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Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Mercredi 11 février 2009

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Serge Poignant Vice-président

Réunion ouverte à la presse

– Examen du rapport d’information de M. Olivier Carré sur l’accession sociale à la propriété dans le parc HLM

– Communication de M. Alain Gest sur les pesticides

La commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a examiné le rapport d’information de M. Olivier Carré sur l’accession sociale à la propriété dans le parc HLM.

M. Serge Poignant, président. L’élaboration de ce rapport d’information avait été confiée par la commission à M. Olivier Carré le 5 février 2008 après la conclusion d’accords entre la Ministre du logement et de la ville et le mouvement HLM visant simultanément à donner une nouvelle impulsion à l’accession sociale à la propriété et à développer l’offre de logements sociaux. La question est toujours d’actualité puisque l’accession à la propriété, qui répond à l’aspiration d’une majorité de Français, fait l’objet de plusieurs dispositions du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion qui vient d’être adopté par notre Assemblée.

M. Olivier Carré, rapporteur. Cette question a été effectivement abordée à plusieurs reprises lors de l’examen de ce texte. Les accords entre la Ministre du logement et de la ville et l’ensemble du mouvement HLM, signés il y a un peu plus d’un an, ont fixé aux organismes bailleurs un objectif d’augmentation significative du nombre de logements proposés à la vente à leurs occupants. Ce nombre doit en effet être porté en trois ans à 40 000 en moyenne annuelle alors que cette moyenne s’établit à environ 4 000 à l’heure actuelle. Cet objectif, ambitieux en valeur absolue, doit être relativisé en rapportant le nombre de 40 000 à celui de l’ensemble des logements sociaux (environ 4 millions). S’il était atteint, ce ne serait plus le très faible pourcentage de 0,1% du parc locatif social qui serait proposée chaque année à la vente mais celui de 1%, comparable et même un peu inférieur à celui que l’on constate dans la plupart des pays européens comparables au nôtre.

Le présent rapport d’information a pour objet de recenser les obstacles au développement de la vente HLM et d’envisager comment ils pourraient être levés. Mais, il ne présente pas ce développement comme une finalité absolue car le parc HLM a pour vocation essentielle d’accueillir des locataires.

Par ailleurs, d’autres outils d’accession populaire à la propriété, tels que ceux mis en place par les coopératives, ont existé dans le passé ou ont été développés au cours de la période récente. La vente HLM n’est donc que l’un des maillons de la chaîne de l’accession sociale à la propriété. Mais cet outil ne mérite pas la « diabolisation » dont il fait souvent l’objet, en particulier au sein d’une partie du mouvement HLM qui fait valoir à son encontre la pénurie de logements locatifs sociaux.

Cet argument, qui paraît avoir une certaine valeur sur le plan strictement quantitatif, ne résiste cependant pas à l’analyse des parcours résidentiels que les organismes bailleurs devraient prendre en compte pour définir une stratégie de gestion se caractérisant par une plus grande souplesse.

Pourquoi la vente HLM est-elle une modalité d’accession sociale à la propriété aussi peu utilisée ?

Cette situation ne trouve pas son origine chez les « demandeurs » qui sont majoritairement convaincus que l’accession à la propriété est un aboutissement naturel de leur parcours résidentiel. Les données chiffrées figurant dans le rapport montrent que cette accession est un élément de stabilisation de la situation sociale des intéressés. A l’inverse, un récent « clip» diffusé par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine sur une opération ayant abouti pour les personnes concernées au passage du statut de propriétaire à celui de locataire a montré que ce changement est perçu comme un déclassement par les intéressés bien que cette opération ait permis une sensible amélioration du confort de leur logement.

Sur le plan financier, les formules d’aides à l’acquisition développées au cours de ces dernières années, tel que le prêt à taux zéro doublé, créent pour une grande majorité de ménages la capacité de substituer une mensualité de remboursement à un loyer avec une faible augmentation du taux d’effort. Cette augmentation pourrait toutefois être limitée par un alignement du dispositif règlementaire relatif au calcul de l’aide personnalisée au logement destinée à la prise en charge de mensualités de remboursement sur celui qui est applicable pour le financement d’un loyer

Tout en étant faible, le surcoût résultant de l’accession ne saurait cependant être sous-estimé compte tenu notamment du fait qu’il est supporté par des ménages dont les ressources ont un niveau globalement modeste. Il est toutefois acceptable dans une grande majorité de cas, dans la mesure notamment où l’accession permet de se constituer un patrimoine.

Cette considération ne doit pas être négligée au moment où se développe, plus particulièrement au sein des milieux les plus modestes, un sentiment d’injustice, qui n’est pas incompréhensible, lié au fait « de n’être propriétaire que de son statut » et d’avoir pendant toute sa vie acquitté un loyer à un organisme sans aucune contrepartie patrimoniale.

Si l’on se place du point de vue de « l’offre », le cadre législatif dans lequel les organismes bailleurs peuvent réaliser les cessions, dont les origines remontent à une loi de 1965, paraît désormais globalement satisfaisant depuis notamment l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement qui ont clarifié les règles de fonctionnement des copropriétés issues des ventes.

On ne peut cependant pas nier les difficultés que soulève la vente HLM dans l’habitat collectif pour les organismes bailleurs qui doivent faire face à des problèmes de gestion de leur patrimoine auxquels ils ne s’étaient pas encore heurtés. Ces organismes géraient jusqu’alors des entités homogènes et ont une certaine hantise face à l’élément d’hétérogénéité, de « mitage », que constitue la naissance d’une copropriété.

Or, le véritable défi du développement de la vente HLM ne concerne évidemment pas la maison individuelle, facile à vendre, mais l’habitat collectif avec une perspective bien différente de celle qui consiste à « brader les bijoux de famille » puisqu’elle s’inscrit dans un objectif stratégique de cession d’éléments du patrimoine situés dans des zones considérées a priori comme peu attractives.

Je suis ainsi conduit à évoquer le problème de la « confrontation » entre les stratégies des organismes bailleurs, définies par leur plan stratégique de patrimoine qui doit être un véritable « fil rouge » pour la conduite de leurs opérations de cession, et celles des collectivités locales.

Les maires peuvent en effet avoir un intérêt à promouvoir la diversification des statuts d’occupation des logements sur l’ensemble du territoire de leur commune. La mise en œuvre des opérations de rénovation urbaine a notamment permis de mesurer que nombre de quartiers éligibles à ces opérations se caractérisent par un habitat où le locatif, le plus souvent social, est en situation de quasi-monopole. Or, un quartier ne vit pas de la même façon selon qu’y prévaut le monolithisme ou, au contraire, la diversité des statuts d’occupation des logements. L’objectif de diversité est, à juste titre, de plus en plus fréquemment retenu par les politiques locales de l’habitat. Dans cette perspective, je considère comme souhaitable l’utilisation de la vente HLM comme un outil non plus seulement d’évolution du parcours résidentiel des occupants et de gestion des organismes bailleurs mais aussi de stratégie globale d’une politique des quartiers.

S’agissant du cadre légal complexe dans lequel s’inscrit la vente HLM, je ne vois pas de modifications importantes à lui apporter en vue notamment d’assouplir son caractère a priori quelque peu contraignant. Il ne crée aucun obstacle réel à la vente lorsque celle-ci a obtenu l’accord des différentes parties prenantes, en particulier des collectivités locales. Par ailleurs, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a introduit, en ce qui concerne le prix, un utile élément de souplesse avec le système de la décote.

Il conviendrait sans doute de réfléchir à une évolution du dispositif réglementaire concernant la coordination entre les dispositifs « ANRU » et « ANAH » pour les accédants ayant obtenu, en tant que locataires, des subventions dans le cadre du premier dispositif.

Les clauses anti-spéculatives sont utiles pour éviter les effets d’aubaine, mais il convient de souligner que l’apparition d’une plus-value immobilière dans les situations de renouvellement urbain est la preuve d’une création de valeur.

L’ensemble de dispositions adoptées pour faire face au risque des copropriétés dégradées doivent permettre de combattre ce risque efficacement. Elles pourraient sans doute être utilement complétées par un dispositif conduisant les organismes cédants à intégrer lors de la vente au moins une partie de leur provision pour grosses réparations dans le compte de la nouvelle copropriété dont les problèmes de financement de travaux importants seraient du même coup réduits.

En conclusion, je dirais que nous sommes au début du processus de développement de la vente HLM. Il importe simultanément de « dédiaboliser » ce type d’opération et de ne pas y voir l’aboutissement «ultime» de la politique du logement social qui consiste essentiellement à accueillir des locataires. Cela étant, indépendamment de son intérêt pour ses bénéficiaires, la vente HLM doit être considérée comme un excellent outil sur un plan plus général lorsqu’elle est utilisée dans le cadre d’une stratégie sociale et urbaine de diversification des statuts d’occupation au sein de certains quartiers. Enfin, il convient de ne pas oublier que les fonds procurés aux organismes par les ventes sont destinés à la reconstitution « à due concurrence » de leur patrimoine locatif.

M. Serge Poignant, président. Je vous félicite pour la présentation de ce rapport qui a le mérite de dresser un constat complet de la situation actuelle et d’ouvrir un certain nombre de pistes de réflexion pour que soient effectivement levés les obstacles à un réel développement de la vente HLM. Vous avez notamment abordé le problème de la capitalisation. A cet égard, je souhaiterais connaître votre point de vue sur les propositions du rapport Attali visant à permettre aux locataires du parc social de capitaliser 25% des loyers versés pendant dix ans au moment de l’achat de leur logement et aux retraités proches du minimum vieillesse de jouir de l’usufruit d’un logement social adapté à leurs besoins.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce rapport présente le grand intérêt d’examiner les différents enjeux du problème de la vente HLM sous tous ses aspects. On peut cependant regretter que le calendrier des travaux législatifs se percute avec celui des travaux de la commission et conduise à sa présentation après l’examen de modifications apportées à la législation en ce domaine par le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Des analyses intéressantes sont développées mais des questions demeurent en suspens. C’est à juste titre que M. Carré souligne que la vocation des organismes HLM n’est pas de vendre mais de construire des logements locatifs sociaux. Si un point de vue inverse devait prévaloir, il en résulterait une situation inacceptable dans laquelle des fonds publics seraient engagés avec une finalité d’intérêt privé - l’accroissement du patrimoine des locataires – tandis que le problème aigu de la demande de logement restai sans solution. Il convient d’éviter toute confusion entre le traitement de ce problème et la volonté de répondre à l’aspiration à l’accession à la propriété dont la légitimité est au demeurant indiscutable compte tenu notamment des difficultés de financement des retraites. Cette confusion serait dangereuse parce qu’elle risquerait de conduire à un échec des politiques conduites dans les deux domaines.

M. Olivier Carré a également raison de souligner que le problème de la vente HLM ne peut pas être traité sans prise en compte des choix stratégiques généraux en matière d’habitat sur le territoire concerné. Le fait que des objectifs d’accroissement des ventes aient été imposés aux organismes bailleurs par les pouvoirs publics sans concertation préalable avec les responsables de ces choix, en particulier les maires, explique sans doute pour une bonne part que ces objectifs n’aient pas été atteints. Il en ira sans doute ainsi pour celui de 40 000 logements arbitrairement et autoritairement fixé en décembre 2007 par la ministre du logement et de la ville.

Il serait par ailleurs nécessaire, même si cela est difficile, de disposer d’informations plus précises sur la consistance et le lieu d’implantation des éléments du patrimoine qui ont été vendus. Chacun sait toutefois qu’il s’agit prioritairement de maisons individuelles et que l’habitat collectif n’est que faiblement concerné notamment dans la région d’Île-de-France où les enjeux de l’accession sociale à la propriété en termes financiers et d’investissement sont particulièrement lourds pour les collectivités locales.

La condition sine qua non d’un passage plus fréquent du statut de locataire à celui de propriétaire est la reconstitution « à due concurrence » mentionnée par M. Olivier Carré, mais cette formule doit se comprendre comme un maintien quantitatif mais aussi qualitatif de l’offre locative préexistante. Or, des craintes peuvent être formulées quant à la réalité d’un tel maintien si l’on se réfère aux reconstructions effectuées dans le cadre du programme national de rénovation urbaine. L’évaluation des conditions d’application de la loi portant engagement national pour la construction sera de ce point de vue particulièrement précieuse.

Je souhaiterais enfin demander à M. Olivier Carré quel lui paraît être l’obstacle juridique à ce que le système de la décote applicable pour l’acquisition d’un logement HLM soit étendu à celle d’un logement du parc locatif privé et si la situation actuelle ne lui semble pas présenter un risque d’inconstitutionnalité.

M. Claude Gatignol. Je remercie M. Olivier Carré pour ce rapport. La question de la vente HLM préoccupe l’Assemblée nationale depuis longtemps. Elle a déjà donné lieu à de longs débats en 1994, M. Hervé de Charette étant ministre du logement. Ces débats avaient révélé, en particulier, que les souhaits de vente ne sont pas toujours suivis d’effets sur le terrain en raison notamment de l’attitude de certains organismes bailleurs hostile par principe à toute idée de cession.

Le rapporteur peut-il donner des indications sur la répartition par tranches d’âge des souhaits en matière d’accession la propriété, ce qui conduirait à. corréler ce problème avec celui de la mobilité ?

L’accession sociale à la propriété permet une approche éthique de la gestion des ressources. Elle comporte un aspect éducatif important en particulier dans la vie familiale et enlève une source de préoccupation à qui avance en âge.

Les propositions formulées dans le rapport sont très dignes d’intérêt et devront être prises en compte si la question de la vente de logements HLM venait en débat.

M. Daniel Paul. On ne peut être hostile par principe à l’accession sociale à la propriété ; celle-ci ne doit cependant pas être confondue avec la question du logement social dans le parc HLM. Est-il possible à cet égard de faire des distinctions entre les communes ? Ma circonscription, qui correspond, en termes de population, à la moitié de la ville du Havre, laquelle compte 180 000 habitants, est composée en totalité de logements sociaux ; une forte proportion de ces logements est concernée par l’accession sociale à la propriété, mais celle-ci ne s’est pas faite dans le parc HLM, qu’il s’agisse d’immeubles ou de maisons individuelles.

Les données diffèrent ainsi sensiblement suivant les communes et leur histoire. Au Havre, il existe quelques logements HLM en centre-ville ; ainsi, la notion de « parcours résidentiel » vise ce type de logement, mais en bout du parcours. Comment faire la différence entre les situations construites historiquement ? Dans certains centres-villes, les logements sont en location, et dans d’autres, non. Comment faire, en outre, pour que la mise en vente éventuelle de logements HLM se fasse de façon répartie et, pas nécessairement dans les endroits les plus valorisants ? L’appauvrissement du parc constitue un risque énorme car la reconstitution ne se fait pas « à due concurrence ». 1 800 logements ont été démolis dans ma circonscription. Pour le moment, ils n’ont pas été reconstruits en nombre, en lieux et en types de logements. Cela signifie une difficulté supplémentaire pour une population modeste et d’ores et déjà confrontée aux problèmes résultant de la crise.

Je suis intéressé par le contenu du rapport, mais défavorable à l’augmentation du nombre de logements sociaux vendus dans les conditions et conformément à la logique actuelles. Quel est enfin l’impact des dispositions législatives récentes relatives aux surloyers et la loi qui vient d’être votée sur l’obligation faite de départ pour ceux qui doivent acquitter un « surloyer » ?

M. Daniel Goldberg. Je remercie M. Carré d’avoir présenté ce rapport et d’avoir refusé l’approche dogmatique d’une « France de propriétaires » J’observe toutefois que la question posée par l’accession sociale à la propriété ne se résume pas à celle de la vente HLM. Un parcours de mobilité résidentielle ne correspond pas nécessairement à l’achat de son propre logement locatif.

J’observe également qu’à l’heure actuelle surtout, il convient de ne pas dissocier la question de la mobilité résidentielle de celle de la mobilité professionnelle.

Je mentionnerai deux problèmes, en premier lieu celui de la « reconstitution » du patrimoine cédé pour insister, comme M. Jean-Yves Le Bouillonnec, sur la nécessité d’éviter toute forme d’appauvrissement de l’offre locative sociale.

Ma deuxième question portera sur la sécurisation des parcours. Le rapporteur a présenté des propositions intéressantes notamment sur l’encadrement de la vente. En revanche, je ne souscris pas à sa remarque selon laquelle nous serions très loin de la situation des États-Unis en ce qui concerne les prêts bancaires et la Cour des comptes vient d’ailleurs de mettre en cause le comportement de certains établissements.

Je souhaiterais enfin que soit mieux mise en relief l’action importante menée par les coopératives HLM en matière d’accession sociale à la propriété.

M. Olivier Carré, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie pour la qualité des commentaires que vous avez formulés sur mon rapport.

Je tiens à souligner une nouvelle fois que je ne considère pas la vente HLM comme une fin en soi mais avant tout comme un outil susceptible de présenter une utilité aussi grande pour les acquéreurs et les organismes HLM que pour les responsables de la politique de l’habitat.

Il convient cependant que les différentes parties prenantes l’utilisent avec précaution, et qu’en particulier, la cession soit entourée par les organismes cédants d’un maximum de garanties contre le risque de copropriété dégradée. La législation en vigueur, telle qu’elle a été notamment complétée par la loi portant engagement national pour le logement, offre à cet égard des outils efficaces.

Pour les collectivités locales, l’enjeu principal est d’inscrire la vente HLM dans le cadre d’une stratégie, menée conjointement avec les organismes bailleurs, de diversification des statuts d’occupation des logements qui a trop longtemps fait défaut aux politiques de l’habitat. Dans cette perspective, la vente HLM portant sur des maisons individuelles, ce qui est le cas dans la moitié des cessions, ne présente aucune utilité. Pour ma part, j’estime nécessaire que le développement de ce type de vente concerne prioritairement l’habitat collectif où il soulève a priori les plus sérieuses difficultés.

En réponse à la question de M. Serge Poignant, je me montrerai assez réservé sur la proposition du rapport Attali qu’il a mentionnée, notamment parce qu’elle me semble reposer sur le principe discutable selon lequel tout le monde aurait envie d’être propriétaire. La solution de la décote me paraît préférable, les organismes cédants devant à mon sens avoir pour souci de favoriser les accédants qui ont fait la preuve de la plus grande régularité dans le paiement de leurs loyers.

La publication du rapport d’information sur l’accession sociale à la propriété dans le parc HLM est approuvée par la commission.

◊ ◊

M. Serge Poignant, président, a ensuite donné la parole à M. Alain Gest, président de la sous-commission environnement, pour une communication sur les pesticides, soulignant que celle-ci visait à éclairer les débats relatifs au Grenelle de l’environnement ainsi qu’à faire le point sur les évolutions législatives en cours au niveau national et communautaire.

M. Alain Gest. Cette communication n’a aucune visée scientifique – il existe pour cela d’excellents travaux, comme ceux menés actuellement par M. Claude Gatignol dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques et scientifiques. L’objectif est essentiellement de produire un document utile aux membres de notre commission en vue des débats qui auront lieu dans le cadre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. C’est la raison pour laquelle il nous est apparu tout d’abord nécessaire de rappeler quelques éléments de terminologie. En effet, de nombreux termes sont utilisés pour désigner les pesticides sans que ceux-ci recouvrent en réalité les mêmes notions. L’acception du terme « pesticides » est ainsi plus large que celle de produits phytopharmaceutiques qui désigne plus spécifiquement les utilisations végétales des pesticides, agricoles et non agricoles, comme dans les jardins ou les espaces verts des communes, et qui comprend : les herbicides, les fongicides, les insecticides et, chose moins connue, les rodonticides et les molluscicides. La notion de produits phytopharmaceutiques n’est elle-même pas synonyme de celle de produits phytosanitaires, de biocides ou encore de substances actives. Tous ces termes sont explicités dans le rapport.

Cette communication est ensuite l’occasion de produire un état des lieux de l’utilisation des pesticides en France. Signalons tout d’abord que si les quantités mises sur le marché tendent à diminuer, la France reste un grand pays consommateur de pesticides. La réduction des doses utilisées, notamment en agriculture, continue par ailleurs de susciter des divergences d’appréciation. Ainsi, si l’on se fie aux chiffres avancés par les professionnels réunis au sein de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), on serait passé entre 1999 et 2004 de 120 000 tonnes de pesticides vendues à 76 000 tonnes. Retenir l’année 1999 comme hypothèse de départ est néanmoins discutable dans la mesure où il s’agit de l’année précédant l’instauration de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Si on élargit l’analyse aux années 1990-2004, la baisse constatée reste cependant de l’ordre de 25 % sur la période. Mais la France reste aujourd’hui le troisième consommateur mondial de pesticides et le premier utilisateur en Europe. Ces pesticides sont utilisés à 90 % par l’agriculture, mais de manière très ciblée : en effet, 80 % des pesticides utilisés le sont sur moins de 40 % de la SAU. Cela représente en moyenne 4,3 kilogrammes de pesticides à l’hectare. Selon les industriels, la réduction de l’utilisation des pesticides se reflèteraient également dans la diminution de leur chiffre d’affaires, qui est effectivement passé de 1,79 milliard d’euros en 2004 à 1,721 milliards au cours de l’année civile 2006, d’après le rapport annuel de l’UIPP.

En ce qui concerne la présence de pesticides dans les milieux naturels, on notera tout d’abord, s’agissant des milieux aquatiques, que les substances actives recherchées par la dernière étude en date, qui remonte à décembre 2007, ont été quantifiées au moins une fois dans 91% des points de mesures des cours d’eau et dans 55% des points de mesure des nappes souterraines. Toutefois, la présence de ces substances ne signifie pas qu’elles ont un caractère dangereux : dans 10% des points d’observation seulement, les teneurs en pesticides observées peuvent affecter de manière importante les équilibres écologiques. Il convient donc de rester très prudent dans l’exploitation des données disponibles. Beaucoup de gens travaillent actuellement à la production de ces chiffres mais il reste difficile d’en tirer des conclusions indiscutables. Il n’en demeure pas moins que les derniers chiffres relatés par l’IFEN (Institut français de l’environnement) sont meilleurs que ceux de 2004.

Pour ce qui est de la présence de pesticides dans les eaux de consommation, l’Observatoire des résidus de pesticides, qui a mené une campagne d’envergure sur la période 2001-2003, indique que 99 % des mesures réalisées dans les eaux mises en distribution mettent en évidence une absence de pesticides ou une présence de pesticides à des teneurs inférieures à la limite de qualité. S’agissant de la présence de pesticides dans les denrées alimentaires, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) dispose quant à elle de données fiables, exploitées sur longue durée et sur la base d’échantillons importants, qui mettent certes en évidence la présence de résidus de pesticides dans 25,5% des échantillons de fruits, légumes, céréales et produits transformés analysés mais à des teneurs très souvent inférieures aux LMR (limites maximales autorisées). Si certaines controverses, comme celles portant sur le raisin de table, ont pu naître sur la question de la mesure des teneurs en résidus de pesticides, on observe néanmoins que les chiffres avancés par les associations se situent dans le même ordre de grandeur que ceux produits par l’administration. Quant à la présence de pesticides dans l’air, force est de constater qu’il n’existe aucun instrument de mesure valable à l’heure actuelle.

La question des effets des pesticides sur la santé est le deuxième point abordé dans cette communication. D’après le rapport de référence de l’INRA (institut national de recherche agronomique) sur les pesticides, « des effets cancérigènes, neurotoxiques ou de type perturbateurs endocriniens des pesticides ont été mis en évidence chez l’animal. La question des risques pour l’homme est donc posée ». A cet égard, par le biais des travaux qu’elle a menés sur le chlordécone, la commission des affaires économiques a été le témoin privilégié des controverses qui existent en la matière. En effet, lors de son audition le 7 novembre 2007, le professeur Dominique Belpomme a reconnu que le rapport de l’association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC), dont il a été le principal rédacteur, souffrait de certaines erreurs résultant de données épidémiologiques défectueuses. Malheureusement, dans les dossiers mettant en jeu des questions de santé publique, les évaluations les plus alarmistes sont souvent celles qui reçoivent le plus important écho médiatique. A contrario, lors de son audition par les membres de la sous-commission, la présidente de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) a souligné l’extrême complexité de toute évaluation des effets des pesticides sur la santé.

Outre les études américaines dont nous disposons aujourd’hui et dont les résultats, relayés notamment par le journal Le Monde, font état d’une possible incidence sur le développement du cerveau du fœtus et du jeune enfant ainsi que d’un risque élevé de cancers de la lymphe chez les agriculteurs, nous devrions prochainement avoir connaissance des conclusions d’une étude de très grande ampleur actuellement menée par la MSA (Mutualité sociale agricole), nommée Agrican. En effet, en tant qu’utilisateurs directs, les agriculteurs sont les sujets les plus exposés aux effets des pesticides, notamment ceux qui y ont eu recours sur la durée et qui les ont manipulé sans protection spécifique.

Il convient également de tenir compte de l’inquiétude de la population vis-à-vis des pesticides. Les enquêtes d’opinion montrent en effet que les Français se sentent de plus en plus concernés par l’utilisation des pesticides : ils sont ainsi 12% seulement à penser qu’on leur dit la vérité concernant les pesticides, et 14% ont confiance dans les autorités. A contrario, 63% des personnes interrogées classent les pesticides comme étant à l’origine de situations à niveau élevé ou très élevé de risque. Ces craintes ne semblent par ailleurs pas liées à une méconnaissance des produits en cause, dans la mesure où 50% des sondés donnent une définition juste du terme « pesticide ». Mais à la question « si des scientifiques indépendants vous disent qu’en dessous d’une certaine dose, des résidus de pesticides dans les aliments n’ont aucune incidence sur la santé, avez-vous tendance à les croire ou à ne pas les croire ? »,  57% des sondés répondent qu’ils ne le croient pas.

Les pesticides sont cependant soumis à un cadre juridique contraignant, qui devrait en outre être renforcé à la suite du Grenelle de l’environnement. Plusieurs directives communautaires sont ainsi intervenues depuis les années 1970 fixant notamment des listes de produits non autorisés, imposant la délivrance d’autorisations de mise sur le marché soumise à des conditions strictes d’efficacité des produits et d’utilisation conforme aux bonnes pratiques et à l’absence d’effets nocifs ou encore soumettant toute modification dans la composition d’un produit homologué au dépôt d’une nouvelle demande d’homologation.

Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, notre dispositif national devrait évoluer, notamment avec la mise en œuvre du plan Ecophyto 2018, plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides. Ce plan comporte deux volets : tout d’abord, est prévue la suppression progressive des 53 molécules les plus dangereuses, avec dans un premier temps le retrait des autorisations de mise sur le marché de 30 substances, entrant dans la composition de plus de 1500 préparations commerciales, considérées comme les plus préoccupantes, conformément aux annonces du ministre de l’agriculture et de la pêche en date du 1er février 2008 ; ensuite, la réduction de 50% de l’usage des pesticides dans la mesure du possible dans un délai inférieur à 10 ans est programmée. Afin d’assurer la mise en œuvre de ce plan, le ministre a chargé M. Guy Paillotin, secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture, de constituer un comité opérationnel chargé de formuler des propositions concrètes ; celles-ci devraient être connues dans les semaines qui viennent.

Parallèlement, le cadre communautaire régissant les pesticides est en train d’évoluer dans un sens plus restrictif. Non seulement plusieurs pays européens se sont engagés, comme la France, dans des programmes chiffrés de réduction d'utilisation des pesticides, mais sur le plan législatif, la Commission a proposé d’adopter un nouveau règlement concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires ainsi qu’une nouvelle directive-cadre relative à l’utilisation durable des pesticides. Ces deux actes ont fait l’objet d’une adoption par le Parlement européen le 13 janvier 2009.

Pour en revenir aux débats qui ont eu lieu dans le cadre du Grenelle de l’environnement, je rappellerais les deux engagements principaux ont été pris :

– supprimer ou restreindre au maximum l’emploi des substances extrêmement préoccupantes au sens du règlement REACH dans les produits phytosanitaires ;

– supprimer les produits phytosanitaires les plus préoccupants et réduire de moitié d’ici fin 2012 l’utilisation des produits pour lesquels il n’existe pas de substitution tout en accélérant la recherche et la diffusion des méthodes alternatives.

Devraient en outre contribuer à la réalisation de l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides, les engagements pris en faveur de la structuration de la filière biologique et de l’augmentation de la surface agricole utile cultivée en mode biologique, tels qu’ils résultent notamment de l’article 28 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Sur la base de ce constat, la sous-commission souhaite formuler un certain nombre de recommandations en vue des débats qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans les mois qui viennent. Tout d’abord, s’agissant des effets des pesticides sur la santé, une amélioration de la connaissance scientifique en la matière paraît indispensable. Interviennent aujourd’hui dans la production et l’interprétation des données en la matière, non seulement l’AFSSET, dont l’objet est déjà de coordonner une vingtaine d’organismes différents, mais également l’AFSSA (agence française de sécurité sanitaire des aliments) et, dans une moindre mesure, l’INRS (institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles). Une meilleure connaissance passe donc, selon nous, par l’attribution de la question des pesticides à un seul opérateur. Par ailleurs, un réel rapprochement devrait s’opérer entre les différentes équipes de recherche, françaises et européennes, qui travaillent sur le sujet.

La deuxième recommandation, qui représente davantage que la précédente le point de vue des professionnels, repose sur le constat que l’objectif de réduction de 50% peut être atteint, à conditions que sa mise en œuvre respecte quelques principes de bon sens. J’ai été surpris de l’état d’esprit constructif des professionnels sur ce sujet, notamment des coopérateurs, même si ceux-ci soulignent le surcoût que la réduction des intrants va occasionner, et insistent sur la nécessité de ne pas retirer de produits pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution.

Ainsi, chacun a pu noter la récente campagne des producteurs de fruits et légumes soulignant le fait que l’augmentation des coûts liés à la suppression de certains pesticides, de l’ordre de 30%, par exemple, pour la mâche, pourrait entraîner l’abandon de certaines cultures.

En outre, plusieurs professionnels émettent de fortes réserves s’agissant de la mise en œuvre de cet objectif de réduction par le biais d’un soutien exagéré à la filière biologique ; en affichant dans ce domaine des objectifs excessivement élevés, le Grenelle de l’environnement pose aux députés un problème sur lequel ils devront prendre position.

La troisième recommandation concerne la compatibilité des objectifs de réduction des intrants avec la sécurité alimentaire.

Une saine utilisation des pesticides est nécessaire à la productivité agricole. Comme le rappelle l’UIPP, près de 41 nouveaux insectes ravageurs ont été introduits en France entre 2000 et 2005 à cause du réchauffement climatique. Or la population mondiale devrait atteindre les 9 milliards de personnes en 2050, avec une production évoluant moins vite que la demande. Comment résoudre l’équation d’une moindre utilisation de produits permettant d’accroître la production, accompagnée d’une réduction des alternatives à l’utilisation de ces produits ?

La quatrième recommandation repose sur le constat que la France ne saurait avancer seule dans le domaine des phytosanitaires sans concertation avec ses partenaires européens.

Un reportage télévisuel récent a démontré l’impossibilité de se procurer certains produits en France, et la facilité à les acheter une fois de l’autre côté de la frontière. Selon les informations transmises par l’UIPP, sur les 30 substances dont le retrait est acté dans le cadre du plan Ecophyto 2018, 7 sont autorisées en application de la directive européenne de 1991. Dans les 23 qui restent à retirer dans le courant de l’année 2009, 19 sont inscrites à l’annexe I de cette même directive.

Il semble donc fondamental de ne pas retirer unilatéralement ces substances sans concertation avec nos partenaires européens, notamment les pays limitrophes.

M. Serge Poignant, président. La question des pesticides est extrêmement prégnante parmi la population. Il n’est donc pas inutile, comme vous l’avez fait, de rappeler de quoi on parle. Ma première observation a trait au fait qu’en cette matière les activités de vente ne sont pas distinguées de celles de conseil. Ne pensez-vous pas que cela peut expliquer la suspicion à l’égard de ces produits ? En outre, il est nécessaire de mesurer les inconvénients mais aussi les avantages de l’utilisation des pesticides. Le collectif « sauvons les légumes » a soulevé à cet égard une vraie difficulté. Les agriculteurs sont disposés à faire des efforts, mais il faut du temps pour développer des techniques de substitution, et ces techniques coûtent cher. Les objectifs du Grenelle de l’environnement doivent être tenus, mais selon des modalités propres à ne pas mettre en péril certaines cultures.

M. Claude Gatignol. Je salue la qualité de cette communication, qui sur un sujet sensible dresse un état des lieux très documenté et formule des propositions intéressantes. C’est un document qui sera utile aux travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui m’a chargé d’un rapport sur les pesticides.

Il faut faire preuve d’une grande prudence dans le discours, comme sur tous les sujets pour lesquels la science intervient en amont afin d’orienter les choix politiques. Il faut se garder des caricatures et des anathèmes.

Il faut par exemple marteler l’existence d’un lien directe entre la dose et le seuil, mais aussi la multiplicité des facteurs qui peuvent interférer.

Rappelons également que l’état de santé de la population s’améliore, l’ espérance de vie s’accroît, et qu’il faut créer les conditions pour que cette amélioration se poursuive, par exemple à travers des campagnes de communication à l’instar de celle sur la nécessité de consommer cinq fruits et légumes par jour.

S’agissant de l’utilisation des pesticides, il existe deux grandes catégories d’utilisateurs : les producteurs de fruits et légumes et ceux que l’on pourrait appeler les « utilisateurs du dimanche », d’une part, et les grandes exploitations, d’autres part, lesquelles utilisent de grandes quantité de pesticides. Cette utilisation soulève des interrogations pour eux, mais aussi pour les consommateurs ainsi que pour la santé des animaux et des commensaux.

Gardons en tête que les pesticides sont des médicaments pour des plantes à vocation alimentaire, ils contiennent des substances actives et sont utiles pour nourrir les populations. L’été 2007 a été marqué par une grande humidité, et si nous n’avions pas disposé de pesticides adaptés, nous nous serions retrouvés dans la même situation que l’Irlande en 1830, dans l’incapacité de protéger nos cultures de pommes de terre contre le mildiou.

Il convient par ailleurs de fixer les limites maximales de résidus au niveau adéquat, en ayant en tête que bien souvent ces limites sont mille fois inférieures à la dose produisant un effet sur la santé humaine.

S’agissant du problème de l’eau, la rémanence de certains produits comme l’atrazine, utilisée dans les cultures de maïs, et dont on retrouve la présence quinze ans après son épandage, soulève de réelles difficultés, mais les résidus de pilules contraceptives ont des effets plus nocifs sur certaines espèces.

L’utilité des pesticides est parfois méconnue : outre le fait qu’ils permettent de garantir un niveau de production agricole compatible avec les besoins de la population, les toxicologues, les épidémiologistes et le cancérologues s’accordent pour reconnaître que sans produits phytosanitaires, le développement de champignons engendrant des alphatoxines cancérigènes ne pourrait être endigué.

L’utilisation du DDT avait permis de faire passer de 5 millions à 5000 le nombre de cas de paludisme, et de chiffre est remonté à 3 millions depuis l’interdiction de cet insecticide.

Les biocides permettent de contrôler la croissance de la population d’étourneaux, redoutables prédateurs et vecteurs de nombreuses maladies.

Des interrogations ont pu être émises sur les effets de certains pesticides sur les insectes pollinisateurs et notamment les abeilles, mais ces doutes ont été dissipés par une récente étude de l’AFSSA.

Une utilisation maîtrisée de toutes ces substances et nécessaire, il convient de veiller à l’interdiction des produits dangereux, et à développer des solutions alternatives par le développement de substances moins rémanentes et moins concentrées, mais aussi de plantes transgéniques. Le Haut comité des biotechnologies, dans lequel mes collègues m’ont fait l’honneur de me désigner, aura à cet égard beaucoup de travail, notamment afin d’éviter les écueils du principe de précaution et de la clause de sauvegarde, et je voudrais à cet égard relayer l’appel d’urgence du professeur Marc Fellous, membre de la commission du génie biomoléculaire, qui nous a déclaré  que la recherche en biotechnologies était sinistrée, le dernier laboratoire français venant de quitter la France pour aller au Chili. Cette recherche a été fauchée avant d’atteindre sa pleine maturité.

M. Michel Raison. Je vous félicite de la qualité de votre travail. Le travail de définition auquel vous vous êtes livré est utile, mais un peu à l’instar de ce que l’on trouve sur la notice d’un médicament, ne peut-on pas imaginer de dresser une liste des indications, des effets positifs de ces produits ?

S’agissant des chiffres dont vous faites état dans votre rapport, vous mentionnez des tonnages de produits, mais il conviendrait d’être plus précis, en particulier de disposer de données sur la quantité de matière active utilisée.

De même le chiffre selon lequel 40% des produits sont utilisés sur 80% de la surface agricole pourrait être précisé par type de cultures, ainsi que par type de produits : 40% sont des fongicides, qui ne présentent absolument aucun danger, alors qu’un blé fusarié est mortel pour les animaux, et présentent de graves dangers pour l’homme.

Mme Catherine Coutelle. La France est le troisième consommateur mondial de pesticides, cette donnée n’est pas anodine. Par ailleurs je souscris au constat de mes collègues sur la nécessité d’une harmonisation européenne.

J’ajoute que la question des pesticides souligne la nécessité d’une recherche publique et indépendante ; en outre, l’information des agriculteurs sur l’utilisation des produits doit être faite de manière également indépendante du prescripteur.

A cet égard, la Mutualité sociale agricole mène des études qui mettent en évidence le caractère plus fréquent des cancers chez les agriculteurs que dans le reste de la population.

Il faut veiller à ce que les consommateurs soient pleinement informés de la provenance des produits qu’ils consomment, car cette provenance n’est pas sans incidence, compte tenu des modes de culture, sur la qualité finale du produit. Il faut aussi souligner que la qualité des produits ne dépend pas de leur aspect extérieur.

Enfin, l’utilisation des pesticides nuit à la qualité de l’eau.

M. Michel Raison. Je souhaitais donner un autre exemple des avantages liés à l’utilisation des pesticides. Dans ma région, on ne peut plus consommer de pissenlits, car les campagnols prolifèrent à défaut d’instrument de lutte efficace, contaminent les renards en leur transmettant l’équinococose, parasite aux effets extrêmement graves sur la santé. Ces renards urinent sur les pissenlits, les rendant impropres à la consommation.

M. Jean-Marie Sermier. Je salue l’excellent travail réalisé par le président de la sous-commission Environnement, qui a réalisé un travail objectif sur un sujet passionné.

On ne dispose pas à ce jour d’étude qui établisse de manière formelle un lien entre les pesticides et la santé. Un travail commun des équipes de recherche françaises et européennes est nécessaire, afin que chacun avance au même rythme : on ne peut interdire en France un produit dont l’utilisation est autorisée dans les pays voisins. L’arsenic destiné à traiter l’escat de la vigne est interdit en France, mais autorisé en Suisse. Gardons-nous de mesures symboliques ou médiatiques !

Il faut également rappeler la différence entre seuil de détection et seuil de tolérance : si un résidu est détecté dans une denrée, cela ne signifie pas nécessairement que ce résidu aura un impact sur la santé.

Rappelons qu’un enfant meure de faim toutes les cinq minutes, alors qu’il  n’y a pas de problèmes de santé publique présentant un lien avéré et direct avec les pesticides.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. La France jouit d’une des alimentations les plus sécurisées au monde, il importe de le marteler.

Les pesticides revêtent clairement l’aspect d’une problématique européenne, l’harmonisation est en la matière indispensable, et il convient d’informer les consommateurs sur le fait qu’un même produit peut avoir été cultivé avec des techniques différentes.

S’agissant des eaux superficielles, malgré les efforts réalisés, l’amélioration n’est pas immédiate et la persistance de certains résidus entraînent un déclassement de certaines ressources, et soulève des difficultés dans le cadre des schémas départementaux de gestion des eaux.

M. Alain Gest. Je vous remercie de vos observations. La séparation de la vente et du conseil constitue un sujet qui a été abordé dans le cadre du Grenelle I. Mme la secrétaire d’Etat à l’Environnement a récemment fait état d’un accord de principe sur la séparation des ces deux activités et sur la création d’une offre de conseil indépendant. Une résolution du Parlement européen affirme également la nécessité d’un conseil distinct de la vente et placé sous la surveillance d’un professionnel ou d’un praticien.

J’intégrerais par ailleurs à mon rapport les éléments demandés par Michel Raison sur les effets positifs des pesticides. S’agissant des chiffres sur le tonnage de matières actives, les données dont nous disposons ne sont pas satisfaisantes, et les professionnels ne sont pas en la matière d’une totale transparence. On peut en effet mettre en évidence une baisse du tonnage alors que la concentration de matières actives augmente. Je vais également tâcher de trouver des données plus précises sur l’utilisation des pesticides en fonction des catégories d’utilisateurs.

J’ajoute que si la France est en effet un des plus gros consommateurs de pesticides, nous sommes aussi un des plus gros producteurs agricoles. Lorsqu’on fait le rapport entre ces deux données, nous ne sommes qu’en troisième position au niveau européen.

Les risques sur la santé des agriculteurs sont actuellement mesurés dans le cadre d’une grande étude de la MSA.

Enfin, l’information sur les pesticides constitue un exercice extrêmement difficile, comme tous les sujets très médiatisés et comportant des problématiques de santé publique. L’information doit être considérée comme crédible.

Elle doit être indépendante, et je ne doute pas que les coopératives qui commercialisent ces produits ont à cœur la santé de leurs mandants. L’objectif de réduction de l’utilisation des intrants va d’ailleurs conduirent celles-ci à se repositionner sur les activités de conseil.

Puis, la Commission a autorisé la publication de la communication de M. Alain Gest, sous forme d’un rapport d’information.

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