La commission a auditionné M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence.
M. le président Serge Poignant. Je suis heureux de vous accueillir, M. Bruno Lasserre, pour une audition qui fait suite à celle du 23 juin dernier, qui s’était alors déroulée sous la présidence de mon prédécesseur Patrick Ollier.
Depuis lors, votre « actualité », si j’ose dire, a été très riche – je songe à deux points en particulier.
Le premier concerne les sanctions appliquées par l’Autorité de la concurrence à l’égard des pratiques anti-concurrentielles. À la suite de l’affaire dite du « cartel de l’acier », votre procédure a été quelque peu remise en question, Mme la ministre de l’économie ayant même commandé un rapport à ce sujet. Peut-on connaître les principales lignes directrices que vous avez définies à la suite de la remise de ce rapport, lignes qui font d’ailleurs l’objet d’une consultation publique sur votre site Internet ?
Le second renvoie à l’avis que vous avez rendu au mois de décembre dernier sur le manque de concurrence dans certaines zones de chalandise, celles-ci subissant parfois une très forte concentration des distributeurs. Quelle suite entendez-vous donc lui donner ?
Enfin, vous ne pourrez que constater la grande importance que nous accordons à vos travaux en apprenant que notre commission a commandé à Mme Catherine Vautrin et M. Jean Gaubert un nouveau bilan de l’application de la loi de modernisation de l’économie (LME), qui fera un point particulier sur l’Autorité que vous présidez.
M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. Je vous remercie, Monsieur le président, de votre accueil et je me réjouis du dialogue que nous poursuivons, sous votre présidence, après celle qu’exerça M. Patrick Ollier, laquelle fut toujours constructive, confiante et attentive.
Je comprends d’autant plus que le Parlement soit attentif à notre action qu’il a placé de grands espoirs dans l’Autorité de la concurrence créée en effet en 2008 par la LME. Il est donc tout a fait normal que nous soyons à même de lui rendre régulièrement des comptes, ce que je me propose de faire aujourd’hui devant vous en abordant quatre sujets.
Premier sujet : les résultats obtenus par l’Autorité.
Depuis son installation au mois de mars 2009, l’Autorité a, me semble-t-il, tenu ses promesses. Nous avons ainsi intensément travaillé en rendant une trentaine d’avis et en traitant une soixantaine de saisines contentieuses, tâches auxquelles s’ajoutent aujourd’hui de nouvelles responsabilités.
Depuis la LME, il lui revient – et non plus au ministère de l’économie – de statuer sur les opérations de fusion, de concentration et de rachat d’entreprises qui lui sont notifiées. Nous constatons en la matière – est-ce en raison de la fin de la crise ? – une reprise très sensible, les activités de fusions et d’acquisitions ayant été en 2009 très souvent reportées ou annulées faute de financement par les banques ou, encore, d’une valorisation des entreprises sujette à discussion compte tenu de la conjoncture boursière ou, tout simplement, en raison du moral des entrepreneurs. En 2010, nous avons reçu 200 dossiers – contre à peine 130 l’année précédente – en particulier dans des secteurs tels que l’agro-alimentaire et le transport, où les entreprises cherchent à se consolider afin d’atteindre une taille critique. J’ajoute que nombre d’opérations importantes ont pu être menées à bien avec notre accord ; il en va ainsi du projet Veolia-Transdev, ces deux entreprises ayant créé une structure commune dans le secteur du transport urbain et interurbain sans que la concurrence – bien au contraire ! – en pâtisse. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions quant aux engagements que nous avons négociés puisque, en tant qu’élus, c’est vous qui accordez les délégations de service public à ces opérateurs.
En outre, nous avons renforcé les saisines d’office en attendant de moins en moins que le Gouvernement, les acteurs économiques ou les associations de consommateurs le fassent. Nous scrutons ainsi le fonctionnement concurrentiel des différents secteurs économiques tout en recueillant des indices. Cette activité nous semble d’autant plus importante que, dans le secteur du BTP ou de la grande distribution, par exemple, la plupart des intervenants restent silencieux. Plus précisément, le nombre de saisines contentieuses d’office est passé de 9 en 2009 à 13 en 2010. La même année, le ministère de l’économie ne nous a saisis qu’une fois – les micros-pratiques locales relevant quant à elles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) –, de même que nous n’examinons qu’une seule affaire transmise par les associations de consommateurs.
Par ailleurs, le Parlement nous a conféré le pouvoir de nous saisir d’office en matière d’avis afin d’établir un diagnostic du fonctionnement concurrentiel dans tel ou tel secteur et de procéder à un certain nombre de recommandations à destination des acteurs économiques, du Gouvernement ou de la représentation nationale elle-même. C’est ainsi que nous nous sommes auto-saisis de la question de la distribution, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir.
J’ajoute que nous avons pu intégrer ces nouvelles responsabilités en ramenant le stock des affaires en cours à 153 au 31 décembre 2010, contre 400 ou 450 au début des années 2000, chiffre qui compte parmi les plus bas depuis la création de l’ancien Conseil de la concurrence. Je gage que nous avons atteint à cet égard notre rythme de croisière.
Deuxième sujet : l’influence de l’Autorité sur le plan européen.
La concurrence n’est pas une fin en soi, mais un moyen visant à inciter les entreprises à donner le meilleur d’elles-mêmes en innovant, en baissant les prix, en étant compétitives et en améliorant la qualité des produits ainsi que des services. De ce point de vue, la politique de Bruxelles nous intéresse au premier chef et nous avons tout intérêt à nous y montrer de plus en plus attentifs.
Avec l’Autorité allemande, nous avons été élus par les autres autorités nationales de la concurrence afin de participer aux travaux du groupe réfléchissant à l’adaptation des règles de concurrence au secteur agricole – ainsi avons-nous pu faire entendre notre voix d’une façon pragmatique. Nous avons en particulier expliqué que le droit de la concurrence était suffisamment flexible pour permettre aux producteurs de se regrouper, de lutter contre la volatilité des prix et de négocier plus favorablement avec les transformateurs et les distributeurs. L’équilibre qui s’est fait jour et qui, dans le secteur de la production laitière, doit faire l’objet d’un règlement communautaire, résulte également de ses discussions.
En outre, la Commission européenne a révisé profondément sa position quant aux accords de distribution, et notamment s’agissant de la place de la vente en ligne que l’Autorité française s’est en l’occurrence efforcée de favoriser le plus possible – celle-ci permet en effet aux consommateurs de mieux comparer les prix et, donc, d’accroître la concurrence sans déstabiliser pour autant les secteurs où la distribution sélective est en vigueur. Une fois de plus, nous avons essayé d’établir un équilibre pragmatique entre vente en ligne et maintien des réseaux en dur, dont la Commission s’est explicitement inspirée.
Troisième sujet : nos priorités actuelles.
Nous sommes très attentifs à la question de la réparation. Bruxelles vient de lancer une réflexion sur les actions en réparation des victimes des pratiques anti-concurrentielles, l’objectif étant de favoriser une meilleure indemnisation des consommateurs, des PME ou des collectivités publiques qui font souvent les frais de ces dernières, en particulier dans le secteur du BTP. J’ai souvent l’occasion de le dire, le droit de la concurrence doit marcher sur deux jambes : la sanction, qui vise à dissuader les entreprises de se livrer à des pratiques dommageables pour l’économie, le pouvoir d’achat et les finances des collectivités publiques en raison d’une hausse des prix payée in fine par le consommateur ou le contribuable, et la réparation. De ce point de vue, je partage le diagnostic porté par les parlementaires Jung et Béteille dans leur rapport présenté devant le Sénat, selon lequel notre législation est insuffisamment efficiente.
Je citerai deux exemples qui montrent combien les collectivités publiques peuvent être victimes d’ententes que nous avons en l’occurrence mises à jour et sanctionnées.
Le 22 décembre dernier, nous avons ainsi réprimandé un cartel qui a opéré de 1997 à 2006 dans le domaine des panneaux de signalisation routière. Durant ces années, toutes les entreprises du secteur, qu’elles soient indépendantes ou qu’elles appartiennent à de grands groupes du BTP, ont mis en coupe réglée l’ensemble de la fabrication de la signalisation routière verticale. Un certain nombre de règles pré-établies permettaient de déterminer qui devait bénéficier des marchés passés par les collectivités publiques, les remises et les prix tarifaires étant précisés dans un document dit « Patrimoine ». Chaque entreprise considérait les bons de commande en sa possession – lesquels avaient donc été répartis avec ses « concurrentes » – comme faisant partie de son propre patrimoine, les membres du cartel ayant par ailleurs écrit noir sur blanc que ce document constituait une « Bible » à laquelle chacun devait se référer. J’ajoute que, selon nombre d’économistes, un cartel bien organisé – y compris s’il dispose d’un arsenal de mesures de rétorsion à l’endroit des « hérétiques » – peut faire grimper artificiellement les prix de 20 % à 25 %. Cette affaire l’atteste puisque l’audition des responsables, au mois de mars 2006, a été suivie d’une baisse du prix des panneaux routiers de cet ordre. Je le répète : il importe grandement que les collectivités publiques qui ont été flouées demandent réparation des préjudices subis. Elles le doivent aux contribuables !
Second exemple : le 26 janvier dernier, nous avons sanctionné une entente dans le secteur de la restauration des monuments historiques – églises, abbayes, châteaux –, notamment en Haute et Basse-Normandie ainsi qu’en Picardie, mais nous disposons également d’indices indiquant que des ententes ponctuelles ont existé en Aquitaine, en Bourgogne, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Île-de-France. En l’occurrence, les entreprises se partageaient les chantiers et proposaient des offres de couverture élevées à la suite des appels d’offres lancés par l’État ou les collectivités publiques afin que les sociétés qui avaient été préalablement choisies l’emportent en proposant des prix plus bas. Le maître de l’ouvrage avait ainsi l’impression qu’une véritable concurrence avait cours. Une fois de plus, il a suffi que cette entente soit démasquée pour que les prix baissent immédiatement de 20 %, ce qui est considérable !
Quatrième sujet : nos trois priorités à venir, qui rejoignent d’ailleurs celles d’une Représentation nationale soucieuse du pouvoir d’achat des consommateurs et du maintien d’une véritable politique de la concurrence.
Le contexte économique des prochains mois sera vraisemblablement marqué par une hausse des prix alimentaires et des matières premières, laquelle entraînera un risque pour le pouvoir d’achat des consommateurs et la politique de la concurrence – je note que cette dernière a d’ailleurs été assez contestée pendant la crise, l’emploi, le salarié, la pérennité des entreprises ayant été jugés plus importants que le pouvoir d’achat ou le consommateur. Plus que jamais, il faut nous pénétrer de l’idée selon laquelle, alors que les marges budgétaires dont nous disposons sont très étroites, la politique de la concurrence constitue un outil prioritaire afin de veiller à ce que les consommateurs paient un prix juste et non artificiellement majoré.
Pour ce faire, nous devons d’abord réfléchir aux tarifs bancaires. Au mois de septembre dernier, nous avons sanctionné les onze principales banques françaises – y compris la Banque de France – pour avoir installé lors du passage à l’euro une commission interbancaire dite « d’échange-image-chèque » (CEIC) dédiée au traitement du chèque alors qu’elle ne se justifiait en rien puisque la dématérialisation et l’automatisation de ce dernier était effective depuis 2002 - cette réforme d’intérêt général avait d’ailleurs permis aux banques de réaliser des gains de productivité substantiels qui, loin d’être restitués aux consommateurs, leur ont été en quelque sorte facturés. Nous avons donc déclaré cette commission anticoncurrentielle et sanctionné les onze établissements à hauteur de 384 millions d’euros.
En outre, nous sommes en train de négocier avec les banques une baisse, que nous espérons significative, des commissions interbancaires payées par les commerçants lors des transactions effectuées par cartes bancaires. Le montant de ces commissions – notamment de celles qui ont été négociées dans le cadre du groupement d’intérêt économique des cartes bancaires – n’ont pas évolué depuis 1990 en dépit des nombreux changements qui ont affecté ce secteur, s’agissant notamment des coûts informatiques. Il nous semble donc naturel de vérifier que ces commissions correspondent à des coûts réels. Dans les six prochains mois, nous en négocierons avec les banques une réévaluation à la baisse de manière que le consommateur paie moins lorsqu’il utilise sa carte, le commerçant étant quant à lui moins taxé qu’il ne l’est aujourd’hui.
Enfin, nous souhaitons qu’une évaluation des coûts soit effectuée régulièrement grâce à la signature d’une « clause de revoyure », dont nous négocions les termes en ce moment même avec les banques.
Nous devons ensuite réfléchir au secteur de la distribution, la LME nous ayant doté de nouveaux outils permettant de prévenir une concentration excessive des entreprises et de dissuader ou de sanctionner des pratiques anticoncurrentielles. J’ai eu l’occasion de m’entretenir de ce problème devant la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) présidée par Mme Catherine Vautrin, où nous avons d’ailleurs eu un débat très riche avec les représentants des groupes de distribution, des industriels et des personnels qualifiés. J’ai été heureux, Madame la présidente Vautrin, que vous ayez décidé de vous saisir d’un certain nombre de propositions afin de faire avancer les questions qui nous préoccupent au sein d’un groupe de travail dont vous avez eu l’initiative.
Nous sommes plus particulièrement intéressés par deux sujets d’actualité. Tout d’abord, nous constatons de plus en plus que les groupes de distribution, qu’il s’agisse de structures coopératives anciennes, comme les établissements Leclerc, ou de groupes comme Carrefour, renoncent au modèle intégré pour davantage travailler avec des magasins indépendants avec lesquels ils passent des contrats d’enseignes sur le mode de la franchise ou d’une affiliation d’une autre nature, ces magasins assumant les risques commerciaux. Cette situation est de plus en plus répandue dans les centres-villes. Ce n’est certes pas à nous de condamner une telle évolution, sans doute commandée par une série de facteurs économiques et sociaux, mais nous constatons que la pénétration de nouveaux magasins dans le secteur de la distribution est de plus en plus difficile.
Je sais que vous réfléchissez, Mesdames et Messieurs les députés, à une modernisation de la loi sur l’équipement commercial, qui est souvent considérée comme un obstacle à l’entrée de nouvelles enseignes dans les zones de chalandise. En ce qui nous concerne, nous ne voudrions pas qu’à ces barrières naturelles ou réglementaires – je songe, également, à la difficulté de trouver du foncier commercial dans les zones commerciales périphériques ou dans les centres villes – s’ajoutent des barrières comportementales par lesquelles les groupes de distribution rendent encore plus difficile une telle entrée. Or, il semble d’ores et déjà que tel soit le cas, comme en atteste l’enquête sectorielle que nous avons réalisée. Ainsi, certaines enseignes achètent-elles des terrains contigus aux magasins qu’elles créent afin de prévoir un éventuel agrandissement. Ceux-ci étant devenus finalement inutiles en raison d’un dimensionnement correct de la surface initiale, leur revente est subordonnée à une clause d’exclusivité disposant que l’acquéreur ne pourra pas utiliser le terrain à des fins concurrentielles dans le domaine, par exemple, de la distribution alimentaire ou du bricolage pendant une durée très longue pouvant aller jusqu’à trente ou cinquante ans ! C’est inadmissible ! Si les clauses de non-concurrence sont compréhensibles pour des personnels d’encadrement, elles ne se justifient en rien à ce niveau.
Compte tenu de ces difficultés, il est très important de garantir une mobilité inter-enseignes en faisant en sorte que la compétition entre les différents groupes de distribution attirent des magasins affiliés à des enseignes concurrentes qui souhaitent pénétrer dans les zones de chalandise auxquelles ils n’ont pas accès. Or, les magasins indépendants sont de plus en plus prisonniers de leurs contrats : non seulement leur durée est très longue – parfois trente ans –, mais une série de contrats, dont les échéances varient, se superpose au point que la sortie de l’un interdit la sortie d’un autre, un certain nombre de clauses pénalisant la sortie de l’ensemble. La mise en place d’une meilleure concurrence implique qu’il en aille autrement alors qu’à Paris 80 % du marché de la distribution sont tenus par les groupes Casino et Carrefour, les enseignes concurrentes ayant le plus grand mal à convaincre les magasins indépendants affiliés à ces derniers de les rejoindre, y compris en leur offrant de meilleures conditions.
Mme Catherine Vautrin. Je vous remercie, Monsieur Lasserre, pour la richesse de votre intervention. Nous avons pu constater le volontarisme dont l’organisation que vous présidez et vous-même faites preuve, s’agissant notamment de la question des saisines d’office et du travail avec la Commission européenne.
Vous avez indiqué vouloir recenser les freins à la compétitivité et à la diversité dans le secteur de la distribution, où la concentration est importante tant sur le plan local que sur le plan national puisque les quatre premiers groupes de distribution disposent de 65,5 % des parts de marché.
Au mois de décembre dernier, lors de votre présentation des enquêtes sectorielles devant la CEPC, il a été question de l’impact concurrentiel de cette nouvelle pratique qu’est le « management catégoriel » entre fournisseurs et distributeurs dans le secteur de la grande distribution alimentaire. Vous avez, à juste titre, alerté les opérateurs sur les risques concurrentiels que pourraient poser certaines modalités de son application, en soulignant notamment les risques d’éviction et d’entente, qui ne manqueraient pas d’avoir des incidences sur les prix et, donc, sur le pouvoir d’achat. Comme vous l’avez dit, j’ai installé un groupe de travail à ce propos au sein de la CEPC tant il importe d’agir rapidement en ce domaine.
S’agissant de la barrière comportementale dans la gestion du foncier commercial et de la durée des contrats, le droit commun vous semble-t-il suffire pour régler les problèmes qui se posent, ou devons-nous aller plus loin sur le plan législatif ?
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a rendu un certain nombre de décisions importantes en matière d’accords dérogatoires dans le cadre des délais de paiement. Si ces derniers ont été réduits sans grande difficulté dans plusieurs secteurs, êtes-vous interpellé par les professionnels qui connaissent des difficultés ? Si oui, qu’en pensez-vous – je songe en particulier aux secteurs de la jardinerie et des activités de plein air ?
En ce qui concerne la surveillance des pratiques anti-concurrentielles, disposez-vous d’ores et déjà d’informations quant aux négociations commerciales qui doivent se terminer dans quinze jours et dont nous savons qu’elles ne se déroulent pas sans douleur ?
Enfin, à la suite du rapport Folz paru au mois de septembre, vous avez rendu public le 17 janvier dernier un projet de communiqué exposant la méthode que l’Autorité de la concurrence souhaite suivre afin de déterminer les sanctions imposées en cas d’infractions aux règles de la concurrence. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. François Brottes. Nous admirons la vitalité dont vous faites preuve, Monsieur le président Lasserre, de même que votre foi en la justice née de la concurrence non faussée et de la liberté de commercer.
Je suis toutefois un peu interloqué que vous vous félicitiez de l’augmentation des fusions – laquelle signalerait une amélioration de l’état de notre économie – tout en déplorant la présence des cartels : les seconds prospèrent d’évidence avec les premières ! Les ententes, en effet, ne sont-elles pas facilitées par les concentrations ? Non seulement les groupes ne s’en privent pas, ainsi que vous l’avez vous-même dénoncé, mais il est à craindre que ne se constituent de véritables oligarchies commerciales contre lesquelles il sera difficile de lutter.
De plus, si vous vous êtes intéressé aux concentrations verticales et horizontales, qu’en est-il des transversales ? Quelle est donc la place, par exemple, des ventes en ligne par rapport aux ventes directes ? Il n’aura échappé à personne qu’il existe dans ce domaine des champions du monde du monopole, contre lesquels vous ne pouvez d’ailleurs pas grand-chose puisqu’ils échappent à votre périmètre de compétence. Il en va de même s’agissant du foncier ou des relations avec tel ou tel média qui, par exemple sur le plan régional, accordent beaucoup de places à certains et peu à d’autres. Nous voyons bien comment tout cela peut générer des cartels qui ne disent pas leur nom. Quels moyens d’investigation vous paraissent indispensables afin de mettre un terme à des pratiques qui « coincent » totalement le client ? Qui réalise des marges importantes ? Certainement pas ceux auxquels on pense dès lors que le problème est d’accéder à un juste prix sans léser le producteur ou le vendeur. Entre les deux, quid des intermédiaires qui s’en mettent plein les poches ? Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour les confondre ?
Par ailleurs, je vous remercie d’avoir évoqué le cas des collectivités territoriales car, si elles sont obligées de respecter le code des marchés publics – les élus, en effet, sont toujours peu ou prou suspects –, ce dernier nous fait souvent perdre une année avant que l’on ne finisse par revenir au point de départ. Pendant ce temps-là, qu’est-il possible de faire contre des gens qui se sont concertés ou qui se sont répartis des territoires alors que la durée d’un mandat politique, quoi qu’en pensent nos concitoyens, est relativement courte pour concevoir un projet, réaliser un cahier des charges et, enfin, procéder aux consultations nécessaires tout en se rendant finalement compte que nous aurions mieux fait de régler le problème sur un coin de table sans recourir forcément à un appel d’offre ? La situation est assez désespérante !
Je ne suis donc pas certain que vous disposiez d’une veille suffisante pour tenter d’identifier, lot par lot, quels que soient les marchés de construction ou de services, les manquements organisés à la concurrence.
M. Jean Gaubert. S’agissant des marchés publics, le problème est également de savoir à quel moment on a été ou non « roulé » – en ce qui concerne plus précisément les marchés de travaux publics, on ne le sait qu’à l’occasion de l’attachement. Il m’est d’ailleurs arrivé de discuter avec la DGCCRF en faisant valoir que le prix affiché dans l’appel d’offres n’était pas forcément le vrai. Nous ne disposons sans doute pas partout – en particulier dans les collectivités territoriales – des moyens permettant d’analyser les dossiers en profondeur et d’en déterminer la valeur exacte. De surcroît, les élus étant soumis à une véritable pression, ils préfèrent choisir le « moins disant » le jour de l’ouverture des plis plutôt que de formuler des hypothèses sur l’avenir qui pourraient les faire suspecter de complaisance. À ce propos, j’ai toujours rêvé qu’à terme il soit possible de sanctionner ceux qui ont exploité à satiété les cahiers des charges qui leur ont été proposés !
En outre, si les problèmes liés à l’élévation des prix agricoles doivent être pris en compte, personne ne sait où placer le curseur – à la différence du BTP où des indices permettent de prendre en considération la véritable évolution des prix des matières de base – afin de ne pas favoriser ceux qui voudraient en profiter, au passage, pour réaliser des marges indues. Est-il possible de remédier à cette situation ? Nous risquons sinon d’être confrontés aux mêmes difficultés lors de chaque crise.
S’agissant des frais bancaires, si vous avez évoqué une entente – il y en a d’ailleurs eu d’autres, concernant notamment les systèmes de contrôle des comptes débiteurs –, vous n’avez en revanche rien dit de l’élévation considérable et comparable des marges réalisées sur les prêts depuis la crise financière.
Enfin, vous sentez-vous concerné par le rapport de nos collègues Dosière et Vanneste sur le train de vie des autorités indépendantes ?
M. Philippe Armand Martin. Je souhaite insister sur le fait que, s’il importe d’encourager la concurrence, la qualité des produits doit être également au rendez-vous.
Par ailleurs, comment concilier droit à la concurrence et protection des producteurs, les plus fragiles d’entre eux se faisant parfois engloutir ? Quelles garanties pouvez-vous leur donner ?
Mme Frédérique Massat. Disposez-vous des moyens suffisants pour exercer votre mission ?
En matière de sanctions, que pensez-vous du rapport Folz, qui préconise de fixer le montant des sanctions pécuniaires par rapport à un montant de référence situé entre 5 % et 15 % de la valeur des ventes concernées par l’infraction ?
Qu’en est-il de la tarification bancaire, s’agissant notamment de la gestion automatisée du chèque ?
En outre, l’avis favorable que vous avez émis sur l’accord interprofessionnel conclu dans la filière ovine était assorti de deux recommandations sur lesquelles je souhaiterais avoir des précisions.
Enfin, qu’en est-il de la contractualisation au sein des filières « lait » et « fruits et légumes » ?
M. Daniel Fasquelle. Au mois de juin, lorsque je vous avais interrogé sur la question des sanctions, vous aviez sinon nié le problème, du moins minoré son importance. Je me réjouis donc qu’au mois de janvier, vous ayez ouvert une consultation publique sur les méthodes de détermination des sanctions pécuniaires, preuve de la réalité de telles difficultés.
Précisément, ne conviendrait-il pas de systématiser les études d’impact avant que toute décision de sanction ne soit prise dès lors que ces dernières ont des conséquences sur l’emploi ? L’étude réalisée sur cinq pays, dont le nôtre, par Oxford Economics montre ainsi que des amendes qui s’élèvent respectivement à 75 et 150 millions entraînent la perte de 242 et 500 emplois.
Par ailleurs, des sanctions étant parfois prononcées des années après les faits, des dirigeants et des actionnaires sont pénalisés alors qu’ils n’étaient pas aux commandes lorsque les infractions ont été commises. N’est-il donc pas possible de sanctionner les véritables responsables ?
Je note, de plus, le décalage faramineux entre les sanctions prononcées en matière de concurrence et celles qui le sont dans d’autres domaines. Ainsi Total a-t-il été condamné pour entente à une amende de dix millions en 2008 quand l’affaire Erika ne lui a coûté que 400 000 euros : si le niveau des pénalités est sans doute convenable dans le premier cas, on ne peut en dire autant du second.
Une décision rendue le 17 décembre 2010 relative à certaines pratiques dans le secteur du GPL témoigne de certaines dérives dans les procédures de clémence. Est-il possible de réfléchir à l’amélioration de ces dernières ?
S’agissant des clauses de non-concurrence dont vous avez parlé dans le domaine du foncier commercial, pensez-vous qu’une loi soit nécessaire ou que l’application du droit commun suffise à annuler ce type de disposition, des décisions de justice ayant ainsi déclaré non valables des clauses de non-concurrence non justifiées par la vente de terrains ?
M. Henri Jibrayel. L’Autorité de la concurrence ayant publié sa méthode de calcul des sanctions, les entreprises poursuivies pour pratiques anti-concurrentielles pourront désormais discuter plus efficacement avec cette dernière avant qu’elle ne prenne sa décision. Pouvez-vous nous en dire plus sur ladite méthode ?
M. Jean-Charles Taugourdeau. La reprise des processus de fusions et de rachats d’entreprises est-elle due à la sortie de la crise ou en est-elle la conséquence, ces dernières n’ayant plus les moyens de poursuivre leurs activités en étant isolées ?
Par ailleurs, si les saisines de l’Autorité sont peu nombreuses, est-ce en raison de sa relative méconnaissance par les différents acteurs ou par crainte d’éventuelles représailles faute d’une garantie de confidentialité suffisante ?
Considérez-vous qu’une collectivité publique doive acheter des terrains en acceptant des clauses de non-concurrence tout en saisissant ensuite le tribunal pour les faire annuler ? Je suis moi-même confronté dans ma commune à une enseigne qui souhaite ne pas subir de concurrence pendant trente ans.
Enfin, que préconisez-vous afin de garantir la mobilité inter-enseignes ?
M. Jean-Michel Villaumé. Les projets d’Apple concernant l’iPad ne sont pas du goût des journaux français, ces derniers craignant que cette entreprise ne s’octroie une partie de leurs abonnements. Apple, en effet, veut obliger l’ensemble des éditeurs de presse à passer par sa plateforme de téléchargement iTunes afin de vendre leurs abonnements, le groupe américain ponctionnant ainsi une commission de l’ordre de 30 %. Avez-vous été saisi de cette situation et disposez-vous d’une approche précise du risque concurrentiel évoqué par la presse ?
De plus, l’Autorité accorde-t-elle une attention particulière à la question des frais bancaires abusifs après la condamnation des onze banques dont vous avez parlé ?
Les concurrents de la Française des Jeux et du PMU, quant à eux, sont plus que jamais déterminés à obtenir une modification législative sur les jeux d’argent après l’avis publié jeudi dernier par l’Autorité faisant état d’inquiétudes s’agissant de la position occupée par ces deux anciens monopoles sur le marché. L’Autorité relève en particulier un risque de distorsion de concurrence dans les paris hippiques, le PMU bénéficiant d’une masse d’enjeux très importante grâce aux points de vente dont il dispose. L’Autorité recommande ainsi à ce dernier ainsi qu’à la Française des Jeux la séparation juridique et fonctionnelle des activités exercées en monopole dans leurs réseaux physiques – cafés, bars, débits de boissons, tabacs, etc. –, ainsi que celles qui sont exercées sur le marché concurrentiel sur Internet. Cette recommandation, souligne enfin l’Autorité, est un remède régulièrement préconisé dans de tels cas de figure. In fine, irez-vous au-delà d’une simple recommandation ou souhaitez-vous une nouvelle modification législative ?
M. Alfred Trassy-Paillogues. Pouvez-vous préciser vos relations avec la DGCCRF ?
Votre pouvoir d’investigation est-il suffisant ?
Avez-vous eu accès aux résultats fiscaux des entreprises de signalisations verticales et de restauration de monuments historiques auxquelles vous avez fait allusion ? Étiez-vous en mesure de déceler des marges excessives ?
Que pensez-vous de la situation dans les secteurs suivants : signalisation horizontale, gestion de l’eau, des déchets et des autoroutes, marché des enrobés à chaud routiers et, enfin, téléphonie mobile ?
La sanction de 384 millions qu’ont subie les onze banques est-elle élevée ? En ce qui me concerne, je ne le pense pas comparativement à la pénalisation massive dont les consommateurs ont été victimes. Les dirigeants, de surcroît, ont-ils été également sanctionnés ?
Souhaitez-vous formuler des propositions s’agissant du code des marchés publics ?
Quid de la distorsion de concurrence créée à la suite de l’utilisation systématique et massive du contentieux par certaines entreprises à la fin de leurs opérations ?
Enfin, que pensez-vous de ces « vrais-faux » produits nouveaux qui écartent systématiquement des entreprises, ainsi que de la sur-réglementation et de la sur-législation qui en éliment également de 70 % à 80 % dans certains domaines ?
M. Jean Grellier. Le groupe Yoplait, filiale du groupe Sodiaal, recapitalisé par PAI Partners en 2002 à hauteur de 70 millions, souhaite aujourd’hui vendre ses participations. Or, les grands groupes du secteur alimentaire comme Nestlé ou Lactalis sont intéressés par Yoplait, et le chinois Bright Food en propose 1,7 milliard d’euros. Le risque de déstructuration de la filière laitière et du secteur de la coopération étant patent, disposez-vous des moyens d’intervention nécessaires afin de privilégier les intérêts à long terme, et non ceux à court terme qui satisferaient les fonds d’investissement mais qui pénaliseraient les producteurs ?
Les PME du secteur des transports urbains et interurbains de voyageurs ne sont-elles pas fragilisées après les regroupements qui ont eu lieu ces dernières années et dont les effets sur les différents appels d’offres lancés par les collectivités locales peuvent être délétères ?
Enfin, l’Observatoire de formation des prix et des marges contribue-t-il à favoriser la transparence quant aux prix et à la réparation des marges entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ?
M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur Lasserre, tout d’abord, je tiens également à vous remercier pour votre volontarisme.
Quels dispositifs de veille avez-vous mis ou allez-vous mettre en place pour éviter la reproduction de certains errements ? On voit ainsi souvent les mêmes groupes reprendre les mêmes délégations de service public.
En tant que Haut-Normand, j’ai également été interpellé par les ententes illicites dans le secteur des monuments historiques. Si les fraudeurs ont bien été démasqués et sanctionnés, les collectivités publiques victimes des préjudices ont-elles demandé réparation comme elles en avaient le droit ?
Mme Marie-Lou Marcel. Lors de la cérémonie des vœux de l’Autorité de la concurrence, vous avez déclaré que les entreprises devaient pouvoir connaître les éléments et les méthodes de calcul de sanctions pouvant se chiffrer à plusieurs dizaines, voire à des centaines de millions d’euros. En conséquence, vous avez publié votre méthode, cohérente selon vous avec les bonnes pratiques des autres autorités de la concurrence d’Europe.
De laquelle de vos homologues vos avis, préconisations et modes d’action se rapprochent-ils le plus ?
Quel type de contournement de la concurrence rencontrez-vous le plus souvent ?
Estimez-vous vos moyens suffisants pour remplir votre mission ?
Votre avis du 20 janvier dernier a recommandé la séparation juridique et fonctionnelle des activités d’une entreprise selon qu’elles sont exercées dans le cadre d’un monopole ou sur des marchés concurrentiels. Quel mode de séparation envisagez-vous ?
Enfin, quelle solution préconisez-vous pour mettre un terme aux habitudes particulièrement choquantes du secteur de la restauration historique ?
M. Jean Proriol. La remise en cause des concessions par les autorités concédantes relève-t-elle de l’Autorité de la concurrence ?
L’État est-il obligé de rouvrir des appels d’offre pour les concessions attribuées à EDF depuis longtemps ? Le nouveau concessionnaire profiterait alors des investissements réalisés par son prédécesseur.
M. William Dumas. Lors de votre dernière audition, en juin 2010, vous nous avez exposé que vous disposiez de la capacité d’interdire à une entreprise de grande distribution d’imposer des clauses restrictives lors de la revente de surfaces d’immobilier commercial lui appartenant. Avez-vous depuis lors rendu des décisions en ce sens ?
Pour lutter contre les ententes dans le domaine de la signalisation routière, de la restauration des monuments historiques ou des tarifs bancaires, un accroissement de la publicité de vos décisions, qui pourrait peut-être aller, pour les banques, jusqu’à l’affichage dans leurs succursales, ne pourrait-il pas avoir un effet dissuasif ?
Les commissions représentent désormais en France près de 50 % du produit net bancaire. Or, les plus taxés de nos concitoyens sont souvent les plus pauvres. La ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde, a décidé de s’intéresser à ce point. Allez-vous dans les prochains mois lancer des enquêtes sur les tarifs bancaires ?
Mme Catherine Coutelle. Le montant des amendes versées par les banques pour infraction en matière de tarifs bancaires sera-t-il reversé aux clients ?
Lors d’une réunion à la Banque de France, j’ai entendu dire que, pendant la crise, certaines entreprises de BTP avaient consenti des remises allant jusqu’à 20 %, autrement dit pratiqué le dumping, faisant ainsi disparaître certaines de leurs concurrentes fragiles. Intervenez-vous dans ce domaine ?
Nous avons aussi découvert des situations étranges concernant les salles de cinéma. Un dossier lancé par la collectivité dont je suis l’élue devrait finir par aboutir le 8 avril, après sept ans de travail. Nous nous sommes rendu compte que les distributeurs se répartissaient les territoires, chacun interdisant la concurrence sur le sien. L’affaire est remontée jusqu’au Conseil national du cinéma. Si nous avons gagné sur le principe, nous devons bien constater qu’il ne nous reste plus qu’un seul interlocuteur, la concurrence ayant été découragée.
M. Bruno Lasserre. Merci de ces questions stimulantes, qui nous donnent envie de travailler plus encore, dans la limite des moyens qui nous sont assignés.
Mme Vautrin, MM. Taugourdeau, Nicolas et Dumas m’ont interrogé sur la grande distribution, et notamment sur les avis que nous avons rendu le 7 décembre dernier.
Pour nous, un juge judiciaire, s’il était saisi, pourrait sans doute déclarer illicites parce que disproportionnées des clauses fermant l’ouverture à la concurrence d’un terrain foncier commercial pendant un délai aussi long que trente ou cinquante ans.
Cependant, la simple inscription de ces clauses est dissuasive pour les acquéreurs. Une intervention plus radicale du législateur, interdisant les clauses de non-concurrence dans la revente de terrains, serait donc peut-être bienvenue. Les clauses de non-concurrence figurant dans un contrat de travail sont liées à un savoir-faire. Or, aucun savoir-faire ne s’attache à un terrain commercial. Pour moi, ce type de clause constitue une barrière invisible et inadmissible, qui devrait donc être proscrit par principe.
Les obstacles à la mobilité constitués par les rigidités contractuelles entre têtes de réseaux et magasins indépendants qui leur sont affiliés relèvent d’une autre logique. Dans nos avis, nous avons estimé que la durée de certaines clauses pouvait être trop longue : une durée d’affiliation devrait être comprise entre cinq et sept ans. Nous avons également dénoncé la superposition des contrats, d’enseigne, de bail ou d’approvisionnement. Leurs durées différentes rendent très difficile la sortie du dispositif. Nous avons donc proposé qu’ils soient rassemblés dans un document unique pouvant être dénoncé en une seule fois par le commerçant indépendant qui ne voudrait plus rester affilié à une enseigne.
Si certains groupes, comme Leclerc ou Intermarché, ont fait savoir par voie de presse leur désaccord, considérant que nous sortions de nos compétences et annonçant le prochain dépôt d’un recours au Conseil d’État contre notre avis – dont il n’est aucunement évident qu’il fasse grief –, d’autres enseignes se sont au contraire montrées intéressées par notre argumentation. Nous sommes donc prêts à créer un groupe de travail pour aboutir avec eux à une modification de leurs pratiques contractuelles. Ce n’est que si nous estimons les évolutions proposées insuffisantes ou insuffisamment partagées par la profession que nous nous retournerons vers le législateur. Nous voulons laisser une chance aux enseignes d’évoluer d’elles-mêmes dans le sens de nos préconisations.
Madame Vautrin, nous observons avec attention, mais aussi avec une certaine crainte, les débuts en France du « management catégoriel ». Vous avez raison d’essayer de susciter l’émergence, puis la diffusion, de bonnes pratiques partagées entre les distributeurs et les fournisseurs, destinées à prévenir les risques d’entente, ou encore d’éviction de fournisseurs. Nous appuyons la construction de lignes de force consensuelles permettant d’éviter d’éventuelles dérives.
Monsieur Fasquelle, lors de mon audition du 23 juin dernier, je m’étais bel et bien montré ouvert à la publication des lignes directrices. J’ai indiqué que nous étions prêts à travailler sur de telles lignes directrices pour déterminer plus précisément le mode de calcul des sanctions en fonction des critères législatifs : gravité de l’infraction, importance du dommage causé à l’économie, réitération, situation individuelle de l’entreprise. » Il s’agit donc de notre part, non d’une volte-face, mais, je crois, de la réalisation d’une promesse que j’avais alors formulée devant vous.
Pourquoi agissons-nous ainsi ? L’an dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt divisant par huit ou dix les sanctions que nous avions infligées dans l’affaire du « cartel de l’acier ». La ministre de l’économie n’a pas souhaité se pourvoir en cassation. Très troublés par l’incertitude ainsi créée, nous avons souhaité reprendre la main en rendant plus prévisible notre politique de sanctions. Nous avons donc élaboré un document pédagogique explicitant, dans le respect de la loi, notre future méthode de calcul du montant des sanctions.
En 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques a porté le plafond des sanctions à 10 % du chiffre mondial du groupe dont relève l’entreprise fautive. Le législateur a également fixé quatre critères : gravité de l’infraction, importance du dommage causé à l’économie, réitération, situation individuelle des entreprises.
Nous devons conjuguer plusieurs principes. Le premier est la convergence : de plus en plus, nous appliquons le droit communautaire cumulativement avec le droit national. Dans une Europe qui s’intègre, nous devons aussi nous inspirer des raisonnements que tiennent nos partenaires pour sanctionner les atteintes comparables causées à l’ordre public concurrentiel dans leur espace juridique. La Commission européenne et les autorités de plusieurs États de l’Union – Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Pologne, Espagne – ont déjà publié des lignes directrices.
Nous devons aussi codifier notre pratique, élaborer une méthodologie et nous engager à la tenir, de sorte qu’elle puisse être invoquée par les entreprises, soit devant nous, soit devant le juge judiciaire, qui nous contrôle, afin de mieux anticiper et nourrir le débat contradictoire préalable à la décision sur la sanction. Il s’agit à la fois de permettre à l’entreprise de mieux anticiper le risque – démarche qui participe aussi de la dissuasion – et de l’inciter, dans le débat contradictoire avec nous, à faire état d’éléments concrets susceptibles d’influer sur l’évaluation du montant de la sanction.
Pour construire cette méthodologie, nous n’allons pas partir du plafond légal. Cette notion ne doit être prise en compte qu’en fin de calcul, pour « écrêter » le cas échéant les sanctions qui l’excéderaient. Cette notion ne constitue pas un bon point de départ : de ce point de vue, nous sommes en désaccord avec la démarche de la cour d’appel dans l’affaire du cartel de l’acier. Nous considérons, quant à nous, que le bon point de départ est le montant des ventes affectées par le comportement anticoncurrentiel. Nous allons donc partir du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur le marché sur lequel se sont produites les pratiques répréhensibles.
Contrairement au rapport Folz, qui propose un pourcentage compris entre 5 % et 15 % des ventes des produits concernés par les pratiques sanctionnées, sur la base du seul critère de gravité, nous avons décidé de ne pas instaurer de plancher systématique, et donc de partir de 0 %. Dans certains cas, nous pouvons souhaiter n’infliger que des amendes symboliques, inférieures à 5 %. Si l’entreprise concernée n’est qu’une très petite entreprise, le montant à verser sera de toute façon très modique. Les pratiques ont pu être encouragées par les acteurs publics et l’infraction peut être dépourvue de caractère de gravité sensible. Un plancher de 5 % nous paraissait dangereux. Mais on pourra monter jusqu’à 30 %. Il s’agit, comme l’impose la loi, de tenir compte à la fois de la gravité de l’infraction – pour 15 % – et de l’importance du dommage causé à l’économie – pour 15 % également.
Sur ces bases, nous rechercherons les circonstances atténuantes et aggravantes. Si l’entreprise réitère un comportement déjà prohibé – autrement dit si elle récidive –, la sanction pourra être majorée jusqu’à 50 %. La durée de l’infraction sera aussi prise en compte.
Il me semble que c’est la première fois qu’une autorité administrative comme la nôtre effectue cet effort de transparence et, de plus, ouvre le débat sur sa politique de sanctions. La Commission européenne n’a jamais consulté les acteurs économiques sur les lignes directrices qu’elle a élaborées en 1998 et 2006. L’Espagne a organisé une consultation entre Noël et le Jour de l’An – une semaine ! Nous avons ouvert, en ce qui nous concerne, un délai de deux mois aux entreprises, aux consommateurs, aux élus et, de façon générale, à toute personne souhaitant prendre la parole pour donner son point de vue sur le document ainsi soumis à débat public ; Les contributions pourront être remises jusqu’au 11 mars. Le 30 mars, nous organiserons un débat contradictoire pour mettre en perspective les points de vue qui nous auront été communiqués.
Monsieur Fasquelle, bien sûr, des études économiques montrent que des sanctions très élevées pourraient mettre en péril des entreprises : c’est d’ailleurs pour cette raison que nous souhaitons proportionner la sanction à leurs capacités contributives. Lorsqu’une entreprise est sous procédure collective, nous avons pour pratique constante de renoncer à la sanction. Lorsqu’elle subit des difficultés conjoncturelles, nous réduisons très significativement celle-ci si nécessaire : dans l’affaire de la signalisation routière, nous l’avons réduite de 50 % ; dans une affaire d’électrosoudure, nous n’avons prononcé que des sanctions très faibles pour ne pas mettre en péril l’avenir des entreprises concernées, de toutes petites PME sous-traitantes de grandes groupes automobiles, qui avaient subi de plein fouet la crise économique.
Nous souhaitons en revanche que le débat sur la capacité contributive soit nourri par la production de documents comptables, financiers et fiscaux authentifiant, prouvant, les difficultés rencontrées par les entreprises qui les invoquent. Or, trop souvent, tel n’est pas le cas.
Il faut mettre en relation avec l’amende non seulement l’emploi au sein de l’entreprise qui a commis les infractions, mais aussi celui de celles qui en ont été les victimes. Une entreprise qui, pendant dix ans, en a contraint d’autres – ainsi que les consommateurs – à payer leurs matières premières 20 % ou 25 % au-dessus du prix du marché, a aussi eu une action négative, voire catastrophique, sur l’emploi au sein de ses PME clientes qui ne disposaient pas de la capacité de négociation suffisante pour s’opposer à ces hausses artificielles de prix. L’affaire du « cartel de l’acier » l’a très bien montré.
Dans l’affaire du GPL, nous avons été très mécontents que, pour preuves de ses allégations, une entreprise qui dénonçait un cartel dans le secteur des bouteilles de gaz conditionné nous ait fourni des courriels manifestement fabriqués à partir de faux. Nous avons décidé d’en tirer toutes les conséquences. La rapporteure générale verra comment elle peut agir dans l’instruction du dossier et s’il convient éventuellement de saisir le juge pénal.
Pour le reste, après un démarrage plutôt lent, le programme de clémence français, identique à celui des autres États d’Europe et lancé en 2001, connaît un certain succès. Le nombre de demandes de clémence continue de progresser. Dans un secteur donné, cinq demandeurs de clémence sont venus dénoncer des faits d’entente auxquelles ils avaient participé. Alors que notre culture économique est très éloignée d’une culture de la dénonciation – au contraire peut-être de celle des États anglo-saxons –, dans les prochains mois, vous constaterez que le programme de clémence aura permis la mise au jour de cartels structurés.
Messieurs Brottes et Gaubert, Madame Coutelle, si nous sommes attentifs au secteur du BTP et aux appels d’offres publics dans ce domaine, nous sommes cependant saisis d’un nombre d’affaires moindre que le Conseil de la concurrence, qui nous a précédé : dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000, elles représentaient la moitié de son activité ! Si la situation a changé, c’est que, après que vous avez constaté en 2001, lors des débats sur la loi sur les nouvelles régulations économiques, les stratégies de contournement des règles par des groupes de BTP, nous avons rendu les sanctions beaucoup plus dissuasives. La culture de ces groupes en a été modifiée ; le risque de sanction y est désormais considéré comme sérieux. Aujourd’hui, de grands groupes de BTP ont entrepris, grâce à des programmes de conformité, de former leurs cadres aux risques des ententes.
Nous n’entendons pas favoriser coûte que coûte regroupements et constitution d’oligopoles dans l’économie française. Cependant, les entreprises françaises n’atteignent pas toujours la taille critique nécessaire pour mener jeu égal avec leurs concurrentes européennes ou mondiales. Nous ne devons donc pas nous opposer par principe à leur croissance, y compris par acquisition.
Le repreneur de la société Yoplait n’ayant pas encore été choisi, nous nous interdisons de porter un jugement sur le rachat de celle-ci. Compte tenu de l’ampleur de l’opération, son contrôle relèvera sans doute de Bruxelles. En revanche, nous avons donné notre accord au regroupement entre Sodiaal et Entremont.
Monsieur Brottes, l’une des raisons pour lesquelles les appels d’offres lancés par les collectivités ne reçoivent que de très rares réponses, voire des réponses uniques, est que la complexification des règlements et des cahiers des charges dissuade certaines entreprises de concourir. Répondre à des appels d’offres comporte aussi des coûts qui ne sont pas nécessairement remboursés par les collectivités.
En échange de la création de l’entreprise commune Veolia-Transdev, nous avons négocié trois engagements au profit des collectivités.
D’abord, chaque fois qu’un appel d’offres concernera, comme concessionnaire sortant, soit Veolia, soit Transdev – une filiale de la Caisse des dépôts et consignations –, ces sociétés devront financer un fonds d’animation de la concurrence à la disposition des collectivités délégantes. Celles-ci pourront utiliser ce fonds pour rembourser les candidats – ce qui permettra d’en attirer un plus grand nombre dans la compétition –…
M. François Brottes. C’est du masochisme !
M. Bruno Lasserre. …et pour financer, à leur profit, le recours à l’assistance à maîtrise d’ouvrage : très souvent, elles ne disposent pas des moyens de concevoir elles-mêmes les appels d’offres. Pouvoir recourir à l’aide de cabinets extérieurs sera pour elles un progrès.
M. Jean Gaubert. Recourir aux directions départementales de l’équipement était plus simple. Nous les regrettons !
M. Bruno Lasserre. Elles n’étaient pas forcément les mieux outillées dans ce domaine. De toute façon, elles n’existent plus.
Nous avons aussi négocié des engagements de cession d’actifs de transports interurbains ou urbains.
De nombreuses questions ont été posées sur les prix agricoles, la protection des producteurs et la contractualisation.
L’Observatoire de formation des prix et des marges, créé par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche et présidé par une personnalité indépendante, peut recourir à l’INSEE et à nombre d’instruments statistiques pour mieux identifier, dans la chaîne de formation des prix, les lieux où les profits qui se forment sont peut-être excessifs. Nous l’encourageons à nous saisir, comme il en a le droit, au cas où il décèlerait de tels profits excessifs ou des pratiques anticoncurrentielles.
Dans les avis que nous avons rendus pour le ministère de l’agriculture, nous avons encouragé la contractualisation au sein des filières agricoles. La contractualisation entre producteurs, d’une part, et entre producteurs et transformateurs, d’autre part, est l’un des moyens de lutte contre la volatilité des prix : elle permet aux producteurs de peser sur le rapport de force avec les distributeurs et de faire inscrire dans les contrats des clauses protectrices telles que des garanties de prix pour des volumes et des durées négociés.
Dans un avis rendu aujourd’hui même, nous félicitons les éleveurs ovins pour leur premier accord interprofessionnel de filière et les encourageons à développer leur action à travers un accord avec les transformateurs, puis les distributeurs.
Monsieur Gaubert, notre train de vie est-il trop luxueux ? Mesdames Massat et Marcel, disposons-nous des moyens de remplir nos missions ? Nous utilisons très raisonnablement les fonds qui nous sont accordés. Notre budget est de l’ordre de 20 millions d'euros ; 180 personnes sont mises à notre disposition. Compte de l’étendue de nos missions, ces éléments sont loin d’être excessifs. Nous avons aussi pris l’engagement auprès de l’État de diminuer progressivement, chaque année, nos dépenses de fonctionnement, et nous avons par ailleurs renoncé à une relocalisation pour ne pas peser sur les dépenses immobilières.
L’Autorité ne disposant pas de services locaux pour analyser les indices sur le terrain, nous ne pouvons agir avec profit sans une bonne articulation avec ceux de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), regroupés désormais dans les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Nos décisions sont de plus en plus diffusées. Afin de stigmatiser les entreprises répréhensibles et, surtout, d’inciter les victimes à se manifester, nous faisons tout pour qu’elles soient connues. Pour faire connaître notre décision sur les banques, nous avons publié une page entière dans Les Échos et Le Monde. France 3 a consacré plusieurs plateaux de télévision à nos décisions sur les monuments historiques et les panneaux routiers, et ces décisions ont aussi donné lieu à de nombreux commentaires dans la presse régionale.
Nous n’avons pas peur d’Apple. Nous avons été la première autorité chargée de la concurrence à prendre une décision relative à Google – sur le service AdWords de publicité sur les liens sponsorisés. Qu’une entreprise soit très puissante sur un marché mondial ne l’affranchit pas du droit de la concurrence. Si nous sommes saisis, par le Gouvernement ou la presse, du cas que vous nous avez signalé, nous l’instruirons.
Notre avis récent sur les jeux s’adresse plus au PMU qu’à la Française des jeux. Afin d’assurer la clarté de la concurrence entre le PMU et les nouveaux opérateurs, nous souhaitons que celui-ci filialise les jeux dont il a le monopole, et qu’il crée pour les jeux soumis à la concurrence des marques et des conditions juridiques distinctes.
Enfin, Monsieur Fasquelle, la disproportion apparente entre les amendes, très élevées, imposées dans la régulation de la concurrence et celles qui peuvent émaner d’autres instances de régulation économique, ne peut s’analyser sans une comparaison de l’ensemble des sanctions. Les atteintes à l’environnement font ainsi l’objet d’autres formes de dissuasion que les amendes : emprisonnement des personnes, fermeture des établissements classés. Le risque d’une fermeture est autrement plus dissuasif que celui d’une amende !
J’en suis d’accord, une trop faible sévérité des juges judiciaires dans d’autres secteurs ne doit pas nous faire renoncer à la dissuasion. Le législateur nous a adressé un message clair en 2001, et il ne nous appartient pas de substituer notre propre hiérarchie des valeurs à celle qu’il nous a fixée. Nous voulons continuer à conjuguer dissuasion et individualisation proportionnelle avec fermeté et pragmatisme, dans le cadre d’une détermination accrue et d’une clarté améliorée.
M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, en juin dernier, vous aviez répondu que « si la sanction doit être prévisible, elle ne doit pas l’être entièrement pour garder son caractère dissuasif. Si les entreprises savent exactement à quelle sanction elles s’exposent, elles se livreront à un calcul rationnel et optimiseront leur comportement en conséquence. La sanction doit donc conserver une part de mystère ».
En tout état de cause, je ne peux que me féliciter de l’évolution de la position de l’Autorité en ce domaine.
M. Bruno Lasserre. Madame Coutelle, nous n’avons pas été saisis d’une répartition tacite des territoires entre distributeurs de cinéma. S’il était avéré, un tel agissement mériterait d’être instruit. Merci de nous fournir par écrit des indices, en nous expliquant notamment les difficultés concrètes auxquelles vous vous êtes heurtée.
Monsieur Taugourdeau, pour être efficaces, nous devons conjuguer transparence et effet de surprise. En matière d’ententes, recueillir des preuves suppose des perquisitions. Si nous rendons trop rapidement publiques nos saisines, les entreprises risquent de faire disparaître les éléments de preuve dont nous avons besoin. En revanche, une fois la décision rendue, nous ne dissimulons pas l’identité de qui nous a saisis, et donnons à notre action le plus de publicité possible.
Sur les concessions et les frais bancaires, ma réponse est simple. L’Autorité n’est le garant ni du juste prix, ni des marges des entreprises, mais celui du jeu concurrentiel. À ce titre, elle est habilitée à intervenir en cas d’entente entre entreprises pour contourner le jeu concurrentiel – par une fixation commune des prix ou une répartition des clients ou des marchés – ou en cas d’abus de position dominante.
Si les banques exagèrent peut-être dans la fixation des tarifs des frais bancaires, aucune banque n’étant en position dominante, nous devons, pour agir, avoir la preuve que cette action est concertée. Tel a été le cas lors de l’affaire de la commission interbancaire dite « d’échange-image-chèque », où il a été démontré qu’une initiative avait été prise de façon coordonnée par les banques. Notre action doit être renforcée par des actions destinées, les unes, à aider le consommateur à mieux connaître le montant de ce qui lui est facturé, et les autres à diminuer les coûts de sortie d’une banque, de façon qu’il puisse plus facilement en changer s’il n’est pas satisfait des services de celle à laquelle il recourt. Mais ces actions ne sont pas de nos compétences. Mme Lagarde s’est engagée sur les premières, et les secondes sont entre vos mains.
M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le président, vous n’avez pas répondu à mes questions sur le recours de certains concessionnaires au contentieux et ses conséquences sur la concurrence, non plus que sur les « vrais-faux » produits nouveaux. Quelles modifications du code des marchés publics pouvez-vous proposer ?
La situation de la concurrence est-elle redevenue normale en matière de signalisation horizontale, de distribution d’eau, de déchets, d’enrobés à chaud dans le BTP ainsi que dans le secteur autoroutier ?
M. Bruno Lasserre. Dans chacun des secteurs que vous venez d’évoquer, nous continuons à être saisis d’affaires. Avant la privatisation des autoroutes, nous avons, dans un avis, mis en garde le Gouvernement sur le risque de hausse du tarif des péages si les concessions étaient accordées à des groupes de BTP, qui pourraient confier à leurs propres filiales les travaux de construction ou d’entretien.
En matière d’enrobés bitumineux, nous avons pris des sanctions et statué sur une opération pour éviter une concentration excessive du secteur.
La téléphonie mobile a été l’objet en 2005 de l’une de nos sanctions les plus élevées : 534 millions d'euros d’amende contre une entente entre les trois opérateurs destinée à figer leurs parts de marchés.
Le développement des contentieux du fait de certaines entreprises, après l’obtention d’un marché public, aux fins d’augmenter le prix des prestations, relève, non pas de notre compétence, mais de la relation entre ces entreprises et les maître de l’ouvrage. Nous ne sommes pas compétents pour le traitement du suivi contractuel d’un marché. Notre compétence est une compétence d’exception. Nous ne pouvons intervenir que pour faire respecter, avant l’attribution d’un marché, deux interdictions posées par la loi : l’entente entre entreprises et l’abus de position dominante.
M. le président Serge Poignant. Merci, Monsieur Lasserre, pour cet échange : je suis sûr que nous aurons de nouveau l’occasion de vous entendre devant notre commission.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 15 février 2011 à 18 heures
Présents. - M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Jean-Michel Couve, Mme Geneviève Fioraso, M. Louis Guédon, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, Mme Anny Poursinoff, M. Michel Raison