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Mercredi 27 janvier 2010

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Christian Jacob Président et de M. Patrick Ollier Président de la commission des affaires économiques

– Audition commune avec la commission des affaires économiques, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la suite du sommet de Copenhague

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, lors d’une audition commune avec la commission des affaires économiques, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la suite du sommet de Copenhague.

L’audition débute à onze heures trente.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le ministre d’État, je vous remercie d’avoir accepté d’être entendu par nos deux commissions réunies à propos du bilan, que vous avez qualifié d’« équilibré », de la conférence de Copenhague. Quelles sont selon vous les conséquences de l’accord – dont les 192 pays présents ont « pris note » – adopté par les chefs d’État de vingt-huit pays industrialisés et émergents, sachant qu’un accord même réduit mais réunissant de nombreux États est préférable à un accord plus fort, mais ne concernant que quelques-uns ?

Par ailleurs, l’alternative proposée à l’intervention purement onusienne, à savoir la création d’une Organisation mondiale de l’environnement (OME), progresse-t-elle ? Sur le plan européen, comment envisagez-vous la mise en place des mécanismes de financement, par exemple en matière de coopération technologique ? A-t-on en outre raison de s’engager dans la mise en place d’une Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) ? Ne faut-il pas en effet distinguer les énergies renouvelables et les énergies décarbonées ?

Enfin, je souhaiterais que le sujet de la taxe carbone puisse être abordé aujourd'hui.

M. le président Christian Jacob. Au-delà des perspectives d’avenir de la conférence de Copenhague, ne convient-il pas de tirer des conclusions concernant la gouvernance ? Quant au calendrier parlementaire, pouvez-vous confirmer que le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) viendra en discussion début mai ?

M. Jean Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Ma lecture de la conférence de Copenhague est, quitte à être politiquement incorrect, très différente de celle qui a été communément admise.

Avant Copenhague, nous étions dans un système – celui du protocole de Kyoto – dans lequel l’Europe pour l’essentiel, aux côtés du Japon et du Canada, s’engageait à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2012. Même si le protocole a été une grande avancée en étant une première mise en mouvement du monde en la matière, seule l’Europe, qui représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre, était donc réellement engagée. Pour autant, les engagements n’ont été honorés que grâce à la modification du mix énergétique et industriel des anciens pays de l’Est – si l’Allemagne respecte le protocole de Kyoto c’est grâce à l’ex-Allemagne de l’Est. Finalement, dans les pays industrialisés, il n’y avait guère que la France et la Grande-Bretagne qui honoraient le traité, alors que le Danemark et l’Espagne enregistraient respectivement une dérive de 22 % et de 56 % par rapport aux objectifs de ce dernier.

Ce qui était en débat à Copenhague, c’était donc le régime post 2012, l’objectif étant non pas que l’Europe fasse plus – non seulement elle avait annoncé qu’elle ferait plus, mais elle avait déjà adopté en interne des systèmes contraignants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici à 2020 par rapport à 1990 et de 30 % en cas d'accord international –, mais que s’engagent dans la même voie les pays émettant les 83 autres pour cent de gaz à effet de serre.

S’agissant d’enjeux industriels et sociaux majeurs, un tel engagement ne pouvait être pris qu’au niveau des chefs d’État et de Gouvernement, contrairement aux procédures onusiennes habituelles. Tout le monde savait donc qu’il serait difficile de renouveler ce qui avait été une performance « invraisemblable » à vingt-sept, à savoir l’accord européen sur le paquet énergie-climat du mois de décembre 2008, lors de la présidence française, alors même qu’il concernait des pays qui avaient l’habitude de travailler ensemble et qui avaient déjà concédé des abandons de souveraineté – c’est ainsi que s’est construite l’Europe de la paix. En effet, de tels accords contraignants à la mode européenne n’ont pas de sens dans le reste du monde. L’enjeu de Copenhague était pourtant bien d’accrocher à un mouvement mondial de lutte contre le réchauffement climatique les très puissants pays émergents – Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Corée du Sud et un certain nombre de pays d’Amérique centrale et latine – ainsi que les États-Unis afin que soient pris en compte non plus 17 %, mais 95 voire 100 % des émissions de gaz à effet de serre.

De ce point de vue, la conférence de Copenhague a été un succès majeur, sous réserve bien sûr que d’ici au 31 janvier le reste du monde adresse à l’ONU ses engagements de réduction d’émission de gaz à effet de serre et les modalités pour y parvenir.

Par ailleurs rien dans le protocole de Kyoto ne permettait d’instituer une solidarité internationale. Or, à Copenhague, a été décidé le début d’un processus d’adaptation et d’atténuation en faveur des pays les plus vulnérables. C’est ainsi qu’un plan justice-climat – ou Fonds vert – a été doté de 10 milliards de dollars par an pour la période 2010-2012, l’objectif étant d’atteindre 100 milliards par an à l’horizon 2020. Un tel engagement constitue une avancée formidable. On ne peut en effet imaginer de lutter contre la déforestation qui représente 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sans un financement international en faveur des États sur le territoire desquels se trouvent les forêts, qu’il s’agisse de l’Indonésie, des pays du bassin du Congo ou de l’Amazonie.

En tant qu’accord politique, Copenhague représente donc bien à la fois l’implication de tous les pays du monde et la mise en place d’un financement international. Évidemment, on ne pouvait pas, avec des procédures onusiennes inadaptées, rédiger en une journée, de manière parfaite, un accord définitif entre 130 chefs d’État et de gouvernement – dont je rappelle qu’ils n’étaient pas convoqués mais qu’ils sont venus volontairement. Tout l’enjeu de l’année qui vient de s’écouler a donc été de passer de l’engagement politique extrêmement fort des chefs d’État à quelque chose d’organisé et de structuré.

S’agissant de l’évaluation de Copenhague, je suis très frappé que les pays occidentaux aient voulu imposer leur culture « notariale », c'est-à-dire faire signer un contrat comprenant dates et sanctions. C’était une folie culturelle qui ne pouvait conduire qu’à des incompréhensions majeures. Comment voulez-vous que la grande démocratie qu’est l’Inde, qui compte 1,2 milliard d’habitants dont 450 millions vivent largement sous le seuil de pauvreté, qui émet 1,2 tonne de CO2 par habitant et par an et qui est soumise plus que nos pays au dérèglement climatique, appose sa signature sur un document qui, au fond, imposerait au peuple indien, en raison de nos propres émissions de gaz à effet de serre, des choix pouvant entraver la sortie de la pauvreté ?

En revanche, que l’Inde – car les Indiens savent pertinemment que leur modèle de développement ne peut être fondé sur les mêmes réalités énergétiques ou industrielles que les nôtres – présente, comme il y a trois mois, un plan en neuf points de modification profonde de son développement et que ce plan soit transformé en normes internationales comparables, est une démarche qui traduit exactement ce dont nous avons besoin, à savoir une mise en mouvement du monde, dans laquelle tous les pays prendront le même chemin que nous.

La perception que nous avons donnée de Copenhague, souvent de bonne foi d’ailleurs, est très dangereuse parce qu’elle fait le lit de l’« à-quoi-bonisme ».

Parler d’abord d’échec en rejetant la faute sur les Chinois, les Indiens ou les Brésiliens, c’est laisser accroire que nous, Européens, sommes isolés, que ce que nous faisons n’est pas de notre intérêt – alors qu’abaisser de 20 ou 30 % nos émissions de gaz à effet de serre ne constitue pas un fardeau, mais prépare au contraire notre propre compétitivité –, et que nous prenons des mesures contraignantes négatives pour notre développement qui, de surcroît, ne servent à rien faute d’être suivies ailleurs. De la sorte, non seulement on ne comprend pas le reste du monde, mais on laisse se diffuser cet « à-quoi-bonisme » au sein des peuples, en donnant le sentiment que les autres n’ont cure du problème. On est ainsi perdant-perdant sur tous les tableaux, qu’il s’agisse des mesures à prendre pour continuer à améliorer le processus comme de la mobilisation des Européens.

Bien sûr, le résultat auquel on a abouti est imparfait. Mais de là à regretter qu’aucun chiffre ne figure dans l’accord, c’est oublier, d’une part, que des engagements ont été pris par des dirigeants qui, je le répète, étaient là de façon volontaire, d’autre part que les engagements de l’ensemble des grandes nations du monde seront concrétisés par écrit d’ici au 31 janvier.

Il a en outre été fait état d’un document à vingt-huit seulement. Tel n’est pas tout à fait le cas. Devant l’impossibilité des négociateurs de parvenir à un accord dans les conditions habituelles – on ne pouvait tenir une réunion avec 130 chefs d’État et de gouvernement –, la présidence danoise de la Conférence des parties (COP) a demandé à chaque grand bloc d’être représenté. Ainsi, l’Europe l’a été par la Suède, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ; l’Afrique par le Premier ministre éthiopien, par le chef de la délégation algérienne et par le président d’Afrique du Sud ; l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) par son secrétariat permanent, assuré par le Guyana, et par le président des Maldives. Ce n’est donc que le 31 janvier que nous saurons si cet accord à vingt-huit « pour le compte de » est bien repris par les différents mandants.

Pour avoir rencontré leurs représentants la semaine dernière dans le cadre de la préparation de la réunion de New Delhi, j’ai eu la confirmation que la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud notifieront leurs engagements ainsi que leur plan de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Une réunion à Addis-Abeba ce week-end doit conduire les cinquante-quatre pays africains à suivre le même processus. Et pour avoir rencontré à Abu-Dhabi à la fois les présidents des Maldives et du Guyana et le Premier ministre de Tuvalu, je ne doute pas que les pays membres de l’AOSIS adresseront chacun individuellement à l’ONU une confirmation officielle et précise de leurs engagements. L’on n’est donc pas dans un processus à 28 mais à 115 ou 120 pays, c'est-à-dire l’essentiel des émetteurs de gaz à effet de serre et des bénéficiaires d’aides. Et la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont également confirmé leur soutien au plan justice-climat.

Sur les dix premiers milliards de dollars affectés chaque année aux pays en développement, quatre doivent être consacrés à la protection des forêts. Dans ce cadre, la France a proposé de réunir à Paris, au cours de la première quinzaine de février, les quatre grands bassins forestiers du monde : Amazonie, Congo, Indonésie et Sibérie.

Si j’ai fait part de ma conviction quant au résultat de la conférence de Copenhague, il n’en demeure pas moins que rien n’a encore été fait car les mécanismes prévus sont compliqués à mettre en place. Certes, une telle métamorphose du monde ne se fait pas en une réunion, les enjeux sont trop considérables. Ce dont je suis convaincu, c’est que nous sommes parvenus à une étape de mutation fondamentale et que les objectifs définis par la France ont été atteints, à savoir que, rien ne pouvant se faire sans les chefs d’État et de gouvernement, il fallait dépasser le niveau des négociateurs de l’ONU, réunir 100 % des émetteurs de gaz à effet de serre, et mettre en œuvre un système de solidarité internationale.

Notre seule déception tient à l’attitude des États-Unis qui, en dépit de la présence de leur président, sont restés sur leurs engagements précédents, encore que j’ai cru comprendre qu’ils pourraient accentuer fortement leur effort pour la période 2020-2030. Mais, même si un pays est en retard – il n’y a pas de système parfait –, l’essentiel est le saut considérable accompli entre l’avant Copenhague et la période d’aujourd'hui, celle de l’avant Cancun.

Faut-il solidifier le G28 informel issu de la réunion restreinte de 28 chefs d'État et de gouvernement à Copenhague, afin de disposer d’un groupe avancé pour préparer Cancun ? Ce serait selon moi une bonne idée, à condition que l’on ne donne pas le sentiment d’exclure les autres. J’en discuterai avec les Chinois lundi matin à Pékin, et avec les principaux pays leaders en la matière à New Delhi à la fin de la semaine prochaine.

Il nous faut enregistrer quelques vraies victoires pour les pays les plus vulnérables, notamment dans les domaines des énergies renouvelables et de la forêt. À cet égard, le processus onusien classique est-il parfaitement adapté ? S’il faut travailler par consensus, comment le définir et doit-on, à défaut, passer à un vote ? Je finis par me demander si la logique d’imposition à des tiers est raisonnable eu égard au principe de souveraineté.

Il n’en reste pas moins que l’on a assisté, d’un côté à une très grande incompréhension de l’Europe, et de l’Occident d’une manière générale, vis-à-vis du reste du monde en voulant projeter ses propres modèles – alors que l’abandon de souveraineté, en particulier, est un concept qui, je le répète, n'est pas partagé par le reste du monde –, d’un autre côté, à un moment exceptionnel de mobilisation. Tel est mon sentiment général, sachant bien entendu qu’il faut continuer à travailler afin de donner du souffle à un processus qui doit également donner envie.

Je conclurai par deux observations. La première pour me féliciter que, selon un sondage international, les Français soient les mieux informés dans le monde des enjeux du sommet de Copenhague, 70 % de nos concitoyens se déclarant impliqués.

La seconde pour faire part du malaise de nos interlocuteurs quant à notre lecture de l’accord. Qu’il s’agisse de la Première ministre du Bengladesh, du Premier ministre indien, des présidents africains ou encore du président des Maldives, nul n’a compris nos réactions. Ils se demandent même si, au fond, nous ne sommes pas des tricheurs : parler d’échec, n’est-ce pas pour rester à 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 – alors que les pays en développement, conformément à la feuille de route de Bali, sont dans la ligne des 25 % à 40 % –, voire pour éviter de devoir verser les 10 milliards d’aide annuelle ? Ce malaise n'est pas encore dissipé.

M. le président Christian Jacob. En accord avec le président Patrick Ollier, je propose que le temps de parole des orateurs des groupes soit limité, comme celui des parlementaires, à deux minutes.

M. Serge Grouard. Je tiens d’abord à saluer l’impulsion qui a été donnée par la France au processus qui a abouti à Copenhague et, plus particulièrement, monsieur le ministre d’État, votre implication sans relâche. Le gaulliste que je suis a été fier de voir que la France était présente sur la scène internationale et qu’elle s’y comportait avec efficacité et panache.

Je remarque ensuite, que, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, l’Union européenne est restée assez soudée, à l’initiative du Président de la République, et qu’elle n’a pas été isolée.

Par ailleurs, je relève que le système onusien a, en l’occurrence, montré ses limites voire son inadaptation à une négociation de grande ampleur.

M. le président Patrick Ollier. Je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Serge Grouard. Enfin, est-on dans l’amorce d’un processus ou dans l’émergence d’une nouvelle ligne de fracture internationale ? Après le clivage Est-Ouest,...

M. le président Patrick Ollier. Merci, monsieur Grouard. (M. Serge Grouard quitte la réunion.)

M. Philippe Tourtelier. Je suis émerveillé, monsieur le ministre d’État, de la façon dont les discours essaient de transformer un échec en succès, surtout si l’on se réfère aux objectifs qui avaient été définis – même si la barre avait été, il est vrai, placée assez haut. Pour autant, il est juste de souligner que les Européens sont venus dans l’esprit de Kyoto alors que les autres venaient avec un tout autre esprit, différence d’approche qui a pollué les débats.

L’enjeu était d’accrocher au mouvement de lutte contre le réchauffement climatique les pays représentant les 83 autres pour cent d’émission de gaz à effet de serre afin de limiter à 2 degrés la hausse de la température moyenne de la planète d’ici à la fin du siècle. Je crains que la hausse ne soit de 3 degrés si l’on se contente de ne rien faire d’autre que d’additionner les pays, d’autant que l’on a supprimé toute négociation sur les étapes intermédiaires alors que le président Obama était prêt à discuter du niveau de la baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Comme pour la déforestation, on n’a pas su saisir certaines occasions.

Vous avez également parlé à juste titre des différences culturelles. Mais le problème n’est pas là. Il tient à la crédibilité, en particulier en matière de financement. Le président sénégalais a ainsi pu parler, à propos de Copenhague, de promesses qui ne servaient qu’à faire oublier celles que les pays développés n’avaient jamais tenues… Quant au mépris affiché vis-à-vis du texte élaboré par le groupe de travail, qui s’était réuni jusqu’à 7 heures le mercredi matin pour le présenter en assemblée plénière, il a eu pour résultat, après que le Danemark eut préféré soumettre le sien, de conduire à un blocage notamment de la part du Brésil et de la Chine.

Rien n’avait encore été fait, avez-vous dit. Or, en matière de développement, le protocole de Kyoto, qui n’a pas été défendu pour rien par les pays africains, avait prévu un mécanisme de développement propre (MDP), même si c’est la Chine qui en a d’abord profité.

J’en viens à mes questions.

M. le président Christian Jacob. Je vous demande de conclure.

M. Arnaud Montebourg. M. Tourtelier parle au nom de plusieurs d’entre nous qui avons renoncé à prendre la parole, à l’instar de M. Brottes !

M. Philippe Tourtelier. Concernant la gouvernance de l’ONU, continuez-vous, monsieur le ministre d’État, à défendre la création de l’Organisation mondiale de l’environnement ? Le G28 peut-il se révéler pragmatique dans cette attente ? Pour autant, ne risque-t-on pas, en décrédibilisant l’ONU, de faire naître un risque majeur de G2 ?

Alors que l’Union européenne, qui a été la grande absente de cette conférence, avait gagné de la crédibilité avec le paquet énergie-climat, elle l’a complètement perdue en ne se mettant pas d’accord sur les financements.

Quant aux marchés carbone, qui étaient une source de financement, va-t-on continuer à les défendre au sein de l’Union européenne alors qu’ils nous handicapent par rapport au reste du monde ?

La France, pour sa part, a trop donné l’impression de faire cavalier seul. Même si son rapprochement avec le Brésil ou le plan justice-climat étaient des actions justes, est-il possible de faire quelque chose si cela n’a pas été d’abord accepté par l’Union européenne ? Notre pays compte-t-il faire passer son aide aux pays en voie de développement à hauteur de 0,7 % du PIB pour être lui-même crédible ? Peut-il réfléchir à une compensation des conséquences du changement climatique pour les pays en voie de développement ?

Enfin, la mise en œuvre du Grenelle, qui constitue une part importante de la crédibilité de la France, est-elle possible en réduisant les moyens des collectivités territoriales ?

M. Serge Poignant. Il est vrai que l’on pouvait attendre plus de Copenhague, mais je vois dans l’accord global auquel sont parvenus les 192 pays en présence de 120 chefs d’État, un signe très fort par rapport à tous ces scientifiques qui, dans le monde, contestent que l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère, responsable du réchauffement climatique, soit le résultat des activités humaines.

Je me félicite également de l’engagement de limiter la hausse de la température moyenne de la planète à 2 degrés d’ici à 2050. Certes, l’objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50 % d’ici là n’a pas été retenu, mais il n’en reste pas moins que d’autres engagements seront pris d’ici à la fin du mois de janvier. En tout cas, si nous ne pouvions parvenir à un Kyoto 2, faute de l’accord des États-Unis et de la Chine, l’engagement auquel nous sommes parvenus en réunissant tout le monde est positif et doit être valorisé.

Le regard se porte maintenant sur la fin du mois de janvier où chacun va devoir s’engager. À cet égard, pouvez-vous déjà nous dire quelques mots du rendez-vous de Bonn au mois de juin ?

M. Stéphane Demilly. Lorsque l’on aborde le sujet de Copenhague, la question nous est souvent posée de savoir à quoi ont servi les deux années de négociation préalable, la conférence donnant parfois le sentiment que l’on partait de zéro. A-t-il vraiment fallu attendre ce sommet pour réaliser que notre grille de lecture, « monastique et notariale », était peut-être inadaptée, notamment dans nos négociations avec les Chinois ?

Par ailleurs, quelles améliorations de forme comptez-vous proposer pour l’organisation des prochaines étapes, afin que la cacophonie due aux multiples acteurs présents à Copenhague – ONG, medias,... – fasse place à la sérénité ?

M. André Chassaigne. Pour reprendre une observation entendue hier lors d’une réunion avec Brice Lalonde, on n’aura pas de grands soirs, mais des petits matins – l’un pour la sidérurgie, un autre pour le transport aérien, un autre encore pour l’Inde, etc. Comment faire, dans ces conditions, pour que tous ces petits matins préparent des grands soirs, c'est-à-dire des mesures fortes, comprenant des évaluations et des objectifs, et qu’ils ne cachent pas en fait un crépuscule ?

Au-delà des résultats de Copenhague, n’est-ce pas le système capitaliste qui par nature crée des blocages ? Je prendrai à cet égard trois exemples :

S’il faut des subventions d’accompagnement pour que les développements soient durables dans les pays en développement, encore faut-il les prendre quelque part, ce qui, dans le cadre du système actuel, revient à puiser dans tout ce qui sert à la compétitivité des entreprises et des territoires, ce qui est contradictoire.

Par ailleurs l’échange de quotas ne signifie-t-il pas que, d’un côté, on prendra des mesures de protection, notamment de la forêt, et que, d’un autre, des pollueurs pourront continuer de polluer ?

Enfin, comme le disait le président Chavez, n’est-ce pas le capitalisme qui à Copenhague passait sans bruit entre les tables ? Les groupes financiers, qui sont à la recherche de profits immédiats, ne veulent pas en effet internaliser les coûts environnementaux pour des raisons de compétitivité, mais les faire porter par les États. Fondamentalement, par sa nature même, le système capitaliste dresse un mur contre la prise en charge durable des questions environnementales.

M. le ministre d’État. M. Grouard s’est demandé si l’on était face à l’amorce d’un processus ou à une nouvelle fracture. Il me semble que l’on est plutôt dans une phase de modification très profonde des blocs d’influence. Le G77, coalition de pays en développement, n’a plus d’existence, faute de correspondre à la réalité : aujourd'hui, la Chine a basculé dans la problématique des pays industrialisés et les États-Unis n’assurent plus le moindre leadership à l’exception notoire de quelques pays nord européens ; en Europe, on assiste à une forme de fracture entre les pays de culture anglo-saxonne et les autres ; quant au poids des grands émergents, il est devenu décisif, moins en raison de leur puissance financière qu’au fait qu’ils se trouvent dans la même problématique que nos pays.

Au fond si j’ai un regret – outre l’absence d’une annonce américaine plus forte –, c’est la suppression dans le texte final de la phrase concernant une réduction de 80 % d'ici à 2050 des émissions des pays industrialisés. Mais ce changement est intervenu non pas à la demande des pays industrialisés traditionnels, mais à celle, insistante et exclusive, de la Chine. En effet, celle-ci se met d’ores et déjà dans la situation où elle sera regardée par le reste du monde, d’ici à une voire deux décennies, comme devant avoir les mêmes obligations que nous. Bref, une redistribution générale s’opère dans le monde.

Monsieur Tourtelier, si les uns sont venus à Copenhague dans l’esprit de Kyoto, il n’en reste pas moins qu’une redistribution générale des cartes était envisageable, car tout le monde ne venait pas avec le même mental. Cela dit, l’objectif était de rallier les pays émettant 83 % des émissions de gaz à effet de serre. Certes, quand la Chine a annoncé son objectif quantifié de réduction de ses émissions, soit une réduction de 40 à 45 % de l’intensité en carbone entre 2005 et 2020, certains auraient pu espérer moins 50 %. Mais, à l’exception des États-Unis, les engagements obtenus sont conformes à la feuille de route de Bali, qu’il s’agisse du Brésil, de la Corée du Sud ou encore de l’Inde. On s’en apercevra lorsque l’on fera les comptes après le 31 janvier.

Il est vrai que l’on attendait un peu plus des États-Unis et du président Obama. C’est tout le problème de la relation entre démocratie et climat. À cet égard, monsieur Chassaigne, j’observe que le seul endroit ou les émissions ont baissé c’est en Europe quand on est passé de régimes communistes à des régimes non communistes. En tout cas, dans une démocratie comme les États-Unis, la somme des enjeux de proximité n’aide pas à affronter un problème qui est de nature planétaire. En revanche, des modes d’organisation à parti unique ont des capacités de mouvement dans ce domaine sinon durables du moins supérieures et immédiates. Plutôt qu’à un rapport au mode d’organisation capitaliste ou non capitaliste, le problème tient plus, me semble-t-il, à un rapport à la démocratie.

Quant aux deux textes auxquels vous avez fait allusion, monsieur Tourtelier, tous les objectifs chiffrés des 88 sujets en question figuraient entre crochets dans celui qui était officiellement soumis. En fait, pour répondre à la question de M. Demilly, on savait un an avant, pour avoir rencontré les difficultés que l’on sait à propos du paquet européen, qu’il n’y aurait pas le début d’un chiffre. Le fait que la présidence de la COP, pour des raisons que je ne m’explique toujours pas, a donné le sentiment de présenter un texte préparé depuis longtemps, sous influence américaine, a peut-être créé de la méfiance, probablement injustement. Pour autant, il fallait bien qu’à un moment donné, alors que les chefs d’État et de gouvernement étaient présents, qu’un texte soit rédigé. Le plus surprenant est que cela fut fait à 28 – dont MM. Obama, Medvedev et Lula –, le tout sans interprète alors que vingt langues différentes étaient parlées et que rien n’avait été prévu pour les réunir, sinon un dîner officiel chez le roi et la reine du Danemark...

L’OME est indispensable à la planète au même titre que l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Sa création est un combat que l’on continuera à mener.

Je ne peux vous laisser dire, monsieur Tourtelier, que l’Union européenne n’est pas d’accord à propos du financement du fast start. Le Conseil européen de début décembre a non seulement arrêté le montant annuel – soit 2,7 milliards d’euros –, mais également la répartition, soit, pour la France, 460 millions d’euros la première année. Les États-Unis ont annoncé qu’ils feraient moins la première année mais plus la deuxième ou la troisième, tandis que les Brésiliens, les Japonais et les Norvégiens ont indiqué qu’ils participeraient au financement.

On ne peut pas dire que la France ait fait cavalier seul dans la mesure où la transparence a été totale. Mais ce qui est vrai c’est qu’après l’épisode du paquet européen énergie-climat et l’incroyable difficulté à le finaliser, on savait, d’une part, qu’il faudrait prendre des initiatives puissantes, en matière par exemple de solidarité internationale ou encore de forêts, d’autre part, que le mode d’organisation classique de nos Conseils européens ne pouvait faire de l’Europe un moteur dans cette affaire. Il y a donc eu, c’est vrai, un trio avancé composé de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France – avant que l’Espagne ne nous rejoigne – qui a œuvré en faveur d’initiatives puissantes. Si l’Europe n’a pas été complètement homogène, on mesure mieux la performance de la présidence française à l’époque concernant le paquet énergie-climat.

Monsieur Poignant, le processus à venir est à bâtir, mais un problème de pilotage se pose tant pour la COP – les Mexicains n’ont pas encore remplacé les Danois – que pour la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique.

Monsieur Demilly, concernant les deux années de négociation préalable à la conférence – sachant toutefois que s’est tenue entre-temps à Poznań la quatorzième conférence internationale sur le climat –, comment voulez-vous qu’à l’ONU nos représentants puissent prendre des engagements sans connaître la position qu’adopteront finalement le Premier ministre chinois ou le président Medvedev ? Il faut en effet comprendre que, dans de nombreux pays, le changement climatique n’est pas forcément un sujet de préoccupation aussi partagé que dans les nôtres. Même s’ils ne s’en désintéressent pas, le sujet est tellement complexe que ce n’est qu’à l’occasion des grands événements que les leaders s’en saisissent. Aussi Copenhague est-il dans ce domaine un grand succès, tous les chefs d’État du monde s’étant alors mobilisés pour aller jusqu’au point extrême d’acceptabilité de chacun eu égard aux contraintes inhérentes à son propre pays. S’agissant de la modification de l’organisation, le Mexique y réfléchit avec l’ONU. Si le mode actuel n’est peut-être pas adapté, je ne pense pas qu’il faille pour autant sortir du concept onusien, qui est fédérateur.

Monsieur le président Ollier, si la distinction entre énergies renouvelables et décarbonées est possible pour ce qui concerne la France, il faut savoir que parmi les habitants qui n’ont pas accès à l’énergie, soit la moitié à peu près de la planète, 50 % doivent changer leur mix énergétique : on va en effet vers une utilisation peu ou prou de l’énergie locale – bois, vent, soleil. L’enjeu pour le monde est donc d’aider la moitié des habitants de la planète à accéder à l’énergie et de modifier pour le quart d’entre eux le mix énergétique. La compétitivité des énergies renouvelables n’est pas un problème français mais mondial et il est vital de ne pas négliger cet enjeu.

L'Agence internationale des énergies renouvelables a été créée alors que la France n’était pas encore reconnue comme ayant une compétence particulière dans ce domaine. Le débat sur le siège et la direction de l’Agence a ainsi fait l’objet d’un enjeu majeur, en particulier entre Allemands, Espagnols, Grecs et Émiratis, avant que soit décidé à Charm el-Cheikh que le siège serait situé aux Émirats arabes unis mais que la direction générale serait française, en la personne de Mme Hélène Pelosse. C’est là une forme de reconnaissance de la place de la France en matière à la fois d’énergie et de climat.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je puis en témoigner, l’homme d’engagement que vous êtes, monsieur le ministre d’État, est véritablement « habité » par votre combat, et je rends hommage à votre action. Néanmoins, je n’ai perçu dans votre propos liminaire ni autocritique ni réserve. Or, au-delà du sentiment des politiques et des ONG, nos concitoyens ont été particulièrement déçus, eux qui croyaient en ce sommet de Copenhague, surtout après que vos discours et ceux du Président de la République les avaient fait rêver.

L’existence de deux plans indépendants – le plan français justice-climat et le plan britannique – n’a pu que déstabiliser l’Union européenne qui a donné le sentiment qu’elle n’était pas à la hauteur dans le cadre des négociations, d’autant que nous avons peut-être aussi fait preuve d’un peu de naïveté par rapport à la Chine et aux États-Unis.

Je souhaite donc que nos pays trouvent ensemble à Mexico le chemin qui permette au monde de sortir du piège climatique et énergétique dans lequel il s’est enfermé.

M. Bertrand Pancher. Les modèles proposés par l’Europe pour se projeter dans l’avenir n’auront de sens que si elle ne se révèle pas hégémonique. À cet égard, la poursuite de nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur notre continent exige un nouveau modèle de régulation économique aux frontières, lié à l’environnement. Jusqu’où peut-on aller dans ce domaine et pourra-t-on alors entraîner à coup sûr les grandes puissances qui hésitent encore à se fixer les mêmes objectifs et contraintes ?

Mme Geneviève Gaillard. Quel discours peuvent entendre en la matière les pays producteurs de pétrole ?

M. Didier Gonzales. La procédure onusienne semble inadaptée pour arriver à un accord, et plusieurs voix se sont élevées pour réclamer de nouvelles règles. Qu’envisagez-vous à cet égard ?

M. Philippe Plisson. Le montant des fonds promis à Copenhague aux pays pauvres devait être arrêté le 20 janvier. Or, ils ne sont toujours pas débloqués. Un calendrier a-t-il été fixé ?

La secrétaire d’État chargée de l’écologie, Chantal Jouanno, a déclaré que l’organisation mise en place par l’ONU était obsolète et que la France soutenait l'idée de la création d'une Organisation mondiale dédiée à l’environnement. Cette idée est-elle toujours d’actualité ? Comptez-vous notamment proposer un autre mode de représentation ?

Quant au fameux texte avec crochets, serait-il possible d’en avoir connaissance ? Pourrions-nous également disposer du texte final de Copenhague en français ?

M. Franck Reynier. Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre d’État, pour votre engagement sur ces sujets, car l’avenir de notre pays passe également par les mutations écologiques.

S’agissant de la contribution énergie-climat, dont le Parlement aura à traiter cette année, comment envisagez-vous, en termes de planning et de méthode, son extension a minima aux frontières de l’Union européenne ?

Quant à la lutte contre les émissions des gaz à effet de serre sur notre planète, le Grenelle de l’environnement prévoit d’approvisionner 23 % de nos besoins en énergie à partir d’énergies renouvelables. Or, notre production, à près de 90 %, n’émet pas de carbone. Pourquoi la France s’est-elle fixé des objectifs aussi contraignants ?

Mme Marie-Line Reynaud. L’échec de la conférence de Copenhague n’est pas uniquement imputable à Barack Obama et à la Chine, comme vous avez tenté, avec le Président de la République, de le faire croire, mais également à un manque flagrant de cohésion au sein des pays de l’Union européenne.

Quelles initiatives la France compte-t-elle proposer prochainement, en partenariat avec la présidence espagnole, pour relancer une politique environnementale ambitieuse au niveau européen ?

Vous avez récemment indiqué que vous souhaitiez relancer la création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Comment comptez-vous convaincre nos partenaires européens et internationaux alors que cela n’a pas été possible à Copenhague ?

Enfin, vous avez déclaré en décembre 2009 que vous souhaitiez doter notre pays d’outils nécessaires pour limiter l’augmentation de la température à 2 degrés en 2050, comme le préconisent les conclusions de Copenhague. Quels outils contraignants comptez-vous mobiliser pour atteindre cet objectif ?

M. Michel Havard. Après être arrivés à Copenhague avec notre conception européenne d’un accord, nous en sommes repartis avec une vision bien différente, que vous avez parfaitement décrite. Il faut maintenant faire preuve de pragmatisme et faire vivre l’accord qui a été passé. Pour réussir l’après-Copenhague, il faut donc qu’à nouveau la France et l’Europe, avec le quatuor France, Allemagne, Grande-Bretagne et Espagne, aient un rôle moteur. Vous avez déjà souligné l’initiative prise par la France en faveur de la forêt. Comment la France et l’Europe envisagent-elles les prochaines étapes qui vont rythmer cette année si importante ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Partagez-vous l’idée – question à laquelle s’associe M. Yves Albarello – selon laquelle ce n’est pas la décroissance qui sauvera la planète ? Dans cet esprit, veillerez-vous à ce qu’en créant 600 000 emplois d’ici à 2020, nous n’en détruisions pas plus en poussant hors de France nos entreprises ? Il ne faudrait pas en effet qu’à des coûts plus élevés et à un code du travail plus contraignant en France que dans les autres pays, s’ajoute de façon disproportionnée ce que j’appellerai le code de Grenelle. Si l’on doit montrer le chemin, encore ne faut-il pas perdre de vue nos entreprises et nos emplois.

M. Yanick Paternotte. Vous avez évoqué le plan justice-climat, prochaine étape dans la lutte contre la déforestation. Quelles sont les pistes de financement que vous comptez explorer ?

M. le ministre d’État. Vous demandez, monsieur Chanteguet, si nous n’aurions pas fait preuve de naïveté, en particulier vis-à-vis de la Chine. S’il serait naïf de se complaire dans le résultat de Copenhague, je vous demande cependant de relire la proposition française pour Copenhague, devenue proposition européenne et africaine. Vos commissions la connaissent bien puisque je suis venue vous la présenter, en recueillant d’ailleurs une certaine forme de consensus. Ce texte, que je vous transmettrai à nouveau, est assez proche du résultat, formellement imparfait, du processus. Or, rappelez-vous : je vous avais dit qu’il n’y avait pas une chance sur un milliard de parvenir à un accord de manière traditionnelle, connaissant la difficulté rencontrée pour recueillir à l’époque – un peu en force d’ailleurs – l’accord des vingt-sept en fin de présidence française.

Si je suis déçu s’agissant des États-Unis, je ne peux l’être concernant la Chine, mais également le Brésil, la Corée, le Mexique, le Japon ou encore l’Australie – même si ses représentants ont par la suite été battus devant leur Parlement. S’il y a pu y avoir naïveté, c’est peut-être de n’avoir pas assez défendu notre plan. Mais si l’euphorie française et l’emballement, heureux, des médias après un Grenelle consensuel ont pu conduire à penser que le résultat obtenu à Copenhague ne ressemblait pas aux attentes, l’écart par rapport au point de départ n’est pas si important.

Après Joseph Stiglitz, qui a appelé à un renforcement de la régulation du système financier international, les Allemands, ce qui est une bonne nouvelle, ont déclaré s’associer, monsieur Pancher, à la réflexion sur toute une série de nouveaux indicateurs pour le PIB. Le Conseil économique, social et environnemental français s’est saisi de la question.

Monsieur Taugourdeau, concernant la contribution énergie-climat et l’instauration d’un mécanisme d'inclusion carbone (MIC) aux frontières de l'Europe, cela n’aurait pas de sens d’instaurer, pour un même groupe sidérurgique qui dispose d’une unité en France ou en Italie et d’une autre en Extrême-Orient, un quota d’émission pour l’une et pas pour l’autre. Notre problème est de « placer le curseur » en prenant à la fois en compte la compétitivité et l’évolution climatique, mais cela ne doit pas pour autant être compris comme un fardeau. Toute activité économique qui réduira ses intrants sera, dans tous les secteurs, gagnante à terme. Ce qui est en jeu, c’est donc plutôt la vitesse de la mutation, la définition des éléments de substitution ou encore l’accompagnement des mesures.

S’agissant de l’initiative en faveur de la forêt, messieurs Havard et Paternotte, son financement atteindra d’abord 10 milliards de dollars par an jusqu’à 2012 pour monter progressivement à 100 milliards. Les 10 premiers milliards relèveront d’un financement budgétaire, mais une étude a été confiée au Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, et à Gordon Brown pour permettre également, avec notre accord total, des financements innovants.

À cet égard, je ne connais pas, monsieur Plisson, la date du 20 janvier que vous avez citée, mais celle du 31 janvier pour la notification à l’ONU des engagements de chacun. A ce jour, nous connaissons la contribution précise de l’Europe et de la Norvège, nous avons un ordre de grandeur de celles du Brésil et des Etats-Unis, et nous attendons celles du Japon et de la Chine. On peut penser que l’on y parviendra courant février. Il n’y a pas en tout cas urgence puisque, dès 2010, les premiers 10 milliards de dollars doivent être dépensés.

Madame Gaillard, on peut aujourd'hui distinguer deux catégories parmi les pays producteurs de pétrole. Dans la première, figurent ceux qui craignent que trop d’énergie renouvelable n’entraîne une baisse des besoins énergétiques. Il ne faut pas, à cet égard, tomber dans la naïveté en s’arrêtant aux déclarations faites en réunions plénières : les plus révolutionnaires ne sont pas toujours les moindres des exportateurs de pétrole… La seconde catégorie regroupe une autre génération de pays exportateurs, tels les Émirats arabes unis, qui, au contraire, jouent à fond les énergies renouvelables, estimant que leur mode de développement fondé sur le pétrole aura un terme et qu’ils doivent donc essayer de devenir les leaders des énergies alternatives. Le ministre algérien de l’environnement, Cherif Rahmani, s’est ainsi révélé un acteur très engagé à Copenhague bien que dans son pays la rente pétrolière et gazière donne un poids décisif au ministre des hydrocarbures. Les choses bougent donc de façon positive dans les pays pétroliers.

Concernant, enfin, l’après ONU, les différentes propositions devraient permettre d’y voir plus clair d’ici deux ou trois mois.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie, monsieur le ministre d’État, au nom de nos deux commissions

La séance est levée à treize heures.

—fpfp—

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 27 janvier 2010 à 11 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. Jérôme Bignon, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Lucien Degauchy, M. Stéphane Demilly, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Gilbert Mathon, M. Philippe Meunier, M. Arnaud Montebourg, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Jean-Luc Pérat, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - M. Maxime Bono, M. Joël Giraud, M. Pierre Lang, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont