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Mardi 3 février 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 1210) (M. André Flajolet, rapporteur pour avis sur les articles 12 à 26)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a entendu Mme  Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé et des Sports, sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 1210) (M. André Flajolet, rapporteur pour avis sur les articles 12 à 26).

M. le président Patrick Ollier. Madame la ministre, c’est avec joie que nous vous accueillons aujourd’hui devant une commission qui n’est pas celle dans laquelle vous avez vos habitudes. Ce projet de loi a en effet un lien direct avec les territoires, dont nous sommes aussi la commission, et c’est à ce titre que nous avons souhaité nous saisir pour avis de ce projet important, dont je salue le rapporteur, M. André Flajolet.

Si un facteur est déterminant dans la vitalité démographique et le dynamisme d’une région, c’est bien la possibilité pour ses habitants d’accéder, rapidement et à toute heure, à des soins de qualité. La Délégation de l’Assemblée nationale à l’aménagement et au développement durable du territoire, présidée par Christian Jacob, a beaucoup travaillé sur ce thème. Notre rapporteur pour avis a eu l’occasion d’assumer auprès de vous la fonction de parlementaire en mission sur « les disparités territoriales des politiques de prévention sanitaire ». Dans le cadre de son rapport et des amendements qu’il déposera, il nous présentera une vision un peu différente de celle de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier d’avoir eu le souci de nous éclairer en amont en demandant à votre directeur de cabinet et à ses collaborateurs de venir présenter le projet au rapporteur pour avis et à moi-même. Ces relations agréables et constructives nous ont permis de préparer cette audition.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. La santé – et c'est bien normal – est une préoccupation majeure de nos concitoyens et une des priorités du Gouvernement. L'intérêt que porte votre commission à ces questions témoigne de votre légitime implication.

La santé, orientée vers le long terme, est créatrice d'emplois, d'innovation et de croissance. La santé, ancrée dans nos régions, est un élément structurant de l'aménagement du territoire. Si la plupart des ministres en charge de la santé ont présenté l’aménagement du territoire comme secondaire, pour ma part, je l’intègre complètement dans ma réflexion et ma politique, c’est bien pourquoi cette loi s’appelle « Hôpital, patients, santé, territoires ».

Cette année encore, malgré la crise, les investissements sont en augmentation. La dernière loi de financement de la sécurité sociale engage ainsi 5 milliards d'euros de plus qu'en 2008, soit une progression de 3,1 %, pour l'hôpital comme pour la médecine de ville.

Le plan Hôpital 2012 mobilisera, pour la période 2008-2012, 10 milliards d'euros d'investissements. Pour m’être rendue plusieurs fois par semaine sur des sites hospitaliers, dont le dernier, vendredi, à Metz et à Sarreguemines, je sais que les acteurs locaux, quelle que soit leur couleur politique, saluent l’impact de ces investissements très lourds sur l’économie locale. 279 projets ont d'ores et déjà été notifiés.

Mais si notre système de santé a besoin de moyens, il a aussi besoin d'organisation. Face aux défis démographiques, économiques et sociaux qui s'annoncent, nous devons utiliser au mieux nos ressources humaines, matérielles et financières, dans une perspective de santé durable et solidaire. Nous devons pérenniser un patrimoine que beaucoup nous envient pour le transmettre, sans dommage, aux générations futures. En un mot, nous devons réformer l'organisation de notre système de santé. C'est tout le sens du projet « Hôpital, patients, santé, territoires ».

Il a été élaboré à l'issue d'une longue concertation, à laquelle vous avez amplement participé, que ce soit au cours des états généraux de l'organisation de la santé ou des différentes missions conduites pendant plusieurs mois. Je salue tout particulièrement celle d'André Flajolet, votre rapporteur pour avis, véritable inspirateur du titre sur la santé publique et du titre sur la territorialisation des politiques de santé portant création des agences régionales de santé. Je veux ici lui rendre hommage : il est un parlementaire à la fois visionnaire et concret, ce qui est assez rare. (Sourires.)

Tout au long de l'élaboration de ce projet, j'ai voulu m'appuyer sur l'expertise et les compétences des acteurs de terrain : élus locaux, professionnels de santé, représentants des usagers. Ainsi, pratiquement toutes les mesures contenues dans ce texte s’appuient sur des expérimentations qui ont réussi.

Ce projet est ainsi né de différents constats avec lesquels chacun ne peut qu’être d’accord.

Nos concitoyens, perdus dans des parcours de soins trop cloisonnés, pâtissent de la complexité de notre système de santé. Ils souffrent d'inégalités territoriales et sociales d'accès aux soins. Ils ne bénéficient pas toujours des soins ou de la prévention adaptés à leurs particularités et à leurs besoins.

Les professionnels de santé, hospitaliers ou libéraux, médicaux ou paramédicaux, réclament de nouveaux modes d'organisation et d'exercice, plus cohérents et plus efficaces, pour répondre aux évolutions de leurs aspirations comme à celles de la société.

Les progrès techniques se multiplient, ouvrant des possibles, mais rendant encore plus cruciales les questions de sécurité et d'organisation des soins, on a pu le constater lors d’événements récents.

Nos politiques de santé, enfin – et je rejoins le rapport d’André Flajolet –, ne sont pas assez adaptées aux spécificités de chaque région. Une approche territorialisée des besoins et de l'offre est indispensable pour apporter des réponses plus efficaces.

Ministre de la qualité et de la sécurité des soins pour tous les Français, je ne pouvais observer les fragilités de notre système sans agir.

Je souhaite ainsi d'abord que les hôpitaux se modernisent autour d'un projet médical, pour renforcer les missions de service public auxquelles nous sommes tous profondément attachés.

Moderniser, c'est poursuivre la politique de recomposition conduite par les agences régionales de l'hospitalisation et basée sur la sécurité des soins. Il n'y a pas de « carte hospitalière », il n'y a pas de fermeture d'hôpitaux. Il n'y en a jamais eu ! En revanche, je souhaite que certains hôpitaux convertissent ou fassent évoluer certains services pour garantir à tous la qualité et la sécurité des soins.

Moderniser, c'est aussi mieux déployer les ressources financières, selon les vraies nécessités.

Moderniser, c'est inciter les hôpitaux à coopérer les uns avec les autres, à mutualiser leurs moyens humains et financiers – dont nous connaissons la rareté – au sein de communautés hospitalières de territoires (CHT), garantes d'une offre cohérente et visible. Les besoins ne sont pas les mêmes partout et pour tous les malades. Les hôpitaux se sont spécialisés, le fonctionnement des plateaux techniques nécessite des équipes médicales complètes, et les enjeux sont considérables. Aucun hôpital, quelle que soit sa taille, ne peut tout assumer.

Les CHT, telles que nous les avons conçues, sont un instrument indispensable pour mieux répondre aux besoins de la population d’un territoire donné, dans une logique de gradation des soins et de complémentarités. La qualité et la sécurité des soins seront ainsi renforcées : chaque patient aura la certitude d'être soigné à l'endroit approprié, par les personnels les plus compétents pour les soins dont il aura besoin. Prendre en compte la gradation des besoins, c'est aussi accroître la sécurité des patients.

J'entends également mieux articuler l'hôpital avec la médecine de ville et avec le secteur médico-social, en donnant aux professionnels les outils pour mieux communiquer. Les parcours de soins, en effet, évoluent. Il est important de faciliter le passage des patients de l'hôpital aux soins à domicile ou à la maison de retraite. Une meilleure continuité des soins – concept central – sera ainsi assurée. Les professionnels, qui collaboreront davantage entre eux, pourront dès lors mieux orienter leurs patients dans un parcours complexe.

L'accès de nos concitoyens à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire est une priorité impérieuse. Notre pays dispose d'atouts considérables : un nombre très important de médecins, largement supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE – malgré les problèmes de démographie médicale – ; un niveau de compétence et de formation très élevé ; des ressources financières allouées au secteur, elles aussi, largement supérieures à la moyenne de l'OCDE. Le discours misérabiliste sur l’argent consacré à notre système de santé est donc malvenu. Mais nous devons organiser cette offre de soins, car nos concitoyens sont de plus en plus confrontés – et pas seulement en zone rurale – aux déserts médicaux.

Les pratiques des professionnels de santé libéraux sont actuellement dans une période de transition. Le modèle du médecin isolé dans chaque commune tel que l’a décrit Jules Romains est révolu. Les jeunes professionnels ne reprendront pas les cabinets de leurs aînés qui exercent encore de cette manière. Ces jeunes médecins et un certain nombre de leurs confrères désirent exercer de manière coordonnée et en coopération avec d'autres professionnels. Nous le constatons : même dans les zones les moins dotées, les maisons de santé fonctionnent et n'ont aucun problème pour recruter de jeunes médecins, hommes ou femmes.

L'objectif de mon projet est de doter notre système des moyens nécessaires pour relever le défi que représente cette transition. Il s'articule autour de trois axes principaux :

- former les médecins là où s’expriment les besoins, et en nombre suffisant pour que leur installation, près de leur lieu d'études, satisfasse les besoins ;

- définir un schéma d'aménagement de l'offre de soins de premier recours pour l'ensemble du territoire, et pas uniquement dans les zones en difficulté ;

- accompagner la modernisation des pratiques en favorisant le développement des maisons ou des pôles de santé, et généraliser les coopérations entre professionnels de santé en fonction des besoins et des initiatives de terrain.

Il convient d'aider financièrement le fonctionnement des maisons ou pôles de santé des zones les moins dotées et de demander aux médecins des zones les plus dotées de diversifier leur activité pour contribuer à la prise en charge de besoins de santé non couverts. Je pense à une participation à la régulation téléphonique, à la permanence des soins, aux activités de prévention, voire aux consultations dans des zones moins dotées.

Ces mesures ont recueilli le consensus d'une très large majorité d'élus, de patients, de jeunes professionnels et de syndicats professionnels. Le Gouvernement attend bien entendu que les négociations actuelles entre l’assurance maladie et les professionnels aillent à leur terme et que des mesures équilibrées mais opérationnelles, matérialisent l'engagement responsable des partenaires conventionnels dans l'amélioration de l'accès aux soins de nos concitoyens.

J'attire votre attention sur le fait que les internes et les étudiants en médecine ont fait leur part du chemin et se sont engagés d'une manière responsable dans cette réforme. L'article 15 du projet est une petite révolution dans l'organisation des études de médecine puisque le numerus clausus de première année et la répartition des internes dans les régions au moment de l'examen national classant – ENC – ne se feront plus à la discrétion des étudiants et des chefs de services universitaires mais en fonction des besoins constatés de la population et de l'état de l'offre de soins en ville et à l'hôpital. Une programmation sur cinq ans du nombre des postes de praticiens en formation sera établie pour chaque spécialité et dans chaque CHU. Cette programmation nous permettra d'ailleurs d'adapter en conséquence les capacités de formation et les places de post-internat disponibles. Je pense que votre commission « territoires » y sera particulièrement sensible, car c’est le type même de mesure où se rejoignent aménagement du territoire et santé.

Il s'agit d'une mesure à cinétique rapide. Les internes travailleront immédiatement dans les services hospitaliers de manière opérationnelle et concrète. Ils pourront aller se former également dans les établissements privés. Ils feront des remplacements au bout de deux ans et pourront, s'ils le souhaitent, s'installer en ville au bout de quatre ans.

Logiquement, ce projet consacre la territorialisation de nos politiques de santé, à travers la création des agences régionales de santé. Il faut pouvoir décliner nos politiques dans chaque région pour garantir, partout et toujours, une même qualité et une même sécurité des soins.

En se fondant sur les spécificités de chaque région, les agences régionales de santé renforceront l'ancrage et le pilotage territorial de nos politiques de santé. En se substituant à sept organismes différents et en investissant l'ensemble du champ de la santé et de l'autonomie, elles permettront une réponse plus efficace et plus cohérente, ainsi qu'une meilleure efficience dans la gestion des dépenses. Nous répondrons ainsi aux besoins spécifiques de la population dans chaque région.

Parce qu'elle entend lutter contre les déserts médicaux, parce qu'elle entend associer étroitement les acteurs régionaux, cette loi est aussi une loi d'aménagement du territoire.

Ce projet de loi vise également à mieux prendre en compte l'évolution des modes de vie et les désirs d'autonomie et de bien-être de chaque Français.

Le préventif doit avoir une place accrue, à côté du curatif. Notre système de santé n’accorde pas une place suffisante à la prévention, nous voulons y remédier. L'état de santé des Français, en particulier les plus fragiles, doit être préservé.

Les maladies chroniques sont en constante augmentation, tandis que l'amélioration des soins permet un allongement de l'espérance de vie de ces malades, dont nous ne pouvons que nous réjouir. Elles concernent ainsi aujourd'hui environ 15 millions de personnes, soit 20 % de la population française. Leur impact sur la qualité de vie des personnes atteintes est majeur. En outre, leur coût pour la collectivité est lourd. Ainsi, les dépenses de soins des 12 % d'assurés bénéficiant de la prise en charge en ALD représentent 60 % des remboursements de l'assurance maladie, contre 50 % en 1992.

Deux facteurs de risques de ces maladies chroniques ont été clairement identifiés : le tabac et l'alcool.

La consommation d'alcool est à l'origine de 37 000 décès par an. Certes, grâce à la loi Evin, l'usage d'alcool chez les jeunes est moins fréquent en France que dans la plupart des autres pays européens mais nous devons continuer la lutte. En effet, différentes enquêtes – dont la presse s’est fait l’écho – semblent témoigner d'une augmentation de la consommation des jeunes. Selon une enquête réalisée en milieu scolaire, 30 % des jeunes Français de quinze ans avaient connu un épisode d'ivresse en 2002 ; ils ont été 41 % en 2006. Dans la vague 2007 de l'enquête ESPAD – European school survey project on alcohol and other drugs –, en 2007 13 % des jeunes de seize ans ont consommé de l'alcool au moins dix fois au cours des trente derniers jours, alors qu'ils n'étaient que 8 % en 1999 et 7 % en 2003. Les ivresses répétées se multiplient. Si nous espérons obtenir prochainement des données nouvelles pour confirmer cette tendance, d'autres indicateurs légitiment notre préoccupation à propos du développement du binge drinking chez les jeunes. Entre 2004 et 2007, les hospitalisations pour intoxication alcoolique ont augmenté de 50 % chez les moins de quinze ans comme chez les quinze – vingt-quatre ans.

Les mesures présentées dans le présent projet visent ainsi à restreindre l'accessibilité des plus jeunes à l'alcool, mais aussi l'attractivité de certaines formes de commercialisation de ces boissons auprès de cette population. Elles s'inscrivent dans la droite ligne des états généraux de l'alcool, organisés dans toute la France fin 2006.

Les études scientifiques prouvent que les mesures réduisant la disponibilité de l'alcool – dont celle remontant l'âge minimum légal – et participant à la réduction de la consommation d'alcool au volant sont les plus efficaces : plusieurs d’entre elles figurent dans le texte.

Lorsque la maladie est installée, il est essentiel de permettre au patient de garder le plus longtemps possible son autonomie. Il importe de lui donner les moyens d'être acteur de sa prise en charge. Aussi, les programmes d'éducation thérapeutique du patient et d'accompagnement doivent trouver toute leur place dans le parcours de soins afin d'en améliorer la qualité. C'est pourquoi il est essentiel qu'ils figurent dans le code de la santé publique.

L'excellent rapport remis par André Flajolet rappelle que la maîtrise des principaux facteurs de risque – tabac, alcool, mauvaise alimentation, insuffisance d’exercice physique – et une politique de prévention efficace permettraient de réduire significativement le risque de survenue des cardiopathies, des accidents vasculaires cérébraux et des diabètes de type II, ainsi que des cancers.

Du constat à l'action, un même impératif détermine ma démarche : replacer le patient au cœur de notre système et faire reposer l'édifice sur l'engagement responsable des professionnels. Cette double exigence, choisie et revendiquée, procède d'une logique de confiance tout autant que d'efficacité. C'est à ces conditions que nous maintiendrons, sur le long terme, un système de santé solidaire.

Ce projet collectif requiert la mobilisation de chacun. Je serai très attentive à vos propositions qui enrichiront un texte prospectif et responsable.

M. le président Patrick Ollier. Merci, madame la ministre, pour cet exposé très précis. Nous partageons votre enthousiasme vis-à-vis ce texte qui va changer considérablement l’organisation hospitalière de notre pays, ce dont nous nous réjouissons.

J’ai été très sensible au passage dans lequel vous avez évoqué le problème de l’alcool chez les jeunes, que de nombreux élus locaux présents dans cette salle connaissent. J’aimerais que ce texte donne plus de pouvoirs aux maires dans certains cas. Les dix épiceries présentes dans la ville de 80 000 habitants dont je suis le maire en région parisienne ferment leurs portes peu avant minuit, heure à laquelle on voit fréquemment des files de jeunes sortir avec des bouteilles de vodka ou des packs de bière.

Réglementer la vente d’alcool dans les stations services sur les autoroutes, c’est bien, mais il faut aussi donner aux maires le pouvoir d’interdire ces ventes dans les épiceries. C’est l’objet des amendements que nous préparons avec M. Flajolet, car le maire peut prendre ses responsabilités – et je suis prêt à le faire – dès lors qu’il a le pouvoir de prendre un arrêté d’interdiction et de le faire contrôler par sa police municipale ou la police nationale. Car en face de ces épiceries, il y des parcs où, au petit matin, les services municipaux enlèvent les cadavres de bouteille. Jusqu’au jour où il y aura des cadavres d’enfants…

M. André Flajolet, rapporteur pour avis. Merci, madame la ministre, pour les explications que vous venez de nous donner. Je tiens aussi à remercier le président Patrick Ollier de m'avoir confié la tâche de rapporteur pour avis sur ce texte, notre commission s'étant saisie des articles 12 à 26, répartis sur les quatre titres du projet de loi. En tant que rapporteur, ma réflexion s'est plus particulièrement concentrée sur le titre III relatif à la prévention et sur le titre IV qui traite de l’organisation territoriale du système de santé. Au cours du mois dernier, j'ai procédé à une quinzaine d'auditions et j'ai recueilli plusieurs contributions écrites qui m'inclinent à considérer, madame la ministre, que le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » est plutôt bien accueilli par les professionnels. Il nécessite néanmoins quelques enrichissements que le Parlement s'attachera à apporter.

Madame la ministre, j’ai quatre questions principales, auxquelles vous avez répondu partiellement.

D'abord, pouvez-vous nous informer plus précisément de vos projets au sujet de l'indispensable réforme de la filière universitaire de médecine générale ? Aujourd'hui, pour diverses raisons qui tiennent pour l'essentiel à l'insuffisante valorisation de la filière, trop peu d'étudiants en médecine choisissent la médecine générale et, parmi les diplômés, trop peu choisissent finalement de s'installer sous cette spécialité. Partagez-vous ce constat ? Pouvez-vous apporter des précisions complémentaires ? Quelles pistes entendez-vous explorer pour inciter les étudiants à choisir cette filière ? Demain, si le déficit de médecins généralistes devient structurel, aucune politique de régulation – fût-elle plus coercitive encore – ne permettra de renflouer les effectifs en zone « sous-denses », et certains territoires de santé se transformeront durablement en déserts médicaux. Sachant combien les élus locaux, très présents dans notre commission, sont attentifs à ce point, nous attendons vos propositions avec le plus grand intérêt – car s’il devait y avoir des déserts médicaux, la médecine devrait se voir attribuer des missions de service public.

Ma deuxième question découle de la précédente, puisqu'elle concerne précisément la lutte contre les déserts médicaux. Malgré les réticences qui s'expriment ici ou là et que l'on ne peut écarter d'un revers de main tant la question est sensible, ne faudrait-il pas aller plus loin que ce qui est prévu dans le projet de loi ? Ne faut-il pas faire preuve de plus d'audace en créant des mécanismes d'incitation plus puissants à l’installation dans des zones « sous-denses » ? Quel est l'état de votre réflexion sur le maintien du principe de la liberté d'installation ? Comment mieux concilier la liberté d'installation avec l'indispensable solidarité en direction des territoires les moins bien lotis ? Peut-on se résoudre à une situation de déséquilibre qui se traduit notamment par le fait que le seul département du Var compte plus de dermatologues que la Bavière, cependant que certaines villes moyennes sont totalement privées d'ophtalmologiste, ce qui contraint la population à des déplacements inutiles et, parfois, à des surpaiements ?

En troisième lieu, je souhaite vous interroger sur la réalité des activités de nature privée qui s'exercent dans nos hôpitaux. Pouvez-vous nous faire part des statistiques les plus récentes à ce sujet ? Selon vous, quelles relations fonctionnelles et financières peuvent être nouées entre le secteur privé et l'hôpital en vue de renforcer la dynamique de partenariat ? Des études récentes ont mis en évidence les très fortes disparités qui peuvent exister dans la rémunération des médecins, en fonction de leur spécialité ou de leur mode d'exercice : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quelles pistes entendez-vous privilégier pour agir sur cet état de fait ?

Enfin, nous avons bien compris que les agences régionales de santé ont pour vocation prioritaire de se constituer en outil régional de planification territoriale de l'offre de soins, de la prévention, du médico-social, et qu'elles auront, à ce titre, un rôle de dentellière à jouer dans le tissage du tissu médical et médico-social infrarégional.

Si le renforcement du pôle régional va assurément dans le bon sens, ne faut-il pas envisager une forme de coordination nationale qui, sans déresponsabiliser les acteurs locaux, permettrait d'assurer une forme de pilotage et de répartition des moyens ? Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez semblé écarter définitivement la création d'une agence nationale de santé dont les prérogatives découleraient de celles des ARS, au motif que cela risquerait de désinvestir les responsables politiques au profit d'instances ne bénéficiant pas de la légitimité que confère l'élection. Qu'en est-il ? Quel est l'état de votre réflexion à ce sujet ?

Madame la ministre, les élus et les citoyens que nous sommes se sentent puissamment concernés par votre réforme, dont il faut souligner une fois encore le courage et l'ambition. Parfois critiqué, notre système de santé reste – vous l’avez dit – à un niveau d'excellence que le monde nous envie. Votre projet, en refondant l'ensemble de l'organisation territoriale de l'offre de soins et en fixant de nouvelles priorités, mérite toute l'attention du Parlement. Je remercie mes collègues de s’investir en apportant leur pleine contribution.

M. François Brottes. Monsieur le président, je tiens avant tout à vous remercier d’avoir accepté, sous l’amicale pression de notre collègue André Flajolet, que nous soyons saisis pour avis d’une partie de ce texte important qui concerne ô combien l’aménagement de nos territoires.

Madame la ministre, la réforme est nécessaire, nous en prenons acte. Nous entrons dans ce débat avec la volonté de rassurer nos concitoyens sur l’accès aux soins. Vous vous êtes dite garante de notre système de santé. Je rappelle que le Conseil national de la Résistancte avait donné une place très importante à la sécurité sociale, or les coups de canif qui lui ont été portés récemment – notamment avec les franchises – sont préjudiciables à l’égalité en matière d’accès aux soins. J’espère donc que ce texte sera l’occasion d’une réflexion car, comme vient de le dire André Flajolet, une unité nationale demeure nécessaire pour garantir l’équité sur tout le territoire.

Votre souci de mêler formation et territorialisation des professionnels a notre assentiment : les déserts médicaux qui existent dans les zones de montagne, dans le Nord de la France et ailleurs deviennent insupportables à nos concitoyens. On n’a pas à mourir plus rapidement ici parce qu’il y a moins de médecins qu’ailleurs ! Ce sujet concerne directement l’État.

Autre considération positive : la manière dont s’organise aujourd’hui la sécurité civile est plutôt en phase d’amélioration, cela apparaît dans les rapports sur les « blancs » et les « rouges ». Reste à savoir qui financera demain les SDIS, sachant que les agences régionales de santé auront peut-être leur part dans ce dispositif d’urgence. Cet aspect concerne aussi nos territoires.

Plus négatif, la lettre que je vous ai envoyée le 3 janvier dernier à propos de la sécurité dans un hôpital psychiatrique de ma circonscription n’a reçu aucune réponse, malgré deux relances de ma part. Votre charge de travail vous a certainement empêché de le faire, mais je rappelle qu’un drame – que je ne veux pas exploiter – s’est produit le 12 novembre 2008 à l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, dans l’Isère. Quand vous dites être à l’écoute de nos propositions, j’aimerais que vous entendiez aussi nos sollicitations dès l’instant où elles concernent la sécurité des personnels et des malades dans les établissements médicaux. Quand on parle d’hospitalisation d’office, les maires sont directement concernés : nous n’avons pas toujours la solution car, parfois, nous ne savons pas où pourra être admise la personne qui doit être internée et qui se trouve dans l’ambulance – j’ai vécu la scène, certains de mes collègues aussi ! La psychiatrie est un sujet lourd dans nos territoires confrontés à un véritable déficit de places. J’espère que les choses évolueront et que les agences régionales seront des relais en la matière.

S’agissant des passerelles entre plateaux techniques, très souvent, les cliniques privées accomplissent les actes qui rapportent parce qu’ils sont les mieux rémunérés, et on laisse à l’hôpital public le soin de continuer à héberger les patients pour lesquels l’hospitalisation est longue, mais où les actes ne sont pas les mieux remboursés. Dans ce domaine, il faut introduire un peu plus d’équité, et j’imagine que vous aurez des propositions à nous faire dans le cadre de ce projet.

De la même manière, l’équilibre entre le sanitaire et le sanitaire et social – ce dernier étant géré par les départements – est souvent conflictuel, y compris au niveau des agences régionales telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui. Pour les soins de suite notamment, un peu à la frontière entre le sanitaire et le sanitaire et social, on a tendance à faire en sorte que la prise en charge soit plutôt assumée par les uns que par les autres. Nous rencontrons dans nos permanences des gens qui ne trouvent pas de solution parce que l’hôpital ne veut pas les garder et qu’il n’y a pas de place dans les maisons médicalisées, trop rares ou inexistantes. Il faut trouver un équilibre dans le cadre des passerelles car les personnes, notamment âgées, en situation de dépendance et leurs familles sont confrontées à des situations inextricables dans nos territoires.

Les choses peuvent être améliorées, nous en sommes convaincus, mais pas à moyens constants – en partageant la misère –, pas uniquement par des mesures sur la gouvernance ou par des modifications statistiques. Selon le Président de la République, les meilleurs hôpitaux seraient ceux qui enregistrent le moins de décès sur une période donnée. Certes, vous ne nous avez pas présenté les choses sous cet angle, mais j’émets des doutes sur l’efficacité de cet instrument de mesure, car il peut retarder l’hospitalisation de personnes en situation de détresse médicale.

Au total, je reste optimiste et je me félicite de ce débat, car mes préoccupations traversent toutes les sensibilités politiques dans l’ensemble des territoires.

M. André Chassaigne. Tout le monde est favorable à l’amélioration de l’accès aux soins et à une meilleure organisation de l’hôpital, mais les réponses apportées sont inopérantes, voire dangereuses.

Votre première réponse est l’entrée plus forte du privé dans les missions de service public. Même si elle s’inscrit dans la continuité du plan Juppé de 1995 et du plan Hôpital 2007, votre conception de l’hôpital-entreprise, d’une marchandisation de la santé s’appuyant sur la tarification à l’activité fait que, au final, les actes chirurgicaux les plus rentables seront réalisés par le privé, et les actes chirurgicaux les plus lourds – et les plus onéreux – maintenus dans le public. D’où des inégalités territoriales, mais aussi sociales.

Votre loi s’appuie par ailleurs sur un autoritarisme renforcé, à travers les responsabilités octroyées aux directeurs des agences générales de santé – qui n’auront de comptes à rendre à quasiment personne –, et à des directeurs d’hôpitaux tout puissants, au détriment des élus, des usagers, de l’assurance maladie et des commissions médicales d’établissement dont le rôle sera amenuisé.

Les insuffisances de votre texte, madame la ministre, appellent de ma part cinq questions.

Pourquoi réduisez-vous la prévention et la santé publique à la lutte contre la vente d’alcool et les cigarettes aromatisées, en faisant l’impasse complète sur la santé au travail et la santé scolaire ?

Pourquoi ne pas avoir – clairement, efficacement – traité la question des dépassements d’honoraires qui, en empêchant de garder des médecins à l’hôpital public, créent des inégalités territoriales et, là aussi, sociales ?

Pourquoi les articles portant sur les sages-femmes, qui figuraient dans la version initiale, ont-ils disparu du projet ?

Pourquoi le texte ne prend-il pas à bras-le-corps la question du recrutement et de la répartition des praticiens sur le territoire, très importante non seulement au regard d’une présence territoriale – je pense en particulier aux médecins généralistes, sur lesquels le rapporteur a posé d’excellentes questions –, mais aussi du maintien de services dans les hôpitaux publics ? Fermer des maternités et des services chirurgicaux au prétexte que le nombre de praticiens y est insuffisant n’est pas la bonne réponse.

Pourquoi votre texte ne prévoit-il pas un véritable maillage territorial, seul à même d’assurer l’équité territoriale, la prévention, l’égalité de diagnostic et de traitement ? La disparition des services d’hôpitaux publics, qui deviennent des coquilles vides s’ils ne sont pas fermés, conduit à orienter les patients vers le privé, avec le risque de conséquences désastreuses sur la santé, notamment dans les territoires les plus isolés. Des propositions ont été faites sur ce thème. M. le rapporteur a parlé d’amendements, j’en déposerai également plusieurs.

Mme la ministre. André Flajolet et André Chassaigne ont évoqué l’attractivité de la médecine générale. Le médecin généraliste étant l’organisateur et le pilote des soins ambulatoires, nous avons voulu rénover profondément la filière universitaire de médecine générale. Vous avez ainsi adopté, le 8 février 2008, un statut universitaire des personnels enseignants titulaires et non titulaires de médecine générale. La commission d’intégration est en cours de constitution pour la nomination des premiers professeurs à la rentrée 2009-2010. Depuis l’année universitaire 2007-2008, 40 postes de chefs de clinique de médecine générale ont été créés, dont 20 redéployés à partir des autres spécialités. Les candidatures sont en cours.

Un projet de décret définira les modalités de l’activité libérale, de préférence en cabinets de groupe pour les professeurs et maîtres de conférence, exclusivement selon un mode regroupé dans ces structures pour les chefs de clinique comprenant au moins un médecin généraliste. Par dérogation, il sera possible aux chefs de clinique d’exercer la première année de leur activité de soins sous forme de remplacement dans un lieu unique.

La dernière loi de financement de la sécurité sociale a institué un contrat URCAM spécifique aux enseignants de médecine générale, qui officialise, après une évaluation jugée positive par les intéressés, le contrat transitoire mis en place à la rentrée 2007.

Notre politique de revalorisation de la filière universitaire de médecine générale s’imbrique parfaitement dans la stratégie du Gouvernement en matière de démographie médicale.

Sur la question de la démographie médicale et de l’implantation sur un territoire d’une offre de soins de premier recours, médicale et paramédicale, adaptée aux attentes des jeunes, j’aime citer cette phrase d’un jeune médecin, qui résume parfaitement les changements de la médecine de premier recours : « Mon père avait peur de voir un médecin s’installer à côté de chez lui ; moi, j’ai peur que le médecin installé à côté de chez moi ne parte ! »

Mon action repose sur un faisceau de mesures cohérentes. Quelles que soient les modalités de régulation envisagées – incitation ou coercition –, on ne fera pas l’économie de cette réflexion sur l’organisation de ce qui représente la moitié de l’offre de soins.

Premier axe : la formation des médecins en fonction des besoins de chaque région et de la population, afin de rééquilibrer les flux de spécialistes dans les régions. Sachant que 70 % des jeunes s’installent dans la région où ils ont fait leurs études, on peut faire jouer en amont un levier efficace.

Deuxième axe : la définition d’un schéma régional d’organisation des soins ambulatoires, véritable schéma d’aménagement de l’offre de soins sur le territoire régional. Des expériences menées en Mayenne et en Basse-Normandie, en concertation avec les professionnels, les patients et les élus, ont ainsi permis de faire converger les financements et les subventions vers des projets opérationnels.

Une information des jeunes professionnels sur tous ces mécanismes d’incitation est vraiment nécessaire. L’Agence régionale de santé se comportera comme un guichet unique d’aménagement du territoire en matière médicale. Il faut un schéma régional car les régions dites « surdotées » peuvent comporter des zones de désertification. On dit toujours qu’il y a beaucoup de médecins en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, mais l’arrière-pays niçois est « sous-doté » ! S’il n’y a pas assez de médecins dans le Nord-Pas-de-Calais, certains quartiers de Lille en ont suffisamment ! Une approche finement territorialisée est donc indispensable.

Troisième axe : l’incitation à l’exercice coordonné au sein de pôles ou de maisons de santé pour pérenniser une offre de soins de proximité et de qualité pour les malades et des professionnels.

Quatrième axe : la généralisation des coopérations entre les professionnels pour libérer du temps médical, mieux répondre aux besoins de la population et, ainsi, passer du modèle du médecin isolé, dont personne ne veut plus, à une présence sanitaire coordonnée.

Cinquième axe : l’organisation et la gestion de la permanence des soins, en cohérence avec l’urgence, au niveau de l’ARS.

Les négociations conventionnelles continuent et j’espère qu’elles aboutiront à des mesures de régulation adaptées, dans le droit fil de ce qui a été imaginé lors des états généraux de l’organisation des soins.

André Flajolet m’a posé des questions très précises sur l’activité libérale des médecins à l’hôpital. Les hôpitaux publics comptent 37 000 médecins hospitaliers, parmi lesquels 4 300 exercent une activité libérale, dont 1 600 en secteur 2 ou en dépassement d’honoraires. L’activité libérale a été instaurée par la loi Debré il y a maintenant cinquante ans, avec l’objectif de « garder les meilleurs » médecins à l’hôpital. Cela suscite régulièrement des interrogations et des critiques. La redevance versée par les praticiens qui exercent une activité libérale à l’hôpital public a pour but de rémunérer les ressources mises à disposition par l’hôpital. Un recours a été formé par le Syndicat national de défense de l’exercice libéral et par le Syndicat national de chirurgie plastique, et une décision du Conseil d’État en date du 19 juillet 2007 a indiqué que la redevance due par les praticiens libéraux ne devait pas être assise sur le tarif opposable mais bien sur les honoraires réellement perçus par ces praticiens dans le cadre de cette activité. Le nouveau dispositif a donc élargi l’assiette de la redevance, mais nous en avons légèrement diminué le taux afin que les médecins dont les taux de dépassement sont modérés ne soient pas pénalisés. Grâce à ce dispositif, seuls les médecins qui pratiquent des dépassements très élevés verront leur contribution fortement augmentée. Ces nouvelles dispositions s’inscrivent parfaitement dans la façon dont l’activité libérale doit être considérée à l’hôpital, dans le respect du tact et de la mesure.

Enfin, j’ai indiqué que, dans le cadre de l’urgence, les établissements privés qui participent à la permanence des soins devaient offrir aux malades un certain pourcentage de prestations à tarif opposable.

André Flajolet m’a aussi posé une question sur la coordination des agences régionales de santé, mais je n’ai pas réussi à savoir s’il regrettait, ou pas, que ne soit pas créée une Agence nationale de santé. (Sourires.)

En votant les lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement organise des enveloppes financières, qui sont gérées par les organismes d’assurance maladie. De son côté, le gouvernement organise le système de santé en faisant voter des lois – comme celle-ci – d’organisation des soins. Ensuite, l’administration sanitaire – le bras armé – met en ordre ce que le gouvernement et le Parlement ont imaginé. L’Agence régionale de santé va unifier l’assurance et l’organisateur – le système ayant été jusqu’à présent« lobotomisé » ! Cela étant dit, il faut que le pilotage des organismes d’assurance maladie, d’un côté, et de l’administration sanitaire et sociale, de l’autre – puisque les ARS agiront en matière sanitaire, mais aussi sociale –, soit cohérent pour éviter tout dysfonctionnement. À cet égard, certains ont imaginé une agence nationale de santé. Je répète ce que j’ai toujours dit : je ne serai pas la ministre de la santé qui fermera le ministère de la santé. Or, instaurer une agence nationale, c’est donner les clés à un organisme qui n’est plus le ministère de la santé. J’ai donc proposé une solution pragmatique pour éviter tout risque de coordination « molle » : un comité de coordination des ARS, présidé par le ministre de la santé, vérifiera la cohérence du dispositif. Dans le projet, ce comité constitue le point de validation obligé de toutes les instructions concernant les agences régionales de santé, ce qui suppose une adaptation de l’organisation actuelle, mais sans la bouleverser. Je crois avoir trouvé la bonne réponse, mais la voie reste ouverte – si certains le souhaitent – à une évolution vers une organisation plus intégrée. Le pilotage pourrait ainsi être renforcé.

Monsieur Brottes, je ne peux pas laisser dire certaines choses. Je suis la fille de deux résistants qui ont participé à l’élaboration du Pacte de 1945, auquel je suis autant attachée que vous. Il n’est pas mis en pièces, mais renforcé. Puis-je rappeler que le taux de remboursement des prestations maladies est passé de 50 % en 1950 à 78 % aujourd’hui, qu’il n’a jamais régressé et que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à être pris en charge dans le cadre de ce Pacte ? La France figure sur le podium des trois pays qui consacrent le plus d’argent à leurs dépenses de santé. Avec le maillage hospitalier le plus resserré au monde, nos dépenses hospitalières sont les plus élevées du monde, la prise en charge des dépenses de l’hôpital par l’assurance maladie s’élevant à 92 %. Depuis plusieurs années, notre système de santé solidaire offre une prise en charge de 77 % à 78 %, sans jamais régresser. Les systèmes de mutuelles et d’organismes complémentaires font monter ce taux de 12 %, avec une intervention massive de l’État à travers deux mécanismes : l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé – ACS, qui a permis d’augmenter considérablement les publics destinataires – et l’aide aux organismes complémentaires par 7 milliards de mesures fiscales. Notre couverture des dépenses de santé est donc la plus élevée du monde ! Voilà la vérité !

La permanence des soins souffre d’insuffisances, que nous connaissons et dénonçons. Certains travaux ont été réalisés à ce sujet, dont l’excellent rapport de Philippe Boënnec. Le coût de la permanence des soins par rapport au taux d’insatisfaction justifie vraiment que la gestion du risque et l’organisation des soins soient réunies dans une même main ! Dans le projet, la permanence des soins – sujet éminemment sensible pour la commission chargée des « territoires » – est une mission de service public assurée par les médecins libéraux et les établissements de santé et organisée par l’agence régionale de santé, après avis du représentant de l’État territorialement compétent. Celle-ci réunit en son sein les acteurs impliqués jusqu’à maintenant dans les CODAMUPSTS – comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Elle va ainsi gagner en souplesse et s’adapter aux spécificités locales. Il sera possible de s’affranchir du paiement à l’acte et de mettre en place des modes de rémunération forfaitaire. La responsabilité civile des professionnels libéraux participant à la régulation des appels téléphoniques sera couverte par la responsabilité administrative afin d’inciter les professionnels à participer à cette activité. Cette régulation devra se faire à partir d’un numéro d’appel national accessible sur l’ensemble du territoire, auquel pourront être associés, en fonction des besoins, d’autres numéros d’appel – comme SOS Médecins. Enfin, en cas de refus de déférer à des réquisitions, les pénalités seront augmentées afin de garantir à la population une réponse à ses besoins de santé –nous le verrons lors de la discussion, certains souhaitent une avancée à ce propos.

François Brottes a également abordé l’accès financier aux soins et les dépassements, sujets sur lesquels je me suis beaucoup impliquée depuis mon arrivée au ministère. Malgré nos efforts sur les mécanismes d’accès à la complémentaire santé, 7 % de la population ne bénéficie d’aucune couverture complémentaire, la moitié pour des raisons financières et l’autre moitié par choix personnel. Nous avons soutenu un double dispositif, la CMUC et l’ACS dont nous avons d’abord revalorisé le montant pour les plus de soixante ans. En 2007, le plafond de ressources a été augmenté. Depuis 2008, l’aide prend la forme d’un chèque. En outre, une information individuelle des bénéficiaires potentiels a été réalisée auprès des 360 000 titulaires isolés du minimum vieillesse et des 600 000 bénéficiaires de l’allocation logement. Ces efforts ont porté leurs fruits, puisque les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé ont augmenté de 34,5 % depuis août 2007. Je suis favorable au développement de l’ACS. À cet égard, je soutiendrai l’amendement que souhaite déposer le président de la commission des affaires sociales : porter cette aide à 500 euros pour les plus de cinquante ans, permettrait d’augmenter de 120 000 le nombre de bénéficiaires.

Pour lutter contre les dépassements d’honoraires, nous avons mené une politique très résolue : transparence des tarifs ; information écrite préalable aux patients – mise en place il y a deux jours – ; sanction des dépassements contraires au tact et à la mesure et des dépassements illégaux ; promotion d’Infos soins, grâce à une plateforme, disponible en ligne et par téléphone, sur les tarifs des professionnels de santé, dont le champ a été étendu des consultations médicales aux actes dentaires et, depuis janvier 2009, aux actes techniques des médecins.

Un secteur optionnel est actuellement en cours de négociation, avec l’objectif de renforcer l’offre à tarif opposable. Je serai très vigilante sur ce point.

Quant aux franchises, elles n’ont pas eu d’effet dissuasif sur l’accès aux soins, comme l’a démontré le rapport que je vous avais promis et que j’ai remis en séance publique lors de la discussion du PLFSS.

Monsieur Chassaigne, ce projet n’entraîne pas la privatisation de la santé. Au contraire, il réaffirme le rôle de l’État en tant que garant de notre système de santé. Je remarque d’ailleurs qu’on me reproche à la fois, parfois dans une même phrase, de privatiser et d’étatiser !

J’ai voulu, par exemple, que les communautés hospitalières de territoire ne concernent que l’hôpital public, afin de préserver ce statut public auquel je suis attachée de toutes mes fibres. Ce que nous avons voulu dire, c’est que les établissements de santé peuvent être amenés à remplir des missions de service public – la santé de nos concitoyens relevant, par définition, d’une mission de service public. Ainsi, pour la première fois, un article de loi définit les missions que les établissements de santé, quels qu’ils soient, doivent remplir. Les missions des établissements de santé relevant du service public sont clairement identifiées. L’agence régionale de santé, par son rôle de pilote de l’organisation des soins et de garante de l’accès aux soins de la population, identifiera les territoires dans lesquels, en cas de carence ou d’insuffisance de certaines activités de soins, il convient de déléguer de telles missions à des établissements privés. Ces missions seront précisées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Ainsi, l’article 1er du projet dispose que « lorsqu’une mission de service public n’est pas assurée sur un territoire de santé, le directeur général de l’agence régionale de santé désigne [l’] établissement de santé qui en [est] chargé ». Autrement dit, c’est seulement en cas de carence d’une telle mission dans un territoire de santé que l’ARS pourra demander à un établissement privé d’exercer une mission de service public.

Dans les missions de service public, figure aussi l’enseignement. Certains établissements privés sont des établissements de pointe et il peut être intéressant pour un étudiant d’y faire une partie de sa formation. Il est donc très important de pouvoir confier de telles missions à un établissement privé. Néanmoins, je le répète, cette participation à des missions de service public sera assortie de trois obligations : assurer la permanence des soins, accueillir les malades en très grande précarité – je pense aux titulaires de la CMUC et de l’AME – et offrir un pourcentage de prestations à tarif opposable qui sera négocié avec l’agence régionale de santé selon les besoins de la population.

Bref, nous définissons des missions de service public ; nous les attribuons éventuellement, avec beaucoup de soin et en fonction des besoins du territoire ; et nous les assortissons d’obligations très claires.

Sur la gouvernance des hôpitaux, le projet crée un statut unique pour les établissements publics de santé. Un conseil de surveillance remplace le conseil d’administration. Ses attributions sont recentrées sur une double compétence : d’une part, la définition des orientations stratégiques, notamment celles contenues dans le projet d’établissement, d’autre part, le contrôle de la gestion et du fonctionnement de l’établissement. Le conseil de surveillance exerce ainsi un contrôle sur l’ensemble de l’activité de l’établissement et délibère sur le compte financier. À cette fin, son président a accès aux informations concernant le fonctionnement de l’établissement. J’ai souhaité laisser un espace à la représentation nationale pour qu’elle s’exprime sur la composition du conseil de surveillance. Je souhaite qu’il respecte trois collèges et qu’il soit limité en nombre. Le projet de loi propose également que le président du conseil de surveillance soit élu parmi les membres des collèges des élus et des personnalités qualifiées. Et le mode de désignation des directeurs des établissements publics de santé est modifié pour donner plus d’importance au niveau régional. Cette gouvernance est, je crois, particulièrement adaptée à l’hôpital et ne remet absolument pas en cause le statut public de l’hôpital public !

Monsieur Chassaigne, selon vous, la transformation d’un service de chirurgie ou de maternité aurait pour but de faire des économies, et il suffirait de décider d’y mettre des médecins et des moyens pour garder ce service tel qu’il est !

M. André Chassaigne. Dans certains cas, oui !

Mme la ministre. Nous sommes confrontés à une ressource médicale d’une grande rareté, étant dans les générations maigres du numerus clausus à 3 500. Je mène une politique active pour porter le numerus clausus, qui est désormais à 7 400, à 8 000 dans les années à venir. Plusieurs années étant nécessaires à l’étudiant en médecine pour se former, nous arriverons à renverser la vapeur entre 2020 et 2025. En attendant, face cette rareté, faire venir des médecins étrangers n’est pas la solution. Certains ont une qualification inférieure à ce que nous attendons ; en milieu rural, les anesthésistes ne sont pas tous réanimateurs ; certains médecins ne parlent pas un mot de français. En outre, prélever des médecins dans des pays qui en ont besoin pose une question éthique. Peut-on se comporter comme des prédateurs ? Peut-on résoudre nos propres difficultés par le pillage des cerveaux ? Je ne le crois pas.

M. André Chassaigne. Vous avez raison !

Mme la ministre. Imaginons maintenant, monsieur Chassaigne, que nous n’ayons aucun problème de financement et que nous ayons des médecins en nombre suffisant. Selon les spécialistes, il faut entre 900 et 1 200 accouchements par an pour assurer la sécurité et la qualité des soins. L’administration sanitaire se pose la question de la fermeture d’un service de maternité à partir de 300 accouchements par an ; bien souvent, nous le fermons à partir de 200. Dans une maternité qui fait 200 accouchements par an, cinq obstétriciens sont nécessaires – théoriquement sept – pour assurer la permanence. Cela signifie qu’un praticien y fait 40 accouchements par an, soit même pas un par semaine ! Monsieur Chassaigne, je n’enverrais jamais ma fille entre les mains d’un accoucheur qui ne fait même pas un accouchement par semaine ! Ce n’est ni une question d’argent, ni une question de plateau technique, mais de sécurité des soins : on ne fait bien que ce qu’on fait souvent ! D’ailleurs, lorsque j’ai décidé de transformer un service de chirurgie ou de maternité en service périnatal de proximité, cela n’a jamais entraîné d’économies, mais l’emploi public a toujours été maintenu !

Pour répondre à la dernière question d’André Chassaigne, si le titre III est consacré à la santé publique – alcool, tabac, cigarettes-bonbons, etc. – il ne résume pas l’ensemble de la politique en la matière. La santé publique et la prévention irriguent l’ensemble du texte. La territorialisation de la santé vise à prendre en compte la santé publique et la prévention. Des politiques tous azimuts ne permettent pas de faire de la prévention, les politiques de prévention ne marchent que si elles sont ciblées, appuyées sur la réalité du terrain. Bien évidemment, la politique menée dans le Nord-Pas-de-Calais ne sera pas la même qu’à Ambert. À travers les agences régionales de santé, nous aurons, d’une part, la commission dédiée à la prévention pour des politiques régionalisées de santé, d’autre part, la sanctuarisation des crédits de la prévention – on pourra toujours prendre du curatif vers le préventif, jamais l’inverse. L’objectif du Président de la République est clair : porter la part des crédits de la santé consacrée à la prévention de 7 % actuellement à 10 %. L’effort de tous sera nécessaire, à travers des politiques régionalisées. Ce texte est donc bien un texte de prévention.

Monsieur le président Ollier, je ne sais pas répondre aujourd’hui à votre proposition de donner plus de pouvoirs aux maires pour les aider à lutter contre l’alcoolisation des jeunes. Nous l’expertiserons d’ici le débat. Les choses doivent d’abord être clarifiées grâce à une unification des mesures d’interdiction, car la confusion qui existe dans ce domaine – ventes à emporter ou à consommer sur place, lieux de vente, etc. – est source d’incertitudes et de non-respect de la loi.

M. le président Patrick Ollier. Ce ne sont pas les mineurs mais les grands frères qui achètent. Mais que les choses soient claires, le système que vous avez prévu paraît très bon, simplement certains éléments ont été oubliés, en particulier les épiceries.

Mme la ministre. Dans tous les pays où on a interdit la vente aux mineurs, même si le système n'est pas complètement étanche, on a constaté une baisse régulière de la consommation d'alcool chez les jeunes.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Nous ne sommes pas complètement hostiles aux ARS et nous en soutenons même l’esprit, mais nous nous interrogeons sur leur mise en place. Vous avez rappelé qu'elles investiront l'ensemble du champ de la santé et de l'autonomie ; elles seront ainsi, de fait, les autorités de gestion du secteur médico-social. Je m'étonne donc que les conseils généraux, dont le médico-social est une compétence essentielle, ne soient pas davantage partie prenante du dispositif. Dans ces conditions, nous craignons que le médico-social ne devienne le parent pauvre et la variable d'ajustement budgétaire. Pouvez-vous nous rassurer ?

A ce propos, nous sommes nombreux à souhaiter la création d'un cinquième risque. S'il n'y a pas de problème tant que les personnes âgées demeurent à domicile, lorsqu'elles arrivent en établissement elles sont dans un tel état qu'elles ne relèvent plus du médico-social mais du sanitaire. Nous avons donc véritablement besoin de ce cinquième risque pour la prise en charge en EHPAD.

S'agissant du partage des rôles entre les « blancs » et les « rouges », j'ai trouvé mon collègue François Brottes excessivement optimiste. Si les choses vont dans le bon sens, le chantier reste totalement devant nous. Ainsi, en raison de la limitation de la permanence des soins, il n'y aura plus de permanence de médecine de ville pendant certaines heures de la nuit. De la sorte, en secteur rural, ce sont bien évidemment les pompiers qui interviendront à la place des médecins. Outre que cela engorgera les services d'urgence, cela entraînera un transfert subreptice de la sécurité sociale vers les finances départementales et sera donc source d'inégalités.

M. Thierry Benoit. Le projet que vous nous présentez a en particulier pour objectif de regrouper les établissements hospitaliers au sein de communautés hospitalières de territoire afin de rationaliser l'offre de soins et d'améliorer la prise en charge des malades. Deux formules sont prévues : les CHT fédératives, dans lesquelles un des établissements membres se verra confier des compétences par les autres en vue de mutualiser les moyens et d'élaborer une stratégie commune ; les CHT intégrées, dans lesquelles les établissements membres confieront l'ensemble de leurs compétences à la communauté et en deviendront les différents sites.

Le Gouvernement souhaite-t-il favoriser les communautés intégrées ? Dans ce cas, les CHT devront-elles, à terme, coïncider avec les territoires de santé ?

Mme Pascale Got. Une loi de 2004 et un décret d'application de 2007 prévoient que les établissements médico-sociaux, notamment les maisons de retraite, doivent s'assurer de la disponibilité de moyens d'alimentation autonomes en énergie. Mais ces textes ne donnent aucun détail précis sur les mesures à prendre et le dispositif relève en fait de la seule responsabilité du chef d'établissement.

Or, la récente tempête a montré les conséquences inquiétantes de la rupture d'alimentation en électricité et nous avons connu de nombreuses difficultés dans les maisons de retraite, notamment privées, qui ne disposent pas de groupes électrogènes. Or, cela a amené à consacrer en priorité les moyens disponibles à ces établissements, au détriment du soutien apporté aux autres personnes.

Ne conviendrait-il donc pas de rendre plus précises et plus contraignantes les dispositions relatives à l'installation de groupes électrogènes dans les maisons de retraite, d’autant qu’elles sont de plus en plus médicalisées ?

S'agissant des « blancs » et des « rouges » on peut véritablement parler d'une inflation des secours à la personne. Vous avez d'ailleurs récemment inauguré, madame la ministre, la plate-forme expérimentale du SAMU 33. Les délais d'intervention demeurent un des principaux problèmes. Quelles mesures envisagez-vous en la matière ?

Mme Françoise Branget. Le projet ne fait référence à l’addictologie qu’à propos de la consommation excessive d'alcool chez les jeunes. Mais qu'en est-il de la toxicomanie, en particulier de la formation des médecins en la matière ? Aujourd'hui, seulement un médecin sur cinq prescrit la substitution et est en relation avec un réseau et un sur trois a suivi une formation en matière de toxicomanie.

Par ailleurs, les Suédois dispensent aux jeunes 40 heures de formation et d'information sur toutes les addictions. Ne pourrait-on s'inspirer de cet exemple et diffuser très tôt des informations sur les risques liés à l'alcool, à la drogue et au tabac ? En outre, un bilan de santé physique et psychique, réalisé par exemple à seize ans, permettrait de détecter les comportements à risque et de prévenir bien des accidents.

M. Philippe Tourtelier. Vous avez certes répondu, madame la ministre, à la question sur l'absence apparente de la prévention, de la médecine du travail et de la médecine scolaire dans ce projet, mais convenez que cela ne saute pas aux yeux… On peut aussi se demander, s'agissant de la gouvernance, où sont passés partenaires sociaux et élus.

Les ARS vont regrouper sept organisations dont la taille, la culture et le statut différent. Comment, dans ces conditions, éviter des difficultés comme celles que l'on a connues avec les maisons départementales du handicap ? Comment rassurer les personnels en ce qui concerne leur statut ?

S'agissant des regroupements d'établissement, la proximité apparaît désormais aussi comme une priorité au regard du Grenelle de l'environnement. Disposez-vous d'une évaluation carbone des déplacements induits par votre réorganisation ?

A l'occasion de l'examen du PLFSS, vous nous aviez dit que vous vous penchiez sur la tarification à l'activité des missions spécifiques de l'hôpital public qui ne sont pas prises en compte par le privé. Avez-vous avancé sur ce point ?

Enfin, en ce qui concerne les rapports entre sanitaire et médico-social, on assiste actuellement en Ille-et-Vilaine à un transfert des séjours de longue durée vers les EHPAD, donc à un report de charge vers les départements. Avez-vous une solution ?

M. Daniel Paul. Madame la ministre, vous nous promettez un horizon lumineux de la démographie médicale en 2020 ou 2025.

Pour ma part, j'ai fait il y a quelques jours une petite expérience. J'ai appelé une dizaine d'ophtalmologistes dans ma région, je n'en ai trouvé aucun qui me propose un rendez-vous avant six mois. J'en ai donc appelé dix autres, à Paris, à proximité de l'Assemblée nationale, et l'on m’a proposé un rendez-vous dès le lendemain matin… Voilà la réalité ! Mois après mois, les ophtalmologistes quittent ma région, comment ferons-nous dans quelques années ?

Dans le même registre, que faire lorsque les deux seuls médecins qui pratiquent des IVG quittent un territoire ? Allez-vous prendre des mesures pour que l'hôpital public respecte la loi et pour que les femmes qui demandent une IVG puissent l’obtenir ?

Véritable monument juridique, l'article 20 du projet permet au gouvernement de procéder par ordonnances. Je n'ai rien à y redire pour un certain nombre d'objectifs, mais je m'insurge contre le fait que l'on assouplisse de la sorte les règles relatives à la détention du capital d'un certain nombre de structures, en particulier de biologie médicale.

C'est également par ordonnance que vous entendez adapter le régime des sanctions administratives et pénales. Mais, lorsque cette question est venue devant la Cour de justice des Communautés européennes, l'avocat général a souligné qu'il convenait de donner la priorité à l'État. Êtes-vous prête, pour imposer un système libéral à notre médecine, à prendre le risque d'entrer en contradiction avec la Cour ?

Mme Colette Langlade. Vous nous avez dit, madame la ministre, qu'il ne fallait pas opposer aménagement du territoire et santé. Pourtant, l'approche administrative, économique et médicale de l'organisation territoriale de la santé pose problème.

Ainsi, selon les projections, en 2015, il y aura 150 médecins généralistes de moins dans mon département rural, qui en compte actuellement 420. Alors que nous avons aujourd'hui 46 secteurs de garde, soit un médecin pour 10 000 habitants, dès le 1er mars prochain, nous ne disposerons plus que de 18 secteurs. Dans ces conditions, comment mettre le patient au cœur de notre système de santé ? Comment assurer la continuité des soins ? Comment mobiliser les moyens humains nécessaires ?

Par ailleurs, si l'on veut garantir que chaque patient ait accès aux soins à moins de 20 minutes de son domicile, ne conviendrait-il pas de réfléchir à l'implantation d'antennes de proximité des SMUR ?

M. Lionel Tardy. Le thème de l'offre de soins et de la démographie médicale oppose les partisans d'une politique coercitive contre l'installation des jeunes médecins en zone surdotée à ceux qui sont favorables à des aides financières à l'installation. Pour leur part, les jeunes généralistes ne se reconnaissent dans aucune de ces positions et ils envisagent plutôt une réorganisation de la médecine ambulatoire par des aides structurelles destinées à tous les acteurs du système de soins. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?

Par ailleurs, l'avant-projet dont nous avions pris connaissance le 3 juillet dernier envisageait, parmi les nouvelles orientations de la santé publique, d'élargir la compétence des sages-femmes à la prescription de contraceptifs hormonaux et au suivi gynécologique de prévention. Cela marquait une avancée dans un contexte de démographie médicale négative. Ces mesures de santé publique ont été écartées dans la dernière version du texte, où il est même envisagé d'abroger les articles du code de la santé publique qui précisent le rôle des sages-femmes dans l'organisation générale des soins et des actes obstétricaux relevant de leur compétence. Pouvez-vous nous donner des explications ?

M. Louis-Joseph Manscour. En Martinique, il faut près d’un an pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste ! Cela montre la gravité des problèmes de santé outre-mer.

Vous connaissez d'ailleurs bien, madame la ministre, les difficultés de nos hôpitaux, singulièrement en Martinique, où les trois hôpitaux présentent un déficit global de 25 millions d'euros. L'insularité et l'éloignement sont aussi des handicaps. Qui plus est, le tremblement de terre a provoqué des dégâts considérables, en particulier dans le centre hospitalier de Trinité.

Si nous nous réjouissons du dépôt de ce projet de loi, nous souhaitons vivement que l'hôpital public reçoive les moyens dont il a besoin pour sortir de ses difficultés. Nous attendons donc avec beaucoup d'intérêt le plan hôpital outre-mer que vous avez proposé, dont nous espérons que vous viendrez le présenter sur place.

Mme la ministre. C’est prévu, à la fin du mois de février.

M. Louis-Joseph Manscour. Nous aurons donc alors l'occasion d'en discuter.

Enfin, je vous remercie d'avoir proposé, à la suite du tremblement de terre, de reconstruire l'hôpital de Trinité sur un autre site.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Dans la mesure où vous avez évoqué, madame la ministre, l'aménagement du territoire, ma question portera sur le droit à la santé pour tous, en tout point du territoire.

La réorganisation des maternités et des hôpitaux publics inquiète particulièrement les Hauts-Pyrénéens, qui ont fait les frais l’année dernière de la fermeture de la maternité de Lannemezan. L’ARH, qui l’avait ordonnée, a été désavouée par le tribunal administratif, qui a insisté sur la nécessité de prendre en compte, en montagne, non pas la distance mais le temps nécessaire à la parturiente pour se rendre de son domicile à la maternité – les fameuses 45 minutes. Les réorganisations prévues tiendront-elles compte de ce délai ?

Par ailleurs, les regroupements d'hôpitaux rendent parfois les nouvelles unités plus performantes, on l'a vu avec Pamiers-Foix et Castres-Mazamet. Cette politique sera-t-elle poursuivie, en particulier en vue de la constitution d'un hôpital commun Tarbes-Lourdes ?

M. Michel Raison. Deux ou trois régions ont expérimenté des centres de régulation de médecine de ville. C'est le cas de la Franche-Comté, où nous avons obtenu l'attribution, à côté du 15, d'un numéro d'appel à quatre chiffres pour un centre de régulation associatif destiné à toute la région. Ce dispositif fonctionnant très bien et donnant satisfaction aussi bien aux « blancs » qu’aux « rouges », peut-on envisager qu'il soit pérennisé ?

Par ailleurs, vous l'avez dit madame la ministre, le projet comporte un certain nombre de mesures destinées à lutter contre le fléau de la désertification médicale. C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas le droit à l'échec et je souhaite donc que vous soyez attentive aux amendements qui seront déposés à ce propos.

Mme Frédérique Massat. Aux termes de l'article 14 du projet, « L’accès à des soins de premier recours, ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, de qualité et de sécurité. » Mais tout dépend bien sûr de ce que l'on entend par proximité. Comme l'a souligné Chantal Robin-Rodrigo, en montagne, où le terrain est accidenté, on peut parfois mettre plusieurs heures pour faire quelques kilomètres.

La population, les élus et professionnels souhaitent par ailleurs savoir si ce texte va mettre en œuvre un véritable service public de la santé et si ce dernier disposera des moyens nécessaires, dans les territoires ruraux, urbains et de montagne.

M. Philippe Plisson. Madame la ministre, le fait que vous n'ayez pas répondu au courrier que je vous ai adressé il y a plusieurs mois à propos de l'avenir de l'hôpital de proximité de Blaye ne peut que nourrir nos inquiétudes.

Vous avez en revanche répondu à ma question écrite du 24 juillet 2008 sur les conséquences qu'aurait la mainmise de groupes financiers sur les professionnels de santé. Vous m'avez alors indiqué que « la directive 2006/123/CE ne faisait aucunement obligation d'ouvrir le capital des sociétés d'exercice libéral exerçant dans le champ de la santé ». Or, le sixième alinéa de l'article 20 du projet ouvre la porte au démantèlement de la profession, livrée à la marchandisation. Souhaitez-vous de la sorte reproduire le modèle allemand, concentré autour de cinq grands laboratoires, et programmer ainsi la disparition des petits laboratoires d'analyses médicales qui maillent nos territoires ruraux et assurent un précieux service de proximité ?

Mme Catherine Quéré. Pour ma part, je vous ai écrit pour vous demander que le deuxième hélicoptère qui a été acheté pour la région Poitou-Charentes soit affecté dans le sud de la région. J'avoue que, même avec l'aide de médecins, je ne suis pas parvenue à comprendre votre réponse…

J’en viens à l'article 24 du projet. Aux termes du troisième alinéa, il serait « interdit d'offrir gratuitement des boissons alcoolisées à titre promotionnel ». Les producteurs, qui n'ont souvent que les foires, les marchés et les salons pour faire connaître leurs produits, ne sauraient admettre une telle mesure. Ce serait un nouveau coup porté à la viticulture, filière importante de notre économie, qui a déjà connu ces derniers mois une augmentation insupportable des taxes et la diminution des plafonds de déduction pour investissements.

M. Guillaume Garot. En tant que président du conseil d'administration du centre hospitalier de Laval, j'aimerais savoir, madame la ministre, comment vous envisagez l'emploi dans l'hôpital public. En effet, on entend souvent dire que, face aux difficultés financières que nous rencontrons, l'emploi serait la seule variable d'ajustement. Cela inquiète bien sûr les agents, qui œuvrent sur le terrain avec un grand professionnalisme et qui subissent une pression sans cesse croissante, mais aussi les élus car ces emplois sont indispensables à la vitalité de nos territoires.

M. Serge Poignant. Je comprends, madame la ministre, que tout soit fait pour éviter la consommation d'alcool chez les jeunes, mais, comme l'a souligné Mme Quéré, il ne faut pas empêcher les dégustations de vin qui, à l'occasion de manifestations commerciales, débouchent bien souvent sur des ventes, exclusivement à des adultes. Je souhaite donc que le débat nous permette de trouver une solution évitant de pénaliser la filière viticole.

Mme Annick Le Loch. Pourriez-vous, madame la ministre, préciser la place des établissements PSPH – participant au service public hospitalier – dans l'organisation sanitaire et dans votre texte, dont ils semblent avoir disparu ?

Mme la ministre. Je rappelle tout d'abord que, si je pilote bien évidemment cette affaire avec Mme Létard, c'est à elle que s'adressait un certain nombre de vos questions relatives au secteur médico-social, notamment celle relative à la législation applicable aux maisons de retraite. Je pense qu'elle aura l'occasion de répondre ultérieurement.

Il est vrai qu'un des axes forts du projet est de mettre dans la main des ARS ce qui relève de l'assurance maladie dans le champ médico-social. Il est très important de fluidifier l'organisation des soins en amont, mais aussi en aval.

Grâce aux progrès de la médecine, la durée moyenne de séjour diminue. La pose d'une valve cardiaque se fait désormais sous endoscopie et nécessite deux jours d'hospitalisation contre deux semaines il y a encore fort peu de temps. De même, pour l'opération d'une tumeur intracrânienne, qui mobilisait auparavant le malade en réadaptation à l'hôpital pendant des mois, on le fait désormais entrer à 10 heures et sortir à 16 heures le même jour, sans aucune séquelle. Ce mouvement, qui est en voie de généralisation, explique que notre taux d'accueil en court séjour soit parmi les plus faibles au monde.

Dans le même temps, nous sommes souvent confrontés à des difficultés pour accueillir des personnes en soins post-aigus ou pour obtenir la prise en charge d'un patient atteint de la maladie d'Alzheimer.

C'est à ce défi extraordinaire qu’est confronté notre système sanitaire.

Le médico-social fera l'objet, au sein de l'Agence régionale de santé, d'une commission particulière dans laquelle seront accueillis les présidents de conseils généraux. Ce sera donc, madame Pérol-Dumont, le lieu de coordination entre l'assurance-maladie, financeur du médico-social, et les présidents de conseils généraux, organisateurs d'un certain nombre de politiques en la matière.

La territorialisation est extrêmement importante, c'est pourquoi j'ai souhaité qu'il y ait une délégation de l’ARS dans chaque département. L'existence d'un interlocuteur de proximité répond d'ailleurs également à la question de M. Tourtelier sur le bilan carbone.

Il n'y a aucun lieu de craindre que le médico-social soit la variable d'ajustement puisqu'il sera ainsi protégé par la loi, qui pose en outre le principe de la fongibilité asymétrique, ce qui signifie que ses crédits sont absolument sanctuarisés : on pourra toujours prélever dans le curatif en faveur du médico-social mais jamais l'inverse ! Cela semble d’ailleurs logique parce que c'est bien dans ce sens que va le flux, la prise en charge devenant plus importante que le soin, sous les effets combinés du vieillissement de la population et des extraordinaires progrès de la médecine.

Thierry Benoit m'a interrogée sur les communautés hospitalières de territoires. Ces dernières ne sont pas conçues de façon doctrinale, elles partent de la volonté du terrain. Elles s'inscrivent dans une continuité d'outils à disposition des établissements pour mieux répondre aux besoins de la population. Dans ce cadre, il faut veiller à ne pas constituer des ensembles hospitaliers ingérables et à ce que les petits ne soient pas mangés par les gros. Surtout, la CHT doit répondre aux besoins de la population, donc se construire autour d'un projet médical.

Il s'agit de donner à des établissements publics de taille moyenne la possibilité de développer une stratégie territoriale commune avec d'autres établissements afin d'éviter la dispersion des moyens et les redondances qui nuisent à une prise en charge de qualité.

Le modèle de CHT que j’ai en tête peut tout à fait évoluer au fur et à mesure que des propositions innovantes émaneront des territoires. Je pense à un groupement de deux ou trois établissements hospitaliers d'une capacité de 400 à 600 lits, autour d'un plateau technique, auxquels pourraient se joindre un hôpital local, un établissement de soins de suite et de réadaptation ou un établissement de long séjour.

Ce sont les établissements qui choisiront le degré d'intégration. On imagine que des compétences comme le projet médical, les investissements locaux, le système d'information, la gestion du personnel, feront partie du bloc commun. Le budget sera consolidé au niveau de la CHT. Toutes les autres compétences seront optionnelles : il appartiendra aux acteurs de terrain de décider des coopérations. Ce sont des mécanismes que vous connaissez bien au sein de vos structures intercommunales.

La CHT fédérative laissera à chaque établissement son autonomie de gestion, dans une logique de responsabilité, tandis que la CHT intégrée reposera sur une structure juridique unique.

On peut tout à fait envisager que des amendements viennent affiner ce dispositif.

Madame Branget, c'est parce qu'il existe un plan gouvernemental 2008-2011 de lutte contre les drogues et la toxicomanie que ce projet ne comporte pas de dispositions spécifiques en la matière. L'offre de prise en charge fera l'objet d'un ensemble de mesures à venir : amélioration de l'offre de soins aux personnes sous main de justice, nouvelles modalités de prise en charge des consommateurs de cocaïne, politique complète de réduction des risques, en particulier pour faire face à l'épidémie d'hépatite C, dans le cadre du plan de lutte contre les hépatites. Nous étudions aussi la possibilité de prévenir, chez les jeunes usagers de drogues, le recours à l'injection, pratique hautement à risques. Les toxicomanes seront incités au dépistage des hépatites et à la vaccination VHB, qui seront proposés gratuitement dans les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, les CAARUD. Le plan comporte aussi un important volet de prévention, avec une campagne de rappel de la dangerosité des produits, ainsi qu'une série de mesures relatives à la responsabilité des adultes en matière d'information et de formation.

MM. Chassaigne, Paul et Tourtelier ont évoqué la médecine scolaire et la médecine du travail. Ni l'éducation nationale ni l'administration du travail ne souhaitent que ces domaines relèvent du ministère de la santé et cela pose parfois des problèmes de coordination. Mais, précisément, l'Agence régionale de santé sera un outil formidable pour rapprocher des éléments qui, en effet, demeurent pour l'instant trop étanches.

S'agissant de la place des élus dans le conseil de l'Agence, je rappelle que nous avons le système de santé le plus centralisé au monde. Ainsi, le ministère de la santé nomme tous les praticiens hospitaliers ! En régionalisant ce système, j'entends précisément convoquer des acteurs qui n'ont jusqu'ici jamais été consultés, en particulier les élus locaux, et leur donner un droit de regard sans précédent. Ils seront donc représentés au conseil de surveillance, à la conférence régionale de santé et dans ses commissions spécialisées, dans les commissions de coordination de la prévention d'une part et du médico-social d'autre part, dans les conférences de territoires. Le texte définit un cadre au sein duquel je suis tout à fait disposée à ce que l'on précise la participation des élus. Je souhaite toutefois que l'on préserve l'équilibre entre participation des élus et efficacité de la gouvernance. Ne proposez donc pas des conseils de 200 personnes car je suis persuadée qu'au-delà de 20 membres on perd en efficacité.

Mme Langlade m'a interrogée sur les secteurs des urgences. Contrairement à ce que j'entends parfois, le nombre des services d'urgence augmente. Nous disposons de 667 structures d'urgence et de 435 SMUR. Ce maillage exceptionnel sera encore renforcé dans les territoires où cela est nécessaire, en particulier avec des moyens héliportés. À ce dernier propos, il me semble, Mme Quéré, qu'avec deux appareils votre région n'est pas si mal dotée…

Mme Catherine Quéré. J’ai simplement souhaité qu'ils ne soient pas tous les deux stationnés dans le nord de la région.

Mme la ministre. Dans le cadre d'un plan d'urgence, 489 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration de la prise en charge des patients en urgence. Nous avons également fait un effort pour renforcer la prise en charge des personnes âgées, pour développer les soins de suite et de réadaptation, pour améliorer la régulation du SAMU. Le plan d’urgence prévoit aussi la création de 5 800 postes de médecins ainsi que de postes de personnels paramédicaux et l'ouverture de 7 500 lits et places. A l’heure actuelle, 80 % de nos concitoyens sont à moins de 20 minutes d'un service d’urgence et nous atteindrons 90 % grâce aux moyens que nous engageons.

Le projet prévoit de supprimer l'article du code de la santé publique qui confère des responsabilités propres aux sages-femmes dans l'organisation générale des soins et des actes obstétricaux. Mais cela ne signifie pas, messieurs Chassaigne et Tardy, que l'on nie le rôle des sages-femmes dans les services d'obstétrique, bien au contraire. Il s'agit simplement d'éviter de faire apparaître une double autorité au sein des pôles. Il appartiendra aux responsables des pôles comportant des activités d'obstétrique d'associer les sages-femmes et leurs cadres à l'organisation interne du pôle et de leurs déléguer des responsabilités. La place des sages-femmes dans la nouvelle gouvernance sera définie dans le dispositif réglementaire. Le décret statutaire des sages-femmes de la fonction publique hospitalière sera complété par la définition du rôle des sages-femmes, reprenant les missions générales indiquées dans l'article abrogé. Enfin, une mission relative à la formation, au rôle, aux missions et à la valorisation des cadres hospitaliers sera constituée et rendra ses conclusions en mai 2009. Nombre d'entre vous ayant évoqué les délégations de tâches, je suis tout à fait disposée à faire évoluer le texte pour élargir le champ des compétences de cette profession.

Madame Le Loch, il n'y a pas à l’heure actuelle de statut juridique des établissements PSPH. J'ai voulu dans ce projet confirmer le lien indissoluble qui existe entre certaines activités de santé ou certains modes de prise en charge et l'engagement que représente cette charge pour la structure et pour les médecins qui l’exercent. Les établissements PSPH ont montré tout l'intérêt de cette formule pour les patients et pour les professionnels. C'est en fonction des besoins de la population du territoire que les missions de service public doivent être attribuées aux établissements de santé et non en fonction du statut de ces derniers. Dès lors, la mention « participant au service public hospitalier » ne peut pas être réservée à une seule catégorie d'établissements. Mais j'insiste sur la nécessité que l’identité des établissements PSPH soit reconnue. Ils pourraient ainsi devenir des « établissements de santé d'intérêt collectif » dès lors qu'ils choisiraient de s'engager dans des missions de service public et de respecter les obligations d'accueil et de prise en charge qui s'y attachent. Ces établissements continueront de fonctionner selon les mêmes modalités. Les dispositions relatives au financement des établissements PSPH, qui leur permettent de bénéficier de l'échelle tarifaire publique, seront maintenues. Sur le plan juridique, la possibilité de détacher des praticiens hospitaliers et des professeurs des universités-praticiens hospitaliers dans un établissement assurant des missions de service public continuera à exister. Au total, loin de remettre en cause l'existence des PSPH, je les sanctuarise.

J'irai à la fin du mois sur place présenter le plan de santé outre-mer. Merci, monsieur Manscour, d'avoir souligné les efforts que nous avons faits pour prendre en compte les spécificités de ces régions. J'observe que les agences régionales de santé seront un outil formidable pour l'outre-mer car elles permettront de mener une politique de santé publique et d'équipements mieux adaptée à certaines contraintes telles que l'insularité.

Mme Robin-Rodrigo a parlé de l'hôpital de Lannemezan. Les décisions de justice ont finalement mis en avant la sécurité des soins, j'en suis heureuse.

J’indique par ailleurs à Mme Massat que l'on tient toujours compte du temps de trajet et non de la distance en kilomètres.

Je vous prie tous de bien vouloir m'excuser si je ne réponds pas toujours en temps et en heure à vos courriers. Il faut simplement y voir la marque de l'extraordinaire intérêt que suscite le ministère de la santé, qui est celui qui reçoit le plus de lettres mais aussi le plus de questions écrites : 6 000 chaque année en provenance de l'Assemblée nationale, alors que le ministère qui vient en deuxième position en reçoit 3000, sans que nous disposions de moyens humains en proportion.

Je souhaite que nous menions une politique très ferme en matière de prévention et de lutte contre l'alcoolisme et je demeurerai très vigilante sur les questions relatives à la santé publique et à Internet. Mais j'ai bien entendu le souhait de Mme Quéré et de M. Poignant que la profession viticole puisse lutter à armes égales avec la concurrence et je suis prête à étudier des propositions à ce sujet.

M. Paul et M. Plisson ont évoqué la biologie médicale. Celle-ci a profondément changé et il fallait donc une réforme globale qui, à la suite du rapport de Michel Ballereau, a été élaborée avec les professionnels pour respecter la qualité des soins que garantit l'accréditation.

Je ne puis que déplorer que la gauche ait ouvert le capital des laboratoires de biologie, ce qui ne la met guère en position de donner aujourd'hui des leçons de morale anticapitaliste ! Par la suite, c’est nous qui nous avons pris une mesure pour limiter cette entrée à 25 % du capital. Que chacun balaie donc devant sa porte ! Aujourd'hui, sans cette autorisation d'entrer dans le capital de la biologie, nous serions beaucoup mieux armés pour résister à la forte pression qu'exerce à ce propos la Commission européenne.

S'agissant de la Cour de justice, les conclusions de l'avocat général, qui portaient sur les pharmacies d'officine, sont extrêmement intéressantes, mais, précisément en raison de la décision très malencontreuse que je viens de rappeler, elles ne peuvent pas être transposées facilement aux laboratoires d'analyses médicales. Nous poursuivons l'analyse juridique et nous verrons, lors de l'examen du texte, comment avancer sur ce sujet.

M. Garot m'a interrogée sur l'emploi dans l'hôpital public, dont je rappelle qu'il n'est pas touché par le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux. C'est un secteur qui a embauché en 2008. Cela ne signifie pas que l'on ne procède pas à des ajustements au sein des établissements en fonction des évolutions, comme celle de la durée des courts séjours que j'ai précédemment évoquée. Quant au déficit, il ne s'agit pas d'une fatalité puisque 54 % des 3 000 établissements hospitaliers sont en excédent.

Enfin, bien qu'aucune ne m'ait été posée à ce propos, je vous indique que je viens de donner mon sang et que vous pouvez faire de même puisque les camions de l'Etablissement français du sang vous attendent dans la cour de l'Assemblée. Je rappelle qu'un homme peut donner son sang cinq fois par an et une femme trois fois et que, même si nos stocks se sont un peu reconstitués, nous avons toujours besoin de sang.

M. le président Patrick Ollier. Merci d’avoir apporté autant de réponses intéressantes à des questions qui l’étaient tout autant. Si vous le souhaitiez vous pourriez toujours compléter vos réponses par écrit.

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