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Mercredi 18 février 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Examen du rapport d’information de Mme Catherine Vautrin, sur la filière canine

– Audition de M. Christian Kert sur son rapport relatif à l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques, déposé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (n° 1047)

– Information relative à la commission

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a examiné, le rapport d’information de Mme Catherine Vautrin sur la filière canine.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a examiné le rapport de Mme Catherine Vautrin dans sa séance du mercredi 18 février 2009.

Le président Patrick Ollier a rappelé que l’initiative d’une mission d’information sur la filière canine avait été prise à la suite du vote de la loi du 20 juin 2008 sur les chiens dangereux, dont Mme Catherine Vautrin était le rapporteur. Il était, en effet, apparu que le texte de loi ne pouvait intégrer certains éléments connexes à la problématique des chiens dangereux et qu’il convenait donc d’approfondir le sujet en étudiant l’organisation de la filière canine en France.

Après l’exposé du rapporteur, M. Jean Gaubert a estimé que les propositions de celui-ci aboutissaient à un système très administré et parfois difficile à appliquer, telle que la suggestion d’instituer une obligation générale de déclaration.

S’agissant des chiens dangereux, l’éducation des propriétaires n’est pas suffisante, il faut envisager le problème de façon plus globale.

Le rapport ne comporte pas de proposition relative au volet sanitaire des animaux de compagnie qui, cependant, peuvent transmettre des maladies à l’homme.

M. Serge Poignant a relevé que le rapport comportait un grand nombre d’informations mais ne semblait pas s’être intéressé à la question des chiens de concours et de démonstration.

Concernant les expérimentations sur les animaux, la proposition issue des rencontres « Animal et Société » et visant à promouvoir des méthodes alternatives rencontre inévitablement des limites eu égard aux besoins de la recherche.

M. André Chassaigne a indiqué qu’on apprenait beaucoup de choses dans le rapport, concernant notamment le chien dans la littérature et l’histoire de la protection des animaux, qui montre l’importance du rôle des associations.

Un bilan sera à dresser de l’application des dernières lois sur les chiens dangereux, qui posent de nombreux problèmes aux élus locaux.

La question des chiens errants, dont l’importance est apparue lors des travaux de la commission d’enquête sur les prédateurs, de 2006, devrait également être étudiée de près.

Le développement des métiers du chien exige une meilleure reconnaissance et un contrôle plus rigoureux des qualifications.

M. Lionnel Luca s’est réjoui de la place prise dans le rapport par l’observation de l’animal dans la société mais a regretté que le problème des chiens errants ne soit pas suffisamment pris en considération par les maires, qui devraient mieux collaborer avec les associations.

Les animaleries sont souvent au centre des trafics de chiens. Il conviendrait de supprimer, à terme, ce type de commerce au profit de l’activité des éleveurs.

Mme Pascale Got a évoqué la question des chiens de chasse et des animaleries.

Le président Patrick Ollier a estimé que le rapport, complet et excellent, mériterait d’être prolongé sur des questions telles que la répression relative aux chiens abandonnés et errants, qu’ils aient ou non un maître et qu’ils soient ou non de chasse.

Dans ses réponses, Mme Catherine Vautrin a indiqué ou rappelé que :

– la filière canine étant à ce jour totalement inorganisée, il ne fallait pas craindre de recourir, dans un tel contexte, à des formules d’administration publique ;

– l’aspect sanitaire de la question, essentiel, était traité dans le rapport au travers de deux propositions : le recueil des obligations existantes et l’élaboration de « chien mode d’emploi » ;

– il était convenu, lors de la constitution de la mission d’information, qu’on ne reviendrait pas sur les dispositions de la loi relative aux chiens dangereux, à peine votée ; il faut toutefois reconnaître que des difficultés subsistent, concernant notamment les clôtures qui, en l’absence de réglementation, ne permettent pas de garantir une protection suffisante ;

– les concours de chiens, quelle que soit leur nature, obéissent à des règles et à des usages encadrés par la Société centrale canine qui, en la matière, exerce ses missions de façon satisfaisante ; cet organisme sera d’ailleurs un des acteurs majeurs de l’INAC, institution dont le rapport préconise la création ;

– les expérimentations animales sont déjà strictement réglementées et ne pourront probablement être totalement prohibées ; il convient cependant de les limiter au minimum indispensable ;

– le renforcement des contrôles visant à supprimer les trafics de chiens est au cœur des propositions du rapport ;

– l’observation des animaleries montre une grande disparité de situations : certains établissements, notamment ceux affiliés à de grandes enseignes, sont correctement tenus ; d’autres, en revanche, plus « artisanaux » ne satisfont pas aux règles minimales d’hygiène et de protection des animaux ; c’est bien pourquoi il faut resserrer la filière canine autour d’un cahier des charges précis ;

– le problème des chiens errants illustre parfaitement l’absence de statistiques fiables sur l’univers canin : on est aujourd’hui incapable de fournir des chiffres autres que très approximatifs. Il faut donc commencer par là, c’est la proposition n° 2 du rapport ; après quoi, lorsque l’on connaîtra l’ampleur du problème, il faudra inciter et aider les collectivités locales à s’équiper, ce qui sera une des missions de l’INAC qui jouera auprès d’elles le rôle de conseil technique ;

– la rationalisation des métiers du chien constitue un enjeu essentiel pour l’organisation de la filière ; c’est pourquoi la détermination et le contrôle des qualifications professionnelles, le soutien à la formation et la mise en place, au moins, d’un embryon de convention collective sont au cœur du rapport ;

– la question des chiens de chasse (on aurait pu mentionner aussi les chiens d’aveugle, de cirque, d’avalanche, de sécurité, voire de traîneaux…) n’est pas abordée en tant que telle puisque le parti pris par la mission fut, dès l’origine, d’adopter une vision intégrée et non analytique de la filière canine ;

– l’organisation de celle-ci permettra notamment de mieux responsabiliser les propriétaires et de maîtriser l’actuel maquis des élevages, des importations et de la vente de chiens ;

– établir, pour mémoire, et mettre en ordre l’ensemble de la réglementation applicable aux chiens, toutes problématiques confondues, fait précisément partie des préconisations de base du rapport (proposition n° 1).

Après quoi, la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a décidé, à l’unanimité, d’autoriser la publication du rapport d’information.

◊ ◊

Puis la Commission a entendu M. Christian Kert sur son rapport relatif à l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques, déposé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (n° 1047).

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui notre collègue Christian Kert, venu nous présenter le rapport sur la sécurité des barrages hydrauliques, qu’il a déposé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Lors de sa réunion du 18 juillet 2007, la Commission avait saisi l’OPECST pour qu’il dresse un état des lieux du niveau de sûreté des barrages français et formule des recommandations afin de l’améliorer. La publication dans la presse, en mars 2007, d’éléments d’un rapport interne d’EDF avait en effet suscité de légitimes inquiétudes sur l’état de plus de deux cents barrages dans notre pays. De nombreux élus de la montagne notamment s’étaient alors alarmés.

M. Christian Kert, rapporteur de l’OPECST. Je vous remercie de m’avoir invité. Dès que votre Commission a fort opportunément saisi l’OPECST de cette question, je me suis attelé à ce rapport que j’ai remis l’été dernier. La réflexion a encore été affinée depuis lors.

Je remercie le directeur de l’OPECST, la directrice adjointe et les collaborateurs de l’Office venus assister à cette présentation. Nous avons travaillé ensemble pendant plus d’un an à explorer les arcanes de l’auscultation, du contrôle, de la maintenance des barrages, notamment en zone de montagne, et étudié les moyens d’améliorer leur sûreté.

Un film est projeté, retraçant la tragédie de la rupture du barrage de Malpasset dans le Var, qui fit 423 victimes le 2 décembre 1959.

M. Christian Kert. Comme il est rappelé dans le film, l’accident a eu lieu quelques jours seulement après la mise en eau du barrage, qui est toujours un moment délicat puisque ce n’est qu’alors que peuvent se manifester d’éventuelles défectuosités. Il serait faux de penser qu’une telle tragédie ne peut pas se reproduire. En effet, chaque année, de par le monde, surviennent des accidents de barrages, plus ou moins graves, mais dont certains font encore de nombreuses victimes.

Le débat sur la sûreté de ces équipements a été ouvert dans notre pays après la publication par le magazine Capital d’éléments d’un rapport interne d’EDF, jugés alarmants par nombre de députés et sénateurs, qui possédaient des barrages dans leur circonscription. Ainsi la mienne accueille-t-elle le grand barrage de Bimont, mais certaines peuvent compter jusqu’à plus de cent retenues d’eau, de volume variable. Le Gers, qui n’est pourtant pas un département très vaste, compte à lui seul 2 870 barrages, retenues d’eau diverses et digues de retenue – il faut entendre par là les digues qui restent d’ordinaire sèches et ne servent de protection que lorsque le cours d’eau déborde de son lit.

Nous célébrerons en 2009 le centième anniversaire du dernier séisme meurtrier en France, celui de Lambesc en 1909, qui fit une soixantaine de victimes. Nous avons décidé, avec l’OPECST et d’autres institutions, de profiter de cette commémoration pour alerter sur le risque sismique dans notre pays et la nécessité d’améliorer la sécurité sur ce point. En effet, la plupart de nos barrages hydroélectriques, situés en zone de montagne, se trouvent dans les trois zones du territoire métropolitain où le risque sismique est le plus élevé -bassin Rhin-Rhône, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Pyrénées. Le séisme survenu en 2008 dans la province chinoise du Sichuan, d’une magnitude de 9 sur l’échelle de Richter, a tragiquement rappelé l’actualité du problème : quelque 80 barrages y ont été ébranlés -sans toutefois qu’aucun ne cède. En dépit de l’indéfectible optimisme de certains ingénieurs qui font valoir qu’un barrage résiste mieux à un séisme que toute autre structure bâtie parce que le poids et la poussée de l’eau stabilisent les plots, il est fondé de s’interroger sur les moyens de parer au mieux au risque.

Au début de nos travaux, nous avions plutôt envisagé de nous intéresser aux grands barrages hydroélectriques, puisque c’est eux que le magazine Capital avait pointés comme dangereux, expliquant que leur maintenance avait pris du retard et qu’EDF avait quelque peu négligé la sécurité -ce qui n’était d’ailleurs pas exact, les auteurs de l’article ignorant, lors de sa rédaction, qu’EDF travaillait à un vaste plan de rénovation de son patrimoine hydraulique, SuperHydro, qui vise à une remise aux normes totale de ses équipements à l’horizon 2012. Nous nous sommes rendus dans un pays qui construit encore près de deux grands barrages par an, le Maroc, pour examiner les techniques utilisées. Nous avons eu l’agréable surprise de constater que travaillaient essentiellement sur ces chantiers des ingénieurs et techniciens français.

En réalité, le plus gros problème, dans notre pays, tient aux milliers de petits et moyens barrages, dont on ne sait même plus, pour certains, qui en est le propriétaire. Jusqu’en décembre 2007, nul ne s’était préoccupé de leur état ni même simplement d’en dresser l’inventaire. Or, en cas de problème, se trouve posée la question de la responsabilité civile et pénale des propriétaires, publics ou privés. Nous préconisons donc que les préfets veillent à ce que les collectivités réalisent, si elles en ont les moyens, les travaux nécessaires sur les ouvrages leur appartenant. Peut-être faudrait-il aussi solliciter les conseils généraux dans le cadre de leur politique de l’eau.

Pourquoi comptons-nous autant de retenues d’eau en France ? Bien antérieurement à la production d’électricité, en définitive assez récente, ces équipements servaient, depuis le 16ème siècle, à la régulation des crues et du débit des voies navigables, ainsi qu’à l’alimentation en eau potable. Beaucoup plus récemment, d’énormes réserves, le plus souvent décriées par les défenseurs de l’environnement, sont également utilisées pour l’enneigement artificiel des domaines skiables.

Si chaque barrage est un cas particulier, il en existe néanmoins trois grands types selon leur structure : béton, remblais ou hybride. On compte en France 750 barrages de plus de dix mètres de haut, dont 296 de plus de vingt mètres – qui, mal entretenus, pourraient se révéler très dangereux. Tout barrage, quelles que soient sa hauteur et sa contenance, peut présenter des risques, que ceux-ci soient liés à un défaut de maintenance et de contrôle ayant conduit à l’obsolescence des matériaux, à une crue trop importante par rapport à son dimensionnement, à des accidents de terrain – mouvements ou glissements comme il s’en est produit dans les Alpes-Maritimes –, à un séisme. Il semble que l’on ait tenu compte des enseignements de la tragédie de Malpasset. De 1959 à 1987, une mise aux normes de toutes les installations a eu lieu et leur sûreté a été améliorée, ce qui a permis qu’il n’y ait plus depuis lors d’accident majeur dans notre pays. Cette politique repose sur un contrôle par les DRIRE des barrages les plus hauts qui mettent directement en jeu la sécurité publique, et sur la responsabilisation des maîtres d’ouvrage.

J’ai été heureusement surpris de la minutie avec laquelle les barrages sont auscultés, quotidiennement pour les plus importants d’entre eux. Tous les dix ans, ils sont entièrement vidés pour vérifier la résistance de leurs fondations. Enfin, la tenue et le comportement de tous les grands barrages sont évalués tous les jours par un ou plusieurs agents, toutes les données techniques collectées étant centralisées puis transmises par voie informatique aux gestionnaires.

Je prendrai trois exemples de barrages présentant chacun des risques différents. Tout d’abord, celui du barrage de Bimont, situé dans ma circonscription. Construit de 1947 à 1951 et faisant 87 mètres de haut, il a nécessité 120 000 mètres cubes de béton. Propriété du Canal de Provence, il est destiné à réguler le débit du Verdon et à garantir la sécurité d’approvisionnement en eau de toute la région de Marseille. Deux entreprises ont participé à son édification, l’une ayant fourni un béton de moins bonne qualité que l’autre, si bien que dans les années 60, des fuites sont apparues dans les galeries puis dans le mur même de l’édifice du fait d’une maladie du béton – que l’on a pu traiter néanmoins sans avoir à vider totalement l’ouvrage. Le problème demeure que ce barrage est situé sur la faille sismique de la moyenne Durance, à une vingtaine de kilomètres seulement de l’épicentre du séisme de 1909. D’où notre proposition de poursuivre les recherches afin d’améliorer la résistance sismique des ouvrages situés dans des zones à risque.

Deuxième exemple : le monumental barrage du Chambon, dans l’Isère, construit dans les années trente et qui fait 137 mètres de haut. Son béton a, lui, développé une grave maladie, avec l’apparition de boursouflures qui font avancer son mur de quelque trois millimètres par an. Pour l’instant, la seule solution trouvée par EDF, qui en est propriétaire, est de réaliser dans le mur des tranchées servant de joints de dilatation. Faute de remède durable, il faudra évidemment un jour reprendre totalement ce barrage, c’est-à-dire le reconstruire, sans doute à l’aval de l’existant.

Troisième exemple : les petits et moyens barrages éparpillés sur l’ensemble du territoire, dont la variété est infinie et les situations très diverses. Les visites que j’ai effectuées sur le terrain, notamment dans le Gers et l’Aude, m’ont permis de constater qu’au fil des ans, on avait vraiment baissé la garde en matière de prévention. J’ai ainsi vu, au cœur d’un village de vacances de 600 bungalows, deux retenues d’eau superposées avec un dénivelé de 70 mètres, avec de surcroît un îlot d’habitations construites au bas de la première retenue. Et le directeur de ce centre de vacances avait été l’adjoint au maire ayant délivré les permis de construire ! Ailleurs, j’ai découvert un camping, situé non seulement en zone inondable mais aussi en contrebas d’un barrage de 18 mètres de haut. Son responsable était également chargé de surveiller le barrage !

Ces trois exemples illustrent l’urgente nécessité de réaliser un audit non seulement de l’état technique de nos barrages mais aussi des dangers potentiels qu’ils peuvent faire courir dans leur environnement immédiat.

La saisine de l’OPECST par votre Commission a accéléré les choses. Un décret avait déjà été pris le 11 décembre 2007 exigeant des directions départementales de l’agriculture et de la forêt qu’elles recensent tous les barrages sur l’ensemble du territoire et effectuent ce double audit. D’ici à la fin de 2009, un état des lieux précis des installations existantes devrait être enfin disponible.

Il faudrait également parvenir à une politique plus homogène de construction et d’entretien des digues de protection. Deux conceptions rivalisent encore dans notre pays. Pour les grands aménageurs de digues comme celles de la Loire, du Rhône, notamment du Bas-Rhône en Camargue, une digue efficace fait environ huit mètres de haut, possède un chemin de ronde de deux mètres à son sommet qui permet la circulation de véhicules, mais surtout ne doit comporter aucune végétation, pas même de l’herbe. Lorsqu’il est arrivé que des digues de protection cèdent en Camargue, c’est que l’on avait laissé des riverains y installer des tuyaux et que des animaux, notamment les ragondins, y avaient creusé des galeries fragilisant l’édifice. Les grands syndicats d’aménagement veillent maintenant à la conformité et à la solidité des ouvrages. Mais dans d’autres régions de France, où ce sont les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) qui s’occupent de digues de plus petite dimension, les ingénieurs demandent qu’on préserve la biodiversité à leurs alentours, si bien qu’elles finissent par crouler sous la végétation, au risque de s’effondrer à la première crue d’importance. Nous demandons donc dans notre rapport que l’on harmonise les politiques en la matière.

D’une manière plus générale, que proposons-nous ? Tout d’abord, pour les grands barrages hydroélectriques, nous souhaitons obtenir d’EDF, après que l’entreprise aura mené à son terme le plan SuperHydro, l’assurance d’un suivi et d’une maintenance des ouvrages qui rendent à jamais inutile un nouveau plan spécifique de même ampleur, une enveloppe budgétaire annuelle dédiée devant suffire. Nous demandons également que la sécurité constitue un élément clé des dossiers de candidature lors du renouvellement des concessions et que l’État impose de manière réglementaire les mêmes exigences aux nouveaux concessionnaires qu’à EDF antérieurement. Enfin, nous souhaitons que soient poursuivies les recherches, d’une part sur les maladies du béton car, même si seuls quelques barrages sont aujourd’hui affectés, ils le sont gravement et d’autres pourraient le devenir, d’autre part, sur les moyens de renforcer la sûreté des barrages en zone sismique, même si le risque n’est que modéré dans notre pays. La Commission internationale des grands barrages va probablement retenir ce sujet pour thème de sa conférence annuelle.

S’agissant des petits et moyens barrages, nous avons demandé -et obtenu- leur recensement ainsi qu’un bilan de leur état technique. Nous souhaitons que les conseils généraux soient responsabilisés dans leur politique d’aide aux collectivités et puissent se substituer, si nécessaire, aux propriétaires défaillants dans l’entretien des ouvrages. Nous avons également demandé que les ingénieurs des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et des DDAF reçoivent la même formation, car l’an dernier encore, les premiers étaient beaucoup mieux formés -notre demande a été satisfaite, les formations ayant été harmonisées.

Après le décret du 11 décembre 2007, notre rapport a lui-même été suivi d’effets concrets avec une directive du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire exigeant que les nouveaux concessionnaires présentent les mêmes garanties qu’EDF. Pour ce qui est d’EDF, l’entreprise s’est engagée à tenir le Parlement, notamment l’OPECST, informé de ses efforts. D’importantes avancées ont donc eu lieu.

M. le président Patrick Ollier. Au nom de la Commission tout entière, je vous remercie de l’excellent travail que vous avez réalisé. Nous avions en 2007 saisi l’OPECST de la question de la sécurité des barrages non seulement à cause des inquiétudes soulevées par un rapport interne d’EDF, dont des éléments avaient été diffusés dans la presse, mais aussi parce qu’enflait alors une controverse sur le montant des investissements nécessaires pour la maintenance des ouvrages. Nous nous inquiétions également du rythme des travaux et du renouvellement des concessions, ainsi que des modalités d’action et de contrôle de l’État. Vos propositions très concrètes nous sont donc aujourd’hui précieuses. Notre Commission reste à la disposition de l’Office pour contrôler la bonne exécution des mesures prises et aller plus loin encore si nécessaire.

M. André Chassaigne. Je salue à mon tour l’important travail réalisé par notre collègue qui dresse dans son rapport un état des lieux… dont on ne peut que s’étonner qu’il n’ait pas été dressé plus tôt, et formule d’intéressantes propositions sur le plan réglementaire, notamment pour le renouvellement des concessions. Avec la privatisation croissante de la production d’électricité, il est très important que celui-ci soit assorti d’exigences très strictes en matière de sécurité.

Dans ma circonscription, de nombreux moulins, essentiellement à farine, ont été transformés en résidences secondaires, une retenue d’eau ayant parfois été maintenue au-dessus de l’habitation, sans que les acheteurs aient vraiment conscience des risques encourus. Une réflexion a-t-elle été conduite sur le sujet ? En cas d’accident, la responsabilité des maires pourrait-elle être recherchée ?

M. Jean Proriol. Je félicite moi aussi Christian Kert pour la qualité de son rapport. J’ai plusieurs questions. Les barrages n’ont-ils après tout qu’une certaine « durée de vie » et si oui, quelle est-elle ? Existe-t-il toujours un marché actif d’achat et de vente des barrages ? Dans ma circonscription, quantité de petites retenues d’eau qui, jusque dans les années 50 étaient recherchées et très bien entretenues, sont aujourd’hui laissées à l’abandon, envahies par la végétation, ce qui pose des problèmes de sécurité. Un point a-t-il été fait de ces situations ? Enfin, tout au long de votre travail, Monsieur le rapporteur, avez-vous ressenti un affrontement entre « pro-barrages » et « anti-barrages » ?

M. François Brottes. Je remercie notre collègue de son important travail. Je m’interroge, pour ma part, sur le renouvellement, en cours, des concessions dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie. En effet, certains candidats à la reprise de barrages hydroélectriques, simplement attirés par le profit -un barrage n’est pas loin de constituer une tirelire inépuisable !-, ne présentent absolument pas les garanties de sécurité nécessaires. La Commission de régulation de l’énergie possède-t-elle une compétence spécifique pour analyser la capacité des nouveaux opérateurs à garantir la sécurité ?

J’aimerais également savoir quel est le niveau de taxation appliqué aux concessionnaires. Il me semble qu’on avait envisagé à un moment de fixer un prélèvement maximal, assez minime. Aubaine pour les intéressés qui achetaient pour une bouchée de pain un équipement destiné à produire indéfiniment de l’électricité et donc leur rapporter beaucoup, sans qu’ils soient véritablement taxés sur ces revenus, ce que je trouve scandaleux !

Autre problème : le contenu même des nouvelles concessions. Dans ma circonscription, à Fond-de-France, au pied du col des Sept-Laux, il y a un petit barrage avec une retenue près d’un refuge. Dans le précédent contrat de concession, il était prévu que EDF entretienne le chemin d’accès au refuge qui sert aussi à faire monter les troupeaux à l’estive. Or, dans les nouveaux contrats, est appelé à disparaître tout ce qui n’est pas directement lié à la production d’énergie. Pourquoi l’État n’imposerait-il pas aux nouveaux concessionnaires le même périmètre d’obligations qu’aux anciens ?

En montagne, les barrages sont des retenues placées sur des cours d’eau tumultueux, les torrents. Le problème est de savoir ce qui peut advenir en cas de crues torrentielles. Le service RTM (Restauration des terrains de montagne), intégré à l’ONF qui le perçoit, hélas, davantage comme une source de profits que comme une entité exerçant des missions régaliennes de sécurité civile, est très fragilisé, victime notamment de la RGPP, alors qu’il effectue un travail indispensable. La question de la sécurité des barrages va de pair avec celle de la sécurisation des lits des torrents. Quelles améliorations pourrait-on apporter en ce domaine ? Il faut reconnaître que RTM est à la fois juge et partie, service instructeur pour le compte des préfectures qui élabore les prescriptions en même temps qu’il passe ensuite les contrats avec les collectivités, dont il vit. Les bureaux d’étude concurrents dénoncent cet abus de position dominante, et je pense qu’en effet, ce problème sera un jour posé. Pour autant, il ne faut pas amputer les moyens budgétaires de RTM, comme c’est actuellement le cas, ce qui lui fait perdre en compétences. Sans ce service, nous ne disposons pas de l’expertise nécessaire. J’ai, pour ma part, toujours pensé que RTM devrait, à l’instar du dispositif qui existe pour la prévention des incendies de forêt, être rattaché au ministère de l’intérieur plutôt qu’à l’ONF, car il ne concerne en rien l’exploitation de la forêt. Notre Commission pourrait à tout le moins soulever la question.

M. Serge Poignant. Je remercie également M. Kert de son excellent travail. Sait-on aujourd’hui fabriquer un béton insensible à l’alcali-réaction, maladie la plus fréquente ? S’agissant des digues de protection, les dispositions législatives relatives aux plans de prévention des risques naturels pour les zones de construction nouvelles et aux plans de sauvegarde pour les zones déjà construites sont-elles bien mises en œuvre ?

M. Christian Kert. Monsieur Chassaigne, tous les moulins comportant une retenue d’eau sont identifiés sur le cadastre et indiqués comme tels chez les notaires. Le travail des DDAF est aujourd’hui de collecter l’ensemble de ces informations. Les moulins n’échapperont donc pas à ce recensement, si ce n’est que certains d’entre eux ont vu leur cours d’eau dérivé, au point que plus personne ne sait aujourd’hui s’il y a encore ou non une retenue… J’ai visité, notamment en Bretagne et dans l’Est, des moulins qui étaient encore en fonctionnement et étaient bien identifiés comme tels. Mais comme pour certaines digues et certains petits barrages, il y en a certainement dont on ne retrouvera pas le propriétaire. Les DDAF vont prendre contact avec les municipalités et les maires devront attester que le recensement de toutes les retenues d’eau a bien été effectué sur le territoire de leur commune.

Monsieur Proriol, il n’existe plus de marché actif de l’achat de barrages comme on en a connu du début du siècle jusqu’aux années 50. Une tendance inverse serait même à l’œuvre. Les collectivités étant excédées des problèmes potentiels de sécurité posés par certains barrages, une responsabilité nouvelle va probablement être confiée aux préfets. Ceux-ci pourront demander, si après un délai de cinq ans, les travaux de confortement et de sécurité nécessaires sur un ouvrage n’ont pas été réalisés, que celui-ci soit démoli et bien entendu interdit de reprise.

Y a-t-il des « pro » et des « anti » barrages ? Bien évidemment, et les attitudes varient fortement selon les régions. Pour m’être, à l’occasion de ce rapport, rendu dans une douzaine de régions, j’ai d’ailleurs noté une telle diversité de situations qu’il me paraît difficile de mettre en œuvre une politique générale de gestion de nos barrages, une fois leur recensement réalisé. Si celle des grands barrages a été au final satisfaisante, pour les petits et moyens équipements, pourtant de loin les plus nombreux, il sera très difficile de faire appliquer une règle uniforme.

Monsieur Brottes, le niveau de la taxation est demeuré inchangé. Pour ce qui est des concessions, une directive du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire exige expressément que les nouveaux concessionnaires présentent les mêmes garanties de contrôle, de maintenance et de sécurité qu’EDF. Le problème est de savoir qui va vérifier – et avec quels moyens – que les capacités des nouveaux opérateurs sont bien identiques à celles d’EDF. Votre interrogation est donc tout à fait légitime. Le ministre Jean-Louis Borloo, en toute bonne foi, est convaincu que sa directive met à l’abri de tout risque et pense que le bureau d’études d’EDF pourrait assurer le contrôle des repreneurs. Je juge, pour ma part, cela insuffisant. Toutes les suggestions à ce sujet seront donc bienvenues, et je me ferai un plaisir de les transmettre au ministre.

M. le président Patrick Ollier. J’en suis tout à fait d’accord. Nous pourrions mettre en place, au sein de la Commission, un groupe de travail, associant des députés de la majorité et de l’opposition, chargé de vérifier le cahier des charges imposé lors du renouvellement des concessions.

M. Jean Proriol. Lors de chaque renouvellement, de nouvelles prescriptions peuvent être édictées, notamment sur les débits réservés, la sécurité requise, la poursuite de l’entretien des accès… Tous ces détails se discutent chez le notaire !

M. François Brottes. S’agissant de l’entretien des chemins muletiers que j’évoquais tout à l’heure, il m’a été répondu que la directive européenne interdit de faire figurer dans le contrat de concession des éléments étrangers à l’activité de production d’énergie. Il faudra nous battre sur ce point car il y va de l’aménagement du territoire.

M. Christian Kert. S’agissant de RTM, je vous indique qu’une cellule « Risques » a été créée le 1er septembre dernier au ministère de l’environnement et qu’il a été envisagé de rattacher RTM à ce ministère.

M. Françoise Brottes. Pourquoi pas ?

M. Christian Kert. Une réflexion est donc en cours.

M. le président Patrick Ollier. Je peux, si vous le souhaitez, Monsieur Brottes, vous confier au sein de la commission un rapport d’information sur ces questions, que vous pourriez élaborer avec d’autres élus de la montagne ; il conviendra également d’associer la sous-commission sur l’industrie et l’énergie présidée par M. Jean Proriol.

M. François Brottes. Cela m’intéresserait beaucoup.

M. Christian Kert. Monsieur Poignant, vous m’avez interrogé sur les maladies du béton. Il se trouve que le centre de recherches d’EDF sur le béton est situé dans ma circonscription et que j’ai pu y rencontrer longuement ingénieurs et techniciens. Il m’y a été confirmé que tout béton peut aujourd’hui être atteint d’une maladie. C’est d’ailleurs pourquoi on tend à adjoindre d’autres matériaux aux bétons, sans pour autant que cela prémunisse contre ce risque. En revanche, les ingénieurs m’ont assuré que d’ici à cinq ans, on aurait mis au point des bétons totalement inaltérables à l’eau.

Pour ce qui est des plans de prévention des risques et des plans de sauvegarde, beaucoup de communes concernées, notamment les plus petites d’entre elles, ne les ont pas encore adoptés. Dans les zones de risque sismique, certaines n’ont toujours pas effectué une cartographie de la sismicité sur leur territoire ! Une réflexion s’impose donc sur l’élaboration de ces documents, car beaucoup de retard a été pris dans certaines régions. De nombreux maires se sentent, hélas, totalement démunis. J’ai ainsi rencontré une mairesse qui avait dans sa commune un petit barrage sur lequel passait une route à faible trafic, si ce n’est que le car scolaire l’empruntait quatre fois par jour ! Tétanisée à l’idée que l’ouvrage, en mauvais état et peu conforté, puisse s’effondrer lors du passage du car, elle s’est adressée au préfet qui lui a fait savoir qu’il appartenait à la commune de trouver les financements nécessaires aux travaux.

M. le président Patrick Ollier. Un dernier point que nous n’avons pas abordé car il n’est pas directement lié à ce rapport : la construction de nouveaux barrages. Je suis de ceux qui estiment que notre potentiel de production hydroélectrique est loin d’être saturé et qui militent pour que l’on puisse encore construire des barrages dans notre pays, dans le respect bien sûr des paysages et de la biodiversité. Or, certaines associations de défense de l’environnement, nationales et internationales, s’opposent résolument à la construction de tout nouvel équipement hydraulique. On a pu mesurer leur capacité de nuisance au Laos lors du projet de construction du barrage Nam Theum 2, actuellement en cours, sous la direction d’EDF d’ailleurs, ouvrage unique au monde de par sa conception, la vallée de la rivière Nam Theum servant de retenue d’eau avant que celle-ci ne se déverse par le biais d’un tuyau de 90 mètres dans une vallée adjacente.

Le Grenelle de l’environnement a pourtant fixé comme objectif de faire progresser de 100 000 tonnes équivalent pétrole la production d’énergies renouvelables dans notre pays d’ici à 2020.

M. Jean Proriol. M. Jean-Louis Borloo a suscité le tollé de plusieurs de ces associations de protection de l’environnement en proposant, lors de la célébration du cinquantième anniversaire de la mise en service du barrage de Génissiat, un plan de relance de l’énergie hydroélectrique permettant d’augmenter la production d’électricité de deux à sept térawatts/heure. Il ne faisait pourtant que reprendre un objectif fixé par M. Yves Cochet, qui avait préconisé la création de centrales hydroélectriques de proximité, afin d’éviter notamment la défiguration des paysages par l’édification de lignes électriques à haute tension. Deux ministres successifs de tendance politique différente défendent donc la même position sur le sujet ! Il faut souligner que les turbines actuelles sont beaucoup plus performantes que celles installées il y a trente ou même seulement vingt ans.

M. le Président Patrick Ollier. On peut déjà produire 20 % à 30 % d’électricité de plus sans changer ni les turbines ni les barrages. Et de nouvelles technologies restent à explorer.

La mission de notre collègue Christian Kert est donc d’autant plus importante que la page des barrages n’est pas tournée. Il faut aussi se préoccuper de la sûreté des équipements futurs, pas seulement du parc existant. Je vous propose donc de poursuivre notre travail sur le sujet, en liaison avec l’OPECST. Nous examinerons tout particulièrement la situation de RTM et les contreparties à exiger lors de la signature des nouvelles concessions.

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Information relative à la commission

La commission a procédé à la nomination d’un rapporteur sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques (sous réserve de son dépôt). Elle a désigné M. Jean-Louis Léonard.

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