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Mardi 24 mars 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 43

Présidence de Mme Fabienne Labrette-Ménager Vice-Présidente

– Audition de M. Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu M. Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA.

Merci, monsieur le président, d’avoir accepté cette audition, malgré la préparation du congrès de la FNSEA, le 31 mars prochain : il était pour nous essentiel de vous entendre avant le débat sur le bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC, qui aura lieu jeudi dans l’hémicycle.

Notre commission accorde une très grande importance aux questions agricoles, et notamment à la défense du modèle français. Nous avons suivi de très près l’élaboration du bilan de santé de la PAC, les négociations qui ont suivi et les mesures qui ont été adoptées, notamment par l’intermédiaire d’un groupe de travail ad hoc réunissant notamment MM. Michel Raison, Jean Gaubert et André Chassaigne. En juin dernier, ce groupe a remis un rapport comportant une proposition de résolution, qui a été adoptée à l’unanimité par la Commission et que nous sommes allés défendre au Parlement européen en novembre. Depuis, le bilan de santé de la PAC a été adopté. Les déclinaisons nationales sont en cours d’élaboration, ce qui génère des tensions à la mesure de l’enjeu : l’avenir de la PAC après 2013.

Nous entamons donc aujourd’hui un cycle d’auditions des organisations syndicales agricoles sur le bilan de santé de la PAC, qui se poursuivra dans le cadre de la sous-commission Agriculture avec la Confédération paysanne et la Coordination rurale le 31 mars, les Jeunes agriculteurs le 8 avril et le Mouvement de défense des exploitants familiaux, le MODEF, le 29 avril. Je propose que ces réunions soient ouvertes à tous les membres de la commission.

Monsieur le président, je vous laisse la parole.

M. Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles. Il convient tout d’abord de rappeler que le bilan de santé adopté le 20 novembre dernier par le conseil des ministres européens de l’agriculture était prévu par les accords de Luxembourg, qui avaient réformé en profondeur la politique agricole commune en 2003. Ce qui est actuellement en discussion, ce n’est pas une nouvelle réforme de la PAC, mais un certain nombre d’ajustements dans le droit fil des accords de 2003. Ceux-ci avaient en effet accordé aux États membres des marges de manœuvre, voire des libertés, dans l’application des décisions. Avait ainsi été prévue la possibilité de recoupler un certain nombre d’aides. Comme la France n’était pas favorable au découplage des aides – c’est-à-dire à la rupture du lien entre l’aide et l’acte de production –, elle a utilisé toutes les possibilités qui lui étaient offertes par les accords de Luxembourg. Pour ne prendre que deux exemples actuellement au cœur du débat, elle a décidé le recouplage à 100 % de la prime au maintien du troupeau des vaches allaitantes, la PMTVA, et le recouplage à 25 % des aides aux grandes cultures – nous devons être le seul État membre à avoir fait ce choix. Soit dit en passant, cette possibilité excluait quasiment de fait la régionalisation des aides : il ne peut y avoir de prime unique si coexistent des aides découplées et des aides recouplées !

Le débat français sur le bilan de santé de la PAC n’existe quasiment pas dans les autres États membres, car la majorité d’entre eux ont engagé, moyennant certains ajustements, une évolution vers une régionalisation des aides, voire vers une aide nationale unique. Parallèlement, les douze États membres les plus récents réclament de plus en plus fortement, vu la situation sur les différents marchés et l’évolution des prix agricoles, de disposer des mêmes niveaux de soutien que les quinze autres.

Il faut souligner que, malgré les tempêtes, la position de la commissaire européenne chargée de l’agriculture, Mme Fischer Boel, et de son entourage n’a pas changé : parvenir au « tout marché », avec, comme filet de sécurité, le régime de paiement unique, qui instaure le principe de l’aide directe. Nous pouvons débattre tant que nous voulons, le discours ne changera pas : « Peu importe la situation du marché, si cela va bien, tant mieux, si cela va mal, tant pis, débrouillez-vous avec le droit à paiement unique » – avec, éventuellement, quelques aménagements nationaux. On l’a vérifié hier encore, lors du conseil des ministres européens, à propos des quotas laitiers : quelle que soit la situation économique, il faut se satisfaire des rares outils de gestion des risques de marché qui restent. C’est triste à entendre, mais c’est ainsi !

Les décisions prises en novembre dernier ont renforcé cet état de choses. La Commission n’a guère laissé le choix, puisqu’elle a imposé le découplage total sur les céréales – avec, toutefois, une mise en œuvre échelonnée suivant les cultures. Le mot d’ordre actuel, c’est le découplage intégral ! La seule marge de manœuvre accordée aux États membres concerne le secteur de la viande bovine et ovine, pour lequel est accordé le droit de maintenir le recouplage, total ou partiel.

À l’aide de ce qu’il appelle sa « boîte à outils », le ministre français de l’agriculture a tenté d’apporter un certain nombre d’inflexions par rapport à cette politique. Lorsqu’en novembre 2004, Dominique Bussereau avait succédé à Hervé Gaymard au ministère de l’agriculture, j’avais défendu auprès de lui le principe – et c’est une position que j’assume, en tant que président de la FNSEA – que chaque producteur touche en 2006, année d’entrée en vigueur de la réforme de la PAC, un montant de compensations au plus près de celui de 2005. Telle est la situation actuelle.

C’est dans ce contexte qu’un certain nombre de sujets importants reviennent en discussion. La FNSEA a donné son accord à plusieurs évolutions présentées par le ministre.

Ainsi, personne ne conteste le fait qu’il était urgent de faire quelque chose en faveur du secteur ovin.

Personne ne conteste non plus qu’il fallait trouver le moyen, à travers l’enveloppe budgétaire consacrée aux aides du premier pilier, d’améliorer la gestion des risques en agriculture. Nous aurions souhaité aller plus loin et que soit évoquée la notion d’aléa économique, ou de risque de marché, mais la Commission européenne ne veut pas en entendre parler. Toutefois, une réelle avancée a été enregistrée dans la mesure où une enveloppe a été dévolue, du moins en partie, à l’assurance récolte et à la gestion des risques, notamment sanitaires. Il faut dire que nous avons traversé une suite de crises sévères, qu’elles soient sanitaires, avec la fièvre catarrhale ovine et la grippe aviaire, ou climatiques, avec la récente tempête dans le sud-ouest ! Cela répond, je crois, à une attente commune à la profession agricole et au monde politique.

Le développement de l’agriculture biologique s’inscrit pour sa part dans la ligne du Grenelle de l’environnement : un redéploiement des moyens paraissait nécessaire. Il en va de même du rééquilibrage des soutiens au profit de l’élevage à l’herbe. Certains privilégient les systèmes d’élevage à base de grandes cultures fourragères, d’autres les systèmes d’élevage à l’herbe. Cependant, tout le monde a fini par s’accorder sur la nécessité d’apporter un plus grand soutien à ces derniers.

Je voudrais souligner l’importance de la décision du Gouvernement de doter le deuxième pilier, consacré au développement rural, d’une enveloppe de 300 millions d’euros destinée à financer la prime à l’herbe agro-environnementale (PHAE), à revaloriser l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), à soutenir l’installation des jeunes et à encourager la conversion vers l’agriculture biologique. C’était pour nous un préalable. Le risque était en effet grand que cette somme soit prélevée sur le premier pilier, consacré aux aides directes. Pour Bercy, c’était une opportunité pour ne plus avoir à financer directement sur le budget national un certain nombre d’aides, notamment la part nationale de la PMTVA. Il s’agit donc d’un engagement politique important : ce ne sont pas les autres producteurs qui paieront ces mesures.

S’agissant des autres mesures annoncées par le ministre devant le CSO (conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire), compte tenu des attentes et des craintes des différents acteurs, personne ne pouvait être pleinement satisfait.

Toutefois, certaines régions s’y retrouvent. Ainsi, le soutien à la production laitière en montagne anticipe les conséquences prévisibles de l’abandon des quotas laitiers, que Mme Fischer Boel a confirmé avec force hier. Il est important, dans un pays comme le nôtre, de soutenir l’élevage et la production laitière en montagne.

Cela fait partie du volet « redistribution » : dès lors que l’on travaille en enveloppe fermée, il faut nécessairement prendre aux uns pour donner aux autres. Or certains producteurs nourrissaient de fortes attentes, tandis que les autres craignaient que le prélèvement soit trop élevé et viennent amputer de manière importante leur revenu – lequel, il faut bien l’admettre, est dans de nombreux secteurs comme les grandes cultures, la viande bovine ou la production laitière, largement dépendant des aides, d’autant que les marchés sont devenus extrêmement erratiques. On n’abordait pas en 2007 une discussion concernant les grandes cultures de la même manière qu’en 2006 ! Idem pour la viande bovine, ou pour la production laitière, pour laquelle, cette année, l’aide directe au producteur ne suffira pas. Il faut donc gérer au mieux les quelque 9 milliards d’euros du premier pilier.

Qu’en pense-t-on sur le terrain ? Il y aura demain à Paris une importante manifestation des agriculteurs des grands départements céréaliers, qui contestent la brutalité de la redistribution et l’importance de l’effort qui leur est imposé. Il est vrai qu’on aurait pu accorder une certaine progressivité et définir des niveaux de participation. D’un autre côté, on a également entendu à Clermont-Ferrand les éleveurs regretter que les annonces ministérielles ne soient pas à la hauteur de leurs attentes.

M. André Chassaigne. Ils ont raison !

M. Jean-Michel Lemétayer. En tant que président de la FNSEA, je dois gérer tout ça : c’est probablement la seule organisation où il y a un tel débat !

Tout le monde sait que l’enveloppe des aides n’augmentera pas. Il faut donc trouver des solutions équilibrées. Or je le disais ce midi encore, à l’occasion des Rencontres de l’agroalimentaire, à Michel Barnier : suivant la logique de la Commission européenne, il faudrait diviser l’enveloppe du premier pilier par le nombre d’hectares éligibles, ce qui représenterait, provision pour la gestion des risques incluse, une moyenne de 280 à 300 euros par producteur. Après prélèvement, il ne resterait pas grand-chose : de nombreux producteurs – et pas seulement les céréaliers – auraient de bonnes raisons de s’indigner !

Une majorité de pays a procédé ainsi. Pas nous : nous devons trouver une solution plus intelligente, ce qui n’est pas simple. En France, contrairement au Danemark ou aux Pays-Bas, nous n’avons pas de modèle d’exploitation agricole unique, mais une grande diversité d’agricultures. En matière de céréales, par exemple, on n’a pas du tout la même approche dans la région Centre, dans le Bassin parisien et dans le Sud-Ouest. Si nous souhaitons préserver la diversité agricole de la France, qui fait sa richesse, il faut gérer la politique agricole au plus près du terrain. Or les enjeux dépassent les débats sur les secteurs de productions pour toucher à notre culture alimentaire et à la politique des territoires. Il convient d’avoir la vision la plus large possible, ce qui rend les choses extrêmement complexes.

Pour l’instant, je ne souhaite pas jeter de l’huile sur le feu. J’essaie d’écouter tout ce qui se dit à la FNSEA : suivant le point de vue adopté, chacun est susceptible d’avoir raison. Si les céréales sont à 120 euros la tonne l’an prochain, ce sera le bazar dans les grandes cultures ; en revanche, si elles sont à 160 euros, les décisions du ministre seront supportables. Or personne n’est capable de prévoir l’état du marché dans un an. Dans le secteur laitier, l’embellie d’hier est devenue une catastrophe en 2009, à aide constante. On pourrait multiplier les exemples.

La modulation s’impose à tous : c’est une décision européenne que l’on ne peut pas discuter. En revanche, si l’on veut redistribuer les aides, il faut les mettre toutes sur la table, qu’elles soient couplées ou découplées, afin que tout le monde participe à l’effort de solidarité : c’est le préalable que j’avais posé, et c’est ce qui a été fait dans le cadre de l’article 68. Quant à l’article 63, il permet un redéploiement direct des aides des grandes cultures vers les systèmes d’élevage à l’herbe.

Au-delà de ces mesures ponctuelles, nous devons réfléchir à la manière dont nous allons légitimer les aides dans le difficile débat qui se profile sur l’avenir de la PAC après 2013. L’année 2009 verra le renouvellement à la fois du Parlement européen et de la Commission européenne, mais certains services à Bruxelles travaillent d’ores et déjà sur les perspectives financières. Or, en même temps que du budget de l’Union européenne, on discutera de celui de la PAC.

Nous autres Français devons défendre une politique agricole la plus européenne possible : un autre danger serait la renationalisation de la politique agricole. Nous devons nous atteler, en étant aussi unis que possible, à promouvoir une ambition agricole, agroalimentaire et alimentaire commune, susceptible notamment d’assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe.

Il ne faut pas se raconter d’histoires : pas plus que les Américains, nous ne sommes capables de produire aux prix du marché mondial. Nous ne saurons jamais faire du lait au prix néo-zélandais, des céréales aux prix australiens ou des fruits et des légumes aux prix maghrébins ou sud-américains. Ou bien il faudrait aligner les salaires et les conditions environnementales et sanitaires !

Au-delà du débat actuel sur le bilan de santé de la PAC, et une fois les arbitrages en suspens rendus, j’attends du Premier ministre, qui viendra à Poitiers conclure le congrès de la FNSEA, qu’il annonce des mesures d’accompagnement, concernant notamment les mesures rotationnelles ou la gestion des aléas économiques, susceptibles de compléter intelligemment le dispositif présenté par Michel Barnier, d’aider notre agriculture à garder sa cohésion et, surtout, de soutenir l’ambition agricole et alimentaire de notre pays.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Merci, monsieur le président. Il y a foule aujourd’hui pour vous entendre, ce qui montre tout l’intérêt que les députés portent aux questions agricoles !

La parole est à Michel Raison, président de la sous-commission Agriculture, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. On sent dans vos propos, monsieur le président, la volonté d’unité et de cohérence de la profession agricole française. À l’opposé de ceux qui n’ont qu’une vision partielle de notre agriculture, vous en avez montré la diversité, qui explique pourquoi toute réorganisation est si compliquée.

Vous l’avez dit, la discussion actuelle porte sur le volume et la répartition d’aides qui seront en définitive remises en cause à l’horizon 2013. Cela risque d’occulter un problème important : le soutien aux marchés. Par rapport aux autres pays européens, la France a livré en la matière un beau combat. Toutefois, si nous avions obtenu le maintien de quelques systèmes d’intervention par productions, cela aurait résolu une partie des problèmes actuels.

La disparition de ces systèmes est un de nos plus gros échecs européens. Trop souvent, on veut appliquer un raisonnement économique général à l’agriculture. Mais on ne peut pas comparer la production d’automobiles, qui se régule au point qu’une voiture est quasiment fabriquée à la commande, aux aléas d’une production agricole, qui plus est mondiale. Le marché agricole ne ressemblera jamais à un autre marché ! Peut-être faudrait-il revenir au système précédent. Ce n’est pas parce que la Commission a décidé que l’on supprimerait les quotas laitiers et que l’on ne conserverait que quelques petits filets prétendument protecteurs, que les choses sont définitivement acquises. Le combat continue.

S’agissant de la répartition des aides, on peut regretter qu’avant même d’examiner les véritables revenus des exploitations agricoles, on se soit attaché à ce que pensait l’opinion publique. On en a oublié l’origine historique de certaines aides, comme l’aide aux céréales, liée à la chute du cours mondial du blé en 1992.

Toutefois certaines productions ont davantage besoin de soutien économique que d’autres. Ainsi, depuis le début de la nouvelle législature, l’attention de l’Assemblée – et, en particulier, celle de la sous-commission Agriculture – a souvent été appelée sur le faible revenu des producteurs d’ovins. S’il y a unanimité nationale sur un point, c’est bien sur la nécessité d’une redistribution des aides en leur direction. Pour la « prime à l’herbe », se pose néanmoins la question de savoir s’il faut appliquer ou non un principe de dégressivité entre 0,8 et 0,5 UGB par hectare : les ovins ayant tendance à pâturer dans des endroits où personne ne veut aller, les taux de chargement à l’hectare sont nécessairement beaucoup plus faibles. Cela supposerait de trouver encore un peu d’argent, mais cela mérite réflexion.

On est obligé de financer la gestion des risques par une redistribution des aides du premier pilier, puisqu’il a fallu renoncer aux systèmes de soutien au marché.

Les situations peuvent être très disparates au sein d’un même secteur de production. Ainsi, pour la production de lait de montagne, il existe une grande diversité entre les revenus des producteurs de lait des Hautes-Vosges et de ceux du Haut-Doubs : personne, dans la région Franche-Comté, ne contestera la redistribution des aides vers les premiers. Mais on contesterait peut-être leur redistribution vers d’autres exploitations, plus riches.

Cette diversité de situations des producteurs, il faut réussir à la dépasser. Peut-être n’a-t-on pas assez mis l’accent sur la production de protéines, notamment grâce à des plantes comme la luzerne. À l’heure du Grenelle de l’environnement, alors que nous importons la plus grande partie des protéines destinées à nos animaux, peut-être vaudrait-il mieux encourager la culture de cette plante plutôt que dégager 50 millions d’euros afin de soutenir le revenu des agriculteurs biologiques, qui, s’ils ont besoin d’aide au moment de leur reconversion, enregistrent par la suite des résultats comparables aux fermes traditionnelles. Soutenir les protéines permettrait non seulement de répondre à nos besoins, mais aurait, de surcroît, un impact très positif sur l’environnement.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. La parole est à Jean Gaubert, pour le groupe SRC.

M. Jean Gaubert. Nous sommes pour notre part très satisfaits que la modulation revienne enfin. Jean Glavany l’avait voulu, Michel Barnier l’a faite : ce sont dix années de perdues, mais c’est mieux que rien.

Par ailleurs, nous avions beaucoup regretté que les accords de Luxembourg se résument, pour ce qui est des aides, à : « Si tu en avais, tu en auras ; si tu n’en avais pas, tu n’en auras pas ». Certes, il est plus facile de n’avoir jamais reçu d’aides que de devoir y renoncer, ce qui arrive aujourd’hui aux céréaliers le montre bien. Toutefois, si on leur demande de s’en passer, c’est pour que d’autres qui, comme les producteurs d’ovins, n’avaient jusqu’à présent quasiment rien eu, puissent également en bénéficier. C’est un autre aspect positif de cet accord.

Positives donc, les dispositions en faveur des ovins, de l’agriculture de montagne, de l’agriculture biologique et de la gestion des risques – bien que, sur ce dernier point, on aurait pu aller plus loin : comme toute organisation de marché est supprimée, il eût fallu au moins qu’en échange une gestion collective des risques soit rendue possible.

Certes, les déçus sont nombreux. Pour certains, comme les producteurs de fruits et légumes, cela avait déjà été le cas lors du précédent accord. Hormis la gestion des aléas climatiques, le nouvel accord ne leur apportera rien de plus.

M. Jean-Michel Lemétayer. J’ai oublié de le préciser, mais l’ensemble des légumes de plein champ, soit 400 000 hectares environ, seront dotés. Cela aboutira à la reconstitution d’un montant de droits à paiement unique (DPU) qui, suivant les structures d’exploitation, sera amené à varier, avec des dotations nouvelles notamment dans le secteur des légumes.

M. Jean Gaubert. Certes, mais les légumiers qui ne font pas de culture en plein champ n’ont pas grand-chose.

Je veux bien comprendre que les céréaliers ne soient pas contents, mais ils ont longtemps bénéficié d’avantages incomparables, qui leur permettaient notamment de maintenir les cours des céréales bien au-dessus du cours mondial, au détriment des producteurs de volailles et des producteurs de porcs. Cela ne pouvait pas durer éternellement !

Par ailleurs, je remarque que certains se déclarent libéraux lorsqu’ils gagnent beaucoup d’argent, mais qu’en cas de difficulté, ils cessent de l’être et vont demander de l’argent à l’État ! Ce qui est vrai pour les banquiers l’est aussi pour les céréaliers.

Le débat sur le bilan de santé de la PAC n’existe pas qu’en France. Les Allemands aussi sont mécontents, notamment sur la question des quotas laitiers. Quant aux douze États membres les plus récents, ils espéraient se mettre au niveau des autres, ce qui ne sera pas le cas.

Enfin je souligne que Mme Fischer Boel n’est pas seule à décider : le Conseil des ministres a approuvé ses décisions. On ne peut pas toujours s’en prendre à la Commission européenne – même si je suis moi aussi en désaccord avec elle. On entend trop souvent, quand le ministre est de gauche, que c’est la faute du ministre, et quand il est de droite, que c’est la faute de la Commission.

M. Jean-Michel Lemétayer. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean Gaubert. On doit assumer les choix politiques que l’on fait. Ceux qui portent la responsabilité de l’accord, sur les bons côtés comme sur les mauvais, ce sont les ministres qui l’ont signé. Dans le cas contraire, ce serait la démonstration que le politique ne sert à rien, et ce serait très grave.

S’agissant maintenant de l’avenir, les perspectives sont inquiétantes en ce qui concerne la production laitière, dans la mesure où, dans notre pays, elle structure l’ensemble du territoire. En particulier, les régions intermédiaires risquent de souffrir terriblement.

Surtout, il convient de déterminer ce que l’Union européenne doit défendre dans les négociations de l’OMC. Il faut continuer à mettre la pression sur ce point. Nous ne devons pas être des enfants de chœur ! Si les Européens doivent rougir de quelque chose, ce serait plutôt de la faiblesse du soutien à leur agriculture, quand les Américains, eux, accordent des aides non seulement au marché, mais aussi au revenu.

Suite à de fortes pressions, nous avons ainsi démantelé la quasi-totalité de nos aides à l’export. On nous demande maintenant d’abaisser nos droits d’importation, ce qui reviendrait à condamner une partie de l’agriculture française et européenne !

De même, nous devrions renforcer les règles sanitaires à l’importation : nous produisons suivant des normes rigoureuses, mais nous achetons des produits qui ne les respectent pas. Aujourd’hui, si l’on veut pénétrer sur le marché européen, vaut mieux se présenter dans certains ports plutôt que dans d’autres : c’est ainsi que des mangues refusées à Marseille peuvent aboutir à Châteaurenard, via Gênes.

Enfin, il faudrait créer de grands organismes de mise en marché, non seulement pour l’international, mais aussi pour le marché interne, afin de lutter contre l’éparpillement des petits producteurs et des petits industriels face à la grande distribution. Danois et Hollandais en ont mis en place sur certaines productions, sans rencontrer de problèmes particuliers avec les règles européennes. Il faut regarder de plus près ce qu’ils ont fait.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. J’aborderai, tout d’abord, trois sujets qui ne l’ont pas été dans votre exposé liminaire.

Le premier est la régionalisation des aides agricoles souhaitée par de nombreux conseils régionaux. La FNSEA a-t-elle réfléchi sur ce sujet ?

Le deuxième est l’organisation mondiale du commerce. Le MOMAGRI – mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture – souhaiterait que l’OMC soit remplacée par une instance s’intéressant davantage aux échanges alimentaires et à la coopération entre les grandes régions du monde. Quelle est la position de la FNSEA en la matière ?

Le troisième est la culture des OGM. Dans un courrier qu’il nous a adressé le 23 mars relatif au conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, M. le ministre écrit : « J’ai ainsi soutenu mon homologue néerlandaise qui a abordé trois aspects cruciaux de la politique des OGM : la nécessité de prendre en compte, dans cette politique, les aspects socio-économiques, la distinction à effectuer entre mise sur le marché, qui concerne le produit, et mise en culture, qui concerne le site, et les responsabilités qui doivent incomber aux Etats membres et non à l’Union s’agissant de certaines décisions. » Quelle est la position de la FNSEA sur les OGM ?

Je demanderai maintenant des précisions sur plusieurs points que vous avez abordés, monsieur le président.

La première concerne l’article 63 et les critères à retenir pour le soutien à l’herbe. Le seuil indispensable de chargement à l’hectare est de 0,8 UGB pour bénéficier du taux maximum sur les 50 premiers hectares mais, suite à un arbitrage du groupe de travail consacré au droit à paiement unique, la somme est limitée pour le moment à 80 euros à l’hectare, ce qui est insuffisant, notamment pour les éleveurs du Massif Central. Quelle est la position de la FNSEA sur l’utilisation de l’enveloppe de 700 millions d’euros, sachant que 130 millions d’euros sont déjà prélevés sur les aides animales ? Quelle est la position de la FNSEA sur l’équité territoriale, les spécificités territoriales et les exploitations les plus fragilisées ?

Deuxièmement, la revalorisation des ICHN est bien en deçà de ce qu’attendaient les agriculteurs. La FNSEA compte-t-elle conduire une action déterminée pour que la somme de 40 millions d’euros soient augmentée ?

Troisièmement, vous avez indiqué que l’aide directe aux producteurs ne suffira pas pour le lait. La FNSEA compte-t-elle se battre pour prolonger les quotas laitiers, puisque des ouvertures se sont fait jour hier, notamment du côté de l’Allemagne ? Avez-vous encore un espoir dans leur maintien ?

Enfin, 140 millions d’euros sont prévus en 2010 pour la couverture des risques climatiques et sanitaires. C’est un premier pas mais la somme paraît faible au vu des aléas auxquels est soumise la production agricole, comme la tempête du Sud-Ouest l’a encore montré. Pour la FNSEA, le filet de sécurité doit-il s’appuyer sur une approche individuelle, sur une approche par filière ou sur une mutualisation interprofessionnelle ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. La parole est à M. Dionis du Séjour pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre, comme le groupe SRC, se réjouit de la mise en place d’une modulation. C’est la seule manière, dans la situation budgétaire européenne et nationale que nous connaissons, de trouver des financements pour la couverture des risques agricoles. Nous saluons également la mise en place de nouvelles régulations et protections pour la gestion des crises animales.

Au niveau européen et national, une réforme équitable est indispensable et c’est pourquoi il y a tant de tensions au sein de votre fédération, monsieur le président.

La réforme doit être équitable, d’abord, entre les secteurs de la nation. Il ne faut pas que les céréaliers exagèrent. Il y a des pans entiers de l’agriculture qui ne sont pas couverts par les aides, en particulier les fruits – pas du tout couverts – et les légumes, qui le sont en Lot-et-Garonne à hauteur de 100 euros par hectare pour ce qui est de la tomate de transformation, ce qui est bien peu.

La réforme doit être équitable, ensuite, au niveau géographique et, notamment, entre le Nord et le Sud de la France. Or l’irrigation a disparu comme facteur bonifiant des aides. L’eau est pourtant un facteur clé de production agricole dans le Sud. La FNSEA compte-t-elle intervenir pour réintroduire l’irrigation comme facteur bonifiant des aides et pour soutenir le développement de la ressource en eau ?

Enfin, il ne faut pas oublier les zones intermédiaires. Elles sont très inquiètes de la suppression des quotas laitiers comme de l’attribution de l’ICHN. Nous attendons de la FNSEA qu’elle soit le garant d’une certaine équité dans les zonages de manière à ce que les zones intermédiaires et les zones polyvalentes, fortement présentes dans un certain nombre de départements du Sud de la France, ne soient pas oubliées.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Après les représentants des groupes, je donne la parole aux collègues qui se sont inscrits dans le débat.

M. Francis Saint-Léger. Ma question porte sur l’élevage de montagne, en particulier celui du Massif Central.

Pour eux le rééquilibrage est globalement significatif puisque la revalorisation des aides du premier pilier devrait être d’environ 15 % en 2010. Cependant certains éleveurs de montagne voient leurs aides diminuer. Pratiquant l’élevage ovin allaitant extensif, ils sont exclus du dispositif DPU herbe du fait d’un taux de chargement inférieur à 0,5 UGB par hectare. En Lozère, dont je suis le représentant, et dans certains secteurs du Massif Central, le chargement est généralement subi et non choisi, compte tenu des contraintes naturelles. D’ailleurs, l’intensification serait synonyme d’abandon d’espaces entretenus utilement par les troupeaux, bovins ou ovins.

Les professionnels que j’ai rencontrés, en particulier les représentants de la FNSEA, ont jugé inacceptable que certains éleveurs ne soient pas éligibles a minima au dispositif DPU herbe. Il n’est pas admissible que certains puissent perdre en raison du découplage et de la modulation sans avoir de retour sur le DPU herbe.

Pensez-vous, monsieur le président, que le seuil de chargement de 0,5 UGB par hectare doive être abaissé ? Sinon, quel autre dispositif pourriez-vous conseiller pour éviter l’exclusion des éleveurs pratiquant l’élevage extensif bovin viande et ovin ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Vous avez indiqué que, parmi les personnes rassemblées dans cette salle comme parmi les membres de votre fédération, certaines étaient plutôt sensibles aux grandes cultures céréalières et d’autres plutôt sensibles à l’herbe. Je ne vous demanderai pas quelle est votre sensibilité personnelle car vous avez, nous le comprenons parfaitement, des équilibres à tenir.

M. Jean-Michel Lemétayer. Je m’aperçois que j’ai oublié de me présenter : je fais du lait, de la viande bovine vache allaitante et un petit peu de céréales, sur seulement 100 hectares situés dans un pays pauvre, l’Ille-et-Vilaine, ce qui me permet de parler de tout et à tous.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Je me félicite moi aussi de la mise en place de la modulation des aides, même si elle fait grincer des dents. C’est une mesure d’équité.

Vous avez dit que personne ne contestait la nécessité de faire plus pour le secteur ovin. On note une évolution positive en faveur de ce secteur, mais elle ne se traduira dans les faits qu’en 2010. Vous avez indiqué que des mesures seraient nécessaires pour accompagner cette évolution. Comment la FNSEA entend-elle peser pour que des mesures temporaires permettent aux éleveurs ovins, qui vivent une crise sans précédent, de passer le cap et d’attendre les mesures de 2010 ? Je regrette d’autre part que, dans le cadre de ce rééquilibrage, on ait oublié, dans le secteur ovin, les naisseurs engraisseurs ; et je reprends à mon compte une partie de l’intervention de l’orateur précédent.

M. Thierry Benoit. J’ai apprécié, monsieur le président, votre souci de ne pas « jeter de l’huile sur le feu ». Par les temps qui courent, c’est indispensable, pour vous comme pour les élus que nous sommes.

Comme la production laitière est très importante dans ma région, ma première question concernera les quotas laitiers – en bannissant toute caricature : dans l’hémicycle, tout à l’heure, le ministre a été interpellé sur la gestion des quotas et accusé de libéraliser ces derniers. Je souhaiterais connaître votre avis sur cette question. Si nous sommes aussi nombreux à cette audition, c’est parce que le rôle de l’agriculture dans le développement du territoire et la création de richesses et d’emplois reste majeur. Je souhaiterais qu’à l’issue des négociations en cours, les différentes régions de France et la maison France dans son ensemble conservent leur potentiel de production.

J’aimerais également avoir votre point de vue sur l’installation des jeunes agriculteurs. Je ne suis pas sûr que l’on fasse tout aujourd’hui pour faciliter cette installation et le développement des exploitations agricoles.

Enfin, plus que sur l’agriculture bio, à laquelle je souscris totalement comme au développement durable, un pays comme la France ne devrait-il pas travailler, aux côtés des labels qui existent aujourd’hui, comme le label rouge et le label agriculture biologique, à la notion d’« agriculture santé » – consistant, dans les régions d’élevage, à « bien élever pour bien nourrir » ?

M. Christian Jacob. Après l’annonce des mesures, j’imagine que la FNSEA a travaillé sur une série de propositions d’accompagnement. Il serait intéressant, monsieur le président, que vous puissiez nous les faire partager.

S’il est un domaine où il faut éviter la caricature, c’est bien l’agriculture. Il faut prendre conscience des déséquilibres que peut entraîner une réforme comme celle-ci. Dans les secteurs de culture intensive de céréales, il sera possible, demain, de faire n’importe quelle autre production. Plutôt que d’envoyer les céréales dans les régions d’élevage, il peut être plus facile d’emmener les poulets dans les régions céréalières. On peut également y cultiver des fruits et des légumes. Ce qu’il faut, c’est préserver l’ensemble de l’agriculture et considérer la ferme France, et non regarder par le petit bout de la lorgnette de sa région, de son département, de sa circonscription, de sa ville, voire des quatre agriculteurs avec lesquels on dîne le dimanche soir. Pour tout dire, j’ai été choqué par les propos de Jean Dionis du Séjour.

Mme Catherine Quéré. Vous n’avez pas parlé, monsieur le président, de la viticulture. Quelle est la position de la FNSEA sur les droits de plantation ? On annonce des aides à l’arrachage dans les régions en forte crise et une libéralisation des droits de plantation dans les zones où il y a une bonne tenue de la production. La région de Cognac est très inquiète. Une vigne commence à donner quatre ans après sa plantation : on peut décider de la planter à un moment où les marchés se tiennent puis se retrouver, au moment où elle commence à produire, dans une période où les marchés sont tombés. La libéralisation des droits de plantation est une vraie folie pour nous. La FNSEA a-t-elle une réflexion sur cette question ?

M. François Brottes. Trois remarques. M. Lemétayer est l’un des garants de l’unité de la profession et de la cohérence des filières. Il ne faut pas que la France renonce à cela car cela nous met en capacité de discuter avec le monde.

D’autre part l’extinction du DPU, chez les céréaliers ou ailleurs, marque la fin de l’enrichissement sans cause. On ne saurait s’en plaindre. Pouvoir toucher de l’argent sans produire, cela pose tout de même un problème.

Enfin, sans faire de régionalisme, je veux souligner qu’être agriculteur de montagne est, à la fois, un métier et du militantisme.

Ma question porte sur le déclin de l’enseignement professionnel agricole. Dans tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés, se manifestent une très forte inquiétude et une incapacité, filière par filière, à retrouver les compétences et les métiers dont on a besoin. J’aimerais, monsieur le président, avoir votre sentiment sur ce sujet.

Mme Catherine Vautrin. Loin de moi la volonté d’opposer une filière à une autre ou un département à un autre. Je pense que le militantisme dont parle François Brottes existe partout. Dans certaines régions, la coopération a joué un rôle important. La Champagne-Ardenne a montré, aussi bien en matière viticole qu’en matière agricole, tout ce qu’il était possible de faire.

Je veux dénoncer la brutalité de la mesure concernant les céréaliers. Qu’on le veuille ou non, on se retrouve dans une situation difficile et mal comprise. Comme on ne maîtrise pas les prix, la mesure crée aujourd’hui une véritable inquiétude.

Ma seconde question porte sur la luzerne déshydratée. Nous avons absolument besoin de cette production pour pouvoir avancer sur la culture de légumes en plein champ. Comment peut-on, au sein de votre fédération, promouvoir cette production qui crée en outre de l’emploi en milieu rural ?

M. Antoine Herth. En tant que président du COPA – comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne –, pouvez-vous, monsieur le président, donner les grandes lignes de la future PAC en matière de politique de marchés, de politique de prix ainsi que de politique sociale – car il n’a échappé à personne qu’avec l’élargissement, l’Union européenne s’est beaucoup enrichie en agriculteurs, ce qui inquiète un certain nombre de pays contributeurs nets de la PAC ?

Par ailleurs, comment voyez-vous le déroulement du congrès de la FNSEA la semaine prochaine ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Il est question d’une revalorisation importante de la prime à la brebis. Quel est, selon vous, monsieur le président, le bon niveau pour celle-ci ?

On parle de redéfinir les zones défavorisées qui permettent aux éleveurs de bénéficier de l’ICHN. Quelle est la position de la FNSEA par rapport à cette révision ?

M. Michel Piron. Je vous remercie, monsieur le président, de votre message fédérateur. Il nous rappelle cependant que la difficulté de l’unité vient de ce qu’elle recouvre d’énormes disparités.

Vous avez évoqué les variations erratiques des prix. Toute idée de régulation est-elle abandonnée ? Je pense, notamment, aux politiques de stockage face aux aléas spécifiques. Si cette idée n’est pas abandonnée, qui, à votre avis, doit réguler ? Peut-on envisager un retour à certains modes de régulation qui ont existé autrefois?

Vous avez évoqué la solidarité entre les producteurs, et la réorganisation des aides qui met en jeu, et à l’épreuve, cette solidarité. Mais qu’en est-il de la solidarité à l’intérieur des filières et entre les filières ?

Quels délais vous paraîtraient raisonnables pour le lissage de certaines situations ?

Les coûts de production sont très différents suivant les pays. La traçabilité ne pourrait-elle pas être un élément fondateur d’une politique qualitative permettant de défendre et de promouvoir les produits européens ?

Mme Laure de la Raudière. Monsieur le président, vous vous trouvez écartelé entre les céréaliers et les zones d’élevage. Reconnaissons, cependant, que le transfert et la modulation sont brutaux pour les céréaliers et que la marche est très haute.

Quelle est la position de la FNSEA sur les 11 % de prélèvement supplémentaire sur les aides « SCOP » (surface en céréales, oléagineux et protéagineux) évoqués par M. Michel Barnier dans sa communication devant le CSO le 23 février ?

Quelle vision a la FNSEA de l’agriculture dans les zones céréalières ? Si l’on prend l’exemple de l’Eure-et-Loire, où la moyenne des exploitations est de 115 hectares, aucun dossier d’installation de jeunes agriculteurs ne pourra, avec la réforme de la PAC, être accepté par le comité d’agrément. Cela signifie qu’il faut réfléchir à une nouvelle forme d’exploitation ou d’agriculture dans ces zones.

M. Jean Auclair. Tous les éleveurs du grand Massif Central attendaient avec impatience le rééquilibrage. Après que les machines à calculer ont tourné, on s’aperçoit que, si les éleveurs naisseurs en milieu extensif peuvent être rassurés, il n’en va pas de même des éleveurs naisseurs engraisseurs qui travaillent de manière un peu plus intensive. Pensez-vous, monsieur le président, que la part restante de PMTVA doit être réattribuée aux vaches primées ou à toutes les vaches ? Que pensez-vous du maintien des génisses dans le quota PMTVA ?

M. Jean-Michel Lemétayer. Ce qui compte, c’est en effet le dernier chiffre, la somme obtenue après que la calculette a fonctionné, comme dit M. Auclair. C’est assez complexe : on peut contribuer au pot commun d’un côté, recevoir, plus ou moins, de l’autre, et sous différentes formes, y compris dans le cadre du plan protéines.

Concernant ce dernier, tout dépendra de la façon dont les producteurs répondront aux incitations prévues dans le plan. L’enveloppe qui lui est affectée devrait permettre de doubler les surfaces de production de protéines. Cette dernière est déficitaire en France et en Europe depuis les accords de Blair House qui ont assigné la culture du blé à l’Europe et celle des protéines, en particulier le soja, aux autres pays. Les Etats-Unis, le Brésil et l’Argentine en sont, aujourd’hui, les plus gros producteurs.

Je veux insister sur l’importance des prix. A la FNSEA, j’explique toujours que les prix ont beaucoup plus d’importance que les quelques centaines de millions d’euros de DPU pour lesquels on se bagarre. J’ai fait faire le calcul pour ma région, qui présente la particularité d’avoir des producteurs de porc qui sont en même temps céréaliers. Les conséquences des décisions prises par Michel Barnier se résument à 6,7 centimes d’euro par kilogramme de porc. Le producteur de porc, dans ma région comme ailleurs, est bien plus soucieux des variations des prix sur le marché de Plérin que de l’évolution de son DPU en 2010 car, d’ici là, il a le temps de périr…

Je me rendrai demain au congrès de la FNPL – Fédération nationale des producteurs de lait – au Mans. La baisse du prix du lait qui s’annonce a dix fois plus d’importance que la modification du DPU. Cela vaut pour les zones de plaine comme pour les zones de montagne – même si cela n’enlève rien à l’importance des efforts qu’il fallait faire en faveur du lait à l’herbe et du lait en zone de montagne. D’ailleurs les producteurs de lait, dont j’ai été longtemps le président, se sont toujours battus sur les prix.

Permettez-moi, à ce sujet, une parenthèse. Imaginez un instant la situation où nous serions aujourd’hui si le président Chirac n’avait pas obtenu de M. Schröder un accord pour maintenir jusqu’en 2013 l’enveloppe budgétaire agricole à son niveau actuel ! Imaginez où nous serions si l’on avait écouté Tony Blair… Je ne veux pas rentrer dans des débats politiques – j’espère prendre suffisamment de hauteur par rapport à tout cela – mais je voulais faire ce rappel.

Concernant la viticulture, alors qu’à la lecture de la presse, on a l’impression que nous avons vécu une bonne période, déjà s’élèvent des voix de producteurs de vin de pays ou de vin de table, affirmant que la situation n’est pas si bonne qu’on le dit. Je n’ai pas de souci pour le Château Latour de François Pinault ni pour le Château Cheval Blanc du patron de LVMH. Je me préoccupe de ceux qui produisent des vins de pays et de table.

La FNSEA a fait le choix de ne pas doter en DPU les hectares viticoles, préférant garder une enveloppe d’environ 280 millions d’euros dans l’OCM, c’est-à-dire la gestion du marché. Nous considérons qu’il vaut mieux agir sur la politique des marchés de la viticulture et sur l’indispensable politique de promotion. Vous avez été nombreux à intervenir, lors de l’examen de la dernière loi sur la santé, pour soutenir la promotion du secteur viticole. Si nous avions doté en DPU les hectares viticoles, nous aurions dû doter aussi les Champenois. Or je ne pense pas que le producteur de champagne ait besoin d’une dotation de 200 euros à l’hectare, pas plus que les grands vins que j’ai cités.

Dans le secteur de l’arboriculture, nous menons également une politique des prix et des charges. Si l’on considère globalement le revenu de la ferme France, tous secteurs confondus, on voit qu’il est déterminé non seulement par les prix et les aides mais aussi par les charges. Dans les secteurs soumis à la concurrence extérieure, on mesure le poids des charges sociales et salariales. Quand la France importe des fruits et des légumes du Maghreb ou d’Amérique du Sud, elle n’est pas en situation de concurrence équitable. C’est vrai aussi des départements d’outre-mer, concurrencés par exemple sur la banane.

Le débat sur le bilan de santé doit dépasser le simple débat sur les aides et se situer à une autre échelle, car le véritable enjeu est le revenu des agriculteurs.

Quand on module les aides, il faut s’assurer qu’elles seront bien gardées pour l’agriculture. Il faut des garanties que le budget européen de l’agriculture qui est mis à disposition des Etats membres ne vienne pas à glisser – car des tentations existent – vers d’autres secteurs, sous prétexte d’entrer dans le champ de la ruralité. Transférer de l’argent du premier pilier, consacré au volet économique et au soutien aux revenus, vers le deuxième pilier ne me gêne pas dès lors qu’on dit clairement comment il sera utilisé pour le secteur agricole. Si c’est pour continuer à assumer le paiement de la PHAE et la compensation des handicaps naturels, et soutenir l’installation des jeunes, cela présente un intérêt. J’étais en revanche très réticent pour aller très loin dans la modulation dès lors qu’on ne nous disait pas clairement ce qu’on allait en faire.

J’ai évoqué dans mon propos liminaire l’éventualité d’une renationalisation de la politique agricole. Dans un pays comme le nôtre, et même si l’on se dit à Bercy que, la France devenant contributeur net, il serait peut-être bon de voir les choses autrement, je pense que nous avons intérêt à garder à notre politique agricole son caractère communautaire. La question mérite d’être examinée de façon prospective, puisque vous allez avoir un débat. La France est observée. Elle a intérêt à montrer de quelle manière elle veut légitimer la future politique agricole et alimentaire.

Au moment du bilan de santé, je me suis opposé à toute augmentation des quotas laitiers en l’absence de marché. Or, au lieu de se servir des quotas, qui existent encore, on fait tout l’inverse : on décide d’augmenter la production alors qu’il n’y a pas de marché ! Le débat est revenu sur la table hier. Les tenants du maintien des décisions du bilan de santé, largement soutenus par Mme Fischer Boel, ont imposé leurs vues, de sorte que les décisions d’augmentation des références vont s’appliquer à la prochaine campagne. Une telle attitude est inqualifiable. Les Italiens et les Espagnols, qui veulent plus de lait, défendent cette thèse. Où cela va-t-il conduire les producteurs ?

Je suis un tenant de la régulation. Je réponds par là même à la question sur les génisses, puisque c’est un des leviers de la régulation du nombre de « moules à veaux ». Sur les droits de plantation comme sur les droits à produire du lait, je suis favorable à des leviers de régulation de l’offre. Si on veut assurer un certain niveau de rémunération de nos producteurs par les prix, il faut avoir la volonté de gérer l’offre. Nous menons une politique du « tout marché » avec, comme seule logique, le régime de paiement unique alors que nos concurrents américains disposent d’un mécanisme leur permettant d’agir quand les prix sont trop bas et de compenser les pertes de revenu par les deficiency payments. Je ne pense pas que M. Obama, malgré ses beaux discours, modifiera la politique de soutien aux fermiers américains si les prix et les marchés se dégradent.

Au-delà du bilan de santé, et même si un virage a été pris dans une direction très libérale, nous devons maintenir la position française et ne pas baisser les bras. Nous devons, au contraire, continuer à parler de régulation de l’offre, parce qu’une partie importante de notre revenu en dépendra par les prix. Sinon, nous vivrons de nouveau ce que nous avons connu en 2007. A quoi aura servi aux céréaliers que les prix soient montés à 250 euros la tonne, s’ils demain ils restent bloqués à 120 euros la tonne pendant trois ans ?

Les jeunes qui souhaitent s’installer comme producteurs ont besoin de lisibilité et de sécurité. Celle-ci passe par une politique différente de celle qu’on a fixée, particulièrement en 2003, avec le découplage des aides et une notion d’aide séparée de la production.

La décision concernant les droits de plantation en viticulture remonte à l’OCM viticole. Nous l’avons combattue et avons gagné trois ans. Nous arrivons à l’échéance de ce temps. Je n’y peux rien, sinon continuer à me battre.

Pour répondre à la question concernant mes activités au COPA, j’en arrive à me réjouir qu’elles se terminent dans quelques jours… J’ai failli être mis en minorité à Bruxelles sur le dossier laitier. J’ai arraché un vote à une faible majorité parce qu’il y a des gens qui pensent qu’il faut développer la production, et même, pour certains, qu’il faut « faire le ménage » en laissant périr les plus faibles.

Mme Catherine Quéré. C’est cela, le libéralisme !

M. Jean-Michel Lemétayer. Je n’ai entendu personne tenir ce genre de discours dans notre pays. Il y a chez nous, qu’on le veuille ou non, beaucoup d’opinions convergentes en matière de politique agricole. Mais nous avons des interlocuteurs – Suédois, Anglais, Hollandais ou Danois – qui tiennent ce discours, même dans la profession.

La luzerne fait partie, me semble-t-il, des secteurs protégés. Elle a fait l’objet d’un traitement spécifique pour ne pas remettre en cause les enjeux que représente la production de protéines, dont elle fait partie.

La notion de chargement est apparue pour soutenir l’aide à l’herbe d’un point de vue économique. Un taux de 0,5 UGB par hectare correspond à une vache tous les 3 hectares. La vache faisant en principe un veau, on en tient compte. Cela concerne 9 millions d’hectares, même s’il en reste qui ne seront pas pourvus. Au-delà des aides existantes, il nous faudrait approcher cette question sous l’angle de l’occupation du territoire et de la gestion de l’espace. Mieux vaut que celui-ci soit géré par des animaux… que par des Canadairs, pour reprendre l’image employée par un de mes prédecesseurs.

Le problème est qu’on ne peut poursuivre uniquement par des budgets à justification économique une ambition qui n’est pas seulement économique. Lors du Tour de France, je me plaisais à rappeler que, si les reportages nous donnaient à voir des paysages de montagne beaux et bien entretenus, c’était grâce aux paysans et aux estives. Il y a donc un complément de réponse qui doit être apporté, dès lors que la volonté politique affichée de rééquilibrage des aides ne trouve pas sa réponse dans ce qui est proposé. Il y a des problèmes réels, comme ceux évoqués concernant certains territoires de Lozère – même si d’autres seront mieux pourvus. Nous devons essayer d’avoir une politique qui couvre le plus largement possible les territoires concernés et de ne pas prendre en compte des aspects trop sectoriels.

A la question du devenir des surfaces qui sont entièrement en SCOP, je répondrai par une autre question : quel est le temps de travail avec 115 hectares si l’on n’est qu’en SCOP ? Tout le monde sait que ce n’est pas du plein temps, pas plus que ce n’en est quand on n’est qu’allaitant et vendeur de broutards. Ayons le courage de dire les choses. C’est en parlant avec le plus d’objectivité possible qu’on permettra aux gens de se comprendre – ce qui est mon rôle, que j’accepte et assume, à la FNSEA. Si l’on ne dit pas les choses avec honnêteté et vérité maintenant, ce sera difficile en 2013. Il faut avoir un discours courageux sur les sujets qui nous préoccupent.

Mes concurrents syndicaux ne s’encombrent pas de tels scrupules. La Coordination rurale répète qu’il ne faut pas toucher aux céréaliers, mais changer la PAC. J’attends qu’elle me dise comment faire. J’ai aussi le courage de dire qu’on ne peut pas rester sur des références historiques vieilles de vingt-cinq ans. Il est normal que les lignes bougent, que les choses évoluent. La question que nous devons résoudre est : comment faire pour que les choses soient encore plus équitables dans une politique agricole et un système qui ont changé ?

Sans vouloir entrer dans une polémique politique, je rappelle que les aides aux céréales versées aujourd’hui résultent des négociations menées par Louis Mermaz en 1992. Rien ne tombe du ciel. Si des secteurs ne reçoivent aucune aide, cela tient à l’histoire de la PAC. Ce n’est pas une raison pour qu’ils n’en aient pas demain – on a d’ailleurs fait en sorte qu’ils en aient. A l’origine, la politique agricole ne consistait qu’en des aides aux grandes cultures, au secteur laitier et à l’élevage de viande bovine et ovine, matinées d’un peu d’interventionnisme pour le secteur des fruits et légumes – avec une politique de retrait – et pour la viticulture.

Si l’on ignore l’histoire de la PAC, on peut tout dire. Le séminaire que j’ai assuré à la FNSEA le 11 décembre, qui nous a permis d’aborder toutes ces questions, a commencé par un rappel historique d’une demi-journée afin que toutes les personnes présentes puissent se comprendre. On ne peut comprendre la situation actuelle qu’à partir de celle d’hier.

Le seul membre de la FNSEA qui soit très content est M. Prévéraud, président de la Fédération nationale ovine. Premièrement, des mesures sont prévues dès 2009 par redéploiement ou par mobilisation des DPU dormants. Deuxièmement, l’enveloppe, qui va être redéployée pour 2010, va permettre à la fois d’améliorer la prime compensatrice ovine – PCO – et le montant des DPU. Troisièmement, l’ICHN et la PHAE seront maintenues. Toutes ces mesures, mises bout à bout, apportent des réponses – qui étaient nécessaires – à un secteur qui, malgré une conjoncture de prix correcte, ne dégageait pas de revenus pour ses producteurs. Voilà un cas où l’on était obligé de toucher aux aides directes indépendamment de la conjoncture sur le marché.

Concernant la prime d’irrigation, je précise que, à partir du moment où on ne touche pas à la partie DPU découplée, les secteurs irrigués conservent, de fait, une part de DPU plus élevée. Cet avantage, attribué en 1992, est conservé. Cela étant, nous avons demandé, comme mesure d’accompagnement, qu’on agisse sur les retenues collinaires, qui ont fait l’objet d’un large débat lors de l’examen du projet de loi sur l’eau. La question de l’irrigation est indissociable de celle de la gestion de l’eau. Il est indispensable, au-delà de l’aide directe, d’agir sur la politique de l’eau afin d’éviter des débats où sont pris à parti les irrigants.

Toujours dans le cadre des mesures d’accompagnement, on se bat actuellement pour que le Premier ministre entende notre appel sur l’indispensable complément de mesures rotationnelles via le deuxième pilier. C’est une affaire de 60 millions d’euros, qui devrait être réalisable dans le cadre du cofinancement national. Aidez-nous à convaincre le Gouvernement d’ « irriguer » les zones intermédiaires d’un complément d’aides.

Nous travaillons également à élargir la notion de DPA – dotation pour aléa – aux aléas économiques. Personne ne peut prédire ce que sera, demain, la situation de marché. Il apparaît dès lors normal de travailler la question des aléas économiques et des aléas de marché et de réfléchir aux moyens d’intervenir quand cela va mal. Je préfère qu’on aide plus quand ça va mal et moins quand ça va bien. Il serait bon d’être plus souple et plus interactif et de créer plus d’interférences entre les filières. Quand le prix des céréales est monté à 250 euros, je n’avais aucune réponse à donner aux producteurs de porc et de volaille et à tous ceux qui utilisent de l’aliment pour bétail. Il faudrait travailler davantage la connexion entre la filière « céréale aliment du bétail » et la filière « élevage de viande ».

Il faut aussi réfléchir aux gains de productivité. Oublions le terme de « productivisme » : il ne veut plus rien dire depuis que l’aide est déconnectée de la production. Essayons, en revanche, de faire travailler la recherche. L’INRA et les centres de recherche de nos entreprises, qu’elles soient coopératives ou privées, font des travaux de recherche importants, qui peuvent également améliorer la productivité.

Un débat va avoir lieu, dans les prochaines semaines, sur l’Europe. La FNSEA réclame une plus grande harmonisation des réglementations. Notre marché étant européen, il est insupportable qu’il n’y ait pas plus d’harmonisation des réglementations européennes dans les secteurs des phytosanitaires, des biotechnologies et de la pharmacie. Il ne devrait pas être possible qu’un phytosanitaire soit interdit en France et autorisé en Espagne. Il est insupportable que les produits sortant de nos fermes, transformés ou non par nos entreprises respectent un cahier des charges que ne respectent pas des produits importés – ce problème se pose a fortiori dans le cadre des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cela vaut pour les OGM. Si l’Union européenne autorise des importations de matières premières OGM, on ne peut pas les empêcher ensuite de circuler alors qu’une fois transformées, elles circuleront. Il faut être transparent sur ces sujets pour que les décisions soient respectées, et par ceux qui produisent, et par ceux qui consomment – car la transparence est destinée avant tout au consommateur. Pas plus sur ce sujet que sur d’autres on ne peut dire que chaque Etat membre se débrouille, alors que le marché des matières premières est totalement libre, comme celui des produits agro-alimentaires.

Cela vaut également pour les questions sociales. Il n’est pas normal qu’il y ait un différentiel de charges entre l’Allemagne et la France pour l’emploi de saisonniers. En Allemagne, il est possible d’employer, par exemple, des Polonais, et toutes autres personnes transitant par la Pologne, dans les conditions du marché du travail polonais alors qu’en France, on applique les règles du marché français. Une harmonisation s’impose là aussi afin d’introduire un peu d’équité.

J’ai en partie répondu à la question de Jean Auclair sur les éleveurs naisseurs engraisseurs. J’ai conscience des difficultés rencontrées. Une redistribution au maïs fourrage a été discutée mais on ne sait pas si elle permettra une compensation complète ou seulement partielle. Je reviens à ma préoccupation des prix. Quand on regarde quelle est la part de centimes au kilo de viande pour la classe R, par exemple, qui est la race à viande la plus coutumière, on met plus l’accent sur la valorisation, qui est heureusement en hausse, pour améliorer les rémunérations, même s’il ne faut pas négliger le fait que 50 euros par hectare font 5 000 euros pour 100 hectares.

Avant toute approche individuelle ou même régionale, il faut voir que, quand on est à moins 10 aujourd’hui, en réalité on est à zéro. Je veux dire par là que la modulation s’applique à tout le monde. Je mets mon point d’honneur à écouter tout le monde, en prenant en compte toutes les remarques qui sont faites, mais je veux aussi dire les choses telles qu’elles sont. Quand on fait les calculs et que l’enveloppe globale se termine à zéro, cela signifie qu’on améliore la situation de dix parce que l’article 68 s’applique à tout le monde. La hauteur de la marche est plus forte – et c’est ce que dénoncent les céréaliers – lorsqu’au dix, on ajoute 14 % de prélèvement supplémentaire. Cependant, si la mesure leur paraît brutale, c’est parce que – il faut avoir le courage de le dire – on n’a pas engagé le changement, comme il aurait fallu, quatre ans plus tôt.

J’essaie de faire en sorte que les gens s’écoutent. Une question m’a été posée sur le prochain congrès de la FNSEA. Le bureau a proposé la semaine dernière au conseil d’administration d’accorder tout le temps nécessaire au débat qui aura lieu pendant le huis clos du premier jour. Je veux que les gens s’entendent. Car notre profession ne gagnera rien à se diviser. Le combat qu’il faudra mener en 2013 et après sur le plan européen ne pourra être gagné si nous allons à Bruxelles avec des voix discordantes. Il faudra, au contraire, resserrer les rangs.

Je l’ai dit à un concurrent syndical lundi dans ma région. Il est facile de faire de beaux discours chez soi. J’aimerais parfois que quelques-uns de mes collègues m’accompagnent à Bruxelles pour se rendre compte de ce qu’il faut entendre de la part des autres. On n’avancera pas tout seuls.

Nous avons également besoin de l’opinion publique. D’ailleurs, les céréaliers sont conscients que l’opinion est assez d’accord avec les décisions qui ont été prises.

Comme on est à enveloppe constante, le revenu de la ferme France, dans sa globalité, dépendra des prix. Il faudra faire en sorte d’être encore capable d’agir si ça va mal dans un secteur.

Cela me conduit à répondre à la question sur les leviers de gestion du marché. Je me suis battu contre leur démantèlement mais ils y sont tous passés, les uns après les autres, ce qui est invraisemblable.

Aujourd’hui, sur le lait, Mme Fischer Boel se vante de faire du stockage privé quasiment au prix de l’intervention. Mais ce n’est pas à ce niveau-là qu’on sauvera le revenu des producteurs de lait ! Ces derniers doivent chercher à retrouver le plus vite possible avec leurs entreprises le moyen de mieux rémunérer le lait qu’au prix de l’intervention.

La question portant sur l’enseignement agricole traduisait une vision assez négative. Nous venons de faire une campagne de communication sur les métiers de l’agriculture. Dans la crise actuelle, notre secteur économique est une valeur sûre pour notre pays d’autant que gravite, autour du métier de producteur, une multitude d’autres métiers. Notre campagne de communication avait pour but de montrer aux jeunes que la formation agricole ouvrait à toute une palette de métiers, en plus de ceux de producteur, chef d’exploitation ou salarié d’exploitation, que ce soit dans les secteurs de l’agrofourniture, de l’agroéquipement, de l’agro-alimentaire ou des services.

En tant que président de ce qui est devenu l’Agrocampus Ouest, qui regroupe l’Ecole supérieure agricole de Rennes, l’INH – Institut national d’horticulture – d’Angers et la formation des ingénieurs agroalimentaires de Rennes, je suis optimiste car nous voyons des jeunes de grande qualité entrer dans ces formations.

J’ai bien compris que la question portait sur l’enseignement agricole en amont, c’est-à-dire dans les formations initiales. Nous devrons les rapprocher des formations débutant à la troisième et sanctionner ces études par un bac professionnel ouvrant toutes les portes dont je viens de parler.

Pour terminer notre rencontre sur une note optimiste, je pense que le secteur agricole est vraiment un secteur porteur, d’autant qu’il apporte une contribution non négligeable à la balance commerciale de notre pays : plus de 9 milliards d’euros en 2008.

C’est une raison de plus pour que, dans le débat que vous allez avoir, vous ayez des paroles d’optimisme. Au-delà de certaines difficultés et du débat sur le rééquilibrage des aides, une grande politique est à mener pour garder sur notre territoire une agriculture qui soit un véritable vivier d’emplois en milieu rural. J’espère que nous saurons garder la cohésion indispensable à l’ambition agricole de notre pays.

Mme la présidente Fabienne Labrette-Ménager. Nous vous remercions.

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