La commission a auditionné M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances et M. Claude Trink, ingénieur général des mines sur le rapport de la concertation avec les acteurs concernés par le développement de la filière photovoltaïque.
M. le président Serge Poignant. J’ai le plaisir d’accueillir M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, et M. Claude Trink, ingénieur général des mines, l’un et l’autre chargés par le Gouvernement d’une mission sur la filière photovoltaïque, suite au moratoire décidé le 9 décembre dernier.
Nous serons particulièrement attentifs, messieurs les inspecteurs généraux, à vos propos sur un sujet de grande actualité, ainsi que sur le rapport provisoire que vous avez présenté vendredi dernier au groupe de travail. Celui-ci, que vous avez présidé tout au long du mois de janvier, a réuni de nombreux acteurs de la filière, dont la participation a été assidue. J’ai personnellement assisté à trois de ces réunions avec d’autres collègues – en particulier Geneviève Fioraso et Jean Dionis du Séjour – et je vous remercie de nous avoir permis d’y prendre la parole.
Vous avez donc produit un rapport de concertation sur la base de présentations de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ainsi que d’autres directions ministérielles. Reflétant des positions partagées par certains acteurs mais rendant compte également des points de vue divergents – les premières comme les seconds fort documentés –, il m’a paru très intéressant. Il permettra notamment au Gouvernement de prendre les mesures les plus propres à favoriser le développement de l’énergie photovoltaïque dans notre pays tout en limitant l’impact sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et, donc, sur le prix de l’électricité. Ce Gouvernement aura à proposer un nouveau cadre de régulation pour l’après-9 mars prochain, date de la fin du moratoire. Même si ces mesures sont d’ordre réglementaire, vous comprendrez aisément l’intérêt de notre Commission, compétente en matière d’énergie et de développement d’une filière économique, mais aussi celui de la Commission du développement durable, que j’ai souhaité associer à cette audition, en particulier en la personne de son président, Serge Grouard, ici présent.
Avant de vous entendre, messieurs, je donne la parole à M. François Brottes, qui a demandé à intervenir au début de cette séance.
M. François Brottes. En effet, monsieur le président, je souhaite présenter, en quelque sorte, une motion d’ordre en priant nos invités de bien vouloir m’excuser pour cette intervention préalable.
Ce matin, je vous ai fait savoir que nous souhaitions disposer au commencement de cette audition du projet de décret relatif à la sortie du moratoire. Nous considérons qu’au terme des travaux de la commission de concertation, qui ont bénéficié de participations très actives – y compris celle de la représentante de notre groupe, Geneviève Fioraso –, il est temps d’organiser cette sortie : non seulement la filière est très inquiète mais l’hécatombe industrielle et sociale qui est en train de se produire est pour une large part irréversible. Puisque nous ne pourrons pas nous réunir la semaine prochaine en raison des vacances parlementaires, il nous paraîtrait judicieux de débattre du projet de décret cet après-midi. Or, comme vous m’avez également indiqué ce matin que vous n’étiez pas en mesure de m’en confirmer la possibilité, je vous informe que nous ne participerons pas à cette audition, en signe de vive protestation.
En outre, au nom du groupe SRC, je vous remets une lettre demandant la création d’une mission d’information sur la question de la bulle spéculative créée par la situation antérieure au moratoire. Comme nous avons entendu sur le sujet tout et son contraire, il nous semble en effet indispensable d’analyser finement les choses afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs à l’avenir.
Bien entendu, si vous disposez à cet instant du projet de décret et que nous pouvons en débattre, nous ne boycotterons pas cette réunion.
M. le président Serge Poignant. Je regrette vivement votre attitude, au premier chef pour nos interlocuteurs, qui ont beaucoup travaillé et avec lesquels vous auriez pu avoir un échange constructif, mais également à titre personnel car vous connaissez la force de mon engagement sur cette question, qu’il s’agisse de promouvoir la filière photovoltaïque ou de maintenir à un niveau acceptable l’augmentation de la CSPE. Je la regrette d’autant plus que les différents acteurs se sont en effet montrés extrêmement assidus aux travaux de la commission de concertation et que j’aurais souhaité que notre Commission soit unanime à défendre une vision équilibrée du développement de la filière et de l’évolution de la CSPE.
Il va de soi que je ne suis pas en mesure de présenter un projet de décret : ce n’est ni de ma compétence ni de celle des inspecteurs généraux ici présents ! En revanche, la Commission a quant à elle le devoir de dire quelles positions elle souhaite défendre.
J’ajoute que le décret doit paraître avant le 9 mars, après avoir été soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) : cela ne laisse qu’une quinzaine de jours, délai bien insuffisant pour mener une mission d’information.
Enfin, je prends acte de votre départ.
Mme Catherine Coutelle. Nous sommes de toute façon beaucoup plus nombreux que les députés de la majorité.
M. le président Serge Poignant. Je relève que Mme Fioraso a pris une photo des députés de la majorité présents. L’absence de certains collègues n’implique en rien leur désintérêt, nombre d’entre eux m’ayant instamment demandé de continuer à défendre fermement la filière photovoltaïque, ce que je fais et continuerai de faire. Le procédé est inadmissible !
Mme Catherine Coutelle. Il s’agit d’un rapport très important mais nous sommes trois fois plus nombreux que la majorité, voilà tout.
Mme Geneviève Fioraso. En ce qui me concerne, je puis témoigner de l’intérêt du président Poignant pour cette question, mais c’est tout.
(Les commissaires membres du groupe SRC quittent la salle)
M. Serge Grouard, président de la Commission du développement durable. Je remercie le président Poignant d’avoir proposé à la Commission du développement durable de se joindre à cette audition.
Je suis surpris de ce qui me paraît être un amalgame malvenu entre le décret, dont l’initiative revient évidemment au pouvoir exécutif, et un rapport remarquable qui ne peut néanmoins qu’être une aide à ces décisions.
Comme vous, monsieur le président, je trouve regrettable – c’est un euphémisme – la petite manipulation que semble préparer la prise de photos. Sommes-nous bien à l'Assemblée nationale, en train de représenter la Nation et la République française ? Prendre des photos montrant quelques chaises vides avec je ne sais quelle arrière-pensée médiatique, c’est lamentable ! Quelle image donnons-nous à nos concitoyens ?
Enfin, je tiens à saluer le travail remarquablement approfondi réalisé par Serge Poignant et à condamner l’affront qui lui est fait, ainsi qu’à nos invités.
M. le président Serge Poignant. Soyez vivement remercié, monsieur Grouard. Non seulement l’attitude de nos collègues ne rend pas service aux défenseurs de cette filière, mais elle affaiblit nos deux Commissions, qui auraient pu exercer sur l’exécutif une influence autrement plus importante si nous avions été unanimes.
Au nom de la Commission, Messieurs Charpin et Trink, je vous présente mes excuses.
M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances. Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président, ainsi que de votre participation active et assidue aux travaux de la commission de concertation.
Je précise que M. Trink et moi-même transmettrons notre rapport aux trois ministres commanditaires avant la fin de la semaine.
S’agissant du déroulement de la concertation, je rappellerai tout d’abord que le Gouvernement, au printemps dernier, a commandé à l’inspection générale des finances et au conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies un premier rapport sur la filière photovoltaïque, cette commande faisant suite à la très forte flambée des demandes de contrats d’achat qui s’était produite à la fin de 2009. M. Trink et moi-même avons participé à l’élaboration de ce rapport qui a été remis au Gouvernement à la fin du mois de juillet 2010.
On y constatait pour l’essentiel, non seulement que la trajectoire de la filière photovoltaïque s’écartait significativement de celle qui avait été prévue par le Grenelle de l’environnement ainsi que par la programmation pluriannuelle des investissements électriques, mais qu’il en résulterait, si l’on n’agissait pas, une progression beaucoup trop rapide de la CSPE – nous avons évoqué des ordres de grandeur macro-économiques.
Le rapport se concluait par un certain nombre de préconisations : baisse immédiate des tarifs d’achat – laquelle a été appliquée par le Gouvernement le 1er septembre –, réduction de la déduction fiscale dite CIDD et suppression de la déduction ISF-PME dans le cadre du photovoltaïque, soit deux mesures mises en œuvre dans la loi de finances pour 2011, et, pour le début de l’année, refonte totale de la régulation ainsi que de la politique de développement de la filière.
MM. Trink et moi-même, depuis la fin du mois de juillet, ne travaillions plus sur ce dossier mais le Gouvernement nous a demandé au début du mois de décembre, après sa décision de suspendre les nouveaux contrats de rachat, d’animer une concertation avec tous les acteurs concernés par le développement de la filière : professionnels – y compris des banquiers et des chercheurs –, élus, associations de défense de l’environnement, représentants des consommateurs… L’échéance qui nous a été fixée était la mi-février – nous y sommes –pour permettre au Gouvernement d’annoncer ses décisions avant le 9 mars, date de fin du moratoire.
Une soixantaine de personnes a participé à la commission de concertation, les organisations que nous avons invitées – Parlement, entreprises et syndicats professionnels – se faisant représenter au niveau le plus élevé et se montrant très assidues, comme on l’a déjà noté. Les interventions ont été nombreuses pendant les six séances que nous avons tenues.
Le 20 décembre, nous avons déterminé le programme de travail et nous sommes parvenus, avec ERDF et RTE, à faire toute la transparence sur les files d’attente, alors que l’existence de celle de RTE n’était pas connue de tous. Ce fut un élément décisif pour le bon fonctionnement ultérieur de la concertation, les participants ayant été reconnaissants de cette initiative.
Nous avons ensuite traité, successivement, de la régulation des centrales au sol et des installations des particuliers, de celle des installations sur les grandes toitures, de la politique industrielle et des objectifs environnementaux. Au cours d’une cinquième réunion, ajoutée à la demande des professionnels, nous avons étudié les aspects relatifs au secteur du bâtiment, qu’il s’agisse des bâtiments neufs ou des spécifications applicables aux installations sur des bâtiments existants. Enfin, vendredi dernier, nous avons examiné le projet de rapport.
Nous avons également mené de très nombreux entretiens bilatéraux, soit avec des membres de la commission de concertation souhaitant approfondir les échanges, soit avec des organisations qui n’avaient pas pu être retenues pour participer aux réunions, compte tenu du nombre élevé de candidatures. Bien des membres de la commission nous ont donné des contributions écrites de haut niveau que nous avons fait circuler – un certain nombre d’entre elles seront d’ailleurs publiées en annexe de notre rapport. J’ajoute que toutes les séances ont été introduites par des exposés de haute qualité des administrations compétentes.
Par ailleurs, à notre demande, la CRE a organisé dans ses locaux une séance consacrée aux méthodes de calcul de la CSPE : le sujet était en effet revenu de façon récurrente dans le cadre de la concertation, certains contestant ces méthodes. Cette réunion a été fructueuse puisque la CRE a accepté de changer le mode de calcul de la moyenne des prix de gros. Si, en revanche, la méthode de calcul n’a pas été changée s’agissant de la prise en compte des coûts des réseaux, la CRE a reconnu la nécessité d’une étude plus approfondie. Comme à propos des files d’attente, les professionnels nous ont été reconnaissants de ces avancées.
Le rapport qui sera remis aux ministres commanditaires est rédigé sous notre responsabilité et n’engage pas les participants à la concertation, le consensus nous étant apparu insuffisant. Il sera ensuite distribué à ces derniers, puis sera diffusé sur les sites Internet des ministères concernés afin que les citoyens puissent en prendre connaissance.
Enfin, je précise que, tout au long de la concertation, nous avons tenu informées de son déroulement les administrations responsables de la gestion des dossiers, afin qu’elles puissent travailler à la préparation des textes. Le calendrier étant très contraint, le Gouvernement a en effet souhaité que la phase réglementaire de consultation obligatoire puisse s’engager dès la fin de la concertation, afin que les textes nécessaires soient publiés avant l’expiration du moratoire. En l’occurrence, les décisions porteront sur trois thèmes principaux : la sortie du moratoire, le nouveau dispositif de régulation et la politique de développement de la filière par rapport aux objectifs environnementaux.
M. Claude Trink, ingénieur général des mines. Avec seulement 0,7 % de la production d’énergies renouvelables et 0,1 % de la consommation finale brute d’électricité, le photovoltaïque occupe une place minime dans notre panorama énergétique. C’est néanmoins une énergie très populaire. À la fin de 2010, selon ERDF, on dénombrait 143 112 installations, dont 130 000 de moins de trois kilowatts, contre 845 pour l’éolien – cependant, le rapport s’inverse si l’on considère la puissance installée : 973 mégawatts pour le photovoltaïque, et 5 300 pour l’éolien. Le nombre des demandes de raccordement s’élève à 70 000, contre 357 pour l’éolien. Tout se passe, dirait-on, comme si on attendait que le photovoltaïque tienne la promesse de Prométhée : donner l’énergie aux hommes !
Quels sont donc les enjeux qui expliquent que la collectivité accepte de financer une énergie cinq à dix fois plus chère que les énergies traditionnelles ? J’en ai recensé six. Il y a d’abord l’enjeu proprement énergétique : le mix proposé dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Il y a ensuite l’enjeu industriel, le photovoltaïque étant appelé à jouer un rôle central parmi les éco-industries dites cleantech, l’enjeu environnemental, les énergies renouvelables contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l’enjeu technologique, ce domaine faisant l’objet d’intenses recherches, en particulier en vue d’abaisser les coûts. Il s’agit enfin de réduire le déficit commercial de la filière, de 800 millions en 2009 et de 1 500 millions l’an dernier, et de préserver des emplois – 25 000 actuellement, dont 16 000 dans les entreprises d’installation et l’ingénierie.
Le succès de cette filière n’en est pas moins inquiétant puisque 973 mégawatts étaient raccordés à la fin de 2010 et que les demandes portaient sur 6 400 MW alors que l’objectif du Grenelle et de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) est de 5 400 mégawatts pour 2020.
Enfin, le coût est important puisque la CSPE « s’emballe » en attendant que la parité réseau soit atteinte : 66 millions en 2009, 560 millions en 2010 et, selon la CRE, un milliard en 2011, avec 1,2 gigawatt supplémentaire raccordé. Le photovoltaïque représentera alors 30 % du montant de la CSPE, soit 2,7 euros par mégawattheure. J’ajoute qu’en 2011 on demandera aux consommateurs d’électricité 7,5 euros par mégawattheure, contre 35 en Allemagne où les capacités installées sont dix-sept fois les nôtres, et que chaque nouvelle installation implique des engagements sur vingt ans.
J’insisterai sur trois recommandations de notre rapport.
Il s’agit, tout d’abord, de remettre la filière sur une trajectoire soutenable, pour éviter les à-coups et préparer le passage à la parité réseau. La question s’est posée dans notre commission de savoir si l’on proposait un pilotage par les volumes, en fixant des cibles en mégawatts pour les installations nouvelles, ou par les coûts, afin de rendre décroissant le montant de l’accroissement annuel de la CSPE. Si les cibles de développement annuelles – qui ne sont pas, j’y insiste, des quotas – et leur répartition précise entre catégories de projets – toitures et sols – ont été laissées à l’appréciation du Gouvernement, les participants ont demandé de mieux les articuler avec les charges de CSPE, dont le mode de calcul par la CRE devra évoluer afin de tenir compte des avantages propres du photovoltaïque, dont la proximité des lieux de consommation. La nécessité de régionaliser les tarifs et celle de raccourcir et de simplifier les procédures de raccordement ont été soulignées, et l’on a insisté en faveur de dispositions spécifiques pour les projets portés par les collectivités territoriales ou pour ceux qui concerneraient les zones non interconnectées (ZNI). J’attire en particulier l’attention sur les projets dont les collectivités territoriales sont maîtres d’ouvrage car ils sont soumis à des procédures assez lourdes en raison notamment du nécessaire respect du code des marchés publics.
Deuxième recommandation : il importe de bien choisir des instruments adaptés à trois types d’installations : les toits des particuliers, les toits des bâtiments commerciaux et industriels, et les centrales au sol.
En ce qui concerne les premiers, il est proposé un tarif d’achat, qui pourrait être complété par un appel d’offres pour les plus grandes installations. Un ajustement trimestriel du tarif est privilégié, avec la demande de raccordement comme étape de référence pour la fixation du tarif d’achat et pour le calcul de la dégressivité. En effet, les tarifs fixes ne se justifient plus, en raison de la baisse continue du coût des équipements, source d’effets d’aubaine. Afin de s’assurer du sérieux des projets, la demande de raccordement devra s’accompagner d’engagements financiers ainsi que d’engagements sur les délais de réalisation de l’installation. Différents niveaux de tarifs de rachat pourront être définis en fonction du type et de la puissance de l’installation. Des participants ayant demandé pourquoi nous ne nous fonderions pas sur la rentabilité des projets, nous leur avons répondu que, compte tenu de l’asymétrie de l’information entre les opérateurs et l’administration ainsi que de la baisse continue des tarifs, il est plus judicieux de s’appuyer sur l’observation de l’évolution sur le terrain que sur un calcul théorique.
L’intégré au bâti devra quant à lui être réservé aux petites installations, avec une éventuelle distinction entre installations résidentielles et non résidentielles. Il apparaît en effet particulièrement pertinent lorsqu’il concerne un pan entier de toiture pour un bâtiment neuf car il évite la déconstruction ou la construction partielle de la toiture. De ce fait, nous avons constaté une demande générale de supprimer le seuil existant de 3 kilowatts et de revoir par cohérence les incitations fiscales soumises au même plafond, cela afin d’inverser la tendance actuelle privilégiant l’installation sur les bâtiments anciens. J’ajoute que l’intégré au bâti ne fait pas l’unanimité, des participants considérant qu’une surimposition de panneaux sur une toiture existante permet d’abaisser les coûts.
En ce qui concerne les toits commerciaux et industriels, l’intégré au bâti simplifié pourrait concerner toutes les puissances jusqu’à un seuil de 250 kilowatts ou 1 mégawatt et serait donc le type d’installation privilégiée dans le cas de rénovations ou de grandes toitures, celles-ci pouvant donner lieu à appels d’offres.
S’agissant des centrales au sol, malgré les réticences de certains participants, le rapport propose un système d’appels d’offres, celui-ci étant le mieux à même de réguler finement les volumes, de limiter la puissance des installations, d’obtenir le meilleur prix et d’encourager le développement de la filière, grâce à l’introduction dans le cahier des charges de critères environnementaux et industriels. Les critères environnementaux devront permettre de minimiser l’impact des projets sur les territoires en favorisant notamment l’implantation des installations sur des terres dégradées et non agricoles. Outre que le rapport privilégie un appel d’offres pluriannuel afin de donner le maximum de perspectives aux acteurs de la filière, il engage à sélectionner les projets à un stade avancé et à instaurer un dépôt de caution pour s’assurer du sérieux des projets candidats.
Je me bornerai à résumer quelques recommandations supplémentaires : il convient de soutenir la recherche – un appel à manifestation d’intérêt a été lancé concernant les instituts d’énergies décarbonées tels que l’Institut national de l’énergie solaire (INES) et l’Institut de recherche et développement sur l’énergie photovoltaïque (IRDEP) – d’encourager la qualité et la reconquête du marché intérieur à travers un label « France » des panneaux, d’accompagner les actions de développement des exportations, pour prendre pied sur les marchés des pays qui atteindront avant nous à la parité réseau, et, enfin, d’organiser la sortie de la suspension d’achat.
À ce dernier propos, il faut rappeler que 3 000 mégawatts de projets sont d’ores et déjà susceptibles d’être réalisés dès l’expiration du moratoire, dont la moitié le seront probablement selon nos estimations : c’est trois fois la cible annuelle mentionnée dans le précédent rapport, soit une charge additionnelle de 700 millions d’euros de CSPE, si bien que celle-ci atteindra 1,2 milliard avant même l’introduction de nouveaux projets. Les tarifs et les cibles de développement du nouveau cadre de régulation devront être assez stricts pour limiter l’accroissement de cette charge, mais suffisamment attractifs pour permettre à la filière de se structurer.
Le rapport, de surcroît, aborde la question d’un éventuel régime de transition en répertoriant les différentes catégories de projets qui pourraient être concernées – travaux commencés, portés par les collectivités territoriales, situés dans les ZNI ou ayant été retardés du fait d’ERDF – mais appelle à en limiter fortement la portée.
Le rapport appelle enfin à la vigilance sur quatre points. D’abord, sur le lien entre photovoltaïque, efficacité énergétique, bâtiments basse consommation et bâtiments à énergie positive, étant entendu par ailleurs qu’il faut encourager l’installation sur les bâtiments neufs.
Il faut, en second lieu, être attentif au développement de l’autoconsommation et du stockage – des expérimentations doivent avoir lieu dans et pour les ZNI. Je note qu’en Allemagne, l’autoconsommation prend de l’ampleur et que les usagers bénéficient de tarifs adaptés.
J’ai déjà évoqué la nécessaire harmonisation fiscale des seuils de puissance – crédit d’impôt et TVA.
Enfin, nous avons tout intérêt à favoriser la transparence si l’on veut un système qui fonctionne de manière harmonieuse. Le rapport insiste, à la suite des participants, sur l’intérêt d’une communication positive, lors de la reprise du système, pour rassurer les investisseurs et les clients potentiels. Le Gouvernement devra réaffirmer son soutien à la filière photovoltaïque et donner aux acteurs un maximum de visibilité sur le nouveau cadre de régulation. Un lien plus étroit entre administrations et acteurs de la filière est également souhaitable afin de suivre l’évolution des files d’attente et des grands indicateurs du marché photovoltaïque mondial, de manière à prévenir un nouvel engorgement du système. Nous demandons ainsi la création d’un comité des énergies renouvelables au sein du Conseil supérieur de l’électricité, ainsi qu’une amélioration des systèmes d’information des gestionnaires de réseaux, en sorte que tous les acteurs puissent avoir connaissance des nouvelles capacités installées ainsi que des délais de raccordement. Enfin, comme je l’ai dit, le mode de calcul des charges de la CSPE devra évoluer afin de tenir compte des avantages du photovoltaïque.
M. le président Serge Poignant. Je vous remercie.
Je tiens à relever que seize membres de la majorité étaient présents pour écouter MM. Charpin et Trink. C’est si facile de prendre une photographie et de lui faire dire n’importe quoi ! Imaginez que nous en prenions une maintenant, alors que pas un membre du groupe SRC n’est présent ! Leur attitude ne rend certes pas service à notre Commission mais, surtout, à l’ensemble de la filière photovoltaïque.
Je remercie, en revanche, les collègues du groupe GDR qui sont parmi nous, ainsi que M. Dionis du Séjour et le groupe Nouveau Centre.
Il importe de parvenir à un juste équilibre d’ensemble, en contenant l’augmentation de la CSPE en sorte qu’elle ne pèse pas à l’excès sur les consommateurs, particuliers et industriels, tout en assurant l’avenir d’une filière qui fait travailler aujourd’hui des milliers de personnes. Cela suppose d’être attentifs aux évolutions technologiques comme aux possibilités d’exportation, indispensables à la consolidation de ce secteur. Mais nous devons avant tout éviter toute rupture : la continuité est nécessaire pour que nos entreprises perdurent et se développent – étant bien entendu que je ne défends absolument pas la spéculation et celles qui ont attendu que les coûts baissent pour tirer profit des tarifs de rachat.
Le coût du photovoltaïque est certes élevé au regard de la quantité d’énergie produite aujourd’hui par ce secteur, mais pour apprécier la charge additionnelle annuelle, il faut prendre en considération le fait que les installations raccordées en 2011 et 2012 fonctionneront certainement moins de 1 200 heures par an la première année. Il faut dès lors raisonner en kilowattheures au coût du moment. Si l’on prend pour hypothèse 700 mégawatts installés et 600 heures de fonctionnement par exemple, on arrive à un résultat de l’ordre de 420 000 mégawattheures. Multiplions par 50 centimes d’euro le nombre de kilowattheures : le coût supplémentaire ne sera que de 210 millions d’euros, soit moins de 1 % des 40 milliards d’euros de dépense annuelle en électricité des Français. Les tarifs étant par ailleurs dégressifs, cette proportion va même rapidement baisser jusqu’au moment où nous atteindrons la parité réseau, prévue pour 2018 s’agissant du résidentiel, pour 2020 s’agissant des installations sur grandes toitures et, certes, un peu plus tard en ce qui concerne les centrales au sol – mais ce sont elles qui coûtent le moins.
Nous nous sommes engagés dans la PPI à nous en tenir à 5 400 mégawatts par an jusqu’en 2020, soit 500 mégawatts par an, mais nous ignorions alors que les coûts baisseraient aussi vite. Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons nous permettre de baisser des tarifs en maintenant la rentabilité, et que la progression de la CSPE restera raisonnable. Il ne s’agit pas d’aller jusqu’à 1 500 ou 2 000 mégawatts annuels, ce qui serait en effet insupportable, mais il n’en est pas de même si nous nous situons entre 5 000 et 10 000 MW à l’horizon de 2020, certaines entreprises ayant fait savoir qu’avec une trajectoire de 800 mégawatts annuels, la situation serait supportable.
Telle est ma position, que je vous ai soumise, messieurs les inspecteurs généraux – et je vous sais gré d’avoir mentionné une capacité supplémentaire annuelle comprise entre 500 et 800 mégawatts. Nous en débattrons tout à l’heure et j’espère que cette position sera approuvée par la Commission.
M. Jean Dionis du Séjour. N’ayant pu assister à toutes les réunions de la commission de concertation, je vous remercie d’avoir organisé cette audition, monsieur le président, car il importait que les parlementaires soient pleinement informés des conclusions de la commission de concertation avant la parution du décret. Au surplus, ce sujet complexe a d’importantes implications économiques, et donc politiques. En cinq ans, dans ma région de la vallée de la Garonne, il ne s’est installé que deux usines : l’une de déroulage de peuplier, l’autre de photovoltaïque, Fonroche, qui donne du travail à 300 personnes. Les « emplois verts » ne sont plus un mythe et ce sont souvent les seuls emplois industriels nouveaux que nous pouvons espérer dans nos territoires !
Monsieur Trink, votre première recommandation m’apparaît passablement elliptique : « remettre la filière sur une trajectoire soutenable ». Nous aurions souhaité quelques chiffres. S’agissant de la cible annuelle, vous en tenez-vous aux 500 mégawatts ou êtes-vous pour les 800 que préconise le président Poignant, jugeant comme nous que ce volume correspond à un meilleur compromis entre le maintien de la progression de la CSPE à un niveau acceptable et la préservation du potentiel industriel de la filière ? Cela étant, j’ai apprécié votre souci de « rendre décroissant le montant de l’accroissement annuel de la CSPE » !
D’autre part, il m’avait semblé qu’un accord s’était dégagé pour lier fortement énergie solaire et bâtiments, mais, lors de la réunion de concertation à laquelle j’ai assisté, j’ai aussi constaté l’existence d’un fort lobby des centrales au sol. Quel partage des 500 ou 800 mégawatts envisagez-vous entre bâtiments et fermes au sol ? Par ailleurs, si vous prenez nettement position contre l’implantation de ces dernières sur des terres agricoles, comment définissez-vous celles-ci ? La référence doit-elle être le zonage des PLU, la qualité des sols ou encore un autre critère ?
L’Allemagne, avez-vous dit, fait dix-sept fois mieux que nous pour le solaire. Avez-vous, comme le président Poignant et comme nous, l’intime conviction qu’il s’agit d’une énergie d’avenir, dans laquelle il vaut la peine d’investir, ou pensez-vous au contraire que cela restera une source d’énergie marginale, ne demandant comme telle que des investissements marginaux ?
M. Alfred Trassy-Paillogues. Qu’il s’agisse de l’éolien ou du photovoltaïque, « laver plus blanc que blanc », ou plus vert que vert, n’est pas toujours facile, à l’évidence ! Il y a dans ma circonscription des parcs éoliens qui ont été revendus trois fois, avec plus-value, avant que l’on voie ériger la première éolienne ! Nous sommes évidemment contre toute bulle spéculative, contre tout effet d’aubaine, et nous sommes pour une stabilisation de la réglementation et de la législation, pour la préservation des emplois et pour un soutien à la recherche et développement – ce d’autant plus que les progrès en la matière et ceux qui peuvent intéresser d’autres technologies, comme celle du véhicule électrique, peuvent se conforter mutuellement. Cependant, la perspective de voir la CSPE atteindre le milliard a de quoi effrayer. Ne pourrait-on mieux distinguer entre les installations sur toitures et les centrales au sol, essayer de cerner les coûts d’exploitation de projets types dans ces deux cas de figure et d’anticiper les gains de productivité à escompter de cellules photovoltaïques de nouvelle génération ? Nous devons en effet coller à l’évolution aussi bien des technologies que des coûts, car toute solution figée, qui permettrait à des promoteurs de se lancer dans des opérations capitalistiques, serait néfaste. De même, je m’inquiète à l’idée que nos agriculteurs pourraient, dans ce système, se convertir en industriels de l’éolien ou du photovoltaïque.
Enfin, s’agissant des centrales au sol, ne faudrait-il pas privilégier les projets portés par des collectivités territoriales ?
M. Daniel Paul. Je me plais parfois à imaginer ce qu’aurait pu être le développement des énergies renouvelables si on en avait confié la responsabilité technique, financière et sociale aux opérateurs historiques de l’énergie, qui ont assuré le saut technologique des années soixante-dix. Certes, EDF et GDF sont actifs dans le secteur, mais c’est à côté d’une multitude d’entreprises privées, dans le cadre d’une production libéralisée qui est bien loin de celui auquel je rêverais !
Notre groupe est favorable à un mix énergétique : nous avons besoin de toutes les sources d’énergie. D’autre part, j’entends bien ce que vous dites sur la convergence, le prix du photovoltaïque baissant progressivement pour rejoindre en 2020 le tarif de l’électricité telle qu’elle est produite aujourd’hui, mais le problème est de savoir à quel niveau se fera cette rencontre : à celui des tarifs moyens actuellement pratiqués, ou bien au-dessus ? Pour ma part, je ne prendrais pas le risque social de justifier une augmentation très sensible de la facture par la nécessité de ménager une place à une source d’énergie qui ne couvre que 0,1 % de la consommation ! J’expliquerais plutôt cela par le choix délibéré fait il y a quelques années, de s’en remettre pour une bonne part au marché plutôt qu’aux opérateurs historiques pour développer ces énergies nouvelles. Cette question de l’évolution des tarifs et de la CSPE est une question majeure.
Cela étant, j’ai le même souci que le président Poignant de préserver les 25 000 emplois de la filière et de faire en sorte qu’il y en ait encore davantage demain, et surtout je souhaite qu’on se préoccupe sérieusement de la qualification et de la transmission du savoir-faire pour ne pas se retrouver dans la situation rencontrée dans d’autres secteurs, où, faute d’avoir continué à investir, nous sommes handicapés par des pertes de compétences.
Enfin, la poursuite de toute activité industrielle exige de la visibilité. Il est plus que temps d’en finir avec les à-coups et les soubresauts, et de donner à la filière photovoltaïque les moyens de se développer dans les meilleures conditions possibles. Il n’y a pas de raison que nous ne réussissions pas ce qu’on a su faire dans d’autres pays !
M. Serge Grouard, président de la Commission du développement durable. Je rejoins les propos du président Poignant. Pour les dix ans qui viennent, nous devons réunir les conditions d’un équilibre qui soit en même temps une dynamique, afin de concilier gestion des coûts et de la file d’attente, d’une part, et développement de la filière, d’autre part. Le coût de l’électricité photovoltaïque devrait rejoindre le coût global de l’électricité d’ici à 2018 ou 2020, nous dit-on. Or, si un raisonnement malthusien qui conduirait à étaler la gestion du stock de demandes dans la durée pourrait permettre un lissage de la file d’attente pendant ce délai très court, il ne créera pas de filière ; nos concurrents seront passés avant nous ! Pour moi aussi, un objectif de 500 mégawatts est insuffisant. Il faut oser une prise de risque minimale ; un objectif de 800 mégawatts me paraît raisonnable pour rétablir la dynamique dont nous avons besoin.
Passer aux appels d’offres ne risque-t-il pas de créer des difficultés ? Nous le savons en tant qu’élus locaux, beaucoup de petites entreprises renoncent à soumissionner parce qu’elles ne sont pas outillées pour répondre aux appels d’offres. Or, en l’occurrence, les délais seront bien courts. La gestion de ce système d’appels d’offres devrait donc être étudiée très sérieusement.
Enfin, si nous sommes tous d’accord pour encourager le développement de la filière photovoltaïque et pour reconnaître les perspectives prometteuses qu’offre la recherche, notamment pour la réduction des coûts, comment mettre en œuvre ce développement ? Nous avons souvent du mal en France à concrétiser dans les laboratoires et les entreprises le soutien à la recherche. Quelle méthodologie retenir ?
M. Jean-Marie Morisset. Je partage moi aussi la volonté de notre président de replacer la filière photovoltaïque sur une trajectoire de développement.
Je voudrais cependant revenir sur le moratoire. Parmi les projets, quelle est la proportion des toitures de bâtiments agricoles ? Au 8 mars, à quels dossiers donneriez-vous la priorité, alors que le stock de projets n’est déjà pas négligeable ? Les exploitants profitent parfois de la mise aux normes des bâtiments agricoles pour investir. Si le banquier prend en nantissement les revenus tirés de l’achat de l’électricité – cela arrive –, le prêt n’est pas débloqué tant que le contrat n’est pas signé. Nombre de dossiers sont ainsi arrêtés.
Enfin, préconisez-vous de limiter la surface des grandes toitures ? Des supermarchés profitent des projets d’installation de cellules photovoltaïques pour rénover intégralement leur toiture. Les besoins des particuliers et des exploitants agricoles risquent d’être ainsi défavorisés.
Connaissez-vous le point de vue des organisations professionnelles agricoles sur ces deux points ?
M. Bertrand Pancher. Comme le président Poignant, je considère que le coût de la filière des énergies renouvelables est très faible. Aujourd’hui, la CSPE ne représente que 0,75 % des factures d’électricité. En revanche, l’intégration du coût du stockage des déchets nucléaires et de la prolongation de la vie des centrales va rendre l’énergie nucléaire de plus en plus coûteuse. Les choses ne sont donc pas aussi tranchées qu’on le prétend parfois.
Le développement industriel de la filière pose aussi la question de la constance de la commande publique. Dans les années 1990, la France se situait au cinquième rang pour la fabrication de cellules photovoltaïques. Ce sont des errements qui lui ont fait perdre ce rang.
Eu égard à la diminution considérable du coût de fabrication des cellules, faut-il continuer à fixer des objectifs chiffrés de production d’énergie photovoltaïque ? Le chiffre de 500 mégawatts par an va devenir obsolète. De plus, dans les conditions actuelles, la France n’atteindra sans doute pas ses objectifs de 23 % de production d’énergies renouvelables en 2020. De ce fait, ne faudrait-il pas, en utilisant l’enveloppe financière de la CSPE, se fixer des objectifs plus ambitieux pour l’équipement en énergie photovoltaïque ?
Enfin, des pays comme l’Allemagne ont obtenu de meilleurs résultats que la France dans le domaine agricole en favorisant le rachat de l’énergie photovoltaïque produite par les agriculteurs. Ce sont 25 % des exploitations agricoles allemandes qui tirent des profits de leurs engagements environnementaux. Nous ne devons pas négliger les petites productions.
M. François de Rugy. Je dénonce fermement le moratoire. Un tel traitement ne serait imposé à aucun autre secteur économique, même marqué par une forte spéculation, comme l’immobilier.
Je suis également surpris du parti pris dont témoigne ce rapport en faveur de la décroissance ! Après la mention d’une « flambée » des demandes de contrats apparaît celle d’un « succès inquiétant » du photovoltaïque. Voilà un paradoxe étrange sachant que ce succès avait été érigé en objectif politique, et qu’il a pour origine une baisse des coûts de production dont chacun devrait se réjouir ! En réalité, l’État a manqué de capacité d’anticipation. La baisse des coûts de production était prévisible, et l’on disposait même d’un outil de régulation avec la modulation des tarifs.
Il est facile de pressentir, à la lecture du rapport, que les objectifs de puissance installée se limiteront à 500 mégawatts. Or, cher collègue Dionis du Séjour, il est prévu pour les centrales au sol une puissance installée de 200 mégawatts, ce qui revient à leur réserver 40% de la puissance totale installée. La procédure retenue – tout à fait légitime – étant celle de l’appel d’offres, il n’est aucunement certain qu’on atteindra ces 200 mégawatts. La fixation d’un pourcentage implique dès lors que les autres types d’installations seront bridés en proportion, réduisant d’autant les chances d’arriver aux 500 mégawatts. Plaider, comme le président Poignant, en faveur d’une cible plus élevée serait donc un moindre mal.
Selon vous, messieurs les inspecteurs généraux, les objectifs d’installation ne constitueraient pas un quota. Mais, si j’ai bien compris, une fois qu’ils seront atteints, les tarifs seront diminués. Si cette diminution est telle qu’elle annule la rentabilité des projets supplémentaires, ce mécanisme aura le même effet qu’un quota.
Les autres secteurs énergétiques comportent des coûts cachés ou induits, liés aux émissions de CO2, ou, comme l’a exposé notre collègue Pancher à propos de l’énergie nucléaire, au stockage des déchets et au démantèlement des centrales. Même si, un jour, l’on ne produit plus le moindre kilowattheure d’électricité nucléaire, ce coût du stockage et du démantèlement sera toujours là. Ces éléments doivent nous inviter à garder raison lorsque nous débattons du coût de la CSPE. Une puissance installée de 300 mégawatts, c’est le quart de ce qui aurait pu être construit ; 500 mégawatts, c’est entre le tiers et la moitié. La proposition de 800 mégawatts du président Serge Poignant est un minimum pour permettre le développement du secteur.
Enfin, monsieur le président Grouard, la France dispose d’un des meilleurs instituts de recherche en matière d’énergie solaire avec l’INES. Si ses compétences sont sous-exploitées, c’est à cause des risques permanents de bouleversement du cadre réglementaire et fiscal de l’énergie solaire en France, illustrée une fois de plus par l’adoption du moratoire.
Mme Sophie Primas. Je partage assez largement ces appréciations. Messieurs les inspecteurs généraux, la comparaison entre le coût de l’énergie photovoltaïque, considéré comme élevé dans le rapport que vous avez rendu, et celui des autres énergies oublie d’intégrer, pour celles-ci, celui du renouvellement de la ressource, aussi dissimulé que considérable. La disparition des sources d’énergie fossiles entraînera évidemment celle de l’énergie qui en est issue.
J’entends avec satisfaction que les dossiers des autorisations données un ou deux jours après l’entrée en vigueur du moratoire, et pour lesquels ERDF a souvent dépassé le délai d’instruction, seront examinés avec bienveillance. Dans la circonscription dont je suis l’élue, des entreprises aujourd’hui en dépôt de bilan, après avoir investi jusqu’à 400 000 euros, n’ont reçu la notification de l’acceptation de leur dossier que deux jours après l’entrée en vigueur du moratoire et trois après l’expiration du délai d’instruction d’ERDF !
La politique de tarifs de rachat dégressifs de l’énergie au fil du temps ne risque-t-elle pas d’interdire aux entreprises toute prévisibilité à moyen terme ? Elles ne pourront plus élaborer le moindre « business plan » à moyen terme, ni obtenir la confiance des banques faute de pouvoir faire état d’un chiffre d’affaires à peu près assuré ! C’est un frein qui serait ainsi imposé au développement de l’énergie photovoltaïque.
Quels revenus supplémentaires les agriculteurs pourraient-ils tirer de la production d’énergie photovoltaïque ?
Enfin, serait-il envisageable que soient sortis de la file d’attente les projets de filiales d’EDF, qui se trouvent en concurrence un peu déloyale avec ceux des entreprises privées, le plus souvent des PME ?
M. Daniel Fidelin. Nombre d’agriculteurs, qui se sont engagés dans des projets de production d’énergie photovoltaïque, ont souscrit des prêts auprès des banques. Certains commencent déjà à les rembourser, alors même que, ERDF n’ayant pas instruit diligemment les dossiers, leurs projets ont été frappés par le moratoire. L’institution du tarif dégressif me semble aussi devoir leur causer des difficultés. Ne pensez-vous pas que les difficultés de remboursement ainsi causées seront sources de contentieux aussi bien avec ERDF qu’avec les banques ?
Aucune des énergies renouvelables n’atteindra l’objectif qui lui est fixé pour parvenir au pourcentage global de 23 % de la production en 2020. Ne faudrait-il donc pas ouvrir la possibilité, pour les filières qui réussissent, d’augmenter leur production par rapport aux objectifs fixés ? Dans cette optique, la fixation d’une puissance installée de 800 mégawatts pour la filière photovoltaïque me semble intéressante.
Enfin, quelle est la durée de vie des panneaux photovoltaïques ? Existe-il une filière pour leur recyclage ?
M. Jean-Pierre Nicolas. Populaire dans l’opinion, l’énergie photovoltaïque va concourir au mix énergétique de la France, alors même que notre pays est déjà, du fait de son parc nucléaire, le bon élève de la production d’électricité au moindre effet de serre possible.
Messieurs les inspecteurs généraux, pour justifié qu’il soit, le moratoire qui a été adopté a mis en situation délicate, par sa brutalité, nombre d’investisseurs et de chefs d’entreprise. Les projets ayant obtenu l’accord d’ERDF et dont la proposition commerciale n’avait pas été signée du fait de la carence de cet opérateur ne devraient-il pas bénéficier d’une session de rattrapage ?
Enfin, si nous voulons développer l’énergie photovoltaïque – notamment en raison des emplois qu’elle crée – sans accroître à l’excès la CSPE, pourquoi la différence entre son coût d’achat et le prix du marché de l’électricité ne serait-elle pas supportée par d’autres dispositifs que la CSPE ?
M. le président Serge Poignant. Mes chers collègues, je propose à la Commission d’adopter une contribution reprenant les termes de la lettre que j’ai envoyée à MM. Charpin et Trink le 7 février dernier et qui figurera en annexe du compte rendu.
Le quota de 500 mégawatts doit être porté à 800. En revanche, je fais partie de ceux qui considèrent que le moratoire devait être institué. Si les inspecteurs ici présents sont investis d’une mission d’évaluation, la décision politique relève de l’exécutif. La multiplication des projets aurait fini par grever de quelques pour-cent chaque année le coût de l’électricité.
Les 800 mégawatts doivent d’autre part être répartis entre 200 pour les centrales au sol, 200 pour les petites toitures, et 400 pour les grandes toitures ; ce sont en effet ces dernières qui apportent le plus de valeur ajoutée. Cette répartition répond aussi aux demandes des agriculteurs.
Passer de 500 à 800 mégawatts n’aboutit qu’à un surplus de 300 mégawatts en 2013. Faire fonctionner une telle puissance installée pendant 1 200 heures permet de produire 360 millions de kilowattheures. La dégressivité des tarifs étant, sous peine d’échec, aussi inévitable qu’obligatoire, nous pouvons considérer que le tarif du kilowattheure sera de 35 centimes d’euros. Le coût total de cette énergie sera donc de 120 millions d'euros. Ce surcoût représentera en 2013 au maximum 0,3 % des 40 milliards d'euros de consommation annuelle d’électricité en France, avant de diminuer. Nous devons affirmer auprès de l’exécutif qu’il est intéressant de le consentir pour conserver notre filière photovoltaïque aujourd’hui et pour assurer son avenir.
Par ailleurs, le seuil de 100 kilowatts retenu par la direction générale de l’énergie et du climat pour les appels d’offres me paraît trop faible. Les petites entreprises ne sauront pas y répondre ! Une puissance de 250 kilowatts, correspondant d’ailleurs à un critère de raccordement basse tension à ERDF et à une surface de 2 500 m2, me paraît plus raisonnable.
Pour développer la filière française et accroître sa valeur ajoutée, les critères de qualité, les labels, les certifications, et les assurances doivent être aussi pris en compte.
Un tarif régionalisé est aussi indispensable pour éviter une concentration des projets dans le sud de la France.
Pour donner de la visibilité aux entreprises, une programmation annoncée de la dégressivité est nécessaire. La pente de celle-ci pourrait du reste être plus forte la première année, de façon à tenir compte de la forte baisse des coûts constatée depuis deux ans. La parité avec les tarifs généraux devrait être réalisée entre 2020 et 2023.
En revanche, la trimestrialité pose difficulté, surtout si le tarif retenu est celui en vigueur à la date d’acceptation de la proposition technique et financière (PTF). Compte tenu notamment du délai de traitement des propositions par ERDF, une entreprise n’a aucune chance de réaliser son projet dans les trois mois de sa PTF.
Le mode de sortie du moratoire doit privilégier les bons projets, déjà avancés. Nous l’avons dit, ERDF n’a pas toujours respecté les délais d’acceptation des PTF ; certains projets sont déjà pourvus de permis de construire ; les travaux pour d’autres ont même déjà commencé.
Vous l’avez compris, je privilégie enfin l’équipement des toitures.
M. Jean Dionis du Séjour. Notre collègue François de Rugy a raison. Il nous est proposé dans le rapport d’installer une puissance de 150 mégawatts sur les toitures résidentielles, de 150 autres sur les toitures non résidentielles, et de 200 dans des centrales au sol. C’est donc bien 40 % de la puissance qu’il est prévu de réserver à ces dernières. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce ratio. Les panneaux chinois ont tous pour vocation d’équiper des centrales au sol. Un minimum de patriotisme intelligent suppose, en cas d’accroissement de la puissance installée à 800 mégawatts – position que je soutiens –, une part nettement supérieure pour les bâtiments. La répartition doit alors être de 300 mégawatts pour chacun des deux types de toitures, la puissance accordée aux centrales au sol restant fixée à 200 mégawatts mais tombant à 25 % du total. Monsieur le président, tel est mon premier « amendement » à votre contribution.
M. le président Serge Poignant. Ma proposition de répartition est sensiblement la même que la vôtre : 200 mégawatts pour les centrales au sol et 600 mégawatts pour les toitures, mais répartis entre 400 pour les grandes et 200 pour les petites.
M. Jean Dionis du Séjour. Nous devons aussi appeler – c’est mon deuxième « amendement » – à une refonte réglementaire ou législative du système d’autorisation. Qu’EDF soit juge et partie est un scandale. Cette situation doit cesser. Même son président-directeur général, M. Henri Proglio, ne maîtrise pas les relations entre EDF Énergies Nouvelles et le groupe EDF.
M. Jean-Michel Charpin. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur les positions prises par votre Commission. En revanche, il est essentiel, dans un calcul, de savoir si l’on a affaire à une marche d’escalier ou à un escalier entier. Monsieur le président, vous avez calculé le surcoût pour la première année. Établir la prévision en 2020 suppose de répéter ce surcoût autant de fois qu’il y a d’années. Ce que vous stabilisez la première année, c’est le supplément annuel de CSPE. Chaque année, un supplément de plus s’ajoutera à l’accumulation des précédents. Si le calcul est juste, il ne l’est que pour un an. Pour obtenir le résultat final, il faut en faire la somme sur vingt ans.
M. le président Serge Poignant. C’est vrai, mais le consommateur regarde l’augmentation annuelle de sa facture.
M. Jean-Michel Charpin. Justement ! L’augmentation annuelle que vous avez évaluée doit être répétée chaque année.
Nous n’avons pas jugé que les enveloppes étaient de notre ressort.
L’objectif de 5 400 mégawatts en 2020 résulte du Grenelle ; il a été validé par le Parlement ; enfin, l’exécutif l’a repris dans la PPI. Un objectif ainsi solennisé ne saurait être remis en cause par deux fonctionnaires chargés d’une mission de concertation.
De plus, cette question est très politique. Elle l’est d’abord en termes d’avantages : création d’emplois, de valeur ajoutée, d’assiette fiscale, effet positif sur l’environnement, perspective à long terme de la filière dans une situation où l’évolution rapide des technologies empêche que les positions ne se figent. Elle l’est aussi du point de vue des payeurs. Ces réalisations coûteront cher ; il revient donc au Parlement, en liaison avec l’exécutif, d’arbitrer entre leurs avantages et leurs inconvénients. L’augmentation des prix de l’électricité, de plus de 6 % l’an dernier, va se poursuivre.
Nous avons progressé dans deux domaines. D’abord, nous sommes certains aujourd’hui que le nombre de mégawatts photovoltaïques installés sera très supérieur à celui prévu par la PPI et par le Grenelle : alors que pour atteindre les objectifs de celui-ci, l’installation de 300 mégawatts par an suffirait, les deux bornes de l’hypothèse de notre rapport sont de 500 et 800 mégawatts.
Ensuite, que tirer de la discussion sur le choix, pour la fixation des objectifs, de la puissance en mégawatts ou du montant de la CSPE ?
Un plafonnement en millions d’euros de la CSPE serait très difficile à gérer : faudrait-il arrêter tout nouvel investissement une fois cette limite atteinte ? En revanche, fixer un rythme d’accroissement de la puissance pourrait être intelligent et opératoire.
Avec une puissance installée constante chaque année et une diminution parallèle des coûts, de 10 % par an environ, la totalité des gains de productivité irait à la CSPE. Les acteurs de la filière nous ont proposé un mécanisme selon eux mieux équilibré. Il consisterait à faire diminuer régulièrement les suppléments d’engagements de CSPE, l’objectif étant que les coûts du photovoltaïque rejoignent ceux de l’énergie produite mais aussi à jouer sur la pente de convergence. A chaque diminution du coût de la production d’énergie photovoltaïque, la moitié de la diminution pourrait être affectée à un accroissement de son volume ; par exemple, à chaque diminution de 10 % du prix de l’énergie photovoltaïque, une augmentation de 5 % de la production pourrait être décidée. Ainsi, l’asymptote finalement recherchée n’empêcherait pas l’accroissement de la production de la filière.
Même si nous ne l’avons qu’à peine évoquée dans notre introduction, la recherche est un sujet essentiel. Aujourd’hui, le coût par emploi ou par tonne de carbone évitée est extrêmement élevé. Mais ce qui justifie le financement du développement de la filière photovoltaïque, c’est la dynamique, le sentiment que des progrès massifs y sont encore possibles. Il est donc crucial pour l’économie française d’y rester positionnée. Pour cela sont nécessaires non seulement des industriels, mais aussi des chercheurs.
Notre rapport de juillet dernier présentait, malgré quelques critiques, une situation de la recherche française tout à fait honorable. Depuis six mois, elle s’est encore améliorée. La structuration qui se dessine entre l’INES, à Chambéry, qui ne se contente plus de recherche incrémentale, et un pôle parisien regroupant autour du site de Saclay l’ensemble des instruments de recherche du secteur, notamment le centre de recherches d’EDF, l’Institut de recherche et développement pour l'énergie photovoltaïque (IRDEP) peut créer des perspectives très intéressantes.
M. Claude Trink. Le tarif fixé à un moment donné est acquis pour vingt ans. Le tarif inférieur qui sera fixé l’année ou le trimestre suivants vaudra pour les nouveaux projets.
Pour obtenir un financement de la part des banques, le porteur de projet doit être informé du tarif auquel il pourra vendre l’électricité qu’il produit. Les tarifs futurs doivent donc être connus aussi tôt que possible, en amont de la PTF.
Comme le système crée des droits au tarif, nous demandons que le sérieux du projet puisse être vérifié, par l’existence par exemple d’un engagement financier ou d’une caution bancaire. La CSPE couvrira la différence entre le tarif ainsi acquis et le prix de gros de l’énergie.
Nous proposons une évolution trimestrielle du tarif, mais aussi, pour des raisons de visibilité, la transparence de ses règles d’évolution. Dès règles d’évolution non discrétionnaires pourront faire revenir la confiance des financiers.
M. le président Serge Poignant. Cette précision est essentielle. Connaître très en amont de la PTF le futur tarif à laquelle l’électricité sera vendue est crucial.
Cependant, pour éviter la spéculation, je propose d’instaurer des délais pour la réalisation du projet. Sinon, des projets continueront à être déposés pour bénéficier d’un tarif donné, alors qu’ils ne seront réalisés que quelques années plus tard, lorsque leurs coûts auront baissé.
M. Claude Trink. Monsieur Dionis du Séjour, pour moi, l’avenir de la filière photovoltaïque est lié à ce qu’on appelle la parité réseau. Le jour où les coûts de cette énergie seront comparables aux prix auxquels les opérateurs centralisés vendent celle qu’ils produisent, l’acteur économique qui aura besoin d’électricité aura intérêt à la produire localement. J’ai la conviction que ce jour arrivera. Si nous ne savons ni quand, ni où – peut-être d’abord ailleurs qu’en France –, cet événement constituera une révolution électrique. L’effort demandé a donc pour objet de permettre à notre pays de disposer, le jour de cette révolution, des compétences scientifiques et industrielles pour en profiter.
M. Jean-Michel Charpin. Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, je précise que si Claude Trink a suggéré que certaines catégories de projets puissent faire l’objet d’un traitement particulier dans le cadre d’un dispositif transitoire, à la sortie du moratoire, nous n’entendons bien sûr pas anticiper sur des décisions qui appartiennent au Gouvernement – et qui ne seront d’ailleurs pas faciles à prendre !
M. Claude Trink. Nous avons rappelé que 3 000 mégawatts de projets suspendus par le moratoire remplissent toutes les conditions nécessaires à leur réalisation, au tarif ancien, dès la fin de ce moratoire et pendant les dix-huit mois qui suivront. Nous estimons que 50 % de ces projets seront menés à bien dans le délai, la proportion étant certainement plus forte pour les installations sur toitures que pour les grandes installations au sol. L’activité sera donc rétablie dans le secteur, pendant un an et demi, mais on comprend bien qu’il sera difficile de faire place à de nouveaux projets. Le rapport évoque donc la possibilité d’un régime de transition en signalant des types de projets qui nous paraîtraient mériter une attention particulière dans ce cadre.
M. le président Serge Poignant. Quid des 3 000 autres mégawatts de projets sans PTF acceptée ? Faudra-t-il que leurs auteurs recommencent toute la procédure ? Quel sera le tarif de rachat ?
M. Claude Trink. Ce ne sera pas le tarif ancien.
M. Jean-Pierre Nicolas. Il leur faudra donc attendre qu’on leur dise à quel tarif ils seront éventuellement repris, et dans quel délai.
M. Alfred Trassy-Paillogues. Je suis étonné que ce rapport ne comporte pas de simulations sur les coûts d’investissement et de fonctionnement de deux ou trois types d’installations. J’aimerais savoir, par exemple, quel profit dégage une ferme photovoltaïque au sol de deux hectares aux coûts actuels. Nous pouvons difficilement nous prononcer en ignorant ces éléments concrets. Que le particulier tire avantage de ce dispositif, soit, mais je serais gêné que des entreprises purement commerciales fassent des profits colossaux grâce aux tarifs de rachat.
M. Claude Gatignol. Il est en effet absolument nécessaire que nous ayons des éléments d’appréciation économique. En avez-vous recueilli, au cours de votre étude, sur la qualité des produits, sur leur rendement, sur leur coût ? On sait que 90 % des installations sont constituées de panneaux fabriqués en Chine, mais certains se tournent vers des produits allemands. De quels moyens disposons-nous pour faire les meilleurs choix ?
M. Jean-Michel Charpin. La question de la rentabilité est en effet essentielle. Quand on a mis en place les systèmes de régulation, en France comme à l’étranger, la première idée qui est venue à tous a été de reconstituer les comptes d’exploitation, d’essayer de mesurer la rentabilité de l’activité et de fixer les tarifs en fonction de cet élément. Aujourd’hui, la plupart des pays ont abandonné cette méthode : outre qu’elle a un coût et qu’elle est malaisée, ses résultats, valables à un instant t, ne le sont plus deux mois plus tard. On s’est généralement tourné alors vers celle que nous suggérions d’adopter dans notre rapport de juillet et qui est pratiquée en Allemagne : elle consiste à se fixer une cible ; si on la dépasse, c’est que les tarifs sont trop élevés et qu’il faut accentuer la dégressivité ; si on ne l’atteint pas, c’est que les tarifs sont trop bas et qu’il faut ralentir leur décrue. En d’autres termes, il s’agit de piloter le dispositif en fonction des résultats observés. À se fonder sur la rentabilité estimée, on ne peut qu’être perdant : les opérateurs ont toujours un coup d’avance sur l’Etat ! Les progrès techniques sont en effet continus et les marchés sans cesse agités de soubresauts, en fonction des fluctuations des politiques de subvention. Il y a une forte asymétrie d’information entre le secteur privé et le secteur public. J’invite donc à cette attitude humble qui consiste à réguler par l’observation des résultats.
M. Claude Trink. En ce qui concerne le recyclage, monsieur Fidelin, nous recommandons que le porteur de projet soit obligé de prévoir la fin de vie de ses équipements, en adhérant à des systèmes de récupération. Il s’agit bien évidemment de préserver l’environnement mais cette disposition peut aussi avoir le mérite de freiner les importations.
L’appel d’offres est un moyen de contrôler les volumes. Une baisse des tarifs de rachat n’entraîne pas ipso facto une baisse des volumes : on a même observé le contraire en Allemagne, où les cibles ont été dépassées en une telle occurrence, rien ne s’opposant à ce que les projets soient acceptés – ce qui illustre d’ailleurs toute la différence entre cible et quota. En revanche, on peut réguler en jouant sur le nombre des appels d’offres, qui offrent en outre l’opportunité de rédiger de manière intelligente des cahiers des charges.
M. le président Serge Poignant. Merci, messieurs les inspecteurs généraux, pour cette audition qui nous a permis d’éclairer bien des points sur lesquels on entendait tout et son contraire. La position de notre Commission en sort fortement précisée.
La contribution du Président est approuvée par la Commission (Groupes UMP et NC, en l’absence du Groupe SRC et avec abstention du Groupe GDR) à laquelle sera ajoutée la remarque de M. Jean Dionis du Séjour.
Lettre de M. Serge Poignant, président de la Commission des affaires économiques à MM. Charpin et Trink, présidents de la commission de concertation sur la filière photovoltaïque
« Messieurs les Présidents,
Permettez-moi, avant la clôture de votre rapport sur l’énergie photovoltaïque, de souligner près de vous quelques points de base auxquels je suis très attaché, conscient de la nécessité de maîtriser l’augmentation de CSPE mais autant persuadé que des milliers d’emplois de nos PME-PMI sont en jeu :
- Les quotas en volume annuel de 500 MW sont beaucoup trop faibles. 800 MW me paraissent être un minimum avec la répartition suivante : 200 MW pour les centrales au sol, 200 MW pour les petites toitures jusqu’à 36 kw et 400 MW pour les plus grandes toitures.
- Un appel d’offres à partir de 100 kw me paraît être trop faible et devoir aller à l’encontre du développement des petites entreprises. Un chiffre de 250 kw, correspondant d’ailleurs à un critère de raccordement à ERDF, est indispensable.
- Les critères de qualité, label, certification, assurance…, doivent être au mieux définis pour soutenir une réelle filière française.
- Un tarif régionalisé est indispensable pour éviter une concentration de projets dans le Sud de la France.
- Une dégressivité annoncée est nécessaire mais la trimestrialité est dangereuse en termes d’engagement notamment des banques, surtout si le tarif retenu est celui de la date d’acceptation de la PTF.
- Le traitement de la sortie du moratoire est un point crucial qui doit privilégier les bons projets déjà très avancés.
Vous aurez donc compris que je soutiens les entreprises, hors celles qui n’ont eu qu’un but spéculatif, qui ont créé des milliers d’emplois (20 à 25 000) et dont beaucoup ne pourront survivre à une décision trop brutale.
Vous aurez aussi compris que je considère ces milliers d’emplois essentiellement sur les projets de toitures inférieurs à 250 kw où notre valeur ajoutée peut s’exprimer.
Vous aurez enfin compris que je ne peux soutenir des projets au sol qui prive l’agriculture de centaines d’ha, détournent le seuil de 12 MW et absorbent les quotas de puissance.
Meilleures salutations »
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 16 février 2011 à 16 h 15
Présents. - M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Henri Jibrayel, Mme Annick Le Loch, M. François Loos, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Alain Suguenot, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Bernard Gérard, M. Louis Guédon, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. Philippe Armand Martin, Mme Anny Poursinoff, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau
Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Boënnec, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Charles de Courson, Mme Claude Darciaux, M. Daniel Fidelin, M. Serge Grouard, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Kert, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. François de Rugy