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Mercredi 21 octobre 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition de M. Hubert du Mesnil, Président de Réseau Ferré de France, sur le plan fret ferroviaire et le projet de loi sur le Grand Paris (n° 1961)

– Informations relatives à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Hubert du Mesnil, Président de Réseau Ferré de France, sur le plan fret ferroviaire et le projet de loi sur le Grand Paris (n° 1961).

M. le président Christian Jacob. Monsieur le président, la commission du développement durable a le plaisir de vous recevoir, pour la première fois, dans un contexte marqué par d’importantes annonces sur la relance du fret ferroviaire, les grands projets structurants de développement des infrastructures et le dépôt du projet de loi sur le Grand Paris. Un plan de rénovation du fret ferroviaire a été annoncé, pour un montant de 7 milliards d’euros : comment analysez-vous ce plan ? Comment sera-t-il articulé avec les plans existants ?

Par ailleurs, comment RFF se prépare-t-il à l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs au début de l’année prochaine ? En tant qu’opérateur des lignes, quel regard portez- vous sur la perspective de la construction de lignes nouvelles prévue dans le cadre du Grenelle de l’environnement ?

Enfin, alors que le débat sur le Grand Paris commence, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure votre entreprise est concernée ?

M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France. Pour répondre à vos questions, je commencerai par rappeler que, s’agissant du fret, il faut distinguer la situation de la SNCF dans le domaine du fret, qui est assez délicate et fait l’objet d’un plan de relance particulier, de celle de RFF.

C’est l’État qui a fixé les priorités de RFF dans le cadre du contrat de performance 2008-2012, conclu il y a un an, le 3 novembre 2008, et qui vise notamment à donner les impulsions nécessaires à la mise en œuvre des objectifs du Grenelle de l’environnement. La première phrase de ce contrat énonce d’ailleurs que « l’Etat charge RFF de mettre en œuvre le Grenelle de l’environnement en France dans le domaine des infrastructures ferroviaires ».

Dans ce cadre, nos priorités sont clairement définies : l’ouverture à la concurrence du réseau, en distribuant au mieux les sillons ; la rénovation du réseau existant ; le redressement de l’équilibre économique de la gestion du réseau ferroviaire ; la mise en œuvre d’une politique de développement durable sous toutes ses formes (construction des lignes nouvelles, bilan carbone, gestion des traverses usagées, etc.).

Dans le domaine du report modal en faveur du fret ferroviaire, il est apparu récemment que les chiffres allaient dans un sens totalement opposé à ceux fixés dans le cadre du Grenelle de l’environnement : l’État a donc souhaité donner une nouvelle impulsion, à la formulation de laquelle RFF a largement participé. Il s’agit de mettre en œuvre toutes les priorités fixées dans le Grenelle, notamment en rénovant le réseau existant.

Je ne suis pas d’accord avec l’appréciation consistant à dire que les difficultés du fret résultent d’un déficit d’investissements : ceux-ci ont été importants et ont permis, par exemple la mise au gabarit de la ligne Perpignan-Luxembourg. Il y a, en outre, suffisamment de place sur un réseau qui accueille de moins en moins de trains dédiés au fret depuis plusieurs années. La principale cause de ce déclin provient du fait que l’on n’a pas accordé au fret des sillons performants et que, collectivement, on n’a pas porté au fret toute l’importance qu’il méritait. L’attribution des sillons n’était d’ailleurs pas réalisée par RFF jusqu’à l’année dernière, la priorité de la SNCF allant plutôt au transport de voyageurs. La société française dans son ensemble est d’ailleurs peu sensible à l’objectif de faire circuler les marchandises par voie ferroviaire.

Sans des sillons de qualité, sans la garantie sur les horaires de circulation, aucun chargeur n’aura recours à ce mode de transport – surtout s’agissant du transport combiné et du transport de conteneurs. A titre d’exemple, pour les livraisons de colis postaux, l’arrivée doit être à 6 heures du matin pour une livraison à J+1, et non à 10 heures. Nous sommes là au cœur du développement du fret ferroviaire ; le gestionnaire du réseau doit pouvoir s’engager sur des critères de qualité, sans parler des efforts que doit aussi réaliser le transporteur s’agissant du matériel roulant ou de la disponibilité des conducteurs.

A ce sujet, il est regrettable que la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement n’ait pas retenu l’idée d’un réseau à priorité fret, comme les engagements le prévoyaient. En évoquant des « sillons stables et performants », la loi est en retrait avec l’objectif, formalisé dans le contrat de performance, de mettre en œuvre un « réseau orienté fret », ce qui correspond à la terminologie européenne. Cela implique notamment qu’il faut envisager l’élaboration d’un contournement lorsque la circulation est freinée par la traversée d’une grande ville ou encore qu’il faut prendre des créneaux au transport de voyageurs lorsque cela est le seul moyen d’obtenir des sillons de qualité. Des investissements importants ont d’ailleurs déjà été réalisés dans ce sens.

Le programme d’investissements de 7 milliards d’euros pour le fret ne comprend pas l’effort accompli plus largement pour la rénovation du réseau existant, effort déjà financé et mis en œuvre par RFF, à hauteur de 13 milliards d’euros. Le contournement de Lyon est l’opération emblématique de ce programme d’investissements, mais il faut mentionner aussi la réalisation d’installations de contresens, là où elles apparaissent nécessaires.

L’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sera effective à compter du 1er janvier 2010 pour le trafic international ainsi que pour le cabotage qui ne doit pas être principal, mais « marginal ». Une ambiguïté existe d’ailleurs sur la portée de ce terme ce qui ne facilitera pas la concrétisation des projets : pour la liaison Gênes-Paris, par exemple, combien de voyageurs l’opérateur Trenitalia sera-t-il autorisé à prendre en charge à Nice ? Il sera difficile de réaliser l’objectif prévu. En toute hypothèse, la présence de trains étrangers, déjà effective pour la DeutscheBahn, dont l’offre est de qualité, ne doit pas être ressentie comme un traumatisme, mais il est souhaitable que l’Autorité de régulation soit mise en place avant leur arrivée.

S’agissant de la mise en œuvre des orientations du Grenelle, il faut noter que quatre projets ont déjà été définis, d’autres sont en phase de préparation de débat public. RFF est attaché à la pluralité des modalités de réalisation, la maîtrise d’ouvrage classique, le partenariat public-privé, ou la concession. La question principale demeure celle du financement afin de déterminer les parts assumées par les voyageurs et par les finances publiques.

Pour les trains de marchandises, les investissements sont subventionnés à 100 % par l’Etat ou les collectivités locales, comme le montre l’exemple de la mise au gabarit de l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Les investissements pour les trains de voyageurs sont financés en partie par les péages : les lignes à grande vitesse sont payées à hauteur de 15 % à 40 % par les péages, le reste étant pris en charge à parité par l’État et par les collectivités territoriales.

RFF a participé aux travaux préparatoires sur le projet de loi relatif au Grand Paris et observe avec intérêt qu’une impulsion importante est donnée aux transports en Île-de-France. Cependant la priorité doit être donnée à l’amélioration du réseau existant en Île-de-France qui pose d’importants problèmes. RFF a conclu un contrat avec le STIF, pour améliorer précisément la qualité du réseau, le rénover et le développer. Il faut être clair : le réseau francilien, parce qu’il est très utilisé, est financé en totalité par des péages et la totalité des péages est consacrée à ce réseau.

S’agissant du programme RER, la priorité est d’achever la modernisation du réseau existant. Les lignes B, C et D du RER doivent être portées au meilleur niveau possible pour l’horizon 2013-2014. Le prolongement de la ligne E est davantage à l’horizon 2017-2018.

RFF n’a pas de compétence particulière pour la mise en place du système automatique prévu pour le Grand Paris. Mais il apparaît essentiel de réfléchir en amont sur les connexions entre la « boucle » qui sera proposée et les réseaux existants, sur l’implantation des gares et sur l’articulation du projet avec la rénovation de l’existant. Le secteur de la Défense est à cet égard un bon exemple.

M. Maxime Bono. Merci, Monsieur le président, pour cet exposé très complet sur l’état d’un réseau qui nous est cher.

Les montants évoqués au titre de la rénovation du réseau ferré national – 13 milliards dans le contrat de performance passé avec l’État, 7 milliards dans l’engagement national pour le fret ferroviaire – font naître beaucoup d’espoirs. Il convient cependant, avant de se féliciter de ces annonces, de les rapprocher des investissements déjà programmés pour avoir une idée précise des moyens disponibles.

S’agissant de l’état général du réseau ferré, je constate moins d’incidents et de ralentissements durables : considérez-vous que la situation s’est globalement améliorée et comment l’expliquez-vous ?

Pouvez-vous préciser le calendrier de mise en œuvre de l’engagement national pour le fret ferroviaire, et, en particulier, du réseau orienté fret (ROF) ? Nous savons tous qu’il reste des verrous à faire sauter, que les installations permanentes de contresens (IPCS) doivent se généraliser et que plusieurs contournements importants restent à réaliser. Vous est-il possible d’indiquer les échéances de ces différents programmes ?

Comment profiter de la moindre fréquentation du réseau pour faciliter la distribution de sillons de qualité et mieux faire cohabiter le fret avec les TER ou les TGV ? Je pense plus particulièrement à la desserte ferroviaire des ports et aux opérations de contournement les plus urgentes. Votre contrat de performance comporte un engagement précis sur la mise à disposition de sillons de qualité : le tiendrez-vous ?

Quel regard portez-vous sur la création d’une direction des trafics et des circulations (DFC) à la SNCF ? Cette évolution va-t-elle dans le sens de la simplification d’un système dont chacun dénonce la complexité ? Force est d’admettre que l’on a toujours du mal à s’y retrouver !

Il y a, enfin, l’épineuse question des péages : comme vous l’imaginez, les collectivités ne se réjouissent pas de la perspective d’une augmentation des péages en vue de financer les opérations nouvelles. Que pensez-vous de la proposition de l’Association des régions de France de demander un accord de modération sur les péages en contrepartie de l’effort d’investissement demandé aux collectivités ?

M. Yanick Paternotte. Vous avez déclaré que les difficultés actuelles du fret ferroviaire ne tenaient pas principalement à un retard d’investissement sur le réseau. Permettez-moi d’en douter ! Tous mes contacts avec les acteurs de terrain me persuadent au contraire que l’on paie le prix d’années – sinon de décennies – de sous-investissement. Quel est, par exemple, le taux d’électrification de notre réseau de fret, lequel atteint 97 % en Allemagne ? Les sillons sont produits par des logiciels anciens, et que dire de la fragilité de nos antiques aiguillages filaires ? Je tenais donc à nuancer votre position sur ce point.

Tout à fait d’accord, en revanche – et mon rapport sur la relance du fret de juin dernier en fait l’une de ses propositions clés –, pour considérer que la mise à disposition de sillons de qualité pour le fret constitue la première priorité. Encore faut-il admettre que, là encore, RFF porte une part de responsabilité. L’incertitude sur la régularité d’acheminement tient souvent à l’existence répétée de plages de travaux, souvent réalisés à l’improviste et qui bloquent les convois des heures durant. Je suis convaincu que vous pouvez progresser dans la limitation de ces situations au strict nécessaire.

Le ROF est désormais affiché comme une priorité nationale. Soit, mais alors, comment expliquer que l’on continue à donner la priorité au voyageur, en créant par exemple la nouvelle desserte Cherbourg-Roissy-Strasbourg, qui, pour légitime qu’elle soit, « mange » du sillon orienté fret en Ile-de-France ? Il y a là une contradiction que je ne m’explique pas.

Avec la loi ARAF, nous nous sommes efforcés d’atteindre un certain équilibre sur plusieurs points. Quel est votre sentiment sur le « réglage » auquel nous avons procédé sur les gares de fret, en demandant au Gouvernement un rapport sur la possibilité de les transférer à RFF ? Y a-t-il là un moyen de favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) ? Entendez-vous contribuer directement à l’entrée des OFP sur le marché à l’heure où, dans ses campagnes de communication, la SNCF s’en attribue le mérite exclusif ? Que pensez-vous du mode d’organisation retenu dans le texte ARAF des relations entre l’autorité de régulation, l’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), RFF et la SNCF ?

Vous avez déclaré que l’amélioration du réseau Île-de-France était intégralement payée par les péages ; je vous pose la question dans l’autre sens : de combien faudra-t-il encore augmenter les péages - et par conséquent les tarifs – pour disposer d’un réseau de qualité ? L’amélioration de la ligne D coûterait 400 millions d’euros : 40 millions seulement sont prévus, au profit nord de l’itinéraire ; n’est-il pas temps de « changer de braquet » ?

Enfin, que proposez-vous pour résorber les 28 milliards de dettes de RFF ? Comment sortir d’une situation où le transfert « maastrichien » de la dette de la SNCF à RFF continue de « plomber » vos comptes ?

M. Daniel Paul. Il y a en effet de quoi s’inquiéter si l’on se contente de rembourser la dette actuelle en tablant sur les résultats engendrés par la dette future !

Compte tenu des menaces qui pèsent actuellement sur les finances des collectivités locales, est-il raisonnable de leur demander de contribuer toujours plus aux investissements sur le réseau ferroviaire ? Sept milliards ici, treize milliards là, plus la mise à niveau du réseau existant et la création de nouvelles lignes… la barque se charge et les collectivités ne suivront pas ! Quelle est, Monsieur le Président, votre vision d’ensemble sur ces différents projets ? Les sommes en jeu vous semblent-elles réalistes ?

S’agissant de la mise à niveau du réseau existant – objectif auquel je souscris -, j’insiste sur un point essentiel : que l’on soit un voyageur ou un conteneur, ce qui compte, c’est de partir et d’arriver aux heures prévues, que l’on roule à 60 ou à 160 kilomètres à l’heure. Quels moyens doit-on mobiliser pour tenir enfin cet objectif de régularité ? Tant qu’il ne sera pas atteint, les objectifs de report modal du Grenelle resteront hors de portée.

Un mot sur les responsabilités des uns et des autres. Dire que c’est la faute à tout le monde, c’est exonérer chacun un peu vite ! La vérité, c’est que ce sont les plans successifs de la SNCF qui ont enfoncé le fret dans les pires difficultés et que les choix politiques qui s’imposaient n’ont pas été faits.

Il est impératif de tendre à la complémentarité des modes de transport plutôt que de les opposer. Pour autant, certaines évidences s’imposent. Si l’on entend réellement privilégier les modes les moins polluants, il faut admettre que, dans certaines situations, la route n’ait plus droit de cité. Est-il admissible de voir des camions polonais sur le port de Rouen ou des poids lourds portugais dans celui du Havre ? Pour un Paris-Varsovie, que peut-il y avoir de moins polluant que le fer ?

Enfin, qu’en est-il du projet parfois évoqué d’utiliser la ligne de petite ceinture pour acheminer du fret à Paris intra-muros ?

M. Stéphane DEMILLY – Monsieur le Président, mes premiers mots seront pour livrer une impression personnelle en tant qu’élu de Picardie. En ce qui concerne la gestion des ressources foncières, je me félicite de travailler désormais avec Nexity, partenaire avec lequel nous avons gagné énormément en efficacité.

S’agissant du fret ferroviaire, ma question est simple : comment comptez-vous décliner les quatre priorités définies par le Gouvernement le 16 septembre dernier lors du lancement de l’engagement national pour le fret ferroviaire, à savoir l’ouverture à la concurrence, la rénovation du réseau, la mise en place de péages et la prise en compte du développement durable ?

M. Hubert du MESNIL, Président de Réseau ferré de France – En effet, les ports constituent pour le développement du fret un enjeu majeur, dans la mesure où ils nous permettront de reprendre à la route le plus de trafic dans les délais les plus courts. Cela impose entre autres de moderniser d’urgence certaines plateformes, d’analyser au mieux les flux portuaires et d’organiser de la façon la plus optimale possible la distribution de sillons afin de donner un réel essor au transport combiné.

S’agissant du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, actuellement en discussion au Parlement et dont votre commission est saisie, mes réflexions sur l’état actuel de ses dispositions sont les suivantes. A propos des opérateurs ferroviaires de proximité, le fait de pouvoir gérer avec souplesse de petites lignes ferroviaires apparaît comme une avancée notable, de nature à faire baisser les coûts, ce que nous déjà pu vérifier sur le terrain dans le Morvan en adaptant les normes nationales à la situation d’une petite ligne. L’organisation du transport de proximité, quant à elle, soulève des problèmes plus ardus, dans la mesure où la SNCF arrête cette activité, et qu’en conséquence se pose dans un premier temps la question de savoir qui va remplir cette fonction à sa place. Certes, des projets sont en cours, auxquels RFF a naturellement été associé, mais la période de transition, jusqu’à l’émergence d’opérateurs solides, qui doivent s’affirmer comme de véritables acteurs du paysage ferroviaire de demain, peut s’avérer délicate.

De façon plus générale, le projet de loi met en place une réforme de l’ampleur de celle initiée par la loi du 13 février 1997, qui a donné naissance à RFF, en créant une autorité de régulation, bénéficiant à la fois de l’autonomie, de l’indépendance et des moyens nécessaires à son action, et dont l’articulation avec le rôle joué par l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) me paraît pleinement satisfaisante. Il me semble que l’équilibre atteint par le projet de loi est bon : les rôles sont clairement répartis entre d’une part RFF qui distribue les sillons et réalise les aménagements du réseau, et d’autre part la SNCF, via sa direction des circulations ferroviaires (DCF), en charge de la circulation sous l’autorité de RFF, qui lui fixera des objectifs et versera pour ce service une rémunération. Il s’agit là d’une avancée majeure, puisque cette compétence « métier » de la SNCF, méconnue par le passé, est désormais clairement identifiée. Si cette nouvelle organisation paraît plus efficiente et de nature à développer l’activité fret, il est évident que la période transitoire de dix huit mois qui s’ouvre, la SNCF étant encore impliquée dans la gestion des sillons, requerra une indulgence certaine de la part notamment des élus.

En ce qui concerne les travaux sur le réseau, l’augmentation de leur fréquence signifie que la rénovation du réseau, qui est une des quatre priorités de la relance du fret, est en cours. Cependant, je dois reconnaître que ces travaux souffrent d’un réel défaut de programmation, et les exemples qui ont été cités en sont la preuve. RFF ayant dorénavant la responsabilité de cette programmation, la situation devrait également s’améliorer, mais là encore du temps - pour être précis deux années, la programmation actuelle courant jusqu’en 2012 - sera nécessaire afin qu’elle devienne tangible sur le terrain. Dans l’intervalle, je prends l’engagement que toutes les composantes de cette activité - équipes, systèmes d’information et planification - seront remises à plat. Par ailleurs, je vous rappelle que la loi fait obligation à RFF d’adresser, tous les trois mois, un rapport complet au Gouvernement sur ces travaux.

J’ai également été interrogé sur les péages. Il me semble, en toute franchise, que dans ce dossier aucune amélioration sensible du réseau ferroviaire n’est à attendre si, à chaque fois que les péages augmentent d’un euro, la dotation de l’État diminue d’un euro ! Compte tenu de l’augmentation structurelle des charges, faire perdurer cette situation revient à creuser mécaniquement, année après année, le déficit courant de RFF, qui supporte déjà le poids de sa dette historique de 22 milliards d’euros. J’attire l’attention sur le fait que RFF fabrique structurellement un tel déficit : sur 6 milliards d’euros de budget annuel, 3 milliards sont couverts par la commercialisation de sillons, 2,5 milliards d’euros par la subvention de l’Etat, et 500 millions d’euros ne sont couverts par aucune recette. Les perspectives offertes par le projet de loi de finances pour 2010 ne sont à cet égard guère rassurantes, la crise ayant entraîné une diminution des recettes tirées des sillons, une diminution des péages, et la subvention de l’Etat étant également en baisse. La pratique des gels en cours d’exécution budgétaire – gel de 120 millions d’euros en ce qui concerne RFF pour l’année 2009 – ne facilite évidemment pas les choses. Je tire en quelque sorte la sonnette d’alarme : si on veut garder ce réseau, il faut arrêter cette hémorragie.

La dette historique de RFF s’élève pour mémoire à 20 milliards d’euros et rien n’indique que des solutions soient à l’étude pour en réduire la charge. J’observe cependant qu’à l’étranger, dans des situations similaires, l’État a parfois assuré la reprise de cette dette. Son existence, ainsi que la « deuxième épaisseur » de dette constituée du déficit courant que j’ai évoqué, grèvent d’autant la capacité de RFF à financer de nouveaux projets d’investissements sur le réseau.

M. Christophe Priou. La répartition des biens entre RFF et la SNCF est achevée. Pouvez-nous dire où en est la mise en œuvre du partage prévu et nous apporter des précisions sur la planification des autoroutes de la mer en général et sur le contournement d’un site « Seveso » dans le secteur Nantes-Saint-Nazaire ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Je partage le scepticisme de certains de mes collègues sur la mise en œuvre du plan fret. Ainsi, pour la région Limousin, le volume du trafic est passé de 3 millions de tonnes en 2002 à 500 000 tonnes aujourd’hui.

Je vous adresse des remerciements quant à la qualité des personnels sur le terrain, le respect des procédures s’agissant de l’information des élus et des populations et le respect du calendrier quant à la mise en place des lignes à grande vitesse (LGV). Mais je regrette que l’on fasse trop, et de plus en plus, appel au financement par les collectivités locales et que, parfois, les procédures et les délais prévus soient contrariés par l’action de certains groupes de pression.

M. Marc-Philippe Daubresse. Est-ce que RFF réfléchit à une stratégie de l’offre s’appuyant sur la mise en place de lignes pertinentes et attrayantes comme, par exemple, un axe Garonor-Rotterdam ? Pourquoi n’adossez-vous pas davantage l’intermodalité des transports sur les grands ports maritimes dans le cadre du réseau des plateformes multimodales ?

Enfin, ne pensez-vous pas que la politique foncière obéit à des stratégies trop parcellaires alors que s’imposerait une approche globale par agglomération afin de valoriser certaines réserves foncières ?

M. Philippe Plisson. Alors que le maillage local des territoires les plus enclavés constitue un atout, on constate aujourd’hui le besoin de réactiver certaines lignes et l’absence de moyens financiers correspondants. Ne faudrait-il donc pas inclure dans les cahiers des charges des lignes à grande vitesse l’obligation de réanimer certaines petites lignes annexes, par exemple sur l’axe Bordeaux-Paris ?

M. Philippe Meunier. L’ouverture de nouvelles voies ferrées destinées au fret, notamment de celles liées au contournement de grandes agglomérations, ne devrait-elle pas s’accompagner de mesures environnementales afin de mieux protéger les populations riveraines, notamment contre le bruit ?

M. Philippe Duron. Comment peut-on accélérer et améliorer l’accès de tous les territoires au réseau des lignes à grande vitesse ? Pourquoi certains ports ne sont-ils pas desservis par le réseau prioritaire du fret ferroviaire ?

Mme Annick Lepetit. Le projet de loi sur le « Grand Paris » évoque un futur réseau à tracé spécifique et ne mentionne aucunement le réseau existant alors que la priorité de la politique des transports a été donnée à l’amélioration du réseau existant. Quelle serait donc sa cohérence avec le réseau existant ? Comment se feront les interconnexions, ainsi que la co-ordination des travaux nécessaires ? Quelles portions de lignes seront affectées à RFF et pour quel coût ? Le projet de péage prévu pour les poids lourds en Île-de-France semble prendre du retard car on parle aujourd’hui de sa mise en œuvre en 2013. D’une façon générale, le secteur des transports est trop peu abordé dans le projet de loi sur le « Grand Paris ».

M. Hubert du Mesnil. Le partage du patrimoine foncier entre RFF et la SNCF est maintenant une question réglée ; une part de ce patrimoine, inutilisée et excédentaire, entraîne des gaspillages et c’est pourquoi la vente de certains terrains a été encouragée. Les règles nécessaires pour y remédier n’ont été fixées qu’en 2006 : désormais RFF peut céder des terrains, les recettes ainsi générées étant intégralement affectées à des investissements comme à ceux de la SNCF, avec laquelle un accord a été conclu à ce sujet.

RFF doit se montrer prudent à l’égard de nouveaux projets trop ambitieux. La priorité reste d’utiliser au mieux l’existant et de ne pas prendre de risques financiers car la France ne pourra assumer une telle ambition ferroviaire. La notion de développement durable va de pair avec la sobriété et le calibrage des projets proposés. Il existe des plateformes multimodales inutilisées, ce qui nécessiterait d’ailleurs un schéma directeur national qui servirait notamment à mieux coordonner les initiatives locales, condition du doublement du transport combiné qui a été retenu comme objectif.

Le « Grand Paris » suppose une meilleure coordination entre les différents acteurs, particulièrement entre les opérateurs de transports publics, car des rivalités subsistent, et entre ceux-ci et la direction du Grand Paris, sans qu’il soit nécessaire de créer de nouvelle structure. Le futur établissement public aura donc un rôle de coordination et d’arbitre entre tous les acteurs.

Mme Annick Lepetit. Je relève que le projet de loi n’évoque pas les projets concernant les quatre lignes de RER que vous avez évoquées ni le projet Eole. Reste donc pendante la question de la rénovation du réseau RER existant, rénovation qui ne pourra avancer qu’en renforçant la coordination opérationnelle entre la RATP et la SNCF. J’observe également que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, passe sous silence toutes les questions relatives à la gestion et à l’entretien des nouvelles lignes envisagées dans le cadre notamment du métro automatique de grande capacité en rocade.

M. Hubert du Mesnil. C’est pourquoi il convient maintenant d’unifier les modes d’exploitation du RER, qu’ils relèvent de la RATP ou de la SNCF.

En ce qui concerne les péages liés aux lignes à grande vitesse, l’État n’assume pas entièrement la part du financement prévu à sa charge du réseau ferroviaire, ce qui conduit RFF à s’endetter davantage compte tenu du déficit continu.

M. Jean-Pierre Marcon. La situation des très petites lignes pose des problèmes importants. Ces lignes présentent des niveaux de trafic faibles, alors même que des investissements significatifs y ont été réalisés. Elles sont de plus en plus remplacées par le trafic routier. Va-t-on s’en séparer, alors qu’elles desservent des petites villes ? Quel est leur avenir selon RFF ?

M. Frédéric Cuvillier. Le sort du micro-ferroviaire fret et passagers est un vrai enjeu car, dans le passé, a été mis en place un maillage territorial très utile ; à l’heure du développement durable, il faut réaliser un bilan de l’existant dans ce secteur pour éviter de s’engager sur des investissements inutiles. Des études ont été précisément réalisées dans le cadre des pays. Un état des lieux est nécessaire également dans le secteur portuaire ; il faut certes renforcer les métropoles portuaires, mais maintenir également des « ports de repli », où existent des installations ferroviaires non utilisées.

M. le président Christian Jacob. Je rappelle à cet égard que la commission a confié à nos collègues Alain Gest et Philippe Duron une mission d’information sur les priorités à financer par le grand emprunt et que les rapporteurs privilégient les plateformes multimodales.

M. Didier Gonzales. Je souhaiterais obtenir une clarification sur la liaison entre les deux aéroports parisiens, lancée par la SNCF, notamment sur le calendrier et la présentation du dossier à la population. Il faut souligner également l’importance des « points noirs » bruit, par exemple au niveau du barreau Massy-Valenton. Quels efforts RFF peut-il encore réaliser pour résorber ces « points noirs » ?

M. Bernard Lesterlin. La stabilisation des ralentissements du trafic que l’on a souvent réclamée a été obtenue en fait par la suspension de lignes existantes ; ainsi du premier tiers de la liaison Paris-Ussel. Il faut, par ailleurs, respecter les engagements pris dans le Grenelle I en matière d’investissements.

La dette originelle empêche RFF de conduire la politique de modernisation de l’existant et d’investissements. « Sauver RFF » est un problème politique et non technique, sinon nos choix de développement durable risquent de rester des vœux pieux.

M. Yves Albarello. Monsieur le président, en tant que rapporteur du projet de loi sur le Grand Paris, je vous rencontrerai bientôt à nouveau en audition. C’est pourquoi je ne vous poserai pas de questions aujourd’hui. Je dirai seulement qu’il est essentiel de mettre de l’ordre dans les compétences des différents opérateurs afin d’éviter les problèmes récurrents dus par exemple à la dualité de gestion du RER B.

M. Hubert du Mesnil. L’amélioration du réseau ferré est d’intérêt national. S’agissant du réseau « orienté fret », il faut identifier les parcours où existent de réels problèmes de capacité. La politique suivie pour les petites lignes consiste à en garder le maximum, étant admis qu’il convient de définir alors des règles de gestion appropriées à un petit trafic. Les opérateurs ferroviaires de proximité seront à cet égard un élément de solution. De manière générale, ce sont des questions qui doivent être examinées avec les élus, car elles posent des problèmes d’intérêt national en termes d’aménagement du territoire et de financement public.

L’exigence de développement durable impose de pérenniser le réseau, en définissant des modes de gestion qui soient vivables et en cherchant aussi parfois à s’inspirer des exemples étrangers.

En ce qui concerne le réseau prévu pour le « Grand Paris », il importe sans doute avant tout de mettre l’accent sur les concertations et les débats publics.

◊ ◊

Informations relatives à la commission

La commission du développement durable a décidé de reconstituer un comité de suivi des questions ferroviaires et a désigné M. Yanick Paternotte comme rapporteur des travaux de ce comité dont la réunion constitutive aura lieu, aujourd’hui, à l’issue de l’audition de M. du Mesnil.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 21 octobre 2009 à 10 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Yves Cochet, M. Frédéric Cuvillier, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lang, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - Mme Claude Darciaux, M. Joël Giraud, Mme Fabienne Labrette-Ménager

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Goldberg, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Paul, M. François Pupponi.