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Mercredi 4 novembre 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des Transports, et de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, sur le projet de loi Grenelle 2 (n° 1965)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des Transports, et de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, sur le projet de loi Grenelle 2 (n° 1965).

M. le président Christian Jacob. Je salue le premier secrétaire de l’Assemblée de la République centrafricaine, M. Félicien Boussoula, qui nous fait l’amitié d’assister à cette audition.

Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous préciser le calendrier prévisionnel de l’examen en séance publique du projet de loi « Grenelle 2 » ? Nous avions prévu de commencer l’examen du texte à partir du mois de décembre, mais, si le débat était renvoyé au lendemain des élections régionales, nous reporterions cet examen afin que le délai entre le travail préparatoire en commission et la discussion en séance plénière ne soit pas trop important. Pour la bonne organisation de nos travaux, je vous saurais gré de nous transmettre l’information dès que possible.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Je souhaiterais, pour commencer, m’adresser à M. Boussoula.

Le Président Bozizé nous a fait part de la situation énergétique dramatique en Centrafrique, consécutivement à la panne survenue au barrage de Boali. En raison du manque de pièces détachées pour assurer la maintenance de l’installation, l’accès à l’énergie est devenu encore plus difficile pour les Centrafricains. Les larmes aux yeux, le Président Bozizé nous a rappelé que la colonne Leclerc était partie de Bangui, composée essentiellement de gens du cru, pour aller combattre en Syrie, puis participer au débarquement en Provence ; il a souligné que le taux d’accès à l’énergie en République centrafricaine était passé de 10 % à 5 %, puis de 5 % à 3 %, pour chuter, aujourd’hui, à moins de 1 %. Vous pouvez annoncer au Président Bozizé que nous avons décidé d’envoyer une équipe spécialisée pour étudier la remise en marche de la centrale ; elle sera demain à Bangui.

Par ailleurs, notre réunion symbolise bien les enjeux du rendez-vous de Copenhague dans trente-sept jours. Pour les pays industrialisés, ce sommet sera le cadre d’un débat sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais il est également perçu par une partie du monde comme une occasion historique de retrouver de la solidarité et d’assurer à la planète un avenir énergétique durable, grâce aux énergies renouvelables. La seule solution réside, selon moi, dans l’adoption d’un plan Justice-Climat international, en faveur duquel l’Afrique milite. La République centrafricaine et les autres pays africains ont désigné le Premier ministre éthiopien pour promouvoir, avec nous, ce plan. Soyez assuré, monsieur Boussoula, que nous nous battrons pour qu’il soit adopté – au bénéfice, entre autres, de l’Afrique.

J’en viens à l’objet de la présente réunion.

En ce qui concerne le calendrier, le projet de loi « Grenelle 2 » est en concurrence avec le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure : il viendra en discussion à l’Assemblée soit en février, soit après les élections régionales ; pour nous, bien évidemment, le plus tôt sera le mieux. D’aucuns considèrent que son examen prendra beaucoup de temps. Je n’en suis pas certain car, si le sujet est riche et important, il ne fera pas l’objet de postures ou de surenchères. Il s’agit de questions d’organisation du territoire ; les débats porteront sur les périmètres ou sur l’opposabilité de certains documents, mais ils resteront confinés. Nous plaidons donc pour une durée de discussion resserrée, sur quatre semaines plutôt que sur six ou sept. D’ailleurs, au Sénat, le débat s’est déroulé plus vite que prévu.

Ce texte s’inscrit dans une dynamique globale ; il fait suite à la loi relative à la responsabilité environnementale, à celle relative aux biotechnologies, aux quarante-sept mesures de fiscalité « verte » contenues dans les dernières lois de finances et à la loi « Grenelle 1 ». Nous n’allons pas refaire les débats, mais simplement nous pencher sur la traduction opérationnelle des décisions dans les territoires, sachant que beaucoup sont déjà mises en œuvre.

Sur ce plan, la société française évolue à une vitesse extraordinaire. Nous sommes très avance par rapport à nos objectifs en ce qui concerne la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre, le plan Bâtiments, les écoquartiers, les écocités, les installations photovoltaïques – dont le nombre a augmenté de 265 % en un an ! –, la filière biomasse énergie, la voiture décarbonée, les transports en communs en site propre – durant les 24 derniers mois, il a été lancé autant de chantiers qu’au cours des trente-neuf années précédentes ! –, les lignes à grande vitesse, les aires marines, le canal Seine-Nord Europe – initialement prévu pour dans trois ans, mais qui démarre déjà. Il y a un réel engagement de tous les acteurs.

Évidemment, il reste des difficultés : les efforts ne sont pas répartis de manière parfaitement homogène, et l’on pourrait faire beaucoup mieux dans certains domaines, comme les énergies marines ou les trames vertes et bleues. Mais je ne vous cache pas ma satisfaction. Sur ce sujet, il est difficile de ne pas tomber dans la dénonciation du passé, et de considérer l’effort consenti, non comme un fardeau, mais comme une source de progrès, qui améliorera nos conditions de vie. Durant des années, les mentalités furent tellement différentes ! Pourtant, le chantier progresse bien et plus vite que prévu, parce qu’il donne lieu à un vaste mouvement collectif, mobilisant 62 millions de personnes.

Sur deux points, nous ne sommes pas en avance par rapport à nos objectifs, sans être toutefois en retard : le tri sélectif des déchets et les éoliennes, dont la première phase de développement s’est faite sans trop de contestation, se heurtent désormais à des tensions. Nous sommes en avance de 3 % par rapport à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, mais nous avons une marge de progression importante.

Pour revenir au projet de loi, celui-ci comporte plusieurs chapitres.

Un volet porte sur les outils de planification, comme les directives territoriales d’aménagement (DTA), les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU), les coefficients d’occupation des sols (COS).

Un autre volet renforce les normes énergétiques en vigueur et crée de nouveaux labels.

Le texte tend en outre à simplifier considérablement les procédures en vigueur pour les collectivités et les particuliers, notamment pour tout ce qui concerne les nouvelles énergies.

Une série de dispositions visent à accélérer les mutations en cours : modernisation des péages autoroutiers, développement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques – car, pour que les constructeurs s’engagent massivement en faveur de la voiture décarbonée, encore faut-il que l’ensemble de la société évolue dans ce sens, c’est-à-dire que l’on fabrique des batteries, que l’on élabore des cartes technologiques, que l’on réunisse, comme nous allons le faire à Chambéry, l’ensemble des chercheurs afin d’améliorer les performances d’ininflammabilité des batteries lithium-ion ou de réduire les coûts des batteries lithium-polymère, et que l’on développe, en liaison avec les collectivités territoriales, les infrastructures de recharge.

Le projet prévoit également la généralisation de l’affichage des performances énergétiques des bâtiments lors des transactions. Il comporte des mesures de santé publique, comme l’évaluation de la qualité de l’air, l’interdiction d’utiliser les téléphones portables dans les écoles maternelles et primaires ainsi que dans les collèges, ou l’obligation pour les entreprises qui fabriquent ou utilisent des nanoparticules de les déclarer.

Un volet économique et social érige en France le principe de la responsabilité sociétale, renforce la responsabilité des sociétés mères envers leurs filiales, met en place des filières de récupération et de traitement spécifique pour les seringues et les déchets dangereux, encadre très strictement la publicité sur certains produits phytopharmaceutiques, renforce la protection autour des zones de captage d’eau potable, habilite les agences de l’eau à acquérir des zones humides particulièrement menacées, met en œuvre le projet des trames vertes et bleues.

Le texte prépare la mutation énergétique locale, en favorisant le développement des panneaux solaires, en redéfinissant les relations avec les architectes des bâtiments de France et le régime des autorisations et des inopposabilités – sujets qu’il convient d’aborder posément, comme nous l’avons fait avec les sénateurs, qui se sont d’ailleurs montrés plus « grenelliens » que les députés.

Enfin, un dernier volet traite de la gouvernance, avec notamment la transformation des conseils économiques et sociaux régionaux en conseils économiques, sociaux et environnementaux et la réforme de la Commission nationale du débat public, sur le modèle du Grenelle de l’environnement.

Il revient désormais à l’Assemblée nationale d’approuver, critiquer, améliorer ou enrichir le « verdissement » de notre société et de faire en sorte que les collectivités territoriales soient à la pointe de cette mutation, qui ne doit pas être un fardeau, mais un apport pour tous les acteurs.

M. Serge Grouard, rapporteur. Il s’agit d’un texte essentiel et je souhaiterais que soit respecté, autant que possible, le calendrier initial. Pour ce qui nous concerne, nous avons déjà commencé les auditions, conjointement avec la Commission des affaires économiques. Elles se succèdent à un bon rythme, se révèlent fort intéressantes et sont ouvertes aux autres députés, ce qui est une bonne chose.

Le projet de loi « Grenelle 2 » fait partie d’une fusée à plusieurs étages, comprenant également la loi « Grenelle 1 » et les mesures fiscales « vertes », incluses notamment dans la loi de finances. Il se fait quelque chose de plutôt remarquable en très peu de temps.

Nous allons vite et fort, tâchons d’aller bien. Avec le « Grenelle 2 », il s’agit de transformer en profondeur, non seulement l’économie, mais la société tout entière, parce que nous n’avons pas le choix et, surtout, parce que c’est une formidable perspective d’avenir, à une époque où la société française s’interroge, se laissant aller aux peurs et à l’inquiétude. Voilà un formidable chantier pour retrouver la confiance !

Ce texte est à destination interne, puisqu’il vise à mettre en place des mécanismes fondamentaux d’adaptation à la nouvelle donne environnementale, mais il est également et surtout tourné vers l’extérieur, et c’est pourquoi il est si important de respecter le calendrier initial. En effet, à la fin de l’année s’ouvrira à Copenhague un sommet essentiel, à la tenue duquel la France peut s’honorer d’avoir beaucoup œuvré, par l’intermédiaire de la loi « Grenelle 1 » et du plan Énergie-Climat. Comme ce précédent l’a montré, il importe que la France ait déjà engagé le chantier du « Grenelle 2 » pour qu’elle puisse se prévaloir de la dynamique enclenchée.

Sur le texte lui-même, qui répond à une analyse extrêmement précise et pointue, je ne ferai que quelques remarques.

Le projet a été richement amendé et amplifié par nos collègues du Sénat. Certes, vous l’avez noté, monsieur le ministre d’État, tout n’est pas encore parfait. Il faudrait ainsi améliorer le traitement des déchets, sujet particulièrement complexe sur lequel nous avons d’ores et déjà procédé à des auditions. Dans le domaine de l’urbanisme, eu égard à la complexité et la hiérarchie des normes, nous devrons pouvoir « lisser » le code de l’urbanisme. Des sujets connexes peuvent d’ailleurs y être rattachés, comme le problème, déjà abordé lors de la discussion du projet de loi « Grenelle 1 », du rôle des architectes des bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Je pense, raisonnablement, que, dans le cadre du « Grenelle 2 », nous trouverons une solution nous permettant « d’en sortir par le haut ».

S’agissant de la gouvernance, il conviendrait d’approfondir les questions relatives à la représentativité.

En raison des investissements qu’elle suppose, cette fusée à trois étages ouvre des perspectives économiques importantes, mais il ne faudrait pas pour autant sous-estimer les coûts afférents. Il serait nécessaire de prévoir un système d’évaluation de la dépense publique qui permette d’apprécier, dans la durée, les résultats de la mise en œuvre globale du Grenelle, et de comparer l’efficacité des différentes mesures retenues, notamment de celles déjà appliquées en matière de bâtiments, de réduction de la consommation ou de prêts à taux zéro.

Pour conclure, je suis, à titre personnel, fier et heureux de participer à l’élaboration de ce texte pas comme les autres. S’il ne se trouve pas, du point de vue juridique, au sommet de la hiérarchie des normes, il représente, du point de vue sociétal et politique, ce qu’il y a de plus important pour un député.

Je suis par ailleurs très satisfait du déroulement des travaux en commission, avec un niveau de débat qui honore le Parlement et permet d’avoir des échanges extrêmement fructueux.

M. Philippe Tourtelier. Pour abonder dans le sens de M. Grouard, je remercie les rapporteurs d’avoir ouvert les auditions préalables, ce qui permet de discuter sereinement, d’évacuer les problèmes techniques et de gagner du temps.

S’agissant du contexte dans lequel s’inscrit ce texte, j’ai déjà eu l’occasion de souligner l’écart croissant entre la politique générale du Gouvernement et la démarche du Grenelle de l’environnement. Ainsi, alors que vous venez de rappeler, à juste titre, que les collectives territoriales se trouveront en première ligne pour sa mise en œuvre, on est en train de remettre en cause, non seulement leurs compétences, mais leurs moyens. Cela nuit à la bonne compréhension de la démarche du Grenelle par nos concitoyens, et je pense que cette incohérence n’est pas étrangère à la façon dont la taxe carbone a été accueillie.

S’agissant des outils contenus dans le projet de loi, les mesures à destination de la production me semblent insuffisantes.

La production est le fait des entreprises ; mais, en amont, il faut des financements. Il y a un mois, j’ai assisté, avec Mme Chantal Jouanno, à une journée d’étude fort intéressante sur le financement de la croissance verte, dont j’ai tiré plusieurs enseignements. Il serait ainsi intéressant de développer l’étiquetage environnemental des produits bancaires, ce qui n’est pas prévu par le texte. Par ailleurs, les banques ne peuvent ou ne veulent pas réaliser des investissements socialement responsables : comment pourrait-on les y inciter ? Enfin, j’ignore si cela est inclus dans l’article 82 du projet de loi, mais il convient de prévoir un suivi du prêt des banques, de manière à vérifier s’ils sont compatibles avec la démarche du Grenelle, ainsi qu’un suivi de la gestion des actifs des fonds d’assurance, afin de connaître les projets effectivement soutenus. Il serait alors possible de relayer l’information. Mais si le moteur de la production n’est pas bien dirigé, on pourra dire ce que l’on veut, rien ne changera.

En outre, la production, en France, est essentiellement le fait des PME ; or le projet de loi ne s’adresse qu’aux grandes entreprises. Je regrette ainsi que le seuil d’assujettissement des entreprises au bilan carbone ait été relevé de 250 à 500 salariés ; il aurait fallu rester à 250, quitte à prévoir des aides. De même, les dispositions de l’article 83 ne s’appliquent pas aux entreprises de plus de 500 salariés ; or, si l’on veut réellement provoquer un changement de mentalité dans le secteur de la production, il faut associer dès le départ l’ensemble du système productif, et donc les PME.

Le Président de la République avait dit, lors de la remise du rapport Stiglitz – je parle du rapport final –, qu’il s’agissait d’une révolution dans la manière dont on utilisait les indicateurs et que celle-ci devrait désormais irriguer tous les textes. Or on ne trouve rien de tel dans le projet de loi.

Enfin, je voudrais revenir sur votre réponse à la question sur le plan Bâtiment durant les questions au Gouvernement, cet après-midi. Certes, le mouvement est engagé, mais je vous avais alerté, il y a un an et demi, sur le goulet d’étranglement de la formation. Si je me félicite que vous ayez chargé Mme Valérie Létard de la mise en place du « pilier social » du développement durable, je crains une thrombose : entre le logement social, les bâtiments d’État et les prêts aux particuliers, comment arrivera-t-on à réaliser 400 000 rénovations de logements d’ici à 2013, sans prendre aucune mesure impérative ?

M. Yves Cochet. Je regrette, moi aussi, le retard pris dans l’examen à l’Assemblée du projet de loi « Grenelle 2 ». On avait pourtant l’impression que, pour une partie du Gouvernement, voire pour le Président de la République lui-même, il s’agissait d’un chantier prioritaire. Si nous pouvions vous aider à accélérer les choses, nous en serions fort aises !

Vous avez dit, monsieur le ministre d’État, que l’on allait vite, et même plus vite que prévu – mais va-t-on aussi vite que la dégradation de l’environnement ? Nous avions eu un débat, que vous aviez laissé ouvert, sur les indicateurs permettant de savoir si l’on allait dans la bonne direction. J’avais proposé l’empreinte écologique. Nous avions déposé une proposition de loi, que vous aviez, fort courtoisement, repoussée, en nous demandant d’attendre quelques mois que vous clarifiiez la question. Si le projet de loi « Grenelle 2 » était examiné au printemps prochain, cela laisserait le temps aux services de l’État d’avancer sur ce point ; nous pourrions alors, grâce à cet indicateur, évaluer en partie le contenu de la loi.

Il existe un autre indicateur, bien connu des physiciens depuis le XIXe siècle : l’entropie. J’observe que, sur la planète en général, mais en France plus particulièrement, l’entropie augmente, plus vite encore que le rattrapage permis par les dispositions législatives, et ce malgré votre bonne volonté.

Le projet de loi « Grenelle 2 » contient des mesures « néguentropiques » : il s’agit de tout ce qui concerne les économies d’énergie et les incitations à la sobriété, notamment dans le bâtiment. C’est, selon le moi, ce qu’il y a de meilleur dans les textes relatifs au Grenelle de l’environnement. En revanche, les investissements dans de grosses infrastructures sont très entropiques et ne me semblent pas aller dans le bon sens. De ce point de vue, le texte est mal équilibré.

Il existe par ailleurs des lacunes, que nous avions déjà relevées dans le « Grenelle 1 », sur des points très importants pour la santé de nos concitoyens, comme les risques industriels, le nucléaire, les sols pollués ou la déplétion minérale et pétrolière. Pourra-t-on introduire des amendements sur ces sujets qui semblent tabous ?

Par ailleurs, les conclusions du Grenelle de la mer n’ont pas été intégrées au texte, ce qui semble absurde. Autant tout faire d’un coup !

L’examen au Sénat a permis quelques avancées – ou plutôt des non-reculs. Ainsi, le sénateur Jean Bizet a voulu attaquer la loi « Littoral » : heureusement que le Gouvernement s’y est opposé, ainsi que la majorité de la gauche, soutenue par une partie de la droite !

Il n’y a pas que des choses positives dans le projet de loi. Ainsi, j’estime qu’il fallait rendre les SCOT compatibles avec les autres plans issus du Grenelle, comme les schémas régionaux de cohérence écologiques et les plans Climat-Énergie territoriaux. Pour l’instant, il n’en est rien. Vous montrerez-vous favorables aux amendements que nous proposerons en ce sens ?

S’agissant des transports, la prime à la casse est maintenue, à un niveau inférieur, pour 2010. Je suis très inquiet quant à sa future suppression : l’industrie automobile, qui a résisté tant bien que mal en 2009, risque de s’effondrer.

Trois millions de personnes en France souffrent de « précarité énergétique », c’est-à-dire que leur facture énergétique excède 10 % de leurs revenus. Ne faudrait-il pas ajouter dans le projet de loi un plan national de lutte contre la précarité énergétique ?

Enfin, le Haut comité des biotechnologies vient de rendre son avis concernant la définition de la filière « sans OGM » : les produits contenant moins de 0,1 % d’OGM sont considérés « sans OGM » ; entre 0,1 % et 0,9 %, on ne sait pas ; au-delà de 0,9 %, ils sont « avec OGM ». Cette définition vous satisfait-elle ?

M. le président Christian Jacob. Quel regret que vous n’ayez pas réussi à fendre l’armure pour voter en faveur du « Grenelle 1 » !

M. le ministre d’État. Il s’agissait d’une « abstention constructive », si je me rappelle bien l’expression de l’honorable parlementaire !

Je vous remercie tous pour la tonalité de ces débats : dans cette affaire, beaucoup de choses nous dépassent.

Sans vouloir commenter le fonctionnement des commissions, je me félicite que vos auditions soient ouvertes. Les sujets sont parfois très techniques et les mots, trompeurs.

Vous avez raison, monsieur Grouard : ce texte honore le Parlement. En définitive, c’est parce qu’en amont on a pris le temps du diagnostic partagé, lequel a débouché sur des objectifs également partagés, que l’on a pu mettre en place les comités opérationnels, trouver des réponses concrètes, et que tout s’enclenche si bien. La lenteur du processus de production commune est l’explication de l’extraordinaire vitesse d’exécution du plan.

Monsieur Cochet, nous ne dérogerons pas à cette règle pour le Grenelle de la mer. Le diagnostic a été établi, nous avons fait valider par le Président de la République les objectifs et les moyens financiers nécessaires, et nous venons de désigner les comités opérationnels ; ils n’ont pas à renégocier les objectifs, mais à définir comment on va procéder concrètement, et à sélectionner les outils financiers, fiscaux, contractuels ou législatifs dont on aura besoin. De grâce, ne brûlons pas les étapes sur un sujet aussi fondamental que la stratégie relative aux mers et aux océans – qui représentent 70 % de la planète, l’essentiel de nos ressources et le milieu le plus exposé ! Il faut prévoir au moins six mois de comités opérationnels.

Cela ne nous empêchera pas de rattacher au « Grenelle 2 » certains volets évidents, comme l’appel d’offres sur le fonds mondial d’énergie thermique. Mais faisons les choses dans l’ordre, c’est un gage de succès.

Monsieur Tourtelier, la formation aux chantiers thermiques est une préoccupation du Gouvernement. Les deux grandes fédérations, en particulier la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), réalisent un énorme travail en la matière. On compte aujourd’hui 19 000 artisans éco-formés ; ils devraient être de 60 000 à 70 000 de plus dans les douze prochains mois.

Il s’agit de l’un des deux dossiers que nous suivons tout particulièrement, avec ceux que je qualifierai d’« aigrefins », c’est-à-dire les investissements de particuliers qui n’ont guère d’effet sur la consommation d’énergie. Pour le programme, c’est une catastrophe. Aussi avons-nous mis au point des systèmes de suivi avec les préfets de deux départements et les fédérations professionnelles, afin de contrôler que les sommes investies soient bien rentables.

À mon avis, la machine est lancée. On dépassera les 400 000 rénovations de logement. Nous sommes en train de négocier, avec le président de l’Union sociale pour l’habitat, Thierry Repentin, une forte accélération dans son secteur : au lieu des 800 000 logements sociaux prévus, on devrait en rénover, durant la même période, 2,2 millions. Toutefois, je le reconnais, le goulet d’étranglement existe.

Quant aux indicateurs, vous connaissez ma conviction : les indicateurs du XXIe siècle, qu’ils soient macroéconomiques ou microéconomiques, ne seront pas ceux du XXe siècle. Par exemple, il existera un prix écologique, c’est-à-dire que le prix tiendra compte, d’une manière ou d’une autre, de la qualité du produit en termes de respect de l’environnement : un morceau de bois issu d’une forêt saccagée ne pourra durablement pas être vendu comme un morceau de bois provenant d’une forêt bien gérée. D’une certaine manière, le mécanisme de bonus-malus est un élément de modification du prix, mais il faut aller encore plus loin.

Sur les indicateurs macroéconomiques, nous disposons du rapport Stiglitz. Nous avons saisi l’INSEE de la question, ainsi que le Commissariat général au développement durable, pour ce qui concerne l’indicateur écologique. S’agissant de l’empreinte écologique, monsieur Cochet, vous savez les réserves techniques qui ont été émises sur la définition que vous en faites, ainsi que les problèmes de propriété intellectuelle soulevés par la notion. Cela ne signifie cependant pas que, sur le fond, votre approche soit contestable. Nous n’excluons pas de faire une proposition technique d’ici au vote du projet de loi.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur Tourtelier, l’évaluation environnementale des prêts bancaires n’est pas incluse dans le texte. Toutefois, elle est déjà réalisée, notamment par l’ADEME.

En revanche, vous avez raison, le suivi des outils de financement est un réel problème. Vont-ils être affectés aux bonnes opérations ? Cela ne nécessite probablement pas une intervention législative, mais il serait intéressant de le vérifier, en liaison avec les professionnels.

Un amendement du Gouvernement a introduit dans le texte du Sénat des dispositions relatives aux risques industriels, reprenant une partie des conclusions de la table ronde sur les risques industriels. Le reste sera ajouté à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée, une fois les derniers arbitrages rendus, notamment sur le financement des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

S’agissant du Grenelle de la mer, nous avons transposé la directive sur la stratégie maritime, et une ou deux autres transpositions ont été réalisées durant la discussion au Sénat. On pourra éventuellement en examiner d’autres, notamment en ce qui concerne le Conseil national du littoral.

S’agissant de la précarité énergétique, les fortes évolutions des prix de l’énergie entre 2001 et 2006 ont pénalisé les premiers déciles de la population : la facture énergétique est passée de 10 à 15 % de leurs revenus. M. Jean-Louis Borloo a confié à Mme Valérie Létard la préparation d’un plan de lutte contre la précarité énergétique ; elle doit le présenter d’ici à la fin de l’année.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Le problème de la prime à la casse, c’est d’en sortir ! Il faut une sortie dégressive et en sifflet, ce qui est compliqué à réaliser. Nous avons prévu pour 2009 une prime de 1 000 euros, qui sera réduite à 800 euros au premier semestre 2010, puis à 500 euros au second semestre, avant de passer à 300 euros. Reste à savoir comment fonctionnera l’industrie automobile à l’issue du dispositif. Quoi qu’il en soit, cela me semble la seule méthode possible.

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. S’agissant des OGM, il faut étudier comment transposer l’avis du Haut conseil des biotechnologies.

Pour les végétaux, sous le seuil de 0,1 %, qui est le seuil de mesure, on indiquera « sans OGM » ; entre 0,1 et 0,9 %, il n’y a pas d’étiquette ; au-delà, l’étiquette portera la mention « avec OGM ».

M. Yves Cochet. L’étiquette portera la mention « avec OGM » ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Obligatoirement : c’est le droit communautaire.

Pour les aliments destinés aux animaux, notre premier impératif doit être de développer les protéines végétales, qui manquent crucialement en France, ce qui nous oblige à importer. Sous 0,1 %, la mention est « sans OGM » ; entre 0,1 et 0,9 %, il conviendra de définir un étiquetage, car cela représente un effort notable ; au-dessus de 0,9 %, il n’y a pas d’étiquetage.

Cela a le mérite d’être clair et, surtout, consensuel.

M. Yves Cochet. Le consensus n’est pas une garantie de qualité ! Je ne pense pas que le débat soit clos.

M. le président Christian Jacob. Je ne le pense pas non plus, mais pour d’autres raisons. La situation reste susceptible d’évolution.

Mme Catherine Quéré. L’appauvrissement de la diversité biologique constitue une menace aussi pressante que le changement climatique. L’une des priorités du Grenelle de l’environnement est la création d’une continuité écologique grâce à la constitution d’une trame verte et bleue. L’enjeu est de constituer sur le territoire national des trames écologiques de qualité, qui s’appuieront sur un réseau cohérent d’espaces protégés.

Ces trames vertes et bleues bénéficieront-elles d’un niveau de priorité et de contrainte suffisantes par rapport aux autres infrastructures, notamment les projets d’équipement ?

Les agriculteurs, obligés de renoncer à des terres pour former ces corridors, seront-ils indemnisés ? Dans l’état actuel de notre agriculture, peut-on demander aux exploitants de faire des efforts sans compensations ?

Les terres engagées dans des démarches de qualité – en particulier dans l’agriculture biologique –, qui ne constituent pas des ruptures, ne pourraient-elles pas faire partie intégrante de la trame verte ou de la trame bleue ?

L’État est-il prêt à dresser l’inventaire de son patrimoine naturel ?

Il conviendra d’être économe dans la consommation de l’espace, et se garder de tout excès. La ruralité n’est pas qu’un ensemble de beaux paysages : elle constitue un lieu de vie à part entière dans lequel l’activité économique doit être développée. Même si nous devons être ambitieux en matière de développement durable, soyons attentifs à ne pas défendre une conception environnementaliste déconnectée des activités humaines !

M. Christophe Bouillon. M. le ministre d’État a parlé de « passage à l’acte », de « boîte à outils » destinée à mettre en œuvre les objectifs ambitieux du Grenelle de l’environnement – notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables –, de Commission nationale du débat public « grenellisée ». Mais je connais un cas concret qui contredit ces affirmations.

En matière de production d’énergie, la région Haute-Normandie accueille deux projets majeurs. S’agissant de la construction d’un réacteur EPR à Penly, je ne reviendrai pas sur les interrogations exprimées par l’Autorité de sûreté au sujet des systèmes de contrôle de ce type de réacteur, si ce n’est pour rappeler nos exigences en termes de transparence. Le deuxième projet est un champ d’éoliennes situé au large du Tréport, à quelques kilomètres seulement de Penly. Il représente un investissement supérieur à 1,8 milliard d’euros et constitue une opportunité pour le dynamisme économique de notre région et pour l’emploi. Concrètement, il s’agit d’implanter 141 éoliennes à quatorze kilomètres de la côte normande. La puissance envisagée – 705 mégawatts, soit la moitié de celle de l’EPR – correspond aux besoins d’une population estimée à 900 000 habitants, et équivaut à une économie de 1,5 million de tonnes de gaz carbonique chaque année.

Malgré l’intérêt évident de ce projet, qui correspond aux ambitions de la loi « Grenelle 1 » et recueille l’assentiment des élus locaux de tous bords, le ministère a sommé la Commission nationale du débat public de surseoir aux débats. Si nous en sommes au moment du « passage à l’acte », il est pourtant nécessaire de ne plus perdre de temps. Lier le social, l’économique et l’écologique, n’est-ce pas ce que l’on appelle le développement durable ?

M. Michel Havard. Le plan Bâtiment du Grenelle montre notre ambition en matière de rénovation du bâtiment, notamment en ce qui concerne l’amélioration des performances énergétiques. Mais outre cet aspect, la question de la qualité environnementale du bâtiment est aussi de plus en plus souvent évoquée, et en particulier celle de la qualité de l’air intérieur. Comment le projet de loi « Grenelle 2 » pourrait-il prendre en compte cette question, qui ne concerne pas seulement les bâtiments publics ?

Nous devons mettre en place des outils destinés à faciliter la rénovation énergétique et l’amélioration environnementale du bâti. À ce propos, ne serait-il pas possible de prévoir des dispositions concernant les règlements de copropriété ?

En ce qui concerne les énergies renouvelables, notre ambition est de porter à 23 % la part qu’elles prennent dans la consommation du pays. Mais nous ne parviendrons pas à atteindre cet objectif sans développer la production d’énergie éolienne, ce qui implique de rendre les implantations plus acceptables. C’est pourquoi non seulement les premiers projets en ce domaine doivent être lancés le plus vite possible, mais ils doivent aussi l’être de façon exemplaire. Les conditions de réalisation du premier champ d’éoliennes, qu’il soit terrestre ou offshore – pour ma part, je crois beaucoup à cette dernière option – seront déterminantes. Il faut tout mettre en œuvre pour réussir cette étape.

S’agissant de la conférence de Copenhague, l’ambassadeur chargé des négociations climatiques nous a fait part de difficultés causées par certains pays qui préféreraient prendre des engagements nationaux plutôt que de signer un traité. Serge Grouard a eu raison de souligner le rôle moteur joué par la France et par l’Europe dans les négociations en cours. Avez-vous connaissance d’éléments nouveaux ?

En accord avec M. Jean-Louis Borloo et Mme Chantal Jouanno, le Président de la République m’a confié une mission sur la mise en œuvre des bilans carbone et sur l’article 26 du projet de loi « Grenelle 2 ». Si le président Jacob en est d’accord, je proposerai de prévoir avant la fin de l’année une séance de travail sur le sujet, notamment sur les seuils.

M. Jean-Paul Chanteguet. Au sujet des trames vertes et bleues, je suis moins enthousiaste que M. le ministre d’État. Je crains fort que, sur le terrain, les acteurs chargés de leur mise en œuvre ne rencontrent des difficultés, et que l’on assiste à des réactions négatives. Il est nécessaire de prévoir des compensations pour les collectivités locales, les propriétaires et les exploitants.

La loi « Grenelle 1 » prévoyait l’acquisition de 20 000 hectares de zones humides. Le projet de loi « Grenelle 2 » donne aux agences de l’eau la possibilité d’acheter ces terrains ou d’en financer l’acquisition, ce qui est une très bonne chose, mais je ne suis pas sûr qu’une telle politique constitue pour elles une priorité.

Un article du projet de loi concerne les parcs naturels régionaux. L’allongement à douze ans de la validité des chartes est particulièrement satisfaisant, de même que les dispositions visant à assouplir les procédures de révision. Pensez-vous que le Marais poitevin pourra à nouveau bénéficier d’un classement en parc naturel régional ?

M. Jean-Marie Sermier. Le texte « Grenelle 2 » aborde bien évidemment les problèmes énergétiques, mais il y est peu question d’hydrogène. Cette source d’énergie existe pourtant, en tant que sous-produit de l’industrie – une entreprise située dans ma circonscription, Solvay, en est le premier producteur national – et peut donc être consommée. Un certain nombre de pays européens ne s’y sont pas trompés : l’Allemagne, en particulier, souhaite devenir le leader du marché, et a mis au point, dans ce but, un vaste programme d’innovation doté de 1,4 milliard d’euros. Des constructeurs automobiles – Daimler, Ford, General Motors, Hyundai, Nissan – se sont également engagés sur ce créneau. Je ne pense pas que la France puisse prendre du retard dans ce domaine, d’autant que ce serait pour des raisons plus philosophiques que techniques. Il ne s’agit pas d’intervenir au niveau de la recherche, mais de créer une économie pilote avec la R & D existante. Il serait bon que le projet de loi « Grenelle 2 » soit l’occasion de s’interroger sur les moyens de tester cette énergie nouvelle.

M. Jean-Luc Pérat. Je souhaitais vous interroger sur deux aspects de la politique de l’eau : la lutte contre les inondations d’une part, la logique des bassins versants de l’autre. Lorsque des territoires s’étendent sur plusieurs pays, départements ou régions, quelle stratégie pourrait-on mettre en place afin de privilégier la logique du bassin versant et de mutualiser les énergies ?

Les élus de territoires ruraux sont souvent confrontés à la pollution des fossés, mares et nappes phréatiques provenant de l’assainissement autonome. De nombreuses habitations, en effet, ne sont pas raccordées à l’assainissement collectif et ne le seront jamais. Leurs propriétaires sont soumis à un certain nombre d’obligations, mais ils ont aussi besoin d’être encouragés. C’est un enjeu important pour les prochaines années, car beaucoup de fermes anciennes sont désormais occupées par de jeunes ménages, plus exigeants en matière de confort, et qui contribuent involontairement à polluer les sols. Quel est votre avis ?

Enfin, je souhaite demander à M. Bussereau quelle place sera faite à l’aménagement routier dans les prochaines années. La loi « Grenelle 1 » prévoyait la possibilité de réaliser des travaux pour désenclaver certains territoires ou aménager les routes particulièrement accidentogènes. Certains projets remontent à plusieurs années et font l’objet de grandes attentes. Je ne citerai que le cas de la route nationale 2, qui concerne un territoire isolé situé entre la région parisienne et la Belgique.

M. André Chassaigne. Je souhaite revenir sur une dimension très importante mais peu abordée, la dimension sociale. Le risque est réel, en effet, que l’on ne cherche à résoudre le grave problème sociétal qu’est la sauvegarde de la planète et de ses habitants sans prendre en compte les questions sociales. Cette crainte est d’ailleurs largement ressentie, comme en témoignent les articles que je peux lire ici ou là – et pas seulement sous la plume d’auteurs de ma sensibilité politique. On a le sentiment que l’action conduite actuellement tend à sauvegarder un système et des moyens de production – propre au libéralisme, mais que l’on a aussi connu sous d’autres régimes – marqués par un productivisme outrancier. Le risque vient du refus, en particulier dans les économies libérales, de prendre en compte les coûts de ce que l’on appelle les externalités environnementales. C’est vrai pour la production comme pour la consommation – je pense notamment aux transports. Si nous ne cherchons pas à internaliser ces coûts, nous ne parviendrons pas à régler le problème. Or le texte du projet de loi n’apporte aucune réponse à cet égard : au contraire, il est bâti sur ce que ce que d’aucuns appellent un « individualisme éthique forcené » – on considère que les solutions sont d’abord individuelles.

Bien sûr, je suis conscient qu’une part de prise de conscience individuelle est nécessaire. Ce n’est pas pour rien que j’ai présenté un amendement en faveur d’une fiscalité incitative en matière d’enlèvement des ordures ménagères. Mais si l’on s’en tient là, on risque d’aboutir à de véritables déséquilibres sociaux. Quitte à employer une expression brutale, il ne faudrait pas qu’au final les « pauvres » soient considérés comme responsables, ni qu’ils supportent le coût de toutes les réformes envisagées. Imposer le changement plutôt que faire prendre conscience de sa nécessité, se contenter de mettre en place des mesures de taxation, c’est faire preuve de ce que j’appelle le « pétainisme vert ». L’objectif est que ces questions soient intellectuellement maîtrisées et que les gens s’approprient leur nouveau mode de vie. Si nous tentons d’imposer les changements de l’extérieur, les résultats obtenus iront à l’encontre des buts recherchés, et c’est particulièrement vrai en ce qui concerne les agriculteurs.

S’agissant de la responsabilité environnementale, nous devons franchir un nouveau pas et faire en sorte que les maisons mères soient responsables de leurs filiales, ce que ne prévoit pas la loi du 1er août 2008. Certaines PME sont contraintes par leur maison mère à faire encore plus d’efforts en matière de prix et de compétitivité, mais elles doivent en subir seules les conséquences. Nous devons donc aller plus loin, comme cela nous a d’ailleurs été promis. Pour autant, le problème ne concerne pas seulement les relations avec les filiales, mais aussi avec les fournisseurs. Lors des négociations sur le cahier des charges, il est indispensable que le critère environnemental soit pris en compte, qu’il s’agisse du marché intérieur ou des importations.

Parallèlement à l’examen de la loi « Grenelle 2 », une loi de modernisation agricole va également nous être présentée. Or certains problèmes sont communs aux deux textes : je pense par exemple au foncier, et en particulier à la question de savoir s’il faut favoriser le développement urbain ou bien, au contraire, le contenir. Il s’agit d’un choix fondamental qui concerne largement l’agriculture. Or le sujet a été évoqué à l’occasion de l’examen de la loi sur les territoires ruraux ou de la loi d’orientation agricole, sans que la question du foncier soit jamais résolue. Nous devons donc adopter une approche globale et mener un travail commun sur les deux projets de loi.

Enfin, nous devons être attentifs à ce que les grands choix que nous allons effectuer – trames vertes et bleues, développement de l’agriculture biologique – ne soient pas qu’un moyen de se donner bonne conscience. Il ne faudrait pas, en effet, que la protection de ces espaces réduits soit le prétexte à laisser le reste du territoire hors de toute contrainte.

M. Jean-Pierre Marcon. En tant que président de l’OPAC de mon département, je souhaite aborder une question qui me tient à cœur, celle de la performance énergétique des logements sociaux. Longtemps, dans la famille HLM, la principale préoccupation des conseils d’administration a été de ne pas trop augmenter les loyers, au risque de négliger le problème posé par les charges. En conséquence, depuis quelques années, alors que l’augmentation du loyer est presque nulle, on observe un alourdissement considérable des charges, ce qui n’est pas sans effet sur la précarité sociale.

Alors que nous lançons de grands programmes de logements neufs, et Dieu sait s’ils sont nécessaires, notamment dans les régions où le marché est très tendu, je me demande si le moment n’est pas venu de se préoccuper plus particulièrement du parc existant, notamment dans les zones où la demande est moins importante – montagne, territoires ruraux –, c’est-à-dire dans des endroits touchés par la désertification, où les programmes neufs sont rares et, quand ils existent, difficiles à mettre en œuvre. Ne faudrait-il pas, dans ces secteurs, renforcer les contraintes en termes d’amélioration des logements, notamment en réorientant certains crédits classiques, PLS ou PLAI ?

De même, ne faudrait-il pas accroître nos exigences en ce qui concerne les chaufferies collectives, qui n’ont jamais fait l’objet de diagnostics précis ?

Enfin, je me demande si nous ne devrions pas consacrer une plus grande part des crédits européens à la rénovation immobilière dans ces régions défavorisées. Nous pourrions obtenir des avancées substantielles, d’autant qu’il est possible, avec des organismes comme les OPAC, de contractualiser sur des montages et des échéanciers précis.

M. Frédéric Cuvillier. L’autosatisfaction exprimée par le Gouvernement à propos des textes « Grenelle » ne me paraît que modérément justifiée. Et, comme mon collègue André Chassaigne, je note que l’on ne peut pas isoler les questions environnementales du contexte socio-économique général, et en particulier des questions de justice sociale. C’est particulièrement vrai pour l’habitat. À cet égard, je crains que le Borloo du « Grenelle » ne s’oppose à celui de la loi pour la rénovation urbaine. Il est sans doute justifié d’aider les bailleurs sociaux à améliorer la performance énergétique des bâtiments, mais si cela revient à couper dans les crédits PALULOS, par exemple, nous risquons de faire ce que nous avons fait pendant des décennies : se contenter de modifier l’enveloppe, alors que certains parcs de logements nécessitent une action curative telle que l’ANRU a pu la mener. Pour certains logements, ce n’est pas seulement la qualité environnementale qui est en jeu, mais c’est aussi la simple habitabilité. Si nous ne les mettons pas à niveau, si nous nous contentons d’une approche énergétique, nous risquons de reparler du problème dans quelques années.

En ce qui concerne le Grenelle de la mer, je ne suis pas totalement convaincu par la réponse qui a été apportée. Nous avons tout le temps nécessaire pour prendre en compte ses conclusions dans le cadre du projet de loi « Grenelle 2 ». À défaut, ce texte resterait incomplet. Les débats consacrés à la mer ont pourtant été nombreux : je pense non seulement au Grenelle de l’environnement et au Grenelle de la mer – qui, au passage, laissait de côté la question de la ressource et des pêcheurs –, mais aussi aux Assises de la pêche, aux discussions sur les ports, ainsi, plus récemment, qu’au plan fret, qui comprend des dispositions relatives aux liaisons mer/rail.

Mais les enjeux les plus importants sont encore ceux relatifs à l’interface terre/mer, c’est-à-dire au littoral. Les questions environnementales liées au littoral sont en effet nombreuses : elles vont de la pression foncière et du surenchérissement des loyers auxquels doivent faire face les habitants des régions de la façade maritime aux problèmes de pollution – car en matière de déchets, on le sait, tout va à la mer. Toutes ces questions étaient d’ailleurs au menu des dernières journées d’études de l’Association nationale des élus du littoral, justement consacrées au Grenelle de la mer. Alors que plus de 300 personnes étaient présentes, aucun ministre ne s’est déplacé parmi la dizaine invitée à participer aux travaux : cela montre de quelle façon le témoignage des élus est pris en compte.

Enfin, au moment où l’on prétend qu’il est trop tôt pour mettre en œuvre les conclusions du Grenelle de la mer, j’observe, monsieur l’ancien ministre de la mer, que les missions se succèdent pour traiter de la pêche en eaux profondes, qui concerne pourtant une des ressources les plus protégées, et en tout cas les plus utiles pour la recherche.

M. le président Christian Jacob. Je rappelle que nous avons confié à nos collègues Philippe Duron et Alain Gest une mission d’information sur le transport multimodal, ce qui comprend les liaisons mer/rail, mais aussi la liaison avec le fluvial. Ils présenteront leurs premières conclusions lors de notre réunion du 10 novembre.

Le monde agricole connaît une crise très grave, dont les causes sont essentiellement structurelles. Nous devons donc tenir compte du rôle économique joué par ce secteur. S’il faut aller plus loin dans le domaine du respect de l’environnement, il n’en demeure pas moins, et ce n’est pas contradictoire, que nous devons veiller à ce que notre agriculture reste performante et compétitive, surtout à un moment où la demande alimentaire mondiale augmente et où certains soutiens à la politique agricole sont remis en cause. Nous devons donc progresser sur certains sujets d’ordre agronomique : les rotations, les cultures dérobées offrent en effet des marges de productivité. Quoi qu’il en soit, rien ne serait pire que d’adopter une approche ayant pour conséquence de casser la compétitivité de notre agriculture – comme d’ailleurs celle de n’importe quel secteur économique. De même, il est important de lutter contre l’artificialisation des sols. Nous avions posé ce principe dans le cadre de la loi « Grenelle 1 », mais la loi « Grenelle 2 » devra le confirmer.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Je ne ferai pas de remarques sur la pêche, monsieur Cuvillier, si ce n’est qu’il s’agit d’un sujet très important et très politique au sens noble du terme.

Quant au transport multimodal, il est évidemment au cœur de la réforme des ports mis en place par la loi de 2008 et du plan pour le fret ferroviaire. La SNCF et les autres opérateurs considèrent la desserte des ports comme un des domaines où le transport ferroviaire est le plus pertinent du point de vue économique. Cela est également vrai pour les grands ports régionaux et pas seulement pour les sept ports gérés par l’État.

En ce qui concerne l’aménagement routier, la loi « Grenelle 1 » n’a pas entraîné la fin des investissements dans notre pays. Sur le réseau de l’État, de nouveaux chantiers sont lancés dans trois situations : lorsque se posent des problèmes de sécurité routière, en cas de congestion, ou lorsque l’intérêt local est en jeu, c’est-à-dire dans une optique d’aménagement du territoire. Nous avons toutefois changé d’instrument : plutôt que de passer par les contrats de projet État-régions, nous avons recours aux PDMI, les programmes de développement et de modernisation des itinéraires. Chaque préfet de région s’est vu notifier son enveloppe, pour un total de 3,5 milliards d’euros jusqu’en 2014. Dans certains cas, les régions et les départements apportent leur concours pour le financement des projets. La RN 2, de son côté, constitue un cas compliqué dont je préfère vous parler directement. Nous continuons donc d’aménager des routes, tout en privilégiant, en ce qui concerne le fret, le report modal vers le fer, le fluvial et le maritime.

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Certains orateurs ont souligné la nécessité de bien intégrer les activités humaines et économiques dans la défense de l’environnement. Le Sénat a justement modifié en ce sens l’article 45 du projet de loi, afin que les trames vertes et bleues prennent en compte « les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ». Mme Quéré m’a interrogée sur le régime de priorité de la trame verte et de la trame bleue par rapport aux autres infrastructures. Sur le plan national, ces trames sont opposables au Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. En revanche, pour ce qui concerne les projets locaux, le principe est que les documents d’urbanisme prennent en compte la trame verte et la trame bleue. Il ne s’agit donc pas de réclamer une compatibilité absolue, ni de prévoir un simple devoir d’information.

Certains éléments des trames vertes et bleues, telles que les prairies ou les haies, n’appellent aucune indemnisation des agriculteurs. Par contre, une indemnisation peut être nécessaire lorsqu’il s’agit de rétablir des continuités écologiques ou de changer les pratiques agricoles. Dans ce cas, les outils de la PAC, et tout particulièrement les mesures agro-environnementales, sont mobilisables.

Peut-on intégrer l’agriculture biologique dans les trames vertes et bleues ? Une prairie ne pose aucune difficulté, mais s’il s’agit d’un champ cultivé, même de façon biologique, la réponse est évidemment négative : un sol labouré n’est pas un site pouvant accueillir la biodiversité. Tout ce qui relève de l’agriculture biologique n’a donc pas vocation à entrer dans la trame verte ou dans la trame bleue.

Il est exact, monsieur Bouillon, que le projet du Tréport est de grande ampleur : plus de 140 éoliennes. C’est pourquoi nous ne voulons pas commettre la même erreur qu’à Veulettes-sur-Mer, où un chantier de même nature, et qui était pourtant bien engagé, a pris du retard à cause du nombre de recours judiciaires. Nous n’avons absolument pas l’intention d’abandonner le projet du Tréport, mais avant même d’aborder le débat public dans le cadre de la CNDP, il nous reste à achever la phase de concertation.

M. Havard a posé une question sur la qualité de l’air dans les bâtiments. La logique des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie est justement de chercher à concilier deux exigences qui, jusqu’à présent, étaient souvent dissociées : celle du climat, qui suppose de construire des maisons fonctionnant comme des bouteilles thermos, et celle de la qualité de l’air. Pour l’élaboration des futures normes de construction – basse consommation en 2012, énergie positive en 2020 –, il est donc prévu de tenir compte de ce dernier critère. Les programmes de surveillance de la qualité de l’air qui ont été mis en place, notamment pour ce qui concerne les crèches et les écoles, nous permettront de définir des indicateurs pertinents dans ce domaine.

Bien évidemment, la question des copropriétés concerne avant tout mon collègue Benoist Apparu. Toutefois, le projet de loi prévoit d’obliger les copropriétaires à mettre les questions relatives à la performance énergétique à l’ordre du jour de leurs réunions.

M. Havard a également insisté sur la nécessaire exemplarité des premiers projets de champs éoliens, surtout offshore. Sachez que, sur les 6 000 mâts supplémentaires envisagés, environ 1 500 seraient construits en mer. Le projet de loi prévoit l’organisation par les préfets de la façade maritime d’une phase de concertation destinée à définir les zones à aménager. En effet, les règles classiques de l’urbanisme ne s’appliquent pas aux éoliennes érigées en mer. Grosso modo, on procède comme pour les phares, ce qui suppose de définir les zones d’implantation en concertation avec les collectivités riveraines.

En ce qui concerne le sommet de Copenhague, la COP15 qui se réunit depuis lundi travaille toujours sur le texte d’un traité, et les débats tendent à s’améliorer. Il est vrai que de nombreux experts, dont notamment Ban Ki-moon, considèrent que nous ne serons pas prêts à signer un traité à Copenhague et envisagent plutôt un accord politique. Toutefois, nous ne désespérons pas d’avancer dans la voie du traité.

M. Chanteguet m’a demandé si les agences de l’eau seraient en capacité d’acquérir 20 000 hectares de zones humides. En réalité, de telles acquisitions, dont le coût est estimé entre 200 et 300 millions d’euros, ne représentent pas une dépense considérable pour des agences dotées d’un budget global annuel de 2 milliards d’euros. En outre, elles s’étaleront sur plusieurs années.

S’agissant du Marais poitevin, un amendement du Gouvernement au projet de loi « Grenelle 2 » prévoit la création d’un établissement public pour exercer les compétences de l’État sur le site. Comme celui-ci s’étend sur plusieurs régions et plusieurs départements, les services de l’État ne parvenaient pas toujours à se mettre d’accord pour prescrire les mêmes obligations : un établissement public permettra d’adopter une vision commune. Quant à la question de savoir si le marais doit retrouver son label de parc naturel régional, la décision n’est pas encore prise. Le Comité national de protection de la nature y est hostile, mais la Fédération des parcs naturels a émis un avis favorable à ce projet.

J’en viens à la question de l’hydrogène. Vous savez, monsieur Sermier, que le Président de la République nous avait donné pour consigne d’augmenter de 1 milliard d’euros d’ici à 2012 les crédits consacrés à la recherche. En fait, la mobilisation atteint 1,5 milliard d’euros, et un fonds démonstrateur a été mis en place. Les crédits consacrés plus spécifiquement à la recherche sur l’hydrogène s’élèvent, quant à eux, à 55 millions d’euros. Nous n’avons donc pas du tout abandonné cette voie mais, en tout état de cause, on ne peut prévoir aucune perspective de développement avant 2015 ou 2020. Encore faudrait-il distinguer l’hydrogène carburant de celui qui alimente une pile à combustible.

M. Pérat souhaite qu’une stratégie soit définie pour les bassins versants. La loi sur l’eau de 2006 avait déjà intégré cette dimension par le biais des SAGE, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, et des EPTB, les établissements publics territoriaux de bassin. Le projet de loi « Grenelle 2 » renforce la reconnaissance et la lisibilité de ces établissements, notamment grâce à un financement sous forme de redevance.

L’assainissement non collectif est un enjeu important, puisqu’il concerne 18 % des habitations. L’article 57 du projet de loi prévoit notamment qu’aucun permis de construire ne puisse être délivré sans que la présence d’un tel assainissement soit garantie. Il donne également la possibilité d’effectuer des travaux d’office.

M. Chassaigne s’est préoccupé de l’intégration de la problématique sociale. Si je ne crois pas vraiment à une opposition entre l’écologie et l’économie, je pense que nous devons faire attention à ne pas opposer l’écologie et le social. L’écologie peut tout à fait se résoudre sur le dos de la pauvreté, y compris à l’échelle internationale. Nous tenons donc compte de la dimension sociale à plusieurs niveaux. Ainsi, la taxe carbone a un effet redistributif, même si elle n’a pas été prévue pour cela. Pour les cinq premiers déciles de la population, le montant du crédit d’impôt est supérieur au coût représenté par la taxe carbone.

M. André Chassaigne. Je pourrais vous démontrer le contraire !

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. De même, en matière d’habitat, nous avons voulu commencer par la rénovation des 100 000 logements sociaux les plus dégradés, grâce à un prêt de 1,2 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations.

Les trames vertes et bleues ou l’agriculture biologique ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt, dites-vous. Mais, au-delà de ces dispositions, le projet de loi comprend d’autres engagements fondamentaux. Il est par exemple prévu que 50 % des exploitations agricoles puissent adopter une démarche de haute valeur environnementale. De même, les agriculteurs se sont engagés, dans le cadre du plan ÉCOPHYTO 2018, à réduire de moitié l’usage de produits phytosanitaires d’ici à dix ans.

Monsieur Marcon, la performance énergétique des logements sociaux est généralement meilleure que celle des logements privés : l’écart est même de l’ordre de 30 %. Il appartient à Benoist Apparu de répondre à la plupart de vos propositions, mais sachez que nous avons pris l’engagement de rénover 800 000 logements sociaux appartenant aux classes énergétiques les plus dégradées. Le prêt de la Caisse des dépôts – à un taux théorique de 1,9 %, mais en réalité proche de zéro grâce à l’exonération de taxe foncière – permettra de financer la rénovation thermique de 100 000 logements sociaux.

Non, monsieur Cuvillier, le « Borloo du Grenelle » n’est pas « l’anti-Borloo » de la rénovation urbaine. L’ANRU continue à intervenir, tout en prenant en compte la notion de précarité énergétique et des critères environnementaux. Il n’y a aucun effet de vases communicants : nous voulons le fromage et le dessert !

Par ailleurs, si nous n’avons pas inclus dans le projet de loi « Grenelle 2 » tous les engagements du Grenelle de la mer, c’est d’abord parce qu’un comité interministériel de la mer doit se tenir avant la fin de l’année, et ensuite parce que des comités opérationnels, semblables à ceux qui avaient été constitués après le Grenelle de l’environnement, ont justement pour rôle de les mettre en œuvre. Cela étant, compte tenu du calendrier envisagé, nous pensons pouvoir intégrer certains éléments dans le texte du projet en discussion.

Au sujet de la mer, l’une des questions fondamentales est la pollution venant de la terre, qui est à l’origine de 80 % de la pollution marine. Un gros travail doit donc être fourni sur l’assainissement, ce que prévoit le projet de loi. Mais la question des eaux pluviales reste à résoudre, le Sénat ayant voté contre le Gouvernement sur ce sujet.

Quant au congrès de l’ANEL, l’Association des élus du littoral, je n’y ai pas été invitée.

M. Frédéric Cuvillier. J’ai pourtant votre lettre d’excuse !

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Pardonnez-moi, je pensais ne pas avoir reçu d’invitation.

En ce qui concerne la prise en compte des conditions économiques, monsieur le président, j’ai rappelé la précision ajoutée par le Sénat à l’article 45. Peut-être serait-il nécessaire de prévoir une disposition de portée plus générale, et pas seulement propre aux trames vertes et bleues. Quoi qu’il en soit, la dimension économique n’est jamais perdue de vue. Ainsi, en ce qui concerne la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, il est bien précisé que l’objectif d’une réduction de moitié doit être atteint « si possible » avant 2018.

M. le président Christian Jacob. C’est avant tout sur la logique de compétitivité que nous devons progresser. Par exemple, les rotations, les cultures dérobées donnent la possibilité de réaliser deux cultures en une année tout en assurant les couverts végétaux.

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Les couverts végétaux sont en effet très importants, surtout en hiver.

S’agissant de l’artificialisation des sols, il y a lieu de s’interroger. Les études des SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, nous permettent de connaître l’état des sols agricoles, mais il n’existe aucun équivalent pour les espaces naturels. Il serait peut-être nécessaire de mettre en place un observatoire à ce sujet.

Par ailleurs, la FNSEA nous a saisis de la question du développement de la production d’énergie photovoltaïque au sol. Un accord a été trouvé pour encadrer de tels aménagements, soumis à un permis de construire. Afin d’éviter les abus, la Fédération a également suggéré la mise en place d’une commission pour le déclassement des sols, mais cette mesure n’est pas de nature législative.

M. le président Christian Jacob. Ce que je voulais dire, c’est que l’autorisation de faire deux récoltes dans l’année pourrait constituer un moyen d’assurer le couvert végétal. Mais tout dépend de la qualité agronomique des sols. Ainsi, les terres composées à plus de 30 % d’argile ont besoin de prendre le gel, et doivent donc être labourées très tôt, au mois de novembre. Mettre un couvert végétal sur ce type de sol reviendrait à empêcher le travail de la terre au printemps. C’est à de tels éléments que je fais référence lorsque je souligne qu’il faut prendre en compte les exigences de compétitivité dans l’agriculture.

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Il est vrai qu’il n’est pas toujours possible d’appliquer certaines mesures. C’est justement pourquoi les programmes d’action contre les nitrates prévoient des dérogations pour ce type de sol. J’ajoute qu’il faut inciter à ce que les couverts végétaux prennent la forme de cultures de légumineuses.

M. André Chassaigne. Qu’en est-il de la responsabilité environnementale des entreprises ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Des dispositions sur les relations entre sociétés mères et filiales sont prévues dans le projet de loi, mais il est vrai qu’il s’agit d’un sujet sur lequel nous avons du mal à progresser.

M. André Chassaigne. C’est le capital qui fait blocage !

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le capital international, alors, car l’obstacle vient de l’application de certaines règles de droit international. Toutefois, l’examen devant le Sénat a été l’occasion de progresser.

M. le président Christian Jacob. Comme d’habitude, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’état, vous avez répondu à toutes nos questions, et je vous en remercie.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 4 novembre 2009 à 16 h 15

Présents. - M. Maxime Bono, M. Christophe Bouillon, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Yves Cochet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Lucien Degauchy, M. Yannick Favennec, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Christian Jacob, M. Pierre Lang, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet.

Excusés. - M. Philippe Duron, M. Jean-Pierre Giran, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager.