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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 22 juin 2010

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 24

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente

– Audition de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe de la CFTC sur la réforme des retraites.

– Examen du rapport d’information de Mme Bérengère Poletti sur le projet de loi (n° 2520) interdisant la dissimulation du visage..

La séance est ouverte à 17 h 30.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’Audition de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe de la CFTC sur la réforme des retraites.

Mme Geneviève Lévy, présidente. Je suis heureuse d’accueillir Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe de la CFTC, en charge de la protection sociale, accompagnée de M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral.

Madame, nous avons souhaité vous entendre sur la réforme des retraites. Dans un premier temps, la question pourtant fondamentale des pensions des femmes n’a pas été abordée dans les discussions. Cette situation a évolué puisque le ministre a annoncé, d’une part, une meilleure prise en compte des périodes de congé de maternité et, d’autre part, des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas la loi les obligeant à élaborer un rapport de situation comparée (RSC). Ces mesures n’épuisent cependant pas le sujet : il reste d’autres points importants à traiter, tels que le temps partiel, en particulier les temps très partiels, ou encore la situation des jeunes veuves, en raison de la suppression de l’allocation veuvage malgré le rétablissement d’une condition d’âge pour bénéficier de la réversion. Sur tous ces points, nous aimerions connaître votre position.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe de la CFTC. Commençons par le plus facile : nous ne pouvons que nous féliciter qu’il soit prévu de tenir compte, pour le calcul de la retraite, des indemnités journalières de maternité. C’est la juste reconnaissance de périodes qui doivent bel et bien être considérées comme du temps de travail, à l’instar des périodes de service militaire pour les hommes.

Deuxième point : le rapport de situation comparée des hommes et des femmes. Nous savons bien qu’en ce domaine, les entreprises ne remplissent que très rarement leurs obligations. C’est donc une bonne chose de prévoir des sanctions, comme le fait l’article 13 de l’avant-projet de loi qui nous a été transmis. Le problème vient de ce que la sanction est liée au fait que l’entreprise n’a pas publié de rapport de situation comparée, et non pas à sa situation objective en matière d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes… Cela n’a pas de sens.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Actuellement, environ 60 % des entreprises n’établissent pas ce rapport.

Mme Pascale Crozon. Qui sera chargé de vérifier le respect de cette obligation ?

Mme Geneviève Levy. Il va nous falloir préparer des amendements sur cet article.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. En effet, il ne faut pas en rester aux bonnes intentions.

Mme Pascale Coton. Si les entreprises peuvent se contenter de publier des documents, voire de ne pas les publier et de payer le prélèvement de 1 %, l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes risque de ne pas beaucoup progresser...

Mme Catherine Coutelle. En plus, les entreprises concernées par ces dispositions sont seulement celles qui comptent plus de 300 salariés, soit une minorité.

Mme Pascale Coton. L’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes est pourtant probablement plus importante dans les TPE et les PME que dans les grandes entreprises, où les syndicats peuvent jouer un rôle.

Par ailleurs, il est précisé dans l’exposé des motifs que « la sanction, qui prendrait la forme d’un prélèvement de 1 % sur la masse salariale brute, serait affectée au Fonds de solidarité vieillesse. Pourquoi prévoit-on d’affecter ce prélèvement au financement des retraites. Pour notre part, nous avions proposé que, dans le cas où le rapport de situation comparée démontrerait au bout d’un ou deux ans la persistance de l’inégalité salariale, un prélèvement représentant 1 % de la masse salariale soit versé à un fonds destiné à la formation des femmes ou à l’entreprenariat au féminin : seules les femmes, donc, auraient eu un droit de tirage sur cette enveloppe nationale, en toute transparence. En effet, dès lors que le but du rapport de situation comparée est de faire en sorte que les femmes, à compétence égale, aient le même salaire que les hommes, il n’est pas juste de vouloir utiliser cet argent pour combler des déficits qui ne concernent pas seulement les femmes. Le signal qui est ainsi donné n’est pas bon.

Mme Catherine Coutelle. Nous avons d’ailleurs bien vu, dans le cas des partis politiques, que l’existence de sanctions financières ne faisait pas beaucoup avancer la parité. Mais de quels autres moyens d’action disposons-nous pour faire avancer l’égalité salariale dans les entreprises ?

Mme Pascale Coton. Pour les entreprises de 300 salariés et plus, le RSC est un bon outil ; mais une fois que ce document a été établi, il faut obliger les entreprises à tendre vers l’égalité, en leur donnant un délai d’un an ou deux. Il serait absurde qu’une entreprise puisse se contenter d’établir un RSC, pendant qu’une autre serait sanctionnée pour ne pas l’avoir établi, alors qu’elle réalise un travail de fond pour donner toute leur place aux femmes.

Par ailleurs, le ministre nous a dit, lors de notre dernière réunion, qu’avant la fin de l’année, ou au plus tard début 2011, le Président de la République prévoyait une nouvelle loi sur l’égalité hommes-femmes.

Mme Pascale Crozon. De fait, certaines des dispositions figurant à l’article 13 du texte proposé n’ont rien à faire dans un projet de loi portant réforme des retraites.

Mme Pascale Coton. La justification avancée par le Gouvernement est que l’inégalité entre les hommes et les femmes en matière de retraites résulte des inégalités dans le déroulement de carrière.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Selon le dernier alinéa de cet article , « l’employeur qui, au plus tard le 31 décembre 2011, n’a pas respecté les dispositions du précédent alinéa, communique à toute personne qui en fait la demande, les indicateurs et les objectifs mentionnés à l’alinéa précédent » – c’est-à-dire les indicateurs et objectifs relatifs à la situation comparée des femmes et des hommes. Mais quel effet cela peut-il avoir ?

Mme Pascale Coton. Voici ce qu’indique l’exposé des motifs : « L’entreprise qui souhaite maîtriser sa communication sur ce sujet organise elle-même, après consultation du comité d’entreprise, la publicité de ces données, par exemple en les publiant annuellement sur son site Internet, dans la presse ou sur un site spécialisé. A défaut de publicité organisée par l’entreprise, elle devra transmettre à toute personne qui en fera la demande (salarié, journaliste, association, etc.) les données précisées par décret. » Je suis bien d’accord avec vous : ce n’est pas cela qui fera évoluer la situation des femmes dans l’entreprise ...

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. On se demande en effet ce que ces dispositions font dans ce texte.

Mme Pascale Coton. Il faut souligner, en outre, que rien n’est prévu pour les entreprises de moins de 300 salariés.

J’en viens au temps partiel, sur lequel, en dépit des promesses qui nous avaient été faites, il n’y a rien dans ce projet de loi.

Nous avions proposé de prendre exemple sur des entreprises comme la SNECMA, qui cotisent pour l’assurance vieillesse, à 100 % pour tout salarié, même à temps partiel, en lui laissant le choix d’en faire autant ou non. Cela ne coûte rien à l’État et ne semble pas coûter des sommes démesurées aux entreprises. Nous n’avons donc pas compris pourquoi cette solution ne figurait pas dans ce texte. On va sans doute nous répondre que des négociations vont avoir lieu sur le temps partiel subi, mais il y a si longtemps qu’on nous les promet… Pour notre part, nous considérons que le temps partiel est le poison des femmes.

Mme Catherine Coutelle. Dans votre proposition, que se passe-t-il si la salariée à temps partiel décide de ne pas cotiser davantage ?

Mme Pascale Coton. Si l’employeur cotise pour elle à 100 %, sa retraite sera déjà améliorée ; mais si elle-même ne le fait pas aussi, l’amélioration sera moindre.

M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral de la CFTC. Ce dispositif existe dans les régimes complémentaires, du moins l’AGIRC et l’ARRCO. Il peut être mis en place dans une entreprise, soit après négociation entre les partenaires sociaux, soit, depuis quelques années, de manière volontaire.

M. Catherine Coutelle. Les femmes ne sont pas assez informées sur le sujet. Cela existe-t-il ailleurs qu’à l’AGIRC et l’ARRCO ?

M. Patrick Poizat. A ma connaissance, l’IRCANTEC n’applique pas ce système.

Vous avez par ailleurs soulevé le problème de la réversion, dans le contexte de disparition de l’assurance veuvage. Certaines organisations syndicales considèrent que les reports au compte dont bénéficient les femmes permettraient de supprimer la réversion : ce n’est pas l’avis de la CFTC. Certes il y eu une amélioration du niveau des pensions, mais elle est à la fois très faible et très mal répartie. Peut-être les choses auront-elles réellement évolué dans dix ou quinze ans… Pour le moment, il nous paraît indispensable de maintenir le système de la réversion ; j’espère que vous partagerez cette conviction.

Mme Pascale Coton. Je voudrais vous interpeller au sujet de la possibilité actuellement offerte dans la fonction publique aux parents d’au moins trois enfants de bénéficier d’une retraite à jouissance immédiate au bout de quinze ans de service actif. Ce dispositif – utilisé à 99 % par des femmes – ne concerne que 0,18 % des femmes fonctionnaires. Le ministre nous dit que parmi elles, nombreuses sont celles qui expriment des regrets et souhaiteraient pouvoir revenir sur leur choix. Pour ma part, je n’ai aucun moyen de le savoir. Ce que je sais en revanche, c’est que cette retraite constitue souvent un complément de salaire – en général entre 450 et 600 euros – pour des femmes qui prennent un autre emploi, aussi bien dans le privé que dans la fonction publique. Le ministre avait ajouté que si la famille devenait monoparentale, cette situation de retraitée pouvait être un handicap ; or ce n’est pas le cas si la retraite est un complément de salaire.

Nous n’avons donc pas bien compris la décision de supprimer ce dispositif au 1er janvier 2012. Pour les femmes, ce geste est brutal. À supposer que l’on arrive à prouver que ce dispositif pèse trop lourd sur les comptes de la branche vieillesse, pourquoi ne pas étaler la mesure dans le temps ?

L’autre sujet sur lequel je veux appeler votre attention est celui de la période comprise entre 65 et 67 ans. Aujourd’hui, une femme qui peut prendre sa retraite à 60 ans peut choisir de faire encore des efforts pendant cinq ans pour obtenir 50 ou 100 euros de plus à 65 ans. Désormais, elle devra faire des efforts jusqu’à 67 ans ! C’est vraiment une injustice pour les femmes puisque, selon le ministre, elles représentent 60 % des salariés qui prennent leur retraite à 65 ans.

La CFTC, pour sa part, est favorable à un système de retraite à la carte, dans lequel le salarié, homme ou femme, prend sa retraite au moment où il le décide entre 60 et 65 ans. En reportant l’âge du droit à la retraite, on déplace le curseur pour tout le monde, y compris pour bénéficier de la surcote ; or c’est souvent parce qu’ils ont à la maison un jeune qui fait des études ou qui n’a pas de travail que les salariés travaillent encore deux ans de plus. Il serait vraiment nécessaire d’amender le projet sur ce point. On ne peut pas viser spécifiquement les femmes car ce serait contraire aux principes européens de non-discrimination, mais cela n’empêche pas, en défendant des amendements, d’insister sur le fait que les femmes sont les premières concernées.

Mme Catherine Coutelle. Un article de ce matin faisait état d’une augmentation de l’âge moyen de la paternité : les hommes d’un certain âge qui fondent une deuxième famille vont vouloir eux aussi partir plus tard à la retraite pour pouvoir faire face aux dépenses d’éducation de leurs enfants…

Il faut également se préoccuper des conséquences des divorces – qui posent des problèmes de réversion ou de partage des droits acquis. Y avez-vous réfléchi ?

Mme Pascale Coton. Dans le cadre d’un des groupes de travail sur les solidarités, il nous avait été dit que, dans la mesure où c’est souvent la femme qui est chargée de l’éducation des enfants en cas de séparation, il était envisagé de donner davantage de trimestres à la femme qu’à l’homme – en quelque sorte, une MDA (majoration des durées d’assurance) à l’envers. Je ne m’étends pas sur le sujet mais la CFTC, notamment dans ses communiqués de presse, a été assez dure dans ses prises de position face au ministère du travail : nous considérons qu’on ne peut pas, au risque d’oublier les enfants, négocier le partage des trimestres entre le réfrigérateur et la gazinière…

De façon plus globale, le dossier des retraites peut se résumer ainsi : il n’y a pas d’argent et il faut en trouver. Nous avons interrogé par mail nos adhérents à ce sujet : 71 % nous ont répondu qu’ils étaient prêts à accepter une augmentation de la CSG de 1 % si on leur prouvait que l’argent irait vraiment à la branche vieillesse, et à la condition que tout le monde cotise – c’est-à-dire que l’on fasse contribuer aussi bien les bénéficiaires de stock options ou de retraites chapeau que les entreprises qui ne réinvestissent pas leurs bénéfices au profit de l’emploi.

Au lieu d’une solution financière de ce type, le Gouvernement veut imposer à tout le monde de travailler deux ans de plus, quelles que soient les conséquences. Mais soyez sûrs qu’il y aura beaucoup de monde dans la rue le 24 juin ! Les distributeurs de vuvuzelas, en région parisienne, sont en rupture de stocks ! Et sans signe positif de la part du Gouvernement, en septembre ce sera pire ! Vous pensez bien que les 600 000 jeunes qui vont arriver sur le marché de l’emploi au mois de juin ne vont pas avoir envie d’attendre encore, au motif que leurs parents doivent rester deux années de plus au travail – ou au chômage, d’ailleurs, puisque 38 % seulement des seniors ont un emploi…

Et dans ce projet de loi, il n’y a rien pour les jeunes.

Mme Catherine Coutelle. Et pour les seniors ?

Mme Pascale Coton. On nous parle du tutorat, qui permettrait d’intégrer les jeunes, mais il n’y a rien de concret dans le projet de loi. La semaine dernière, lors d’une émission, j’avais en face de moi des représentants de la CGPME et du MEDEF : devant tous les téléspectateurs, ils n’ont pas hésité à dire que les deux tranches d’âge qui les gênaient dans les entreprises étaient les moins de 30 ans – parce qu’ils ne ils ne sont pas encore très efficaces – et les plus de 55 ans – parce qu’ils coûtent trop cher… On peut toujours inventer des dispositifs sur le papier, mais tant que l’on ne sanctionnera pas les entreprises qui écartent les compétences des seniors et qui refusent d’intégrer celles des jeunes, on n’avancera pas !

Mme Catherine Coutelle. Pourquoi la situation est-elle différente chez nos voisins – qui embauchent davantage les jeunes et gardent les seniors ? Certains ont fait des efforts considérables : la Finlande, par exemple, a augmenté de 10 % l’emploi des seniors. Pourquoi les entreprises françaises seraient-elles inaptes aussi à intégrer les jeunes au travail ?

Il ne faut pas demander au système de formation de fournir des personnes directement opérationnelles. Son rôle est de former des gens qui sont ensuite capables de s’adapter à des métiers différents ; c’est aux entreprises qu’il revient de prendre en charge la formation pratique et technique. Elles n’ont pas à se décharger de cette responsabilité sur la société.

Mme Pascale Coton. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Beaucoup de responsables n’ont pas encore compris qu’une vraie GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) est la sauvegarde de leur entreprise – et non une punition ! Les entreprises n’en font pas, ou en font à contrecœur. Voyez ce qui s’est passé avec les accords seniors : les entreprises avaient le choix entre en signer et passer des accords de bonnes pratiques. Elles ont pratiquement toutes choisi la deuxième solution !

En agissant comme cela, les entreprises perdent tout ce qui relève de l’humain. Il faut s’attendre à ce qu’un jour, les jeunes ne puissent plus supporter ce manque de reconnaissance – d’autant qu’on ne sait pas s’ils auront droit, eux, à une seconde vie au moment de la retraite. Les organisations syndicales constituent une soupape de sécurité, mais tant qu’elles seront considérées comme des fauteurs de troubles, les choses ne risquent pas de s’arranger…

Mme Catherine Coutelle. Il est en effet malheureux de ne pas comprendre que dans une entreprise, on a besoin d’interlocuteurs !

Mme Pascale Coton. Nous sommes réalistes, déçus et en colère. L’année dernière, quand le débat sur les retraites a été lancé, nous avons vraiment beaucoup travaillé. Nous avons commencé au mois de juillet dans le cadre d’un groupe de travail technique et d’un groupe de travail politique. Nous avons pris le temps de nous organiser, de participer à des intersyndicales et de présenter notre projet à d’autres organisations, de le faire valider par le conseil confédéral et par le bureau confédéral. Chaque groupe de travail a formulé en moyenne une quarantaine ou une cinquantaine de propositions CFTC. Nous y avons cru … et pour finir nous nous sommes heurtés à un mur ! Pourquoi a-t-on décidé le report d’âge ? Pourquoi ne veut-on pas discuter du financement ? On ne nous a rien expliqué, et nous ne comprenons pas. Pour nous, le texte du Gouvernement manque vraiment de sens. Mais nous ne renonçons pas à tenter d’obtenir l’adoption d’amendements…

La dernière fois que nous avons vu le ministre, nous lui avons officiellement remis un carton rouge – sans la presse – pour lui faire comprendre la gravité de la situation et lui montrer que le dialogue social ne pouvait pas se passer de cette façon. Tant qu’on nous oppose une fin de non-recevoir sur les principaux sujets, on ne peut pas négocier sur la pénibilité, les seniors, les jeunes ou les femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. On me dit souvent que les Français ont compris le principe de la réforme…

Mme Pascale Coton. Ils n’ont pas admis, en premier lieu, le procédé. Et samedi et dimanche à Grenoble, où j’étais aux « Journées du Renouveau », organisées par Libération et le Nouvel Observateur, je peux vous dire que, lorsque je suis intervenue sur les retraites, j’ai senti les inquiétudes monter dans la salle !

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Merci pour ce nouvel échange.

Puis elle a procédé à l’examen du rapport d’information de Mme Bérengère Poletti sur le projet de loi interdisant la dissimulation du visage.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Même s’il y a peu de femmes intégralement voilées dans le département des Ardennes, je me sens particulièrement concernée par ce problème car à plusieurs reprises, en tant que sage-femme, j’ai été témoin des difficultés rencontrées par certaines femmes pour accéder aux soins ou simplement mener une vie normale. Au cours de mes voyages, en Égypte ou en Syrie, par exemple, j’ai pu constater la progression du voile intégral et ses conséquences pour l’autonomie des femmes.

Lorsque André Gerin, en juin dernier, a demandé la constitution d’une commission d’enquête sur ce sujet, je m’y suis tout de suite associée, même si cette initiative émanait d’un autre groupe politique car il s’agit d’un sujet qui nous concerne tous. La mission d’information qui a travaillé tout au long de l’année 2009, a permis de dresser un état des lieux de la situation et à l’issue de ces travaux, je suis convaincue que la République Française doit se mobiliser pour mettre un terme à ces comportements.

La Délégation aux droits des femmes a souhaité être saisie du projet de loi sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public.

Ce rapport de la Délégation aux droits des femmes a pour objectif de présenter les conséquences de la dissimulation du visage dans l’espace public pour le droit des femmes et d’en analyser les conséquences qui remettent en cause leur autonomie et leur libre arbitre.

Un long travail a déjà été mené par la mission parlementaire présidée par André Gerin et dont le rapporteur a été Éric Raoult. Nous avons auditionné de multiples spécialistes de l’Islam, des représentants d’associations qui oeuvrent pour les droits des femmes et des associations d’élus locaux. Toutes les personnes entendues ont condamné cette pratique et un consensus s’est dégagé pour dire qu’il est indispensable de mettre un point d’arrêt à une pratique qui remet en cause nos valeurs républicaines.

Il ne faut pas oublier qu’il s’agit là de la partie émergée de l’iceberg. De multiples tentatives sont lancées pour remettre en cause la neutralité de l’espace public. Des mouvements sectaires essaient ainsi d’affaiblir la laïcité et portent atteinte au principe d’égalité entre hommes et femmes. Ces comportements posent des problèmes pratiques comme par exemple l’accès aux soins ou aux services publics.

L’obligation de dissimuler son visage dans l’espace public remet en cause la mixité dans la cité. Je voudrais rappeler que la question de la permission ou non de la mixité entre hommes et femmes en Islam est loin de faire l’unanimité entre les savants et juristes musulmans. Les profondes divergences qui existent à ce sujet résultent, principalement de l’interprétation différente qui est faite des textes de références.

Ainsi, certains accordent priorité aux textes qui font allusion au fait qu’à l’époque du Prophète les femmes prenaient part à l’activité sociale ainsi qu’à la vie religieuse de la Cité : elles allaient prier à la mosquée où il n’y avait pas de séparation entre les rangées d’hommes et de femmes, et assistaient aux discours du Prophète. Pour ce qui est des versets qui imposent une dissimulation totale du corps et de la personne ou une séparation par rideau entre les femmes et les hommes, ils considèrent que cela ne s’applique qu’aux épouses du Prophète. Lorsque la mission d’information a auditionné une femme entièrement voilée, celle-ci a insisté sur son désir de suivre le mode de vie des épouses du Prophète.

D’autres affirment au contraire que la mixité entre hommes et femmes, même en public, n’est permise que dans les cas de besoin et de nécessité : le Prophète a clairement exprimé dans les Hadith l’interdiction pour un homme de s’isoler avec une femme étrangère et il a ordonné aux hommes et aux femmes de ne pas se mêler lorsqu’ils circulent dans la rue.

Tolérer que des femmes circulent dans l’espace public le visage masqué, serait accepter une remise en cause intolérable de nos valeurs démocratiques et républicaines. Le voile intégral porte atteinte de manière évidente à la liberté des femmes, et il concerne aussi les hommes, en leur imposant une vie sociale sans mixité.

Ces femmes perdant ainsi toute identité et spécificité personnelles sont finalement réduites à l’état d’objet, alors que rien ne saurait justifier ce déni de droit dans l’espace public et de refus de la citoyenneté.

Il faut, en outre, être clair sur le fait que ces femmes soient, ou non volontaires, pour dissimuler leur visage ne constitue pas le cœur du problème. Cette pratique marque, en effet, en elle-même, l’infériorisation de la femme et remet en cause les règles du vivre-ensemble. En outre, elle est en réalité la manifestation la plus visible d’un mouvement plus profond qui souhaite annexer l’espace public pour défendre des valeurs patriarcales et prétendument religieuses. Il s’agit au bout du compte de remettre en cause l’égalité des hommes et des femmes et la neutralité de la République. Cette pratique dénie aux femmes toute liberté car elle leur rend impossible l’accès au travail, mais aussi, d’autres aspects de la vie sociale tels qu’une pratique sportive, l’égal accès aux soins et à la contraception. André Gerin a témoigné à plusieurs reprises de sa prise de conscience en voyant progressivement le phénomène s’amplifier, au point de toucher aussi des mineures contraintes de porter le voile intégral.

Plus d’une année s’est écoulée depuis la création par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale de cette mission. Depuis, un vaste débat républicain s’est engagé qui s’est conclu, sur le plan des principes, par le vote, à l’unanimité, d’une résolution le 11 mai dernier. Le projet de loi qui a été déposé par le Gouvernement constitue donc la dernière étape de ces travaux.

Ceux-ci ont mis en évidence un certain nombre de points. La quantification est évidemment extrêmement délicate même si l’étude menée par le ministère de l’Intérieur à la fin de l’année 2009 a permis de montrer la forte croissance de cette pratique : alors que le port du voile intégral était inexistant en France au début des années 2000, il y aurait actuellement en France 1 900 femmes portant le voile intégral. Je ne sais pas très bien selon quelle méthode statistique cette évaluation a été faite surtout que les premières estimations donnaient un chiffre beaucoup plus faible.

Si le port du voile intégral touche l’ensemble des régions de métropole, il se concentre dans quelques régions : l’Île-de-France, qui regroupe la moitié des cas recensés en France, Rhône-Alpes (160 cas) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (une centaine de cas). Par ailleurs, sur les 1 900 femmes portant le voile intégral, 270 vivent à la Réunion et 20 à Mayotte.

L’étude a, par ailleurs, permis de dresser un portrait sociologique des personnes qui portent le voile intégral. Ce sont en très grande majorité des femmes jeunes, dans la mesure où la moitié d’entre elles a moins de 30 ans et 90 % a moins de 40 ans. 1 % d’entre elles sont des mineures, certaines ayant moins de 10 ans. Elles sont pour les deux tiers d’entre elles de nationalité française. Enfin, un quart des femmes intégralement voilées seraient nées dans une famille de culture, de tradition, ou de religion non musulmane et se seraient, par la suite, converties à l’islam. D’après tous les témoignages, les femmes converties sont les plus déterminées et adoptent des comportements extrémistes.

Au travers des divers apports au débat, dont la presse s’est largement fait l’écho, s’est progressivement ancrée l’idée selon laquelle la dissimulation permanente du visage dans l’espace public constituait l’antithèse des valeurs républicaines et qu’il était nécessaire d’empêcher ces pratiques, voire de les interdire le plus généralement possible.

Un consensus existe pour recourir à la loi dans le but d’endiguer ce phénomène. Il est en effet apparu lors des travaux de la mission d’information que la loi était l’outil normatif adapté pour interdire la dissimulation du visage, que cette interdiction soit générale ou limitée à certains lieux, l’article 34 de la Constitution attribuant compétence au législateur pour fixer les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

Des divergences sont cependant apparues sur la marge d’appréciation dont disposait le législateur pour interdire cette pratique, fondant, pour les uns, la possibilité d’une interdiction dans l’ensemble de l’espace public et, pour les autres, la nécessité de la limiter aux services publics et à d’autres lieux en fonction des risques d’atteinte à l’ordre public. Le présent projet de loi a pris parti pour la première option et je soutiens cette option. Lorsque des principes constitutionnels sont en jeu, on ne comprendrait pas un excès de prudence c’est pourquoi il faut une interdiction générale dans l’espace public. De plus, Il sera plus facile de faire respecter une interdiction générale.

Je voudrais dire enfin quelques mots pour présenter le projet de loi. Pour une analyse juridique plus précise je vous renvoie au rapport de M. Jean-Paul Garraud qui est le rapporteur pour ce projet de loi au nom de la commission des Lois.

Une interdiction générale de dissimuler son visage dans l’espace public ne peut reposer que sur un fondement juridique unique : la notion d’ordre public. En effet, le rapport de la mission d’information, l’étude du Conseil d’État et les constitutionnalistes ont pointé les risques qu’il y aurait à tenter de trouver un autre fondement à cette interdiction. Ni le principe de laïcité, ni celui d’égalité entre les sexes ni celui de protection de la dignité de la personne humaine ne peuvent, en l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) servir de base solide à une interdiction générale. En particulier, la violation de la dignité de ces femmes paraissait être le fondement le plus approprié pour justifier l’interdiction mais ce principe ne serait pas opérationnel notamment auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui considère que cette notion est beaucoup trop subjective.

L’ordre public est d’abord et avant tout matériel. L’ordre public a également une dimension immatérielle qui peut être analysée, comme « un socle minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles de la vie en société, qui […] sont à ce point fondamentales qu’elles conditionnent l’exercice des autres libertés, et qu’elles imposent d’écarter, si nécessaire, les effets de certains actes guidés par la volonté individuelle ».

Ces exigences fondamentales du contrat social implicites et permanentes, pourraient impliquer, dans notre République, que, dès lors que l’individu est dans un lieu public au sens large, c’est-à-dire dans lequel il est susceptible de croiser autrui de manière fortuite, il ne peut ni renier son appartenance à la société, ni se la voir déniée, en dissimulant son visage au regard d’autrui au point d’empêcher toute reconnaissance.

Le fait de dissimuler son visage est donc vécu, à l’instar de l’exhibition sexuelle, comme « manifestant une certaine violence symbolique », pour reprendre les termes du philosophe Abdenour Bidar.

L’article 1er du projet de loi énonce donc l’interdiction de principe de porter, dans l’espace public, « une tenue destinée à dissimuler son visage ». Sa violation serait passible d’une contravention de deuxième classe, conformément à l’article 3.

L’expression de « dissimulation du visage » présente l’avantage de ne viser expressément aucune pratique ou coutume religieuse et de ne pas focaliser la définition de l’infraction sur les femmes contrevenantes, ce qui risquerait de constituer une rupture du principe d’égalité.

L’étude d’impact précise que les lieux ouverts au public doivent être compris comme des lieux qui accueillent du public et qui recouvre les lieux « dont plusieurs personnes, étrangères les unes aux autres, ne peuvent revendiquer l’exclusivité de la fréquentation.

Le projet de loi prévoit des exceptions à l’interdiction de dissimuler son visage qui ne fondent la possibilité de se dissimuler le visage uniquement avec une tenue adaptée à la teneur de l’exception.

L’exemple le plus connu est certainement celui du port du casque par les conducteurs et les passagers de deux roues, qui est imposé par l’article R. 431-1 du code de la route

Dans certaines circonstances, la dissimulation du visage se justifie par la volonté de préserver l’anonymat de la personne comme par exemple pour les témoins dans certains procès pénaux.

La troisième catégorie d’exceptions regroupe les motifs d’ordre médical et professionnel.

De nombreuses tenues dissimulant le visage sont justifiées par des motifs professionnels. Certaines d’entre elles le sont en vertu d’une loi ou d’un règlement et rentrent également, de ce fait, dans le cadre de la première exception. C’est le cas notamment pour les travaux de soudage, de rivetage et de sablage de désamiantage ou encore pour les personnels médicaux.

En dernier lieu, il est nécessaire de ménager l’hypothèse des fêtes et manifestations artistiques et traditionnelles. Le cas des manifestations artistiques est également à considérer, dans la mesure où des acteurs de cinéma, de cirque ou de théâtre, dont le masque est l’un des emblèmes, peuvent avoir besoin de dissimuler leur visage.

La sanction de cette interdiction doit être suffisamment persuasive.

L’article 3 fait de la violation de l’interdiction une contravention de deuxième classe, punie d’une amende d’un montant maximal de 150 euros, à laquelle peut s’ajouter, ou se substituer, l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté.

La sanction retenue satisfait donc une double condition : elle est adaptée à la nature de l’infraction et elle est applicable, garantissant l’effectivité de l’interdiction.

La sanction proposée comporte, d’une part, un aspect répressif, à travers le paiement d’une amende, qui est dissuasif sans être disproportionné et, d’autre part, un versant pédagogique, avec l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté dont le contenu devra être précisé.

L’amende pourra être accompagnée ou être remplacée par l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Ce stage a pour objet de « rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société ».

Ce stage est généralement réalisé par des associations agréées par le ministère de la Justice, sous le contrôle du Procureur de la République ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Son coût peut être mis à la charge du condamné et ne doit pas, en toute hypothèse, excéder 450 euros. Il ne peut pas être prononcé contre un prévenu qui le refuse.

Je tiens à souligner mon attachement à ce dispositif qui pourra dans certains cas constituer la seule sanction. Il est en effet primordial que les personnes contrevenantes aient l’opportunité de réfléchir au sens de leur comportement et puissent apprécier la portée des principes républicains de laïcité et d’égalité hommes femmes. Il faut cependant garder à l’esprit que de nombreuses femmes risquent de refuser de tels stages et qu’il ne sera pas facile de les faire réfléchir à leurs motivations profondes.

Pour lutter contre les pressions exercées sur ces femmes obligées de dissimuler leur visage, l’article 4 du projet de loi crée un délit d’instigation à la dissimulation du visage, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Cette disposition traduit, en droit, le cinquième point de la résolution sur l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte, qui préconise que « tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour assurer la protection effective des femmes qui subissent des violences ou des pressions, et notamment sont contraintes de porter un voile intégral ».

Pour cela, il est nécessaire de créer un délit spécifique. En effet, les personnes dissimulant leur visage peuvent ne pas être sanctionnées, sur le fondement de l’article 3 du projet de loi, si elles apportent la preuve qu’elles dissimulent leur visage dans l’espace public, sous l’empire de la contrainte et dès lors ne sont pas pénalement responsables.

L’article 5 du projet de loi repousse l’entrée en vigueur des articles 1er à 3 à six mois après la publication de la loi. En revanche, il est prévu que les autres articles du projet de loi, et notamment l’article 4 portant sur l’instigation à dissimuler son visage, soient d’application immédiate.

Cette entrée en vigueur différée a pour but d’ouvrir une phase de concertation et de médiation avec les personnes qui dissimulent leur visage dans l’espace public. Cette période devrait permettre à tous les acteurs impliqués dans cette problématique de mettre en œuvre les actions nécessaires pour expliquer les termes de la résolution parlementaire et de la loi et pour faire régresser cette pratique avant même l’entrée en vigueur de la loi.

Ce projet de loi parvient à un équilibre entre volonté de sanctionner clairement une pratique contraire aux valeurs républicaines et l’incitation à la médiation qui permettra aux personnes contrevenantes à réfléchir aux motivations profondes de leur comportement.

M. Jean-Luc Perat. Même si je vois rarement dans ma région des femmes intégralement voilées, ce phénomène m’interpelle. A-t-on idée de l’origine de ces femmes, portent-elles le voile intégral à leur arrivée en France ? A-t-on évalué le nombre de personnes qui se dissimulent le visage pour des fins non avouables ou des comportements délictueux ?

Mme Bérengère Poletti. Les services de police ont évalué à 2 000 le nombre de femmes qui portent le voile intégral mais sans que l’on connaisse précisément la méthodologie employée pour arriver à ce chiffre. Il ne s’agit pas d’une pratique importée de l’étranger et 25 % de ces femmes sont d’origine européenne et se sont converties. Ce comportement est prôné par un courant radical de l’Islam qui s’appelle le courant Salafiste. Il faut être conscient que cette pratique n’est qu’un élément visible des pressions exercées sur les femmes comme, par exemple, des interdictions de sortir ou de recourir librement à la contraception. La République Française doit réagir et elle en a les moyens.

Que dire des pressions exercées sur les jeunes filles contraintes de cacher leur féminité en portant des vêtements amples ou contraintes d’observer certains interdits. Comment peut-on prôner l’égalité des salaires et la parité et en même temps tolérer la pratique du voile intégral ? C’est un ensemble d’éléments qui sont inadmissibles.

Mme Catherine Coutelle. Cette pratique du voile intégral est une question très délicate mais je m’interroge sur les possibilités concrètes d’interdire ces comportements. Si ce phénomène résulte de l’influence d’un mouvement sectaire, pourquoi ne pas l’interdire au titre de la législation anti-sectes ? Est-il vraiment nécessaire d’adopter une nouvelle loi alors qu’il est possible de demander à ces femmes de s’identifier lorsqu’elles accèdent aux services publics ? Si ces sectes testent la République et la démocratie, il faut évidemment y apporter une réponse et la loi est un moyen de le faire. En outre, les femmes attendent un signe de soutien de notre part.

Mme Bérengère Poletti. Je comprends très bien vos interrogations et il s’agit là d’une question difficile. Il faut avoir conscience que ces pratiques cherchent effectivement à tester la solidité de nos valeurs républicaines. Si nous ne réagissons pas, il y aura de plus en plus de provocations et d’atteintes à la neutralité de l’espace public. L’autre jour par exemple, j’ai été témoin d’un comportement intolérable : un groupe de jeunes gens a refusé de montrer son titre de transport à un contrôleur de la SNCF, au motif que c’était une femme. Nous devons éviter toute mauvaise conscience devant l’argument selon lequel il ne faut pas interdire le voile intégral car cela aurait pour conséquence de contraindre les femmes à ne plus sortir de chez elles. Je ne le crois pas car elles devront nécessairement sortir, ne serait-ce que pour aller chercher les enfants à l’école. L’interdiction par la loi fera évaluer les mentalités comme ce fut le cas lors de l’interdiction du voile dans les établissements scolaires.

M. Jean-Luc Perat. Peu de personnes se sont servies du voile intégral pour réaliser des actes délictueux. Je comprends bien que ces comportements représentent une provocation contre la République mais il ne faudrait pas que les femmes soient à nouveau la victime des hommes : ce sont des hommes qui sont à l’origine de ces pratiques et qui contraignent les femmes.

Mme Bérengère Poletti. Il ne faut pas oublier que le seul argument juridique valable pour justifier l’interdiction générale est celui de la sécurité. Le recours au voile intégral rend inutile les caméras de surveillance installées dans nos villes pour veiller à notre sécurité. Concernant les contraintes exercées sur les femmes il ne faut pas majorer ce phénomène. Certaines femmes décident de porter le voile intégral et certaines ont des comportements totalement intégristes, beaucoup plus radicaux que les hommes.

Les services publics doivent prendre leurs responsabilités alors qu’actuellement certains accommodements recommandés par l’Éducation nationale sont tout à fait inacceptables. On conseille par exemple, aux femmes entièrement voilées de broder leur nom sur leurs vêtements pour être identifiées lorsqu’elles viennent chercher leur enfant à l’école.

La Délégation a adopté le rapport présenté par Mme Bérengère Poletti et les recommandations suivantes :

La Délégation aux droits des femmes recommande de se prononcer en faveur de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public qui permettra de sanctionner des pratiques que l’on ne saurait tolérer tout en prévoyant des actions de sensibilisation pour les faire évoluer.

Elle considère qu’il est indispensable que ce projet s’accompagne également de la mise en place dans les établissements scolaires, de façon planifiée et organisée, d’actions d’éducation à la mixité, à l’égalité entre les filles et les garçons et au respect mutuel.

La séance est levée à 19 h 30.

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