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Mercredi 10 décembre 2008

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Gadonneix, Président directeur général d’EDF

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. Pierre Gadonneix, Président directeur général d’EDF.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le Président, la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire est heureuse de vous accueillir. Nous avions envisagé cette audition il y a plusieurs mois. L’actualité la rend encore plus importante aujourd’hui.

À l’international, nous sommes intéressés par les projets ambitieux d’EDF au Royaume-Uni et aux États-Unis. Vous proposez des montants élevés pour British Energy et Constellation. Quels avantages stratégiques attendez-vous de ces opérations ?

Pouvez-vous nous présenter les investissements annoncés dans le cadre du plan de relance auquel EDF participe à hauteur de 2,5 milliards ?

Nous étions un certain nombre à devoir nous rendre à Poznan. Quelle est votre appréciation du « paquet énergie-climat » et de son articulation avec le Grenelle de l’environnement ?

Quelle est votre réaction face à la position des Allemands, qui critiquent le bénéfice qu’EDF va retirer du plan climat ?

Vous avez récemment annoncé une augmentation de 20 % des coûts de production de l’EPR du fait de la hausse des matières premières. Pouvez-vous nous donner plus de détails et faire le point sur l’avancement du chantier ? Une visite de Flamanville par la Commission est prévue le jeudi 22 janvier.

Les coûts de production ont d’importantes répercussions sur les tarifs.

Comment appréciez-vous les perspectives de la commission Champsaur et quelles sont pour vous les pistes pour l’après-2010 ?

La question des marges d’EDF et de la politique des dividendes est au cœur d’un certain nombre de problèmes.

Lors de son audition, M. Philippe de Ladoucette, président de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, a souligné, en réponse à une question sur les TURPE, les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, que l’évolution de l’endettement et la politique de remontée des dividendes de la maison mère décidée par EDF pourraient entrer en compétition avec les investissements prévus pour améliorer la qualité sur les réseaux. Pouvez-vous nous préciser votre politique en la matière ?

M. Pierre Gadonneix, président-directeur général d’EDF. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invité à venir de nouveau m’exprimer devant vous aujourd’hui. Quand nous avions fixé la date de cette audition, il y a quelques mois, nous n’imaginions pas que notre économie aurait à faire face à un autre défi majeur en dehors de celui de l’énergie. Je m’apprêtais à traiter celui-ci, qui est triple – assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique des consommateurs, qu’ils soient industriels ou particuliers ; mettre en place des réponses aux préoccupations en matière d’environnement, pour lutter notamment contre les émissions de gaz à effet de serre ; maintenir l’énergie à un prix qui permette le développement économique. Mais un nouveau défi a surgi : surmonter la grave crise économique que connaît la planète.

À chaque fois qu’a eu lieu une crise économique, les commentateurs l’ont toujours qualifiée d’exceptionnelle. Je fais ce rappel pour relativiser les choses et appeler à garder confiance dans la capacité de nos économies à se redresser.

La crise économique actuelle présente néanmoins une caractéristique nouvelle : par les mécanismes qui l’ont colportée, son extension a été d’une rapidité sans précédent et elle a été immédiatement planétaire. Personne ne peut se targuer d’y échapper.

Je m’attacherai, dans un premier temps, à faire le point sur notre action en France, qui est notre priorité, et sur notre développement international.

En France, le grand risque, auquel le plan de relance se propose de répondre, est l’accélération et la transmission de la crise économique par le comportement des agents économiques et, en particulier, des industriels qui, face à la crise, ont tous comme première réaction de ralentir, voire d’arrêter, leurs programmes d’investissement. Ils le font pour deux raisons, tout à fait légitimes.

La première est qu’il règne une très grande incertitude sur les perspectives de marché des industriels. Ils s’interrogent non plus sur le taux de croissance, mais sur le niveau des baisses de marché.

La seconde raison est qu’il est devenu de plus en plus difficile, voire impossible, d’accéder au financement des investissements.

Dans ce contexte, je considère qu’EDF se trouve dans une situation particulière. Elle n’est pas épargnée par la crise et commence à percevoir les signes d’un ralentissement de la consommation – essentiellement industrielle, notamment dans les secteurs les plus touchés par la conjoncture, comme le bâtiment, la sidérurgie et l’automobile. Concernant la consommation domestique, en dehors d’une tendance à améliorer l’efficacité énergétique, nous ne sentons pas de changements par rapport à nos anticipations.

Néanmoins, je considère comme légitime et raisonnable du point de vue de l’entreprise comme de la collectivité qu’EDF poursuive l’accélération de ses investissements afin de continuer à apporter sa contribution à l’économie et à l’emploi dans les régions. Cette affirmation s’appuie sur plusieurs éléments.

Premièrement, EDF produit, distribue et commercialise un bien vital, indispensable à l’économie, aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités, et beaucoup moins sensible à la conjoncture que d’autres produits – il l’est quand même, mais nos estimations du ralentissement de la consommation aujourd’hui sont de quelques pour-cent.

Deuxièmement, EDF travaille dans un secteur où il est indispensable d’avoir une vision de long terme. La durée de vie d’un investissement et le délai pour le mettre en œuvre sont sans commune mesure avec ceux d’autres secteurs, puisqu’ils sont de plusieurs décennies, voire d’un siècle comme pour l’hydraulique. Dans le secteur nucléaire, le cycle d’investissement entre la décision d’investissement, sa réalisation et le démantèlement est également de l’ordre du siècle, la durée de vie des centrales pouvant être étendue dans certains cas de quarante à soixante ans.

Troisièmement, la valeur d’EDF est fondée pour une très large part sur son patrimoine industriel et humain, qui lui confère une solidité qui suscite la confiance des investisseurs. Cet atout nous permet de poursuivre notre stratégie.

Enfin, le fait que l’État soit majoritaire dans le capital d’EDF est de nature à rassurer les différents protagonistes de l’entreprise.

Ma conviction est que la crise ne modifiera pas notre vision à long terme et qu’elle peut même nous permettre d’apporter une contribution à l’économie nationale et à l’emploi en France.

Une fois la crise dissipée – je sais d’autant moins quand cela se produira que les experts ne sont pas d’accord à ce sujet, mais je suis convaincu que l’économie repartira –, les enjeux énergétiques seront toujours les mêmes : il faudra répondre à une demande d’électricité croissante et le faire dans des conditions environnementales et économiques satisfaisantes.

Nous avons clairement les moyens et la volonté de poursuivre notre programme au sein de la crise actuelle. Celle-ci nous obligera à redoubler de vigilance et à doser nos efforts en fonction de nos ressources.

Je compte proposer au conseil d’administration d’EDF, qui va se réunir dans les prochains jours, de poursuivre l’accélération de notre cycle de grands investissements en France, et ce pour deux raisons.

D’abord, et comme je vous l’avais indiqué la dernière fois que je suis venu devant vous, indépendamment de la crise, il est devenu urgent pour EDF de relancer rapidement et massivement les investissements. Ces derniers ont connu, pendant dix ou quinze ans, un ralentissement très important, accompagné d’une baisse tarifaire. Cela n’a été possible – je ne dis pas que c’était souhaitable – que parce que nous avions des capacités de production excédentaires. Elles ne le sont plus et sont même devenues problématiques en 2005.

La seconde raison est que nous avons ralenti pendant dix ans le programme de maintenance des infrastructures, aussi bien dans la partie réseau, qui est aujourd’hui régulée, que dans la partie production. Depuis un an, la qualité de notre réseau a cessé de s’améliorer. Un bon indicateur de la qualité du réseau, auquel les consommateurs sont sensibles, est le temps de coupure moyen au niveau global. Après avoir baissé pendant dix ans, celui-ci recommence à se dégrader. Au niveau du parc de production, le ralentissement dans les investissements se traduit par l’indisponibilité de notre outil de production. Il n’y a aucun problème de sûreté. Tous les investissements de sûreté, que ce soit dans l’hydraulique, le thermique ou le nucléaire, ont été réalisés. Mais nous déplorons une dégradation de la disponibilité des centrales : une centrale thermique ne va pas démarrer quand on appuie sur le bouton, une centrale nucléaire devra être arrêtée à cause d’un problème de transformateur ou d’alternateur.

Pratiquement, toute l’Europe a fait la même chose, à part l’Italie, qui est allée à contre cycle. Ayant recommencé à investir il y a cinq ou six ans, elle a aujourd’hui un parc modernisé. À cette exception près, tous les pays d’Europe sont dans la même situation, à tel point que la Commission européenne a estimé qu’il faudrait investir 1 000 milliards d’euros d’ici à 2030, ce qui correspond à six fois le parc français actuel, à la fois pour rénover le parc existant et pour développer les capacités.

EDF a repris son cycle d’investissements en 2005.

Comme cela a été annoncé par le Président de la République le 4 décembre dernier, les entreprises publiques participeront pour 4 milliards au plan de relance. EDF y contribuera à hauteur de 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire pour plus de 60 %.

Sur ces 2,5 milliards, 300 millions seront consacrés à l’accélération de nos investissements en matière d’énergies renouvelables, essentiellement via notre filiale EDF Énergies nouvelles, en particulier dans le solaire ; 300 millions iront aux infrastructures des départements d’outre-mer, et 200 millions aux fournitures françaises pour le développement dans le nucléaire à l’international. Le reste, soit plus d’un milliard, financera l’amélioration des réseaux de transport et de distribution d’électricité ainsi que le développement et la modernisation de nos installations de production.

Le total du montant qu’EDF investira en France en 2009 atteindra le chiffre gigantesque de 8 milliards d’euros, ce qui fait d’EDF le plus grand investisseur de France tous secteurs confondus.

Localement, cela signifie plus de qualité, des renforcements de puissance, plus d’enfouissements, moins de temps de coupures et une meilleure disponibilité de notre système de production, tout en sachant qu’il faut plusieurs années d’investissement avant de voir des signes d’amélioration.

Nos investissements de production sont considérables. En 2005, nous avons décidé de mettre en service 6 000 mégawatts de puissance d’ici à 2012, soit l’équivalent de 1 000 mégawatts par an correspondant à une tranche nucléaire ancienne génération par an. Les deux tiers, soit 4 300 mégawatts, visent à assurer les besoins de pointe et d’extrême pointe avec des centrales thermiques à flamme. Le tiers restant, soit 1 600 mégawatts, correspond à l’EPR de Flamanville, pour 1 550 mégawatts, et au renouvelable.

Ce programme a bien avancé. J’ai eu dernièrement l’occasion, en l’espace de quinze jours, d’inaugurer deux installations nouvelles : une turbine à combustion à Vaires-sur-Marne et une centrale hydraulique en Alsace.

Sur les 6 000 mégawatts annoncés, nous en avons déjà réalisé 3 000.

Nos investissements dans le maintien de notre patrimoine ont deux objectifs : premièrement, optimiser le fonctionnement des centrales actuelles pour augmenter leur disponibilité ; deuxièmement, prolonger leur durée de vie. Ce dernier point, qui n’a pas, jusqu’à présent, été valorisé, est important pour l’acceptabilité du nucléaire. À chaque arrêt décennal d’une centrale, nous améliorons sa sécurité. Cela signifie que, plus les années passent et plus notre parc, composé de 58 centrales nucléaires – et de 59 quand on fera l’EPR – devient sûr. Cela suppose des investissements très importants : plusieurs centaines de millions par unité.

L’effort est considérable : l’ensemble du groupe EDF y consacrera 8 milliards d’euros en 2009, soit 2,5 milliards de plus qu’en 2008, correspondant à la création d’environ 20 000 emplois, directs et indirects.

Mais ces investissements se font dans un contexte financier qui a changé.

EDF n’emprunte plus avec des garanties d’État. La construction de l’avenir à long terme suppose la confiance de tous : de nos clients, de la représentation nationale, mais aussi de nos actionnaires et de la communauté financière, pour mobiliser les financements nécessaires.

Nous nous sommes donc fixé une règle forte, qui est un principe de bonne gestion : nos investissements de maintenance et d’entretien courant et récurrent doivent s’autofinancer ; les investissements de développement et les investissements à l’international doivent trouver leur rémunération.

Notre grand programme d’investissement suppose donc deux conditions de réussite.

La première relève de notre propre responsabilité. Nous devons réaliser nos objectifs de performance. Le programme Altitude, que je vous avais annoncé et qui visait à améliorer notre performance d’environ 1 milliard d’euros sur trois ans, s’est achevé en 2007. Nous avons engagé un nouveau programme d’excellence, qui doit nous permettre de dégager pour l’ensemble du groupe 1 milliard d’euros supplémentaire d’EBITDA – Earnings Before Interests, Ttaxes, Depreciation and Amortization – par an d’ici à trois ans, dont 700 millions pour la France.

La seconde condition suppose une trajectoire tarifaire adaptée pour couvrir l’évolution de nos coûts et autofinancer nos investissements courants, qu’il s’agisse de la production ou de l’amélioration des réseaux, dont les tarifs sont fixés par le régulateur.

Je vous informe que, pour la première fois, en 2008, la totalité des recettes d’EDF vient des tarifs administrés. Du fait des initiatives qui ont été prises, nous ne vendons plus un kilowatt aux prix du marché de gros, qui varient de façon très volatile puisque, après être montés à 80, ils sont redescendus à 60 euros le Mwh. Nos concurrents le font et nous sommes obligés de leur acheter leurs productions d’éolien ou de cogénération selon les prix du marché, mais nous vendons, soit au tarif historique, soit à travers le TaRTAM – tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché – au prix d’un autre tarif.

Tout se passe comme si nous vendions l’intégralité de notre production soit aux tarifs bleus, jaunes ou verts, soit au TaRTAM. Nous ne vendons rien au marché de gros, tandis que vendre au TaRTAM revient pour nos concurrents à vendre au prix de gros parce qu’ils bénéficient d’une compensation.

J’en viens à présent à notre développement international.

EDF est convaincue qu’on ne peut répondre aux grands défis énergétiques – sécurité d’approvisionnement, environnement, compétitivité – sans un redémarrage du nucléaire, en plus des économies d’énergie et du développement des énergies renouvelables. Mais redémarrer le nucléaire est difficile. Le seul pays européen à afficher clairement cette volonté est la France, rejointe depuis peu par l’Angleterre.

Je pense que le développement de la filière nucléaire française, dont la réussite est incarnée à l’étranger par EDF, est une opportunité à la fois pour EDF elle-même, pour la filière nucléaire française et pour la sécurité du parc français.

Nous avons aujourd’hui 58 unités nucléaires en activité. Leur durée de vie va je l’espère être étendue, mais il faudra un jour les renouveler. La question devrait se poser dans quinze ans, date à laquelle EDF devra avoir la compétence et les moyens financiers nécessaires. Une conjonction de facteurs peut y contribuer : EDF peut rentabiliser des investissements à l’international en développant des EPR et préparer le renouvellement du parc français en constituant des équipes et une référence de parc.

Dans cette optique, l’EPR de Flamanville constitue une tête de série.

Le chantier se déroule bien, grâce au professionnalisme des opérateurs, qu’il s’agisse d’EDF ou de ses fournisseurs, qui n’avaient pas été sollicités depuis quinze ans. Nous bénéficions encore de la compétence d’ingénieurs qui ont travaillé sur le développement de Civaux. À cinq ans près, nous l’aurions perdue.

Le coût de construction de la centrale, que nous avions annoncé en 2005 à 3,3 milliards d’euros, est estimé aujourd’hui à 4 milliards, soit une augmentation d’environ 20 %, ce qui est un chiffre modeste car, dans un cas, il s’agit d’euros 2005 et, dans l’autre, d’euros 2008. Le seul effet de l’inflation représente près de la moitié de cet écart. Le reste vient essentiellement de la hausse des prix des fournitures de biens d’équipements et de matières premières. J’indique, pour comparaison, qu’entre 2005 et 2008 la réévaluation des coûts de construction des cycles combinés à gaz a été de 45 %, et celle des centrales à charbon, de 54 %. Aux raisons invoquées pour le nucléaire, s’ajoute le renforcement des mesures pour rendre ces centrales moins polluantes.

Donc, même si le coût de la production d’électricité issue du nucléaire a augmenté, la compétitivité de cette filière s’est accentuée entre 2005 et 2008.

À l’issue de cette réévaluation, le coût du mégawattheure de Flamanville 3 passe de 46 euros 2005 à 54 euros 2008.

Nous continuons à penser que l’EPR est un outil compétitif, rendu incontournable du fait de la dépendance énergétique mondiale et du défi de produire de l’électricité sans CO2.

À l’horizon du siècle, il n’y a que deux énergies vraiment disponibles : le charbon et le nucléaire. Le choix entre les deux dépendra beaucoup du prix que l’on attache aux émissions de CO2.

Dans cette perspective, EDF est présente en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Chine.

En Grande-Bretagne, nous avons une opération en cours sur British Energy. Comme il s’agit d’une concentration entre notre filiale EDF Energy et British Energy, elle suscite des réactions de concurrents, et nous avons donc saisi les autorités européennes pour obtenir leur autorisation. Nous attendons la décision de la Commission européenne pour le 22 décembre.

Cette opération est à la fois stratégique et rentable. Elle fera du nouvel ensemble EDF Energy-British Energy le premier développeur et opérateur de centrales nucléaires. La preuve de la rentabilité de l’opération est que plusieurs opérateurs et investisseurs souhaitent entrer avec nous au capital de British Energy, dans les mêmes conditions financières.

Aux États-Unis, nous sommes déjà partenaires de Constellation au travers d’une filiale 50/50, qui s’appelle Unistar Nuclear Energy. La société Constellation ayant connu des difficultés de financement liées à son activité de trading, un opérateur dénommé MidAmerican Energy, dépendant du groupe Warren Buffet, a fait une offre de prise de contrôle. Nous avons présenté une offre différente il y a quelques jours. Nous proposons quant à nous, non pas de prendre le contrôle de Constellation ou de participer à son capital, mais de racheter 50 % de ses centrales nucléaires. Il appartient désormais au conseil d’administration de Constellation et aux actionnaires de se prononcer.

En Chine, nous avons, depuis plus de vingt ans, un partenariat historique avec CGNPC – China Guangdong Nuclear Power Company. Nous avons constitué une joint-venture qui construira et exploitera deux EPR. Les travaux de terrassement ont commencé. Le premier réacteur devrait être relié au réseau en 2013.

Nous prévoyons de construire environ dix EPR au cours des quinze prochaines années : un –j’espère deux – en France, quatre en Grande-Bretagne, deux en Chine et, je le souhaite, quatre aux États-Unis.

Notre priorité est de renforcer le patrimoine nucléaire en France et de développer la filière nucléaire, pour laquelle la France a des atouts. Je suis convaincu que le nucléaire va redémarrer, même si cela prendra du temps. C’est un enjeu à la fois industriel et politique.

Il ne peut y avoir de développement nucléaire sans un engagement politique des États. C’est la raison pour laquelle je négocie avec les gouvernements quand je me rends à l’étranger.

Ce développement nucléaire international constitue donc une formidable opportunité offerte à la France de créer de l’emploi.

Je salue la création de la commission présidée par M. Champsaur, à laquelle un certain nombre d’entre vous participent. Elle est composée des meilleurs spécialistes. Je souhaite qu’elle parvienne à dégager les voies et moyens permettant d’avoir une visibilité à terme sur l’évolution du prix de l’électricité. Une telle visibilité est nécessaire à la fois pour calmer les attentes européennes et pour permettre à l’ensemble des partenaires français d’évaluer leurs coûts de production.

M. le président Patrick Ollier. Permettez-moi de raconter une anecdote concernant la position des pays européens sur le nucléaire.

J’ai eu la chance de prendre la parole devant une délégation des commissions des affaires économiques des vingt-sept États membres, il y a quinze jours, à Strasbourg, au cours de débats sur le plan « énergie-climat » au Parlement européen. M’étant lancé dans une défense convaincue du nucléaire, je n’ai essuyé de sifflets que de la part de deux ou trois délégations mais ai reçu des applaudissements de toutes les autres. Peut-être est-ce là le signe que la situation se dégèle.

M. François Brottes. Monsieur le président Gadonneix, j’ai quelques questions complémentaires à ajouter à celles que vous a posées le président Ollier.

Si EDF n’était pas une entreprise publique, elle ne pourrait pas discuter avec les États comme elle le fait. Cela lui donne un poids supplémentaire et une légitimité particulière. Je rappelle ce point car nous avons eu une discussion à ce sujet à propos d’autres entreprises, et c’est bien avec les États que se négocient les questions d’énergie, qui ne sont pas seulement régulées par le marché.

Vous avez indiqué que la consommation d’énergie, notamment industrielle, avait tendance à baisser. Le phénomène, dont M. André Merlin nous avait déjà fait part lorsqu’il était encore président de Réseau de transport d’électricité, est lié non pas à la crise, mais à l’augmentation des tarifs, ce qui montre l’utilité de réguler ces derniers et d’instituer un TaRTAM un peu élargi.

Je reviens d’un territoire, qui est une Chine en face de l’autre Chine, où l’électricité est subventionnée et payée à un prix de trois à quatre fois inférieur au nôtre. Les industriels s’en portent très bien. Mais je ferme la parenthèse car cette comparaison est plus de nature à nourrir les débats de la commission Champsaur que les nôtres.

Le plan d’investissement dans lequel se lance EDF ne comporte que des opérations qui étaient déjà prévues. Le Président de la République nous annonce un grand mouvement de mobilisation. EDF se trouve en première ligne. C’est très bien, mais il n’y a pas tellement de choses nouvelles, en tout cas rien qu’EDF n’aurait pas fait s’il n’y avait pas eu la crise.

J’ai vécu, au sein de la Commission des affaires économiques, un procès en sorcellerie concernant de précédents investissements d’EDF à l’international – en Amérique du Sud, à l’époque. On avait dit pis que pendre de la manière dont certains s’étaient laissés aller à investir à des prix inconsidérés dans ces pays. Je ne voudrais pas que l’on vous intente demain le même procès.

En observateur peu averti, j’ai noté que les propositions tarifaires concernant le rachat de British Energy étaient du même montant avant et après la crise, ce qui me fait m’interroger. L’environnement ayant changé, j’aurais pensé que les prix auraient pu être négociés différemment. Pouvez-vous nous donner les raisons pour lesquelles il n’en a rien été ?

Cette opération suscite un peu d’inquiétude car les masses financières en jeu sont très importantes. Je ne discuterai pas de sa pertinence stratégique car elle favorise l’implantation d’EDF dans le pays concerné, sur des sites déjà nucléarisés. Mais je pense que le prix a atteint un niveau difficile à assumer. Les consommateurs français devront-ils payer, au travers d’augmentations de tarifs futures, les investissements en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, ou avez-vous prévu que le business plan lié à ces acquisitions permette une vente d’énergie sur place ? Si tel n’était pas le cas, quelques dégâts collatéraux seraient à déplorer.

Selon vous, quel rôle peut jouer AREVA, complémentairement –pas forcément concurremment – à EDF ? En observateur naïf, je ne pense pas qu’il y ait toujours une harmonie dans la stratégie de l’une et de l’autre de ces deux grandes entreprises, qui font référence sur le plan mondial en matière d’énergie nucléaire.

Enfin, n’auriez-vous pas, dans votre échange avec le Gouvernement, pris l’engagement d’une accélération de vos investissements moyennant une écoute favorable de la part de celui-ci sur une éventuelle augmentation du tarif réglementé que vous appelez de vos vœux depuis longtemps ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. EDF, tout le monde le reconnaît, est une grande maison respectable, mais elle a aussi un monopole de fait. J’ai été extrêmement surpris, dans la période de mise en place du TaRTAM, du peu de cas fait par EDF des hausses de 75 % subies par les entreprises soumises à la compétition mondiale. Je garde de cette période une prudence, que certains qualifieraient de méfiance, quant à la situation de monopole de fait. Je me pose dès lors des questions sur les conditions d’achat de British Energy et, plus encore, de Constellation, quand je vois qu’EDF double la mise par rapport au projet de Warren Buffet. Quelles conséquences cela va-t-il avoir sur les tarifs des consommateurs particuliers et des entreprises ?

Ma seconde question portera sur un article de la loi de finances rectificative, qui fait passer de 1,30 euro à 3 euros la taxe versée par EDF, en mêlant TaRTAM, éolien et solaire. Pourquoi avoir opéré un tel mélange ?

M. Pierre Gadonneix. C’est le déficit de la compensation. Comme je l’ai déjà dit à M. François Brottes, EDF est la seule à payer le TaRTAM : nos concurrents ne le payent pas.

M. François Brottes. GDF Suez le paye !

M. Pierre Gadonneix. Oui, mais uniquement pour 5 %.

M. François Loos. Nous avons avec l’Europe une obligation sur les énergies renouvelables. EDF s’est engouffrée dans le mouvement. Personnellement, j’ai toujours considéré que l’éolien et le photovoltaïque relevaient de la politique industrielle, c’est-à-dire dire qu’ils étaient des instruments à maîtriser pour pouvoir les vendre en Afrique ou en Inde, mais dont nous n’avons pas besoin compte tenu du prix de revient de l’électricité nucléaire. EDF a-t-elle deux politiques en ce domaine : l’une revenant à tirer profit des tarifs que nous pratiquons pour l’éolien et le photovoltaïque afin de devenir un opérateur dans ces domaines, et l’autre, globale, consistant à fabriquer de l’électricité au meilleur prix pour ses clients en France ?

Comment sentez-vous la position des Vingt-sept – je ne parle pas de la Commission européenne – sur la question des tarifs réglementés ? Y a-t-il, parmi les sociétés européennes homologues de même taille ou de taille voisine, une capacité à faire durer cette situation ?

On parle souvent d’une Europe de l’énergie, ce qui signifie non seulement une capacité de se fournir chez les uns et chez les autres ainsi que des réseaux de transport en conséquence, mais aussi l’acceptation d’EDF en Italie et en Allemagne, notamment. Vous êtes le bienvenu en Grande-Bretagne. Mais l’êtes-vous tout autant dans les autres pays européens ? Si nous sommes vraiment partis pour travailler en commun, ne devons-nous pas concentrer nos investissements internationaux sur l’Europe, où les synergies sont plus simples à constater qu’aux États-Unis ou en Chine ?

Si EDF réalise un investissement dans Constellation, quelles synergies cela apporte-t-il à la maison EDF producteur de services en France ?

La même question se pose pour ce qui concerne la Chine. Nous sommes très fiers qu’EDF fasse des investissements dans ce pays, mais leur synergie est-elle évidente ? Quelle est la complémentarité avec ce que fait AREVA ?

La tonalité de mes deux dernières questions sera franco-française.

Le passage de la durée de vie des centrales nucléaires de quarante à soixante ans change le niveau des provisions pour le decommissionning, c’est-à-dire le démantèlement des installations. Quelles conséquences cela a-t-il et combien cela vous fera-t-il gagner ?

Enfin, la Bretagne, la Côte d’Azur et la Corse manquent quelquefois d’électricité. Pouvez-vous nous rassurer sur les délais de garantie d’approvisionnement de ces régions ?

M.  Daniel Paul. Je précise que près de 80 % de la production d’électricité en France proviennent du nucléaire, le reste provenant surtout de l’hydraulique et des autres énergies renouvelables et un peu du gaz et du charbon. Comment cette répartition va-t-elle évoluer compte tenu de l’objectif d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables ? Par ailleurs, vous considérez l’électricité comme peu sensible à la conjoncture mais, lorsque des aciéries ou des usines automobiles, qui consomment jour et nuit, s’arrêtent pendant des mois, l’impact sur la consommation doit être important !

Que répondez-vous ensuite aux mauvaises langues qui prétendent que l’essentiel du plan de relance consiste en une accélération d’investissements qui étaient déjà programmés ?

Lorsque la commission Roulet avait souligné combien les investissements réalisés en Amérique du Sud et qui avaient été présentés comme aussi sûrs que rentables s’étaient révélés néfastes, EDF avait été sommée de se retirer de ce marché et de se comporter en acteur européen majeur – sur une « plaque européenne » dont la Grande-Bretagne ne faisait pas partie – avec seulement des opérations en Afrique du Sud, dans une optique de coopération, et en Chine parce que ce pays est devenu incontournable. Et nous voilà repartis pour 20 milliards chez les Anglais et dans une surenchère aux États-Unis – des investissements qu’on nous promet à nouveau rentables et indispensables ! La commission Roulet n’a-t-elle rien compris, ou l’entreprise publique prend-elle des risques parce que le marché du nucléaire en Europe se révèle moins fructueux qu’attendu ?

Enfin, l’augmentation de 20 % de la facture de l’EPR de Flamanville va peser sur la rentabilité d’EDF, à moins que le Gouvernement n’accepte d’augmenter très sensiblement les prix de l’électricité, comme le secteur l’y incite d’ailleurs fortement. Mais c’est un scénario difficile à jouer en période de crise. Souhaitez-vous vraiment voir augmenter le tarif régulé, et donc tous les tarifs appliqués en France, afin de compenser vos investissements à l’étranger et le prix de l’EPR ? Qui paye, en définitive, et comment ?

M. le président Patrick Ollier. Sans vouloir ouvrir une polémique à propos des éoliennes, j’insiste sur la nécessité de mieux encadrer leur implantation. Il ne faut tout de même pas oublier que 90 % de notre production d’électricité se fait sans émission de CO2 – à titre de comparaison, 95 % de la production polonaise et 82 % de celle du Danemark en émettent ! Dès lors, nous pouvons tenir compte de ce principe écologique essentiel qu’est la préservation de nos paysages. Il ne s’agit pas d’empêcher l’implantation d’éoliennes, mais de mieux l’encadrer.

Mme Frédérique Massat.  Les investissements d’EDF devraient entraîner la création de 20 000 emplois directs et indirects : dans quelles régions, dans quels secteurs ?

En tant qu’élue de la montagne, je sais combien la question de la qualité des réseaux et de leur entretien est importante – la baisse de la qualité est flagrante en Ariège. Allez-vous mettre des indicateurs de performance des réseaux à la disposition des collectivités, et l’entretien des nouveaux réseaux dans lesquels vous allez investir est-il dores et déjà prévu, alors qu’il évite des dépenses beaucoup plus importantes par la suite ?

Enfin, le consommateur doit-il s’attendre à une augmentation des tarifs et serait-il possible de rendre les relations entre EDF et ERDF un peu plus claires ?

M. Jean-Claude Lenoir. S’agissant des filiales d’EDF, un effort important va être réalisé en matière de réseau.

Pour ce qui est de RTE, c’est la Commission de régulation de l’énergie qui valide le montant des investissements et fixe le tarif d’acheminement, mais un véritable problème se pose pour ERDF. Or les besoins sur le territoire en termes de renforcement des réseaux de distribution sont importants. Comment comptez-vous procéder ? Faut-il envisager un dispositif un tant soit peu coercitif, comme il en existe pour RTE en ce qui concerne le montant des investissements ?

Pour ce qui touche aux tarifs, sachant qu’EDF effectue l’ensemble de ses ventes au tarif régulé, vers quel système inclinez-vous qui vous paraisse à la fois respectueux des directives européennes et favorable à l’entreprise ?

EDF ne pourrait-elle pas développer son action en faveur des économies d’énergie en tenant lieu de bureau d’ingénierie, en particulier au profit des collectivités locales, et ERDF ne pourrait-elle pas s’engager fortement dans la pose des compteurs intelligents, qui sont un outil très intéressant dans ce domaine ?

M. Jean-Pierre Nicolas. EDF réalise des investissements à la fois en France et à l’étranger. Parallèlement, la disponibilité de ses centrales nucléaires va en se dégradant d’année en année. Est-il plus rentable d’investir dans la maintenance de nos centrales, afin d’améliorer leur taux de disponibilité, ou dans British Energy ou Constellation, sachant que le taux de disponibilité aux Etats-Unis, par exemple, est bien meilleur ? Par ailleurs, je me réjouis des efforts importants qui sont prévus pour les réseaux de distribution, dont la qualité s’était considérablement dégradée. Les plus belles centrales ne sont rien si l’on ne dispose pas des réseaux correspondants !

M. Jean Proriol. Le ministre de l’environnement, lors du soixantième anniversaire du barrage de Génissiat, a lancé un plan de relance de l’hydroélectricité. Les chiffres les plus divers circulent, mais le potentiel pourrait être de 7 térawattheures. Quelle est la position d’EDF à ce sujet ?

Je fais partie de la commission qui a été créée pour tenter de convaincre les ONG d’accepter cette relance des barrages. Un argument serait que certains clients accepteraient de payer plus cher l’énergie verte. Vous lancez-vous dans cette démarche, qui, certes a des valeurs morales et éthiques, mais qui reste difficile à mettre en pratique ? Il va sans dire que nous comptons sur vous pour ne pas supprimer le barrage de Poutès, qui est dans le collimateur de certaines de ces ONG.

Enfin, EDF est devenu vendeur de gaz, un métier qu’elle connaît très bien. Quelles sont ses ambitions dans ce domaine où elle est en concurrence avec une autre institution qui nous est chère ? Et je profite de l’occasion pour approuver les propos de Mme Massat : entre EDF, GDF, ERDF ou RTE, il est difficile de s’y retrouver sur le terrain.

M. Pierre Gadonneix. Monsieur le député, je ne fais pas les lois !

M. Jean Proriol. Il serait tout de même bon de nous expliquer le fonctionnement du système : il n’est pas facile, même pour un élu, de joindre EDF !

M. Jean-Louis Léonard. Le Président de la République s’est étonné devant nous que la France ne soit pas plus avancée en matière de véhicules électriques ou hybrides alors qu’elle a le coût de production de l’énergie le plus bas d’Europe. Comment se fait-il qu’EDF soit si peu impliquée dans ce domaine, bien moins en tout cas que les grands groupes pétroliers pour ce qui est comparable ? L’entreprise a-t-elle une stratégie de développement ou de partenariat dans ce domaine ?

M. Claude Gatignol. À la fin de ce siècle, nous aurons le choix entre deux grandes énergies : le charbon et le nucléaire. L’idée commence à faire son chemin : une réunion au niveau européen vient de conclure que le nucléaire, s’il n’était pas suffisant, était certes nécessaire, et que le marché européen allait se développer. Quel est le positionnement d’EDF dans cette perspective ?

Par ailleurs, je voudrais féliciter l’entreprise pour la conduite exemplaire du chantier de Flamanville – une réactualisation ne me semble pas vraiment incompréhensible lorsqu’on a besoin de 70 000 tonnes d’acier ! Quel est le programme à long terme de vente de tels EPR ?

La consommation a tendance à stagner. Pourtant, la consommation domestique continue de croître et EDF importe plus qu’auparavant. Comment gère-t-elle cette situation ?

Que pouvez-vous nous dire sur les problèmes de sécurité qu’a dénoncés le rapport de M. Christian Kert pour l’OPECST sur la sécurité des barrages ?

Existe-t-il d’autres groupes de consommateurs que le consortium Exceltium, dont le tarif vient d’être validé par la Commission européenne ? En outre, si le développement du nucléaire implique bien sûr recherche et investissement, il faudra aussi veiller à ne pas être en déficit en matière d’embauche et de formation du personnel, qui seront essentielles.

Enfin, les médias accumulent les contrevérités et les théories prétendument scientifiques erronées. Êtes-vous disposé à rectifier le tir de temps à autre ?

M. Yves Albarello. Monsieur le président Gadonneix, je suis le député qui vous a accueilli à Vaires pour l’inauguration de la centrale thermique, mais qui n’a pas pu prendre la parole. Je voudrais revenir sur le fait que la fourniture d’énergie devrait se répartir principalement entre nucléaire et charbon.

Du point de vue technologique, la capture, le transport et le stockage de CO2 avancent à grands pas et le Grenelle de l’environnement a même émis l’hypothèse de rouvrir des centrales thermiques en France lorsqu’un système de capture et de stockage pourrait y être installé. Si un dispositif sûr et efficace est mis au point dans les dix prochaines années, une dualité entre nucléaire et thermique va-t-elle s’installer ? Quelles seraient dès lors les options possibles pour EDF ?

M. Pierre Gadonneix. Je constate qu’il n’est pas un enjeu du secteur qui ait échappé à cette assemblée !

Répondant au président Patrick Ollier, je dirai qu’un de nos concurrents a affirmé que le coût des permis d’émission allait considérablement favoriser EDF. Mais nous n’y gagnerons pas un euro ! En effet, c’est le prix du marché de gros qui en sera affecté, et EDF est le seul de tous les producteurs d’électricité à ne pas bénéficier des variations du prix de gros. Nous ne vendons plus un seul kilowatt au prix du marché – je ne m’en réjouis pas, mais c’est un fait – et nos concurrents se débarrassent vers nous de tous les clients bénéficiant du TaRTAM. Quant aux négociations européennes sur le changement climatique et le coût des permis d’émission, la question est très difficile. Par exemple, la totalité ou presque du parc de la Pologne est au charbon : de tels pays seront très pénalisés par rapport à d’autres et il faut donc se montrer prudent même si, d’un autre côté, les enjeux du changement climatique imposent absolument de réduire les émissions de CO2. L’idéal serait d’encourager les investissements dans des moyens de production non émetteurs de CO2, mais uniquement par le biais de l’incitation, pas de la pénalisation. La part du CO2 dans la production d’EDF est très faible – ce sont notamment les centrales thermiques qui font face aux besoins de pointe –, mais EDF reste le premier émetteur en France et est donc tout de même concernée par le prix des émissions.

Beaucoup d’entre vous ont évoqué la question des tarifs, et je suis conscient qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. Pour ma part, il me paraît souhaitable que l’électricité soit vendue à son coût. Mais quel est-il ? Il existe au moins deux méthodes de calcul : le coût comptable, qui ressort des opérations effectuées au jour le jour, ou le coût des centrales que nous construisons aujourd’hui – Flamanville, par exemple, et je remercie M. Claude Gatignol d’avoir insisté sur la bonne tenue de l’opération : les visiteurs qui viennent du monde entier sont impressionnés par la qualité du chantier. Le coût moyen de production, aujourd’hui, se situe quelque part entre les deux, et évoluera tendanciellement vers le second mode de calcul. La question est compliquée et je me réjouis qu’une commission composée d’experts indépendants et d’élus doive y travailler. Nous avons aussi la chance d’avoir du temps. Il faut donc trouver la meilleure solution possible pour tenir compte à la fois des attentes des consommateurs, mais aussi de la faiblesse des investissements depuis dix ans. Si nos concitoyens étaient interrogés sur l’évolution du prix de l’électricité, ils se plaindraient sans doute d’une augmentation, mais le fait est qu’il a baissé aux cours des quinze dernières années, au détriment des investissements. Cette situation n’est plus tenable.

Pour ce qui est de nos relations avec nos filiales régulées, les tarifs d’acheminement du réseau sont fixés par le régulateur. Il va de soi que, si l’on veut améliorer la qualité du réseau, il coûtera plus cher : ce sera donc au régulateur de trancher. Quant aux dividendes, nos filiales dans les activités régulées, RTE pour le transport et ERDF pour la distribution, ont un taux de distribution supérieur à 50 %. Or, l’actionnaire principal d’EDF a mis la barre à 50 %. Nous répercutons bien sûr cette politique sur toutes nos filiales, y compris internationales, en tenant compte des distorsions qui peuvent survenir.

M. François Brottes s’est interrogé sur la réalité du plan de relance. À l’heure actuelle, tous les industriels de tous les secteurs ralentissent leurs investissements. Il est donc clair que, sans ce plan, EDF n’aurait pas augmenté les siens de 30 % par rapport à l’année dernière. En revanche, il va de soi non seulement que ces investissements étaient déjà à l’étude, mais qu’en outre le plan de relance n’aurait aucun résultat à court terme s’il fallait commencer par bâtir des dossiers entièrement nouveaux. Ces projets étaient donc dans les cartons, mais ils n’auraient pas dû être menés à bien avant 2010 ou 2011. Ils concernent notamment les moyens de production – alors que nous venons d’inaugurer, comme l’a rappelé M. Yves Albarello, une centrale au fuel à Vaires, mais aussi un barrage en Alsace. À ce propos, je suis tout comme M. Jean Proriol très favorable à l’hydraulique, qui est de loin la première énergie renouvelable. Mais, si l’hydraulique dispose de 7 térawattheures de capacité, il ne faudrait surtout pas qu’on pousse EDF à réduire d’autant le reste de sa production ! L’eau sert à tout le monde : à l’agriculture, au tourisme et aux loisirs, notamment. Elle permet aux saumons d’aller frayer : le barrage de Brisach est doté d’un escalier à saumons qui a coûté 20 millions d’euros, et il existe aussi des ascenseurs ! Il faut veiller à préserver notre patrimoine.

S’agissant de nos relations avec Areva, nous n’avons pas perdu le moindre kilowatt de vente du fait d’un dysfonctionnement quelconque – il peut y avoir parfois des « chuchotements », mais l’ensemble fonctionne bien, particulièrement à l’étranger. Et nous ne sommes évidemment pas concurrents : EDF a fait le choix politique de construire des centrales de type EPR – c’est ce qu’elle a proposé à la Grande-Bretagne, notamment, alors que les autres opérateurs en lice n’avaient rien spécifié – et a déposé auprès des autorités britanniques une licence en commun avec Areva. Notre idée est que Flamanville soit le début d’une longue série. Dès lors, la synergie serait énorme. La grande réussite d’EDF était jusqu’à présent d’avoir produit 58 centrales de même technologie – avec des nuances. Aujourd’hui, dix centrales de type EPR sont en projet et, lorsque nous lancerons le renouvellement de nos installations en France, nous bénéficierons d’un effet de parc commencé en dehors du territoire.

M. François Brottes et beaucoup d’autres ont aussi évoqué nos investissements à l’étranger. Il est clair que nos activités à l’international doivent être financées par nos ressources à l’international. On sait qu’EDF a perdu beaucoup d’argent dans de tels investissements, au Brésil ou en Argentine. C’est pourquoi j’ai posé trois critères : gagner de l’argent, sans quoi on pénalise le consommateur français, être cohérent avec notre politique, c’est-à-dire capitaliser notre compétence nucléaire et reproduire des centrales de type Flamanville et, enfin, être le bienvenu auprès des plus hautes autorités du pays concerné. En Argentine, où les prix de l’électricité n’avaient pas bougé d’un centime face à une inflation de 1’ordre de 100 ou 150 %, j’ai posé la question et la réponse a été clairement négative. Je suis parti sans faire de procès, contrairement à d’autres investisseurs et bien que nous ayons perdu beaucoup d’argent ; le lendemain, les prix de l’électricité avaient doublé ! Mais en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, les comportements vis-à-vis des investisseurs ne sont pas de même nature. Aujourd’hui, l’international, qui représente à peu près la moitié de notre activité, tire les résultats d’EDF vers le haut !

Le prix de British Energy n’a pas été revu depuis la crise pour la bonne raison que les prix de l’électricité en Grande-Bretagne sont pratiquement bloqués pour trois ans. Son chiffre d’affaires sera donc insensible aux évolutions du marché pendant cette période. Au-delà, j’en suis convaincu, le secteur aura retrouvé des prix conformes à ce que nous avions estimé en juillet : je ne prévois pas de remise en cause durable, et je n’ai jamais pensé que le pétrole resterait à 150 dollars le baril.

Enfin, nous aurions l’embarras du choix pour revendre notre participation au prix où nous l’avons achetée. Centrica a même réussi une augmentation de capital il y a trois semaines – c’est plutôt unique, dans la tourmente actuelle ! – avec pour argument le rachat de 25 % des actifs de British Energy détenus par EDF au même prix qu’elle ! Quant à Constellation, il n’est bien évidemment pas exact de dire que nous offrons le double de Warren Buffett. Ce dernier ne proposait que de racheter les actions de Constellation : l’argent ne revient donc pas à l’entreprise. Nous, nous proposons d’acheter une partie de ses actifs : c’est donc un investissement pratiquement sans risques pour EDF, mais qui répond parfaitement aux préoccupations de Constellation, sans que cela préjuge de la décision finale des actionnaires et du conseil d’administration.

En ce qui concerne le TaRTAM, j’ai déjà dit que tout se passe aujourd’hui, du point de vue financier, comme si nous faisions toutes nos ventes, hors tarifs historiques, à ce tarif. Nous récupérons petit à petit tous les clients concernés, puisque nos concurrents ne renouvellent pas les contrats qui arrivent à échéance.

M. François Loos s’est demandé si l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la production était tenable. Ce sera difficile. À ce sujet, je voudrais dire que, si la compétence nucléaire d’EDF est reconnue dans le monde entier, l’entreprise se doit aussi d’avoir une compétence dans toutes les autres formes de production d’électricité. Nous sommes un des premiers développeurs de projets hydrauliques, notamment avec un des plus grands chantiers du monde au Laos, qui est une réussite spectaculaire. Nous sommes également compétents en thermique, et nous allons capitaliser sur la compétence de certaines de nos filiales, comme EnBW pour le charbon, ou Edison pour le gaz. L’éolien fait aussi partie de notre portefeuille. Aujourd’hui, nous faisons porter nos efforts sur le solaire. Certes, le prix de revient technique du solaire est encore très élevé – de 7 à 8 fois celui du thermique, contre 1,5 pour l’éolien. Mais s’il n’y a plus beaucoup de progrès à attendre de l’éolien, qui peut toutefois devenir rentable compte tenu de l’augmentation des coûts de l’électricité et qui l’est d’ailleurs déjà dans certains pays, les coûts du photovoltaïque vont encore baisser, et je pense que cette filière a un fort potentiel.

M. Loos a aussi évoqué les négociations avec Bruxelles. Il est clair qu’elles seront difficiles et la commission Champsaur doit préparer au mieux les discussions. On reproche à la France de fournir de l’électricité aux industriels à un prix différent de ce qu’il est de l’autre côté de la frontière, et donc de créer des distorsions de concurrence. Mais nous pouvons plaider que nous vendons l’électricité à son prix de revient. Il faudra trouver un cheminement entre ces deux positions, jusqu’à la solution. En France, pour les particuliers, le prix évolue à peu près comme l’inflation. Un tel schéma pourrait être repris pour d’autres catégories de consommateurs.

En ce qui concerne l’extension de la durée de vie de nos installations, je voudrais rappeler d’abord que notre parc de centrales nucléaires est le plus récent du monde, et ensuite que la loi a instauré un système décennal : l’Autorité de sûreté nucléaire nous donne l’autorisation d’exploiter par périodes de dix ans. Aujourd’hui, nous sommes donc en train de demander l’autorisation de passer de trente à quarante ans mais, simultanément, nous commençons à travailler avec l’Autorité à un prolongement jusqu’à cinquante ou soixante ans, après les investissements appropriés. Il faut savoir que cette modernisation représente des sommes considérables : 250 millions pour le renouvellement de Fessenheim, en Alsace, par exemple.

La trop grande fragilité de l’approvisionnement de certaines zones du territoire est due aux systèmes de transport et non aux moyens de production. Or le développement des infrastructures se heurte bien sûr au montant des investissements nécessaires, mais aussi à l’opinion publique. Il est moins difficile aujourd’hui de construire une centrale nucléaire qu’un nouvelle ligne de transport à haute tension ! Le problème est pourtant aigu dans certaines régions comme celle de Nice, par exemple, et on attend beaucoup des décisions du RTE à ce sujet.

M. Daniel Paul m’a interrogé sur la sensibilité de la consommation industrielle à la conjoncture. Cette sensibilité existe, mais elle est limitée et nous n’en estimons l’impact sur la consommation globale qu’à hauteur de 1 %.

Pour ce qui touche aux investissements à l’international, après que la commission Roulet eut souligné l’importance des pertes subies, EDF s’est clairement recentrée. Elle a cédé des actifs et retrouvé en trois ans une crédibilité financière qu’elle avait perdue, et qui lui donne aujourd’hui un grand poids dans le secteur.

Quant aux 20 000 emplois que vont créer nos investissements sur le territoire et dont a parlé Mme Frédérique Massat, ils vont notamment bénéficier aux entreprises de travaux – ils seront donc répartis sur tout le territoire pour ce qui concerne les investissements dans la distribution, par exemple – ainsi qu’aux fournisseurs de biens d’équipement nécessaires à la construction des centrales.

Monsieur Jean-Claude Lenoir, la commission Champsaur va étudier les scénarios tarifaires qui peuvent être imaginés.

S’agissant des investissements dans la distribution, il faut savoir que l’ensemble de investissements des activités régulées, transport et distribution, ont augmenté de 30 % entre 2004 et 2008 et qu’ils seront encore en hausse de 20 % en 2009. Après dix ans de baisse, le changement est net.

Pour ce qui est des barrages, je suis d’accord avec M. Jean Proriol pour ne pas les démolir. Quant aux véhicules électriques évoqués par M. Jean-Louis Léonard, nous y sommes très favorables, mais la balle est dans le camp des constructeurs. Une chose est sûre : le stockage de l’électricité est un véritable défi technologique. Il n’existe pas encore de mécanisme de transport et de stockage qui puisse assurer l’autonomie et la fiabilité d’un véhicule à un coût compétitif par rapport à l’essence. C’est pourquoi nous prônons le véhicule hybride, qui utilise moins d’électricité, mais qui contribue tout de même très fortement à la réduction de la consommation d’essence puisque, avec une autonomie de 60 kilomètres en électricité et compte tenu de la distance de circulation moyenne, on économise près de 50 % d’essence. Sur ce sujet, nous avons travaillé avec Toyota, et nous travaillons maintenant avec Renault et Peugeot. EDF détient aussi la première flotte de véhicules électriques du monde – 1 500 véhicules, dont elle est très satisfaite.

Pour ce qui est de savoir si la France est importatrice ou exportatrice d’électricité, le fait est qu’elle exporte du nucléaire en heures creuses et importe de l’électricité thermique en heures de pointe. La balance globale est positive, mais nous sommes importateurs nets quelques jours par an. C’est ce qui nous conduit, pour assurer la sécurité du système, à investir dans les moyens de pointe – une autre de ces missions de service public que les concurrents d’EDF n’ont pas à assumer. Une centrale comme celle de Vaires ne fonctionne ainsi que quelques heures par an et, même si cette électricité se vend à un prix élevé, l’amortissement reste extrêmement difficile.

J’en viens aux compteurs intelligents. C’est ERDF qui est chargé de les développer. Une opération test sera menée en 2009 sur 300 000 appareils et le déploiement national est prévu d’ici à 2012. Cela représente un investissement de 4 milliards d’euros, qui sera répercuté sur le tarif d’acheminement fixé par le régulateur.

Quant à l’électricité verte, elle fait déjà partie des offres commerciales d’EDF. Nous en vendons 1 térawattheure – sur les 400 du marché français –, et le surprix accepté par les clients est de 3 %. Ce n’est pas cela qui financera l’éolien ou le solaire.

M. François Brottes. Je pense que l’énergie verte est une vaste supercherie, dans la mesure où elle ne passe pas directement du producteur au consommateur, mais qu’elle transite par des réseaux de transport équilibrés par d’autres énergies qui n’ont rien de vert.

Par ailleurs, vous avez dit, monsieur le président Gadonneix, que nous nous trouvions en limite de capacité. Mais on constate une baisse de la consommation et, parallèlement, deux objectifs ont été fixés : celui de 23 % d’énergies renouvelables, certes, mais aussi celui de 20 % d’économies d’énergies. Les tenez-vous donc pour des vœux pieux ?

M. le président Patrick Ollier. Je partage entièrement l’avis de M. François Brottes sur l’énergie verte.

M. Yves Albarello. Quels sont les défis technologiques du traitement du CO2 et quelle serait l’incidence sur le nucléaire de l’existence de centrales thermiques qui ne pollueraient plus ?

M. Pierre Gadonneix. Nos propres scénarios d’évolution de la consommation d’électricité, comme ceux de l’administration, tiennent bien sûr compte des perspectives d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables, puisqu’ils ont notamment pour objet de déterminer les projets de construction de moyens de production. Ils font apparaître clairement que l’électricité se substitue à d’autres énergies pour des applications nouvelles, et que la consommation d’électricité peut donc augmenter alors que la consommation d’énergie baisse. C’est notamment le cas pour les usages domestiques, avec les pompes à chaleur par exemple. Ces scénarios sont par ailleurs extrêmement divers pour ce qui est du volume de production des éoliennes.

M. Jean-Pierre Nicolas. Qu’est-ce qui est le plus rentable : améliorer la disponibilité de nos centrales ou investir à l’étranger ?

M. Pierre Gadonneix. C’est le parc national qui répond le mieux aux besoins courants du marché. Les ajustements ne se font qu’aux heures de pointe. Par ailleurs, nous avons tout intérêt à développer des capacités d’exportation, qui sont extrêmement rentables, et à vendre plutôt qu’à acheter.

Pour ce qui est du charbon, les recherches sont en cours et nous y participons. Mais les défis technologiques que constituent la capture, le transport et le stockage du CO2 sont aussi ardus les uns que les autres. Il est aussi compliqué de stocker du CO2 que des déchets nucléaires ! Aujourd’hui, cette technologie n’est pas compétitive : le coût de l’énergie produite par ce type de traitement serait au-delà du double des prix actuels du marché du CO2. Ce n’est pas une raison pour ne pas faire de recherche, car on en viendra à cette technologie. Le charbon ne peut que se développer – et la grande majorité des centrales électriques qui se construisent aujourd’hui dans le monde sont au charbon !

M. le président Patrick Ollier. Merci, monsieur le président Gadonneix, d’avoir été si complet. Le débat a été passionnant et sans doute vous demanderons-nous de revenir dans les mois qui viennent pour le poursuivre.

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