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Mercredi 16 septembre 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Christian Jacob
Président

– Présentation par M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, d’un amendement au projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (n°1788) (M. Yanick Paternotte, rapporteur).

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires (n° 1788) (M. Yanick Paternotte, rapporteur).

M. le président Christian Jacob. Le Gouvernement ayant l’intention de défendre lundi prochain, en séance publique, un amendement au projet de loi dit « ARAF » – Autorité de régulation des activités ferroviaires – qui vise à conformer notre droit à celui de l’Union européenne s’agissant des conditions de transport des voyageurs par rail en Ile-de-France, je vous remercie particulièrement, Monsieur le secrétaire d’État, d’avoir accepté de venir le présenter en commission. Je suis d’autant plus sensible à votre démarche que, si elle correspond à l’esprit de la réforme constitutionnelle, rien néanmoins ne vous y obligeait. C’est, semble-t-il, une « première ».

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Je vous remercie.

C’est parce que cet amendement gouvernemental introduit un nouvel élément important dans le texte – qui a déjà fait l’objet d’un travail remarquable accompli notamment par votre rapporteur, M. Yanick Paternotte – que j’ai demandé à rencontrer votre président, M. Christian Jacob, mais également le président Patrick Ollier, qui est aussi membre du conseil d’administration de la SNCF. De plus, j’ai eu hier une réunion avec M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat ainsi que M. le sénateur Francis Grignon, rapporteur, au cours de laquelle je leur ai fait part de mes regrets de ne pas avoir pu le présenter en séance publique à la Haute Assemblée. L’un et l’autre ont bien compris l’urgence dans laquelle nous nous trouvons. Il aurait certes été possible de rédiger un projet de loi spécifique – mais l’ordre du jour parlementaire est déjà assez chargé –, une ordonnance – mais tel n’est pas l’esprit de la réforme constitutionnelle – ou de le rajouter au Grenelle II – mais cela aurait allongé les délais d’examen par l'Assemblée nationale, car la discussion de ce texte au Sénat ne fait que commencer. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé de proposer cette disposition sous la forme d’un amendement à la loi « ARAF ».

De quoi s’agit-il ?

Le règlement européen n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 dit « OSP » relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route entrera en vigueur le 3 décembre prochain. Il pose trois principes essentiels : lorsqu’une autorité organisatrice de transport, locale ou nationale, décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif ou une compensation financière en contrepartie d’une obligation de service public, elle doit le faire dans le cadre d’un contrat de service public ; l’attribution de ce contrat doit se faire par la voie d’une mise en concurrence ouverte à tous les opérateurs européens, équitable et conforme aux principes de transparence et de non discrimination ; enfin, les contrats de service public doivent avoir une limitation de durée. En province, cet amendement ne modifiera pas la situation des Autorités organisatrices de transport (AOT), car la loi d’orientation sur les transports intérieurs (LOTI) de 1982 fait déjà état de ces principes. En revanche, des adaptations législatives et règlementaires sont nécessaires en Ile-de-France : les transports publics y sont organisés par une ordonnance du 7 janvier 1959 qui donne à la RATP des droits exclusifs et sans limitation de durée, et n’impose aucune obligation de mise en concurrence préalable au syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) s’agissant du choix d’exploitants de service de transports publics de voyageurs. Je rappelle que, depuis les lois de décentralisation « Raffarin », le STIF ne dépend plus de l’État – il n’est donc plus présidé par le préfet de Région – mais de la Région Ile-de-France.

Nous devons donc examiner les conditions dans lesquelles le STIF pourra désormais attribuer des contrats de service public et la manière dont seront fixées les échéances des droits actuels de la RATP s’agissant du RER, du métro, du tramway et du bus, ainsi que les nouvelles modalités des relations entre le STIF et la RATP. Je précise également que nous avons bien entendu présenté cet amendement à M. le président Huchon et à M. le Maire de Paris.

Le STIF sera chargé de fixer les relations à desservir, de désigner les exploitants, de définir les modalités techniques d’exécution et d’arrêter les tarifs. Ce texte conforte sa position d’autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, sans préjudice des compétences reconnues par ailleurs à Réseau ferré de France (RFF) et à la RATP. Le paragraphe 3 de l’amendement, en renvoyant à la LOTI, précise les conditions dans lesquelles les services de transports seront attribués – exploitation directe par une régie ou convention prenant la forme soit d’un marché de service soumis au code des marchés publics, soit d’une délégation de service public. Il s’agit par conséquent d’aligner le régime des transports franciliens sur celui de l’ensemble du pays.

Qu’advient-il des droits exclusifs actuels ? Le règlement « OSP » autorise la poursuite des contrats en cours au 3 décembre prochain mais il encadre la durée des droits, lesquels ne peuvent se poursuivre au-delà d’une période de trente ans. Les échéances sont de trois types : trente ans pour les lignes de métro existantes et leurs prolongements – outre que les investissements de la RATP sont en l’occurrence très importants, nous tenons en effet à maintenir un réseau intégré – ainsi que pour le RER A et la ligne sud du RER B, exploités par la RATP ; vingt ans pour les lignes de tramway ; quinze ans pour les lignes de bus. Si des contrats sont résiliés avant 2024 – je pense, notamment, aux contrats du STIF avec d’autres opérateurs que la RATP –, la loi s’appliquera bien entendu avec souplesse.

S’agissant de la maîtrise d’ouvrage des infrastructures ou de l’aménagement du réseau existant, l’amendement conserve au STIF la mission de veiller à la cohérence des programmes d’investissement. Dans la limite des compétences dévolues par ailleurs à RFF sur le réseau ferré classique, le STIF conserve la faculté d’assurer la maîtrise d’ouvrage ou de désigner les maîtres d’ouvrage des projets d’infrastructures nouvelles. S’agissant de l’extension des lignes existantes, l’amendement prévoit un dispositif de maîtrise d’ouvrage partagée entre le STIF et la RATP. Le premier se prononcera sur l’opportunité des opérations, leur localisation, les programmes et les financements – il financera en l’occurrence les investissements sans préjudice de la contribution de la RATP ; celle-ci sera quant à elle responsable des études, des conceptions, des choix de procédés de fabrication, des missions de maîtrise d’œuvre – qu’elle assure ces dernières ou qu’elle les externalise.

Le dispositif est de surcroît bien encadré : d’une part, il ne concerne que les opérations non décidées au 1er janvier 2010 ; d’autre part, les prolongements et extensions concernés par ces dispositions sont ceux des seules infrastructures actuelles.

Par ailleurs, un gestionnaire d’infrastructure sera mis en place au sein de la RATP. Cette dernière sera en effet gestionnaire d’infrastructure du réseau de métro affecté au transport public et du réseau RER qu’elle possède, pour des raisons de sécurité, d’interopérabilité du système ferroviaire et de continuité du service public. La RATP ayant une double mission de gestionnaire du réseau et d’opérateur, le STIF sera rémunéré de manière distincte sur la partie « gestionnaire de réseau » et sur la partie « opérateur », dans le cadre d’une convention pluriannuelle qui établira les coûts, les obligations et les rémunérations.

Au plan patrimonial, l’amendement redéfinit la propriété des biens d’infrastructure et des matériels roulants pour tenir du compte du fait que des contrats liant le STIF et la RATP s’achèveront et qu’à cette dernière est dévolu un nouveau rôle de gestionnaire. Echange de biens à titre gracieux – sauf pour des immeubles administratifs ou sociaux qui seront valorisés : la RATP devient donc le propriétaire des infrastructures et le STIF celui des matériels roulants – M. le président Huchon comprend fort bien cette double logique. Il s’agit de donner au STIF, autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, les moyens d’organiser une vraie concurrence à l’expiration des contrats de la RATP et d’utiliser la convention de gestion d’infrastructure en vue de garantir un accès transparent au réseau. Enfin, le STIF pourra fixer à la RATP des objectifs de qualité et de performance. La RATP bénéficiera d’actifs constitutifs d’infrastructures afin qu’elle puisse poursuivre son activité de gestionnaire. Si l’on avait donné au STIF les actifs d’infrastructures, il aurait fallu lui transférer aussi la dette correspondante, d’environ cinq milliards d’euros, ce qu’évidemment il ne souhaitait pas.

Ainsi l’amendement conserve au STIF toutes ses compétences en fait d’organisation et de développement des transports franciliens ; il reconnaît la dualité actuelle de la RATP, à la fois exploitant de transports publics et gestionnaire d’infrastructure, et conforte l’entreprise. Le caractère relativement lointain des échéances permet de mettre en place les réorganisations qui s’imposent tout en garantissant la continuité du service. Enfin, je le répète, l’amendement semble consensuel, notamment pour ce qui concerne le Maire de Paris et le Président de la Région.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Je m’associe aux propos du président Jacob car je suis, moi aussi, très sensible à la présence de M. le secrétaire d’État. Je considère que la méthode retenue par le Gouvernement est tout à fait adéquate.

Suite au dépôt de cet amendement, j’ai rencontré le président de la RATP, M. Pierre Mongin, ainsi que plusieurs responsables syndicaux ou politiques et il semble qu’un consensus puisse se faire jour. Non seulement la spécificité de l’Ile-de-France n’a plus lieu d’être mais, depuis la « déspécialisation » de la RATP en 2000, cette dernière a vocation à rejoindre à terme le secteur concurrentiel.

La question la plus difficile, celle de la répartition des actifs, étant réglée en tenant compte des arguments avancés par le président Huchon, je considère que notre commission peut émettre un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

M. Maxime Bono. Nous prenons acte de la présentation de cet amendement gouvernemental devant notre commission, même si nous aurions préféré qu’il figure dans le texte initial. Il fallait en effet laisser à la RATP et au STIF le temps de s’organiser. Étant meilleur connaisseur des transports sur l’île de Ré qu’en Ile-de-France, je prendrai quant à moi le temps d’étudier précisément cet amendement. En attendant, Monsieur le secrétaire d’État, quels ont été les contacts avec MM. Huchon et Delanoë ?

M. le secrétaire d’État. Le Président de la RATP s’est rapproché d’eux et il m’a indiqué que l’un et l’autre étaient d’accord sur le dispositif. J’ai également proposé de rencontrer moi-même M. Huchon ou M. Serge Méry, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France.

Mme Annick Lepetit. M. le secrétaire d’État fait état du caractère consensuel de cette réforme, mais je tiens à signaler que le Maire de Paris a reçu un appel téléphonique de M. Mongin il y a quelques heures seulement. Il n’a donc pas pu formuler un avis sur le fond. J’imagine qu’il doit en être de même pour le président Huchon.

M. le secrétaire d’État. En l’occurrence, une rencontre a eu lieu hier.

Mme Annick Lepetit. Quoi qu’il en soit, il semble que nous soyons dans l’urgence.

M. le secrétaire d’État. Il faut en effet nous mettre en conformité avec la réglementation européenne et mettre fin à cette spécificité francilienne, tout en négociant des phases de transition de manière à ce que le couperet ne s’abatte pas trop violemment !

Mme Françoise Branget. Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d’État, de faire ainsi œuvre de pédagogie devant notre commission.

Si l’alignement de l’Ile-de-France sur la province ne me semble pas étonnant, je m’interroge sur les délais impartis : des périodes de trente, vingt ou quinze ans sont-elles suffisantes ? Les durées d’amortissement ont-elles été prises en compte ?

M. le secrétaire d’État. Ce sont les délais maximaux définis par le règlement européen. S’il ne devrait pas y avoir de problème pour les lignes de métro les plus anciennes, le délai peut en effet paraître assez bref pour des prolongements.

M. Bernard Lesterlin. Pourriez-vous revenir, Monsieur le secrétaire d’État, sur les raisons du dépôt de cet amendement gouvernemental et de son absence dans le texte initial ?

M. le secrétaire d’État. Je rappelle que le règlement « OSP » entrera en vigueur à compter du 3 décembre prochain et que la France risque d’être « pourchassée » par Bruxelles si elle ne respecte pas cette échéance ! Par ailleurs, nous avons songé à relier cet amendement au projet du Grand Paris mais ce dernier est loin d’être achevé – d’où la nécessité de trouver rapidement un vecteur législatif adéquat, ce qui est la cas de la loi « ARAF ».

M. le rapporteur. L’hésitation gouvernementale est d’autant plus compréhensible que la loi « ARAF » a été adoptée par le Sénat il y a déjà plusieurs mois.

M. le secrétaire d’État. D’où mon embarras, en effet, à l’égard de la commission des affaires économiques du Sénat, qui a bien voulu accepter de n’examiner cet amendement qu’en CMP.

Mme Annick Lepetit. Je rappelle que, depuis les lois de décentralisation « Raffarin » auxquelles M. le secrétaire d’État a fait allusion, le conseil d’administration de la RATP ne compte aucun élu local, ce qui complique les discussions avec le conseil d’administration du STIF – dont je suis membre –, notamment sur les questions de financement du renouvellement de matériel. Il me semblerait donc opportun de déposer un amendement visant à changer cette situation.

M. le secrétaire d’État. Le conseil d’administration de la RATP comprend à ce jour deux élus franciliens : votre collègue Gilles Carrez, député du Val-de-Marne, et Mme Isabelle Debré, sénateur des Hauts-de-Seine.

Mme Annick Lepetit. Mais ils ne siègent pas en tant qu’élus locaux !

M. le secrétaire d’État. En effet, mais la RATP est une entreprise nationale.

Mme Annick Lepetit. Certes, mais compte tenu d’un travail partenarial de plus en plus important avec les collectivités locales qui, depuis 2006, financent massivement les investissements et le fonctionnement de la RATP, il me semblerait logique que des élus franciliens siègent à son CA.

M. le secrétaire d’État. J’informe votre commission que le ministre d’État et moi-même avons fait ce matin une communication en conseil des ministres sur le plan de développement du fret et que nous sommes à votre disposition pour en reparler prochainement. Un plan d’investissement de l’État à hauteur de 7 milliards d’euros est notamment prévu pour les infrastructures et le fret, la SNCF préparant de son côté un plan d’un milliard.

M. le président Christian Jacob. Je vous remercie.

Je rappelle qu’une audition est prévue avec M. Borloo le 6 octobre et que, le lendemain, nous entendrons M. Guillaume Pépy, président de la SNCF.

——fpfp——