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Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Mercredi 1er avril 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 47

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Avis sur la nomination de Mme Catherine Bréchignac, candidate à la présidence du Haut conseil des biotechnologies (en application de l’article L. 531.4 du Code de l’environnement, introduit par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008). Audition de la candidate suivie d’un vote à bulletin secret.

La commission a entendu Mme Catherine Bréchignac, candidate à la présidence du Haut conseil des biotechnologies, en application de l’article L. 531.4 du Code de l’environnement, introduit par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008.

M. le président Patrick Ollier. Madame, je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Vous êtes la présidente du CNRS, votre curriculum vitae a été distribué à tous les membres de la Commission, qui doit rendre un avis éclairé sur votre candidature à la présidence du Haut conseil des biotechnologies. A l’issue de votre audition, nous procéderons à un vote à bulletin secret.

Je rappelle que le Haut conseil des biotechnologies, selon l’article L531-3 du code de l’environnement, « a pour missions d’éclairer le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés ou toute autre biotechnologie et de formuler des avis en matière d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique que peuvent présenter l’utilisation confinée ou la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés, ainsi qu’en matière de surveillance biologique du territoire ». Composé d’un comité scientifique et d’un comité économique, éthique et social, il doit être présidé, selon l’article L 531-4, par « un scientifique choisi en fonction de ses compétences et de la qualité de ses publications ».

Je vous laisse vous présenter et nous dire comment vous envisagez la présidence de ce Haut conseil, puis je vous demanderai de bien vouloir répondre à nos questions.

Mme Catherine Bréchignac. Je suis avant tout scientifique, et plus précisément physicienne. J’ai fait une thèse en physique atomique. Ensuite, après un post-doc au Canada, j’ai développé en France le thème des clusters, petites particules qui sont des édifices comprenant de quelques atomes à quelques centaines, voire quelques milliers d’atomes, et qui ont été les éléments précurseurs des nanoparticules. J’ai donc travaillé sur les nanoparticules avant l’invention de ce mot, et j’ai d’ailleurs fait partie de la commission Clinton qui l’a choisi. Je continue à travailler dans mon laboratoire une journée et demie par semaine – le vendredi et le samedi matin – car j’estime nécessaire de conserver un pied dans la recherche.

Par ailleurs j’ai enseigné, jamais en France, mais aux Etats-Unis, au Georgia Institute of Technology (Georgia Tech) d’Atlanta. En France, je me suis davantage consacrée à des tâches de supervision telles que la direction de mon laboratoire, et au CNRS la direction scientifique pour les mathématiques et la physique, puis la direction générale et maintenant la présidence. Je suis également présidente du conseil d’administration du Palais de la découverte, et récemment, j’ai été élue présidente de l’ICSU, le Conseil international pour la science, organisation non gouvernementale qui réunit 131 pays et 30 unions scientifiques internationales. J’ai donc toujours fait en sorte d’associer activité scientifique et responsabilité autre.

Pourquoi suis-je candidate à la présidence du Haut conseil des biotechnologies ? Pour être franche, le ministre d’État chargé de l’écologie, M. Jean-Louis Borloo, m’avait déjà sollicitée, et j’avais refusé, ayant beaucoup d’autres occupations. Puis la candidature de M. Darlix vous a été soumise, et vous avez émis un avis défavorable. Aujourd’hui, c’est surtout par sens civique que j’accepte de me présenter. Lorsqu’à la suite du Grenelle de l’environnement vous avez adopté la loi qui a créé ce Haut conseil, je me suis dit que cette fois, la France ne réagissait pas avec retard, et que l’idée de réunir dans une même instance un comité scientifique et un comité éthique, économique et social était excellente. En effet, comme je peux le constater dans le domaine des nanotechnologies, la société a beaucoup plus peur de la technologie que du savoir ; la technologie, ou le savoir-faire, font peur quand ils précèdent le savoir. Il m’a donc paru important de faire en sorte que cette instance fonctionne.

M. le président Patrick Ollier. Puisque vous avez été brève sur votre curriculum vitae, je rappelle à l’intention de mes collègues que vous êtes l’auteur de 150 publications scientifiques et de six ouvrages, et que de nombreux prix et distinctions vous ont été attribués.

Selon vous, quel rôle le président du Haut conseil doit-il jouer ? Comment doit-il organiser ses travaux ?

Mme Catherine Bréchignac. J’ai lu la loi, dans laquelle j’ai d’abord regardé comment s’opérait la saisine du Haut conseil. S’agissant de son fonctionnement, je me suis réjouie que le législateur ait prévu d’une part un avis du comité scientifique et d’autre part des recommandations du comité économique, éthique et social, l’ensemble constituant l’avis que le président doit remettre à l’autorité administrative. A mes yeux, le président a pour rôle de vérifier que l’un et l’autre des deux comités fonctionnent bien, avec des règles d’éthique et selon des procédures clairement définies, d’encourager le dialogue et de faire avancer les dossiers. Il appartient enfin au président de faire état, selon les cas, de la concordance ou de la non-concordance des positions, en laissant ensuite le pouvoir politique trancher. Moi-même scientifique, je considère qu’il est très important de faire progresser la science ; mais je suis également très attentive à l’usage que l’on fait des progrès scientifiques. C’est pourquoi ce système me paraît judicieux.

M. Antoine Herth. En tant que rapporteur du projet de loi relatif aux OGM, j’ai mesuré l’écart qui pouvait exister entre une approche purement scientifique, qui était à la base de la directive que l’on avait tardé à transposer, vieille de près de dix ans, et d’autre part, une approche intégrant des considérations sociétales, retenue dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Or, le Haut conseil est une construction originale qui permet la confrontation de ces points de vue.

Comment concevez-vous les relations du Haut conseil avec le Gouvernement ? Comment le voyez-vous collecter les informations en matière de surveillance biologique du territoire ? Enfin, comment pensez-vous qu’il puisse contribuer à éclairer le débat à l’échelle européenne sur divers sujets, tel celui du MON810, sur lequel le Gouvernement du Luxembourg a récemment choisi lui aussi de demander un moratoire ?

M. André Chassaigne. Constatant que vous étiez physicienne, je m’étais demandé si vous aviez bien le profil pour présider le Haut conseil des biotechnologies. Après vous avoir entendue, il me semble que votre parcours peut vous donner de la hauteur de vue et vous permettre d’être plus impartiale. Êtes-vous de cet avis ?

J’ai été très sensible à ce que vous avez dit sur les rapports entre la science et la société : on ne peut plus faire comme si toute avancée scientifique était nécessairement un progrès pour la société ; une forme de validation citoyenne est nécessaire. Vous qui êtes membre de l’Académie des sciences, confirmez-vous que vous n’aurez pas une approche purement scientifique ?

M. Jean Gaubert. J’avoue que vous m’avez beaucoup inquiété sur la qualité des scientifiques français d’aujourd’hui. D’après ce que j’ai compris, en effet, vous êtes candidate parce que personne d’autre ne pouvait se présenter. Mais peut-être allez-vous démentir cette vision ?

Cela m’a également inquiété quant à votre engagement, si votre candidature est retenue, car j’apprécie que l’on manifeste de l’enthousiasme pour ce que l’on va faire, et je n’en ai pas noté de votre part. Là aussi, peut-être allez-vous corriger ma perception.

Comme mon collègue Chassaigne, je m’étais demandé quelle pouvait être votre compétence en matière de biotechnologies. Cela étant, j’ai cru comprendre que vous voyez la présidence du Haut conseil des biotechnologies surtout comme une fonction administrative. Le confirmez-vous ?

Enfin, j’ai cru comprendre aussi que l’une des raisons du refus initial que vous avez opposé à M. Borloo était le souci de ne pas alourdir encore votre charge de travail. Pensez-vous finalement que vous serez capable d’assumer l’ensemble de vos responsabilités, sachant que le Haut conseil devrait, au moins dans un premier temps, être très sollicité ?

M. François Grosdidier. Je regrette que la loi n’ait pas fixé de règles précises pour assurer l’indépendance des membres du Haut conseil et pour prévenir les conflits d’intérêt. Comment pensez-vous que le futur règlement intérieur auquel elle renvoie pourra apporter les garanties nécessaires ? Quelles règles déontologiques, incompatibilités et interdictions, envisagez-vous ?

Ma deuxième question concerne la transparence. Le secret industriel a souvent été invoqué, par exemple lors d’expérimentations sur des animaux, pour s’opposer à la communication des résultats bruts, dont seule l’interprétation était diffusée ; qu’en pensez-vous ? Quelle attitude aurez-vous à ce sujet, concernant surtout les recherches en matière de santé, mais aussi les effets sur l’environnement ?

Enfin, que pensez-vous de la théorie controversée de l’équivalence en substance, au nom de laquelle, en Amérique du Nord, on a refusé l’étiquetage ? Sur des sujets comme le MON810, lorsqu’il y a doute, pensez-vous exiger des études longues ?

Mme Catherine Bréchignac. Je réponds d’abord sur le sujet de l’enthousiasme. Quand je fais quelque chose, c’est toujours par conviction. J’ai effectivement une charge de travail relativement lourde, mais si l’on me confie la présidence du Haut conseil des biotechnologies, j’abandonnerai la présidence du Palais de la Découverte, qui est en train de se rapprocher de la Cité des sciences.

Concernant la dernière question qui m’a été posée, je demande que l’on ne confonde pas les rôles. Ce n’est pas parce que l’on est scientifique que l’on est expert en toute matière scientifique. Ce sur quoi vous m’avez interrogée est typiquement du ressort du comité scientifique du Haut conseil. Pour ma part, en tant que scientifique, je peux vous répondre à une question sur les nanotechnologies, mais il n’est pas question que je me substitue aux scientifiques spécialistes des biotechnologies. Au CNRS, de même, je fais en sorte que chacun soit dans son rôle.

Quant à l’Académie des sciences, j’en fais certes partie, mais je suis également membre de l’Académie des technologies ainsi que de l’académie américaine, qui s’étend aux sciences humaines et sociales.

Le mot « biotechnologie » est apparu en 1913 mais en réalité, on en fait depuis très longtemps. D’une manière générale, on pratique souvent une technologie avant d’avoir compris la science qui la fonde ; ainsi, par exemple, les Chinois utilisaient la boussole avant d’avoir compris le magnétisme. L’utilisation de la levure pour fabriquer du pain, la mise au point de vaccins par Pasteur sont des biotechnologies. Les OGM font peur parce qu’on n’en comprend pas bien le soubassement scientifique et qu’on s’interroge donc sur leurs effets.

C’est là qu’apparaît toute la pertinence d’un Haut conseil formé de deux comités, l’un approfondissant les questions scientifiques et l’autre relayant les interrogations de la société, le président s’employant quant à lui à faire dialoguer leurs membres.

S’agissant de mes compétences, d’un point de vue scientifique il se trouve que les nanotechnologies, qui sont mon domaine, concernent de plus en plus celui des biotechnologies. Tout le problème, sur lequel je crois que mon expérience pourra être utile, est de savoir utiliser à bon escient les progrès scientifiques. Par ailleurs, je n’aspire pas à avoir une fonction administrative : ce que j’aime faire, c’est piloter. Le rôle du président du Haut conseil est à mon avis de s’assurer, du côté scientifique, que les protocoles sont bien suivis et que l’on a bien balayé l’ensemble des questions à se poser, et de l’autre, que l’on s’interroge comme il convient sur les usages.

Quant aux scientifiques, notre pays en compte d’excellents dans tous les domaines. Mais peut-être est-il préférable que le président du Haut conseil ne soit pas un spécialiste des biotechnologies, afin qu’il conserve la distance nécessaire par rapport au sujet.

L’indépendance du Haut conseil, j’y tiens énormément : pour éclairer le Gouvernement et lui permettre de se déterminer en connaissance de cause, il faut une instance indépendante. D’ailleurs, la première fois que le ministre d’Etat m’avait sollicitée, je lui avais expliqué que je n’aimais pas qu’on me tienne la main.

Enfin, il me paraît très important de travailler à la mise au point de normes européennes. Je ne reviens pas sur le MON810 puisqu’un moratoire a été décidé, mais il est clair aujourd’hui que les expérimentations des OGM se font en milieu confiné, seules deux expériences en plein champ étant menées par l’INRA, sous étroite surveillance et dans le cadre d’une démarche citoyenne. Pour terminer, il me paraît important de souligner que si en Europe 61 % des entreprises de biotechnologie se trouvent dans le secteur de la santé, cette part n’est que de 53 % en France, tandis que les proportions sont de 32 % en Europe et 44 % en France pour le secteur agricole et agroalimentaire. Et il ne faut pas oublier que les biotechnologies ne se limitent pas aux OGM : je pense que le Haut conseil aura à s’intéresser à d’autres sujets d’une haute importance.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie. Je vais maintenant vous demander de quitter la salle, et nous allons procéder au vote.

La Commission, se prononçant par un vote à bulletin secret, émet, à la majorité de 27 voix contre une, sur 33 votants et 28 suffrages exprimés, un avis favorable à la nomination de Mme Catherine Bréchignac à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.

——fpfp——