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Mercredi 13 mai 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 54

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Examen de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles a été préparée puis prise par Michelin, la décision de fermer l’usine Kléber de Toul (Meurthe-et-Moselle), et sur les contre-propositions économiques et industrielles élaborées par les syndicats en faveur du maintien du site et des emplois (n° 906) (M. Yves Albarello, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi relative à la transformation écologique de l’économie (n° 1622) (M. François de Rugy, rapporteur)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Yves Albarello, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles a été préparée puis prise par Michelin, la décision de fermer l’usine Kléber de Toul (Meurthe-et-Moselle), et sur les contre-propositions économiques et industrielles élaborées par les syndicats en faveur du maintien du site et des emplois (n° 906).

Le Président Patrick Ollier. Je laisse la parole à notre rapporteur, qui a effectué, je veux le souligner, un travail remarquable sur la proposition dont nous sommes saisis par le groupe GDR, et exceptionnel, s’agissant d’une proposition de commission d’enquête.

M. le Rapporteur. Début février, vous m’avez fait l’honneur de me confier la responsabilité d’étudier, en vue d’un rapport à présenter à notre Commission, la proposition de résolution n°906 tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de la fermeture de l’usine de Kleber (Groupe Michelin) de Toul en Meurthe-et-Moselle.

A cette fin, je me suis scrupuleusement attaché à examiner le problème sous tous ses aspects. Cela m’a conduit à analyser de nombreux documents, à rencontrer un certain nombre d’interlocuteurs à Paris, enfin à me rendre sur place, à Toul et à Nancy, le 19 février dernier pour une journée entière de travail avec le Préfet, le Sous-Préfet, les fonctionnaires des administrations compétentes, les syndicalistes représentatifs, les dirigeants locaux de la Société Kléber, etc. Je tiens à cet égard à remercier en particulier les responsables CGT qui ont poursuivi ultérieurement ce dialogue en me communiquant périodiquement après notre entrevue de nombreuses et intéressantes informations par courriels.

Par ailleurs, j’ai dû tenir compte fin mars et début avril d’informations diffusées dans les médias selon lesquelles le nom de « Michelin » pourrait être cité à l’occasion d’une affaire fiscale délictueuse ayant pour cadre un pays connu en matière d’évasion fiscale, le Liechtenstein. Cet événement a entraîné de ma part une demande complémentaire d’information tant auprès du Ministre du Budget que de la Chancellerie qui vient de donner sa réponse.

En effet, conformément à l’article 141 (alinéa 2 notamment) du Règlement de notre Assemblée Nationale, il a fallu vérifier auprès du Garde des Sceaux si cette affaire fiscale pouvait donner lieu à des poursuites judiciaires sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution précitée. Si tel avait été le cas, nous n’aurions pas pu discuter de cette proposition de résolution. Après vérification, il apparaît que cette affaire fiscale, pour ce que l’on peut en connaître en raison du secret de l’instruction, ne présenterait pas de rapport direct avec l’objet de notre proposition de résolution. Il en est de même pour la plainte en séquestration déposée le 2 mars 2009 par deux cadres du Groupe Michelin.

Ce contretemps a provoqué un retard indépendant de ma volonté ce qui vous explique le recul jusqu’à aujourd’hui de la présentation de mon rapport qui était prêt fin mars lorsque cet événement imprévu a eu lieu.

La proposition de résolution de nos collègues comportait une double demande : d’une part la recherche des « conditions dans lesquelles a été préparée puis prise par Michelin la décision de fermer l’usine Kléber de Toul (Meurthe-et-Moselle) »; d’autre part l’examen des « contre-propositions économiques et industrielles élaborées par les syndicats en faveur du maintien du site et des emplois ».

L’exposé des motifs, que je résume, précise les raisons de cette double demande. Sur le premier point, nos collègues font valoir que le Groupe Michelin a présenté comme inéluctable la fermeture du site de Toul au regard des pertes enregistrées par cette unité d’exploitation alors que le Groupe n’aurait pas effectué au cours des années antérieures les investissements nécessaires pour en assurer la rentabilité et qu’en tout état de cause les résultats du Groupe montrent, je cite, que « les licenciements annoncés sur Toul ne sont pas nécessaires à la sauvegarde ni à la compétitivité de l’activité Tourisme en Europe du Groupe Michelin, ni à la compétitivité du Groupe Michelin ».

Sur le second point, nos collègues reprennent à leur compte une opinion locale selon laquelle le travail de contre-propositions à la fermeture, effectué par les syndicalistes assistés d’un Cabinet d’étude, la société Secafi-Alpha, « apporte un éclairage significatif sur la pérennité du site.

Les représentants de la direction de Michelin vont devoir sérieusement plancher sur leur dossier pour convaincre l’ensemble des acteurs de la région de la nécessité de fermer l’usine de Toul ».

En conclusion, après avoir affirmé que le Groupe Michelin aurait volontairement créé une situation de sous-activité depuis plusieurs années afin de justifier en 2007 la décision de fermeture, nos collègues estiment que les 130 millions d’euros prévus par Michelin pour la reconversion des personnels seraient mieux employés dans des investissements au profit du maintien de l’usine, pour lesquels 90 millions seulement seraient nécessaires. D’où la demande d’une commission d’enquête permettant de dégager des solutions appropriées, c’est-à-dire le maintien du site et des emplois.

Il m’aurait été possible, depuis le mois de février, de considérer que l’émergence de la grave crise financière et économique mondiale qui sévit depuis l’automne dernier a radicalement transformé les données du problème telles qu’elles existaient au printemps 2008 lorsque la proposition de résolution a été déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale.

Mais je n’ai pas voulu me placer dans cette seule perspective, considérant qu’il fallait examiner aussi le contenu de la proposition de résolution à la date à laquelle elle était déposée. Toutefois, nous ne pouvons pas aujourd’hui traiter le présent et l’avenir en ignorant ce qui s’est passé depuis l’automne dernier.

Reprenons quelques données de base. L’usine Kléber de Toul était spécialisée dans le pneu de tourisme de moyenne gamme, marché qui est très attaqué par les concurrents asiatiques du Groupe Michelin, moins chers de 50%. En raison de cette concurrence, les salariés ont été obligés d’augmenter leur temps de travail depuis 2001 avec, en contrepartie, des jours de RTT puis une hausse de salaires (6%, en 2006).

Malgré cet effort, la production des pneus pour camionnettes (soit 1/3 des volumes) est arrêtée en 2006 et le 3 octobre 2007 Michelin annonce la fermeture de l’usine Kléber de Toul pour le début de l’année 2009. Cette fermeture concerne 836 salariés qui perdent ainsi leur emploi.

La vive réaction des salariés de l’usine conduit à la séquestration contre leur gré dans les locaux de l’usine de deux cadres de l’entreprise en février 2008 tandis qu’à l’automne le Groupe Michelin met en place un plan de reconversion. Fin novembre 2008 la production est arrêtée et le 31 décembre 2008 l’unité industrielle est déclarée en cessation d’activité.

Examinons maintenant les éléments du problème exposés par nos collègues.

Si la situation du Groupe Michelin a été satisfaisante jusqu’en 2007, en revanche elle s’est fortement dégradée en 2008 sous l’effet de la crise mondiale. Ainsi le chiffre d’affaires est-il tombé de 16,8 milliards d’euros à 16,4, la marge opérationnelle de 9,8% à 5,6%, les résultats nets de 772 millions à 357 millions – Quant aux volumes vendus ils ont baissé de 2,9% en 2008 alors qu’ils étaient en hausse de 3,2% en 2007 ; remarquons d’ailleurs à cet égard une baisse de 16% au quatrième trimestre de 2008, et une baisse de 14,2% au 1er trimestre 2009. Cette baisse traduit un recul du volume des ventes de près de 25%.

Un mot également sur les profits des actionnaires. En 2009, le dividende par action est tombé à 1€ alors qu’il était de 1,60 € en 2008.

Que peut-on en déduire ?

Tout simplement que si la fermeture de l’usine avait été décidée aujourd’hui, la plan social de 130 millions €, mis au point par Michelin, aurait certainement été beaucoup moins favorable aux salariés.

En effet, l’automobile, nous le savons tous, subit une terrible crise et cela dans le monde entier. General Motors, PSA Peugeot-Citroën, Renault, Volkswagen, Toyota, Ford Europe et ainsi de suite. Tous les constructeurs automobiles sont confrontés à une forte chute du marché. Naturellement, cette situation est identique en ce qui concerne les fabricants de pneumatiques.

En 2007, le marché mondial du pneumatique était de l’ordre de 127 milliards de dollars avec une croissance moyenne de 5,9% par an soit un triplement sur 20 ans.

Mais en 2008 et 2009, le marché s’est effondré. Continental, comme nous le savons, a décidé de fermer l’usine de Clairoix dans l’Oise.

Pirelli a supprimé 1500 emplois en Europe en 2008 et a prévu une économie de 300 millions € en 2009. Tous les marchés du pneumatique sont aujourd’hui en forte baisse en raison de cette crise violente de l’automobile.

S’agissant du marché du pneu tourisme/camionnette de moyenne gamme, on constate la présence de 1,1 milliard de pneus sur le marché mondial. La production est en forte baisse : en Europe, de 7,2% pour la première monte, de 4% pour le remplacement. La baisse est moins forte sur le plan mondial : 4% et 2,2% respectivement. Or, on sait que la production de l’usine de Toul se situait sur ce marché.

Replaçons par ailleurs le cas du site de Toul dans l’économie lorraine d’une part, française d’autre part. Au cours des 5 dernières années, l’industrie lorraine a perdu 22 000 emplois. Le bassin de Toul se trouve particulièrement éprouvé par la fermeture de l’usine Kléber qui affecte plus de 4% des emplois industriels existants directement touchés auxquels il faut ajouter un nombre inconnu d’emplois induits (sous-traitants, fournisseurs, vie économique locale, etc.).

S’agissant de la France entière, on constate une augmentation de 15% des défaillances d’entreprises en 2008 avec un recul de la production industrielle estimé à 9% en 2009 et 2% en 2010.

Dans ces conditions, on doit s’interroger : le site de Toul avait-il un avenir ?

Je rappelle que l’usine de Toul fabriquait des pneus de moyenne gamme qui sont fortement concurrencés depuis plusieurs années par des importations en provenance des pays à faibles coûts de production, notamment asiatiques, et cela dans un marché déjà en surcapacité.

Malgré un investissement de 45 millions € réalisé au cours des dernières années, l’usine de Toul montrait un coût de production supérieur de plus de 50% aux usines concurrentes.

A titre d’exemple un des principaux concurrent du Groupe Michelin le Coreen Hankook, qui demeure l’un des fabricants de pneus ayant la croissance la plus rapide dans le monde, produit dans sa nouvelle usine phare de Geumsan, entièrement automatisée en Corée, sur le même segment de marché 12 millions de pneus avec un effectif de 1 150 personnes que l’on peut comparer à l’usine de Toul produisant 4,5 millions de pneus pour un effectif de 836 personnes.

Enfin, à titre de comparaison :

Le coréen Hankook possède 4 usines pour une fabrication de 60 millions de pneus.

Michelin produit également 60 millions de pneus mais avec 12 usines.

De ce fait, malgré l’implication du personnel dans sa volonté de sauver l’usine et malgré sa qualification reconnue de tous, l’usine de Toul est apparue comme non viable aux dirigeants du Groupe Michelin.

A quel moment ? sur ce point, il y a divergence.

Les syndicats estiment que l’investissement de 45 millions € n’était pas destiné à améliorer réellement l’usine mais seulement à la maintenir à flot, sa « mort » étant programmée de longue date. Le Groupe Michelin dément et considère avoir fait tout ce qui était possible en temps opportun, c’est-à-dire jusqu’en 2006. Il estime que les limites technologiques de l’outil industriel empêchent sa reconversion pour produire des pneus haut de gamme dans des conditions économiquement viables.

Les syndicats contredisent ce point mais reconnaissent la lourdeur des investissements nécessaires et, même dans cette hypothèse, la disparition d’au moins ¼ des emplois.

Michelin a-t-il étudié toutes les possibilités de maintenir l’usine ?

L’industriel affirme que oui. Il a analysé 5 scénarios alternatifs auxquels il n’a pas donné suite, à savoir :

- augmentation du volume de production du site. Cette alternative se ferait au détriment d’usines dont les capacités sont plus importantes sans garantir pour autant des niveaux de coûts compétitifs à Toul. Elle aurait, par conséquent, pour résultat de renchérir globalement les coûts pour l’ensemble du groupe Michelin.

- montée en gamme des pneus fabriqués sur le site. Cette option conduirait de fabriquer uniquement des pneumatiques « haut de gamme » Kléber/BF Goodrich en raison du procédé industriel installé sur le site. Les volumes accessibles sur ce segment de marché sont plus limités, et les coûts de revient seraient, en outre, rapidement disproportionnés par rapport aux prix de vente de cette gamme de pneumatiques alors que Michelin dispose des capacités suffisantes pour produire cette même gamme dans des usines plus performantes.

- conversion du site avec mise en place du procédé de fabrication Michelin substitué au procédé Kléber. Le principe de fabrication est différent entre le procédé Kleber et le procédé Michelin. Premièrement : la tringle qui se trouve dans le talon du pneu est ronde pour Michelin alors qu’elle est carrée pour Kleber. Deuxièmement : en sortie de fabrication le pneu est suspendu a un crochet pour Kleber, ce qui pour les spécialistes déforme la pneumatique, alors que pour Michelin il est transporté sur un tapis. Même un investissement très important, (selon les options il peut s’élever jusqu’à 130 millions €) ne permettrait pas de lever le handicap de compétitivité pesant sur l’usine de Toul. Celle-ci resterait donc moins compétitive que les autres sites (coût plus de 50% supérieur aux usines du groupe les plus performantes d’Europe de l’Ouest). Réinvestir dans des capacités dont dispose déjà Michelin constituerait, par ailleurs, une erreur stratégique majeure qui mobiliserait d’importantes ressources au détriment de nouveaux développements pour des marchés en croissance.

- reprise du site par un manufacturier concurrent. Les manufacturiers européens déploient la même stratégie industrielle que Michelin, avec parfois un temps d’avance. Les manufacturiers asiatiques choisissent, quant à eux, de s’installer dans les pays européens à bas coûts de production pour maintenir des prix de vente très inférieurs à ceux de Kléber et gagner ainsi des parts de marché. Le choix récent de Hankook Tyres de s’implanter en Hongrie après un investissement de 500 M€ confirme cette analyse.

- moratoire jusqu’en 2011 quant à l’arrêt de la production et la fermeture de l’usine. Le problème de compétitivité du site de Toul est structurel. Le moratoire ne changerait donc rien à l’issue et pénaliserait l’ensemble du Groupe Michelin qui aurait à supporter pendant 3 années supplémentaires une structure de coûts trop élevés, empêchant tout ajustement des prix de vente et se traduisant par des pertes de parts de marché en Europe. Le reclassement du personnel de l’usine pourrait, quant à lui, s’avérer plus difficile.

C’est pourquoi, à moins de mettre en cause la bonne foi de Michelin, on doit constater que l’industriel a examiné toutes les autres possibilités que la fermeture avant de se résigner à cette décision.

Que penser des conclusions du Cabinet Secafi-Alpha, missionné par les syndicats ?

Selon ce bureau d’études, le Groupe Michelin aurait volontairement créé une sous-activité de l’usine de Toul en transférant massivement ses productions vers d’autres usines du Groupe, notamment en Europe de l’Est. En outre, il aurait provisionné depuis plusieurs années les 130 millions € consacrés à la reconversion afin de pouvoir fermer le site.

Secafi-Alpha estime que l’usine de Toul reste viable à peu de frais en se contentant de remettre une seule chaîne de production sur le site. Le cabinet estime cette opération à 64 millions € soit la moitié environ du plan de reconversion financé par Michelin pour fermer le site et indemniser les salariés. Ce surcroît de production impliquerait l’embauche d’une centaine de salariés. La production annuelle attendue serait de 4,5 millions de pneus.

Confrontées, la vision du Groupe Michelin et celle de Secafi-Alpha et des syndicats obéissent à deux logiques différentes. Michelin raisonne selon une stratégie de Groupe multinational. Secafi-Alpha et les syndicats raisonnent par rapport à un site individuel, celui de Toul, sans tenir compte du Groupe. Cette dernière vision part du postulat selon lequel l’usine de Toul pourrait exister par elle-même indépendamment d’une stratégie d’ensemble.

Chacun a ainsi sa propre logique. D’où la question : qui est qualifié pour définir la stratégie de l’entreprise, surtout quand il s’agit d’un grand groupe multinational employant quelque 130 000 salariés ?

A noter que par rapport à la position de Michelin et à celle de Secafi-Alpha / Syndicats il manque une vision tierce, qui n’a pas été sollicitée, indépendante vis-à-vis de ces deux parties opposées.

Si l’on accepte le point de vue traditionnel légal selon lequel c’est à l’entreprise qu’il appartient de définir sa stratégie, on doit dès lors admettre que Michelin était en droit de fermer son usine de Toul si sa stratégie le justifiait.

En revanche, la décision de fermer l’usine de Toul étant prise, Michelin avait alors le devoir de mettre en œuvre une compensation exemplaire sous forme de reconversion des 836 salariés à travers un plan pouvant servir de référence.

A cet égard, le programme de reconversion en cours d’exécution par Michelin répond manifestement à cette exigence.

Le plan de reclassement proposé par Michelin est exemplaire

De l’ordre de 130 millions €, il s’appuie en priorité sur un dispositif d’accompagnement de 9 à 12 mois dans des ateliers de transition professionnelle (ATP) spécialement créés à Toul par le Groupe. Pendant cette période, les salariés non reclassés conservent leur salaire, ils sont suivis par des conseillers professionnels et reçoivent des formations appropriées en vue d’un nouveau projet individuel. Pôle Emploi est présent sur le site.

Michelin s’est en outre engagé :

Le bilan des premiers reclassements fin janvier 2009 est prometteur

Le personnel ayant été réparti en 5 groupes, on constate :

Une convention de revitalisation entre la Side et la préfecture a été signée en décembre 2008. Le pôle de compétence européen Ecorevia concernant les matières premières issues du recyclage a été créé en partenariat avec GDF/SUEZ. Plusieurs projets sont en cours : granulation de caoutchouc et recyclage de plastiques pour 100 à 140 emplois, centre de relations Acticall pour 150 emplois avec extension éventuelle à 250, conventions (3) avec des entreprises du bassin d’emploi pour créer une centaine d’emplois (dont 77 déjà créés).

En résumé, on peut affirmer que si la décision de fermer l’usine de Toul devait être prise aujourd’hui, le plan de reclassement serait nettement moins favorable aux salariés.

La création d’une commission d’enquête est-elle justifiée ?

On doit mesurer les conséquences que pourrait provoquer la constitution d’une commission d’enquête dans les circonstances présentes où les industries liées à l’automobile sont particulièrement fragiles.

En outre, si l’on compare le cas de Toul avec celui de l’usine Continental de Clairoix, la situation est tout à fait différente. A Clairoix, il y avait eu un accord il y a trois ans entre les salariés et la direction de l’entreprise au terme duquel le temps de travail avait été augmenté en échange du maintien de l’emploi. Il n’y a rien de tel dans le cas de Kléber/Toul et la validité du motif économique de licenciement n’a pas été contestée par les salariés : aucune plainte sur ce point n’a été déposée en justice.

Sur le principe, il n’y a pas lieu de créer une commission d’enquête à l’occasion de chaque fermeture d’usine, aussi douloureuses que soient ces fermetures.

Au cas particulier, aucune malversation n’a été constatée ni aucun mauvais emploi de fonds publics. Seule est en cause une décision d’ordre stratégique prise par un groupe multinational.

Même si l’on adoptait le point de vue de Secafi-Alpha sur la viabilité éventuelle du site, est-ce à une commission parlementaire d’enquête d’apprécier le niveau de performance économique acceptable d’un site industriel ? D’apprécier l’opportunité d’un choix stratégique éventuel sur lequel les opinions divergent ?

Je ne le crois pas.

Michelin fait valoir divers arguments : surcapacité des usines européennes qui ne sont pas saturées, meilleure efficacité des investissements mis en œuvre dans d’autres usines. Est-ce à une commission d’enquête d’en juger ?

De même en ce qui concerne le transfert de production dans d’autres usines du groupe : qui peut, hormis l’entreprise, organiser cette répartition ?

Ce n’est ni au Parlement ni aux syndicats de définir la stratégie des entreprises.

Dans le passé, la création de commissions d’enquête a été très rare et la seule commission concernant une entreprise a visé la mauvaise et frauduleuse utilisation de fonds publics par la société Air Liberté.

Par ailleurs, dans le cas de l’usine de Toul, on constate que l’Etat joue son rôle. Le « comité de suivi » mis en place par le Préfet est actif et efficace. La Région peut aussi, de son côté, apporter un concours financier non négligeable à la reconversion du site.

C’est pourquoi, l’objectif prioritaire devrait être à mon sens d’obtenir le respect par Michelin de ses engagements de reconversion, en dépit de la nouvelle conjoncture économique.

Les salariés de Kléber/Toul ont sans doute eu le sentiment d’être un peu des laissés pour compte au sein du Groupe Michelin en raison des cultures d’entreprises très différentes entre Kléber et Michelin : la famille chez l’un, la maison chez l’autre. Le débat sur le maintien ou la fermeture de l’usine de Toul est aujourd’hui dépassé : l’usine est fermée, le matériel a été enlevé en grande partie, l’usine ne rouvrira pas.

En revanche, il est indispensable que les engagements en matière de reclassement soient tenus. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle est le mieux placé pour jouer en la circonstance le rôle attendu de l’Etat et la Ministre de l’Economie, Madame Christine Lagarde a fait valoir qu’elle y veillerait.

Compte tenu de ce qui précède, il me paraît justifié de ne pas donner suite à la proposition de résolution n° 906 dont la mise en œuvre, si elle était décidée, serait aujourd’hui trop éloignée de la réalité.

M. André Chassaigne. Je remercie le Président Patrick Ollier d’avoir permis l’examen en commission d’une proposition de résolution déposée par l’opposition, en l’occurrence le groupe GDR, ce qui est rarement le cas. Je salue également l’intervention du rapporteur Yves Albarello, qui témoigne d’un examen très attentif de la situation de l’usine Kléber de Toul, même si je ne partage ni l’analyse développée ni les conclusions qui en découlent. Je considère a contrario que le rapport qui a été présenté plaide en faveur de la constitution d’une commission d’enquête parlementaire en raison de la nécessité à la fois d’une vision tierce de ce qui s’est passé, évoquée par le rapporteur lui-même, mais également d’une autre approche de l’intervention économique. A l’heure où l’impératif d’une régulation de l’économie semble a priori faire consensus, peut-on, au nom du libéralisme économique, priver l’Etat et la représentation nationale de tout droit de regard sur la conduite des entreprises et de toute possibilité d’intervention sur les choix opérés par leurs dirigeants ? Enfin, il est temps de donner plus de pouvoir aux salariés en les impliquant davantage dans les décisions prises en matière d’emploi ou de fermeture de sites.

A cet égard, on peut s’interroger sur les difficultés que rencontre aujourd’hui la manufacture Michelin. En effet, dans deux jours, l’assemblée générale va proposer la distribution de profits aux actionnaires soit 147 millions d’euros de dividendes, 1 euro par action. La direction souhaite également proposer la distribution de 3 millions d’actions sous la forme de stocks-options aux 100 plus hauts dirigeants de l’entreprise, ce qui, compte tenu du cours de l’action Michelin autour de 43 euros, représente environ 130 millions d’euros, l’équivalent de la somme qui a été dépensée pour la fermeture du site de Kléber et du capital qui est aujourd’hui détenu par les salariés.

S’agissant ensuite des raisons avancées pour la fermeture du site, sont évoqués des problèmes de performance du matériel et d’obsolescence des installations qui paraissant d’autant moins avérés que depuis plusieurs mois, des ouvriers venus d’Europe de l’Est, de Serbie, de Pologne, de Roumanie, de Hongrie et même de Grande-Bretagne démontent les machines pour qu’elles soient remontées ailleurs, par exemple en Inde pour créer une ligne de vulcanisation. Cet état de fait semble donc démontrer que le matériel en question n’est pas si obsolète. Cette situation crée en outre de nouvelles illégalités, les ouvriers concernés arrivant en France sans convention de détachement.

Enfin, en ce qui concerne les engagements de Michelin en termes de reclassement, ceux-ci ne sont pour l’heure pas complètement tenus. Alors qu’il était question de présenter à chaque salarié dont l’emploi est supprimé une proposition sur 16 sites, seuls 250 propositions sur 5 sites ont été recensées sur les 800 promises. Par ailleurs, 10 % des 400 salariés sur 826 qui devaient être reclassés, dont 130 en interne, sont déjà au chômage. Je ne porte donc pas la même appréciation que le rapporteur sur la qualité des solutions apportées par Michelin, ce qui renforce la nécessité d’une commission d’enquête pour trancher cette question.

La technique qui consiste à mettre un site en difficulté pour pouvoir le fermer ensuite est bien connue. De ce point de vue, la situation de plusieurs usines Michelin posent question : par exemple, dans le Puy-de-Dôme, les salariés d’un site de rechapage de poids lourds de Clermont-Ferrand sont au chômage technique alors qu’à quelques kilomètres, un spécialiste du changement de pneumatiques doit mettre ses clients en attente pour la catégorie de pneus précisément fabriqués dans cette usine en l’absence de stock disponible ; de même, en raison de la mise au chômage technique de ses salariés, Michelin n’a pu fournir l’usine Trellborg de Clermont-Ferrand mettant celle-ci en difficulté.

L’objet d’une commission d’enquête est de faire la transparence et cette transparence est d’autant plus nécessaire que d’autres sites en France sont aujourd’hui menacés également sous le prétexte allégué d’une absence de performance ou de l’obsolescence du matériel : Montceau-les-Mines, Le Puy, La Roche-sur-Yon et Roanne.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je remercie le rapporteur pour son exposé argumenté tout en soulignant mon désaccord avec les conclusions apportées. Le constat selon lequel on ne peut rien faire et que la situation pourrait être pire ne me paraît pas du tout satisfaisant. On ne peut se résigner à un sentiment d’impuissance face à la stratégie des grands groupes internationaux, alors même que c’est au contribuable qu’il revient in fine de pallier les conséquences de ces stratégies. A cet égard, je rappelle que le Président de la République avait affirmé il y a un peu plus d’un an lors de son déplacement sur le site d’Arcelor-Mittal à Grandange que son objectif était de garder les usines en France car un pays qui n’a plus d’usines n’a plus d’économie. Or on constate que le tissu industriel continue de se défaire, notamment en Lorraine, avec le site de Gandrange mais également aujourd’hui avec Kléber à Toul, Total à Carling, Raflatac à Pompey ou encore Philips à Pont-à-Mousson.

Créer une commission d’enquête, ce n’est pas une attaque contre le groupe Michelin, c’est une tentative pour comprendre les raisons qui conduisent à la disparition de notre tissu industriel. Certes Michelin a consacré des sommes importantes à la reconversion du site de Toul mais est-ce bien moral de consacrer de telles sommes à la suppression d’emplois plutôt qu’à leur maintien ? Il s’agit d’une entreprise qui a engrangé 1 milliards d’euros de bénéfices en 2008, 772 millions d’euros de résultat net et encore 400 millions cette année en dépit de la crise. L’usine Kléber a été reprise en 1996 par Michelin, qui la contrôlait déjà de fait depuis 1981 : dans ces conditions, est-il possible que la fermeture du site n’ait pas été anticipée ? Lorsqu’en 2001, Michelin investit 200 millions d’euros en Roumanie, cinq fois plus que ce qui est investi à Toul, il opère un choix très clair. Il n’est donc pas étonnant que huit ans après, l’entreprise constate que le site roumain est plus performant que celui de Toul. Ainsi, on se retrouve dans une situation où le contribuable français, qui finance déjà le développement économique des pays de l’Union européenne situés à l’Est de l’Europe, doit assumer le coût des restructurations sur le territoire national liées aux délocalisations d’activités dans ces mêmes pays.

C’est pourquoi la création d’une commission d’enquête paraît en l’occurrence pleinement justifiée et pourrait même dépasser le seul cas de l’usine Kléber de Toul pour s’intéresser également à d’autres sites comme Gandrange.

J’ai, au nom du Conseil régional de Lorraine, rencontré à plusieurs reprises les organisations syndicales qui se sont fortement impliquées dans la reconversion du site de Toul. Or, en dépit des efforts réalisés, les conséquences de la fermeture du site ne seront pas neutres sur l’emploi local, sur le niveau de vie des anciens salariés qui, même avec un nouvel emploi, ont perdu les avantages liés à leur ancienneté, leurs primes, etc, ainsi que sur les entreprises sous-traitantes. De nombreuses interrogations demeurent qui justifient la constitution d’une commission d’enquête parlementaire.

M. François Loos. Je tiens à exprimer mes félicitations au rapporteur pour la qualité de son travail et la pertinence de son analyse. Il a parfaitement exposé le mécanisme de la décision industrielle qui conduit à la fermeture du site. Même si nous devons tout faire pour que les emplois soient maintenus, gardons à l’esprit que la situation économique actuelle de la filière automobile apparaît délicate et que celle des régions du nord-est ne l’est pas moins.

Je suis défavorable à la création de cette commission d’enquête pour deux raisons de fond et deux raisons de forme. Sur le fond, cette initiative adresserait un signal négatif aux investisseurs étrangers ; elle perturberait également la mise en œuvre des efforts de reconversion et de reclassement orchestrés sur le site. Quant à la forme, je crois qu’il faut résister à la tentation de remettre en cause la séparation des pouvoirs. La surveillance des plans sociaux relève des préfets et éventuellement des tribunaux, certes pas des parlementaires. Du reste, quel texte aurions-nous à proposer pour répondre aux difficultés du terrain ?

Le groupe UMP fait donc siennes les conclusions du rapporteur. Il estime inopportun de procéder à la création d’une commission d’enquête.

M. Philippe Morenvillier. Je suis l’élu de la circonscription dans laquelle ont lieu les évènements décrits par le rapporteur. Je suis d’autant mieux placé pour confirmer sans réserve son analyse. La fermeture de l’usine a certes été ressentie comme une catastrophe, mais il me semble que nous sommes parvenus à en limiter les effets. Il faut louer, pour cela, l’action du préfet Hugues Parant et la qualité du comité de suivi mis en place, dont la ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde, suit les travaux. Les ateliers de transition professionnelle ont fonctionné de façon remarquable. Les personnes frappées par la fermeture ont reçu en moyenne une somme de 65 000€, qui a pu atteindre 150 000€ lorsque l’ancienneté était maximale.

En outre, 338 engagements d’emploi ont été signés et 58 créations de société décidées. Quant au site industriel lui-même, des projets de reconversion existent autour des entreprises Suez et Ecorevia dans le sens d’activités de recyclage dans le secteur automobile. D’autres initiatives pourraient émaner d’entreprises locales.

Toul n’est plus sous le choc de la fermeture de l’usine Kléber.

Le Président Patrick Ollier. Je connais dans ma ville de Rueil une situation similaire avec le désengagement de Renault qui menace directement deux mille emplois. Je ne demande pourtant pas la création d’une commission d’enquête.

M. François Grosdidier. Personne ne comprendrait que nous créions une commission d’enquête pour cette usine et pas pour les autres, surtout que les propos qui viennent d’être tenus en font davantage un modèle de dispositif social qu’une source légitime d’interrogations. Mieux vaudrait se demander pourquoi la Lorraine, à l’issue d’une reconversion profonde menée il y a une trentaine d’années qui l’avait positionnée comme terrain privilégié des investissement productifs, se présente dorénavant comme une terre de départ des activités. Comment corriger ce travers ? Elargissons l’horizon de nos questionnements.

M. Philippe Meunier. Je représente un département également touché par les délocalisations. Les raisons de ce phénomène sont bien connues, elles naissent dans la division internationale du processus de production. Nous devrions privilégier la lutte contre le dumping social.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Malheureusement, c’est tous les jours que des emplois sont supprimés. Nous devons garder à l’esprit l’impératif de compétitivité du territoire. Or, une commission d’enquête sur la fermeture de l’usine Kléber ne manquerait pas d’adresser un signal négatif aux investisseurs, dégradant l’attractivité du territoire.

M. François de Rugy. Certes, il n’est pas envisageable de multiplier les commissions d’enquête à chaque fermeture d’usine et à chaque délocalisation. Mais c’est un vrai sujet, qui mériterait une enquête parlementaire. J’avais souhaité la création d’un groupe d’études sur ce thème des délocalisations en début de législature, en lien avec la problématique du commerce international, mais je m’étais alors heurté à un refus.

Le Président Patrick Ollier. Je tiens à rappeler que les commissions d’enquête ont prouvé leur efficacité de manière éclatante – et à mon initiative – lors de l’affaire Air Lib, puisque le rapport établi avait servi de base au procureur de la République pour le déclenchement de l’action pénale. Le principal protagoniste avait été incarcéré. Mais il faut suspecter des fautes pour justifier pareille action, et je ne vois ici rien de tel.

En revanche, je suis tout à fait disposé à lancer à la rentrée une mission d’information sur le thème des délocalisations. La Commission a d’ailleurs déjà travaillé sur cette problématique : M. Jérôme Bignon, ici présent, a présidé en 2006 une mission d’information sur les délocalisations, dont Mme Chantal Brunel était rapporteur.

Ceci me semblerait plus opportun. Et je rappelle que la Commission a auditionné hier M. Luc Chatel, secrétaire d’Etat à l’industrie, à qui il aurait été bon que les interrogations exprimées en ce moment soient présentées. Nous pouvons demander à le réentendre prochainement, voire souhaiter dans un avenir proche la venue de responsables du groupe Michelin.

Le rapporteur Yves Albarello. Nous parlons ici de la fermeture de l’usine Kléber de Toul, pas de la stratégie globale du groupe Michelin. Nous sommes partout confrontés, dans le secteur de l’automobile, à des restructurations similaires. Mais je ne crois pas que ce soit à l’Assemblée nationale qu’il revienne d’écrire l’avenir du marché du pneumatique en France.

S’agissant de la possibilité offerte aux syndicats de pouvoir aborder la stratégie des entreprises dans lesquelles ils travaillent – possibilité évoquée par M. André Chassaigne –, il faut savoir que dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés, les comités d’entreprise peuvent faire auditer les comptes par un commissaire aux comptes et un cabinet d’audit spécialisé.

S’agissant de la rémunération des actionnaires, le capital doit être rémunéré. Or, comme cela a été rappelé à titre liminaire, le dividende de Michelin est passé d’1,60 euro à 1 euro. Il serait dommage qu’il passe à moins de 0,50 euro. Le jour où une entreprise ne fait plus de bénéfice, elle est morte. Il faut que l’entreprise fasse a minima des bénéfices.

Enfin, en ce qui concerne les déménagements, je me suis rendu sur place, car je ne savais pas ce qu’est un pneumatique, et j’ai surtout appréhendé l’outil de travail : celui-ci est devenu obsolète, car il y a eu un modus vivendi, entre la direction et les syndicats, fondé sur de bons salaires mais pas d’investissements. C’était une vue à court terme qui ne tient pas dans un contexte de concurrence internationale. Les pneus fabriqués à Toul coûtent 100 euros, tandis qu’ils ne coûtent que 40 euros en Pologne. Est-il utile de continuer à produire des pneus à 100 euros alors qu’on ne pourra pas les vendre, le prix n’étant pas compétitif ? En Asie, les usines sont automatisées et les Asiatiques se rendent dans les pays de l’est, pays à bas coûts, pour éviter les coûts de transport des pneumatiques. Hancok, concurrent farouche de Michelin, et qui est en train de prendre des proportions extraordinaires dans le monde du pneumatique, vient de construire une usine de 500 millions d’euros qui produit 12 millions de pneus par an.

En visitant l’outil de travail, j’ai pu voir le démontage de l’usine, et constater le départ de machines vers des pays à bas coûts salariaux. Aujourd’hui, dans une économie mondialisée, la vision d’une usine de Toul simplement dans le Toulois est une vision dépassée.

Compte tenu de ces éléments, le rapporteur demande le rejet de la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire.

Puis la proposition est rejetée par 34 voix contre 17.

Puis, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 906 tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles a été préparée puis prise par Michelin, la décision de fermer l’usine Kléber de Toul (Meurthe-et-Moselle), et sur les contre-propositions économiques et industrielles élaborées par les syndicats en faveur du maintien du site et des emplois.

◊ ◊

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport pour avis de M. François de Rugy, la proposition de loi relative à la transformation écologique de l’économie (n° 1622).

M. le Président Patrick Ollier. Nous examinons la proposition de loi de M. François de Rugy relative à la transformation écologique de l’économie.

Je vous indique que le bureau de la commission des finances, saisi par le Président de l’Assemblée sur la recevabilité financière, au titre de l’article 40, de la proposition de loi de notre collègue François de Rugy, a déclaré irrecevables : l’article 4, le point 5 de l’article 14, l’article 19 et l’article 22. Ces articles ne viendront donc pas en discussion devant notre commission.

M. François de Rugy, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir au sein de la Commission des affaires économiques et de m’avoir nommé rapporteur de ce texte.

J’ai déposé cette proposition de loi, cosignée par mes collègues Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère, car je suis convaincu que la crise que nous traversons n’est pas conjoncturelle. Nous ne pouvons pas nous contenter de relancer l’économie – française, européenne et mondiale – et attendre qu’elle retrouve sa bonne santé. Il s’agit d’une crise structurelle, qui appelle des changements structurels.

Si nous avons souhaité que notre proposition de loi porte sur la transformation écologique de l’économie, c’est que nous allons devoir entreprendre des changements importants. Plutôt que de laisser faire le marché, nous préférons orienter les acteurs économiques, en édictant de nouvelles règles et en orientant les investissements publics et la fiscalité.

Ce texte, qui sera examiné en séance publique le 28 mai prochain, n’est nullement un plan global de relance verte de l’économie. Comme vous le savez, l’initiative parlementaire est restreinte par l’article 40. Nous avions pourtant veillé à ne présenter que des articles recevables, mais le bureau de la Commission des finances, interprétant l’article 40 de façon très restrictive, a jugé irrecevable un certain nombre de nos articles.

Notre proposition de loi n’a pas vocation à être un Grenelle de l’environnement bis – nous reconnaissons les mérites du Grenelle de l’environnement, bien que sa traduction législative se fasse attendre. Il s’agit en fait de proposer un certain nombre de mesures nécessaires aux changements structurels que nous appelons de nos vœux, notamment dans le domaine de l’énergie.

Ce texte aborde cinq thèmes. Le premier concerne la création d’une contribution climat-énergie. Cette contribution était suggérée dans les débats du Grenelle de l’environnement et proposée, sous forme d’étude, dans le projet de loi dit Grenelle 1. Nous proposons de la mettre en place dans les plus brefs délais, persuadés que son effet incitatif sur la consommation d’énergie contribuerait à faire évoluer les comportements.

Nous sommes favorables à la diminution de la consommation de l’énergie sous toutes ses formes, mais pour contrer les effets pervers que pourrait avoir cette mesure sur le pouvoir d’achat des Français, nous avons prévu, à l’article 4, un mécanisme de redistribution. Toutefois, cet article a été déclaré irrecevable, nous privant de la possibilité de prévoir la redistribution d’une taxe que nous avons nous-mêmes créée ! Comme la Fondation Nicolas Hulot, nous sommes attachés au principe de la redistribution intégrale du produit d’une taxe qui répond à la fois à un souci de justice sociale et d’efficacité écologique.

Le titre II a trait au secteur des transports, secteur pour lequel nous pensons qu’il faut inverser les priorités. Tout le monde reconnaît que le transport est l’un des principaux émetteurs de gaz à effets de serre et le premier facteur de notre dépendance énergétique. Dans le domaine des transports, nous devons orienter les investissements publics de manière volontariste. La France étant suffisamment équipée en matière d’autoroutes et d’aéroports, nous proposons de ne plus investir dans ces deux domaines et d’orienter différemment les investissements des collectivités locales par le biais du fonds de compensation de la TVA. La mesure récemment mise en œuvre dans le cadre du plan de relance a eu un effet de levier. Nous proposons de l’amplifier en encourageant les investissements destinés aux transports en commun et en dissuadant les investissements destinés aux infrastructures routières.

Dans le secteur de l’automobile, nous souhaitons accentuer les effets du système de « bonus-malus » en instaurant une taxe annuelle sur la détention de certains véhicules, ce qui aurait l’avantage d’accélérer le renouvellement du parc automobile.

Le titre III a trait à la réduction des consommations d’énergie et au développement des énergies renouvelables. C’est un grand chantier, qui a un impact réel en matière économique, sociale et écologique, puisqu’il s’adresse à la fois aux particuliers, aux entreprises et aux commerces répartis sur l’ensemble de notre territoire, et qui accroît l’activité des entreprises du secteur du bâtiment, particulièrement touché par la crise actuelle.

Les articles 15 à 18 visent à favoriser le développement des énergies renouvelables, qui souffre, dans notre pays, d’un retard important. Je vous fais remarquer que, hier, le Premier ministre espagnol a annoncé devant l’Assemblée nationale espagnole un plan de 20 milliards d’euros d’investissements dans le domaine des économies d’énergie et du développement des énergies renouvelables ; je vous indique également que bien d’autres pays ont fait ce choix.

Le titre IV regroupe diverses dispositions susceptibles de favoriser la reconversion de bassins d’emploi liés à la filière automobile, notamment en créant des « zones franches vertes ».

J’en viens, avec le titre V, aux mesures relatives au financement, souvent impopulaires. L’article 24 propose un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des entreprises qui réalisent leur chiffre d’affaires principalement dans le domaine de l’énergie. Au cours des dernières années, quelques-uns des grands groupes français de ce secteur ont réalisé d’importants bénéfices, du fait du prix élevé de l’énergie et du niveau élevé de la consommation. Quant à l’article 25, il vise à abroger les dispositions de la loi « Travail, emploi, pouvoir d’achat » votée en juillet 2007, à l’exception de celles qui concernent le revenu de solidarité active.

M. Serge Poignant. Nous partageons quelques-uns des objectifs de cette proposition de loi, repris du Grenelle de l’environnement, notamment la nécessité d’économiser les énergies non renouvelables et de développer les énergies renouvelables, surtout s’ils se traduisent par des créations d’emplois. Le texte issu du Grenelle prévoyait des mesures en ce sens, en particulier des dispositions fiscales, que le plan de relance a confirmées. Le secteur des énergies renouvelables représente une véritable opportunité pour notre économie. Selon la secrétaire d’État à l’écologie, il représenterait 440 milliards d’investissements sur vingt ans et 550 000 emplois.

Comme vous, nous souhaitons mettre en place un nouveau modèle économique, environnemental et social mais nous voulons qu’il nous conduise vers la croissance, non vers la récession.

Sur la contribution climat-énergie, nos avis sont divergents. Nous ne sommes pas opposés à la mise en place d’une taxe carbone – nationale, européenne ou internationale – mais, évoluant dans un contexte libéral, nous refusons l’intervention rigide et contraignante de l’État. Je rappelle que nous avons mis en place, dans la loi de 2005, les certificats d’économie d’énergie, et que nous souscrivons à l’objectif d’atteindre 20 %, voire 23 % d’énergies renouvelables en 2020 prévu par le texte issu du Grenelle de l’environnement.

Vous voulez, une fois encore, taxer l’énergie nucléaire, que vous avez toujours condamnée. Je salue votre constance… Nous considérons, au contraire, que l’énergie nucléaire est une chance pour la France.

Nous sommes tous d’accord pour développer les transports alternatifs – et le texte du Grenelle comprend des mesures très incitatives dans ce domaine –, mais faut-il aller jusqu’à interdire la construction de toute nouvelle voirie routière comportant deux voies dans chaque sens ?

Vous voulez empêcher les collectivités locales de récupérer la TVA pour tout investissement routier et supprimer les subventions publiques pour la construction d’un aéroport. L’élu de Loire-Atlantique que je suis ne peut vous suivre dans cette direction, car, dans mon département, nous attendons tous la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Vous voudriez équiper tout nouveau véhicule du système « stop and start ». Nous partageons votre objectif de privilégier les moteurs à faible consommation, mais d’autres choix existent – je pense aux voitures hybrides ou électriques.

Votre texte multiplie les obligations. Vous interdisez ainsi à l’État, aux collectivités locales et aux établissements publics d’utiliser, à partir du 1er janvier 2012, des véhicules émettant plus 120 grammes de CO2. C’est un objectif que nous partageons, mais faut-il en faire une obligation ?

Nous atteindrons tous ces objectifs. Pour cela, il nous suffit de laisser faire le marché et les initiatives, nationales et européennes.

Nous sommes d’accord avec vous, il y a beaucoup à faire dans le domaine du bâtiment, en termes de gains d’émissions de CO2 et de créations d’emplois.

Pour autant, vous créez un droit des locataires au logement isolé, mais vous interdisez le chauffage électrique, ce que nous ne pouvons accepter. Certes, nous partageons votre objectif de ne pas dépasser une consommation énergétique de 50 kWh par mètre carré, mais de telles mesures doivent être étalées dans le temps.

Reste que le texte issu du Grenelle 1 est encore en discussion, que celui résultant du Grenelle 2 sera examiné au Sénat au cours de l’automne, que des dispositions fiscales ont été mises en place, et que nous soutenons les résolutions prises dans le cadre du paquet climat-énergie.

Si nous partageons quelques-uns des objectifs de ce texte en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie, nous sommes en désaccord sur de nombreux points de celui-ci. Ainsi, lorsque vous demandez la suppression de pure et simple de la loi TEPA, nous ne pouvons être d’accord avec vous !

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.

M. Philippe Tourtelier. Je me félicite du dépôt de cette proposition de loi, qui nous permet de débattre d’une question essentielle.

Nous sommes, au groupe SRC, favorables à la mise en place d’une contribution « énergie-climat », mais nous souhaitons aller plus loin : elle doit s’appliquer à l’ensemble des énergies produites.

En matière de transports, certaines dispositions de ce texte nous semblent quelque peu brutales. Elles ne prennent pas suffisamment en compte les réalités locales. L’interdiction de toute construction de voirie autoroutière, par exemple, même en excluant les voieries prévues pour les deux-roues, les taxis et les transports en commun, aurait des effets pervers. Prenons l’exemple d’une rocade inachevée : cela conduirait à des points de congestion, très générateurs d’émissions de CO2. Nous ne pouvons approuver une telle disposition.

Votre système de bonus-malus appliqué à la TVA n’est pas une bonne idée. D’ailleurs, vous ne prévoyez rien pour certaines zones et le covoiturage. Au reste, les plans climat territoriaux ont déjà amené des collectivités territoriales à se pencher sur ces questions.

En revanche, le système de bonus-malus sur le matériel roulant destiné aux transports en commun est une excellente idée.

Interdire toute subvention publique pour la construction d’un aéroport est effectivement une mesure draconienne. Les projets, dans ce domaine, doivent être étudiés au cas par cas.

Le fait d’associer le système de bonus-malus à l’âge du véhicule va dans le bon sens. Quant à l’équipement généralisé du « stop and start », il illustre votre refus de la voiture électrique et de l’énergie qu’elle sous-tend, et je ne suis pas certain qu’il réduise les émissions de CO2.

Le débat sur le texte issu du Grenelle 1 nous donnera l’occasion de faire des propositions pour les bâtiments existants.

Quant à l’objectif de ne pas dépasser un certain seuil de consommation énergétique, il ne tient pas compte de la part liée à l’énergie grise. Or, celle-ci, dans certains cas, est aussi importante que la consommation induite par le chauffage, ce qui montre à quel point il est important de faire évoluer les comportements de nos concitoyens. La loi doit donc conserver une certaine souplesse.

La conditionnalité écologique du dispositif Scellier étant acquise, je n’y reviens pas.

Le droit des locataires au logement isolé est une avancée, mais qui paiera les travaux, quand on sait que les logements qui auraient besoin de travaux lourds appartiennent bien souvent à des propriétaires qui, pas plus que les locataires, n’ont les moyens d’entreprendre de tels travaux ? Le principe est bon, mais son application pose de réels problèmes.

Il en va de même pour l’interdiction du chauffage électrique dans les nouvelles constructions. Nul doute que vous sous-estimez le développement de la pompe à chaleur. Votre disposition en direction des bâtiments publics existants aurait des effets pervers, car elle inciterait les petites communes qui utilisent une salle une heure par jour à la chauffer tout au long de la journée.

Nous ne sommes pas défavorables à l’obligation d’utiliser les énergies renouvelables dans les bâtiments neufs, mais les alinéas 11 à 17 de l’article 14, qui conditionnent la délivrance du permis de construire, sont inapplicables.

Si nous n’avons rien contre les dispositions relatives à la reconversion des bassins d’emploi de la filière automobile et aux « zones franches vertes », nous sommes, en revanche, très favorables au soutien à l’économie sociale et solidaire, et nous approuvons les pistes que vous proposez pour le financer.

M. André Chassaigne. Cette proposition de loi nous est présentée par les quatre députés Verts du groupe de la gauche démocrate et républicaine : cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble du groupe en approuve les dispositions. Elle traduit la volonté louable de ses auteurs de faire le point sur les sources d’énergie dans notre pays et leur exigence de réduire notre consommation énergétique.

Nous souhaitons tous limiter notre dépendance à l’énergie nucléaire et développer la recherche sur les énergies renouvelables. Mais n’oublions pas que le taux de dépendance énergétique de la France est passé, depuis 1973, de 80 % à 50 % !

M. Yves Cochet. C’est faux !

M. André Chassaigne. C’est un chiffre que beaucoup de pays nous envient, au point que certains revoient leurs orientations en matière de production d’énergie.

M. le président Patrick Ollier. Remerciez le général de Gaulle !

M. André Chassaigne. En matière d’émissions de CO2, un citoyen allemand, anglais ou danois émet environ dix tonnes par an quand un citoyen français en émet seulement six tonnes. Nous ne pouvons donc nous permettre de rejeter en bloc l’énergie nucléaire, mais il faut développer la recherche, avec pour objectif de limiter la production nucléaire et de développer les énergies renouvelables.

L’article 15, qui prévoit de majorer de 50 % le crédit d’impôt en matière d’énergies renouvelables, ainsi que les articles 19 et 22, me paraissent particulièrement pertinents, tout comme la création de zones franches vertes qui, comme les zones franches coopératives, répondent à des attentes certaines. Le volontarisme serait bienvenu à ce sujet ; l’intérêt de ces propositions doit donc être apprécié à sa juste mesure.

En revanche, ce qui a trait aux autoroutes me laisse dubitatif. J’ai recensé les projets en cours : il y en a une soixantaine, et il me paraît bien difficile d’affirmer que tous doivent être abandonnés. L’aménagement du territoire demande une vision prospective et l’on ne peut envisager de laisser des zones entières enclavées ; toutes ont le droit de se développer. De plus, le maire de zone rurale que je suis ne voit pas comment l’on peut proposer de pénaliser la construction de voies nouvelles alors que certains hameaux de montagne ne sont tout simplement pas desservis.

L’esprit qui sous-tend la proposition est louable. En dépit des divergences que j’ai exprimées, je considère que le texte permettra des échanges indispensables en séance publique, car des réponses sont nécessaires aux questions de fond soulevées. Cela étant, bien que certains des articles soient positifs, je m’abstiendrai sur l’ensemble.

M. Yves Cochet. Ce que j’ai entendu me conduit à penser que persiste une certaine incompréhension du monde tel qu’il est, et avec elle l’illusion « croissantiste » et « développiste », alors même que le débat sur croissance et décroissance n’a plus lieu d’être, puisque nous sommes entrés dans une phase de décroissance qui, hélas, va durer.

Je soutiens, bien sûr, la proposition et l’ensemble des articles, et je souhaite dissiper quelques confusions. En premier lieu, selon M. Serge Poignant, le groupe UMP serait partisan de l’économie libérale. Allons donc ! Le Gouvernement ne consacre-t-il pas, depuis des mois, des centaines de milliards au sauvetage de grandes entreprises ? Pourtant, « la main invisible » du marché n’aurait-elle dû suffire à faire que certaines entreprises tombent et que d’autres se relèvent ? Qu’est-il donc soudainement advenu des théories de M. Schumpeter ? Il me semble aussi y avoir confusion entre la taxe carbone et la contribution énergie-climat dont nous proposons la création. Nous considérons en effet qu’il est temps de parvenir à un équilibre général : on ne peut plus longtemps se satisfaire d’importer des pneus ou d’autres biens qui ne nous coûtent pas grand-chose parce qu’ils sont produits en Chine dans des conditions esclavagistes, cependant que les citoyens européens bénéficient d’une protection sociale. C’est tout l’enjeu de la taxe que nous proposons.

Non, Monsieur Tourtelier, nous ne confondons pas chauffage électrique et pompe à chaleur.

Enfin, Monsieur Chassaigne, le taux de dépendance énergétique de la France n’est pas tombé de 80 % à 50 %, il est resté le même exactement – à supposer qu’il n’ait pas augmenté, puisque la France, n’ayant pas d’uranium dans son sous-sol, n’a aucune indépendance énergétique primaire.

M. Jean-Claude Fruteau. Certains des objectifs de la proposition sont louables, et chacun peut les partager, mais d’autres laissent sceptique et je partage les objections formulées par M. Tourtelier.

En ma qualité de rapporteur pour avis pour les transports aériens, je centrerai mon propos sur ce point. M. Serge Poignant a déjà évoqué le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, élément structurant d’aménagement du territoire. Plus globalement, nous ne pouvons prendre une décision aussi drastique que celle qui est proposée pour le transport aérien, puisque nous ne serions suivis ni en Europe ni dans le monde. Si nous appliquions la proposition sur ce point, nous ferions face à de graves problèmes économiques : si nous ne développons pas nos hubs, d’autres que nous le feront en Europe et même au Moyen-Orient, où sont installées des compagnies très actives, qui prendront la place que nous avons actuellement, sans que l’environnement n’y gagne rien puisque les frontières ne sont pas étanches au gaz à effet de serre.

De plus, une telle démarche créerait de singuliers problèmes d’aménagement du territoire. Je suis élu de La Réunion, département où l’on ne peut arriver qu’en avion ; or les lois que nous votons valent pour tout le territoire de la République. La Réunion et les autres départements d’outre-mer ont besoin que les infrastructures aéroportuaires soient développées pour que s’améliore une desserte aérienne à ce jour scandaleuse. Autant dire que cet article en particulier me laisse plus que réservé.

Mme Laure de La Raudière. Les auteurs de la proposition parlent de « transformation écologique de l’économie », mais ils omettent ce qui devrait être son pendant : la transformation économique de l’écologie.

D’évidence, le financement précis des mesures proposées manque.

Vous avez parlé, monsieur de Rugy, d’« inventer un monde nouveau ». Fort bien, mais en fait d’innovation, vous créez une nouvelle contribution fiscale, démarche qui n’a rien de neuve. Dans le même temps, vous entendez supprimer la loi TEPA. Vous soumettez ainsi les Français à une double peine : vous leur imposez une nouvelle taxe, et vous les privez de l’accroissement du pouvoir d’achat permis par les dispositions de la loi TEPA relatives à la rémunération des heures supplémentaires.

M. François Grosdidier. Selon moi, tout facteur de récession ferait empirer la situation sociale. Je suis donc favorable à une fiscalité d’un niveau global égal, mais je considère qu’il sera impossible d’adapter l’économie aux contraintes écologiques sans passer par la coercition.

Le texte qui nous est soumis me semble contenir beaucoup de bonnes idées mais aussi de mauvaises, et des propositions pour certaines excessives. En particulier, je ne suis pas favorable à l’abrogation de la loi TEPA, non plus qu’à l’interdiction du chauffage électrique.

Si, contrairement à certains de mes amis politiques, je préfère les énergies renouvelables à l’énergie nucléaire, je préfère l’énergie nucléaire aux énergies fossiles.

S’agissant des routes, je considère que l’on ne peut condamner certains territoires à un enclavement définitif.

Pour lutter contre les excès du transport aérien, il conviendrait de taxer le kérosène pour tout le monde.

En résumé, la proposition contient de bonnes et de mauvaises choses mais elle est surtout inutile, puisque s’annonce le Grenelle 2. Sans cette perspective, on pourrait concevoir de discuter la proposition mais, ce rendez-vous étant déjà fixé, j’y suis opposé.

M. Antoine Herth. Je ne comprends pas non plus la démarche qui anime les auteurs de la proposition, puisque la loi « Grenelle 2 » va mobiliser le Parlement, le Gouvernement et la société civile.

Me fait surtout sursauter la proposition consistant à supprimer des infrastructures dont la réalisation est attendue. J’y reconnais la patte des Verts – Mme Voynet n’avait-elle pas supprimé d’un trait de plume la liaison fluviale Rhin-Rhône ?

Enfin, l’article 16 est rédigé au mépris de toute logique d’aménagement du territoire et d’économie des terres agricoles - ce qui devrait pourtant être l’une de nos priorités.

M. Jean-Pierre Nicolas. Cette proposition ne tient pas compte de ce que l’électricité consommée en France est pour 80 % d’origine nucléaire.

Pourquoi, d’ailleurs, vouloir stopper net le chauffage électrique alors que les mesures prévues dans la loi « Grenelle 1 » conduiront à une consommation infiniment basse ?

Les propositions relatives aux infrastructures routières auraient pour conséquence l’enclavement définitif de certains territoires.

Plus généralement, et sans même parler de l’article 25 qui tend à abroger la loi TEPA, la proposition est inutile.

Laissons la loi « Grenelle 2 » aller à son terme, on verra ensuite.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je comprends la motivation et l’enthousiasme des Verts, mais je rappelle que c’est à la volonté de M. Sarkozy que l’on doit la tenue du Grenelle de l’environnement. Un axe a été tracé, mais nous n’avons pas les moyens de toutes nos ambitions.

J’ajoute que le principe de précaution vaut dans les deux sens et que toute inversion de cycle précipitée risquerait d’avoir des conséquences catastrophiques.

M. Thierry Benoit. Force est de constater que ni le coût ni le financement des mesures proposées n’apparaissent dans le texte qui nous est soumis. Les auteurs de la proposition parlent bien d’une taxe nouvelle mais nulle part n’apparaît le montant estimé des recettes.

Par ailleurs, ils parlent de supprimer la loi TEPA, qui est une bonne loi, supprimant du même coup les heureuses dispositions relatives aux heures supplémentaires.

Attendons plutôt la loi « Grenelle 2 ».

M. Philippe Plisson. Apparemment, nos collègues de l’UMP n’ont tiré aucune conséquence de la faillite du système libéral qu’ils défendent depuis des années. On peut ne pas adhérer à l’entier contenu de cette proposition mais au moins rappelle-t-elle l’urgente nécessité, face à la faillite du libéralisme, de faire évoluer ce qui était jusqu’à présent des certitudes économiques. L’évolution des esprits est nécessaire, au sein de l’UMP en particulier.

M. François de Rugy, rapporteur. Il va sans dire que nous serions prêts à entendre les arguments de M. Chassaigne relatifs à la desserte des hameaux de montagne, où ceux de M. Fruteau sur les spécificités de l’outre-mer, et que notre proposition peut être améliorée par des amendements.

Sur le fond, je répondrai en détail lors de l’examen de la proposition en séance plénière. Je me limiterai donc aujourd’hui à quelques remarques d’ordre général.

En premier lieu, je m’étonne que l’argument du Grenelle nous soit perpétuellement resservi. Puis-je rappeler que les travaux du Grenelle de l’environnement se sont achevés en octobre 2007 ? Des conclusions ont été arrêtées mais, depuis tous ces mois, l’ouvrage demeure inachevé. L’examen du projet de loi « Grenelle 1 » n’est toujours pas fini et, dans le meilleur des cas, la loi « Grenelle 2 » ne sera pas adoptée avant un an ! On ne peut pas se satisfaire d’une telle lenteur. On en vient d’ailleurs à se demander si l’application des mesures adoptées au terme du Grenelle de l’environnement est toujours une priorité politique pour le Gouvernement. N’est-ce pas plutôt la volonté de la différer qui se manifeste ?

Nos propositions auraient, nous dit-on, un aspect « trop contraignant ». Mais le temps n’est-il pas venu de faire preuve de volontarisme ? S’agissant de la performance énergétique du bâtiment, nous ne nous satisfaisons pas de la dérogation prévue en faveur du chauffage électrique, dont nous continuons de penser que c’est un piège économique, social et écologique.

Je souligne d’autre part que notre proposition n’est pas une proposition de sortie du nucléaire : nous proposons seulement de taxer l’électricité d’origine nucléaire comme les autres énergies, énergies renouvelables exceptées. Si même cela est considéré comme inacceptable, la radicalité n’est pas de notre côté ! Je le rappelle, nous n’établissons pas de hiérarchie mais nous proposons un mécanisme favorable au développement des énergies renouvelables.

Mme de La Raudière a considéré que la proposition n’avait rien d’innovant au motif que nous créions une contribution fiscale. Pourtant, cette proposition, qui reprend une proposition identique de la Fondation Nicolas Hulot, a la caractéristique profondément novatrice de prévoir que le produit d’une taxe est intégralement redistribué.

Toutes les statistiques montrent qu’en France métropolitaine il y a surcapacité aéroportuaire. Utilisons donc l’existant avant de construire de nouvelles infrastructures !

S’agissant des autoroutes, les conclusions du Grenelle de l’environnement ont été qu’il ne faut pas en construire de nouvelles. Pour désenclaver les territoires, les routes à deux fois une voie sont largement assez efficaces, et leur empreinte écologique est bien moindre que celle des autoroutes.

Et, parce que nos budgets ne sont pas extensibles à l’infini, nous proposons d’orienter prioritairement l’investissement public vers les secteurs à impact environnemental faible.

M. le président Patrick Ollier. Le groupe UMP fait siennes certaines des priorités évoquées. Toutefois, comme l’a indiqué M. Serge Poignant, il se prononcera contre la proposition. En effet, la majorité est au travail sur tous ces sujets, comme le montrent le projet de loi « Grenelle 1 », la future loi « Grenelle 2 » ou encore la contribution de la France à l’élaboration du paquet énergie-climat de l’Union européenne. Certes, les pratiques doivent évoluer ; c’est ce à quoi tend le travail engagé par la majorité, qui souhaite par ailleurs garder à l’esprit les objectifs d’aménagement du territoire. J’invite donc au rejet de tous les articles de la proposition, que j’appellerai successivement.

TITRE Ier

Dispositions relatives à la création d’une contribution climat-énergie

Article 1er

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

La Commission rejette l’article 2.

Article 3

La Commission rejette l’article 3.

Article additionnel après l’article 4

La Commission est saisie de l’amendement CAE 5 de M. François de Rugy proposant une nouvelle rédaction de l’article 4, déclaré irrecevable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 5

La Commission rejette l’article 5.

Article 6

La Commission rejette l’article 6.

TITRE II

Dispositions relatives au secteur des transports

Article 7

La Commission rejette l’article 7.

Article 8

La Commission est saisie de l’amendement CAE 1, rédactionnel, de M. François de Rugy.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 8.

Article 9

La Commission rejette l’article 9.

Article 10

La Commission rejette l’article 10.

Article 11

La Commission rejette l’article 11, le groupe SRC s’étant abstenu.

Article 12

La Commission rejette l’article 12.

Article 13

La Commission rejette l’article 13.

TITRE III

Dispositions relatives au secteur du bâtiment, à la réduction des consommations d’énergie et au développement des énergies renouvelables

Article 14

La Commission rejette l’amendement CAE 2, rédactionnel, de M. François de Rugy.

Puis elle rejette l’article 14, le groupe SRC s’étant abstenu.

Article 15

La Commission rejette l’article 15, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Article 16

La Commission rejette l’article 16, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Article 17

La Commission rejette l’article 17, le groupe SRC s’étant abstenu.

Article 18

La Commission rejette l’article 18, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 18

La Commission examine l’amendement CAE 4 de M. François de Rugy, portant article additionnel après l’article 18.

M. Francois de Rugy, rapporteur. Cet amendement devrait normalement s’insérer dans le titre IV puisqu’il reprend pour partie la rédaction initiale de l’article 19, auquel a été opposé l’article 40. Il s’agit en fait de gager le dispositif proposé pour que l’amendement devienne recevable.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE IV

Diverses dispositions relatives à la reconversion des bassins d’emploi de la filière automobile

Article 20

La Commission rejette l’article 20, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Article 21

La Commission rejette l’article 21, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Après l’article 21

La Commission examine l’amendement CAE 3 de M. François de Rugy, portant article additionnel après l’article 21.

M. Francois de Rugy, rapporteur. L’article 22 ayant été déclaré irrecevable, nous proposons, par cet amendement, le même dispositif que celui qu’il contenait, mais en le gageant afin de le rendre recevable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 23

La Commission rejette l’article 23, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

TITRE V

Diverses dispositions fiscales relatives au financement de la conversion écologique de l’économie

Article 24

La Commission rejette l’article 24, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

Article 25

La Commission rejette l’article 25, le groupe SRC s’étant prononcé pour l’adoption de l’article.

M. le Président Patrick Ollier. Tous les articles ayant été rejetés, nous ne procéderons donc pas au vote sur l’ensemble de la proposition de loi. La parole est à M. François Brottes pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le Président, suite à l’échange que nous avons eu hier à propos des modalités d’étude des textes en commission, je vous indique, au nom du groupe socialiste, que nous souhaitons que la présence du Gouvernement soit constante et permanente lors des débats en commission. Je pense que cette demande est de droit.

M. le Président Patrick Ollier. Vous posez un problème, et c’est votre droit légitime de le faire. Je maintiens la décision que j’ai prise, soutenu par la majorité, qui est de faire en sorte que les ministres soient entendus dans notre commission en tant que de besoin, lorsqu’il est utile de les entendre, soit à la demande des uns et des autres, soit à leur demande à eux. Nous déterminerons ensemble ce besoin. Si votre demande, dont je comprends le sens, est que leur présence soit constante, nous ne sommes pas obligés de l’accepter, en tout cas personnellement ce n’est pas du tout mon intention. Cela ne serait profitable ni à nos débats ni à la vie du Gouvernement.

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