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Mardi 6 janvier 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Ailleret, Président de la Commission sur le développement de La Poste

– Informations relatives à la Commission 15

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. François Ailleret, Président de la Commission sur le développement de La Poste.

M. le président Patrick Ollier. Je suis très heureux de vous accueillir, monsieur Ailleret, d’autant que j’ai déjà pu, dans d’autres circonstances, apprécier les qualités qui sont les vôtres. C’est la présidence de la commission sur l'avenir de la Poste qui vous vaut d’être ici aujourd’hui. Installée le 27 septembre par Mme Christine Lagarde et M. Luc Chatel, cette commission a tenu sa dernière réunion le 10 décembre 2008. J’ai eu le grand bonheur de participer, ainsi que MM. Jean Dionis du Séjour, François Brottes et Daniel Paul, aux travaux de cette commission, jusqu’à ce que M. Proriol m’y remplace, pour des raisons d’emploi du temps. Suite à ces travaux, vous avez remis au Premier ministre un rapport intitulé « Oui, La Poste a un bel avenir devant elle ».

La réflexion menée par la commission sur le développement de La Poste a permis à la plupart des acteurs concernés de s'accorder sur un diagnostic : La Poste a besoin de capitaux pour se moderniser et développer son activité sur les marchés les plus dynamiques. Un consensus a donc commencé à s'établir sur les moyens qui permettront d'améliorer le fonctionnement d'une entreprise et d'un service public auxquels nous sommes tous attachés. Comment concilier cette nécessaire évolution du capital de La Poste et la préservation de ses missions de service public ? Notre commission est notamment attachée à la présence postale sur les territoires.

Comment percevez-vous par ailleurs les positions des partenaires sociaux concernant les réformes préconisées par votre rapport et quels sont les points sur lesquels les négociations vous semblent devoir être poursuivies ?

Quelles sont enfin les principales mesures à prendre afin de garantir le maintien dans la sphère publique de La Poste et le bon fonctionnement des services qu'elle assure ?

M. François Ailleret, président de la commission sur le développement de la Poste. Je vous remercie de votre accueil.

La lettre de mission du Premier ministre m’est parvenue le 25 septembre. Installée par Mme Lagarde et M. Chatel, la commission a tenu quinze réunions entre le 26 septembre et le 10 décembre. Nous avons auditionné Jean-Paul Bailly, président de La Poste, avant d’examiner les différents métiers de La Poste. Deux réunions ont été consacrées à des comparaisons internationales. Nous avons également écouté le point de vue des clients de La Poste, particuliers et « grands comptes ». Les élus locaux se sont largement exprimés à travers l’Association des maires de France, ainsi que les représentants des communes rurales, des élus de la montagne, des départements et des régions, le président de l’Observatoire national de la présence postale territoriale, les présidents de comités départementaux, ainsi que des parlementaires.

La commission comprenait six parlementaires, six personnalités qualifiées, six représentants des syndicats de La Poste, trois représentants de l’État et trois représentants de La Poste. J’ai tenu à préciser d’emblée que le rapport n’engageait que moi, et non pas les autres membres de la commission. Ce rapport a été remis au Premier ministre le 17 décembre, avant de faire l’objet, le 19, d’une réunion à l’Élysée, rassemblant, autour du Président de la République, le Premier ministre, les ministres concernés et les membres de la commission, excepté les représentants de l’État et de La Poste, ainsi que Jean-Paul Bailly.

Il convient de noter en préambule que La Poste a déjà connu une évolution très encourageante ces dernières années. Il faut également signaler la place très particulière que cette entreprise occupe sur le plan symbolique, politique et social : La Poste ne peut pas être une entreprise comme une autre.

Certains points ont fait l’objet de convergences très fortes, au point qu’on peut presque parler de consensus. Le statu quo n’est pas acceptable. Si les missions de services publics de La Poste doivent être confirmées et leurs modalités de financement clarifiées, son développement doit également être assuré dans des activités commerciales hors service public. La Poste doit rester une entité publique. L’unité du groupe est une force essentielle qu’il faut mettre au service de ses projets. La présence postale sur le terrain est une nécessité mais aussi un atout, et le dialogue avec les collectivités territoriales sur ce sujet doit être renforcé. Enfin La Poste a besoin de croissance et doit mener une politique active de développement.

La Poste présente aujourd’hui la singularité d’être un groupe intégré, regroupant quatre métiers correspondant à ses obligations de service public : le service universel postal, défini par une directive européenne ; la contribution à l’aménagement du territoire, définie par la loi ; le transport et la distribution de la presse ; l’accessibilité bancaire, qui fait obligation à La Poste d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande. Chacune de ces activités bénéficie en principe d’un financement propre, mais en réalité la plus grande part de leur coût est assumée par les bénéfices du courrier.

Avec 299 000 salariés, La Poste est le deuxième employeur de France, après l’État. Elle est déjà confrontée à la concurrence sur le marché du colis express, notamment celle des postes allemande et néerlandaise, ainsi que de sociétés américaines.

La Poste présente des fragilités. Alors que le volume du courrier n’avait cessé d’augmenter depuis sa création sous Louis XI, il ne cesse de diminuer depuis quelques années, et cette diminution s’accélère, du fait notamment de la concurrence croissante des médias électroniques. Cette activité devra en outre relever le défi de l’ouverture complète à la concurrence en 2011. Si le colis express, la Banque postale et la diversification des services du courrier sont des voies d’expansion pour l’entreprise, elle doit pour cela se doter de moyens. Or l’entreprise supporte déjà une dette de six milliards d’euros, qui constitue un handicap par rapport à la plupart des postes européennes.

Tous les membres de la commission ont jugé que, dans ce contexte, La Poste devait réagir par la mise en œuvre d’un projet de développement ambitieux, à forte dimension industrielle et fondé sur l’unité du groupe, propre à répondre aux défis et aux enjeux de chacun de ses métiers.

Face au déclin en volume du courrier, des ripostes existent ; l’ouverture, malgré ses risques, peut offrir également des opportunités de développement. Elle doit être en particulier l’occasion d’achever la modernisation de l’outil industriel du courrier, qui devra s’accompagner, ne nous le cachons pas, de la reconversion des personnels concernés. La Poste devra en outre développer la « chaîne de valeur » du courrier en créant des services connexes en amont de l’émission du courrier ou des activités complémentaires autour de la tournée du facteur. De grands groupes comme IBM, Xerox, Google ou Microsoft, commencent à s’intéresser à ces services, et La Poste doit réagir.

En ce qui concerne le colis express, la Poste est bien implantée en France, où elle occupe la première place, et en Europe. Mais ce marché, d’une dimension de plus en plus européenne, connaît depuis une décennie des mutations accélérées et des restructurations très rapides. Les lacunes du réseau européen de La Poste rendent nécessaires des acquisitions externes.

La très bonne image de la Banque postale est encore renforcée par la crise actuelle et le discrédit qui frappe les autres réseaux bancaires. Banque de détail de taille moyenne, avec 29 millions de clients et 9 % des parts de marché en encours, elle doit, pour la commission, rester une banque « pas comme les autres », une banque de proximité offrant à une clientèle modeste des tarifs raisonnables et la possibilité de déposer et de retirer de tout petits montants. Elle doit cependant élargir sa gamme de produits, améliorer sa productivité, ses coûts de fonctionnement étant trop élevés, et moderniser sa relation aux clients.

L’Enseigne, c’est-à-dire le réseau des 17 000 points de contact, rassemble 65 000 collaborateurs, dont 35 000 guichetiers. La satisfaction des clients est toutefois en demi-teinte, en dépit de progrès incontestables. Les temps d’attente aux guichets sont jugés excessifs et l’accueil peu satisfaisant. Beaucoup de ses bureaux doivent être modernisés ; la personnalisation du service au client doit être améliorée et les opérations les plus simples automatisées.

La commission s’est penchée plus particulièrement sur les missions de service public qui sont au cœur de la vocation de La Poste, notamment sur le service universel du courrier. Le courrier des particuliers ne représente que 10 % au plus de l’activité postale, celui des entreprises 80 %, et la presse 10 %. Principal indicateur de qualité de service, la proportion de lettres parvenues en J + 1 – distribution le jour ouvrable suivant le dépôt du courrier – est passé de 65 % en 2003 à 83 % en 2007 ; la proportion en J +2 est, quant à elle, de 97 %. Il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité, dans une optique de développement durable, de réserver le J +1 à l’intrarégional ou entre régions voisines, le reste bénéficiant d’un J + 2 garanti.

Cette mission de service universel doit être confirmée dans la durée, pour donner de la visibilité à La Poste, et le surcoût qu’elle génère doit être compensé. Ce surcoût a été jusqu’à présent couvert par les bénéfices réalisés par La Poste sur le secteur réservé, mais le principe d’un fonds de compensation a été retenu. De nombreux membres de la commission estiment que ce mécanisme de compensation doit impliquer les concurrents de La Poste dès lors qu’ils ne supportent pas les charges du service universel postal.

Deuxième mission d’importance, La Poste contribue à l’aménagement du territoire, à travers ses 17 000 points de contact, dont 9 000 en zone rurale, avec 4 000 bureaux de poste dans des communes de moins de 2000 habitants. Nous pensons qu’il conviendrait d’officialiser ce chiffre de 17 000 afin d’éviter que Bruxelles ne s’oppose à la compensation de leur coût : la loi n’impose en effet que 14 500 points de contact.

Cette mission d’aménagement du territoire est financée par le fonds national de péréquation postale territoriale, abondé essentiellement par les collectivités locales au travers d’un abattement sur la taxe professionnelle. Nous pensons que ce fonds doit être renforcé et qu’il revient à l’Observatoire national de la présence postale territoriale de faire des propositions en ce sens.

La mission de service public de transport et de distribution de la presse fait l’objet d’accords entre l’État, La Poste et les éditeurs de presse. Nous recommandons l’application du dernier accord, signé en juillet 2008, qui prévoit l’équilibre financier de cette activité d’ici 2015. En ce qui concerne la mission d’accessibilité bancaire, la loi de modernisation de l’économie a prévu les moyens de compenser le surcoût lié à la concurrence sur le livret A.

Au total, ce n’est donc que sur la mission d’aménagement du territoire que notre commission décèle une lacune dans le financement des missions de service public de La Poste.

Le modèle social de la Poste est une valeur qu’il convient de préserver. Mais elle a besoin aussi de flexibilité et de mobilité pour faire face aux changements de son environnement ; elle doit investir dans le développement des compétences professionnelles et réaliser les recrutements nécessaires pour les besoins de demain. La commission a été unanime à juger que la conciliation de ces deux impératifs supposait la signature d’une convention collective de branche. Celle-ci s’appliquerait à tous les intervenants dans les métiers de La Poste, pour éviter tout risque de dumping social par de nouveaux entrants.

Tout cela suppose des moyens. Sur la période 2009-2012, La Poste situe le total de ses besoins d’investissement entre 7,350 et 9 milliards d’euros. La commission retient un besoin minimal d’investissement de 6,3 milliards d’euros, qui n’est pas couvert par la capacité d’autofinancement de l’entreprise, estimée à 900 millions d’euros annuels – hypothèse déjà un peu optimiste : le besoin de financement s’élève donc à 2,7 milliards d’euros sur ces quatre ans. La commission juge déraisonnable d’accroître un endettement déjà très important, qui génère 300  millions d’euros de charges annuelles. Sans apport significatif de fonds propres, La Poste n’aura le choix qu’entre le déclin par impossibilité de moderniser ses quatre métiers, ou l’éclatement, seules les activités colis express et Banque postale tirant leur épingle du jeu. Or l’unité du groupe est une force pour l’ensemble des métiers.

Ces fonds propres ne pouvant, dans la situation de crise actuelle, provenir du secteur privé ou de la bourse, ils ne peuvent être que d’origine publique. Trois solutions sont envisageables : le budget de l’État ; l’intervention du fonds stratégique d’investissement, ou celle de la Caisse des dépôts, en fonction de la réactivité de chacun et de la conformité aux règles communautaires.

Certains membres de la commission ont jugé que cet apport de fonds propres ne devait pas se traduire par un changement de statut de La Poste, considérant qu’une transformation de l’entreprise en société anonyme serait la porte ouverte à une privatisation ultérieure. D’autres membres de la commission, dont je suis, pensent que la transformation de la Poste en société anonyme lui permettrait d’affronter à armes égales ses concurrents. Ce changement de statut serait donc un progrès, pourvu que le législateur garantisse la participation majoritaire de l’État, précise les obligations de service public de La Poste et leurs modalités de financement, et que des garanties soient apportées aux personnels, à travers le statut des fonctionnaires et des accords d’entreprise et de branche.

Quel que soit le statut de La Poste, les défis auxquels elle est confrontée sont les mêmes.

Nous avons tous la conviction que les fondamentaux de la Poste sont sains et que les fonds propres qui seront apportés à l’entreprise le seront dans une perspective de croissance, de développement et d’amélioration du service public. Mais dans un contexte de mutation accélérée, il est nécessaire de réagir vite, car si « dans le monde d’hier, les gros mangeaient les petits, dans le monde de demain, les rapides mangeront les lents ».

M. le président Patrick Ollier. Je vais donner la parole aux représentants des groupes, ainsi qu’aux députés qui le souhaitent. M. Ailleret répondra ensuite à l’ensemble des questions posées.

M. Jean Proriol. J’ai beaucoup apprécié, monsieur Ailleret, votre implication personnelle dans les débats de la commission sur le développement de La Poste. Vous avez su faire preuve de méthode et d’ouverture d’esprit pour présider ces quinze réunions. Votre capacité d’écoute a été contagieuse, puisque les parties présentes ont su se respecter mutuellement. Vous vous êtes placé en arbitre des débats, et vous êtes même parvenu à faire revenir des participants qui s’en étaient retirés. Vous avez ainsi assuré à nos travaux une ambiance sereine et constructive. Un certain nombre de grands principes ont fait consensus au sein de la commission : ils sont rappelés au début du rapport. Mais des différences d’appréciation se sont aussi exprimées.

A la lumière de ces travaux, pourriez-vous nous dire si la poste française, en Europe, a encore des chances de s’en sortir, et à quelles conditions ? En effet, deux entreprises galopent devant elle : la Deutsche Post, et TNT, la poste néerlandaise. Cette dernière s’est offert le luxe d’acheter des sociétés françaises de transport et de logistique, même si, s’apercevant ensuite que ce n’était pas son cœur de métier, elle s’est empressée de les revendre – par morceaux, malheureusement. Comment La Poste se classe-t-elle à l’échelle européenne ? N’oublions pas qu’elle perdra en 2011 son monopole sur le courrier et qu’elle est déjà confrontée à la concurrence sur le colis express et sur la banque. Enfin, elle doit faire face à la montée du courrier électronique, manifeste en ce début d’année : jamais on n’a reçu autant de vœux qui n’ont pas été transportés par La Poste. Le volume de courrier chute : comment réagir ?

Le statut de La Poste est une chose, ses missions et ses obligations en sont une autre. Il semble – mais vous allez nous le confirmer – que le statut peut changer tout en maintenant les obligations et contraintes du service public. Lorsqu’il nous a reçus, le Président de la République nous a confirmé que ces contraintes ne changeraient pas, qu’elles soient issues de la directive ou qu’elles soient propres à notre législation – par exemple, alors que la directive prévoit que le courrier est distribué au minimum cinq jours sur sept, notre pays maintient un rythme de six jours sur sept.

Il existe une question lancinante, d’ailleurs évoquée par le président de l’Observatoire lors de la rencontre avec le Président de la République, celle de la pérennité du fonds de péréquation, actuellement assis sur l’abattement de la taxe professionnelle. Que se passerait-il si cette taxe disparaissait ? Le problème reste entier.

Vous avez insisté sur la nécessité, pour La Poste, de procéder à des investissements lourds, dans une fourchette comprise entre 6 et 9 milliards d’euros. Le Président de la République l’a même dit à M. Bailly : si elle veut rester attractive, La Poste devrait rénover ses bureaux tous les dix ans. Or nous sommes loin du compte. Je sais cependant que l’entreprise travaille sur un nouveau modèle de bureau, pour rester dans la compétition et éviter les files d’attentes, notamment en milieu urbain.

Il semble que l’intention du Président de la République et du Gouvernement soit de faire de La Poste une société anonyme, mais dotée de capitaux à 100 % publics et donc contrôlée par l’État. C’est une contrainte que nous avions incluse dans la loi de 2005, dont j’étais le rapporteur. Nous sommes un des rares pays dont le service postal est constitué sous la forme d’un service public doté de capitaux publics. À part celle du Luxembourg, toutes les autres postes sont passées au statut de société anonyme. Cela ne les empêche pas de se développer, bien au contraire.

M. François Brottes. À mon tour, je salue la manière dont M. Ailleret a présidé la commission, sa capacité d’écoute et sa volonté de faire en sorte que le débat ait effectivement lieu, même si l’ambiance était parfois tendue.

Nous avons cependant un train de retard. Depuis que M. Ailleret a remis son rapport au Premier ministre, qui l’a lui-même remis au Président de la République, ce dernier a pris position et annoncé un certain nombre d’engagements. Il appartient donc désormais à la majorité d’assumer ses responsabilités et de dire ce qu’elle propose pour La Poste. Pour ce qui concerne M. Ailleret, son travail est terminé. Cependant, il pourrait peut-être nous dire ce qu’il a compris des engagements du Président de la République…

Je ne reviens pas sur l’accomplissement par La Poste de ses missions de service public ni sur la nécessité de détenir des fonds propres : ces diagnostics sont largement partagés. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Ailleret, la Banque postale est, en période de crise, une banque refuge. C’est une chance qu’elle existe, ainsi que le Livret A ! C’est tout de même la seule banque qui n’a pas eu besoin de recourir aux subsides de l’État dans le contexte que nous connaissons. D’ailleurs, quand on compare ses ratios d’endettement avec ceux de ses concurrents privés, on constate que ces derniers n’ont aucune leçon à donner. Heureusement que l’État est là pour corriger les effets de leur mauvaise gestion. La commission sur l’avenir de La Poste n’a donc pu que constater unanimement les bienfaits de l’existence d’une banque publique en période de crise.

Quant à M. Proriol, il aurait dû nous écouter lorsqu’il était rapporteur de la loi de 2005. Nous avions alors appelé à transposer la directive européenne d’une autre façon, afin que la concurrence s’exerce de manière plus loyale à l’égard de La Poste. Nous avions notamment jugé nécessaire l’adoption d’une convention collective de branche s’imposant à tous les acteurs du secteur du courrier. Nous avions aussi demandé à faire figurer dans la loi certaines dispositions comme le prix unique du timbre. Aujourd’hui, le Président de la République abonde dans notre sens.

Les membres de la commission s’accordent pour reconnaître que La Banque postale ne doit pas être une banque comme les autres. Or je n’ai eu de cesse de le dire en 2005 : si les missions de service public attribuées à cette banque étaient clairement indiquées dans la loi, elle ne serait pas une banque comme les autres, et Bruxelles ne nous obligerait pas à banaliser le Livret A. On m’a alors accusé de faire, une fois de plus, un procès d’intention à l’égard de la majorité, mais ensuite la banalisation du Livret A n’a pas mis six mois à se réaliser ! Si la loi de 2005 avait inclus les dispositions que nous préconisions, nous ne serions pas obligés de corriger le tir quelques années après. Mais après tout, les déclarations du Président de la République montrent qu’il a fini par nous entendre. Nous ne pouvons donc que nous en réjouir.

Pour autant, la question qui demeure est celle du statut.

M. Yanick Paternotte. Et celle de l’argent !

M. François Brottes. Non, même pas. Les besoins de financement sont de 3 milliards d’euros. L’État devrait apporter 1,2 milliard d’euros, la Caisse des dépôts 1,5 milliard. Ce n’est que justice : chacun reconnaît aujourd’hui que l’État n’avait pas pris ses responsabilités à l’égard de La Poste en lui faisant supporter sans compensation adéquate le coût du transport de la presse, la bancarisation des plus démunis ou l’aménagement du territoire. Or tout cela représente 900 millions d’euros par an. Les engagements du Président de la République semblent indiquer que l’État prendra désormais ses responsabilités, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

Mais faut-il pour autant changer de statut ? La Poste possède beaucoup de filiales qui ont noué des partenariats, y compris capitalistiques, avec d’autres acteurs. C’est donc déjà possible. De même, depuis l’adoption du texte dont M. Proriol était le rapporteur, la Banque postale est une société anonyme qui peut déjà ouvrir son capital et faire évoluer ses capacités en fonds propres. Dès lors, notre analyse est que l’objectif du changement de statut est, demain, d’ouvrir le capital, et après-demain de privatiser l’entreprise et de la faire entrer en bourse. C’est ce qui est arrivé récemment à Gaz de France : on nous a expliqué qu’il fallait transformer l’établissement public en société anonyme – même si la Commission européenne n’avait jamais exigé ce changement de statut –, mais que l’État conserverait la majorité du capital. Quelques mois plus tard, l’État ne détenait plus qu’à peine 30 % du capital de Gaz de France…

Nous considérons donc que ni la réglementation européenne, ni les exigences de compétitivité n’imposent à La Poste de changer de statut. En revanche, il y aurait un danger à le faire, car cela constituerait un premier pas vers la privatisation. Cette fois, je fais vraiment un procès d’intention à la majorité, et c’est l’expérience qui me conduit à le faire : un changement de statut conduirait à ouvrir – d’abord un peu, puis beaucoup – le capital de l’entreprise.

Le fait que La Poste soit le seul acteur en charge du service universel postal n’est en rien une garantie pour l’avenir. En effet, alors que nous avions donné un statut similaire à France Telecom, vous avez étendu à l’ensemble des opérateurs téléphoniques la capacité de porter le service universel. Mais dès l’instant où tous les opérateurs présents sur le marché pourront être missionnés pour le service universel, La Poste ne sera plus assurée de conserver les mêmes missions et le même statut.

Le fonds de compensation, monsieur Ailleret, ne concerne que le courrier, et pas du tout la présence postale territoriale, par exemple. Ce n’est donc pas lui qui réglera le problème de l’aménagement du territoire. Quant au fonds de péréquation qui, en théorie, compense les allégements de taxe professionnelle, il est assumé en fait par le budget de La Poste, puisque les autres opérateurs – du moins les nouveaux entrants – ne paient pas de taxe professionnelle.

D’un point de vue éthique et prudentiel, l’intérêt général ne peut donc être garanti dans la durée que si La Poste garde son statut d’établissement public – sachant que ses filiales peuvent passer des accords – et si l’État prend ses responsabilités à l’égard d’une entreprise dont il est seul propriétaire.

Deux millions de Français, parmi les moins nantis, n’hésitent pas à faire la queue aux guichets de La Poste pour retirer cinq ou dix euros. Ces gens, aucune autre banque ne veut les accueillir – y compris s’agissant du Livret A, contrairement à ce que laisse entendre la communication gouvernementale. Seule La Poste à l’obligation de les recevoir. Cela représente un coût, pour lequel aucun fonds de compensation n’est prévu. Et on demande à la Banque postale de faire des économies sur ses coûts de fonctionnement ?

M. Jean Dionis du Séjour. À mon tour, au nom du Nouveau Centre, je salue le travail effectué par la commission et par son président François Ailleret. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les documents qui nous ont été transmis. J’aimerais d’ailleurs que le président de la commission des affaires économiques autorise la diffusion auprès de nos collègues d’un document particulièrement intéressant appelé « Tendances générales sur le courrier en Europe ».

À titre personnel – car nous n’en avons pas encore débattu au sein du groupe –, je suis très « pro-Ailleret ». François Brottes a raison de souligner que dans ce genre de débats, chacun a ses points de repère. Le mien, en l’occurrence, serait plutôt EDF. Cette entreprise a en effet un statut de société anonyme, son capital est ouvert à hauteur de 12 ou 13 %, et elle a signé avec l’État un contrat de service public. C’est, me semble-t-il, un exemple à suivre.

Selon François Brottes, le problème de La Poste n’est pas l’argent, car l’État s’est engagé à apporter 1,3 milliard d’euros et la Caisse des dépôts, 1,5 milliard. Mais nous sommes aujourd’hui dans un contexte bien particulier : en raison de la crise, l’État a ouvert en grand – à juste titre, me semble-t-il – les vannes des finances publiques, faisant passer le déficit prévu de 50 à 80 milliards d’euros, ce qui aura un impact sur la dette. Mais un jour nous sortirons de la crise : pour ne pas aggraver la dette transmise à nos enfants, nous devrons resserrer les conditions d’investissement de l’argent public. J’ai peur qu’alors, vers 2010-2011, La Poste fasse les frais de cette nouvelle politique.

C’est pourquoi je soutiens la proposition de M. Ailleret de changer le statut de La Poste et d’ouvrir son capital à des fonds publics. Le recours à la Caisse des dépôts me paraît justifié, car il s’agit d’un actionnaire de long terme, avec lequel La Poste peut partager des objectifs de long terme.

M.  Daniel Paul. J’ai également pris du plaisir à participer aux travaux de cette commission. Et j’estime également que vous avez trouvé, monsieur Ailleret, la bonne façon de présider les travaux : chacun de nous a pu s’exprimer et faire le choix, le cas échéant, de ne pas venir à certaines séances, ce qui a été mon cas. De même, je n’ai eu aucun scrupule à ne pas participer à la réunion qui s’est tenue à l’Élysée le 19 décembre. En effet, alors que la commission avait fait son travail et que vous aviez remis votre rapport aux autorités de l’État, je ne voyais pas la nécessité de réunir à nouveau une partie de ses membres. En outre, le Président de la République avait annoncé, quelques heures avant cette réunion, ce qu’il allait décider, ce qui me paraît pour le moins cavalier.

Dans les travaux de cette commission, on peut distinguer deux périodes : avant et après septembre. Avant, tout allait dans le sens d’une transformation de La Poste en société anonyme et de l’entrée de capitaux privés dans l’entreprise. Puis est venue la crise économique et financière, et les mains qui s’approchaient du pot de confiture s’en sont vite retirées. Désormais, plus question d’ouvrir La Poste à des capitaux privés. L’ouverture du capital était toujours présentée comme inéluctable, mais plutôt en direction d’organismes publics comme la Caisse des dépôts. On ne peut donc analyser l’évolution de ce dossier sans prendre en compte la crise actuelle. Songeons à Natixis, une des banques les plus exposées à la crise des subprimes, ou à Fortis, acteur public qui est en train de mettre les mains dans le marché du carbone… Nous avons le devoir d’être attentifs – notamment parce que les premiers responsables ne le sont pas – à l’évolution de ces institutions, de même qu’à celle de la Banque postale, qui concerne des millions de Français.

Par ailleurs – et je l’ai déjà dit pour EDF, pour GDF et pour d’autres entreprises publiques –, il faudra bien, un jour, faire le bilan de la politique de libéralisation des entreprises publiques menée par l’Union européenne. Élie Cohen, membre de la commission sur le développement de La Poste, m’a dit que la Commission elle-même travaillait sur ce bilan. Mais elle est juge et partie ! Il faudrait examiner de qui s’est passé de façon sérieuse, le cas échéant en recourant à des critères différents de ceux de la Commission européenne.

On nous dit que La Poste doit trouver 2,8 milliards d’euros pour se développer. Je constate simplement que l’État ne fait pas face à ses responsabilités. J’estime à environ un milliard d’euros le montant qu’il devrait payer pour compenser ce qu’il exige de La Poste. Il reste donc environ 2 milliards à trouver. Qui osera dire qu’au moment où l’État met sur la table des dizaines et des centaines de milliards, il est dans l’incapacité de faire face à cette obligation sans que La Poste change de statut ? Pour ma part, monsieur Ailleret, l’idée que la France soit le seul pays dont l’entreprise postale est publique ne me gêne pas du tout. D’ailleurs, j’aimerais que vous nous précisiez quelles sont les entreprises postales européennes en concurrence avec La Poste, car aucune n’a le même périmètre. En Italie, c’est une banque qui a une activité postale ; ailleurs, la poste n’a pas du tout d’activité bancaire, etc. Il y a donc un choix de périmètre que nous devons confirmer – ou plutôt que la majorité devra confirmer.

Dernier point : de nombreuses organisations syndicales se rallient à l’idée de constituer un pôle public financier dans ce pays. Lorsque nous aurons à discuter du futur projet de loi sur La Poste, cet aspect des choses devra être mis sur la table. Car c’est aussi avec ce moyen, et avec la Banque postale, dont le capital est d’ores et déjà ouvert, qu’on pourra trouver les financements dont La Poste a besoin pour réaliser ses investissements.

M. Louis Cosyns. Je trouve ce rapport précis et complet.

Ces dernières années, un effort a été accompli en faveur de la présence postale sur les territoires, notamment à travers les bureaux de poste, les agences postales et les relais de poste. Quelle est aujourd’hui l’importance de la couverture nationale ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. L’organisation postale en milieu rural a en effet bien changé ces dernières années. La fermeture de nombreux bureaux a donné la possibilité aux élus locaux d’ouvrir des agences postales et aux commerçants de créer des points de relais poste. Quel bilan La Poste en tire-t-elle au regard de la présence postale, du service au public et surtout du chiffre d’affaires ?

M. Daniel Fasquelle. Les populations sont très attachées à la présence de La Poste sur l’ensemble du territoire. Mais l’ouverture à la concurrence n’est pas forcément nuisible. Après celle du secteur des télécommunications, chacun garde accès au téléphone à un tarif convenable et France Télécom est plus fort que jamais. Après l’ouverture du ciel européen, de nouvelles liaisons ont été créées et Air France est devenu l’un des champions mondiaux dans ce domaine. Il est donc possible de concilier l’ouverture à la concurrence et la préservation, voire le renforcement, du service public – comme le suggère le rapport de M. Ailleret.

M. François Ailleret. Je vous remercie pour vos commentaires positifs sur le travail de la commission, dont je souligne qu’il a été un travail collectif, à vingt-quatre, conduit dans un bon esprit.

Il est délicat pour moi, monsieur le président Ollier, d’exprimer la position des partenaires sociaux ; mais il me semble qu’ils sont tous tombés d’accord sur les points de consensus que reprend le préambule du rapport. Cela témoigne d’un attachement unanime à La Poste et d’une volonté de maintenir toutes les valeurs qu’elle représente.

Dans le domaine social, les perspectives sont assez claires. Le statut de fonctionnaire sera maintenu pour ceux qui ont fait ce choix. La Poste est animée par un souci d’équité entre les fonctionnaires et les agents sous statut privé. Les fonctionnaires qui, il y a quinze ans, ont commis l’erreur de refuser leur transposition dans une grille différenciée se trouvent aujourd’hui enfermés dans une situation difficile ; il n’est pas question de procéder à une reconstitution de carrière complète mais je recommande à Jean-Paul Bailly de trouver une solution car il est malsain qu’une minorité, même petite, se sente mal à l’aise au sein d’une communauté. La reprise des discussions relatives à l’accord de branche applicable à toutes les entreprises qui interviendront dans le secteur est de nature à clarifier les choses.

Au regard des changements intervenus à La Poste depuis quelques années, j’ai la conviction personnelle, Monsieur Proriol, qu’elle a les moyens de s’en sortir face à la concurrence européenne. Sa transformation d’administration d’État en EPIC a permis des progrès indiscutables. La Poste sait donc évoluer. Elle a maintenant besoin de moyens pour se moderniser, obtenir des gains de productivité et améliorer la qualité du service, surtout dans le domaine du courrier mais également dans ses autres métiers, les clients ou usagers étant confrontés à une offre de prestations croissante de la part de divers organismes.

Les 300 000 agents de ce très grand ensemble, qui travaillent dans des métiers très divers, doivent évidemment se rassembler autour de quelques idées simples pour un avenir commun. L’enjeu de la cohésion interne et du dialogue social est donc crucial. Toute entreprise, pour survivre, a besoin aujourd’hui de flexibilité et de mobilité, mais il est impensable de se contenter de demander au personnel d’être flexible et mobile. Il convient en parallèle de lui apporter des garanties, de renforcer son professionnalisme, de procéder à des recrutements adaptés aux besoins.

Je suis convaincu que La Poste pourra continuer d’assumer les obligations du service public avec un autre statut, à condition que les surcoûts correspondants soient couverts. Le fonds de compensation s’appliquerait à l’activité de courrier, l’ARCEP – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – étant chargée d’effectuer le travail de longue haleine d’évaluation de ces surcoûts. Un accord récent règle le problème de la presse pour les quelques années à venir. La Banque postale – comme les Caisses d’épargne, je crois – perçoit tout de même un complément de commission, qu’elle juge raisonnable ; et elle bénéficie d’un réseau de 17 000 points de contact.

Le problème de la présence territoriale, en revanche, est réel. La péréquation actuelle est essentiellement supportée par les collectivités locales, qui renoncent à 140 millions d’euros de recettes par an. Ce montant est manifestement insuffisant ; les chiffres avancés diffèrent mais un apport de 250 ou 260 millions d’euros devrait convenir. L’aménagement du territoire étant une compétence de l’État, il serait raisonnable que celui-ci contribue. Il serait aussi raisonnable que La Poste, qui bénéficie des 17 000 points de contact, favorables au développement de certaines activités, supporte une petite partie du surcoût lié à la couverture territoriale. Ce sujet devra être examiné par le régulateur postal.

La France est le seul pays à disposer d’un EPIC. Dans tous les autres pays, il s’agit de sociétés anonymes, souvent publiques à 100 %. Quoi qu’il en soit, elles sont toutes soumises aux obligations de la directive européenne relative au service universel. Au demeurant, en France, de nombreux services publics sont assurés par des entités qui ne sont pas publiques  à 100 %; si le cahier des charges est bien élaboré, si le régulateur remplit sa mission, si les collectivités locales et les représentants des clients et du peuple sont vigilants, il n’y a aucune raison pour que le système ne fonctionne pas.

Mon rôle, monsieur Brottes,  n’est pas de rappeler les propos du Président de la République ; vous étiez d’ailleurs présent. Que faut-il faire maintenant ? Il reste indiscutablement à poursuivre des études, en matière de financement et de concertation avec les collectivités locales, en particulier pour les 17 000 points de contact, où les changements ne doivent vraiment intervenir que s’il y a accord.

Lorsqu’il est envisagé de fermer un bureau de poste, la réaction de la population et de ses représentants est toujours négative. Une fois l’opération accomplie, pourtant, elle emporte généralement l’approbation car les heures d’ouverture des agences communales et plus encore des relais rattachés à des commerces sont sans commune mesure avec celles des bureaux de poste, fermés une grande partie de la journée. Ce point de vue a été clairement confirmé par des élus locaux. Mais les fermetures doivent être conduites et expliquées correctement, et requièrent une concertation décentralisée très développée.

Il importe de prendre garde à des partenariats capitalistiques cantonnés à certains métiers de La Poste, par exemple pour les colis express. Le jour où un partenaire serait l’objet d’une offre publique d’achat, une activité de La Poste risquerait de disparaître ; un tel manque de garanties constituerait une source de fragilité. Le service public doit être considéré comme un ensemble. Il me paraît assez positif que les secteurs de la banque ou du colis express, s’ils gagnent de l’argent, contribuent à équilibrer les autres activités de service public. Ce sera beaucoup plus facile si une ouverture capitalistique se produit au niveau global du groupe, à supposer qu’elle doive intervenir un jour.

La dimension européenne constitue un autre aspect de la problématique du statut. De l’argent public est à l’évidence nécessaire. Mais l’apport d’argent public à un EPIC, par le canal de l’État ou de la Caisse des dépôts, soulève automatiquement des questions relatives au droit de la concurrence. Des actionnaires apportant une participation en capital attendent un retour, sous forme de plus-value, de dividendes ou des deux. Par contre, financer un EPIC ne présente aucune garantie de retour. Je crois que cela constitue une véritable fragilité au regard de Bruxelles.

J’ai essayé d’expliciter la distinction fondamentale entre fonds de compensation et fonds de péréquation.

La commission a auditionné McKinsey au sujet des tendances générales concernant le courrier en Europe, et c’est son document que cite M. Dionis du Séjour ; mais je crois me rappeler que certaines des informations de ce document sont couvertes par le secret commercial. Je vous le remettrai, monsieur le président, et vous en ferez l’usage que vous souhaiterez. Cela étant, si les élus du peuple s’adressent à La Poste pour obtenir des renseignements, ils les obtiendront assurément, sans pour autant que ces données tombent dans le domaine public.

M. Jean Proriol. McKinsey ne souhaite pas que soient rendues publiques des données dont l’acquisition a eu pour eux un coût.

M. le président Patrick Ollier. Nous respecterons les règles du secret commercial.

M. François Ailleret. De même, la poste allemande et la poste néerlandaise se sont exprimées avec une très grande transparence à propos des difficultés qu’elles ont rencontrées, de leurs points faibles et de leurs projets, mais elles ont demandé formellement que ces informations ne puissent être utilisées par leurs concurrents.

Dans le secteur de l’électricité, où la recomposition mondiale et européenne va extrêmement vite et où les trains ne repasseront pas, il est sûr que la réactivité constitue un atout fondamental et son absence un handicap considérable. Selon moi, certaines opérations stratégiques n’auraient pu être menées si EDF était restée un EPIC. De même, pour gérer un ensemble comme La Poste, ses patrons doivent bénéficier d’un bon degré de liberté ; sans marges de manœuvre, nous risquons fort d’être perdants à la sortie.

L’endettement de l’État est en effet, monsieur Dionis du Séjour, un sujet de préoccupation partagé et légitime. Aujourd’hui l’Etat va apporter de l’argent ; mais pourquoi fermer la porte à l’éventualité qu’ensuite d’autres financeurs prennent le relais ? Il faudra évidemment, là encore, établir clairement les conditions d’une telle opération.

Par rapport aux postes des principaux pays européens, monsieur Paul, La Poste, avec ses quatre métiers, est dans une position assez singulière. Son ciment, c’est le réseau postal. La France diffère des autres pays européens par la densité de sa population, la variété des densités de population et les paysages. Cela justifie de garder ces quatre métiers. D’autres pays ont fait d’autres choix. Ainsi la poste italienne est une banque-assurance qui distribue accessoirement le courrier.

La question d’un grand pôle public financier n’entrait pas dans le domaine de réflexion de notre commission. Certains ont avancé des projets à périmètre extrêmement vaste englobant la Banque de France, la Caisse des dépôts, les Caisses d’épargne, la Banque postale et OSEO. Nous n’avons pas traité de la question mais les propositions figurent en annexe du rapport.

En zone rurale ou de montagne, certains facteurs apportent leurs médicaments aux personnes isolées. La Poste se penche actuellement sur le sujet car cela pose un problème de responsabilité. Un élargissement du service est envisageable à condition, d’une part, que le travail de préparation de la tournée du facteur soit allégé et, d’autre part, que le système soit bien encadré et organisé.

Le portage de la presse est très peu développé en France, uniquement par des petites entreprises privées. La Poste va s’y intéresser.

Enfin le Président de la République a chargé le président de La Poste d’examiner la possibilité de proposer une participation du personnel au capital.

M. Daniel Paul. Je confirme que le format de nos principaux concurrents, à savoir les entités allemande et néerlandaise, n’a pas grand-chose à voir avec celui de La Poste et plus grand-chose à voir avec ce qu’il était. Quant à la poste italienne, ce n’est pas un concurrent majeur mais presque une caricature. La Poste, avec ses quatre métiers, possède une grande force, sans entrer dans le schéma de ses concurrents.

M. le président Patrick Ollier. Je précise que j’ai fait voter un article de loi tendant à permettre la mise en place de systèmes d’intéressement et de participation dans les entreprises publiques. La première entreprise concernée sera la SNCF. Ce que demande le Président de la République est donc déjà dans la loi : il suffira d’ajouter La Poste dans le décret et je veillerai à ce que cela soit fait.

M. François Brottes. Quand les salariés apportent eux-mêmes les fonds propres, cela évite une dépense à l’État…

Vous prenez plus nettement position aujourd’hui, monsieur Ailleret, que vous n’avez pu le faire lorsque vous présidiez la commission. Vous aviez affirmé que l’opération British Energy serait couronnée de succès et qu’EDF avait eu raison d’investir autant en Grande-Bretagne ; donnons-nous rendez-vous dans quelque temps. Lorsque la gauche était au pouvoir, M. Michel Bon réclamait que France Télécom ait les mains libres pour prendre toutes sortes de participations dans le monde ; or, après la bulle spéculative et le changement de majorité, une commission d’enquête a été demandée à l’Assemblée nationale pour examiner les dérapages de cette entreprise publique. L’expérience parle parfois d’elle-même.

Le cœur du sujet est le réseau postal. Nous avons deux spécificités : les quatre métiers et le réseau postal de 17 000 points de contact.

Vous ne pouvez prétendre qu’une société anonyme améliorera la fluidité entre les ressources de certains métiers et les dépenses des autres car la Commission européenne l’interdit formellement : La Poste doit rendre des comptes segment par segment en démontrant qu’il y a étanchéité ! L’honnêteté impose de le dire.

M. François Ailleret. Je me suis probablement mal exprimé. Si le réseau perdait un de ses métiers, il risquerait de se retrouver avec un utilisateur en moins et les charges fixes seraient moins bien réparties.

M. Jean Dionis du Séjour. J’insiste sur la nécessité de dresser un bilan beaucoup plus approfondi des conséquences sur le service public lorsqu’un bureau de plein exercice bascule en point postal ou en agence postale communale.

Mme Corinne Erhel. La compatibilité des agences postales avec les règles européennes semble susciter des doutes. Qu’en pensez-vous ? Cela pourrait avoir des conséquences graves pour les communes qui ont pris cette option.

M. François Ailleret. Notre commission, à ma connaissance, n’a pas abordé ce sujet. La rémunération apportée aux collectivités locales dotées d’une agence postale communale est très limitée : elle ne couvre qu’un demi-agent. J’attirerai tout de même l’attention de Jean-Paul Bailly sur ce point.

L’Observatoire de la présence postale a pour rôle de faire le bilan des différentes catégories de points postaux.

M. François Brottes. Au vu du droit de la concurrence français et communautaire, il sera impossible de faire cohabiter une Poste devenue société anonyme avec des agences postales communales – j’en ai toujours douté mais je suis maintenant sûr de moi car j’ai fait réaliser une étude juridique. Les communes devront revoir leur partenariat avec La Poste et lancer des appels d’offres ouverts à l’ensemble des opérateurs. Nous verrons alors apparaître des coucous – ceux qu’on appelle MVNO, Mobile Virtual Network Operators, dans le secteur des télécommunications – et le réseau de La Poste sur l’ensemble du territoire sera fatalement remis en cause.

M. François Ailleret. Je donne acte à M. Brottes de ce problème, mais au titre du changement de statut, non pour les agences communales telles qu’elles existent aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que le problème doit être suivi de près.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie d’avoir répondu à nos questions avec précision et efficacité. Dès que nous serons saisis d’un texte législatif, nous aurons le plaisir de vous inviter à nouveau.

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Informations relatives à la Commission

– La Commission a créé deux missions d’information :

– une mission d’information, commune avec la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer ;

– une mission d’information sur le développement économique de l’outre-mer. Elle a désigné M. Alfred Almont comme rapporteur de cette mission d’information.

La commission a également nommé M. Alfred Almont, rapporteur pour avis sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (sous réserve de son dépôt).

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