau.

M. Philippe Duron a enfin indiqué que se rendre à Paris depuis la Normandie devient de plus en plus problématique. Cette région se trouve dans une situation de « pré-jacquerie » ferroviaire, s’agissant de Paris-Cherbourg ou de Paris-Granville. Le projet de loi évoque le prolongement de Eole jusque vers Mantes-la-Jolie. Cela paraît assez compliqué. Ne pourrait-on pas s’orienter vers d’autres solutions ?

M. Philippe Plisson a demandé, s’agissant de la stratégie autoroutière, si l’on ne pourrait pas prévoir une règle pour le choix des infrastructures à réaliser, qui ne laisserait pas de place au « copinage » ou à des impératifs locaux passablement « brumeux » ?

D’autre part, les transports sont intimement liés au développement économique et à l’urbanisme : le projet de loi ne devrait-il pas imposer une forme d’organisation en obligeant les réflexions locales à se « caler » sur les schémas nationaux et sur des schémas de cohérence territoriale obligatoires – les SCOT ? Sinon, on n’aura que rapports de force et incohérence.

S’agissant de la réouverture des voies ferrées, l’on est souvent dans l’incantation. Tout le monde est d’accord, mais rien ne se passe, parce que personne ne sait qui va payer. Il serait bon là aussi d’arrêter un schéma, un calendrier, des financements, pour définir des perspectives crédibles, plutôt que se borner à des souhaits.

M. Olivier Carré a interrogé le ministre sur le déplafonnement du « versement transport » pour le financement des infrastructures urbaines ?

M. Francis Saint-Léger a fait allusion au mauvais état de notre réseau ferré qui a été souligné par plusieurs collègues. Il faudrait 500 millions d’euros par an pour conserver dans un état convenable les infrastructures existantes. Celles du Massif Central sont les plus dégradées, au point que plusieurs lignes sont menacées de fermeture. Certaines ont d’ailleurs déjà été fermées faute d’entretien. En particulier, la ligne Clermont-Ferrand-Nîmes, qui existe depuis 140 ans et qui est importante pour l’économie de la région, demanderait à elle seule environ 300 millions d’euros de travaux urgents. Quelle est la position du Gouvernement sur la remise en état de cette ligne ? De façon générale, comment atteindre les objectifs du fret inscrits dans le projet de loi, compte tenu des besoins de financement pour régénérer le réseau ferré ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a indiqué que l’article 11 du projet de loi dispose que la priorité ira aux infrastructures ferroviaires. Le Gouvernement a souligné à plusieurs reprises la pertinence de ce mode de transport. Comment cette priorité se traduira-t-elle concrètement dans le développement du réseau de lignes à grande vitesse ? Peut-on espérer une accélération des divers dossiers en cours, en particulier ceux qui concernent des territoires à ce jour exclus de la grande vitesse, à commencer par le Massif Central ?

On peut se féliciter qu’ait été confirmée l’intégration du barreau Poitiers-Limoges dans le projet Sud Europe-Atlantique, où il a évidemment toute sa place. Il ne semble pas acceptable, en revanche que, comme il est écrit à l’article 11, la réalisation de ce barreau soit renvoyée au programme supplémentaire de 2 500 kilomètres prévu « dans une perspective de long terme », alors que l’intégralité des études est déjà financée, que le « tour de table » est arrêté et que la réalisation, aux dires de RFF, ne soulève aucun problème technique.

Au-delà ce cas, il semblerait opportun que les lignes dont le plan de financement est le plus avancé soient inscrites prioritairement, sans risquer d’être repoussées à un terme plus lointain. Un amendement gouvernemental dans ce sens serait le bienvenu, car la première liste comporte des lignes dont le plan de financement est moins abouti que celui du barreau Poitiers-Limoges.

M. Jean-Louis Gagnaire a estimé que le projet de loi ne procède à aucune hiérarchisation des trafics. Or on ne peut pas, au moins dans certains secteurs, faire à la fois de la grande vitesse, de l’ « inter-cités » avec les TER, du périurbain et du fret. Il faut hiérarchiser ces priorités, d’autant qu’on ne pourra pas se contenter de régénération et qu’il faudra construire des lignes nouvelles. Parmi d’autres causes, les difficultés du fret ferroviaire viennent aussi d’une vitesse de circulation trop faible, parce que la SNCF est obligée d’arrêter les trains. Il faut donc avant tout mettre fin aux thromboses à la périphérie des grandes agglomérations.

La formulation de l’article 10, alinéa 4, introduit, d’autre part, une confusion. Jusqu’à preuve du contraire, la régénération des voies de chemin de fer n’a jamais incombé aux régions. Si elles y contribuent, et, c’est une bonne chose, c’est de manière facultative. Or le texte laisse entendre qu’il y aurait là une compétence obligatoire des régions. L’entretien et la régénération du réseau ferroviaire restent une compétence obligatoire de l’État. En l’état de la rédaction, l’on peut craindre des dérives dans le futur. Il faut être attentif au risque d’un désengagement complet de l’État.

S’agissant enfin des opérations ferroviaires mentionnées, il aurait fallu rappeler les projets importants qui sont en cause : Lyon-Turin, contournement fret de Lyon, qui, outre qu’ils sont essentiels, sont en cours de réalisation mais ne sont pas complètement financés. Il faudrait vraiment sécuriser Lyon-Turin, maintenant qu’il a progressé. En ce qui concerne Perpignan-Figueras et le contournement de Montpellier et Nîmes, nous accusons un vrai retard. Contrairement à ce qu’a dit Jean-Louis Borloo en juillet, les Espagnols sont beaucoup plus avancés que nous, puisque le tunnel est percé et qu’ils sont en train de placer les caténaires.

M. Alfred Almont. Le transport constitue un catalyseur du développement, surtout pour les régions insulaires éloignées. Ce grand projet de loi, qui retranscrit le Grenelle de l’environnement et vise à faire du transport un facteur du développement durable, offre une excellente opportunité de revoir la loi d’orientation sur les transports intérieurs, vieille désormais de plus de vingt ans, et qui occulte complètement la question du transport maritime dans les départements d’outre-mer, et fluvial s’agissant de la Guyane. C’est pourquoi il faudrait compléter ainsi l’article 14, alinéa 7, qui déclare que la politique des transports « donne la priorité, pour le transport des voyageurs, au développement de l’usage des transports collectifs » : « qu’ils soient routiers, ferroviaires ou maritimes. ». Le vide juridique actuel a compromis tout développement du transport maritime dans nos régions d’outre-mer. L’absence d’autorité organisatrice du transport maritime rend impossible de contractualiser un service public avec des prestataires.

M. François Brottes a estimé que, dans le cadre des concessions accordées aux sociétés privées d’autoroute, celles-ci ont pris des engagements, même si, s’agissant de la tarification, la vertu n’est pas forcément au rendez-vous. Pourtant, certains concessionnaires semblent vouloir s’abriter derrière le Grenelle pour ne pas effectuer tel ou tel investissement autoroutier. L’État va-t-il modifier les concessions en conséquence et exiger des compensations ? Il ne faudrait pas que le Grenelle permette aux sociétés privées d’autoroute de s’enrichir encore plus qu’elles ne le font aujourd'hui.

Le texte invite à bon escient à des autoroutes ferroviaires à haute fréquence, en particulier dans les Alpes. Mais, l’homme fait-il partie de la biodiversité ? Si la réponse est oui, et s’il faut choisir entre l’homme et le papillon, peut-être pourrait-on imaginer que les trains passent plus près des papillons que des maisons où habitent les hommes. Ainsi, le tunnel de Chartreuse débouche dans une zone « Natura 2000 » qui vient d’être découverte et RFF propose que le train fasse un détour pour se rapprocher des maisons. Il faudra bien trancher, dans l’intérêt général. Au-delà de l’anecdote, il faut penser que le développement des autoroutes ferroviaires risque de pénaliser considérablement les riverains de ces infrastructures.

D’autre part les normes acoustiques en vigueur qui mesurent les nuisances prennent en compte une moyenne, si bien que le trafic ferroviaire génère apparemment relativement peu de bruit. Or les Français se demandent simplement s’ils « pourront continuer à dormir la fenêtre ouverte ». Ce qui importe, c’est le bruit du train quand il passe. Les nuisances sonores ne se limitent pas aux aéroports et il est très important de pouvoir rassurer les riverains des futures voies ferrées. Pourtant rien ne semble devoir modifier la norme actuelle. Quant à l’autoroute ferroviaire alpine, elle a vocation à devenir un axe à haute fréquence. Même si le projet concerne aujourd’hui quatre-vingts trains par jour, il y en aura 250 ou 300 demain, parce qu’il faudra optimiser les infrastructures. Sur ces questions, le texte aujourd'hui fait silence.

Enfin, il faudrait plutôt traiter de la régulation dans ce projet qui est transversal. Sinon, les aspects autres que les relations entre le régulateur et les opérateurs qui utilisent l’infrastructure, tel que l’impact sur l’environnement, ne seront pas traités.

Mme la présidente. Si la déclaration d’utilité publique d’une infrastructure est antérieure à la loi sur le bruit, celle-ci ne s’applique pas même si la réalisation n’a été engagée qu’après cette loi. Dans sa région, il s’agit du TGV Est et du contournement autoroutier au sud de Reims. Le vrai problème en effet, c’est le bruit du train qui réveille les riverains en passant le matin. C’est le pic qu’il faut considérer. Sur ce point, il faut vraiment avancer et apporter des solutions concrètes près des habitations.

M. Jean Dionis du Séjour. S’agissant de la méthode, comment articuler l’annualité budgétaire et les nombreux objectifs chiffrés assortis d’échéances variées qui figurent dans le texte? Le projet manque globalement de règles de gouvernance dans le suivi des objectifs.

La taxe kilométrique sur les poids lourds prévue à l’article 10 aura finalement une assiette très limitée : le réseau national non concédé et les routes départementales et communales. Pourquoi ? Cette taxe pourra-t-elle être étendue sachant que les syndicats de transporteurs sont partants pourvu qu’elle puisse être répercutée sur le prix ? Comment leur assurer que ce sera possible ?

Enfin, la desserte par le réseau RER de l’aéroport d’Orly, tous ceux qui viennent du sud de la France le savent, est un vrai scandale. Il est écrit à l’article 11, alinéa 3 : « À cette fin, la connexion des grandes plates-formes aéroportuaires avec le réseau ferroviaire à grande vitesse sera améliorée ». Ne pourrait-on pas manifester les mêmes intentions simplement pour connecter Orly au RER ? Pourquoi cela bloque-t-il ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Quand des régions s’engagent pour rénover les voies des TER ou doubler les lignes pour isoler le trafic fret, il serait logique que le projet de loi prévoie en leur faveur une modulation des péages. Sinon, et paradoxalement, plus elles financeront, plus elles paieront cher à RFF. La région Lorraine, qui s’est fortement impliquée, le réclamera haut et fort.

L’article 10, alinéa 11, consacré au transport fluvial, est réducteur, en ne mentionnant que le canal Seine-Nord-Europe. Le Gouvernement s’était pourtant engagé à faire des études sur d’autres secteurs, en particulier Saône-Moselle. Le texte ne peut se borner dans ses objectifs à l’horizon de 2020.

L’article 9, alinéa 4, qui limite l’augmentation des capacités routières aux points de congestion, aux problèmes de sécurité ou aux besoins d’intérêt local, est rédigé en termes sybillins. Qu’adviendra-t-il précisément des engagements de doublement d’autoroute déjà pris par le gouvernement précédent, en particulier l’A 32 et l’A 31 ?

Tout en étant d’accord pour anticiper d’un an l’expérimentation de la redevance pour éviter le report du trafic d’Allemagne vers l’Alsace, M. Jean-Yves Le Déaut a estimé que le transfert se ferait automatiquement vers la Lorraine et Champagne-Ardenne. Une expérimentation plus globale serait plus cohérente.

Enfin quelles sont les perspectives d’augmentation du transport aérien ? Une des grandes inquiétudes qu’exprimait le rapport sur le changement climatique qu’il avait élaboré avec Mme Kosciusko-Morizet portait précisément sur cette augmentation.

M. Jean Proriol s’est interrogé sur la ligne Clermont-Nîmes, qui est très ancienne, bien qu’elle serve quotidiennement. Des éboulements font craindre une interruption de la liaison entre Langeac et Langogne.

Certaines régions ont conclu des accords en vue de la régénération des voies : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais. Mais le président de la région Auvergne a lancé un ultimatum au Gouvernement. Comment celui-ci va-t-il répondre ?

Bien que personne n’en ait rien dit, la suppression des passages à niveau figurait parmi les priorités à prendre en compte dans l’élaboration des programmes de développement et de modernisation des itinéraires qui est en cours. Sur la RN 102, à Arvant, existe un passage à niveau extrêmement dangereux.

S’agissant du programme routier, M. Balladur avait lancé à Mende, en 1993, la liaison Lyon-Toulouse par la RN 88. Où en est-on ? Et, plus généralement, les « coups partis » du réseau routier seront-ils arrêtés au profit des autres modes de transport, ce qui serait aberrant ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux transports. S’agissant de la desserte de stations balnéaires comme Le Touquet, mais aussi Royan, l’effort doit être poursuivi. Pour Le Touquet, les motrices BB – Bombardier bimode – pourraient être utilisées. Quant à la ligne Paris-Amiens-Londres, il faudra y penser, car les ennuis que nous connaissons actuellement avec l’incendie dans le tunnel sous la Manche vont nous obliger à désheurer complètement les lignes du Nord : Paris-Lille, Paris-Dunkerque, Paris-Arras, Thalys. La grande idée de M. Mauroy de faire passer l’Eurostar à Lille ne doit pas exclure un itinéraire bis, distinct de la ligne Paris-Lille. La conjoncture donne ainsi des arguments pour pousser ce projet, qui reste à financer.

Pour combler l’impasse de financement de l’AFITF, il faut travailler à des hypothèses, parmi lesquelles la taxe à l’aménagement du territoire, les redevances domaniales, en attendant la redevance d’usage des infrastructures routières que paieront les poids lourds. Théoriquement, l’AFITF a la capacité d’emprunter, mais Bercy regarde évidemment d’un mauvais œil cette solution.

Le transfert à VNF du patrimoine fluvial est à étudier, tout comme la baisse des péages en échange d’un préfinancement des travaux, via un accord entre RFF et les régions. S’agissant de la desserte de la basse Normandie, et même de Rouen et du Havre, il restera toujours un problème à Mantes. La seule solution consiste à envisager, dans le Grenelle ou ailleurs, un tronçon nouveau Mantes-Achères qui serait réservé au trafic vers les deux Normandie et aux grandes distances franciliennes. Il faudrait voir où la construire, sans doute le long de l’A 13 car, le long de la Seine, les espaces sont très limités.

L’autorisation de l’A 65 donnée par M. Jean-Louis Borloo correspond à la volonté commune des élus d’Aquitaine, toutes tendances politiques confondues. L’itinéraire entre Bordeaux et Pau est l’un des plus accidentogènes de France. Il fallait faire l’A 65. Les critères de congestion, de sécurité et d’aménagement du territoire du Grenelle doivent servir à sélectionner les itinéraires qui seront retenus, « coup parti » ou pas. Les choix seront difficiles, mais il y aura un dialogue préalable avec les élus concernés.

Inscrire les SCOT des intercommunalités et des agglomérations dans un cadre plus vaste, une sorte de schémas régionaux de transport, est finalement la conséquence des contrats de projet État-région, dans leur nouvelle acception, sans le volet routier. Il faut en effet avoir une vision d’avenir pour les petites lignes. S’agissant de la desserte de Blaye, la réalisation de la ligne Tours-Bordeaux sera l’occasion de l’envisager puisqu’une base de travaux sera établie à Clairac. On a demandé à RFF de ne plus procéder pour l’instant à des retranchements du réseau, même s’il faut parfois résister à des élus séduits par la perspective d’une « coulée verte ». Il vaut mieux être prudents et attendre avant de déferrer, comme l’ont fait les Allemands qui peuvent maintenant remettre en service des tronçons en fonction des besoins de l’économie. La France a déferré un peu hâtivement ces dernières années.

L’on n’envisage pas de déplafonner le versement transport, l’heure n’étant pas à l’augmentation des prélèvements obligatoires.

La ligne Clermont-Ferrand-Nîmes ne sera pas abandonnée. Elle est certes en piteux état. Elle sert surtout au trafic touristique, et très peu au trafic de passagers sur longue distance. Les régions Auvergne et Languedoc-Roussillon interviennent.

Poitiers-Limoges est clairement lié à la ligne Tours-Bordeaux. La ville de Limoges est d’ailleurs actionnaire du tronçon d’accès Tours-Poitiers et il faudra en effet trouver le moyen d’inclure cette opération dans la première liste de lignes prévue dans l’ensemble de l’opération. Des élus du Limousin ont d’ailleurs écrit au Président de la République à ce sujet.

Les priorités doivent être claires. Il est bon de développer les TER et Rhône-Alpes a un très beau programme dans ce domaine ; mais il faut aussi veiller à ne pas accaparer avec des rames vides des sillons qui seraient utiles au fret. La question de l’extension du TER devra être posée au regard du maintien du fret.

Bonne note a été prise de la remarque sur l’effort des régions en fait de régénération. Le projet Lyon-Turin et le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise -le CFAL- ne figurent pas dans le Grenelle. Le premier, parce qu’il fait l’objet d’un traité binational. Un avenant sera signé l’année prochaine, qui précisera le financement, les parts respectives et le tracé final dans la vallée de Suse. Il sera procédé aux premières acquisitions foncières l’an prochain. On essaiera de saturer au maximum la ligne actuelle de la Maurienne pour pouvoir envisager de l’enterrer en 2023, date d’échéance du traité. Quant au CFAL, une décision ministérielle a été prise sur la partie nord, dans le département de l’Ain, dont le nouveau président du conseil général a été informé. Le problème posé concerne maintenant la partie sud, et la liaison à l’opération Rhin-Rhône. Sept tracés sont possibles et les élus ne sont pas d’accord.

Quant au projet Perpignan-Figueras, il ne faut pas être injuste. Ce sont les Espagnols qui ne sont pas au rendez-vous. La ligne nouvelle est terminée, mais le TGV espagnol n’arrive pas, car la traversée de Gérone n’est pas prête. Jean-Louis Borloo a récemment signé avec M. Frêche les accords de financement et le barreau de déviation des agglomérations de Montpellier et Nîmes sera très vite réalisé. Il faudra ensuite traiter Perpignan-Montpellier ; seule la modernisation de l’existant est prévue pour l’instant, mais les Espagnols insistent pour que nous construisions très vite une ligne nouvelle. En 2012, des TGV devraient circuler entre Perpignan et Figueras, sachant que le tunnel concédé sera terminé avant.

Il n’y a pas d’inconvénient à modifier la « LOTI » de façon à introduire dans le projet le transport maritime et fluvial. De nombreux exemples existent tant en métropole qu’outre-mer. 

Il n’est pas question que les sociétés d’autoroutes bénéficient d’un enrichissement sans cause et nous sommes très actifs dans la renégociation de leurs concessions. Des ressources nouvelles sont d’ailleurs envisagées. Les trois critères retenus par le Grenelle n’interdisent pas de construire de nouvelles autoroutes, mais ce seront surtout des prolongements et des achèvements. Et elles ne se feront pas si elles posent un problème écologique.

En ce qui concerne l’autoroute ferroviaire alpine, la réalisation du tracé Lyon-Chambéry passant sous la Chartreuse doit être étudiée très vite, en même temps que le tunnel sous les Alpes. Ce projet se heurte au problème du bruit, qui se pose aussi sur d’autres lignes. Les opérations de ce type devront désormais, du point de vue phonique, être traitées d’emblée comme les LGV.

Une programmation à peu près claire quant aux dates est une bonne chose. Il faudra certainement l’examiner au regard de l’avancement des financements et des « coups partis ». L’annualité budgétaire complique un peu la tâche, mais il existe désormais une programmation triennale.

L’assiette de la taxe kilométrique recouvre uniquement le réseau des autoroutes non concédées et des routes nationales, en y adjoignant éventuellement, à la demande des départements, quelques routes départementales en cas de report de trafic. Une négociation aura lieu avec la profession routière pour que cette taxe ne se traduise pas par une charge supplémentaire pour les entreprises françaises. Elle frappera en revanche les entreprises étrangères qui représentent tout de même un tiers du transport routier.

La desserte d’Orly n’est pas bonne. Il faut absolument, mais ce n’est pas simple car la densité urbaine est forte, finir la LGV entre Massy-Palaiseau et Valenton. Un des objectifs est de relier directement Roissy à Orly.

L’idée de moduler les péages en fonction de la participation des régions à la régénération est à étudier. Il est vrai que le projet ne cite que la liaison Seine-Nord-Europe parce que le « coup est parti » : la déclaration d’utilité publique a été signée très récemment. D’autres projets existent. Faut-il pour autant les citer dans la loi ? Le Gouvernement, dans sa grande sagesse, examinera les amendements qui seront déposés. En ce qui concerne le sort des projets d’autoroutes existants, il faudra en parler avec les élus.

L’expérimentation anticipée de la redevance en Alsace, qui frappera aussi les véhicules de moins de 3,5 tonnes, aura-t-elle un impact sur les régions voisines ? Il faudra étudier la question.

Quant au trafic aérien, nos aéroports ont presque tous connu une augmentation l’année dernière. Roissy a enregistré un léger tassement au mois d’août. L’avenir des compagnies aériennes sera déterminant. Si les compagnies low cost ne résistent pas, ou mal, à la hausse du kérosène, les projections seront remises en cause. Nous avons ainsi appris que certains vols desservant Bâle-Mulhouse ne seraient pas assurés. Tous les aéroports de l’Ouest – La Rochelle, Bergerac, Poitiers, Tours, Angoulême…– « ne tiennent » qu’avec les compagnies low cost, britanniques ou irlandaises. L’avenir de la ligne Lyon-New York n’est pas garanti au-delà d’octobre. Le seul aéroport nouveau est celui de Notre-Dame-des-Landes pour remplacer Nantes-Atlantique et desservir la région rennaise. Il faut être très prudent car l’incertitude règne.

Après l’accident d’Allinges, un nouveau plan de suppression des passages à niveau a été présenté au Premier ministre en juin. Le Gouvernement examinera le cas de la RN 102 signalé par M. Proriol. La RN 88 est un « coup parti ». La partie sud fera l’objet d’un partenariat public-privé et le Gouvernement fera le point sur la partie nord.

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Informations relatives à la commission

La commission a autorisé la publication du compte rendu de la réunion interparlementaire du 10 juillet 2008.

Puis elle a procédé à la désignation d’un rapporteur. Elle a nommé M. Patrick Ollier rapporteur pour avis sur le projet de loi en faveur des revenus du travail (n° 1096).

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