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Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire
La commission a entendu M. Roland Vardanega, président du directoire du groupe PSA Peugeot Citröen.
M. Serge Poignant, président. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Roland Vardanega, président du directoire du groupe PSA Peugeot-Citroën. Il est accompagné de Mme Isabel Marey-Semper, directeur financier et de la stratégie, de M. Hervé Pichon, délégué pour les relations avec les institutions publiques, et de Mme Anne Douézy, responsable de la communication.
Monsieur le président, après nous avoir présenté votre groupe, pourrez-vous nous indiquer si les mesures prises par le Gouvernement ont eu des effets positifs sur votre activité ? Quelles sont les technologies développées par PSA pour lutter contre les émissions de CO2 ? Quel sera, selon vous, l’avenir des voitures électriques et hybrides ? L’aide aux crédits à la consommation ne risque-t-elle pas d’entraîner des problèmes de surendettement ?
M. Roland Vardanega, président du directoire du groupe PSA Peugeot-Citroën. Je suis très heureux d’être parmi vous, mesdames et messieurs les députés. PSA est un groupe généraliste qui regroupe deux marques importantes. Sa pénétration sur le marché de 13,8 % en fait le deuxième constructeur européen. En 2008, il a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 59 milliards d’euros en vendant 3,3 millions de voitures, dont plus de 2 millions en Europe de l’Ouest.
Le groupe PSA compte 200 000 collaborateurs, dont 109 000 en France. Il intègre également la BPF – Banque PSA Finance –, l’équipementier automobile Faurecia – l’un des plus importants au monde – et GEFCO, entreprise spécialisée dans le transport et la logistique, très implantée en Europe.
Je suis actuellement président du groupe par intérim – en attendant l’arrivée, en juin, de Philippe Varin – mais j’appartiens au groupe PSA Peugeot Citroën depuis quarante-deux ans. À ce titre, j’ai eu la chance de participer à l’histoire de l’automobile, née il y a plus d’un siècle.
Le groupe PSA n’est pas une entreprise comme les autres, pour trois raisons. Tout d’abord, ses racines sont ancrées dans l’histoire industrielle de notre pays. Par ailleurs, c’est la même famille qui, depuis l’origine, détient une part importante de son capital. Ensuite, PSA regroupe deux marques distinctes, Peugeot et Citroën. Il a, à une époque, intégré Panhard, Simca et Talbot, après avoir consolidé, dans les années 1940, ce qui subsistait de l’industrie française. Ce n’est pas non plus une entreprise comme les autres au sens où elle a su accumuler une richesse humaine et des compétences, et qu’elle dispose de collaborateurs d’une très grande valeur, passionnés par l’automobile. Enfin, ce n’est pas une entreprise comme les autres car il existe une solidarité entre les dirigeants et les partenaires sociaux, qui permet, même dans les moments difficiles, de trouver des accords utiles pour l’entreprise.
Si le groupe PSA a traversé le XXe siècle, c’est qu’il a su placer l’innovation, l’éthique et le souci des hommes au premier rang de ses valeurs, parfois même au détriment de ses intérêts financiers. Au début du dernier siècle, notre pays comptait une centaine d’entreprises automobiles, parmi lesquelles celle qui réalisait la moitié des voitures du monde. Si seules Renault et PSA ont survécu, c’est qu’elles ont su placer les intérêts de la collectivité avant les intérêts financiers immédiats. Cet état d’esprit n’est pas étranger à la composition du capital.
Chez PSA, nous ne nous intéressons pas uniquement au business. En voici deux exemples : en 1979, alors que nous étions très bien implantés en Afrique du Sud, nous avons quitté le pays à cause de l’apartheid ; en 1975, nous avons implanté une usine en Argentine, où nous réalisions 20 % de parts de marché mais, après le kidnapping d’un directeur et l’assassinat d’un de nos techniciens, nous avons quitté le pays, ne voulant pas exposer nos salariés. Convenez que ces pratiques ne sont pas celles de dirigeants qui ne pensent qu’à la valeur boursière de leur entreprise.
Tout au long de son histoire, PSA a veillé à conforter son ancrage sur le territoire français. Alors que nous étions associés avec Fiat pour construire une Sevel dans une usine du sud de l’Italie, nous souhaitions implanter une deuxième usine pour produire des monospaces et de petits utilitaires. Malgré les 600 millions de francs d’aides qui accompagnaient l’installation dans le Mezzogiorno, nous nous sommes installés à Valenciennes ! Une telle attitude peut nous être reprochée par nos actionnaires, mais elle est conforme à notre éthique.
L’industrie automobile ne se limite pas au montage des véhicules : le plus important est l’élaboration des organes mécaniques, dont la durée de vie dépasse vingt-cinq ans. Nous avons souhaité implanter les usines de très haute technologie en France, où sont fabriqués 85 % de nos moteurs, et nous avons investi, au cours des dernières années, 1 milliard d’euros pour fabriquer des éléments mécaniques en France. C’est ainsi que notre usine de Valenciennes fabrique des boîtes de vitesse et que, depuis peu, l’usine de Trémery fabrique 640 000 petits moteurs à très basse consommation. Connaissez-vous une entreprise française qui ait réalisé de tels investissements ? J’étais en grande partie responsable de ce projet, qui a fait le pari de la compétitivité.
Certains soupçonnent PSA de délocalisation. Cela m’est d’autant plus insupportable que PSA n’a jamais délocalisé ! Les usines de Kolin – en République tchèque, en liaison avec Toyota –, et celle de Trnava – en Slovaquie – ne servaient qu’à accroître nos capacités, pour nous permettre de fabriquer 4 millions de voitures en 2006. Malheureusement, le marché n’a pas suivi. Nous avons donc stoppé l’accroissement de Trnava, dans le seul but de préserver du travail sur le site de Poissy. Il est clair que fermer une usine pour en ouvrir une autre n’est jamais rentable.
Cela dit, nous sommes allés chercher la croissance où elle était. Nous ne pouvons continuer à fabriquer en France des voitures destinées au monde entier. Cela relèverait d’une politique coloniale qui n’a plus cours. Si nous voulons développer de nouveaux marchés, nous devons installer des usines à l’étranger, que ce soit dans les pays du Mercosur, en Chine ou dans les pays de l’Est. En 2008, PSA a produit en France 1,3 million de voitures. Ce chiffre n’a pas évolué depuis dix ans et représente le double du nombre de voitures vendues dans notre pays.
Comment assurer la compétitivité de nos sites industriels ? Il est clair qu’il faudrait supprimer la taxe professionnelle, cet impôt spécifique à la France, qui pénalise notre groupe à hauteur de 140 millions d’euros, sachant que les fournisseurs interviennent pour les deux tiers de la fabrication d’un véhicule. Nous pouvons améliorer notre compétitivité, si nous recourons au lean manufacturing et si l’État nous aide et n’ajoute pas de taxes supplémentaires. L’augmentation des salaires dans les autres pays devrait nous permettre de parvenir à un relatif équilibre. La distance joue également en notre faveur, puisqu’un euro d’écart représente cinq kilomètres, ce qui signifie qu’une baisse de coût de 200 euros éloigne la concurrence de mille kilomètres. Et le phénomène s’accentue si l’on tient compte du coût logistique. Le transport d’une voiture fabriquée en Chine coûte 1 500 euros : il est clair que ce n’est pas rentable.
Quelles mesures la représentation nationale proposera-t-elle pour remplacer la taxe professionnelle ? Je ne le sais pas, mais j’espère qu’elles ne pénaliseront pas l’industrie automobile française. Taxer davantage le diesel, par exemple, serait une grave erreur, d’autant que cela dégraderait plus encore la couche d’ozone.
Le groupe PSA prépare activement son avenir technologique, toujours dans un esprit éthique et d’innovation. Pour la troisième année consécutive, nous sommes les leaders mondiaux du moteur à basse consommation. Je rappelle qu’un litre d’essence émet 23 grammes de CO2, tandis qu’un litre de diesel n’en émet que 21 grammes. En 2008, nous avons vendu plus d’un million de véhicules émettant moins de 140 grammes de CO2 au kilomètre, et 500 000 véhicules émettant moins de 120 grammes. Le marché nous y a aidés, mais également la politique menée en France en direction des voitures de petite cylindrée, plus compactes et plus économes.
Les voitures utiliseront encore longtemps des carburants liquides et gazeux, mais les recherches engagées nous permettront sans doute d’évoluer. Je vous signale que les avions utiliseront des carburants au moins jusqu’en 2050, et que nous n’avons aucune solution pour la suite.
Nous préservons donc les véhicules fonctionnant avec des carburants liquides, qui conviennent parfaitement aux voitures de petite cylindrée. C’est pourquoi nous avons investi 500 millions d’euros dans l’usine de Trémery, près de Metz, pour y fabriquer des moteurs à faible consommation en nous appuyant sur le système benchmark. Nous sommes les premiers au monde à le faire.
Le développement de la voiture électrique se fera sur une très longue période, mais nous serons, dès l’an prochain, en mesure de commercialiser des véhicules équipés du moteur stop and start – dont l’arrêt automatique permet d’économiser de 10 à 15 % d’énergie en ville. Mais cette technologie a un coût – plusieurs centaines d’euros – et sera sans doute difficile à vendre.
Nous commercialiserons également, dès l’an prochain, en liaison avec Mitsubishi, une voiture totalement électrique. Les voitures hybrides à dominante thermique seront disponibles en 2011. Quant aux moteurs hybrides à dominante électrique, dits de deuxième génération, ils devraient être commercialisés en 2013. En lançant une Peugeot et une Citroën hybrides diesel, Sochaux deviendra le plus grand centre au monde en la matière. Les batteries seront progressivement améliorées afin de permettre aux véhicules de rouler plus souvent à l’électricité. Cette solution d’avenir est beaucoup plus intéressante que la voiture électrique. Pour une voiture de petite taille, le surcoût du moteur électrique est de 15 000 euros. Les voitures thermiques hybrides à batteries rechargeables permettront d’utiliser l’électricité pendant 70 kilomètres, ce qui représente 95 % des déplacements. Cette technologie, qui nécessite de deux à trois fois moins de batteries, coûte moins cher que la voiture électrique.
L’hybridation a été adoptée par la quasi-totalité des constructeurs, avec pour objectif de parvenir à des voitures à propulsion presque totalement électrique. La moitié des voitures électriques qui circulent dans le monde ont été fabriquées par PSA. J’en avais pris l’initiative, avec M. Jean-Yves Helmer, mais j’ai décidé d’en arrêter la production – après avoir perdu 1 milliard de francs. La voiture électrique n’était adaptée qu’à la circulation en ville : il fallait nécessairement ajouter un moteur. L’avenir est à la voiture plug-in, qui se recharge à la maison et permet d’effectuer la plupart des déplacements, en général inférieurs à 50 kilomètres par jour, à l’énergie électrique. Le groupe PSA a choisi de suivre cette voie.
Il va de soi que PSA a une vocation internationale, car le marché devrait passer de 50 millions à 250 millions de véhicules en 2030. Nous devons donc être présents dans toutes les régions du monde.
PSA est résolument français, puisque la moitié de sa production et 70 % de ses effectifs, qui sont au cœur de la conception des automobiles, se trouvent en France. C’est au sein de l’ADN – Automotive Design Network –, situé à Vélizy-Villacoublay, que sera conservé le savoir-faire qui a été accumulé à Paris, à Sochaux et à Rennes. Il ne s’agit pas de réduire les coûts salariaux, mais de rechercher l’efficacité et de concentrer des ressources rares, même si les adaptations sont réalisées dans les pays du Mercosur ou en Chine. Convenez que peu de groupes agissent de cette façon.
Pour améliorer sa compétitivité et sa rentabilité, PSA a lancé en 2000 un programme stratégique important. Il s’agit du lean : lean management, lean manufacturing, lean engineering et lean product development. Le lean, que très peu d’entreprises parviennent à mettre en pratique, consiste à produire en éliminant tous les gaspillages, notamment en assurant aux salariés d’excellentes conditions de travail et en évitant les déplacements.
L’objectif du lean management est de « faire jouer tout l’orchestre », si je puis dire. Traditionnellement, en Europe, et particulièrement en France, le savoir vient d’en haut : le chef est celui qui sait, et c’est lui qui explique aux autres ce qu’il faut faire. Cela peut convenir à certaines industries, comme la haute finance, mais on a vu où cela peut parfois mener. Dans les industries de production qui comptent un très grand nombre de salariés, le management ne consiste pas à expliquer ce qu’il faut faire, mais à donner à chacun de l’ambition et des objectifs. Même si je connais la solution, je ne la livre pas : je la fais découvrir. La culture du lean se développe dans de nombreux pays, mais peu parviennent à la mettre en pratique.
Les résultats que nous avons obtenus au sein de PSA grâce à cette méthode sont spectaculaires : il ne s’agit plus de donner du travail aux salariés mais de les faire participer à leur travail. Le lean, véritable révolution culturelle, est intéressant dans tous les domaines, jusque dans la vie de tous les jours. Il nous a permis de baisser les coûts et d’améliorer la qualité : nous avons ainsi divisé le nombre des défauts par 3 ou 6, et réduit de 2 % les dépenses liées à la garantie. Le lean est la seule façon de sauver l’industrie française. Malheureusement, il ne correspond pas à notre culture.
Nous avons lancé une importante offensive « produits » en commercialisant 53 modèles en quatre ans, doublée d’une offensive commerciale. Il reste cependant beaucoup à faire.
La crise nous a frappés durement l’année dernière, mais nous avons immédiatement réagi en réduisant la production. Pour cela, nous n’avons travaillé qu’une semaine en décembre. Cela a généré du chômage, mais nous avons passé un accord « gagnant-gagnant » avec les salariés, qui dont accepté, durant les périodes de chômage partiel, de suivre une formation tout en percevant 100 % de leur salaire. Nous avons signé cet accord avec Laurent Wauquiez au mois d’avril, et déjà 1 200 salariés de Rennes ont profité de ce programme. Le lean manufacturing a changé leur façon de voir les choses.
Certes, nos ventes mondiales ont baissé au premier trimestre de 23 %, mais nous conservons 13,8 % de parts de marché. Nous avons procédé, avant la fin du mois d’avril, au déstockage de 100 000 voitures, ce qui nous a permis de dégager 1,2 ou 1,3 milliard d’euros. Cela devrait nous permettre de ramener la baisse de notre activité de moins 25 % à moins 20 %. Dans le même temps, les fournisseurs ont vu leur activité baisser de 35 %, 40 %, voire de 60 %. Nous le regrettons, mais si nous ne l’avions pas fait, nous aurions risqué de disparaître à notre tour.
Nous avons lancé de nouveaux produits : la C3 Picasso, qui a beaucoup de succès, la 206 Plus – véhicule d’entrée de gamme fabriqué à Mulhouse – et la 3008, qui se vend très bien.
Les mesures prises par le Gouvernement ont eu un effet positif, notamment cette fameuse prime à la casse, que l’Espagne et l’Angleterre ont depuis adoptée. En France, de 35 % à 40 % des ventes résultent de la prime à la casse et le système de bonus favorise la vente des petites voitures.
La baisse de 20 % de notre activité nous amène à gérer la trésorerie au plus près. Nous estimons notre besoin de financement à 4 milliards. Le prêt de 3 milliards que nous a accordé l’État nous met à l’abri des problèmes et nous permet d’affronter l’avenir. Nous pourrions aussi bien ne pas investir mais, dans quelques années, lorsque les autres constructeurs mettront sur le marché de nouvelles voitures, nous serions alors en position de faiblesse. La Banque européenne d’investissement nous a avancé 400 millions d’euros. Certes, j’aurais préféré que les taux que l’État nous a consentis, entre 6 et 9 %, soient un peu plus bas…
PSA exerce ses responsabilités, tant économiques que sociales, en dépit des difficultés actuelles. Car je suis convaincu que, plus les choses vont mal, plus nous devons être solidaires. Le lean manufacturing, qui est un système gagnant-gagnant, exclut toute attitude désinvolte à l’égard des salariés : nous sommes donc contraints à la solidarité.
La première des attitudes managériales conformes à nos valeurs consiste à faire grandir nos collaborateurs en les formant au lean, qui est la clé de l’efficacité dans tous les secteurs, des hôpitaux à la fonction publique.
Nous n’avons pas, je le répète, l’intention de fermer une seule usine en France. Sans même parler des coûts sociaux, ce n’est jamais rentable – sauf, peut-être, dans le cas où la valeur ajoutée dépasse le tiers du coût de l’opération, et seulement après sept ou huit ans. En revanche, nous devons compacter nos usines. Pourquoi sommes-nous en concurrence avec des usines situées dans les pays de l’Est ? Tout d’abord, le coût de la main-d’œuvre est de deux à quatre fois supérieur en France ; mais surtout, une usine réalisée en champ vert est beaucoup plus performante que les usines françaises, souvent âgées de vingt à quarante ans, et leur surface est divisée par deux. Or l’efficacité industrielle est liée à la surface. C’est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour compacter nos usines. À Trémery, pour construire le moteur d’un litre de demain, nous avons appliqué le lean engineering, ce qui nous a conduits à réduire la surface de l’usine et à libérer 43 000 mètres carrés ! L’usine de Sochaux comprend 368 000 mètres carrés de process : pour être plus compétitifs, nous ne devons en conserver que 228 000. En revanche, nous devons réaliser d’importants investissements afin que le retour sur investissements de l’opération n’excède pas deux ans. Le compactage est en cours à Rennes et à Aulnay. Si nous ne le faisons pas, nous mourrons.
Les fournisseurs ne peuvent survivre à une baisse de 40 % de leur activité. Certains d’entre eux ont été amenés à fermer deux sites sur cinq. Nous avons mis en place une cellule de quarante personnes, comprenant notamment des financiers, pour trouver des solutions. Avec le secrétaire d’État Luc Chatel, nous mettons tout en œuvre en amont pour que les fournisseurs survivent à la crise. Nous leur avons ainsi apporté 1,3 milliard d’euros et, en liaison avec Renault et l’État, nous avons versé 200 millions au fonds de modernisation des équipementiers automobiles. Nous engageons chaque mois plusieurs dizaines de millions d’euros pour soutenir nos fournisseurs, et notre groupe finance Faurecia, l’un des plus grands fournisseurs mondiaux, dont nous achetons le tiers de la production pour un montant de 600 millions d’euros.
La situation des fournisseurs est très préoccupante. Pour les aider, nous développons la co-conception et multiplions les activités communes. Les fournisseurs représentent plusieurs centaines d’usines en France. Onze filières sont actuellement en situation de surcapacité – 20 % étant d’origine structurelle et 30 % d’origine conjoncturelle –. Ce problème doit être réglé, non par un constructeur automobile, mais par l’État. Il n’appartient pas aux deux constructeurs automobiles que sont PSA et Renault de restructurer 10 % des entreprises françaises ! Si les fournisseurs disparaissaient, nous serions dans l’impossibilité de fabriquer des automobiles. C’est pourquoi nous entretenons, avec les plus importants d’entre eux, des relations gagnant-gagnant, à travers la co-conception ou l’instauration d’une R&D commune.
Le secteur de l’automobile traverse une crise sans précédent, qui entraînera la mort d’un certain nombre de ses acteurs. C’est déjà le cas de General Motors, aux États-Unis, et de Karmann, en Allemagne. Pour préparer l’avenir, il faut survivre à la crise. Et ceux qui ne mourront pas seront plus forts. Que vont devenir les grands fournisseurs américains comme Delphi, Visteon ou Lear ? Si, demain, ils disparaissent, ils entraîneront dans leur chute l’industrie automobile du monde entier ! Au sein de PSA, nous mettons tout en œuvre pour les aider.
Nous sommes convaincus d’avoir fait les bons choix technologiques pour l’avenir. Nous avons commis des erreurs, comme le lancement de la voiture électrique en 1990, ou l’installation trop précoce du stop and start sur la C3. En pariant sur la voiture hybride, nous avons fait le bon choix.
En 2009, 42 % de la production de PSA est conforme à la norme 2015 du paquet « énergie-climat » adopté en 2008 par l’Union européenne sous la présidence française. Nous continuons à préparer l’avenir, avec 3,5 milliards d’investissements et de R&D, sans rien céder sur l’essentiel. Certains reprochent à l’industrie automobile de n’avoir pas su prévoir cette crise ; or c’est un secteur qui consacre 2 millions de personnes à la recherche et celui qui dépose le plus de brevets. Pour la deuxième année consécutive, PSA, avec mille brevets, est le premier « producteur » de brevets en France. Il en est de même en Allemagne. Les dix premiers déposants de brevets proviennent du secteur automobile. Chez PSA, le secteur de la R&D compte 20 000 personnes.
Nous disposons donc de tous les atouts pour trouver les bonnes solutions. Pour ma part, je crois à l’avenir de ce secteur.
M. Serge Poignant, président. Merci, Monsieur le Président, pour cet exposé passionnant et très complet. Je laisse à présent à mes collègues le soin de vous interroger.
M. Lionel Tardy. Nous avons pris bonne note de vos engagements en matière de responsabilité économique et sociale. Cela étant, il y a aujourd’hui bien des interrogations sur l’utilisation du soutien apporté par l’État pour sauver la filière automobile : les fournisseurs de deuxième rang n’ont en effet constaté aucun impact sur leur activité. C’est notamment le cas dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, qui abrite le premier pôle français dans le domaine de décolletage.
Vous avez également indiqué que la production de PSA n’avait pas été délocalisée. Or nombre de nos interlocuteurs ont l’impression que c’est le cas des commandes dans l’ensemble de la filière : les fabricants low cost semblent privilégiés par rapport aux fournisseurs historiques, installés en France. Contrairement à l’Allemagne, où un certain patriotisme économique prévaut, il n’y a visiblement pas de solidarité entre les constructeurs et les sous-traitants dans ce pays.
D’autre part, beaucoup s’interrogent sur le décalage entre le nombre de véhicules vendus et celui des pièces achetées, lequel a baissé dans des proportions bien supérieures. Comment expliquer qu’il n’y ait pas de reprise de l’activité alors que l’on continue à vendre des véhicules et que les constructeurs déstockent depuis six mois ?
Enfin, je rappelle que PSA n’est pas la seule entreprise en difficulté dans le secteur automobile : c’est l’ensemble de la filière qui est touchée. Les ventes de certains fournisseurs pourraient même se contracter de 50 %, alors que la baisse d’activité de PSA devrait se limiter à 20 % en 2009. Les sous-traitants qui dépendent d’un seul donneur d’ordres sont en effet pieds et poings liés. Que comptez-vous faire ?
M. Jean Gaubert. Monsieur le Président Vardanega, vous méritez un satisfecit au moins sur un point : vous vous exprimez comme un véritable industriel, passionné par votre métier et non par les seuls profits financiers. Vous incarnez un capitalisme à l’ancienne que je peux comprendre et accepter.
En ce qui concerne la sous-traitance, trop souvent considérée comme une variable d’ajustement, je fais miens les propos de Lionel Tardy. Il est fréquemment question de « pactes » et de « contrats » passés avec les sous-traitants, mais ceux-ci ont en réalité le pistolet sur la tempe, car les constructeurs se défaussent volontiers de leurs difficultés sur eux.
J’ai également l’impression que les constructeurs automobiles français sont à la traîne de l’industrie allemande depuis de trop longues années et qu’ils n’ont pas su anticiper le retournement du marché. Mais peut-être pourrez-vous me persuader du contraire.
J’ai cru comprendre que les petits véhicules étaient désormais fabriqués à l’étranger, bien que vous produisiez encore des voitures de plus grande taille en France, à Rennes par exemple. Est-ce exact ?
Quant aux prêts consentis par l’État, je crains que les taux d’intérêt ne soient trop élevés. Ayant été chef d’entreprise, je peux témoigner qu’on ne se soucie guère des taux quand on a besoin d’argent, mais qu’on cherche ensuite à se débarrasser au plus vite des emprunts qui pèsent trop lourd. Dans ces conditions, le risque n’est-il pas que PSA ne souhaite rembourser l’État aussi vite que possible au lieu d’investir dans des politiques d’avenir ?
Enfin, pouvez-vous nous indiquer à partir de quand serait envisageable une véritable reprise de l’activité ne se limitant pas à un simple rebond technique ?
M. Serge Poignant, président. Sans doute pourrait-on débattre à l’infini des aides financières de l’État : certains y voient une aide à la trésorerie, d’autres des cadeaux faits aux banques et aux entreprises.
M. Thierry Benoit. Je me félicite que la France compte encore quelques grandes marques automobiles. Le Président de la République et le Gouvernement y accordent une grande importance, comme en témoigne l’instauration d’une prime à la casse qui a été un véritable succès. Toutefois, comment se fait-il que nous ne produisions plus que deux millions de véhicules contre trois millions en 2002 ? Quel est, selon vous, l’impact des coûts de production dans le contexte actuel de mondialisation des économies ?
Que pensez-vous de la réforme de la taxe professionnelle ? Quelle forme devrait-elle prendre ? L’implantation d’un groupe tel que PSA signifie non seulement des emplois chez les équipementiers et les fournisseurs mais aussi des ressources pour les collectivités locales. C’est un aspect qu’il ne faut pas négliger.
J’en viens aux « compressions de surface » que vous avez évoquées tout à l’heure. Quelles en seront les conséquences ? Chacun sait que votre groupe consacre d’importants efforts à la recherche et à l’innovation, mais on peut se demander si vous parviendrez à maintenir un niveau d’activité satisfaisant en France. Nul n’ignore les crises qui affectent aujourd’hui divers secteurs industriels, comme la sidérurgie, le verre, la cristallerie ou la plasturgie.
M. Roland Vardanega. L’aide financière de l’État nous a été accordée pour développer les voitures du futur et non pour aider les fournisseurs. Si nous les soutenons, pour un montant de 2,1 milliards d’euros, c’est en prélevant sur nos réserves propres.
S’agissant des stocks, nous attendons que le mouvement de résorption engagé à la mi-novembre se termine en avril. Nous passons en effet de nouvelles commandes afin de satisfaire une très forte demande pour certains véhicules, que nous avons maintenant du mal à livrer. Au total, la baisse d’activité devrait s’établir à environ 20 % en 2009.
Concernant les achats, je rappelle que nous dépendons avant tout du client : c’est lui qui décide quelle voiture il souhaite acheter. La différence entre les producteurs se fait certes sur la qualité, mais aussi sur les coûts. Il faut donc réaliser des efforts de productivité considérables.
Pour cela, nous devons travailler en collaboration avec les fournisseurs, auxquels nous demandons de réaliser les mêmes efforts que les nôtres. Nous les aidons à le faire, car nous sommes conscients qu’ils ne disposent pas des mêmes moyens que nous. On ne peut donc pas dire que nous ne nous intéressions pas à leur sort. D’ailleurs, cela serait suicidaire car il est aujourd’hui impossible de construire une voiture sans eux.
D’autre part, on ne peut pas assener que les constructeurs étranglent les fournisseurs, car c’est toute l’industrie automobile qui perd de l’argent – 1 milliard d’euros par mois pour Toyota, 500 millions pour Mercedes, entre 100 et 200 millions pour PSA ; quant aux pertes de General Motors, elles ont atteint 6 milliards au premier trimestre.
Dans ces conditions, certains fournisseurs ont déjà délocalisé leur production et d’autres usines devront fermer, même en cas de rebond. Nous avons en effet identifié des surcapacités structurelles de près de 30 % dans onze filières. Il faudra en outre réaliser des regroupements, ce qui augmentera la concentration de notre secteur d’activité, encore inférieure toutefois à celle de l’Allemagne.
Quand des entreprises ferment, notamment parce que les fonds d’origine américaine s’en vont, c’est bien souvent PSA qui s’efforce de trouver des repreneurs avec le concours des élus locaux. Il n’y a donc pas de conflit avec les fournisseurs : au contraire, c’est nous qui essayons de « recoller les morceaux ».
Nous n’avons pas l’intention de délocaliser notre production et nous ne fabriquons pas à l’étranger les petits véhicules vendus en France. En effet, nous produisons dans notre pays deux fois plus de petites voitures que nous n’en vendons. Si nous fabriquons effectivement des 207 à Trnava, c’est dans le but de conquérir des marchés étrangers. Sans implantation hors de nos frontières, nous devrions appliquer un modèle de type colonial ou nous contenter de rester un simple constructeur régional.
Il est également faux de dire que nous avons réduit notre production globale en France. Nous y produisons le même nombre de voitures qu’il y a cinq ans. Si notre pays ne produit plus 3 millions de véhicules, PSA n’en est pas responsable. Vous pourrez en revanche poser la question à d’autres constructeurs.
Nous ne faisons absolument pas la course derrière les Allemands. Nous sommes en effet sortis du haut de gamme en ne renouvelant pas la 607 et la C6, et nous sommes devenus le constructeur le plus performant au monde dans le domaine des petits véhicules. Après ceux de Fiat, ce sont nos modèles qui polluent le moins : grâce au travail que nous menons depuis longtemps sur les voitures à faible consommation, les émissions de CO2 de nos voitures ne dépassent pas 140 grammes par kilomètre. Les moteurs diesel DV4 et DV – 1.4 HDI et 1.6 HDI –6, dont nous avons fait bénéficier Ford, sont les meilleurs, et ce sera également le cas de notre nouveau moteur à essence.
Vous le voyez, nous n’avons pas du tout changé notre fusil d’épaule du fait de la crise !
Mme Isabel Marey-Semper, directeur financier et de la stratégie du groupe PSA Peugeot-Citroën. On peut débattre du taux d’intérêt exigé par l’État, mais il me semble que nous avons conclu un bon accord compte tenu des conditions financières que nous aurions pu obtenir sur le marché obligataire. Ce prêt nous coûte certes 180 millions d’euros par an, mais il nous a permis d’obtenir des liquidités, ce qui était primordial.
Grâce à cela, nous sommes parvenus à réduire nos délais de paiement de trente jours, ce qui a permis d’améliorer la trésorerie de nos fournisseurs pour un montant d’environ 1,3 milliard d’euros. Nous avons également prêté 250 millions à Faurecia, l’un de nos premiers partenaires, et apporté 320 millions d’euros lors de l’augmentation de son capital. Nous abondons par ailleurs le fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) à hauteur de 200 millions d’euros et nous soutenons directement un certain nombre de sous-traitants.
Quant à l’idée que nous aurions envie de rembourser l’État le plus rapidement possible, je rappelle que la durée minimale de l’emprunt est de deux ans et que notre principale préoccupation n’est pas de nous en débarrasser : ce qui importe avant tout, c’est d’avoir les liquidités nécessaires et de continuer à bâtir l’avenir du groupe.
Je précise enfin que PSA est aujourd’hui noté BBB–, ce qui signifie que nous sommes à un cran du non investment grade et que nous risquons d’être considérés comme un investissement spéculatif. Dans ces conditions, la question des liquidités revêt la plus haute importance et nous devons nous efforcer, sinon d’améliorer, du moins de conserver notre notation financière actuelle. Toutes les institutions financières n’ayant pas encore intégré leurs pertes dans leur bilan, la crise devrait en effet durer un certain temps.
M. Roland Vardanega. En ce qui concerne les perspectives de reprise, je ne peux malheureusement pas faire de prévisions. Grâce à l’instauration de primes à la casse un peu partout en Europe, nous sommes pour le moment sous perfusion. Les ventes ont ainsi augmenté de 800 000, voire de 900 000 unités en Allemagne. Cela étant, on constate un certain essoufflement des dispositifs d’aide.
Une vraie reprise pourrait se produire à partir de 2010, mais nul ne peut dire quand nous retrouverons le niveau atteint en 2007. Peut-être y parviendrons-nous en 2015 ou 2020, mais l’incertitude règne. Je rappelle, par exemple, que le prix du baril de pétrole a chuté dans des proportions inattendues : nous sommes passés de 147 dollars en juillet dernier à environ 50 dollars, alors qu’une telle baisse était jugée des plus improbables ; d’autre part, la crise financière n’est pas encore derrière nous. Malgré ces incertitudes, PSA me semble bien armé pour faire face à la situation. Nous disposons en effet d’un atout maître grâce à nos voitures à faible émission de CO2.
S’agissant de la réforme de la taxe professionnelle, ce n’est pas à moi de vous indiquer quel dispositif fiscal serait souhaitable. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne faut pas nuire à l’industrie automobile française en pénalisant, par exemple, les moteurs diesel, lesquels sont moins polluants que les autres.
M. Philippe Armand Martin. Nous avons bien compris que vous aidiez les fournisseurs. Cela étant, j’aimerais avoir quelques précisions supplémentaires. Certaines entreprises délocalisent leur production alors qu’elles ont perçu des aides publiques. Dans un cas récemment porté à ma connaissance, près de 140 salariés ont ainsi été licenciés. Bien que des constructeurs tels que PSA ne délocalisent pas directement leur production, n’arrive-t-on pas au même résultat quand ce sont les sous-traitants qui s’en chargent ?
S’agissant du produit, il me semble que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle, celui des gadgets : les consommateurs souhaitent avant tout que les voitures soient capables de rouler ! Le constructeur indien Tata a ainsi lancé un modèle coûtant sur place l’équivalent de moins de 1 500 euros, la Nano. Selon certaines rumeurs, ce véhicule pourrait arriver sur le marché européen en 2010, à un prix de 5 000 euros. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un feu de paille ou envisagez-vous de construire, à votre tour, des modèles à prix réduits ?
Je m’interroge également sur le coût des batteries électriques : pourquoi est-il si élevé ?
Enfin, comptez-vous remplacer la 607 ?
Mme Frédérique Massat. Ma question porte sur la société Molex. Alors que la fermeture de l’entreprise, située en Haute-Garonne, était envisagée au mois d’octobre 2008, les salariés ont obtenu un sursis conditionné aux commandes du groupe PSA. J’aimerais donc savoir de quelle façon vous comptez traiter cette entreprise.
D’une façon plus générale, quelle est la part des fournisseurs français dans les commandes que vous passez ?
M. Jean-Paul Anciaux. Les surcapacités dont souffrent certaines filières ne datent pas d’aujourd’hui. Ces chiffres communiqués par les services de M. Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, montrent bien que la situation est médiocre depuis 2002. La crise n’a donc fait que révéler des difficultés préexistantes.
Pour le moment, PSA emploie la moitié de ses salariés en France, mais cela va-t-il durer ? En effet, ne s’achemine-t-on pas vers la multiplication des unités d’assemblage partout dans le monde ? Vous avez notamment indiqué que les coûts augmentaient d’un euro tous les cinq kilomètres. Quelle est votre vision de la situation au plan mondial ?
M. Marc Goua. J’aimerais quelques précisions sur la Fonderie de l’Authion, qui a dû déposer son bilan après avoir été abandonnée par le groupe PSA. Cette société, implantée près d’Angers, dans ma circonscription, bénéficiait pourtant d’autres commandes, notamment de la part de Volkswagen qui lui avait confié la fabrication de ses moteurs. Pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements ?
Je m’interroge également sur les effets pervers de la prime à la casse : on condamne à la destruction des véhicules certes anciens mais dont le kilométrage n’est pas toujours très élevé. De ce fait, on habitue les jeunes à acheter des voitures low cost, au risque de les détourner des marques françaises lorsque viendra la reprise.
Un mot enfin sur la Chine : où en êtes-vous dans ce pays, jadis exploré par Citroën dans ces célèbres « croisières jaunes » et où l’on ne croise plus, aujourd’hui, que des voitures étrangères ?
M. Franck Reynier. Nous savons déjà que la prime à la casse favorise les petits véhicules. On peut en revanche se demander quel est son impact sur l’évolution globale de la production. Qu’en pensez-vous ?
J’aimerais également savoir où vous en êtes dans le processus actuel de rapprochement et de partenariat entre les constructeurs. Quelle est votre stratégie de développement ?
Quelle attitude le groupe PSA entend-il adopter en ce qui concerne la production de voitures low cost ? Allez-vous y participer ?
Sachant que la France dispose d’importantes capacités de production d’énergie électrique, on peut également s’interroger sur votre choix de développer des véhicules hybrides, et non des voitures entièrement électriques, comme le font vos concurrents. Comment expliquer cette divergence ?
Mme Colette Langlade. Vous avez rappelé que certains constructeurs ne survivront pas à la crise actuelle, tandis que d’autres verront leurs positions renforcées. Quel est, selon vous, l’état des forces en présence ? Qui aura le châssis assez solide pour s’en sortir ?
Vous avez également affirmé que vous comptiez, non pas délocaliser votre production, mais plutôt réaliser d’importants investissements. Pouvez-vous compléter votre propos en nous indiquant si vous envisagez de fusionner avec l’un de vos concurrents et de nouer des alliances nouvelles ?
Ma dernière question porte sur l’insertion et la formation des jeunes, sujets sur lesquels nous travaillons dans le cadre de la future loi sur l’orientation et la formation professionnelles tout au long de la vie. Que signifie concrètement la récente attribution du label « diversité » à votre groupe ?
M. Jean-Charles Taugourdeau. Vous avez rappelé que le groupe PSA avait conçu 53 nouveaux modèles en 4 ans. Mais quid du haut de gamme ? S’il s’agit simplement de produire des véhicules de moins bonne qualité que les berlines allemandes, il est sans doute justifié d’abandonner ce segment du marché ; en revanche, le vrai haut de gamme présente un intérêt commercial. Il ne faudrait pas perdre des clients au profit de vos concurrents britanniques ou allemands. J’aimerais notamment savoir ce que va devenir la 607 V6 HDI, véhicule dont l’avenir semble aujourd’hui très incertain.
M. Jean-Michel Villaumé. Vous avez fait le choix de développer des voitures hybrides alors que certains de vos concurrents investissent dans des modèles totalement électriques et donc beaucoup plus écologiques. Renault-Nissan devrait, par exemple, consacrer 600 millions d’euros à ce type de projets entre 2008 et 2010. Pourquoi faites-vous une telle impasse ?
Quelles sont les perspectives d’emploi dans le centre de production de Sochaux, où l’on compte aujourd’hui près de 11 000 salariés.
M. Michel Havard. Je voudrais, à mon tour, vous décerner un satisfecit, monsieur Vardanega : j’ai été très heureux d’accueillir, dans ma circonscription de Lyon, la première école de la compétitivité et du lean manufacturing.
Ma première question porte sur les risques de perte de parts de marché lors d’une prochaine reprise de l’activité. Ne craignez-vous que l’augmentation des délais de livraison, causée par le déstockage, ne vous fasse perdre des clients ?
Beaucoup attendent l’arrivée des voitures hybrides pour acheter un nouveau véhicule. Or la Toyota Prius est déjà sur le marché. Dès lors, il faudrait que vos nouveaux modèles sortent rapidement car on peut craindre que le patriotisme économique ne joue plus très longtemps en votre faveur.
Mme Marie-Lou Marcel. Les comptes des principaux constructeurs sont aujourd’hui dans le rouge : au total, il est question de 41 milliards d’euros de déficit. Les « Big Three », General Motors, Chrysler et Ford, souffrent notamment de l’effondrement du marché américain et Toyota est également victime du marasme actuel. La crise est donc en train de rebattre les cartes sur le plan mondial et elle pourrait même porter le coup de grâce à certains acteurs déjà en difficulté. Des rapprochements sont donc inéluctables. Comment PSA entend-il réagir ?
Ma deuxième question concerne la solidarité de l’industrie automobile à l’égard de l’ensemble des filières et des territoires. Chacun sait que de nombreux sous-traitants traversent aujourd’hui de graves difficultés, allant du chômage partiel à la fermeture pure et simple de certains sites, notamment dans ma circonscription, dans le département de l’Aveyron, qui compte la première fonderie de France. Qu’envisagez-vous de faire pour sauvegarder aujourd’hui des emplois, puis pour éviter les délocalisations lorsque la reprise aura lieu ?
M. Michel Piron. Plusieurs collègues vous ont déjà interrogé sur les véhicules de haut de gamme ; pour ma part, j’aimerais avoir quelques précisions sur ceux de moyenne gamme. À quelles évolutions faut-il s’attendre ?
La politique de PSA s’inscrivant dans le long terme, je me demande également quel pourrait être l’impact d’une éventuelle modification de la répartition des modes de transport. Si les transports collectifs se développaien encore au détriment du transport individuel, quelles pertes pourriez-vous subir ?
Je m’interroge aussi sur l’évolution du crédit à la consommation, dont chacun connaît les risques dans certains cas. Jusqu’à présent, deux clients sur trois achetaient leur véhicule à crédit. Où en sommes-nous ? Les comportements ont-ils changé ?
Comment envisagez-vous l’avenir de la filière automobile ? Vous avez évoqué l’intégration croissante de votre principal sous-traitant en France, la société Faurecia, mais la question se pose également au niveau mondial. Quels seront les rapports entre les constructeurs et les équipementiers dans les années à venir ?
M. Jean-Luc Pérat. Comme de nombreux collègues, je compte une entreprise du secteur automobile en difficulté dans ma circonscription : la société Acument, qui est l’un des fournisseurs de PSA.
Nous avons bien compris que votre groupe était très attentif au maintien de l’activité des sous-traitants. Ces derniers dépendent en effet de vous, mais vous dépendez également d’eux : vous seriez en en grande difficulté si certains venaient à fermer. Quelle stratégie estimez-vous adopter à l’égard des sous-traitants qui vous sont indispensables ?
J’aimerais également en savoir davantage sur les actions que vous menez dans le domaine de la formation. Compte tenu des évolutions en cours, c’est en effet un sujet essentiel. Pouvez-vous nous indiquer si les formations sont généralement imposées aux salariées ou bien si elles font l’objet d’une demande de leur part ? Avez-vous noué des partenariats avec l’éducation nationale et les universités ? Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la place des femmes dans votre entreprise ?
M. Yves Albarello. On ne peut que vous féliciter pour la remarquable politique menée par votre groupe en ces temps difficiles.
Cela étant, j’avoue que je suis un peu déçu par votre réponse à propos des véhicules de haut de gamme. Propriétaire d’une C6, je risque en effet de devoir m’adresser à vos concurrents si vous ne renouvelez pas ce modèle.
Je redoute également que les véhicules en cours d’élaboration ne fassent plus rêver les clients. Or, dans l’automobile, le rêve est une nécessité : c’est pour cette raison qu’on a envie d’acheter une voiture plutôt qu’une autre.
J’en viens à une question transmise par notre collègue d’Aulnay-sous-Bois, où un site important de PSA est implanté : votre politique de « compactage » des usines devant libérer des espaces, pouvez-vous nous dire quelle politique foncière vous allez adopter ?
Dans une perspective de benchmarking, j’aimerais enfin savoir de quelle façon vous analysez le succès du groupe Fiat, qui était au bord du gouffre il y a quelques années.
Mme Françoise Branget. Grâce à la prime à la casse instaurée par le Gouvernement, vous avez en partie résorbé vos stocks. Cela étant, on s’aperçoit que vos concurrents répondent mieux que vous à la demande. Quelle en est la raison ? Est-ce un problème d’adaptation de votre gamme de véhicules ?
Comme d’autres collègues, je m’inquiète de la situation dans laquelle se trouvent les sous-traitants. Alors que cela fait des années que l’on réduit les coûts, il y aurait aujourd’hui près de 30 % de surcapacités dans certaines filières. Dans ces conditions toutes les pièces ne risquent-elles pas d’être achetées à l’étranger ? Ne serait-ce pas là une forme indirecte de délocalisation ?
M. Yanick Paternotte. Vous avez beaucoup parlé des véhicules de moyenne gamme, mais quid des voitures low cost et, à l’opposé, de haut de gamme ?
D’autre part, comment envisagez-vous l’avenir de votre groupe ? Allez-vous lancer des partenariats avec d’autres sociétés en développant des plateformes communes, notamment en ce qui concerne les véhicules hybrides, ou bien comptez-vous conserver des motorisations spécifiques ?
Je m’interroge par ailleurs sur l’avenir du site d’Aulnay, dont le foncier présente un grand intérêt. Allez-vous recentrer vos activités sur la vallée de Seine pour des raisons tenant à la logistique ?
Enfin, puisque vous avez beaucoup parlé d’éthique, j’aimerais savoir quelles sont vos orientations en matière d’actionnariat salarié et d’intéressement du personnel.
M. Guillaume Garot. Élu d’une circonscription où la filière automobile emploie plus de 3 000 personnes, je mesure bien l’importance de votre activité pour nos territoires, ainsi que les difficultés auxquelles les sous-traitants sont aujourd’hui exposés. Ceux-ci craignent d’être considérés comme une simple variable d’ajustement par les constructeurs et ils manquent également de perspectives. Comment pouvez-vous les associer à vos choix technologiques afin de mieux préparer les mutations industrielles en cours ?
M. Dino Cinieri. Le secteur automobile est aujourd’hui en crise : les 15 plus grands constructeurs mondiaux subissent un déficit de 41 milliards d’euros et procèdent à des déstockages massifs. Face à cela, quelle est la stratégie du groupe PSA ? Quels rapprochements envisagez-vous ? Chacun sait que certains constructeurs vont devoir déposer leur bilan.
M. Roland Vardanega. La question des rapprochements se pose en effet : Opel, par exemple, est à vendre. De notre côté, nous nous sommes engagés depuis des décennies dans des coopérations avec de nombreux partenaires, notamment Renault, Fiat, BMW, Mitsubishi ou encore Toyota. Nous sommes probablement les champions du monde dans ce domaine. Étant un groupe de taille moyenne, nous avons rapidement pris conscience de la nécessité de certaines mises en commun.
L’idée d’aller plus loin ne se heurte pas à une objection de principe et je n’ai pas besoin de rappeler qu’il y a aujourd’hui beaucoup de discussions en cours. Cela étant, il n’est pas forcément aisé de trouver un partenaire complémentaire, aussi bien du point de vue des implantations géographiques que de celui des gammes de véhicules. La question est ouverte, mais je ne saurais vous en dire davantage pour le moment.
Chacun sait que nous n’en sommes qu’au début de l’histoire de l’automobile : les marchés émergents vont un jour se développer – et pas seulement en Chine. Les marchés européens et américains sont certes à la peine, mais il y a d’énormes potentiels ailleurs dans le monde. Pour en tirer parti, des implantations à l’étranger seront nécessaires dans les années à venir : compte tenu des effets d’échelle et des coûts de logistique, la taille idéale d’une zone de production est en effet comprise entre 2 000 et 3 000 kilomètres. Il y a, par exemple, des opportunités de croissance en Chine et en Inde et nous sommes en train de construire une usine en Russie, qui sera demain le plus grand marché d’Europe.
S’agissant des fournisseurs, je crois qu’il faut veiller à distinguer deux types d’acteurs : les global players, présents partout dans le monde, et les acteurs locaux, souvent moins chers. Mais il faut s’occuper des uns comme des autres.
D’autre part, j’ai toujours été d’avis qu’il fallait se méfier du global sourcing, c’est-à-dire de la délocalisation des fournisseurs : quand elles sont produites à l’étranger, certaines pièces peuvent coûter jusqu’à 30 % moins cher, mais on se heurte à des problèmes de qualité parfois très longs à résoudre et à des coûts de logistique importants, ce qui est d’ailleurs la meilleure protection de la production locale. Vous savez par exemple que nous n’avons pu fabriquer qu’un nombre très limité de pièces en Chine pour la 206 Plus, ce qui a singulièrement réduit les économies réalisées.
Je rappelle également que plus des deux tiers de nos véhicules sont fabriqués par nos sous-traitants. Cela signifie que nous avons besoin de nouer des relations très étroites avec eux, et surtout de réaliser un travail très en amont dans certains cas, notamment dans le domaine de l’innovation. Il nous est en effet impossible de concevoir l’intégralité des véhicules. Cela étant, nous n’avons pas les mêmes relations avec tous nos fournisseurs et il est exact qu’on peut s’attendre à certaines concentrations dans notre pays.
S’agissant de Molex, je précise que cette société n’est pas un sous-traitant direct de PSA, mais un fournisseur de rang 2, livrant des pièces aux câbleurs que nous utilisons. Or nous ne pouvons pas nous occuper de nos 15 000 fournisseurs de rang 2, en sus de nos 8 000 fournisseurs de rang 1, même si nous ne sommes pas indifférents à leur sort.
J’en viens à la question des différentes gammes de véhicules, elle aussi essentielle. Depuis quelques années, nous avons assisté à une évolution qui n’est pas sans conséquence sur le volume de notre activité : près de 60 % de la demande concernent aujourd’hui les véhicules de catégorie B2, comme les 207 ou les C3. Certains pensent que cette évolution ne devrait pas nécessairement durer, car elle s’explique en partie par les incitations fiscales mises en place ; il y a toutefois d’autres facteurs en jeu, notamment le coût des carburants et les problèmes de pollution.
S’agissant des voitures d’« entrée de gamme », il va de soi que nous comptons développer notre offre. Nous proposerons des voitures recentrées sur l’essentiel, si possible belles, mais surtout sans concessions en matière de sécurité. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de déterminer ce qui est réellement « essentiel », mais il me semble que nous nous acheminons vers un arrêt de l’inflation délirante que nous avons connue au cours des dernières années. On peut par exemple se demander si l’on a vraiment besoin d’un démarrage « mains libres », d’un frein de stationnement électrique ou d’un volant à moyeu fixe…
D’autre part, les voitures main stream, c’est-à-dire de gamme moyenne, dont la longueur est comprise entre 4,20 et 4,30 mètres, ont également un très bel avenir devant elles, car elles ont de plus en plus tendance à remplacer des voitures de haut de gamme. C’est notamment le cas de la C4 et de la 308.
En ce qui concerne le haut de gamme, à savoir les voitures de grande taille, nous souhaitons mettre au point des motorisations consommant moins. D’ici à 2011, nous comptons ainsi développer une motorisation hybride de 200 chevaux, émettant 109 grammes de CO2. Il s’agit notamment d’équiper la DS5 sans développer un V8 de 500 chevaux, ce qui nous semble totalement exclu depuis longtemps.
En dépit de l’évolution des modes de transport entre individuel et collectif, je ne pense pas que la voiture cesse d’être un outil au service de la liberté. Par ailleurs, alors même que les gros véhicules entièrement électriques ne devraient pas s’imposer avant 2030 ou 2040, il existe un marché pour les petits modèles à vocation urbaine, du scooter au quadricycle en passant par le tricycle. Nous présenterons d’ailleurs un certain nombre de prototypes lors du prochain Mondial de l’automobile. Il y a aujourd’hui un débouché pour des voitures pesant entre 400 et 500 kilos et capables de parcourir jusqu’à 70 ou 80 kilomètres – en utilisation urbaine et suburbaine –, à condition qu’on puisse les vendre à un prix raisonnable. C’est dans cette perspective que nous avons lancé deux programmes de recherche, cofinancés par l’État et les collectivités locales.
Mme Isabel Marey-Semper. La Banque PSA Finance, dont je suis le président-directeur général, a pour mission d’octroyer des crédits aux particuliers et aux entreprises qui souhaitent acheter une voiture. PSA Finance n’a jamais encouragé ses clients au surendettement. Pour une banque, le risque a un coût et, sur ce point, nous sommes mieux placés que nos concurrents car, bien qu’ayant augmenté en 2008, ce coût ne dépasse pas 0,48 % des encours. Ce que je souhaite, pour 2009 et les deux prochaines années, c’est privilégier la profitabilité, au détriment de la croissance. C’est pourquoi nous sélectionnons rigoureusement les clients auxquels nous octroyons un crédit, d’une part en exigeant un apport et, d’autre part, en réduisant la durée du prêt.
M. Roland Vardanega. S’agissant de la formation, nous devons veiller à ne plus reproduire les erreurs du passé. L’industrie automobile a énormément évolué au cours des quinze dernières années. Elle a délaissé le travail à la chaîne et les mauvaises conditions de travail pour devenir une industrie de pointe, qui emploie des personnels très compétents et bien formés. Nous accordons désormais la plus grande importance à la formation. Alors qu’auparavant la formation d’un ouvrier débutant durait une semaine, elle s’étend aujourd’hui sur trois semaines. La formation de plusieurs milliers de moniteurs, qui se déroule actuellement consacre une semaine au « savoir-être », une autre au savoir-faire et la troisième au travail effectif. Nous considérons que la formation est un investissement, et non une variable d’ajustement. Autrefois, dès les premières difficultés, nous cessions de financer les formations. Nous commettions là une grave erreur stratégique.
L’un d’entre vous a évoqué la situation des femmes au sein de l’entreprise. En matière de diversité, PSA a remporté tous les prix qu’il était possible d’obtenir.
J’en viens à la politique foncière de PSA. Certes, le compactage libère des bâtiments, mais nous n’envisageons pas de vendre la moindre surface, ni à Poissy, ni à Aulnay. Seul le site d'Asnières est à vendre.
Contrairement à ce qui a été dit, Fiat, le plus petit groupe automobile européen, n’est pas en bonne santé, M. Marchione lui-même craint le pire s’il ne parvient pas à s’allier à un autre groupe. Fiat est lourdement endettée. En tant que président de l’usine de Val di Sangro, que nous détenons en commun, je ne me peux me permettre de critiquer cette entreprise, mais force est de constater l’échec de nombre de ses véhicules. Heureusement, la Fiat 500 est un véritable coup de maître. PSA n’a aucune leçon à tirer de Fiat, car la force d’une entreprise provient des effectifs dédiés à la R&D. Or, chez Fiat, ceux-ci sont très insuffisants. C’est grâce à nos efforts en faveur de l’innovation que nous avons réussi à vendre jusqu’à 3 400 exemplaires de la Peugeot 206 par jour.
La durée des délais de livraison est en effet incompréhensible pour le public, mais pour déstocker, nous réduisons notre production. Prenons un exemple : vous avez commandé une C5 au mois de décembre, mais l’entreprise de Rennes n’a travaillé qu’une semaine. Si vous ne choisissez pas une voiture parmi le stock existant, vous attendrez votre véhicule trois mois. C’est peut-être paradoxal, mais le chômage augmente les délais de livraison. Cela dit, il est parfaitement légitime que le client souhaite commander un véhicule personnalisé en fonction de ses attentes.
Chez Peugeot, où j’ai occupé le poste de DRH, nous nous sommes toujours opposés à l’actionnariat des salariés, non pour des raisons de principe, mais parce que les salariés pourraient nous reprocher ensuite d’avoir perdu les trois quarts de leurs économies. L’intéressement et la participation sont des mécanismes utiles, sauf en période de crise. Moralement, je n’ai pas le cœur à encourager les salariés à souscrire à un mécanisme qui risque de leur faire perdre à la fois leur emploi et leurs économies.
Pourquoi développons-nous les voitures hybrides, au détriment des voitures uniquement électriques ? Il faut savoir que l’énergie liquide est cent fois plus efficace que l’énergie stockée dans des batteries. Un kilo de batterie – sachant que les batteries pèsent environ 300 kilos – contient cent fois mois d’énergie qu’un kilo d’essence ! Encore s’agit-il des batteries lithium-ion, pourtant très performantes. Premier exemple : lors d’un grand prix de Formule 1, un réservoir de 120 litres est rempli en six secondes : s’il s’agissait d’un moteur électrique, il faudrait une tranche de centrale nucléaire de 1 450 mégawatts, exactement comme pour recharger dix 207 HDI. De plus, pour débiter cette énergie en soixante secondes, il faudrait un câble électrique de dix centimètres, refroidi par immersion dans l’eau.
Nous espérons que les batteries pourront un jour concentrer plus de kilowattheures. C’est le cas des batteries métal-air et plus encore des lithium-air, dix fois plus puissantes que les lithium-ion, mais avec un rendement encore dix fois inférieur à celui du carburant liquide !
Il est clair qu’à très long terme notre seule source d’énergie proviendra de l’électricité propre – éolienne, solaire, hydraulique et nucléaire. Mais il nous faudra trouver des solutions pour recharger les batteries, ce qui coûte encore très cher. La recherche sur les batteries se poursuit depuis plus de cent ans, et la première voiture qui a roulé à 100 kilomètres-heure, en 1899, la Jamais contente, était électrique.
Une autre technique existe, mais elle est très complexe. L’hydrogène n’est pas réellement une source d’énergie, mais un moyen de stocker l’électricité issue de l’électrolyse de l’eau. Pour stocker l’hydrogène dans la voiture, il faudrait embarquer une pile à combustible, qui, elle, produit l’inverse de l’électrolyse – elle sépare l’eau de l’électricité. À l’heure actuelle, un tel dispositif coûte 50 000 euros. De plus, le transport de l’hydrogène est aussi dangereux qu’une bombe atomique. Du fait de ces difficultés, nous ne parviendrons pas à utiliser l’hydrogène avant les années 2050, voire 2100. Nous sommes capables de stocker l’hydrogène dans des métaux, et les Américains ont engagé des recherches en ce sens, mais nous ne pouvons en stocker que 15 %, et les opérations de mise en place et de récupération exigent plus d’énergie qu’elles n’en procurent.
Nous pouvons également envisager de fabriquer l’hydrogène dans la voiture, notamment à partir du méthane, mais le rendement est désastreux. Pour les avions, nous n’avons pas de solution, et cela vient de m’être confirmé par l’un des plus brillants cerveaux de l’aéronautique que j’ai récemment recruté.
En tout état de cause, nous devons économiser le carburant. La voiture hybride à dominante électrique le permet, tout comme les biocarburants, tels l’éthanol et les huiles. Or un plein de biocarburants utilise une surface de culture qui pourrait nourrir un enfant une année entière ! Actuellement, il n’est pas rentable de produire de l’éthanol, en dehors du Brésil où, grâce aux cultures de canne à sucre, la moitié des voitures sont équipées du système flexfioul, qui utilise 85 % d’éthanol. Il faut donc trouver des biocarburants de deuxième génération. Cela dit, une société américaine a récemment réussi à transformer, à l’aide de bactéries, des déchets carbonés en éthanol pur à 99 %, pour un prix compétitif par rapport au pétrole. C’est un véritable espoir.
La voiture électrique peut prendre de multiples formes. Nous attendons beaucoup des biocarburants de deuxième génération car, aujourd’hui, si nous voulions utiliser des biocarburants, il faudrait couvrir les deux tiers de la planète de plantes destinées à produire de l’huile ou de l’alcool, ce qui n’est pas envisageable. Les solutions de demain passent par les algues ou le méthane, bien que celui-ci soit vingt fois plus dangereux pour la couche d’ozone que le CO2 !
Il reste du chemin à parcourir, mais en optant pour l’hybridation, nous allons dans la bonne direction, en attendant les voitures électriques autonomes.
Je rappelle que nous étions les pionniers en matière de voiture 100 % électrique mais cela s’est soldé par un échec retentissant.
Permettez-moi de vous raconter l’expérience que nous avons menée à La Rochelle, avec l’accord de Michel Crépeau. Pendant un an, nous avons proposé aux habitants une centaine de voitures – Peugeot 106 et Citroën Saxo –, pour un coût locatif de 100 euros. À l’époque, la 106 valait 50 000 francs, mais pour acheter une 106 électrique, sans les batteries, il fallait débourser le double. Les utilisateurs, pourtant très enthousiastes, n’ont pas souhaité acheter la voiture à moitié prix, soit au prix d’une voiture à essence. Le prix qu’ils étaient prêts à débourser ne dépassait pas 35 000 francs ! Nous avons donc cessé de commercialiser la voiture électrique, comprenant qu’il était nécessaire de prévoir un moteur annexe. J’espère qu’un jour les voitures électriques permettront de parcourir 400 kilomètres et que nous pourrons recharger les batteries en quelques minutes.
M. Serge Poignant, président. Je vous remercie, monsieur le président, pour cet échange passionnant, qui a apporté un éclairage très pertinent à notre Commission.
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