Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mercredi 9 mars 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition de M. Maurice Leroy, ministre de la ville

La commission a auditionné M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le ministre, voici trois mois que vous avez pris vos fonctions. Le 18 février, le Comité interministériel des villes s'est réuni et a annoncé un certain nombre de mesures importantes, telles que l'acte II de la rénovation urbaine, ainsi que des mesures sectorielles en faveur de l'emploi, de l'éducation, de la formation professionnelle, de la santé et de la sécurité. Par ailleurs, vous êtes intervenu à l'Assemblée nationale, notamment le 1er février dans le cadre de l'examen du rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle (CEC) sur les quartiers en difficulté. C'est cependant la première fois que vous vous exprimez devant notre commission.

Le Président de la République et le Premier ministre ont choisi, cette fois-ci, de confier la politique de la ville à un ministre de plein exercice. Comment cela se traduira-t-il dans l'action du Gouvernement ?

Vous insistez souvent sur votre volonté de faire de l'action de votre ministère « l'expression d'une nouvelle cohésion » pour « qu'apparaisse le visage d'une solidarité réaffirmée », s'agissant aussi bien des personnes que des territoires. Quelles sont les principales orientations de votre politique en faveur de la ville et des quartiers ?

Au nom de notre collègue Gérard Hamel, qui n’a pu se libérer cet après-midi, je souhaite vous interroger en outre sur le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans les années qui viennent. Ensuite, comment mieux cibler et territorialiser la politique de la ville ? Vous semblez critique à l'égard de la proposition des rapporteurs du comité d'évaluation et de contrôle de renforcer le rôle du maire dans la mise en œuvre de la politique de la ville. Quelles sont les alternatives possibles ?

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Je suis heureux d’évoquer cet après-midi avec votre commission le renforcement de la politique de la ville voulu par le Président de la République et le Premier Ministre.

Tout à la fois urbains, sociaux, économiques, scolaires, mais aussi d'intégration ou de santé publique, les enjeux de cette politique sont immenses et engagent toute notre nation. La politique de la ville agit sur tous les leviers en mobilisant l'ensemble du Gouvernement – de ce point de vue, un ministère de plein exercice est en effet un gage de meilleure efficacité – et en venant en complément des politiques de droit commun. C'est donc avec le soutien affirmé du Premier ministre et du Président de la République que j'ai souhaité donner une impulsion forte à la politique de la ville et en réaffirmer les fondements. La politique de la ville est interministérielle, territorialisée, partenariale, contractualisée, et elle accompagne des parcours individualisés.

M. Pupponi, ici présent, est l’auteur, avec M. Goulard, d’un excellent rapport parlementaire qui a avancé plusieurs propositions, parmi lesquelles celle de mettre le maire en première ligne. C’est avant tout avec les maires que doit se faire la politique de la ville, et je suis certain que votre rapporteur, Michel Piron, avec qui j’ai souvent eu l’occasion de m’en entretenir, souscrit aussi à cette proposition. Il ne peut y avoir ni contractualisation ni territorialisation sans le maire.

En matière de rénovation urbaine, les résultats sont très encourageants. Je le constate moi-même sur le terrain, notamment avec son président Gérard Hamel : l’action de l’ANRU est un succès sur le plan financier, mais aussi sur celui de l’ingénierie et pour mobiliser l’ensemble des partenariats. Ajoutons la réussite éducative et le développement économique : lorsque, avec l'appui décisif de l'État, tous les acteurs locaux se mobilisent, on peut transformer en profondeur la vie des habitants des quartiers.

Le Comité interministériel des villes, qui s'est tenu le 18 février sous la présidence du Premier ministre, a permis d'arrêter des décisions importantes qui guident l'action du Gouvernement en faveur des habitants des quartiers prioritaires.

La pérennité du cadre contractuel de nos actions est préservée par la prolongation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) jusqu'en 2014. C’est très important, car cela donne une visibilité dans le temps aux maires, mais aussi au tissu associatif.

Le programme national de rénovation urbaine (PNRU), mis en œuvre par M. Borloo, et conduit dans plus de 480 quartiers par l’ANRU, est une réussite reconnue par tous. Désormais, on construit plus de logements qu'on n’en démolit. Une centaine d'opérations sont déjà finalisées et 3 millions d'habitants ont vu leur cadre de vie se transformer. Le Comité interministériel des villes m'a mandaté pour préparer l’acte II du programme national de rénovation urbaine, qui doit achever la transformation des quartiers et aller plus loin. Je pense notamment à l'accueil d'activités économiques, au désenclavement, à une plus grande mixité sociale, au traitement des copropriétés dégradées, sujet difficile cher à M. Le Bouillonnec, et auquel travaille mon collègue Apparu, aux foyers de travailleurs migrants ou à l'habitat indigne en outre-mer.

Enfin, le Comité interministériel des villes a mis en place un dispositif ambitieux de prévention et de lutte contre le décrochage scolaire.

L'emploi doit être – nous avons eu l’occasion d’en parler lors des questions d’actualité – la priorité absolue du Gouvernement dans les quartiers. La crise n'a pas épargné les territoires fragiles et le chômage y est encore beaucoup trop élevé, comme le confirme le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. Toutes les énergies doivent être mobilisées. Il est fondamental de traiter les quartiers sensibles par l'emploi et le développement économique plutôt que par le social qui, pris isolément, ne serait qu’un puits sans fond. Plusieurs dispositifs efficaces ont donc été confirmés dans le cadre du Comité interministériel des villes. En premier lieu, 15 000 contrats d'autonomie vont s'ajouter aux 37 000 déjà signés. Ces contrats, qui remettent les jeunes les plus éloignés de l'emploi dans une véritable dynamique, permettent à un jeune sur deux de trouver un emploi ou une formation qualifiante. C'est le seul dispositif ciblé spécifiquement sur les jeunes des quartiers.

Nous devons aussi tout faire pour favoriser l'accès au marché du travail et mobiliser le droit commun. Il faut absolument développer la présence de Pôle Emploi dans les quartiers – je m'en suis longuement entretenu avec M. Charpy il y a quelques jours. Nous allons également accentuer la territorialisation des contrats aidés : 50 000 contrats aidés supplémentaires ont été annoncés par mon collègue Xavier Bertrand. Leurs publics cibles vivent dans les quartiers de la géographie prioritaire de la politique de la ville. L’État se mobilisera en priorité pour tous ces jeunes en difficulté !

Dans le cadre des 200 000 contrats d'apprentissage supplémentaires du plan emploi jeunes, le Comité interministériel des villes nous fixe par ailleurs un objectif ambitieux : faire progresser de 50 % d'ici trois ans le nombre de jeunes des quartiers en apprentissage.

Enfin, les énergies et les compétences ne demandent qu'à s'exprimer pour développer de l'activité. Il n'y a pas que les emplois aidés et l'emploi salarié ! Le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) ne fait pas seulement état, quoi qu’en dise la presse, du doublement du chômage. Il relève aussi que la création d'entreprises est trop peu connue des habitants des quartiers. Nos territoires attirent pourtant de plus en plus d'entreprises ; le dynamisme économique y bénéficie du statut d'auto-entrepreneur, et pas seulement dans les zones franches urbaines ; 55 000 établissements y sont installés et 300 000 salariés y travaillent.

Quelques mots enfin sur le projet du Grand Paris. Réunir la politique de la ville et ce projet était la meilleure façon de les articuler et de les renforcer mutuellement. Le formidable dynamisme économique du Grand Paris bénéficiera sans aucun doute aux quartiers et accélérera leur désenclavement. Le projet porte aussi un objectif ambitieux mais réaliste, fixé par la loi : 70 000 nouveaux logements par an, dont les contrats de développement territorial seront un outil.

Je crois avec force que l'approche coordonnée des difficultés rencontrées dans les quartiers et les réponses ciblées permettront d'intégrer réellement ces quartiers dans la ville et d’améliorer la qualité de vie des habitants. Redonnons espoir en utilisant tous les leviers de la politique de la ville !

M. le président Serge Poignant. En ce qui concerne le logement insalubre outre-mer, je remercie le Gouvernement d’avoir soutenu la proposition de loi de notre collègue Letchimy, à laquelle nombre de groupes ont contribué

Mes collègues vont à présent vous interroger, monsieur le ministre.

M. François Pupponi. Nous pouvons être d’accord sur le constat : le rapport de l’ONZUS démontre que loin de s’améliorer, la situation dans les quartiers s’est dégradée. Il ne s’agit pas seulement de l’emploi, mais aussi de la réussite scolaire ou des politiques sociales. Les élus locaux s’inquiètent particulièrement de voir l’économie souterraine gangrener peu à peu ces quartiers. Ils s’interrogent sur la politique de sécurité à mettre en œuvre pour s’attaquer à ce nouveau type de délinquance, qui commence à poser de sérieux problèmes, même si elle tend – paradoxalement – à circonscrire la petite délinquance.

Un Comité interministériel des villes s’est donc tenu le 18 février. C’est en soi important – il n’y en avait pas eu depuis longtemps – mais on peut douter que les décisions prises permettent véritablement de changer la donne. Nous nous interrogeons sur le bouclage du financement du PNRU 1. On nous assure que la bosse de l’ANRU sera surmontée, mais nous aimerions des précisions : où en est l’ANRU en termes de financement ? Combien manque-t-il en 2011 ? Combien manquera-t-il en 2012 ? Par ailleurs, nous sommes tous conscients qu’il faudra un PNRU 2. Un certain nombre de territoires ont fait l’objet de rénovations et les résultats de l’intervention de l’ANRU sont plutôt positifs. Les habitants ne comprendraient donc pas que celle-ci se limite à la moitié du quartier ! À quand ce PNRU 2, et comment le finance-t-on ?

Mme Amara avait proposé de mettre en œuvre des CUCS expérimentaux mobilisant en priorité dans ces quartiers les politiques de droit commun. Allez-vous donner suite à cette proposition – et si oui, quand ?

En ce qui concerne la politique de l’emploi, nous sommes sceptiques. Si les contrats d’autonomie ont coûté très cher, bien peu d’emplois ont été créés. Le nombre de contrats signés est sans doute important, mais contrat ne veut pas dire emploi : il ne s’agit que de coaching pour permettre l’accès à l’emploi. Les 250 millions d’euros qui ont été dépensés n’ont débouché que sur quelques milliers de créations d’emplois. On peut donc s’interroger sur l’efficacité de cette politique. Ce qui nous intéresse, ce sont les créations d’emplois, pas seulement d’ailleurs dans ces quartiers : si l’on veut éviter la ghettoïsation, il faut aussi que leurs habitants aient accès à l’emploi au-delà de leur quartier.

Vous nous avez parlé de 50 000 nouveaux contrats aidés, qui devraient être territorialisés. Comment comptez-vous procéder ? Y aura-t-il des quotas ? Quels seront les secteurs concernés et les critères d’attribution de ces contrats territorialisés ?

Le tableau ne serait pas complet sans une politique de péréquation. Un grand débat est engagé à ce sujet, qui devrait déboucher sur des mesures précises dans le projet de loi de finances pour 2012. Quel est selon vous le niveau de péréquation efficace pour que les villes en difficulté aient enfin les moyens de faire face aux demandes sociales de leur population, sachant qu’actuellement, la loi de finances prévoit un fonds national d’environ un milliard d’euros, qui me paraît insuffisant ? La même loi de finances précise qu’à compter de 2012, les nouveaux fonds de péréquation seront accordés aux intercommunalités, ce qui ne va pas sans poser problème si l’on considère que la politique de la ville doit être conduite à l’échelle communale. Quelle est votre position ? Pour ma part, je pense qu’il faut exiger des EPCI qu’ils reversent ces sommes aux communes.

M. Michel Piron. Je me réjouis comme vous, monsieur le ministre, que votre ministère soit désormais de pleine compétence ou de plein champ. Cela évite au moins quelques réunions de coordination, même si nous parlons toujours de politiques transversales.

Un des changements majeurs que vous avez évoqués est celui de la gouvernance, avec le choix de s’appuyer désormais sur le maire. Pour ma part, je parlerais plutôt du responsable local ou territorial. Gardons-nous d’opposer commune et intercommunalité. En de multiples points du territoire, l’intercommunalité me paraît même beaucoup mieux placée que la commune pour traiter de ces questions. Il n’y a pas lieu d’apporter des réponses uniformes à des situations souvent hétérogènes. Pour prendre un exemple, la situation du Grand Paris n’est pas tout à fait la même que celle des grandes métropoles provinciales. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Cette nouvelle gouvernance mérite d’être confortée par une piste de travail qu’ont proposée les rapporteurs du CEC : donner au responsable territorial, en lieu et place de l’État et à titre expérimental, le pouvoir de signer les conventions d’emploi, d’organiser l’emploi et l’implantation des forces de sécurité publique et d’affecter les effectifs de l’éducation nationale. L’articulation avec les services de l’État reste en effet problématique dans le schéma actuel, et bien des préfets sont démunis pour faire le lien entre l’État et les pouvoirs territoriaux. Pensez-vous que cette expérimentation puisse voir le jour ? Dans quel délai ?

Je me réjouis de la prolongation des CUCS et tiens à vous en remercier.

Le rapport de MM. Pupponi et Goulard suggère également de concentrer davantage les moyens sur « un nombre restreint de territoires délimités de façon objective ». C’est poser la question d’un meilleur usage des moyens – et notamment de ceux de la péréquation. Sur cette dernière, je suis d’ailleurs moins sévère que mon collègue Pupponi : avant l’instauration de la péréquation horizontale, le milliard qu’il juge insuffisant n’existait pas ! Entre zéro et un milliard, il y a tout de même un pas qui a été franchi, d’autant que le dispositif était très innovant. L’argent public se faisant rare, j’ai insisté à plusieurs reprises devant le Comité des finances locales (CFL) : au lieu de tout attendre de la péréquation verticale, essayons de mettre en œuvre une véritable péréquation horizontale qui répondrait aux préoccupations de mes collègues. Comment entendez-vous peser dans le débat sur les critères de cette péréquation ?

J’en viens à l’éducation. Beaucoup de choses ont déjà été tentées, mais je voudrais revenir aux données basiques, à savoir à la scolarité maternelle et primaire. Péguy n’affirmait-il pas que 80 % des choses risquaient fort d’être décidées à l’issue de l’école primaire ? Puisque nous nous préoccupons d’intégration, il est temps de lancer une réflexion interministérielle sur les moyens spécifiques à allouer aux quartiers en ce domaine – y compris et surtout en termes de ressources humaines. Les résultats ne seront peut-être pas immédiats, mais les enjeux sont tels qu’il faut accepter que les réponses ne puissent être apportées qu’à moyen terme.

M. Daniel Paul. Nul ne conteste les améliorations qui ont eu lieu dans un certain nombre de quartiers depuis 1996. Force est pourtant de constater qu’on manque aujourd’hui de souffle.

Les CUCS et les programmes de réussite éducative ne sont que deux des multiples séries de programmes dans lesquelles l’État a réduit ses interventions. Ajoutez à cela l’incertitude quant à sa participation au financement des actions engagées en matière de prévention de la délinquance ou de la récidive, de lutte contre les incivilités dans les transports urbains, et j’en passe… Autant de décisions qui n’affectent certes pas toutes les villes concernées, mais qui s’analysent comme un retrait de l’État et laissent les collectivités locales en proie aux plus grandes difficultés, ainsi que les associations qui œuvrent dans les domaines de l’insertion professionnelle, de l’accompagnement scolaire, de la prévention de la délinquance et de l’action en faveur des plus démunis – et cela alors que c’est souvent l’État lui-même qui avait demandé leur renforcement ! Beaucoup de ces associations – qui emploient souvent des salariés – risquent de ne pas « tenir le coup ».

Je ne saurais oublier les conséquences de décisions prises par d’autres ministères : la suppression de postes d’enseignants dans des collèges de ZEP dont les effectifs augmentent et qui sont déjà contraints de recourir à des personnels non titulaires me paraît particulièrement scandaleuse. Plusieurs collèges de ma circonscription sont dans ce cas, mais ils ne sont pas les seuls. La décision de supprimer 16 000 postes d’enseignants impacte l’ensemble du territoire. Elle semble cependant épargner – c’est lourd de conséquences – l’enseignement privé. Un certain nombre de formations de l’enseignement technique public en zone sensible semblent même migrer vers des établissements privés. J’habite en zone franche urbaine et en ZEP ; toute ma circonscription est concernée par ces dispositifs. N’oublions pas, enfin, la réduction des forces de police. C’est un désengagement massif et inacceptable de l’État.

Je terminerai par une question. Trouvez-vous normal que des médecins libéraux – généralistes ou spécialistes – quittent leur quartier pour venir s’installer en zone franche urbaine à seule fin de bénéficier des exonérations fiscales et sociales ? Ils arrivent avec leur personnel et leur clientèle et n’ont jamais de place lorsqu’on cherche à prendre un rendez-vous. Je prends le pari qu’ils partiront dès que ces exonérations n’existeront plus – c’est toujours cinq ans de gagné ! Entendons-nous bien : je n’ai rien contre le fait que des médecins libéraux déménagent pour venir s’installer en zone franche urbaine ; mais je trouve anormal que des aides fiscales et sociales viennent accompagner un mouvement qui ne rapporte rien aux quartiers.

M. Jean Dionis du Séjour. Je me réjouis que notre commission reçoive aujourd’hui un ministre centriste – c’est un plaisir qui se fait rare !

J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, je me méfie du débat sur la redéfinition de la géographie prioritaire de la politique de la ville. J’y vois la tentation de recentrer cette politique sur Paris et les grandes agglomérations. Or, si je comprends que l’on définisse des priorités, j’estime que celles-ci doivent être sociales et non géographiques. Si l’on s’en tient à des critères sociaux comme le chômage ou le revenu net des ménages, il y a plus de misère dans les agglomérations moyennes que dans les métropoles régionales. La comparaison entre Agen et Bordeaux est sans appel à cet égard. Je vous invite donc à la plus grande vigilance : une politique de la ville doit se fonder sur des critères sociaux, non sur les problèmes de sécurité ou les considérations de taille.

Maire et élu local, j’entends souvent regretter la dispersion de la politique de la ville. Pourquoi ne pas la recentrer sur ses principaux champs de compétences – accompagnement scolaire, emploi, prévention de la délinquance ?

Venons-en à l’avenir. Que pouvez-vous nous dire du PNRU 2 ? Nous manquons de visibilité sur les opérations souvent lourdes qui ont été engagées : l’ANRU finance un cœur de projet, mais celui-ci ne représente que le tiers ou la moitié de ce qui est à faire sur le quartier.

Enfin, qui doit porter la politique de la ville ? Notre collègue Pupponi a plaidé en faveur d’une vision municipale qui a le mérite de l’efficacité. À l’heure où l’État se trouve en difficulté financière, ne faudrait-il pas solliciter d’autres collectivités territoriales – régions, intercommunalités ?

M. Bernard Gérard. Monsieur le ministre, j’ai été très sensible à l’attention que vous avez bien voulu me porter en me recevant au ministère, en ma qualité de président de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) peu de temps après votre nomination. Vous m’avez écouté avec attention, mais la réunion du Comité interministériel des villes n’a pas été pour me rassurer – loin s’en faut. Il y a quelques années, l’EPARECA traitait environ trois dossiers par an ; il en traite aujourd’hui une dizaine. Son intervention est irremplaçable pour répondre aux préoccupations que vous avez évoquées, à commencer par l’emploi. Elle permet de soutenir la reconstitution d’équipements commerciaux ainsi que les micro-entrepreneurs qui ne savent pas toujours où exercer leur activité. Nous avons également expérimenté à Bruay-sur-l’Escaut une zone artisanale à loyers sociaux. Pour continuer dans cette voie, il faut que nos financements soient assurés. L’EPARECA dépend de plusieurs ministères, mais seul celui du commerce le subventionne, via le FISAC, à hauteur d’environ 11,5 millions par an. Comment assurer ce financement dans les années à venir ? C’est un outil indispensable au service de l’emploi et de la cohésion sociale dans les quartiers. Il bénéficie de prérogatives de puissance publique qui lui permettent d’être vraiment efficace sur le terrain, et pourra s’auto-financer d’ici quelques années grâce à la revente des équipements qu’il réalise. Je suis résolu à le défendre, car il est au cœur d’une problématique essentielle pour la cohésion sociale des quartiers. Merci donc de relayer nos inquiétudes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En installant le nouveau Conseil national des villes l’an dernier, le Premier ministre avait annoncé son intention de réfléchir au problème des CUCS. Le Comité interministériel des villes vient de lui apporter une réponse. L’inquiétude demeure cependant quant au financement des CUCS par l’État. À preuve l’article paru ce matin dans Le Parisien, intitulé « Encore moins d’aide pour les quartiers en difficulté » et évoquant la situation de la commune de Champigny-sur-Marne, qui envisage désormais des suppressions de personnel.

La baisse annoncée était de 18 % au niveau national. Dans le Val-de-Marne, nous sommes à 20 % – et on nous parle de rééquilibrage ! Pire : dans ma communauté d’agglomération, où elle était annoncée à 26 %, elle atteint 35 %. Le problème est donc de taille : de quelles capacités l’État dispose-t-il pour agir ? Sans sa participation, peut-on encore parler de politique de la ville ? Et pourquoi continuer à mobiliser élus, fonctionnaires et associations sur des dossiers aussi fastidieux et complexes pour un tel résultat ? Nous avions déjà protesté lors du débat budgétaire : il y a de quoi s’inquiéter quand on sait combien ces territoires et ces publics méritent d’être protégés et accompagnés. Si cette ligne n’est pas abondée, vous risquez d’être confronté à des situations catastrophiques dès l’été.

S’agissant du renouvellement urbain, vous évoquez le PNRU 2. Vous siégiez dans l’Hémicycle lorsque nous avons adopté la loi : nous avions prévu 12 milliards de subventions pour le PNRU, dont 6 à la charge de l’État et autant pour les tours de table. À ce jour, l’État n’a même pas versé un milliard. Vous savez d’autre part que la loi de finances rectificative pour 2010 a créé une taxe au profit du Grand Paris. Or, la loi de finances a prélevé 90 millions sur la société du Grand Paris au profit de l’ANRU. En outre, on n’a pas écarté l’utilisation d’une partie des fonds prélevés sur les bailleurs sociaux pour l’ANRU. Au train où vont les choses, nous ne bouclerons pas le PNRU 1 ! Action Logement voit ses conventions cesser l’année prochaine, ce qui va contraindre l’État à choisir une stratégie. Parler du PNRU 2 – que nous attendons tous – sans poser le problème du financement, c’est donc faire un pacte sur succession future, ce qui est interdit par la loi.

Au-delà de l’accueil qui vous est réservé, il y a donc un problème de fond. Certains disent qu’il n’y a plus de politique de la ville. Que répondez-vous à ses acteurs ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les fonds de l’État sont certes limités, mais une bonne politique n’est pas nécessairement une question d’euros… Notre collègue Dionis du Séjour propose de recentrer la politique de la ville sur l’accompagnement scolaire, l’emploi et la prévention de la délinquance. Pourquoi ne pas s’attacher tout simplement à la qualité du cadre de vie ? Alors que la déconcentration semble une voie intéressante, je m’inquiète d’autre part de la tendance actuelle à re-concentrer les pouvoirs au niveau de l’agglomération ou du département. Je pense par exemple aux plans départementaux de l’habitat, qui ne tiennent pas compte des programmes locaux de l’habitat déjà élaborés par les communes ou leurs groupements. À terme, on risque de « siphonner » à nouveau les campagnes au profit des villes. Or, une des solutions pour améliorer la qualité de vie dans les villes me semble précisément la déconcentration.

Je regrette enfin que les parlementaires de province aient été écartés du dossier du Grand Paris. J’espère que pour votre part, vous aurez à cœur d’y intégrer notre réflexion.

M. Jean-Michel Villaumé. Depuis la loi Borloo, les collectivités territoriales, notamment les villes petites et moyennes, ont mis en place, à destination des publics défavorisés des dispositifs qui concernent aussi bien l’emploi que l’insertion, la prévention, la santé, l’éducation ou la citoyenneté. Je m’inquiète donc moi aussi de la baisse des crédits de l’État. Pour le seul département de la Haute-Saône, l’enveloppe a diminué de 25 % cette année. Pour ma collectivité, c’est presque 50 % de crédits d’État en moins ! Certes, les CUCS sont prolongés jusqu’en 2014 ; mais avec quels moyens poursuivrons-nous les politiques engagées ? Envisagez-vous des abondements complémentaires ? Nous avons besoin d’être rassurés, et pas seulement dans les grandes villes et les banlieues.

M. Daniel Fasquelle. Il ne suffit pas d’agir sur l’habitat dans les quartiers, il faut aussi y développer l’activité économique. À cet égard, disposez-vous d’un bilan des zones franches urbaines ?

Nous sommes particulièrement attachés au commerce de proximité. J’ai présenté la semaine dernière à notre Commission un rapport sur les locaux commerciaux vacants. Je pense qu’une action forte en faveur du commerce de centre ville et de proximité est nécessaire. Je partage la conviction de Bernard Gérard : nous avons besoin d’instruments comme l’EPARECA pour maintenir des commerces dans ces quartiers. De même, il faut une politique volontariste en matière de pépinières, pour que les jeunes qui ont des idées puissent créer et développer des entreprises dans leur quartier.

S’agissant du Grand Paris, il me semble que le projet n’intègre pas assez la problématique du tourisme, alors que les touristes sont très mal accueillis à Paris. Il faut penser qu’ils n’ont pas seulement vocation à visiter l’Île-de-France, mais aussi d’autres parties du territoire national. L’Italie et l’Espagne comptent de nombreuses destinations touristiques. En France, on se limite trop à Paris et à la Côte d’Azur. Pour tirer pleinement profit de la présence d’une clientèle internationale, il faut que les touristes qui arrivent à Paris puissent rallier facilement d’autres destinations sur notre territoire. Cela suppose en particulier de travailler sur le lien entre avion et train.

Mme Pascale Crozon. Je suis d’accord avec ce que vient de dire Daniel Fasquelle. Une enquête a d’ailleurs démontré que la France est l’un des pays où l’accueil des touristes est le moins satisfaisant.

L’argent public se fait certes rare, monsieur Piron, mais il me semble que s’agissant de la politique de la ville, l’urgence est telle qu’on peut faire l’effort de ne pas supprimer les crédits « à la hache ».

L’éducation dans les quartiers est un vrai challenge. Je déplore donc que la carte scolaire ait été supprimée hâtivement, sans la moindre concertation avec les élus locaux. Cela nous a posé de nombreux problèmes. Un collège d’un quartier de ma circonscription a ainsi dû fermer en raison d’une baisse trop brutale de ses effectifs, ce qui n’a pu que renforcer le sentiment d’abandon de ses habitants.

Enfin, quel bilan faites-vous des internats d’excellence, qui s’avèrent très coûteux ? Un audit a-t-il été réalisé ?

M. Jean-Pierre Nicolas. La loi Borloo a été salutaire pour ce tonneau des Danaïdes qu’était naguère la politique de la ville. Quand on connaît les discriminations dont le logement peut être la source, il y a tout lieu de se réjouir que plus de 3 millions de nos concitoyens aient bénéficié de la réhabilitation de certains quartiers grâce à l’ANRU. De surcroît, la politique de la ville s’est enrichie de plusieurs volets : le social, la formation et l’emploi.

Contractualiser avec les maires est le bon sens même ; néanmoins, ne serait-il pas judicieux de le faire aussi avec les EPCI ? Quand des logements sont détruits, une commune n’a pas toujours le foncier nécessaire pour en reconstruire d’autres, si bien qu’il faut se tourner vers les communes voisines ; or celles-ci sont parfois réticentes, les quartiers concernés par les destructions étant souvent les plus défavorisés.

S’agissant des contrats aidés, je me réjouis également qu’ils soient en augmentation. Seront-ils territorialisés en fonction des besoins de chaque quartier ? La même question se pose, d’ailleurs, pour l’enseignement et la formation, que nous devons mieux adapter aux éventuels emplois créés dans les quartiers. Quant à l’autre enjeu essentiel de la politique de la ville, la sécurité, il exige que l’on éradique cette gangrène qu’est l’économie souterraine.

M. François Brottes. Dans l’un des quartiers Nord de Marseille où je me suis rendu récemment, on compte un seul gymnase pour 15 000 habitants – et un terrain de basket devenu impraticable à cause de sa vétusté –, contre quatre, j’ai presque honte de le dire, dans ma ville de 9 000 habitants. Les jeunes qui placent beaucoup d’espoirs dans le sport mériteraient un autre traitement. Certes, les élus distribuent les enveloppes de l’ANRU comme ils le veulent ; mais, sans le programme « 1 000 piscines », par exemple, certains jeunes n’auraient jamais pu apprendre à nager.

J’avais cru comprendre que les primes des joueurs sélectionnés en équipe de France pour la coupe du monde de football seraient redistribuées au profit d’actions spécifiques. Le sport de haut niveau, qui génère beaucoup d’argent, ne pourrait-il contribuer au financement d’équipements sportifs ? Nous sommes tous responsables de la situation actuelle, mais l’accès aux pratiques sportives doit être plus digne.

M. Daniel Goldberg. La péréquation des ressources des collectivités territoriales est primordiale. Ne pourrait-on, dans cette optique, envisager des budgets consolidés dans des domaines tels que l’éducation ? On pourrait ainsi mesurer l’action concrète de la République dans certaines zones moins favorisées, et ce dès le premier degré. Les chiffres, à mon avis, montreraient qu’en dépit des discours, on ne dépense pas plus, voire moins, pour les enfants des quartiers dits « sensibles ». Le lycée Jean-Pierre Timbaud d’Aubervilliers, où M. Chatel avait pourtant promis des efforts particuliers, se verra ainsi retirer, l’an prochain, 92 heures d’enseignement, dont 72 pour les élèves en difficulté. Ce sont de tels écarts entre les discours et les actes qui poussent nos concitoyens vers les extrêmes.

L’accessibilité au logement social et son équitable répartition sur le territoire d’une agglomération sont une question qui détermine toutes les autres, qu’il s’agisse de la sécurité, de l’économie souterraine, de l’éducation ou de l’accès à l’emploi. Le taux de 20 % prévu par l’article 55 de la loi SRU est certes une obligation morale, mais il ne réglera pas la crise à lui tout seul ; sans doute faudrait-il le porter à 25 %.

Par ailleurs, les maires qui jouent le jeu d’une densification urbaine raisonnée sont peu aidés.

Enfin, l’adresse devrait être légalement reconnue comme un facteur de discrimination : ce point pourrait faire consensus au sein de notre assemblée.

M. Henri Jibrayel. Il existe une véritable fracture sociale entre le Nord et le Sud de Marseille, et l’on s’est demandé, lors des événements de 2005, pourquoi certains quartiers ne s’étaient pas enflammés. Des sociologues mettent en avant l’effet apaisant de l’environnement marin ; mais il faut plutôt saluer l’engagement du tissu associatif. Or les budgets sont en baisse et l’on s’inquiète pour les projets. De la prolifération des banques alimentaires au manque d’équipements sportifs, en passant par la situation dégradée de l’habitat social, les problèmes sont considérables. Certaines cités comptent jusqu’à 8 000 habitants ; on y vit comme au Moyen Âge. La situation est si précaire que j’ai parfois honte d’aller rencontrer les habitants.

Dans ce contexte, je m’inquiète de voir les associations ainsi abandonnées. Au Brésil, dans les années 1970, on a laissé tomber le Nordeste au profit des villes de bord de mer, jusqu’au jour où les Nordestins les ont envahies. Si de tels événements se produisent chez nous, nous en serons responsables. M. Piron parlait d’abondance ; mais la vérité est que la situation devient catastrophique.

M. Michel Piron. Je n’ai jamais dit cela, c’est une caricature !

M. Henri Jibrayel. Le milliard que vous avez évoqué est une goutte d’eau ! François Brottes parlait d’un gymnase pour 15 000 habitants, mais c’est plutôt pour 40 000… Comme nous le rappellent toujours les présidents de centres sociaux lors des assemblées générales, le taux de chômage des 18-25 ans avoisine les 55 % !

À cet égard, les espoirs suscités par Mme Fadela Amara ont été déçus. Notre milieu associatif est l’un des plus anciens d’Europe et il dispose d’un savoir-faire remarquable ; mais si l’on continue de lui couper les vivres, la situation deviendra chaotique. Cela permettrait au moins une alternance politique ; reste que, sur ce problème, monsieur le ministre, vous avez une part de responsabilité.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Je remercie chacun d’entre vous pour sa contribution, et je m’efforcerai d’y répondre avec vérité et clarté.

Les comités interministériels de la ville ont souvent été de longs catalogues de bonnes intentions ; auquel cas les désillusions qu’évoquait M. Jibrayel sont inévitables. C’est pourquoi, en dépit de risques que j’assume, j’ai fait un autre choix avec celui du 18 février. Je m’en entretiendrai bien sûr le moment venu, monsieur Le Bouillonnec, avec les élus du Conseil national des villes, que j’ai d’ailleurs déjà reçus.

Mon souci constant, pendant les trois mois de préparation du CIV – je ne cherche pas les acclamations, mais reconnaissez que le délai était très court –, a été que toute décision soit strictement budgétée, et pour ce faire soumise à des arbitrages interministériels ; je tiens d’ailleurs le relevé de ces décisions à la disposition de votre commission. Sous tous les gouvernements, les annonces sont trop souvent restées sans effets : chacun d’entre nous le sait bien, et Claude Bartolone n’a pas tort, à cet égard, de parler d’un club « transpartisan » en matière de politique de la ville. Pour le dire diplomatiquement, celle-ci devait être relancée : c’est désormais chose faite et le CIV du 18 février se traduira par des mesures concrètes.

Comme l’a justement observé le Premier ministre, le CIV, plutôt que de se réunir une seule fois par an, pourrait très bien devenir un comité de pilotage interministériel, qui assurerait le suivi des mesures et corrigerait le tir au besoin. Je vous dirai sans langue de bois – ou de Blois – (Sourires) que j’ai eu beaucoup de mal à mettre en place les réunions interministérielles ; sans doute faut-il revoir le système, et ne pas attendre de chaque CIV qu’il soit le nouveau sirop Typhon.

En matière de politique de la ville, tous les programmes électoraux, depuis vingt ans, promettent un « plan Marshall » – or, ces « plans Marshaux », personne ne les a vus…

MM. Le Bouillonnec, Dionis du Séjour et Goldberg ont raison : on ne saurait envisager le PNRU 2 sans avoir financé le PNRU 1. Quant à la captation provisoire d’une partie de la taxe dévolue au Grand Paris – 95 millions d’euros – au profit de la bosse de l’ANRU, c’est-à-dire l’amendement Marini voté au Sénat, je ne m’en suis pas réjoui. Je remercie le rapporteur général du budget à l’Assemblée, Gilles Carrez, d’avoir corrigé, avec le concours de l’opposition, les fâcheux effets de cette mesure. Quoi qu’il en soit, tous les financements nécessaires au projet de rénovation urbaine seront assurés, comme s’y est engagé le Premier ministre : nous en reparlerons lors de la discussion du prochain projet de loi de finances.

Un PNRU 2 sera donc nécessaire, ne serait-ce que pour assurer la continuité des programmes dont vous pouvez constater la réussite ; aussi M. Fillon m’a-t-il demandé, lors du CIV, de lui faire des propositions, auxquelles vous pourrez bien sûr vous associer, d’ici à la fin de l’année. Il faudra d’abord achever de financer le PNRU 1, qui se monte au total à 43 milliards d’euros, dont 12 en provenance de l’ANRU. Rendons hommage, sur ce point, au génie visionnaire de Jean-Louis Borloo, qui a su, à une période difficile pour nos finances publiques, trouver des financements croisés par le biais de partenariats. La convention triennale conclue entre l’État et Action logement pour financer l’ANRU arrivant à son terme à la fin de 2011, nous ouvrons la négociation pour la période 2012-2014.

Le CIV a également permis la mise en place d’un nouvel outil de sortie des programmes de rénovation urbaine, lesquels pourront faire l’objet de financements par la dotation de financement urbain.

La géographie prioritaire, sur laquelle m’ont interrogé MM. Piron, Pupponi, Dionis du Séjour, Le Bouillonnec, Nicolas et Goldberg, est l’une des premières questions auxquelles j’ai travaillé dès mon entrée en fonction. Ma conviction est que l’on n’expérimente pas suffisamment. L’idée de budgets consolidés en matière d’éducation, monsieur Goldberg, me semble à cet égard intéressante : il faut l’expérimenter dans les futurs contrats urbains de cohésion sociale.

Au moment où prend fin le PNRU 1 et où se profile la future génération des CUCS, nous devons réfléchir aux moyens de mieux harmoniser l’urbain et l’humain, les actions de l’ANRU et celles de l’Acsé, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, où je me rendrai demain. Lors de son déplacement à Gonesse avec Fadela Amara, le Premier ministre avait annoncé l’expérimentation d’une trentaine de CUCS au sein des départements dotés d’un préfet délégué pour l’égalité des chances ; pour tout vous dire, cette idée ne m’avait guère enthousiasmé. Avec Gérard Hamel, j’ai donc fait en sorte de réorienter l’expérimentation vers des « quartiers ANRU », afin, précisément, d’assurer une meilleure conjugaison avec la cohésion sociale, car c’est à cette condition que l’on pourra orienter au mieux les futurs CUCS.

Pour le dire clairement et sans détour, j’ai décidé de stopper la modification de la géographie prioritaire, pour donner la priorité à l’expérimentation.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre de la ville. La liste de trente CUCS que j’ai arrêtée à l’occasion du CIV est la plus représentative possible ; comme l’ont souligné MM. Fasquelle, Dionis du Séjour et Villaumé, nous devons aussi être attentifs à la situation des villes moyennes. C’est en mobilisant tous les moyens que nous pourrons juger des résultats et, sur cette base, redéfinir la géographie prioritaire ; j’ajoute que la prolongation des CUCS jusqu’en 2014 nous laisse le temps de conduire une telle expérimentation sans compromettre les projets en cours.

M. Le Bouillonnec a raison, et il faut appeler un chat un chat : les crédits sont en baisse. Je m’en réjouis d’autant moins que, dans les territoires, cette baisse peut atteindre plus de 25 %, soit bien davantage, soyons francs, que celle de 10 % induite par la fin du plan de relance. Je suis bien obligé de m’accommoder du budget voté au Parlement, même si j’assume pleinement la contribution de la politique de la ville à l’effort de réduction des déficits publics. Il est cependant inadmissible que les crédits votés par l’Acsé le 20 décembre dernier n’aient pas encore été distribués aux associations dans les quartiers. Sur ma demande, le ministre du budget a accepté de déléguer ces crédits aux préfets départementaux dès le mois de janvier : cette décision, qui vous permet d’ailleurs de constater les baisses effectives, est une première en France depuis vingt ans – même si elle ne fera jamais, bien sûr, les gros titres des journaux. J’ai également demandé aux préfets d’en finir avec l’usine à gaz des avenants et des renégociations ; si ces instructions ne sont pas suivies sur le terrain, je vous invite à me le dire. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai proposé au Premier ministre de prolonger les CUCS, ce qui n’empêche évidemment pas un élu local de renégocier un contrat s’il le souhaite. Les comités de programmation doivent désormais se réunir et les crédits de l’Acsé être distribués avant la fin du mois : je n’accepterai pas qu’ils servent à payer les agios bancaires liés aux subventions de l’année précédente. Si je gagne ce combat majeur pendant les quatorze mois de mon mandat ministériel, j’estimerai avoir fait œuvre utile, car la mécanique sera enclenchée.

Je ne comprends pas les propos de M. Paul sur les zones franches urbaines. Lors de leur création – j’étais alors commissaire du Gouvernement et conseiller d’Éric Raoult –, on leur reprochait déjà de créer des effets d’aubaine ; mais ne faut-il pas, justement, se réjouir que des médecins libéraux s’y installent ? La revalorisation de ces zones qui, pour certaines d’entre elles, deviennent des déserts médicaux – ainsi que l’ont souligné le directeur de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, Claude Evin, et le président régional de l’Ordre des médecins lors d’une réunion consacrée au Grand Paris – fait aussi partie de la politique de la ville, dussions-nous à cette fin utiliser des incitations fiscales.

D’une façon plus générale, j’attends les conclusions du groupe de travail dirigé par Éric Raoult. Cela dit, M. Pupponi a raison – et je m’en suis également entretenu avec le directeur de Pôle emploi –, il faut peut-être assouplir le zonage, d’autant que la règle européenne selon laquelle la population des zones franches urbaines ne doit pas dépasser 1 % de la population française ne s’impose peut-être plus ; auquel cas les emplois francs pourraient constituer une piste.

Je salue le travail de Bernard Gérard à la tête de l’EPARECA, formidable outil qu’il faut préserver et consolider, et dont les difficultés financières ne sont au demeurant pas insurmontables – lors du CIV du 18 février, des opérations ont d’ailleurs été ouvertes au titre de la dotation de développement urbain, la DDU.

M. Piron a raison de parler de « responsable territorial », lequel peut être aussi bien le maire que, par exemple, le président de la communauté d’agglomération. L’obligation relative aux 20 % de logements sociaux n’est pas seulement morale, monsieur Pupponi, mais légale ; aussi bien, comme parlementaire, j’ai toujours voté les dispositions tendant à la faire respecter, y compris lorsque j’étais dans l’opposition. Cependant, force est de constater que le foncier disponible n’est pas toujours suffisant. Ainsi, le projet de rénovation urbaine de la ville de Blois ne peut être pleinement mis en œuvre qu’à l’échelle de la région blésoise.

M. Jean Dionis du Séjour. Concrètement, qui décide ?

M. le ministre de la ville. Celui qui contractualise : le maire ou, le cas échéant, le président de la communauté d’agglomération.

Je partage les remarques de M. Brottes. Lors du CIV du 18 février, il a été décidé de poursuivre les efforts en faveur des équipements sportifs dans les quartiers, avec l’objectif d’y affecter, dès 2011, 15 % des crédits du Centre national pour le développement du sport (CNDS). Un atlas national de ces équipements sera par ailleurs établi. Si je suis prêt, monsieur Jibrayel, à examiner la situation de Marseille, je relève que le département de la Seine-Saint-Denis est sinistré : un plan spécifique de rattrapage, sous la tutelle de Mme Jouanno, a donc été décidé lors du CIV.

Notre pays, monsieur Fasquelle, est en effet la première destination touristique du monde : l’attrait de Paris profite à l’ensemble des territoires.

S’agissant de la territorialisation, des instructions très claires ont été données, non seulement à Pôle emploi mais aussi aux autorités préfectorales, que vous pouvez donc solliciter, pour que les quelque 15 000 contrats – plus ceux dont a parlé Xavier Bertrand – soient mis en œuvre dans les quartiers les plus en difficulté : le taux de chômage y étant deux fois plus élevé que la moyenne nationale et les effets du retour de la croissance s’y faisant toujours sentir plus tardivement, les emplois aidés y sont indispensables ; l’un des grands acquis du dernier CIV, à cet égard, est d’avoir obtenu de Xavier Bertrand que ces emplois s’inscrivent dans un cadre de géographie prioritaire.

Quant à la carte scolaire, madame Crozon, elle n’est pas supprimée mais assouplie : c’est toute la question des dérogations.

Mme Pascale Crozon. Elle est tellement assouplie que certains chefs d’établissement prennent les meilleurs élèves, si bien que les quartiers restent avec ceux qui sont le plus en difficulté.

M. le ministre de la ville. C’est hélas une question récurrente, à laquelle M. Chatel et les inspecteurs d’académie restent vigilants ; mais elle dépasse le problème de la carte scolaire.

Pour ce qui concerne enfin les internats d’excellence, l’objectif fixé par le Président de la République était de 20 000 places. Comme je l’ai dit ouvertement aux recteurs, quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. En l’occurrence, on bâtit ici ou là des internats au coût exorbitant qui satisfont à de multiples normes. Je veux m’atteler à ce dossier afin de revenir au sens du projet initial lancé par Fadela Amara, car il a permis de belles réalisations.

M. le président Serge Poignant. Merci, monsieur le ministre.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 9 mars 2011 à 16 h 15

Présents. - M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. Daniel Fasquelle, M. Bernard Gérard, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. François Pupponi, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Jean-Michel Couve, M. William Dumas, Mme Geneviève Fioraso, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, Mme Conchita Lacuey, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, M. Philippe Armand Martin, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. Michel Raison, M. Francis Saint-Léger

Assistaient également à la réunion. - Mme Pascale Crozon, M. Daniel Goldberg