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Compte rendu Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 8 octobre 2008

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

•  Audition de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l’Académie de Besançon, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif 2

 

La Délégation a procédé à l’audition de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l’Académie de Besançon, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a précisé que la Délégation avait souhaité entendre Mme Philippe après sa nomination à la présidence du comité de pilotage de la convention de 2006 sur l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif, fonction qui était restée vacante de mars 2005 à mars 2008.

Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné qu’elle était ravie d'assumer, à la demande de M. Darcos, la présidence de ce Comité de pilotage, qui comprend deux représentants des huit ministères signataires de la convention ainsi que la responsable du service des droits des femmes et de l’égalité. Le Comité était en sommeil depuis quelque temps, mais dans l'intervalle chaque ministère avait, dans son champ d'intervention, continué d'œuvrer à l'application de la convention. Il fallait donc commencer par inventorier ces actions, puis définir des axes prioritaires.

C'est ce qu'a fait le Comité au cours de ses deux premières réunions. Six thèmes ont été retenus : statistiques, études, observatoires; verrous qui font que les métiers n'évoluent pas ; orientation des actions, relations avec les entreprises et orientation active ; violences ; formation des enseignants ; information, documents, prix.

J'ai demandé aux représentants des huit ministères concernés de faire des propositions d'actions assorties d'un échéancier sur trois ans, en indiquant les obstacles éventuels à leur application. Le Comité se réunira le 29 octobre pour en débattre. Une vision commune étant ainsi définie, la coordination assurée par le comité de pilotage permettra ensuite le partage des informations puis des bonnes pratiques.

J'organiserai, en février et mars 2009, des réunions interacadémiques réunissant les réseaux des ministères et les délégués aux droits des femmes, pour décliner en actions ces thèmes prioritaires en fixant un échéancier. L'objectif visé est que chacun fasse siennes ces propositions d'action et les décline. À cette fin, je souhaite que dans chaque académie des conventions régionales soient signées et que d'ici douze à dix-huit mois nous ayons réussi à convaincre les partenaires locaux de mettre en œuvre les orientations nationales.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souhaité des précisions sur les modules sur l'égalité entre les hommes et les femmes mis en place dans les IUFM pour la formation initiale des enseignants.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé que ces modules existent dans certains IUFM mais ils sont plus ou moins suivis selon les académies. Celle de Lyon est particulièrement active dans ce domaine et l'académie de Besançon va créer un module de ce type. Nous comptons saisir l'occasion de la réforme de la formation des maîtres pour demander aux universités d'inclure des modules spécifiques en phase de pré-professionnalisation.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné le principe d’autonomie des universités.

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu’elle espérait parvenir à ses fins en prenant « son bâton de pèlerin ». C'est pourquoi la voie des réunions inter-académiques est privilégiée car elle sera plus efficace que la seule incitation théorique à bien faire. À ces réunions seront présents les représentants des ministères concernés, les recteurs ainsi que les directeurs d'IUFM, auxquels nous rappellerons qu'ils doivent former les futurs enseignants sur ce sujet. Nous nous appuierons sur les exemples existants pour montrer ce qu'il est possible de faire. Selon moi, c'est en allant sur le terrain que l'on fera bouger les choses.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé s’il était prévu de médiatiser ces réunions.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé qu’elle souhaitait surtout appeler l'attention sur ces initiatives à l'occasion de la Journée des femmes. La prochaine réunion du Comité de pilotage vise notamment à définir ce que nous voulons mettre en valeur le 8 mars dans chaque académie. Appeler l'attention des médias sur les réunions interacadémiques, c'est-à-dire avant que les orientations nationales ne soient déclinées localement, risquerait d'avoir peu d’impact.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a observé qu’un communiqué de presse et une photo dans la presse locale, lors de chaque réunion, montreraient l’existence de ces actions. La question de l'égalité entre les hommes et les femmes n'étant jamais abordée spontanément par les médias, qui ne la considèrent pas comme un thème majeur, toutes les occasions d'en faire parler doivent être saisies.

Mme Marie-Jeanne Philippe a partagé le constat selon lequel la médiatisation est nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons retenu l’attribution de prix au nombre de nos axes d'action : décerner une récompense et le faire savoir, c'est l'occasion de mettre l'accent sur un parcours et d'encourager à le suivre. Et même si nous n'en sommes qu'à la définition d'une méthode, rien ne nous empêche effectivement de donner de la visibilité aux réunions inter-académiques.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a observé que tant que l'égalité des sexes ne sera pas considérée comme une évidence dès le plus jeune âge, les lois qui s’y rapportent ne seront appliquées correctement, les jeunes filles elles-mêmes ne revendiquant pas l'égalité.

Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné la disparité des cursus. Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, elles sont plus nombreuses qu'eux à obtenir un baccalauréat général, et on note désormais un bon équilibre entre filles et garçons en terminale S. Malgré cela, les filles privilégient trop souvent les filières courtes, car elles ont moins confiance que les garçons en leur capacité de réussite.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que la réforme de la formation des enseignants devait être l'occasion d'inclure un module spécifique obligatoire sur ce thème. Ainsi la prise de conscience se ferait-elle chez les enseignants eux-mêmes et l'on parviendra à faire évoluer les mentalités pour en finir avec des stéréotypes qui ont un impact négatif sur toute la vie professionnelle des femmes.

Mme Marie-Jeanne Philippe a précisé que les plans académiques de formation devraient, en principe, permettre d’assurer cette formation dans le cadre de la formation continue mais les modules sur la parité, proposés sur le mode du volontariat, attirent peu, car les enseignants sont généralement persuadés de se comporter en classe de manière rigoureusement neutre. Ce n'est pas aussi simple, comme je l'ai constaté dans une classe d'école maternelle : l'enseignante n'avait pas vu d'anomalie à ce que tous les garçonnets se soient dirigés vers l'atelier « train électrique » et toutes les fillettes vers l'atelier « cuisine », laissant ainsi perdurer une répartition codifiée des rôles. Si l'on veut faire disparaître ces réflexes conditionnés, il faut rendre systématique la réflexion sur l'égalité des sexes dans la formation initiale des enseignants lors de la pré-professionnalisation et reprendre ce thème en formation continue.

Il faudrait inciter les universités à le faire en faisant de ce point un des critères d'évaluation lors des concours de recrutement. On pourrait par ailleurs prendre exemple sur le ministère de l'agriculture qui, dans chaque stage organisé sous son égide, met l'accent de façon transversale sur la parité, que l'on parle de l'orientation ou de l'enseignement des sciences. Il faut en finir avec les idées fausses sur l'incapacité supposée des filles à suivre avec succès des enseignements scientifiques. Ces idées reçues conditionnent les jeunes filles elles-mêmes, comme le montre une étude menée par M. Huguet et le laboratoire de psychologie cognitive de l'Université d'Aix-Marseille. Ces expériences montrent que les garçons réussissent mieux que les filles les épreuves mathématiques en situation de compétition, alors que, s'il n'y a pas d'enjeu, filles et garçons obtiennent des résultats similaires. Si l'on parvient à "déconditionner" les filles, elles réussissent aussi bien que les garçons. Il reste à en persuader l'ensemble des enseignants.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a insisté sur l’enseignement et l’évaluation de l'éducation civique qui est un support naturel de l'enseignement de l'égalité des sexes.

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu'il est aussi du devoir des enseignants, en leur qualité d'adulte référent, de s'intéresser de près à l'orientation de leurs élèves, enjeu fondamental pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Il n'est pas admissible que 5 % des élèves sortent du système éducatif sans qualification et sans que l'on sache rien de ce que sera leur parcours par la suite. Puisque l'on donne plus d'autonomie aux établissements du second degré, mettons ces questions en exergue dans leurs contrats d'objectif.

D'autre part, il nous serait très utile de disposer de statistiques "sexuées", notamment sur les violences, c'est un des thèmes prioritaires retenus par le Comité de pilotage. Il faudra aussi faire évoluer la formation professionnelle et, dès le collège, garçons et filles doivent se répartir de manière équilibrée dans les ateliers de découverte professionnelle. On y vient, mais ce n'est pas encore naturel. On doit donner les mêmes outils aux filles et aux garçons. Recteurs, proviseurs, contrats d'objectif : ce sont là autant de leviers à actionner pour mettre la parité en œuvre.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que s’il s’agit du discours qui sera tenu lors des réunions interacadémiques, il fallait qu'il soit médiatisé !

Mme Marie-Jeanne Philippe a observé qu’il serait peut-être préférable que les académies s'approprient ces idées et se chargent ensuite de faire connaître elles-mêmes aux médias les initiatives qu'elles prennent pour les appliquer.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné qu’il était important que la presse prenne conscience dès maintenant de notre volonté de faire évoluer la situation. Cela donnera un espoir aux femmes qui travaillent et qui peinent à avoir la place qui devrait être la leur dans les entreprises qui les emploient.

Mme Marie-Jeanne Philippe a dressé le constat d’une certaine frilosité de certains employeurs. On ne peut, non plus, ignorer le poids des conventions sociales qui sont intériorisées. Si les jeunes filles choisissent de présenter le concours de professeur des écoles plutôt que de tenter le Capes ou l'agrégation, c'est en partie parce que les professeurs des écoles demeurent dans l'académie qui les a recrutés alors que la réussite au Capes ou à l'agrégation implique d'accepter la mobilité. Il en résulte que les IUFM sont très féminisées. À cela s'ajoute une sorte de réflexe conditionné qui pousse à admettre qu'un jeune homme peut prendre des risques professionnels tandis que la jeune femme assurera le quotidien, ayant pour cela choisi une carrière plus sédentaire, dans la fonction publique si possible. Ce manque d'ambition est gênant. Il faut parvenir à modifier la perception des métiers par les jeunes filles, mais cela prendra du temps.

Les thèmes d'actions prioritaires que nous avons retenus devraient nous permettre de progresser. Outre que les statistiques sont à préciser dans chaque ministère concerné, nous souhaitons déterminer quels verrous faire sauter. Nous solliciterons donc des sociologues pour mieux comprendre pourquoi les jeunes filles choisissent telles études plutôt que telles autres, pourquoi elles arrêtent plus souvent que les garçons leurs études à la licence sans aller jusqu'à la maîtrise alors que leurs résultats sont meilleurs que ceux des garçons… Tous les critères seront étudiés.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué que la validation des acquis de l'expérience, qui profite à 70 % à des femmes, paraissait prometteuse, mais y parvenir tient véritablement du parcours du combattant. Le dispositif n'est donc pas utilisé autant qu'il pourrait l'être.

Mme Marie-Jeanne Philippe a remarqué que la validation pré-bac ou BTS est devenue plus systématique. Des progrès sont certainement possibles, mais le processus est complexe car la validation doit être faite sérieusement.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé s’il était envisageable que des associations de femmes scientifiques participent aux travaux du Comité de pilotage comme elles le demandent.

Mme Marie-Jeanne Philippe a répondu que conformément aux dispositions de la convention, le Comité de pilotage est composé des seuls représentants des ministères signataires. En revanche, lors des réunions inter-académiques, tous les réseaux seront sollicités. Si les choses ont peu progressé au cours des trois dernières années, c'est que chaque ministère agissait seul. La réactivation du Comité de pilotage permettra l'échange de bonnes pratiques et leur diffusion – comme celle, par exemple, de "la technique du paravent" adoptée par le ministère de la culture et qui a porté ses fruits partout en Europe. C'est elle qui a permis, en masquant les musiciens auditionnés derrière un paravent, que les orchestres recrutent enfin des femmes…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné que beaucoup est fait mais de manière éparse ; il s'agit souvent de "micro-actions" peu visibles, fruit d'initiatives individuelles qui ne sont pas reprises au niveau national. Il en résulte une regrettable déperdition d'énergie.

Mme Marie-Jeanne Philippe a indiqué que c’est la raison pour laquelle nous avons retenu l'information au nombre de nos priorités stratégiques. Le recensement de toutes les initiatives engagées et l'échange d'informations qui en résultera permettront de s'assurer que chaque ministère en est au même point, et en mesure de décliner activement les sept orientations nationales, car nous ne saurions en rester aux déclarations d'intentions.

L'égalité entre les hommes et les femmes dans le système éducatif est, pour M. Darcos, une véritable préoccupation. Elle l'est aussi pour Mme Pécresse, qui a évoqué le sujet plusieurs fois et donné des directives précises à ses services. Il peut y avoir là un levier permettant que les jeunes filles poursuivent leurs études plus avant, et qu'elles soient plus nombreuses à choisir l'enseignement supérieur scientifique.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a remercié Mme Philippe pour sa détermination et sa volonté d’avancer.