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Mercredi 25 novembre 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Examen de la proposition de loi instaurant une planification écologique (n° 1991) (Mme Martine Billard, rapporteure)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Martine Billard, la proposition de loi instaurant une planification écologique (n° 1991).

M. le président Christian Jacob. Je donne sans plus tarder la parole à Martine Billard, que nous sommes heureux d’accueillir au sein de notre commission afin qu’elle présente sa proposition de loi visant à instaurer une planification écologique.

Mme Martine Billard, rapporteure. Ce texte que je présente au nom du groupe GDR trouve son origine dans le constat sans doute unanime de la gravité de la crise écologique que nous traversons. En effet, le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre entraîne sécheresses, aggravation de certains épisodes climatiques, problèmes d’approvisionnement en eau, migrations de populations, dégradation des terres – notamment en raison de l’utilisation d’intrants agressifs –, diminution des réserves de pétrole comme des autres matières premières non renouvelables, augmentation de la population mondiale – nous serons bientôt neuf milliards sur notre planète. On le voit, les motifs d’inquiétude sont nombreux et il est donc urgent d’agir : le « temps du monde fini », pour reprendre la formule de Paul Valéry, interdit désormais certains modes de consommation ou de production.

A ce propos, la France a pris un certain nombre d’engagements qui doivent être impérativement tenus : diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 et de 80 % à l’horizon 2050, diminution de 20 % de la consommation énergétique, augmentation de 20 % de la part des énergies renouvelables. J’ajoute que les conclusions de la mission parlementaire qui s’est penchée lors de la dernière législature sur les conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique sont dépassées puisque nous sommes confrontés à des échéances beaucoup plus brèves que prévu – comme en atteste également le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Enfin, le réchauffement climatique étant principalement dû aux émissions de gaz à effet de serre des pays riches, nous avons une dette écologique à l’endroit des nations les plus pauvres.

C’est parce que la modification individuelle de nos comportements, si utile soit-elle, ne suffira pas à changer la donne que je propose de réinstaurer une planification – différente, certes, de celle que nous avons connue dans le cadre du commissariat au plan mais s’inscrivant dans sa lignée. En effet, nous ne pouvons pas nous contenter de projets thématiques, donc dépourvus d’une vision globale, non plus que de lois de programmation : seule une planification permettra, d’une part, de tenir compte de l’ensemble des domaines concernés – sur le plan tant de l’économie que de l’énergie ou de l’aménagement du territoire –, d’autre part, d’intégrer le facteur écologique dans la production. Faute d’une telle vision d’ensemble et de prendre à bras-le-corps cette urgence écologique, nous risquons de voir se développer des conflits violents pour l’accès aux matières premières, aux terres et à l’eau.

A cela s’ajoute que le Grenelle de l’environnement a montré les limites d’un cadre purement incitatif et que des actions plus prescriptives sont nécessaires. Ainsi, dans le BTP, si nous avons les moyens d’agir sur les constructions nouvelles – je songe au développement des énergies passives –, nous devons aussi nous donner par exemple les moyens de modifier les bâtiments existants.

Par ailleurs, à ceux qui seraient effrayés par le mot de planification et qui redouteraient le retour à une économie administrée je ferais plusieurs remarques : outre que la planification écologique n’a évidemment rien à voir avec je ne sais quel Gosplan, il est notable que l’État reprend aujourd’hui la main dans un certain nombre de domaines, fût-ce hélas de manière autoritaire comme avec le projet du Grand Paris. Telle que je l’entends, en revanche, la planification ne peut qu’être démocratique : elle ne sera en effet efficace que si l’ensemble des Français et des acteurs économiques l’acceptent – d’où l’article 5 relatif aux conférences de participation populaire. De ce point de vue-là, elle s’inscrit d’ailleurs dans la lignée des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), lequel a fait l’objet d’intenses concertations pendant plus de deux ans. C’est ainsi que nous parviendrons à prendre en compte effectivement l’aménagement du territoire dans ces deux dimensions essentielles que sont la politique de l’urbanisation et des transports.

Pour toutes ces raisons, j’invite nos collègues à soutenir cette proposition de loi, dont le dispositif se présente ainsi : l’article premier définit le plan écologique ; l’article 2 en donne le contenu ; l’article 3 étend les missions du centre d’analyse stratégique et l’article 4 celles de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), que le Gouvernement vient de renommer DATAR ; l’article 5 prévoit l’organisation de conférences de participation populaire ; enfin, l’article 6 organise la compensation des charges et des pertes de recettes qui découleraient de ce texte.

M. Jean-Paul Chanteguet. Alors que le sommet de Copenhague aura lieu dans une quinzaine de jours et que le rapport du GIEC préconise en effet une diminution mondiale des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à l’horizon de 2050 – ce qui implique, en application du fameux « facteur quatre », leur réduction de 80 % pour les seuls pays développés –, nous nous interrogeons tous sur les moyens d’atteindre ces objectifs : progrès techniques favorisant le stockage du carbone, mise en place d’un marché planétaire des quotas d’émission, taxation écologique ?

Il est vrai par ailleurs que la proposition de Martine Billard s’inscrit dans notre tradition et qu’il ne doit donc pas déplaire au conseiller du Président de la République qui fut le dernier commissaire au Plan…

Au total, le groupe SRC ne peut que soutenir une planification écologique qui permettrait de définir des objectifs locaux et nationaux de manière à que la France puisse satisfaire à ses obligations et qui favoriserait une meilleure utilisation des ressources naturelles.

M. Christophe Priou. Si nombre d’entre nous ont été bercés par l’antienne de l’aménagement du territoire, faut-il pour autant en distinguer la planification écologique ? Par ailleurs, si la notion de participation populaire rappelle celle de démocratie participative, je constate qu’il n’est que très rarement fait usage de la loi relative à la démocratie de proximité, votée en février 2002 et qui permet l’organisation de référendums locaux, consultatifs ou décisionnels.

Je me demande par ailleurs à quel degré les collectivités territoriales seraient associées au dispositif proposé ?

Enfin, sur le plan fiscal, le maintien de la DGF et le relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ne relèveraient-ils pas de la double peine pour les contribuables locaux ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Si je remercie Mme Martine Billard d’avoir soulevé cette question de la planification écologique – laquelle n’est pas d’ailleurs sans lien avec le Grenelle de l’environnement – je rappelle toutefois que la plupart des politiques environnementales et écologiques relèvent du niveau européen. C’est notamment le cas du schéma directeur d’aménagement de la gestion des eaux (SDAGE), de la directive cadre sur l’eau (DCE) ou de Natura 2000.

Le Grenelle de l’environnement a fait l’objet d’une véritable concertation populaire et a associé l’ensemble des acteurs économiques, écologiques et organisationnels, il constitue une synthèse de l’ensemble de vos propositions, Madame la rapporteure, avec les objectifs à court et moyen termes qu’il préconise mais, également avec les obligations qu’il comporte pour les particuliers et les collectivités – les changements de comportements sont d’ailleurs d’ores et déjà palpables, y compris en ce qui concerne le traitement des déchets, sujet que je connais fort bien.

C’est pour cela que nous attendons impatiemment le Grenelle 2 auquel j’espère que vous vous associerez davantage que vous ne l’avez fait à l’occasion du Grenelle 1…

M. Michel Havard. Sans doute un certain nombre d’imprécisions juridiques et organisationnelles sont-elles la rançon du champ d’application trop vaste d’une proposition de loi qui relève principalement de la déclaration d’intention.

De surcroît, parce que des dispositifs existent déjà dans les domaines de l’urbanisme ou, plus généralement, de l’aménagement du territoire, ce texte est redondant par rapport aux textes Grenelle 1 et 2 et le groupe UMP ne le soutiendra donc pas.

Mme Geneviève Gaillard. Tout au contraire, cette proposition ne manque pas d’intérêt. Si le Grenelle de l’environnement contient un certain nombre de dispositions importantes et si les SCOT ou les PLU sont des outils nécessaires, une planification écologique de long terme favoriserait une meilleure mise en perspective de l’ensemble de nos objectifs.

Nous sommes en outre confrontés à une autre urgence à laquelle il est d’ordinaire peu fait allusion : celle de la diversité biologique. En effet, malgré les dispositifs mis en place, cette dernière régresse et des espèces faunistiques ou floristiques disparaissent faute que nous soyons parvenus à dégager un certain nombre de perspectives de reconquête. En complément du Grenelle, cette proposition – que je soutiens – contribuerait à remédier à une telle situation.

M. Philippe Plisson. Si nous partageons tous le constat de l’urgence écologique, nous ne sommes en revanche pas d’accord sur les moyens d’y remédier : l’incantation ou les propositions ? Considère-t-on que la « main invisible » du marché contribuera à régler les problèmes qui se posent ou se donne-t-on les moyens de mettre en place l’indispensable économie organisée que j’appelle de mes vœux ?

Ce texte mériterait bien sûr d’être prolongé, notamment en matière de fiscalité, mais il a le grand mérite d’établir un cadre, de dresser une perspective pour nous mener vers ce qui ne vient pas tout seul – bref, de nous faire évoluer vers le projet de société de demain.

M. Christophe Bouillon. Personne ne conteste ni l’urgence climatique ni les efforts de la France, au plan national et international. Mais justement, la planification est un moyen de voir plus loin, de définir les chemins possibles. D’abord, elle permet de définir un nouveau modèle de société et de croissance sans lequel il ne sert à rien de se mettre d’accord sur des objectifs. Ensuite, elle pérennise ce qui a fait la force du Grenelle : la participation de tous les acteurs – associations, intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Enfin, elle assure la cohérence d’ensemble de notre action. Nous qui examinons tous les jours des textes parfaitement cloisonnés savons qu’il est possible de fixer des objectifs forts en matière de développement durable, mais de voter en même temps des dispositifs qui accroissent les émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi cette planification arrive au bon moment pour renforcer la démarche du Grenelle de l’environnement.

M. Serge Grouard. Je voudrais signaler à ceux qui la critiquent en d’autres domaines la très forte logique de recentralisation de ce texte, qui transférerait à l’État de nombreuses compétences relevant aujourd’hui des collectivités locales. Songez que l’alinéa 4 de l’article 2 propose que la loi de Plan écologique fixe les orientations publiques en matière de prélèvements, d’eau, d’agriculture, de transports, de logement et d’énergie, et fixe même les conditions de leur tarification ! Les communes ou leurs groupements seront dépossédés de leurs compétences en matière de politique de l’eau par exemple, les communes et les régions en matière de transports… Je ne suis pas sûr que vous ayez mesuré la portée de ce texte, que nous ne pouvons en tout état de cause pas soutenir.

M. Pierre Lang. Je voudrais pour ma part dénoncer ce prétendu consensus scientifique et politique selon lequel le réchauffement de la planète et l’amenuisement de la biodiversité auraient pour unique cause l’activité humaine. Il existe plusieurs écoles scientifiques, dont l’une, soutenue par Claude Allègre, conteste formellement ces affirmations. La biodiversité est en évolution constante ; des espèces meurent et apparaissent chaque jour. Il n’y a aucune preuve que cela soit dû à l’homme. Quant à ce Gosplan écologique, on ne peut être qu’inquiet en entendant les accents « robespierristes » que prend la gauche pour le défendre, invoquant aujourd’hui et demain, sans doute, l’Être suprême ! Je ne soutiens donc pas cette proposition.

M. Philippe Tourtelier. Je pensais ne plus avoir à entendre de tels propos ! La probabilité que le réchauffement climatique soit d’origine anthropique est estimée à plus de 90 %. Ce chiffre est le résultat d’une démarche scientifique – et Claude Allègre sait ce qu’est une démarche scientifique. Quant au reste, il ne s’est pas exprimé pas dans son domaine. Pour ce que j’en pense, Claude Allègre attend toujours l’explosion de la Soufrière !

M. le président Christian Jacob. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette proposition de loi suscite le débat.

Mme la Rapporteure. Certes, notre planète connaît des phases climatiques mais le réchauffement ne s’est jamais fait aussi vite…

M. Pierre Lang. Sauf au quinzième siècle…

Mme la Rapporteure. Ce n’est pas vrai, et il n’y a jamais autant eu d’émissions de gaz à effet de serre que depuis un siècle. Même si l’on arrêtait aujourd’hui, le climat continuerait à se réchauffer !

Je reconnais que l’expression « participation populaire » n’est pas heureuse. Si je me suis abstenue lors du vote sur le Grenelle 1, c’est parce qu’il n’allait pas assez loin, qu’il n’était en particulier pas assez prescriptif dans certains domaines. Mais pour le reste, c’est une très belle expérience de participation, très positive. C’est cela que j’avais à l’esprit : un débat démocratique. Les décisions continueraient à être prises par les institutions – collectivités territoriales, Parlement. Il ne s’agit pas de créer des tribunaux populaires !

Le grand apport de cette proposition de loi est de réaliser l’articulation nécessaire de l’ensemble des politiques, par territoire ou par thème, qui se juxtaposent aujourd’hui sans cohérence globale. Certes, mes propositions vont un peu plus loin que la simple incitation mais dans l’article 2, alinéa 4, il n’est question que d’orientations, pas de décisions ! L’État établirait au niveau national l’articulation entre les différents modes de transport, déciderait de ne plus construire d’autoroutes ni agrandir les aéroports, fixerait les orientations en termes d’assainissement de l’eau et de préservation de la ressource par exemple, tandis que la mise en œuvre resterait du ressort des institutions actuelles – collectivités, mais aussi autorités de transports.

Pour ce qui est enfin de la fiscalité, cette proposition ne fixe qu’un cadre général. Sachant ce qu’il va advenir du débat en séance publique, il est clair qu’il n’était pas nécessaire de rédiger des articles parfaitement détaillés…

Bref, cette proposition permet de mieux articuler les dispositifs épars qui existent, de fixer les orientations au niveau national et de prendre quelques mesures plus prescriptives qu’aujourd’hui, compte tenu de l’urgence écologique à laquelle nous devons faire face.

M. le président Christian Jacob. Nous en venons à l’examen des articles.

TITRE IER

LE PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

La Commission rejette l’article premier.

TITRE II

LE CONTENU DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

La Commission rejette l’article 2.

TITRE III

LES STRUCTURES D’ÉLABORATION ET LA PROCÉDURE D’ADOPTION
DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

La Commission rejette successivement les articles 3, 4, 5 et 6.

M. le président Christian Jacob. Le rejet de chacun des 6 articles vaut rejet de l’ensemble de la proposition de loi. La discussion en séance publique, jeudi 3 décembre prochain, aura donc lieu sur le texte initial de Mme Martine Billard.

La Commission rejette l’ensemble de la présente proposition de loi.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 25 novembre 2009 à 9 h 30

Présents. - Mme Martine Billard, M. Philippe Boënnec, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Lucien Degauchy, M. Stéphane Demilly, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Christian Jacob, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, Mme Christine Marin, M. Philippe Meunier, M. Arnaud Montebourg, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - M. Jérôme Bignon, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont