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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 20 mai 2009

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente

Audition sur le thème de l’accès des femmes aux responsabilités :

– de Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux, secrétaire confédérale de la CGT-FO et de Mme Isabel Odoul-Asorey, assistante confédérale

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux, secrétaire confédérale de la CGT-FO et de Mme Isabel Odoul-Asorey, assistante confédérale.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Merci, mesdames, de votre présence. À plusieurs reprises, nous avons eu l’occasion d’évoquer l’application des lois relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La Délégation travaille en ce moment sur l’accès des femmes à tous les domaines de responsabilité dans l’entreprise, mais aussi dans les administrations et dans les diverses instances de représentation.

Nous souhaiterions connaître votre analyse de la situation actuelle en matière d’égalité professionnelle. Les entreprises s’engagent dans la signature d’accords relatifs à la diversité et à l’égalité. Pensez-vous que cela a de vraies conséquences dans les entreprises ?

On compte très peu de décisions sanctionnant des discriminations en raison du sexe, car peu de plaintes sont déposées, ce qui a été confirmé hier par le représentant de la HALDE, à l’occasion d’un colloque qui se tenait au Conseil économique et social. Les syndicats peuvent-ils jouer un rôle dans ce domaine ?

Quel enjeu représente, selon vous, la présence des femmes dans la gouvernance des entreprises ? D’aucuns disent qu’il y a un vrai progrès lorsque les femmes y sont largement présentes. Pensez-vous que la situation peut évoluer naturellement ? Faut-il fixer des quotas ? Avez-vous réfléchi à des actions susceptibles de favoriser l’accès des femmes à des postes de responsabilité? Pensez-vous que ce soit pertinent dans le contexte actuel ?

J’aimerais aussi que vous abordiez la question des dernières élections prud’homales. La loi de 2001 sur l’égalité professionnelle avait invité les organisations représentatives des employeurs et des salariés à améliorer la représentation des femmes sur les listes pour les élections de 2002. En 2006, le résultat n’est qu’en légère progression et l’on compte toujours que 28 % de femmes dans les juridictions prud’homales. Ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de fixer des obligations, comme nous l’avons fait dans le domaine politique, en cas de scrutins de liste ?

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Dans le secteur public, même lorsqu’elles sont nombreuses, les femmes ont du mal à accéder aux postes de responsabilité. Il y a notamment très peu de préfètes. Malgré quelques avancées, par exemple dans les ambassades, il reste encore beaucoup à faire. L’État devrait donc commencer par montrer le bon exemple à l’intérieur de ses services et donner un coup de pouce pour faciliter l’accès des femmes à ces postes de responsabilité. Nous y sommes par principe favorables.

Sur la proposition relative à l’accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales qui vise à instaurer des quotas, notre position est claire. Nous considérons que, sur le principe, c’est une très bonne chose. Dans le secteur privé, le seuil de 40 % de femmes dans les conseils d’administration, nous semble pertinent. Je précise qu’à FO, nous sommes plus favorables à la mixité qu’aux quotas et que nous tenons à une certaine souplesse.

Sur les modalités, en revanche, nous sommes partagés. Je vise plus particulièrement les élections professionnelles et les instances représentatives du personnel. Cette proposition, si elle oblige à une parité stricte risque, en effet, d’engendrer des difficultés dans le fonctionnement des instances représentatives du personnel et au moment de la constitution des listes. Dans certains secteurs comme la métallurgie il y a une forte majorité d’hommes. Dans d’autres comme le secteur hospitalier, il y a une forte majorité de femmes. Les organisations syndicales risquent donc d’avoir des difficultés à constituer des listes paritaires, voire d’être dans l’impossibilité de le faire. Une certaine souplesse nous semble donc nécessaire.

En outre, la loi sur la représentativité syndicale est très floue. Comment faire lorsqu’il y a plusieurs syndicats dans une même entreprise ? On risque, du fait de cette loi, dans un an, de ne pas avoir d’instances représentatives du personnel dans certaines entreprises.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. J’ai l’impression qu’il en est de même dans les syndicats et dans les partis politiques. Quand on a commencé à parler de parité en politique, on nous a dit qu’il n’y avait pas de vivier. En mars 2006, quand un quota de 20 % a été voté, certains m’ont dit que, de toute manière, on ne trouverait pas suffisamment de femmes.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Parler d’une égale représentation à partir du seuil de 40 %, ce n’est pas la même chose que de parler d’une « représentation équilibrée », c’est-à-dire faire en sorte qu’il y ait autant d’hommes que de femmes. Mais, si l’on prévoit une représentation égale d’hommes et de femmes et qu’il n’y a pas assez de femmes dans l’entreprise en raison de son secteur d’activité, reconnaissez qu’il y a un problème.

Les femmes ne veulent pas prendre de responsabilités. Il faudrait commencer par régler les inégalités entre les femmes et les hommes, en matière de salaires, dans la famille, etc. Dans mon entreprise, il y a une majorité de femmes. Beaucoup sont à temps partiel contraint. Or, quand on est dans cette situation et que l’on gagne des miettes, on n’a ni le temps ni les moyens…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Il est clair que les personnes à temps partiel contraint ne prennent pas de responsabilités.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. J’organise au moins trois fois par an, avec l’Institut du travail de Strasbourg, des stages sur l’égalité, qui sont ouverts à tous les militants. Il y a aujourd’hui autant d’hommes que de femmes qui s’y inscrivent. C’est déjà un progrès : avant, il n’y avait que des femmes. Mais il s’agit de femmes qui ont de grands enfants, n’ont plus de problème de garde et peuvent s’investir davantage.

L’objectif de ces stages est d’animer la commission « égalité » dans les entreprises et de mettre en place des référents « égalité ». Il n’en reste pas moins que les femmes ont du mal à s’engager. Lorsque l’on fait des listes pour les élections, on en trouve difficilement. Ce n’est pas par manque de volonté de notre part.

Certains secteurs sont très féminisés. Dans ce cas-là, on aura davantage de femmes. Mais on risque de ne pas avoir assez d’hommes.

Nous avons voulu la mixité des listes et nous demandons la mixité partout, y compris dans les instances représentatives du personnel. Mais ce n’est pas évident. Les jeunes arrivent en grand nombre sur le marché du travail. Leur premier souci est de construire leur famille et ces femmes ont du mal à trouver des crèches et des garderies pour leurs enfants. Résoudre ce problème de garde, qui est devenu récurrent, faciliterait leur engagement.

Mme Catherine Coutelle. Dans la deuxième loi Aubry sur les trente-cinq heures, un additif en bas de page demandait aux syndicats une négociation sur la conciliation entre la vie familiale et professionnelle. Comme les représentants syndicaux sont la plupart du temps des hommes, ils ne l’ont pas pris en compte.

Nous avons travaillé sur les services que les entreprises pouvaient mettre en place pour concilier vie familiale et vie professionnelle et nous avons constaté un véritable recul. Les salariés sont très mécontents des services qui leur sont offerts, une enquête publiée il y a une quinzaine de jours le montre.

On n’y arrivera jamais sans changer de discours ! Quand on est jeune et que l’on a des enfants, il n’est pas facile de les laisser le soir pour se rendre à des réunions. On observe les mêmes freins en politique que dans les syndicats – dont les représentations nationales sont majoritairement masculines.

Je reconnais malgré tout que les femmes préfèrent s’investir dans l’associatif, dans le bénévolat plutôt que dans le monde politique ou syndical. Ce n’est pas le genre d’engagement qui leur plaît naturellement. Il ne faut pas non plus attendre des hommes qui leur fassent une place. Les textes sont faits pour cela. Je me demande d’ailleurs si ce texte prévoit des sanctions…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Oui : l’irrecevabilité de la liste.

Mme Isabel Odoul-Asorey. Ce qui pose problème, c’est l’exigence d’une stricte égalité…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je suis très préoccupée par le travail que les syndicats font dans le domaine de l’égalité dans les entreprises. En 2002, la Délégation a travaillé sur l’application de la loi de 2001. J’ai été stupéfaite de constater que les syndicats ne s’en étaient pas emparés. D’autres textes ont été votés. Nous sommes en 2009 et je continue à constater que les choses avancent très peu.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Je participe à la Commission nationale des accords et des conventions collectives. On observe une augmentation des négociations d’accords « égalité », qui talonnent désormais les accords sur les salaires. Mais ces accords de branche sont vides : ils ne font que rappeler la loi. Il n’y a pas de véritable intention d’avancer. C’est pourquoi, je demande systématiquement que les accords « égalité » négociés nous soient envoyés pour en apprécier la teneur véritable.

En outre, lors de la négociation annuelle obligatoire, certains thèmes, dont celui de l’égalité, sont abordés. Mais les employeurs ne fournissent pas les éléments permettant de se rendre compte des difficultés en ce domaine, et les syndicats considèrent aujourd’hui que la négociation en matière d’égalité est un gadget.

Le rapport de situation comparée ne leur permet pas de s’en emparer, et on ne leur donne pas assez de moyens pour former les salariés. Dans le cadre de nos discussions, j’ai rencontré Brigitte Grésy, qui est chargée par le ministre de faire un rapport sur l’égalité salariale et professionnelle. Nous avions demandé des sanctions pénales et des sanctions financières, les sommes recueillies devant permettre de former à l’utilisation du rapport de situation comparée les élus chargés de la commission « égalité ».

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Il faut appliquer la loi de 2001, qui prévoit les rapports de situation comparée.

Mme Danielle Bousquet. Mais rien n’est obligatoire ! C’est uniquement si l’on veut bien. Et si l’on ne veut pas…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les lois de 2001 et de 2006 ont prévu une sanction de 3 700 euros, que personne n’a jamais mise en avant et des sanctions pénales. Ces sanctions ne sont pas spécifiques mais elles existent bien.

Mme Catherine Coutelle. Elles ne sont pas appliquées.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Dans le cadre d’une négociation sur l’égalité, considérant que nous ne disposions pas des outils permettant d’apprécier la situation comparée des hommes et les femmes (par sexe, par catégorie socio-professionnelle, etc.), nous avons saisi les tribunaux. Le juge ne nous a pas donné raison, estimant que les éléments que nous avait fournis l’employeur étaient suffisants.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ce que vous dites est très grave. Mais que vous avait donc fourni l’employeur ?

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Énormément de documents, ceux qu’il donne au conseil d’administration, mais qui ne permettent pas de faire des comparaisons.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. La loi de 2001 précise les éléments devant figurer dans le rapport de situation comparée : l’embauche, la formation, l’évolution de carrière, la vie professionnelle et familiale, etc. Le directeur des ressources humaines doit être capable d’indiquer la situation où se trouvent, à un moment donné, les gens qui sont arrivés au même moment, avec le même diplôme. Au bout d’un certain nombre d’années, on doit être capable d’établir s’il y a eu ou non discrimination.

Mme Catherine Coutelle. J’ai suivi une société de transports. Il n’y avait aucune femme, dans aucun comité d’entreprise. On finit par y embaucher des femmes chauffeurs de bus, bien que ces messieurs aient eu du mal à l’accepter. Dans cette société, le rapport de situation comparée permettait surtout de comparer l’absentéisme des femmes. Il faut dire que les congés maternité étaient pris en compte !

Il est vrai que les carrières des femmes ne se déroulant pas de façon linéaire (mi-temps, congé de maternité, éventuellement suivi d’un arrêt pendant deux ans). Ainsi, avec les mêmes qualifications de chauffeur de bus que leurs homologues masculins, quinze ans plus tard, les femmes n’en étaient pas au même point de leur carrière. En outre, même quand on dispose des documents, l’exercice est difficile.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Il faut d’abord obtenir les informations prévues pour faire une véritable analyse et construire le cahier de revendications sur l’égalité.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Vous ne les obtenez pas ?

Mme Marie-Cécile Medeuf Andrieux. Si on les obtient, ce ne sont pas forcément les bons éléments.

Je suis intervenue à maintes reprises auprès de Xavier Bertrand à propos des sanctions : il voulait en effet qu’il n’y ait plus de sanction pénale mais uniquement une sanction financière. Or on sait pertinemment que les entreprises paieront et s’en tiendront là. Nous sommes en train de faire de nouvelles propositions, M. le Ministre Brice Hortefeux ayant décidé de reprendre le dossier et la question des sanctions.

Nous serons très vigilants. Aujourd’hui, les organisations syndicales ont la possibilité de peser sur les employeurs afin d’obtenir les véritables documents, les analyser et mettre au point de véritables plans de rattrapage.

On peut trouver en ligne un guide de préparation du rapport de situation comparée. Ce guide est exploitable par les DRH, mais pas forcément par les organisations syndicales. Nous avons donc réclamé des moyens pour que les élus qui siègent dans les commissions « égalité » bénéficient d’une formation pour qu’ils puissent s’approprier les différents éléments de situation comparée, qui sont tout de même très complexes.

Mme Catherine Coutelle. Aujourd’hui, l’égalité, n’est pas forcément une priorité dans toutes les confédérations syndicales et les entreprises n’ont pas intérêt à faire émerger les inégalités salariales. Les directions du travail ne sont plus demandeuses, ni exigeantes sur ces sujets. Enfin, j’ai l’impression qu’en période de crise, on cherche plutôt à faire que les femmes s’en aillent des entreprises et retournent à la maison.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. La crise accentue le phénomène. Les rares entreprises qui embauchent aujourd’hui n’offrent que des emplois précaires, majoritairement aux femmes. Il s’agit souvent de femmes, chefs de familles monoparentales, qui ont besoin d’une indépendance financière, qui acceptent des situations impossibles et ne vont pas s’engager dans les entreprises. La tendance est aussi de faire partir les personnes dont les salaires sont les plus lourds pour l’entreprise au moyen de la rupture conventionnelle.

Mme Catherine Coutelle. J’ai vu le cas d’une mère d’un enfant handicapé de six ans, pour lequel on ne trouve pas de place. Quand il n’existe pas de solution de garde ou de transport, les femmes sont contraintes de renoncer – même à un emploi précaire.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Une catégorie de salariées se trouve dans une situation dramatique : celles qui travaillent dans la grande distribution, que nous rencontrons régulièrement.

Mme Catherine Coutelle. Elles ont des horaires très précaires, de 20 ou de 17 heures par semaine, et dispersés. Ces salariées ne peuvent pas s’organiser ni trouver un travail supplémentaire. Le samedi est désorganisé. Autant dire qu’elles ne travaillent pas ainsi de leur propre volonté.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Les salariés du secteur des services à la personne se trouvent également dans une situation très difficile. Il s’agit, là encore, majoritairement de femmes, qui travaillent pour plusieurs employeurs ou sur plusieurs secteurs et ont d’importants frais de déplacement, un seul de leurs trajets étant pris en charge.

Mme Catherine Coutelle. On peut parler de sous-prolétariat. Ces salariées ne touchent même pas le SMIC. Du point de vue du droit du travail, la situation est stupéfiante et toutes les ADMR (associations de service à domicile) sont en difficulté.

Mme Danielle Bousquet. Entre les mandataires et les prestataires, de gros problèmes ont surgi. Les remboursements ne sont pas à la hauteur de ce que cela coûte à l’organisme. Les conditions de travail sont épouvantables. Les gens sont mal payés. Pourtant, dans beaucoup d’endroits, c’est la seule possibilité offerte aux femmes. Et l’on ose nous dire que c’est un secteur porteur, parce qu’il crée des emplois !

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Certains secteurs de l’action sociale risquent d’être transférés à des prestataires extérieurs. Les salariés se retrouveront alors dans une situation encore plus précaire. On utilise la pauvreté des gens pour des raisons de profit, en toute immoralité, quitte à faire souffrir les personnes aidées.

Mme Odette Duriez. Je suis tout à fait d’accord, s’agissant des services à la personne. Mais il ne s’agit pas toujours d’associations privées. Je fais partie d’une association d’élus : on ne peut pas faire autrement pour équilibrer nos budgets, même si on se rend compte que les femmes sont exploitées, à n’importe quelle heure, avec des vacations à l’heure ou à la demi-heure. Le problème est réel.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Une convention collective sur les services à la personne est en cours de négociation. Des conflits ont surgi entre la FEHAP, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne et l’AFPAM, « Action et formation pour l’aide au maintien à domicile ». J’ai convoqué une réunion sur les services à la personne la semaine prochaine, pour vérifier l’avancée des négociations.

Le risque est que cette convention collective soit négociée à la baisse et que cela se répercute sur les autres conventions collectives, alors que les organisations syndicales étaient parvenues à limiter la casse et à faire en sorte que les salariés des différentes structures de l’action sociale bénéficient d’une couverture acceptable.

Mme Catherine Coutelle. Qui représente les salariés dans votre discussion de branche ?

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Toutes les organisations syndicales, même si les salariés concernés sont très peu syndiqués. Mais nous sommes très vigilants : ils ne gagnent que des broutilles, une fois enlevés les frais de déplacement.

Mme Catherine Coutelle. Toutes les structures sont fragiles. Les ADMR sont en difficulté. Si on leur facture les frais de déplacement, c’est fini pour elles.

Mme Danielle Bousquet. Le niveau de remboursement n’est pas suffisant.

Mme Odette Duriez.  Partout, les associations de services à la personne demandent des compléments aux conseils généraux pour équilibrer leur budget. Il y a quelque chose qui ne va pas. Le personnel est sous-payé.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. On peut s’attendre à des transferts de salariés. Les hôpitaux, par exemple, auront recours à ces structures pour dispenser des soins de suite aux malades.

Mme Danielle Bousquet. Cette tendance est apparue il y a déjà quelques années, lorsque l’on s’est aperçu du décalage entre le coût réel d’intervention d’une personne dans ce secteur et le niveau de remboursement. Dans la fonction publique territoriale, certaines communes font passer des pans entiers de leur activité de service public aux associations en les investissant de missions de service public. Cela se traduit par la précarisation du personnel salarié concerné et la fragilisation des personnes âgées.

Il y a cependant un plus pour les personnes âgées : dans la fonction publique territoriale, les employés ne travaillent pas le dimanche. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles un certain nombre de villes se tournent vers les associations. Les personnes âgées sont aussi âgées le dimanche et on ne pouvait pas leur assurer de portage de repas à domicile, ni d’infirmières, etc. Les associations offrent beaucoup plus de souplesse et répondent beaucoup mieux aux besoins. Cette raison objective a contribué à aggraver la situation des salariés concernés.

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. Ajoutez à cela les difficultés liées à la représentativité qui imposera, de fait, dans les entreprises une multitude de syndicats. Les employeurs pourront, notamment, créer leurs propres syndicats. Il deviendra difficile de constituer des listes. Cela se fait déjà sentir. La loi du 20 août 2008 sera à l’origine d’un important contentieux.

Depuis le mois de septembre, je parcours toute la France. Les salariés ne sont pas tous au fait de cette loi. Le temps d’informer tout le monde, les élections auront lieu. Comme au premier tour, on tient compte de la représentativité, si le seuil de 10 % n’est pas atteint, il n’y aura pas de représentants syndicaux dans l’entreprise. Alors qui négociera ?

Je connais une entreprise où les salariés ont l’habitude de ne se mobiliser qu’au deuxième tour. Au premier tour, de très nombreuses organisations syndicales sont venues, et ont présenté des listes. Aucune n’a obtenu 10 %, du fait de l’éparpillement des voix. Dans cette entreprise, il n’y a donc aucun délégué syndical. Il y a eu bien sûr un deuxième tour pour obtenir des élus. FO a obtenu la majorité des voix, mais ne pourra pas négocier puisque pour cela, il faut avoir obtenu 10 % des voix. C’est une « double peine » : 10 % des voix pour être représentatif en tant que syndicat, et 10 % des voix sur le nom du délégué syndical pour qu’il puisse être désigné et négocier.

Mme Danielle Bousquet. En multipliant les organisations fictives ou créées pour la circonstance, on éparpillerait les voix de telle sorte que personne ne soit capable de négocier. Peut-on imaginer qu’un patron fasse en sorte qu’il n’y ait pas de délégué syndical dans son entreprise ?

Mme Marie-Cécile Medeuf-Andrieux. On peut l’imaginer, de la part de certains employeurs qui ne veulent pas être embêtés, surtout dans les entreprises de moins de 100 salariés.

L’éparpillement des voix, en cas de multiplication des organisations syndicales empêche que se dégage une représentativité suffisante pour désigner un délégué. Dans ce cas, on ne négocie pas et c’est la décision unilatérale de l’employeur qui s’applique. Ce problème existe depuis la loi du 20 août 2008.

C’est une autre raison qui fait que je suis plus favorable à une répartition équilibrée qu’à une répartition strictement égale entre les hommes et les femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie.