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Jeudi 7 mai 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 52

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition de M. Jean-Ludovic Silicani, candidat à la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), et avis de la Commission sur cette candidature, en application de l’article L. 130 du code de la Poste et des télécommunications électroniques.

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. Jean-Ludovic Silicani, candidat à la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) en vue de l’avis que la Commission doit donner sur cette candidature, en application de l’article L. 130 du code de la Poste et des télécommunications électroniques.

M. le président Patrick Ollier. Mes chers collègues, la présente audition sera suivie d’un vote à bulletin secret en vue de la nomination du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Je rappelle que celui-ci est nommé pour six ans non renouvelables, par décret pris après avis des commissions compétentes du Parlement.

Le 4 janvier dernier, notre commission avait validé à l’unanimité la nomination du précédent président, Jean-Claude Mallet, mais de graves raisons de santé ont obligé celui-ci à démissionner. Je salue son courage.

Nous entendons aujourd’hui Monsieur Jean-Ludovic Silicani, candidat à sa succession.

Je vous propose, Monsieur le conseiller d’État, que vous commenciez par vous présenter afin de permettre à la Commission de se prononcer sur votre candidature.

Je vous poserai ensuite quelques questions concernant la symétrie qui doit prévaloir en matière de régulation, les ondes électromagnétiques, la gouvernance de l’ensemble du secteur et la place que vous entendez donner à la collégialité au sein de l’ARCEP.

M. Jean-Ludovic Silicani. D’origine italo-corse, je suis né à Alger de parents instituteurs. Ma famille a quitté l’Algérie peu avant la décolonisation pour s’installer en Île-de-France. C’est sans doute de cette culture familiale que me vient mon profond attachement au service public.

Ma formation est à la fois scientifique – je suis ingénieur civil des mines –, économique – je suis titulaire d’un DEA de sciences économiques – et administrative et juridique, grâce à l’expérience que j’ai acquise à l’ENA et au Conseil d’État. Cette triple compétence me sera certainement très utile pour exercer dans de bonnes conditions la présidence d’une autorité comme l’ARCEP.

Mes activités professionnelles ont été nombreuses et variées, dans trois grands domaines.

Je suis passionné par la modernisation de l’État et des services publics. C’est ce qui m’a amené au Conseil d’État et au contrôle de légalité des activités de l’administration. De 1995 à 1998, j’ai été commissaire à la réforme de l’État, sous l’autorité de deux Premiers ministres – Messieurs Juppé et Jospin ; plus récemment, j’ai rédigé à la demande du Gouvernement, un Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, avant d’être membre de la commission présidée par Édouard Balladur sur la réforme des collectivités locales.

Dans le domaine de la culture et des médias, j’ai été directeur de l’administration générale au ministère de la culture de 1986 à 1991, sous l’autorité de deux ministres successifs – François Léotard et Jack Lang. À ce titre, j’ai participé à l’élaboration de la réforme de l’audiovisuel, qui a donné lieu à la loi de 1986, toujours en vigueur. En 1992 et 1993, j’ai été directeur général de la Bibliothèque nationale de France. Depuis 2001, je préside le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, mis en place par Catherine Tasca.

Dans le domaine économique et technologique, grâce à ma double formation d’ingénieur et d’économiste, j’ai été, dans les années 80, rapporteur au Comité de développement des industries stratégiques, puis conseiller juridique auprès du ministre de l’industrie et de la recherche, et directeur auprès du président de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR).

En 2003, revenu au Conseil d’État, j’ai été rapporteur à la section des travaux publics de deux projets de loi importants, l’un portant sur la modernisation du service des postes et des télécommunications, l’autre sur les communications électroniques.

J’ai beaucoup appris de ma collaboration avec de nombreux partenaires et plusieurs ministres, de droite comme de gauche, et j’ai entretenu de bonnes relations avec chacun d’entre eux.

Je souhaite rappeler, par ailleurs, que les fameuses « autorités administratives indépendantes » sont avant tout des administrations de l’État. Indépendantes par rapport au Gouvernement, elles sont placées sous le contrôle du Parlement et du juge, et ne représentent nullement un quatrième ou un cinquième pouvoir.

En outre, toutes les activités économiques, y compris dans le cadre d’une économie de marché, nécessitent une régulation publique. Cela vaut pour toutes les activités concurrentielles, contrôlées notamment par l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers, mais encore plus pour celles qui s’ouvrent à la concurrence. C’est le cas des secteurs de l’énergie, des postes et télécommunications, dans lesquels la régulation vise à assurer la constitution d’un véritable marché.

J’en viens à l’ARCEP.

Je commencerai par rendre hommage à Monsieur Jean-Claude Mallet pour le travail remarquable qu’il a accompli.

Quels seront les axes stratégiques et le mode de gouvernance de l’ARCEP au cours des prochaines années ?

Comme toute autorité indépendante, l’ARCEP est un organe des administrations publiques. À ce titre, elle contribue à la mise en œuvre de politiques publiques, définies par le Parlement et le Gouvernement, dans trois secteurs : développement économique et emploi, défense des intérêts des consommateurs, aménagement solidaire et équilibré du territoire.

S’agissant du développement économique et de l’emploi, le secteur des communications électroniques et des services postaux représente un chiffre d’affaires compris entre 50 et 70 milliards d’euros par an, ce qui représente de 4 à 5 % du PIB. Ce secteur est concerné par deux grands chantiers, dans lesquels l’ARCEP a un rôle déterminant. Il s’agit tout d’abord de parvenir à une utilisation optimale des fréquences hertziennes. Ces fréquences représentent un bien rare, qui appartient au domaine public : il convient donc de les utiliser de façon optimale. Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique ainsi que la libération de fréquences par le ministère de la défense constituent des opportunités qu’il faut saisir. L’optimisation du dividende numérique ainsi obtenue nous permettra d’améliorer la qualité des émissions et de multiplier l’offre de services offerts par les opérateurs.

C’est donc dans ce cadre que doit être traitée la quatrième licence de téléphonie mobile. L’autorité de régulation ayant mené des études préalables, il appartient désormais au Gouvernement de fixer les conditions d’un appel d’offres et de fixer le prix. Lorsqu’il aura pris connaissance de l’évaluation complémentaire que va lui transmettre la Commission des participations et des transferts et pris sa décision, l’ARCEP lancera l’appel d’offres et désignera en toute impartialité l’opérateur qui obtiendra cette quatrième licence. Un paquet de fréquences fera l’objet d’un appel d’offres ultérieur, mais il sera vendu aux enchères. Cette méthode inédite demandera à l’ARCEP des efforts importants en termes d’ingénierie.

Un autre chantier important attend l’ARCEP avec le lancement du plan fibre optique. Cette technologie, véritable révolution économique et sociétale qui permettra à tous les ménages d’accéder un jour au très haut débit, représente un investissement de plus de 10 milliards d’euros. Le Conseil des ministres qui s’est tenu hier a décidé que la Caisse des dépôts mobiliserait 250 millions d’euros pendant trois ans pour équiper les zones susceptibles de ne pas bénéficier de la fibre optique en raison de la faible densité de leur population.

Il appartient à l’ARCEP d’établir, avant la fin du mois de juin, le cadre juridique du développement de la fibre optique et de fixer les conditions d’utilisation des technologies multifibre et monofibre sur l’ensemble du territoire – sachant que France Télécom soutient la technologie monofibre. C’est un enjeu important car, faute de sécurisation juridique, les opérateurs tarderont à développer le réseau de la fibre optique.

J’en viens à la défense des intérêts des consommateurs.

Certes, le développement de la concurrence, en provoquant la baisse des prix, semble favorable aux consommateurs. Mais gardons-nous de faire uniquement confiance à cela !

Pour garantir aux consommateurs la qualité des services, la préservation de leur santé et les meilleurs prix, l’ARCEP dispose de moyens d’action puisqu’elle peut mettre en demeure les opérateurs de remplir leurs obligations en la matière et, le cas échéant, prononcer des sanctions. Si je suis nommé président de l’ARCEP, j’y veillerai scrupuleusement.

La santé des consommateurs est un sujet extrêmement sensible. À la suite de la table ronde qui s’est tenue le 23 avril autour de la ministre de la santé, les membres du Grenelle des ondes se sont réunis hier. Il est important d’écouter les spécialistes, médecins et scientifiques. Dans leur majorité, les études parues sur la question ne font pas état de véritables risques concernant les antennes-relais, mais elles se montrent moins catégoriques pour les téléphones portables. Si des décisions sont prises dans le cadre du Grenelle des ondes, l’ARCEP les mettra en œuvre dans la mesure où cela relèvera de sa compétence. L’utilisation optimale du spectre et l’augmentation de la puissance des émissions, outre qu’elles amélioreront la couverture du territoire, devraient permettre de réduire la puissance des ondes émises par les téléphones portables, que certains soupçonnent de nocivité.

En matière de tarifs postaux, il faut offrir les meilleurs prix aux consommateurs. À cet égard, l’ARCEP est chargée de fixer un cadre pluriannuel aux tarifs postaux. Certains économistes prévoient une inflation nulle en 2009. L’ARCEP rencontrera les représentants de La Poste pour que cette nouvelle donne économique se traduise dans les tarifs postaux. Si je suis nommé président, j’en discuterai avec le président de La Poste.

S’agissant de la téléphonie, l’ARCEP a pour mission d’orienter les prix vers les coûts, c’est-à-dire à la baisse, en particulier les numéros surtaxés (services à valeur ajoutée), qui sont manifestement excessifs.

J’en viens à la fonction de régulation de l’ARCEP.

S’il existe plusieurs autorités indépendantes, c’est que leurs rôles sont différents. L’Autorité de la concurrence est chargée de garantir une concurrence maximale, tandis que l’ARCEP, plus sectorielle, recherche la concurrence optimale. La première, qui vise uniquement la baisse des prix, suppose un nombre très élevé d’opérateurs. Mais, si les prix sont trop bas, les opérateurs cessent d’investir et le marché en souffre. L’ARCEP doit donc trouver un niveau de concurrence raisonnable, susceptible de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant le développement d’un réseau d’opérateurs compétitifs et innovants.

L’aménagement solidaire et équilibré du territoire constitue la troisième politique publique dans laquelle l’ARCEP joue un rôle essentiel. L’Autorité doit notamment s’assurer que les engagements pris par les opérateurs de téléphonie mobile sont honorés. Ce n’est pas le cas : l’ARCEP devra donc, dans les plus brefs délais, les amener à tenir leurs engagements, en particulier ceux relatifs à la troisième génération. Pour cela, la loi donne à l’ARCEP la possibilité de mettre les opérateurs en demeure, d’appliquer des sanctions conditionnelles, ou encore de ne pas renouveler leur licence.

Le plan fibre optique permettra, à terme, à tous les ménages de bénéficier du haut débit, et plus tard, du très haut débit. Si nous voulons que les PME s’installent dans les zones rurales, il faut leur offrir un accès Internet de qualité.

S’agissant de La Poste, l’ARCEP doit notamment garantir le respect du service universel et l’accessibilité au service postal.

Le mode de gouvernance de l’ARCEP passe par la collégialité. Celle-ci a été renforcée par Jean-Claude Mallet. Si je suis nommé, j’agirai de la même façon. Mon expérience au Conseil d’État m’incite à tenir compte des expertises et des compétences les plus diverses, et à travailler de façon collégiale. Cela dit, la collégialité ne doit pas nous empêcher de prendre une décision. Les autorités indépendantes, plus que les administrations classiques, consultent largement avant de prendre leurs décisions et les expliquent de façon approfondie. L’ARCEP justifiera ses décisions auprès des opérateurs, des populations et des élus. J’ajoute que le Comité des réseaux d’initiative publique, mis en place au sein de l’ARCEP, associe régulièrement les élus locaux à ses travaux.

Vis-à-vis de ses partenaires du secteur privé, l’ARCEP conserve son indépendance mais s’attache à comprendre leurs préoccupations, dans le respect de l’intérêt général et en accord avec les autres institutions publiques. Le Parlement a une place importante au sein de l’ARCEP puisqu’il nomme quatre de ses membres et auditionne son président, avant sa nomination et, après celle-ci, dès lors qu’il le souhaite. Je me tiens donc à votre entière disposition pour répondre à vos questions, vous expliquer ce que nous envisageons de faire et vous rendre compte des engagements que nous prenons. L’ARCEP travaille également en amont avec le Gouvernement. Elle entretient de bonnes relations avec les juges, administratifs et judiciaires, et avec les autres autorités indépendantes, en particulier l’Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

L’ARCEP entretient également des relations étroites avec les institutions européennes, puisque le Gouvernement a la sagesse de l’associer à l’élaboration des projets relatifs aux directives et aux règlements européens.

Si je suis amené à présider cette instance, je veillerai à ce qu’elle exerce pleinement toutes ses compétences.

M. le président Patrick Ollier. La collégialité a donné lieu à des prises de position fortes au sein de notre assemblée. Pour nous, le principe de collégialité doit s’accompagner du plus grand secret. Il est pour nous inacceptable que tel ou tel membre d’une instance collégiale se prononce contre une décision qui a été prise par celle-ci. L’ARCEP est-elle en mesure de garantir la confidentialité ?

M. Jean-Ludovic Silicani. Je partage votre point de vue, monsieur le président : une décision prise de façon collégiale s’impose à l’ensemble du collège, et j’userai de mon autorité pour faire appliquer ce principe.

M. François Brottes. Votre connaissance du sujet et votre sens de la diplomatie sont incontestables, mais le président de l’ARCEP se doit d’exercer son autorité à l’intérieur de l’institution comme à l’égard de l’ensemble des acteurs du secteur. Cette autorité, qui vous est confiée par la loi, vous donnera prochainement l’occasion de vous exprimer sur des questions délicates. Nous devons savoir si vous serez en mesure d’y faire face.

J’ai participé à la table ronde instaurant le Grenelle des antennes-relais. Pourquoi l’ARCEP n’a-t-elle pas dénoncé ce que je considère comme une aberration ? Nous refusons de nous laisser abuser, tant par les juges que par un secrétaire d’Etat qui plaide en faveur du moratoire !

Mme Laure de La Raudière. Vous avez raison !

M. François Brottes. Aucune des 2 500 études qui ont été réalisées sur le sujet n’a démontré la nocivité des antennes. Des réactions comme celles de la secrétaire d’Etat risquent de servir d’alibi aux opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements de couverture. Nous ne pouvons attendre les décisions hypothétiques de la prochaine table ronde !

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes parfaitement d’accord avec vous sur ce point, monsieur Brottes !

M. François Brottes. L’ouverture du capital de La Poste va confronter l’ARCEP à la réorganisation du secteur postal. C’est un rôle nouveau pour elle, mais il lui faudra être très prudente, car ce secteur souffre de la dégradation de la situation économique et le courrier n’offre aucune marge de progression.

Imaginez que l’un de mes amis ait réalisé des téléchargements interdits et que mon abonnement Internet ait été suspendu. Fort d’une récente décision du Parlement européen, je saisis l’ARCEP. Lorsque vous serez président de l’ARCEP, coincé entre une loi inapplicable et les décisions européennes qui nous seront imposées, comment entendez-vous utiliser votre autorité pour régler ces conflits ?

Mme Laure de La Raudière. Pour les responsables politiques, les avis de l’ARCEP sont prépondérants. Face à l’industrie complexe et dominante des télécommunications, l’ARCEP doit aider les responsables politiques à faire les bons choix en toute indépendance. Il lui faut donc un patron.

Pour améliorer la compétitivité et les performances économiques des entreprises françaises, il nous faut des champions des technologies de l’information et de la communication, faute de quoi les géants américains, comme Google et Apple, maintiendront leur hégémonie. L’ARCEP peut-elle aider les entreprises françaises à développer leur politique industrielle ?

Vous avez évoqué la convergence entre l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence. Pour ma part, je l’imaginais plutôt avec le CSA, pour des raisons tenant au dilemme contenu-contenant, à la conjonction entre les téléphones fixes et téléphones mobiles, et à l’enjeu des fréquences.

En matière d’aménagement du territoire, vous évoquez le plan fibre optique, dont je crains qu’il ne concerne que 30 % du territoire et 70 % des Français. Il faut mettre en place un cadre réglementaire pour assurer l’accès au très haut débit pour tous et éviter ainsi une nouvelle fracture numérique. Je ne vous apprendrai pas que, lorsque 70 % de la population bénéficieront d’une couverture de 100 mégabits, ceux qui en seront restés aux 512 mégabits n’auront plus accès à Internet. Le rôle de l’ARCEP à cet égard est donc prépondérant.

Qu’en est-il de la régulation symétrique, compte tenu de la concurrence qui règne dans le domaine des télécommunications ?

J’en viens à la sécurité des réseaux. Sachant que la moitié des Français utilisent Internet et que l’économie de notre pays en dépend, il serait souhaitable que nous puissions, au niveau européen, nous prémunir d’attaques malveillantes visant à paralyser l’économie. Qu’en pensez-vous ?

M. Lionel Tardy. Vous avez été directeur de l’administration générale au ministère de la culture, directeur de la Bibliothèque nationale de France, président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), président du Comité d’orientation du Fonds de modernisation de la presse quotidienne, président du conseil d’administration de la Réunion des Musées nationaux. Votre parcours fait de vous plus un spécialiste de la culture que des télécommunications. L’ARCEP a été outrageusement silencieuse lors de l’examen du projet de loi « création et Internet ». Comment envisagez-vous votre fonction de directeur de l’ARCEP face au secteur des télécommunications ?

Je ne voudrais pas que l’ARCEP devienne un ministère de la culture bis !

M. Jean-Yves Le Déaut. Selon vous, à quoi sert une autorité administrative indépendante, mis à part ce qui s’apparente à un pouvoir de police ? Comment comptez-vous utiliser la délégation de pouvoirs que la loi confère désormais à de telles instances ?

Nous n’avons pas entendu l’ARCEP sur la répartition du très haut débit. Si elle ne fait pas preuve d’autorité vis-à-vis des opérateurs, elle sera à peine un ministère de la culture bis !

Le juge de Lyon qui a ordonné à un opérateur de démonter une antenne-relais a indiqué que leur dangerosité n’avait pas été prouvée. Qu’en sera-t-il si l’autorité de régulation ne se prononce pas sur cette affaire, qui va à l’encontre du principe constitutionnel de précaution ?

M. Daniel Fasquelle. Sensible à la question de l’aménagement du territoire, je doute que le plan fibre optique pourra un jour équiper tous les villages de notre pays. L’accès de tous aux nouvelles technologies doit être la première des missions de l’ARCEP.

Nous avons tous été victimes des opérateurs de téléphonie mobile, qui se sont entendus sur les prix. L’ARCEP, en liaison avec l’Autorité de la concurrence, peut-elle faire en sorte que cela ne se reproduise pas ?

Quant au danger des antennes pour la santé, comment comptez-vous peser sur la décision qui sera prise ?

M. Pierre Lasbordes. J’ai été amené, il y a quelques années, dans le cadre d’une mission confiée par le Premier ministre de l’époque, à proposer la création d’une agence sur la sécurité des systèmes d’information et des réseaux. Cette agence est mise en place depuis peu. Comptez-vous travailler avec elle ? Si oui, comment ? L’ARCEP entend-elle proposer des améliorations au plan numérique 2012, qui me semble peu ambitieux ?

M. le président Patrick Ollier. Les membres de la Commission des affaires économiques sont unanimes : à nos yeux, plus encore que son indépendance, c’est l’autorité de l’ARCEP qui est importante. Je suis totalement opposé à tout moratoire sur les antennes-relais, et j’ai été choqué d’entendre un membre du Gouvernement faire une déclaration en ce sens, d’autant qu’un juge s’en est servi pour prononcer un jugement laxiste, faisant fi du principe de précaution. Nous n’acceptons pas cela et nous serons très vigilants pour que de tels dérapages ne se reproduisent pas ? Nous attendons de l’ARCEP qu’elle se prononce sur cet épisode inacceptable et nous demanderons à Madame la secrétaire d’État à l’écologie de se justifier.

M. Jean-Ludovic Silicani. S’agissant de l’autorité de l’ARCEP et de son président, je crois pouvoir vous rassurer car ce qui m’a été parfois reproché, dans certaines de mes précédentes fonctions, c’était de faire preuve de trop d’autorité. Je tiens à mon indépendance et je dis généralement ce que je pense. J’entends exercer pleinement l’autorité qui me sera confiée. Si l’ARCEP ne devait être qu’une administration centrale, mieux vaudrait la supprimer !

Concernant la santé de nos concitoyens et les risques éventuels des antennes-relais et des postes récepteurs, l’ARCEP prendra une position claire. Si aucune étude ne démontre le danger des antennes-relais, des incertitudes subsistent sur celui des terminaux téléphoniques mais, en veillant à l’application de la règlementation de leur puissance, nous devrions parvenir à réduire les risques.

Monsieur Brottes, sur le service postal, je tiens à rappeler que pour l’ARCEP, l’évolution du statut de La Poste, qui est aujourd’hui un  établissement public et qui pourrait devenir une société anonyme dont la totalité du capital sera détenue par les collectivités publiques, ne changera rien. Quel que soit le statut de la Poste, l’ARCEP fera respecter le service universel. L’ouverture du marché de La Poste est prévue pour le 1er janvier 2011. L’ARCEP souhaite compléter les outils de régulation dont elle dispose pour contrôler le marché postal, et elle a récemment fait des propositions en ce sens au Gouvernement.

Après le vote de la loi HADOPI, les internautes qui souhaitent contester les décisions de la Haute autorité devront saisir le juge judiciaire, qui sera seul compétent pour statuer sur les sanctions consistant à priver les abonnés de l’accès au réseau. L’ARCEP n’a pas pour mission de régler les différends entre les particuliers et les opérateurs.

Madame de La Raudière, tout le monde reconnaît la qualité des travaux de l’ARCEP, mais certains estiment que ses décisions sont trop mesurées. Comme vous le souhaitez, si je suis nommé président, je veillerai à ce qu’elles soient plus nettes.

Vous avez raison aussi lorsque vous dites que les décisions de l’ARCEP doivent servir à améliorer la solidité des opérateurs et des équipementiers de notre pays, qui représentent une part considérable de notre économie.

Les organes de régulation sont complémentaires. L’Autorité de la concurrence vise – on ne saurait lui reprocher – à atteindre une concurrence maximale, tandis que l’autorité sectorielle qu’est l’ARCEP cherche à atteindre une concurrence optimale. L’opérateur historique ne doit pas écraser le marché, mais il faut n’accroître que progressivement le nombre d’opérateurs car sinon, aucun d’entre eux ne sera suffisamment compétitif pour investir dans les travaux et les recherches nécessaires.

Les techniques susceptibles de garantir l’accès à Internet sur tout le territoire nécessitent des recherches, que les opérateurs doivent financer. Je suis donc favorable à une régulation équilibrée, qui bénéficie aux consommateurs et aux opérateurs.

La notion de convergence est très complexe. Faut-il préférer le schéma anglo-saxon, qui organise la régulation sur le thème des communications, ou le schéma allemand, plus abstrait, qui le fait sur le thème des réseaux ? Faut-il organiser la convergence entre contenant et contenu, entre téléphonie mobile et téléphonie fixe, ou encore entre télévision, Internet et téléphonie ?

A ce stade, je ne le sais pas. Le Gouvernement a demandé à l’ARCEP et au CSA de travailler ensemble pour faire des propositions. C’est ce que nous allons faire.

Outre la fibre optique, il existe des technologies susceptibles d’assurer la continuité territoriale. Nous ferons des propositions en ce sens.

L’ARCEP ne s’est impliquée que depuis peu de temps dans la sécurité des réseaux, mais il est clair que nous devrons veiller à garantir leur fiabilité et la sécurité des services aux consommateurs.

Monsieur Tardy, vous évoquez l’aspect principalement culturel de mon parcours. Je vous rappelle que Monsieur Mallet, qui a été un excellent président de l’ARCEP, est agrégé de lettres et que je suis ingénieur et économiste. Je ne renie pas les postes que j’ai occupés au ministère de la culture, car ils représentent pour moi un atout. Un président de l’ARCEP qui connaît ses interlocuteurs pourra mieux discuter avec eux. Faites-moi confiance. Enfin, si je suis nommé, je démissionnerai de mon poste de président du CSPLA.

Monsieur Le Déaut, l’ARCEP est une haute autorité indépendante par rapport au Gouvernement, mais sous le contrôle du Parlement et du juge. Elle dispose de pouvoirs de décisions individuelles et d’un pouvoir réglementaire délégué. Pour les exercer, il faut de l’autorité. En qualité de conseiller d’État, je saurai utiliser ces pouvoirs avec impartialité.

Monsieur Fasquelle, l’ARCEP contribuera au développement de toutes les technologies susceptibles d’assurer la continuité territoriale.

Vous avez évoqué, Monsieur Lasbordes, la mise en place récente d’une instance portant sur la sécurité des réseaux. Le Conseil des ministres a décidé de consacrer 250 millions d’euros, trois années de suite à mobiliser par la Caisse des dépôts, au développement des zones à faible densité. Naturellement, si les besoins s’intensifient, le plan numérique 2012 devra être renforcé.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Silicani, je vous remercie. Je vais maintenant vous demander de quitter la salle, et nous allons procéder au vote.

La Commission, se prononçant par un vote à bulletin secret, émet, à la majorité de 12 voix sur 13 votants et 12 suffrages exprimés, un avis favorable à la nomination de M. Jean-Ludovic Silicani à la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

——fpfp——