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Commission des affaires économiques

Mardi 14 juin 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 77

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Pérol, président du directoire du groupe BPCE, M. Baudouin Prot, administrateur directeur général de BNP Paribas, M. Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société générale, M. Michel Lucas, président du Crédit mutuel et M. Jean-Paul Chifflet, directeur général du Crédit agricole, sur le financement des entreprises.

La commission a auditionné M. François Pérol, président du directoire du groupe BPCE, M. Baudouin Prot, administrateur directeur général de BNP Paribas, M. Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société générale, M. Michel Lucas, président du Crédit mutuel et M. Jean-Paul Chifflet, directeur général du Crédit agricole, sur le financement des entreprises.

M. le président Serge Poignant. Notre commission a pris l’habitude de réunir au moins une fois par an les représentants du secteur bancaire pour faire le point sur les effets et sur les conséquences de la crise économique et financière consécutive à la faillite de Lehman Brothers et au dérèglement du système des subprimes.

Nous avons ainsi suivi l’application du plan pour le financement de l’économie, qui a permis de faciliter l’accès des banques aux liquidités dans un contexte de contraction des marchés et de renforcer leurs fonds propres afin de pouvoir continuer à prêter aux entreprises.

Alors que la situation économique s’améliore et que les entreprises ont toujours besoin d’emprunter pour réaliser les investissements nécessaires à leur croissance, notre commission a souhaité examiner la problématique de leur accès au crédit, particulièrement pour les très petites entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Nous avons déjà entendu à ce titre le premier sous-gouverneur de la Banque de France, M. Jean-Paul Redouin, la directrice générale de la Fédération bancaire française, Mme Ariane Obolensky et le président-directeur général d’Oséo, M. François Drouin.

Nous recevons aujourd’hui les dirigeants des cinq plus grandes banques françaises afin d’approfondir encore le sujet.

Je souhaite que notre débat permette de clarifier certains enjeux fondamentaux pour l’activité économique et la compétitivité de nos entreprises. Il en va ainsi du décalage entre les conclusions, plutôt positives et diversifiées, de l’observatoire pour le financement des entreprises qui, dans son premier rapport, considère que les encours de crédit aux TPE et aux PME indépendantes n’ont jamais reculé pendant la crise, et les difficultés rencontrées par les entreprises sur les territoires, qu’illustre le recours à la médiation du crédit, certes en diminution mais néanmoins persistant.

La question du renforcement des règles prudentielles issues des accords dits de Bâle III a très légitimement mobilisé la communauté bancaire et a permis de réduire le niveau d’exigence de certains ratios, jugés excessifs et donc néfastes à l’activité économique. La complexité du sujet, qui mêle ratios de solvabilité, ratios de liquidité, qualité des fonds propres, délais de mise en œuvre et sort particulier réservé aux banques dites «systémiques », les SIFIs – systematically important financial institutions –, rend difficile une appréciation définitive de cette importante réforme.

Il est donc logique que les personnalités précédemment entendues aient émis des avis divers sur les conséquences de sa mise en œuvre pour les banques françaises. Le projet de nouvelle directive qui traduira ces préconisations fait l’objet d’estimations contrastées, notamment sur le montant des fonds propres des banques, sur la situation de celles qui détiennent des filiales dans le secteur des assurances, enfin sur les éventuels renchérissement et contraction de l’offre de crédit. Nous avons interrogé de la même façon les précédents intervenants. Quels éclairages pouvez-vous nous apporter ?

M. François Pérol, président du directoire du groupe BPCE. Avant de parler du groupe BPCE et de ses interventions en faveur des TPE et des PME, je voudrais revenir sur quelques uns des éléments les plus importants relatifs au financement de l’économie « post crise financière ». Trois me semblent essentiels.

À la différence de ce qui s’est produit dans d’autres pays, notamment européens, les banques françaises ont continué de financer l’économie, même au plus fort de la crise financière. En 2009, alors que le produit intérieur brut a diminué de 2,6 %, les crédits à l’économie ont progressé de 1,8 %. Pour 2010, les chiffres correspondants sont de 1,6 % et de 4 %. Les crédits aux TPE et aux PME sont restés soutenus, ceux accordés à ces dernières s’étant accrus de 5,7 %.

Ce phénomène résulte principalement de trois facteurs.

Le premier tient à la mobilisation des 400 000 agents des banques françaises, qui, au service de leurs clients, ont travaillé quotidiennement au financement de l’économie, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers.

Le deuxième facteur réside dans la force intrinsèque du modèle propre aux banques françaises. Banques à la fois diversifiées et universelles, elles pratiquent une bonne répartition des risques et ont fourni la preuve de leur solidité durant la crise. Le mode de prise de risque a évité l’utilisation des subprimes, en effet les banques françaises prêtent toujours en fonction du revenu de l’emprunteur. Il faut enfin mentionner la qualité de leur supervision. C’est pourquoi, notre modèle a le mieux résisté durant la crise.

Le troisième facteur résulte des mesures prises par l’État dans le cadre du plan de soutien au financement de l’économie.

Premier volet de celui-ci, les apports en fonds propres et en garanties ont permis de faire face à une crise de liquidité sans précédent et de redonner confiance au système. Toutes les banques ont accepté le mécanisme, quand bien même leur situation intrinsèque ne le justifiait pas, afin de montrer leur confiance dans l’engagement des pouvoirs publics. Les fonds ainsi apportés, pour un peu plus de 20 milliards d’euros, ont été intégralement remboursés, avec un montant d’intérêts de 2,4 milliards d’euros. Ces données proviennent, non de la fédération bancaire française, mais d’Eurostat, l’organisme européen de statistiques. Elles montrent que le plan français de soutien est celui qui, en Europe, s’est le mieux exécuté, aussi bien pour le financement de l’économie que du point de vue des finances publiques.

Deuxième volet, le recours à la médiation du crédit s’est avéré nécessaire au plus fort de la crise. Nous nous félicitons aujourd’hui de constater que le nombre de dossiers diminue considérablement, il s’agit d’un signe positif pour l’économie française. Les banques françaises ont également accueilli favorablement le prolongement du système jusqu’à la fin de 2012, tout en espérant bien sûr que l’on aura de moins en moins besoin de tels « adjuvants ».

En face des nouvelles normes fixées dans le cadre de Bâle III, nos établissements réagissent avec bon sens. En premier lieu, ils reconnaissent le caractère éminemment souhaitable d’une meilleure capitalisation bancaire et d’une surveillance améliorée de leur liquidité. L’orientation générale retenue nous convient donc. Nous ne sommes pas hostiles aux réformes visant à renforcer la solidité du système financier. Mais nous devons nous garder de certaines mesures trop exigeantes. Ainsi, la période de transition accordée aux banques pour s’adapter aux nouvelles normes ne doit pas être trop courte. Elle pourrait, en effet, aboutir à ce paradoxe que les systèmes bancaires les plus performants pendant la crise se trouvent désormais pénalisés. En France, et dans une grande partie de l’Europe, les banques assurent 70 à 75 % des prêts à l’économie. Il ne faudrait pas qu’elles soient contraintes de réduire cette activité dans le seul but de se conformer aux nouvelles règles.

Nous appelons donc l’attention du régulateur de Bâle sur le danger que présenterait la fixation, sans discernement, de ratios minima de capital et de liquidité trop élevés. Certes, les banques françaises sauraient s’y adapter. Mais cela ne doit pas se faire au prix d’une diminution de l’activité de distribution de crédits. Or, tels que retenus à ce jour, les ratios présentent ce risque, surtout si d’autres mesures contraignantes leur sont ajoutées.

Il est enfin essentiel que les nouvelles règles de Bâle III soient appliquées le plus largement possible, sans exception, de façon à ce que le jeu de la concurrence s’établisse de façon sereine, loyale et équitable entre tous les acteurs. Aucun système bancaire ne devrait s’en trouver exempté.

Les principales marques du groupe BPCE, à savoir les Banques populaires, les Caisses d’épargne, le Crédit foncier et Natixis, globalement très impliquées dans le financement des TPE et des PME, continueront de l’être. Nos encours d’engagements, inscrits dans nos bilans comme hors bilan, ont progressé de plus de 7 % en 2010 pour cette catégorie de clients. Notre part de marché s’établit un peu au-dessus de 20 %. Nos interventions touchent plus spécialement les petites structures, avec de nombreux prêts à la création d’entreprises. Grâce notamment aux Banques populaires, nous sommes le premier partenaire d’Oséo. Nous entendons conserver cette orientation prioritaire.

M. le président Serge Poignant. La stricte mise en œuvre des nouvelles prescriptions de Bâle III semble devoir poser des problèmes au financement de l’économie. Vos collègues partagent-ils ce point de vue ?

M. Baudouin Prot, administrateur-directeur général de BNP Paribas. Je voudrais illustrer par deux exemples les initiatives prises par BNP Paribas et qui traduisent sa mobilisation en faveur du financement des TPE et des PME.

Au début de 2010, nous avons créé les « maisons des entrepreneurs », qui rassemblent les équipes responsables du suivi commercial des TPE et des PME et celles qui gèrent leur patrimoine. Il en existe aujourd’hui 37 et nous en compterons une soixantaine à la fin de l’année, couvrant la plupart des villes importantes. Les enquêtes de satisfaction réalisées auprès de la clientèle visée, portant sur la proximité et la compétence du service proposé, expriment des réactions positives.

Nous avons, également au début de 2010, mis en place un nouveau système d’octroi des petits crédits, jusqu’à 25 000 euros, pour des durées de deux à cinq ans, à taux fixe et sans garantie, proposé en ligne et viré sur le compte de l’emprunteur dans un délai de huit jours. Nos clients en semblent très satisfaits. Depuis le début de l’année, environ un millier de crédits ont ainsi été accordés à des TPE et à des PME, pour une moyenne un peu supérieure à 10 000 euros, les plus bas s’élevant à 3 ou 4 000 euros.

L’évolution de nos prêts aux TPE et aux PME est toujours restée positive. Les derniers chiffres connus affichent une progression de 3,5 % en février 2011, et de 3,1 % en mars. En septembre 2009, nous avions arrêté un objectif de financement de 40 000 projets pour cinq milliards d’euros, durant 15 mois, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 2010. Dans les faits, nous en avons financé 48 000 pour six milliards d’euros. Voilà qui illustre bien l’implication de BNP Paribas auprès des TPE et des PME.

Mais, comme François Pérol, qui a aussi parlé en sa qualité de président de la fédération bancaire française (FBF), nous sommes préoccupés par les conséquences que pourraient avoir les normes fixées par Bâle III, concernant la solvabilité, la liquidité, les nouvelles définitions, le calendrier de mise en œuvre et les SIFIs. Sur l’ensemble de ces sujets, des mesures d’apparence raisonnable afin de rendre le système financier plus sûr sont intervenues au cas par cas. Toutefois, leur incidence globale sur l’industrie bancaire sera très importante.

Les banques françaises forment un système relativement concentré en termes de parts de marché. Alors que l’on compte 800 banques en Italie, plusieurs milliers aux États-Unis, plusieurs centaines en Allemagne, en France, les cinq premiers groupes réalisent 80 % du financement bancaire de l’économie. C’est pourquoi, des mesures pénalisant les établissements en fonction de leur taille ou de leur dynamisme en matière de crédits affecteraient plus spécialement nos banques, alors même qu’elles ont solidement traversé la crise financière.

Nous aurions préféré un mécanisme privilégiant la qualité de la supervision, notamment par les enquêtés que diligente l’autorité de contrôle prudentielle et le dialogue qu’elle pratique avec les établissements, plutôt que la fixation de ratios très élevés. Rappelons-nous que les plus grands sinistres se sont produits par défaut de supervision, que ce soit en Suisse, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

La France est le pays au monde où les encours de crédits ont le mieux progressé pendant la crise. Or, si au nom de la sécurité, on exige de la part des banques des montants de fonds propres plus élevés et des contraintes de liquidité plus fortes, la matière première du crédit se raréfiera, son coût s’élèvera et son volume se restreindra.

Les profits bancaires ont retrouvé, après la crise, des niveaux de rendement sur fonds propres de l’ordre de 12 % après impôt, comparables à ceux des entreprises du CAC 40. Nous en aurons un grand besoin au cours des prochaines années afin de constituer nos fonds propres. Ceux-ci sont les crédits de demain et proviennent de la mise en réserve de nos résultats. La politique de BNP Paribas consiste à limiter la distribution de ses dividendes au tiers de ses résultats, alors que la moyenne des entreprises du CAC 40 en distribue plutôt près de la moitié. Nous devons donc rester profitables au niveau indiqué, faute de quoi nous ne pourrions accumuler les fonds propres nécessaires à la poursuite du financement de l’économie.

M. Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société générale. Si l’on met de côté les éléments conjoncturels qui pourraient influer sur la confiance des acteurs financiers dans l’évolution de la zone euro, la question de l’évolution réglementaire est majeure. Nous sommes encore dans une période d’incertitude : un certain nombre de décisions, encore à prendre ou à valider, peuvent avoir un impact très significatif sur les conditions de financement de l’économie.

Il existe deux ressources pour accorder des prêts bancaires, le capital et la liquidité. Les deux vont de pair, on ne peut agir sans l’un ou sans l’autre. Le capital représente, en quelque sorte, la sécurité des déposants en cas d’accident très grave. Les réformes actuelles visent à l’augmenter considérablement pour un même montant de crédit. La liquidité, c’est « l’essence », le cash, nécessaire pour octroyer un prêt. Nous ne pouvons créer de l’argent. Il nous faut le collecter à travers les dépôts des particuliers et des entreprises ainsi que par des émissions sur les marchés. Des règles très nouvelles sont aujourd’hui proposées. Leur calibrage déterminera largement, dans le futur, ce que nous pourrons faire en matière de prêts.

Personne ne conteste le besoin de renforcer le système. Mais les questions du calibrage des mesures et de leur délai de mise en œuvre sont fondamentales, sachant que les marchés tendent toujours à raccourcir les délais proposés par les régulateurs. Il faut donc que nous travaillions à obtenir un calibrage raisonnable, permettant non seulement d’éviter de revivre les situations que nous avons connues lors de la crise mais aussi de continuer à financer l’économie.

La Société générale comprend deux réseaux, le sien propre et celui du Crédit du nord, qui comprend à la fois la marque nationale et une série de banques régionales. Nous sommes aussi impliqués dans le financement des grandes entreprises à travers une importante banque d’investissements.

La clientèle de la Société générale est, traditionnellement, plutôt celle des grandes entreprises que celle des PME. Notre choix d’organisation est différent de celui de certaines banques représentées ici. Nous ne cherchons pas à concentrer nos conseillers de clientèles dans des lieux spécialisés, nous les conservons dans nos agences au plus près du terrain.

Nos crédits aux TPE et aux PME se sont accrus de 7,4 % à fin mars 2011 par rapport à l’année dernière. Nous avions pris, en 2010, l’engagement d’une enveloppe de crédits nouveaux de 12, 9 milliards. Elle a atteint 13,2 milliards. On relève, au début de 2011, les signes d’une certaine reprise de l’investissement, nous verrons s’ils se confirment. Un investissement un peu plus dynamique pourrait servir de moteur à la croissance française. Nous observons aussi des variations d’un secteur à l’autre. Les PME exportatrices, bénéficiant de l’expansion des pays émergents, offrent des perspectives de croissance plus élevées que celles tournées vers le marché domestique.

Notre clientèle d’entreprises petites et moyennes met en avant, parmi les paramètres sensibles de l’activité bancaire, la question de la rotation des conseillers. Nous avons donc décidé d’allonger leur durée moyenne dans un même poste, afin de passer d’un peu moins de trois ans à quatre ans, et d’accroître leur professionnalisation, ce qui améliore aussi leur parcours de carrière.

Nos clients insistent également sur l’importance des délais de décision relative aux crédits, quelle que soit la réponse. Nous avons donc mis en place un processus spécial pour les prêts inférieurs à 150 000 euros, comportant un délai de trois jours d’instruction et un décaissement en 24 heures. Ce système fonctionne bien.

M. Michel Lucas, président du Crédit mutuel. Le Crédit mutuel est une organisation relativement récente sur le marché français, même si son expansion a commencé en 1995. Nous avons ensuite racheté le Crédit industriel et commercial (CIC). Comme toujours, dans le cas d’installations récentes, les parts de marché sont fort différentes d’une région à l’autre.

Selon les ratios globaux, nos crédits aux TPE ont augmenté de 5,7 % en 2010. Mais la progression fut de 18, 7 % en Ariège, de 11 % en Loire-Atlantique, de 8,8 % dans les Côtes d’Armor, de 4,2 % dans l’Isère … Encore faudrait-il distinguer la part du Crédit mutuel de celle du CIC, leurs implantations étant très différentes. Le financement des TPE s’effectue sur le terrain et non depuis Paris. Or nous disposons de nombreuses agences dans certaines zones, de très peu dans d’autres.

Je partage l’analyse de mes collègues quant aux problèmes que nous rencontrons vis-à-vis de l’évolution réglementaire. Toutefois, nos fonds propres ne se présentent pas de la même façon, puisque nous ne distribuons pas de dividendes. Nos réserves étant ainsi indivisibles, nous ne sommes pas gênés par les nouvelles contraintes. En revanche, nous nous heurtons aussi à la question de la liquidité puisque nous ne pouvons distribuer de crédits qu’à partir de nos ressources. Or la Caisse des dépôts et consignations prend 16 % des crédits des régions et les ramène à Paris, nous privant ainsi d’une ressource à réinvestir localement. Pendant longtemps nous y avons cependant eu accès par le moyen du livret bleu. Nous ne remontions alors que 50 % des encours à la Caisse des dépôts, le reste étant prêté dans les régions mais à partir de consignes gouvernementales.

L’avenir du financement d’une PME-PMI se joue au plan local. Un hiatus important peut se creuser entre l’innovation, considérée au plan global, et la réalité économique de terrain. Le précédent de l’explosion de la bulle internet devrait nous conduire à y réfléchir.

La médiation du crédit a connu deux phases. Au cours de la première, immédiatement après 2008, il fallait, coûte que coûte, trouver des réponses à la crise. On publiait alors des communiqués de victoire pour signaler le nombre d’emplois sauvés ici et là. Mais bien des dossiers qui nous parvenaient n’étaient guère solides et les arguments en leur faveur, souvent fondés sur la méthode Coué, contredisaient nos bonnes règles de gestion. Puis, du fait des adaptations opérées, la médiation a pris une toute autre allure ; elle est ainsi devenue beaucoup plus sérieuse, et donc plus saine, qu’au départ.

Il faut bien comprendre que la personne travaillant dans une agence, à qui on indique la nécessité de financer tel ou tel projet pour telle ou telle raison, mais qui considère l’opération comme déraisonnable, finit par faire remonter les dossiers à sa hiérarchie. Dès lors, les directeurs d’agence, refusant de s’engager en fonction de décisions politiques plutôt qu’économiques, transmettent tout au siège central. Nous avions, en France, déjà connu de telles situations dans le passé mais il revenait au juge, il y a encore une quinzaine d’années, de décider si la caution était ou non valable. Il a fallu modifier le système car plus personne dans les agences ne voulait accorder de prêt.

Le financement des entreprises s’effectuant sur une certaine durée, il faut éviter de réduire la responsabilité des dirigeants d’agence par des interventions à très court terme et en dehors de la logique économique.

S’agissant des nouveaux ratios, on parle beaucoup de Bâle III et trop peu de l’Europe. Or une nouvelle directive sur les fonds propres des banques, la CRD IV, se profile à l’horizon, alors que les situations sont très différentes selon les pays européens. Ainsi, dans le Bade-Wurtemberg, où le taux de chômage n’est que de 2 ou 3 %, il est très difficile d’ouvrir une agence faute de personnel disponible quand, en Alsace, berceau du Crédit mutuel, un taux de chômage bien plus élevé pose les problèmes que l’on connaît. Il faut donc à la fois tenir compte de notre économie nationale, de celle de l’espace européen et, enfin, du niveau international où se fixent les ratios dont nous avons parlé.

Le Crédit mutuel, plus particulièrement orienté vers le marché français, se trouve donc davantage tributaire de l’économie nationale que d’autres établissements bancaires qui travaillent davantage avec l’étranger. Je ne connais pas deux banques identiques en France. Il faut s’en souvenir quand on parle de réglementation commune.

M. Jean-Paul Chifflet, directeur général du Crédit agricole. Mes confrères ont bien planté le décor, que je vais compléter en évoquant la situation du Crédit agricole, ses actions, ses analyses et ses préoccupations pour l’avenir.

En 2010, la demande de crédits des entreprises est restée mesurée, mais avec une reprise au cours de la deuxième moitié de l’année, confirmée depuis le début de 2011. Cette modération, qui tient davantage à l’économie qu’à l’octroi du crédit, a plusieurs causes.

Ainsi, les entreprises ont stabilisé leurs stocks après les avoir réduits en 2009. Elles n’ont commencé que modérément à réinvestir. Elles ont volontairement limité leurs projets compte tenu du manque de visibilité sur les perspectives économiques.

Par ailleurs, elles ont préservé leur trésorerie, réalisé des gains de productivité et conservé leurs résultats. Leur besoin de financement est donc resté modéré, avec un niveau d’autofinancement élevé, à hauteur de 86 %.

Les grandes entreprises ont continué de recourir au marché financier en émettant des titres de créances négociables et des obligations.

Pour les premiers mois de 2011, les crédits mobilisés progressent de 4,4 %.

Le groupe Crédit Agricole, composé de LCL – ancien Crédit lyonnais – et des caisses régionales du Crédit agricole, très proches des régions, participe de façon essentielle au financement de l’économie. Nous sommes la première banque des entreprises, avec 25 % des encours des banques françaises. Nous avons, fin mars, dépassé les 200 milliards d’euros de concours aux entreprises, dont 13 % à court terme et 87 % à moyen et long terme. Soixante-deux milliards de prêts ont été accordés à des TPE de moins de dix salariés, soit 30 % de nos encours. Ces entreprises, souvent mentionnées comme les plus fragiles, ne le sont pas forcément. Nous constatons les mêmes tendances d’évolution pour les TPE que pour les autres entreprises, ce qui permet de dire qu’elles n’éprouvent pas plus de difficultés que les autres à se financer par le crédit.

Les crédits douteux et litigieux (CDL), qui traduisent des incidents de paiement ou des difficultés de remboursement, représentent aujourd’hui entre 3,4 et 3,6 % de nos encours. Ce taux n’était que de 2,5 % il y a quelque temps. Sur l’ensemble des marchés, le taux moyen se situe à environ 2 %.

Nous accompagnons aussi les agriculteurs, pour un encours de crédits de 41 milliards d’euros, soit 71 % du marché. Beaucoup d’exploitations agricoles sont assimilables à des TPE.

Au total, nous finançons donc l’économie à hauteur de 240 milliards d’euros, sans compter les prêts aux collectivités locales.

Nous n’avons pas modifié nos comportements depuis de nombreux mois pour ce qui concerne l’attribution de crédits, qu’il s’agisse de la taille des opérations ou de celle des entreprises. Nous n’avons pas davantage modifié nos exigences en matière de garantie depuis octobre 2008.

La médiation du crédit a joué son rôle au plus fort de la crise. Dès la survenance de celle-ci, nous avons mis en place des opérations permettant d’y faire face, avec un taux de succès élevé. Nous avons travaillé à la reconduction du système jusqu’à fin 2012. Toutefois, nous ne voyons presque plus de nouveaux dossiers depuis le début de l’année. Nous en enregistrons à peine un par mois sur tout le territoire, ce qui traduit le ralentissement des difficultés et des tensions entre le Crédit agricole et les entreprises. La relation avec nos clients constitue une préoccupation de tous les instants. Nous travaillons en permanence à améliorer l’accompagnement que nous leur offrons.

Nous voulons continuer à financer l’économie de notre pays et celle des pays environnants. À ce titre, nous éprouvons aussi quelques inquiétudes quant aux incidences de Bâle III. Quoi qu’il en soit, les banques finançant les trois quarts de l’économie nous considérons comme indispensable un bon niveau de fonds propres.

Nous avons la capacité de respecter le nouveau ratio de solvabilité, à condition que nous nous engagions dans la mise en réserve systématique de résultats afin d’accroître nos fonds propres. Les SIFIs vont également peser sur ceux-ci. Toutefois, les règles relatives à la liquidité seront redoutables pour le financement de l’économie.

Les banques ressemblent un peu à des sherpas : nous accompagnons la croissance économique, avec un sac à dos de plus en plus lourd et un apport en oxygène qui se raréfie, ce qui rend la montée de plus en plus difficile pour atteindre le sommet. Mais nous saurons faire face à notre nouvel environnement.

M. le président Serge Poignant. Beaucoup de questions ont déjà été abordées, notamment celles de Bâle III et de la médiation du crédit. Nous avons bien noté les différents positions de banques, sur des marchés ou des cibles différenciés, depuis les TPE jusqu’aux plus grandes entreprises.

Le sous-gouverneur de la Banque de France a, ainsi que la revue Stat Info l’a publié, relevé une reprise de l’octroi de crédits aux PME mais a estimé que la France restait encore frileuse par rapport au reste de la zone euro. Qu’en est-il précisément ?

M. François Pérol. Les chiffres de la banque centrale européenne (BCE), disponibles pour février 2011, montrent que l’encours des crédits d’une année sur l’autre, pour les sociétés non financières toutes tailles confondues, progresse de 1,7 % en France, tandis qu’elle diminue de 0,9 % en Allemagne et de 2,4 % en Espagne. Quant à l’évolution totale des crédits, concernant à la fois les sociétés non financières et les ménages, on note une progression de 4,4 % en France et de 5,5 % en Italie, une stagnation – zéro – en Allemagne et une diminution de 1,4 % en Espagne.

L’évolution est donc, en moyenne, plus favorable en France que dans le reste de la zone euro. Je ne sais pas à quels chiffres faisait donc allusion le sous-gouverneur de la Banque de France.

La dernière enquête de la BCE auprès des PME montre que l’accès de celles-ci au crédit en France est généralement plus facile que dans les autres pays de la zone euro. Ainsi, 72 % des PME ayant sollicité des prêts bancaires, ont reçu une réponse positive à la totalité de leurs besoins, contre 66 % dans l’ensemble de la zone euro. Le taux français se situe ainsi au deuxième rang parmi ceux des pays considérés.

On relève donc des chiffres plutôt plus favorables en France qu’ailleurs.

M. Michel Piron. J’ai entendu M. François Pérol parler du financement « post crise financière ». Cela signifie-t-il que celle-ci se situe désormais derrière nous ?

J’ai bien compris la distinction entre le financement macroéconomique et le financement microéconomique. Je souhaiterais toutefois en savoir davantage sur la différence de traitement entre les entreprises selon les garanties qu’elles présentent, compte tenu notamment de leur appartenance, ou non, à un groupe.

En ce qui concerne Bâle III, et après avoir entendu le sous-gouverneur de la Banque de France, j’aimerais obtenir des précisions sur la façon dont les risques sont affectés de coefficients. Quelle est votre appréciation ? J’ai cru comprendre que, dans les ratios de capital, une différence était opérée entre secteur public et secteur privé quant aux contreparties exigées selon les pays. Comment analysez-vous la différence d’approche entre dette publique et dette privée ? Qu’en est-il notamment du traitement des collectivités territoriales qui, elles non plus, n’obéissent pas aux mêmes règles de gouvernance dans toute l’Europe ?

J’ai quelque mal à séparer la question de la liquidité de celle de la volatilité, un des plus gros problèmes actuels à l’échelle mondiale. Que pensez-vous de l’idée de taxation des transactions financières ? Quelle serait, selon vous, la bonne échelle pour la rendre applicable, l’unanimité à l’échelle mondiale ne pouvant se faire sur cette question ?

Compte tenu de perspectives nationales, européennes et mondiales, plutôt floues, quelles mesures, selon vous, permettraient de donner un peu plus de lisibilité aux acteurs économiques ?

Vous avez mentionné le taux de 12 % de retour sur fonds propres. Correspond-t-il à un souhait ? Sur quelles contreparties réelles s’appuie-t-il ? Ou bien s’agit-il d’une sorte de « financièrement correct » ? Il est difficile de le rapprocher des gains de productivité constatés dans de nombreuses entreprises.

Pourriez-vous nous préciser quels sont les ratios demandés dans ces États continents émergents qu’on appelle les « Brics » – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud ? Pratiquent-ils d’autres approches que la nôtre ?

Comment situez-vous votre action par rapport aux fonds dits souverains et présupposés avoir des préoccupations de plus long terme ? Quels retours sur capitaux peuvent être exigés dans ce cadre ?

M. François Brottes. Nous serions, selon vous, dans une situation de gestion de sortie de crise. Mais on ne sort jamais indemne d’une crise, et nous en subissons aujourd’hui certains prolongements. C’est le cas à travers la précarité de l’emploi puisque les salariés à contrat à durée indéterminée et les fonctionnaires sont de moins en moins nombreux, et représentent aujourd’hui moins de 50 % de la population active au travail. C’est le cas également de la faiblesse des fonds propres de nos PME et du manque de visibilité des carnets de commandes qui résulte de l’état du marché. Il en résulte que, lorsqu’on demande un prêt à une banque, le dossier qu’on lui soumet se présente moins bien que par le passé.

Comment abordez-vous la question de la demande de soutien par crédit interposé, émanant des particuliers comme des entreprises ? Appliquez-vous des ratios ou bien prenez-vous votre décision d’acceptation ou de refus seulement en fonction de la qualité des personnes et des projets ? Il est particulièrement important de comprendre les ressorts de vos décisions d’octroi ou de refus de crédit dans cette période particulière.

Mis à part le cas des auto-entrepreneurs et de ceux disposant d’un patrimoine affecté, qui ne sont pas les agents économiques à qui vous prêtez le plus, quelles garanties demandez-vous, aux entreprises comme aux particuliers ?

Quelle place prend aujourd’hui le crédit revolving parmi vos activités ? Son encours s’accroît-il alors qui, de notre point de vue, n’est guère vertueux ?

Quelle est votre position à l’égard du micro-crédit ? Je souligne que le Crédit mutuel a participé, dans ma région, à ce type de financement, qui constitue souvent une alternative au crédit revolving, permettant en outre la mise en place d’un accompagnement social et de responsabiliser des personnes exclues du système bancaire traditionnel.

Quel regard portez-vous sur la Banque postale en tant que nouvel entrant sur le marché ?

Avez-vous changé de perception sur le fichier positif de l’endettement, destiné à mesurer les capacités d’emprunt des personnes ? Un groupe de travail a été mis en place sur ce thème au ministère des finances.

La banque en ligne vous paraît-elle un phénomène voué à prendre de l’envergure ou simplement un épiphénomène ?

M. Jean Dionis du Séjour. La France est co-championne du monde du taux d’épargne, ce qui représente une caractéristique culturelle très saine de notre pays. Sur 100 euros gagnés, 16 sont épargnés : il en résulte des montants de dépôts considérables. Que faites-vous de tout cet argent ?

Comment peut-on optimiser l’orientation de ces fonds en faveur des secteurs industriels ? Les avantages accordés à l’assurance-vie et à d’autres produits favoris des Français sont-ils encore excessifs ? Que pourriez-vous proposer pour mieux diriger l’épargne des ménages vers les activités les plus productives ? Des mesures sont déjà intervenues en ce sens, notamment au titre de l’ISF et de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA). D’autres sont-elles possibles ? On nous parle, en la matière, de l’exemple israélien.

Les crédits que vous accordez aux collectivités locales ne comportent pour vous presque aucun risque. Or, il n’existe qu’un très faible écart entre les conditions de ces prêts et celles des prêts que vous consentez aux ménages et aux entreprises. Pourquoi ?

M. François Pérol a indiqué que 72 % des PME ne connaissaient aucun problème de financement. Ce taux me paraît mal correspondre à ce que, en tant qu’élus, nous observons sur le terrain. Mais admettons-le … Les 28 % restants représentent-ils des entreprises qu’il ne faut pas financer en raison de leur fragilité ou de leurs difficultés, ou bien des entreprises pour lesquelles on n’a pas su trouver les garanties ou le modèle d’ingénierie financière qui leur serait adapté ?

M. Daniel Paul. Vous nous avez indiqué que les banques françaises n’avaient jamais cessé de contribuer au financement de l’économie, en particulier des PME. Comment alors expliquer la mise en place de la médiation du crédit ? Et comment expliquer que les groupes bancaires aient désiré son prolongement, même après 2012 ? Il est vrai que, selon les chiffres arrêtés fin avril 2011, le nombre des saisines et des dossiers éligibles a sensiblement diminué. Tant mieux. Toutefois, cela porte encore sur 20 à 25 % du volume constaté au plus fort de la crise. Cela signifie que des difficultés subsistent.

Selon la presse de ce matin, les banques détiendraient 40 % des capitaux des PME mais ne leur accorderaient que des crédits en proportion bien plus faibles. Pour chacun de vos établissements, quelles sont donc les parts du capital de PME possédées et quelles sont les parts de crédits distribués ?

Les dettes souveraines, pas seulement en Grèce ou au Portugal, sont de nature à frapper durement les entreprises les plus fragiles, dont font souvent partie les PME, y compris les filiales de grands groupes. Seriez-vous disposés à contribuer, dans le cadre d’une association des banques, à la résorption de ces dettes ? Je sais déjà que BNP Paribas s’est prononcé favorablement.

Quelles sont, dans vos résultats, les parts provenant des activités de marché, de détail et de crédit aux PME ?

Un des grands enjeux des prochaines années, en France comme en Europe, réside dans les financements à long terme et à très long terme des grands équipements et des grandes infrastructures, par exemple de transport. Ainsi, nous devons trouver 260 milliards d’euros pour les chemins de fer, les autoroutes, les canaux et autre voies de circulation indispensables. Les collectivités locales, comme nationales, sont aujourd’hui très embarrassées par un tel dossier. Êtes-vous prêts à participer, aux côtés de l’État et des autres fonds publics, à ce type de financement mais à des taux évidemment très particuliers dès lors qu’il s’agit d’opérations portant sur plusieurs dizaines d’années ?

Êtes-vous favorables, maintenant que vous pouvez collecter l’épargne sur livret, à l’augmentation des plafonds de dépôt correspondants ? Ils sont aujourd’hui de 15 300 euros pour le livret A et de 6000 euros pour le livret développement durable (LDD).

M. François Pérol. L’évolution différenciée des crédits entre PME indépendantes et PME adossées à des grands groupes est retracée par les résultats des enquêtes réalisées par la Banque de France. Les crédits aux PME ont progressé, selon les chiffres d’avril 2011, de 5,7 % en moyenne. Ce taux est plus élevé pour la deuxième catégorie de PME mais les volumes sont sensiblement plus importants pour les premières.

Une taxation des transactions financières ne serait pas viable sans une application généralisée à l’ensemble des grandes places financières mondiales.

La médiation du crédit était nécessaire au plus fort de la crise de liquidité et de confiance, afin que les entreprises puissent avoir, en dehors de leurs interlocuteurs bancaires habituels, quelqu’un qui les aide à établir le lien. Les banques françaises ont, sans difficulté, accepté sa prolongation pour 2011 et 2012 bien que les choses soient en voie de normalisation. Ponctuellement, des chefs d’entreprise peuvent souhaiter y recourir, sans que cela signifie que les banques refusent de leur accorder des prêts.

Le chiffre de 72 % pour la France résulte bien d’une enquête de la BCE auprès de l’ensemble des PME européennes. Il est corroboré par Oséo, dont les propres enquêtes effectuées en France montrent que les principales préoccupations des chefs d’entreprise quand ils prennent une décision d’investissement portent d’abord sur la demande du marché pour plus de la moitié d’entre eux, ensuite sur la rentabilité du projet pour 48 %, puis sur la concurrence pour 43 %, et sur les fonds propres pour 40 % ; la dette – pour 25 % – et le coût du crédit – pour 18 % – n’arrivent qu’en cinquième et sixième positions. Ces derniers chiffres ont considérablement diminué depuis deux ans, le coût du crédit était alors mentionné par 48 % des personnes interrogées.

Les dépôts dans les banques françaises sont plutôt moins élevés que ceux relevés dans d’autres pays car, à la différence de ceux-ci, il existe en France des systèmes très développés de collecte de l’épargne en dehors des bilans des banques. Deux sont particulièrement importants : la totalité de l’épargne réglementée, essentiellement centralisée par la Caisse des dépôts et des consignations, pour près de 200 milliards d’euros ; et l’assurance-vie, spécificité française et produit bénéficiant d’un très grand succès auprès des épargnants, pour plus de 1300 milliards d’euros.

Les banques françaises accordent des prêts pour un montant total supérieur à celui de leurs dépôts. Elles vont donc chercher la différence sur les marchés, empruntant pour pouvoir prêter à leur tour. C’est une caractéristique de notre système que Bâle III cherche à corriger en faisant en sorte que les banques n’octroient pas plus de crédits qu’elles n’ont de dépôts ou, du moins, qu’elles accordent moins de crédits et collectent davantage de dépôts.

Je ne sais pas si l’orientation de l’épargne vers le secteur industriel appelle des mesures particulières. Nous finançons des projets et des chefs d’entreprise.

Les banques françaises sont très fortement engagées dans le retail (détail) : la banque de proximité représente une part très importante de leurs activités. Pour le groupe BPCE, les activités de grande clientèle, incluant celles de marché, représentent moins de 25 % du total des revenus et des résultats contre plus de 75 % pour le retail. Cette caractéristique est largement partagée par l’ensemble des établissements français.

Comme pour les États, le risque des prêts aux collectivités locales est appelé à se différencier dans l’avenir. La théorie selon laquelle ce risque serait nul ne survivra pas davantage que celle qui considérait comme telle la dette souveraine. Le coût de ce type de crédit est inférieur à celui que supportent les entreprises en France. Par ailleurs, les mesures de Bâle III, si elles restent en l’état, auront une incidence sur le financement des collectivités locales. En effet, il s’agit de crédits à très long terme, relativement bon marché et qui ne sont pas associés à des dépôts, c’est-à-dire tout ce qu’on nous demande d’éviter à travers les nouveaux ratios de liquidité.

M. Frédéric Oudéa. La question de la liquidité et celle de la volatilité sont complètement distinctes. La liquidité concerne l’équilibre entre les ressources et les crédits. Actuellement les seconds sont supérieurs aux premières, c’est ce que Bâle III entend modifier. L’évolution des marchés peut certes rendre notre tâche un peu plus difficile pour emprunter des ressources, mais le thème majeur des nouvelles règles porte sur la collecte des dépôts, plus spécialement provenant des particuliers. L’objectif est de permettre aux banques de résister à une crise de liquidité. Dans la simulation de celle-ci, nous sommes censés conserver à peu près les dépôts des particuliers, tandis que ceux des entreprises se retirent mais que les crédits demeurent. Pour préserver l’équilibre, il nous faudrait donc disposer d’un excès de dépôts. Or les banques françaises subissent déjà une désintermédiation de l’épargne en dehors des bilans. Avec la réglementation telle que conçue aujourd’hui, il nous faudrait davantage de dépôts ne serait-ce que pour maintenir le même volume de crédits.

La volatilité concerne les variations dans le temps des prix et des volumes, lesquelles compliquent les décisions à long terme. Elles portent sur les taux de change, comme le montrent les mouvements des cours de l’euro et du dollar que personne ne maîtrise, sur les prix des matières premières, sur les valeurs en bourse … Ces phénomènes d’instabilité, d’incertitude et d’inquiétude risquent de perdurer tant qu’on ne disposera pas d’une meilleure visibilité dans l’environnement macroéconomique.

M. Baudouin Prot. S’agissant du taux de retour sur fonds propres, on peut comparer l’industrie bancaire française, d’une part, aux autres secteurs de l’économie nationale et, d’autre part, aux systèmes bancaires des autres pays du monde.

Aujourd’hui, l’ensemble des grandes entreprises industrielles connaissent un retour sur fonds propres de l’ordre de 12 %. Si celui des banques était inférieur, nous éprouverions beaucoup de difficultés à attirer des actionnaires, or nous avons besoin de fonds propres très importants.

Les banques chinoises, brésiliennes et russes bénéficient actuellement de rendements de l’ordre de 15 à 20 %, ce qui se retrouve dans le classement mondial. Selon leur capitalisation boursière, les quatre premières sont chinoises, avec également d’excellents coefficients d’efficacité entre les revenus et les coûts. Il en va de même des grandes banques brésiliennes, qui figurent parmi les dix premières mondiales. Les premières banques européennes n’apparaissent que vers le douzième rang et reculent très vite dans le classement, il existe donc une problématique concurrentielle internationale. On constate que des banques chinoises ouvrent des succursales en Europe et achètent des réseaux d’agences aux États-Unis, tandis que les banques européennes souffrent de conditions d’exercice de leur métier plus difficiles et d’un potentiel de croissance de l’économie plus faible.

Je confirme enfin que BNP Paribas prête à hauteur de 120 % de ses dépôts. Les nouveaux ratios de liquidité vont donc nous obliger à trouver des ressources à dix ans si nous voulons accorder des crédits à dix ans. Il faudra aller les chercher sur les marchés et, même pour les meilleures signatures, leur coût atteindra 120 à 150 points de base, prix de revient de la matière première à dix ou à quinze ans. Nous sommes donc bien confrontés à un très important changement d’environnement pour ce qui est de la liquidité.

M. Jean-Paul Chifflet. Je confirme notre position de recherche permanente de liquidité sur les marchés.

Les banques désirent accorder le maximum de crédits à l’économie, dans l’intérêt de la collectivité comme dans le leur propre : plus on distribue de crédit, mieux on se porte. Lorsque nous refusons un prêt, c’est parce que le projet qu’on nous présente mettrait en difficulté à la fois l’entrepreneur et sa banque. Nous ne devons pas tomber dans le piège des subprimes. Il nous faut toujours veiller à l’équilibre. Il revient au conseiller de clientèle, qui connaît bien l’environnement, de prendre la bonne décision et de l’assumer. Dans certains réseaux, il existe des comités des prêts qui connaissent les personnalités des emprunteurs et mesurent leur capacité à réaliser un projet. Les garanties n’interviennent que par la suite, à titre complémentaire. Elles sont d’ailleurs de moins en moins importantes du fait de la vivacité de la concurrence.

La place du crédit revolving s’est réduite depuis l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions législatives et réglementaires.

La banque en ligne, grâce aux services qu’elle offre aux clients, par le biais d’Internet et du téléphone mobile, devrait tenir un rôle de plus en plus important.

M. Michel Lucas. Je ne crois pas que nous puissions déjà parler d’après crise-financière : la situation en Grèce ou au Portugal montre, en effet, que tout peut basculer à nouveau très vite.

On peut distinguer deux phases dans l’action du médiateur du crédit. Il s’est d’abord agi de faire face à la crise de 2008, puis cette intervention s’est faite d’une manière non conforme à la nature de la comptabilité dans notre pays : selon la méthode Coué. Or un entrepreneur, quel qu’il soit, ne se jettera pas dans le puits pour défendre une cause perdue. Nous avons eu des demandes pour nous engager à sauver une entreprise parce que le préfet du département où elle se situe le souhaite. Il n’est pas possible, dès lors, de formuler un jugement rationnel. Des exemples comme celui-ci, sur la même période, j’en compte des dizaines !

En ce qui concerne l’Allemagne, les Landesbanken sont garanties par les Länder et les Sparkassen par l’État. La notion de risque, dans ces conditions, est très particulière. Les banques françaises, lorsqu’elles étaient nationalisées, étaient notées triple A – ce qui est d’ailleurs toujours le cas de Dexia. La situation diffère donc selon que les établissements évoluent dans un milieu concurrentiel ou qu’ils sont garantis par l’État, sachant que c’est la note délivrée par ce dernier qui prime. Gérer une entreprise, que ce soit une banque ou une compagnie d’assurance, implique de tenir compte des paramètres tels qu’ils sont et non tels que l’on souhaiterait qu’ils soient.

M. Baudouin Prot l’a dit : pour un dépôt de 100, nous délivrons un crédit de 120. Le Crédit mutuel s’engage d’ailleurs encore plus, compte tenu de toute la collecte que lui enlèvent la Caisse des dépôts et d’autres organismes !

Je ne vois pas comment il est possible d’expliquer aux Français que les contrats d’assurances-vie seront fiscalement moins intéressantes alors qu’on les a incités pendant quarante ans à en souscrire pour préparer leur retraite.

À titre personnel, je suis opposé à toute taxation des transactions financières.

En ce qui concerne les moyens de paiement, la France dispose d’une avance technologique considérable, y compris par rapport aux États-Unis. Le problème n’est en rien de réduire les commissions – les coûts sont d’ailleurs moins élevés chez nous que dans les autres pays, quoi qu’en dise l’Autorité de la concurrence –, mais de conforter notre suprématie en la matière. Laquelle doit être plus imposée entre la banque qui émet la carte ou celle qui reçoit le paiement ? La situation doit être examinée d’un point de vue technique et diffère sans doute selon les pays : si les touristes allemands ou norvégiens, par exemple, viennent en masse dans les pays du sud, l’inverse est moins vrai. Depuis une vingtaine d’années, le Crédit mutuel traite tous les moyens de paiement de Cuba, c’est un travail purement technologique mais qui n’est pas négligeable. Sans doute avons-nous intérêt à examiner nos points forts pour, le cas échéant, les exporter car une banque est une entreprise comme une autre.

Mme Catherine Vautrin. Parmi les causes de la volatilité des prix des matières premières figure, dit-on souvent, la spéculation organisée par les acteurs financiers puisque les marchés se financiarisent de plus en plus. Certains de nos interlocuteurs, notamment aux États-Unis, ont laissé entendre que des banques pourraient même posséder des stocks physiques. Est-ce le cas ? Si oui, qu’en pensez-vous ? Une régulation est-elle nécessaire ? Aux États-Unis La loi Dodd-Frank, nous semble, de ce point de vue, insuffisante ou insuffisamment appliquée.

Y a-t-il de nouveaux entrants dans le secteur de la banque en ligne ?

S’il a été question de Bâle III, personne n’a évoqué Solvency II alors que la situation du secteur des assurances a des incidences sur le secteur bancaire, en particulier à travers les achats d’action.

M. Baudouin Prot. Solvency II s’engage sur une voie aussi restrictive que Bâle III.

Les banques en ligne comptent en effet de nouveaux entrants et c’est une nouvelle concurrence dont nous devons tenir compte.

S’agissant des matières premières, nos banques de marché vendent essentiellement des produits de couverture afin de permettre aux acteurs industriels ou aux producteurs agricoles de se prémunir contre la volatilité des marchés. J’ajoute, enfin, que la place de Paris et le G 20 ont pris des engagements pour mettre fin à un certain nombre d’excès.

M. Jean-Paul Chifflet. En ce qui concerne les produits agricoles, nous avons accompli avec Paris Europlace et avec le ministère de l’agriculture un travail de fond sur lequel l’ensemble des pays membres du G 20 seront invités à se prononcer le 23 juin prochain. Nous avons en particulier veillé à protéger les cours et à permettre aux pays en difficulté d’acheter à des prix corrects.

Mme Pascale Got. Nous sommes face à un paradoxe : les organismes de crédit considèrent qu’ils ont de bonnes relations avec les entreprises – ils font valoir la stabilité du volume des prêts accordés – tandis que les responsables de PME et de TPE ne cessent de nous informer des difficultés qu’ils éprouvent pour accéder au crédit. La CGPME s’était insurgée contre un projet de rapport de l’Observatoire du financement des entreprises selon lequel le financement des PME pendant la crise aurait été satisfaisant. De son côté, le chef de l’État a plusieurs fois critiqué le comportement des banques à l’égard des PME. Comment expliquez-vous de telles différences d’évaluation et comment comptez-vous réhabiliter les banques aux yeux d’une opinion publique de plus en plus sceptique sur leur fonctionnement ?

M. François Pérol. Les encours de crédits progressent très fortement et ceux de notre groupe à destination des PME et des TPE ont augmenté de 7 % en 2011. Je m’inscris donc en faux contre l’affirmation selon laquelle nous n’octroierions pas de prêts à ces entreprises. Nous pouvons d’ailleurs nous appuyer sur les enquêtes de la BCE et d’Oséo – qui ne dépendent pas de la Fédération bancaire française ! –, même si elles rendent compte, il est vrai, d’une réalité statistique pouvant ponctuellement différer de celle du terrain. Des PME et des TPE peuvent certes se voir refuser des prêts faute d’une situation saine ou d’un projet convaincant, mais il n’est pas question de masquer leur état réel au risque que leurs fournisseurs s’y trompent. Si nous acceptions de prêter, nous financerions des pertes et des difficultés permanentes de trésorerie.

Je le répète : les chiffres globaux montrent que les banques prêtent à ces entreprises. Les conseils d’administration des Banques populaires et des caisses d’épargne sont composés de chefs d’entreprise extrêmement attentifs à ce qu’il est possible de faire pour elles sur le terrain. La Banque populaire est le premier partenaire d’Oséo – dont elle co-finance plus de 30 % des prêts – et consent environ 40 % des prêts à la création d’entreprises. Mais si notre métier consiste à financer les PME et les TPE, il ne s’agit pas pour autant de répondre systématiquement de manière favorable aux demandes qui nous sont faites ! On nous a suffisamment reproché de prendre de mauvaises décisions en matière de crédit pour que nous soyons attentifs à l’épargne qui nous est confiée ! Parce que nous sommes aussi les garants des dépôts que nous re-prêtons en totalité à l’économie, nous devons agir de façon responsable.

M. Baudouin Prot. S’agissant des délais, BNP-Paribas répond à plus de 75 % des sollicitations des PME et TPE en moins de huit jours et a donc réalisé d’importants efforts.

Je confirme, de plus, les propos de M. François Pérol : nos réseaux se mobilisent fortement en faveur du crédit aux entreprises mais cela ne signifie pas que nos réponses soient toujours positives, les prêts devant être octroyés d’une façon responsable.

M. Jean-Paul Chifflet. En effet, notre rôle, notre mission et notre engagement sont de financer les PME et les TPE – éleveurs de bovins, céréaliers, chefs d’entreprise que nous accompagnons quant à nous en permanence – et l’on nous oppose sans arrêt quelques cas difficiles ! Parfois, il faut savoir dire non parce qu’il ne serait pas juste de contribuer à aggraver la situation d’un entrepreneur. Nous devons trouver un équilibre et procéder à des arbitrages. Si certains cas vous paraissent douteux, je vous invite à nous les signaler, ainsi qu’au médiateur du crédit, pour qu’on s’explique après une revue attentive des dossiers. Si nous n’accordons pas un crédit, c’est qu’il y a une raison !

M. le président Serge Poignant. Votre proposition sera certainement entendue !

M. Michel Lucas. Il y a une quinzaine d’années, une banque avait créé un pool financier visant à restructurer les dettes des collectivités locales tous les deux ans en raison de la baisse des taux. Si cela était apparemment profitable, tel n’a pas été le cas sur le long terme puisque de telles restructurations ont un coût. Alors que nous étions engagés sur ce marché des collectivités – en particulier pour le financement des emplois d’intérêt général (EIG) –, nous nous en sommes retirés parce que nous ne pouvions plus lutter contre ce type de montage. Faut-il donc financer les PME de la même façon, en rassemblant sans distinction celles d’un même département ?

La banque a pour mission d’accorder des crédits. Dès lors si elle ne le fait pas, c’est qu’il doit en effet y avoir des raisons.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Vos cinq établissements, messieurs, assurent 95 % du financement des PME en répondant positivement à 80 % des demandes. Mais que deviennent les 20 % d’entreprises recalées ?

En 2009, la crise nous a incités à remettre l’homme au cœur du système. Le mot « client » a-t-il donc la même signification pour un boulanger, un boucher, une PME, EDF, la SNCF ou pour une banque ? Qu’en est-il donc des relations entre le client et sa banque ? La médiation du crédit, que certains d’entre vous ont quelque peu caricaturée, n’a-t-elle pas été instituée précisément parce que ces relations n’étaient pas satisfaisantes ? Ainsi, est-il normal qu’un comité de prêt refuse définitivement le dossier d’une entreprise, la vouant parfois à disparaître, sans entendre son responsable ? La médiation, en fait, a redonné la parole aux chefs d’entreprise face aux banquiers ! Pensez-vous donc pouvoir remettre l’homme au cœur du système sans la médiation ? Et avez-vous perdu de l’argent du fait de celle-ci ?

Considérez-vous toujours que les ratios élaborés dans le cadre de Bâle III – qui, selon le vice-gouverneur de la Banque de France, constitue finalement avec Bâle II une bonne chose – pénaliseront nos PME, ou bien les États-Unis se sont-ils montrés plus souples que lors des premières réunions ?

M. Jean-Paul Chifflet. Nous ne partageons pas tous les mêmes points de vue sur la médiation, dont je considère pour ma part qu’elle est sérieuse et positive.

M. François Pérol. M. Lucas a exprimé un avis assez personnel à ce sujet mais il est bon d’entendre tous les points de vue du moment qu’ils sont fondés sur l’expérience.

M. Michel Lucas. En effet, il y a la situation générale et les cas particuliers. Lorsqu’un conseiller, au sein d’une agence, est confronté au problème que j’ai évoqué, il fait remonter le dossier… car il considère qu’il s’agit d’un problème politique, et non économique ou financier.

M. François Pérol. À la fin de 2008 et au début de 2009, la médiation du crédit était nécessaire pour une raison simple : nous étions confrontés à une crise mondiale de liquidité et à une crise de confiance majeure dans le système bancaire et financier. Or, sans liquidités, une banque ne peut pas prêter. Il s’imposait dès lors, tandis que l’État prenait des mesures exceptionnelles pour restaurer la confiance et compte tenu des délais entre les prises de décision au niveau central et leur application sur le terrain, de mettre en place un dispositif d’intermédiation décentralisé qui, pour l’essentiel, s’appuyait sur les conseillers régionaux de la Banque de France. Les entreprises, les associations professionnelles, les pouvoirs publics locaux et les parlementaires devaient disposer d’un interlocuteur bien identifié afin qu’il soit fait état au plus haut niveau des difficultés rencontrées. Si le nombre de dossiers à traiter a diminué progressivement mais assez rapidement, c’est que la situation s’est normalisée et nous ne pouvons que nous en féliciter – nous avons d’ailleurs nous-mêmes un peu modifié nos pratiques en matière de refus de crédit – et nous nous sommes montrés favorables à une reprise de la médiation car, outre qu’elle était consensuelle, il n’était pas absurde d’accompagner ainsi la sortie de crise. Cela étant, depuis le début de l’année, un seul dossier m’est revenu au niveau central.

Les décisions d’octroi de crédit, quant à elles, sont prises par des conseillers disposant de délégations précises. Les plus importantes, et c’est de bonne politique, sont collégiales et prises au sein de comités. Le porteur du projet – conseiller ou représentant – y est toujours présent pour expliquer la nature du dossier, ce qui constitue une très bonne pratique en matière de gestion des risques.

Si Bâle III aggrave les ratios de capital retenus par rapport à ce qui avait été arrêté au mois de juillet dernier et si les ratios de liquidité sont maintenus en l’état, oui, les banques françaises s’adapteront en réduisant leurs activités de financement. En effet, elles devront collecter davantage de dépôts, faire appel à moins de ressources de marché, acheter beaucoup de titres d’État pour constituer les réserves d’actifs liquides demandées par les régulateurs, mais elles le feront en s’efforçant de continuer à servir au mieux leurs clients. Comme l’a dit M. Michel Lucas, on ne va tout de même pas expliquer tout à coup à ces derniers que l’assurance-vie est un mauvais produit parce que les ratios ont changé ! Ce ne sont pas ceux-ci qui déterminent notre stratégie à l’égard de notre clientèle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec.  La fédération bancaire française est à l’origine du contentieux européen obligeant la France à légiférer afin de briser le monopole de la délivrance des livrets d’épargne populaire et de caisse d’épargne, de développement durable, le Gouvernement étant d’ailleurs allé au-delà de ce que prescrivait l’Union européenne. Maintenant que vous avez accès à ces produits, êtes-vous favorables au relèvement de leur plafond ? Que pensez-vous de la réduction de la centralisation de leurs encours à la Caisse des dépôts ?

La fédération bancaire française a également pris une position étonnante : après une audition de la commission des finances, il a été question qu’elles financent éventuellement le logement social et, notamment, les PLUS. Qu’en est-il précisément ?

M. Daniel Fasquelle. Le règlement européen 1346/2000 concerne les procédures d’insolvabilité des PME et des TPE, un texte publié en 2001 étant par ailleurs consacré à celles des banques. La dimension européenne des entreprises étant de plus en plus importante et la Commission travaillant à une refonte de ces règlements, ne pensez-vous pas que ce serait le moment de travailler à une harmonisation juridique dans ces domaines ?

Dans le cadre de l’aménagement du territoire, êtes-vous sensibles aux difficultés rencontrées par les activités soumises à des à-coups saisonniers ou conjoncturels – je songe, par exemple, aux PME et aux TPE qui travaillent dans le secteur du tourisme, lequel se ressent fortement de toutes les crises économiques et financières ? Les banques, me semble-t-il, doivent être aux côtés de ces professionnels.

Enfin, quid de la rémunération des comptes courants ? Y avez-vous renoncé ?

Mme Frédérique Massat. Une enquête d’UFC-Que choisir sur les frais bancaires a souligné l’opacité et de la complexité d’un système qui aboutit à aggraver les difficultés de personnes déjà fragilisées que les incidents de paiement plongent souvent dans des situations sans issue. Que pensez-vous des propositions formulées par cet organisme ?

Qu’en est-il de la mobilité bancaire ?

En 2010, les traders français ont perçu deux milliards d’euros de bonus. Rien n’a-t-il donc changé après la crise ? La transparence qui avait été demandée est-elle effective, notamment s’agissant de la proportion des parts fixe et variable des rémunérations ?

M. Jean Proriol. Nous pouvons vous donner acte, messieurs, que si aucune banque française ou presque n’a subi les conséquences de la crise, c’est que leur gestion n’était pas si mauvaise. Néanmoins, qu’avez-vous changé depuis à cet égard ? Selon certains articles de presse, la situation serait la même qu’avant en matière de bonus, de rémunérations ou de retraites-chapeau.

Personne n’évoque la question du capital-risque. Est-ce une part marginale des investissements, dédiée à de petites opérations et visant à conforter l’aménagement du territoire ainsi qu’à aider les PME régionales ?

Enfin, vous demandez aux PME, qui manquent de capitaux propres, d’apporter en gage des titres ou de quasi-fonds propres. Ces derniers relèvent-ils juridiquement du haut de bilan ou sont-ils considérés comme des apports personnels ?

Mme Marie-Lou Marcel. Vous déclarez que les crédits aux PME – qui constituent plus de 98 % des entreprises françaises – ont progressé de plus de 5 %. Or nous savons que la crise a aggravé les difficultés de financement de ces entreprises. Quelle est donc leur part dans l’ensemble de votre portefeuille ?

Le Crédit agricole est un acteur historique du financement des activités agricoles. Compte tenu des difficultés structurelles de ce secteur, avez-vous défini, monsieur Chifflet, une politique spécifique d’accompagnement du monde rural ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Si nous ne sommes pas sortis de la crise mais que 72 % des PME ne connaissent pas de problème de financement, est-ce à dire que, malgré une situation financière fragile en Europe, le monde de l’entreprise et l’économie ne se portent pas si mal que cela en France ?

Quelle est l’évolution des encours de crédits consentis aux collectivités locales, et qu’en est-il des emprunts dits toxiques ?

Mme Annick Le Loch. Selon la Banque de France, 80 % des demandes de crédit émises par les PME sont satisfaites par les banques. Or les statistiques excluent les TPE, lesquelles font part régulièrement des grandes difficultés qu’elles rencontrent avec les banques. Quelles dispositions spécifiques avez-vous prises pour les accompagner – je pense, en particulier, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) ?

Selon une étude récente, 70 % des PME font état d’un durcissement des conditions du financement bancaire : frais élevés, exigence de garanties supplémentaires, réduction de comptes courants, délais, cautions, etc. Que leur répondez-vous ?

Enfin, le Crédit mutuel Bretagne-Arkéa affiche une ambitieuse stratégie de développement régional, notamment à travers sa filiale BCME dédiée aux entreprises, dont les encours de crédits ont progressé de 45 % en deux ans. Une nouvelle filiale consacrée à la prise de participations dans de grandes entreprises bretonnes a été lancée afin de contribuer au maintien des centres de décision en Bretagne, en particulier dans le secteur agroalimentaire. Que pensez-vous d’un tel ancrage qui, à mon sens, est propice au développement économique et social de la région mais constitue également une arme contre les délocalisations ?

M. Alain Suguenot. Une crise systémique est-elle encore envisageable alors que la question de la solvabilité des États se pose – en témoigne la note attribuée à la Grèce ce matin –, ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions sur la confiance que les particuliers peuvent avoir dans les banques ? Les causes à l’origine de la crise aux États-Unis ne risquent-elles pas de produire à nouveau les mêmes effets ?

Comment régler le problème des emprunts toxiques souscrits par les collectivités ?

Enfin, quid de la titrisation des matières premières alors que, sur le marché de Chicago, ces dernières donnent lieu à des spéculations à échéance de quatre ans ?

M. Jean-Michel Villaumé. L’industrie française manque de capitaux suffisants pour maintenir un niveau satisfaisant d’innovation et d’investissement. Dans un récent rapport sur la désindustrialisation, les sénateurs ont souligné la responsabilité des banques à cet égard. Comptez-vous inverser cette tendance et avez-vous l’intention de proposer des produits innovants ou spécifiques pour couvrir ces besoins de financement ?

M. William Dumas. Vous tirez plus de la moitié de vos bénéfices des frais de banque. Ne conviendrait-il pas de revoir une partie de ceux-ci ? Taxer les comptes dormants, par exemple, est contradictoire avec votre volonté d’encourager les dépôts.

De plus, les retraités se voient taxés d’un montant de l’ordre de 1,90 euro chaque fois qu’ils retirent de l’argent sur leur livret, même si les caisses locales promettent de les rembourser. Pourquoi une telle discrimination, en particulier de la part du Crédit agricole ?

Mme Catherine Coutelle. Si l’on peut se féliciter d’une diminution des activités de la médiation du crédit, n’existe-il pas toutefois une sorte de censure, ou d’auto-censure ? Ainsi le médiateur du crédit me confiait n’avoir jamais eu à traiter de dossiers agricoles. Cela passe-t-il par des circuits différents ?

M. Jean-Paul Chifflet. Les agriculteurs disposent en effet d’une médiation spécifique et c’est M. Nicolas Forissier qui en a la charge.

Mme Catherine Coutelle. Selon une enquête réalisée en Poitou-Charentes, 48 % des dirigeants de PME ou de TPE affirment encore entretenir des relations difficiles avec leur banque, l’un des principaux motifs d’insatisfaction invoqués étant l’importance des cautions et des garanties exigées sur leurs biens propres ainsi que sur ceux de leur conjoint. Nos perceptions, sur le terrain, diffèrent donc de celles dont vous faites état.

Enfin, la finance et la banque ne sont-ils pas des secteurs trop sérieux pour qu’on les confie uniquement à des hommes, comme c’est le cas si l’on en juge par la composition de la tribune ?

M. François Pérol. Malheureusement, le président de la Fédération bancaire française ne peut qu’être un homme puisqu’il est pris parmi les présidents de nos établissements, dont aucun n’est dirigé par une femme. Mais le poste de directeur général est occupé chez nous par une femme et je ne doute pas que la situation générale évolue !

Nous ne sommes pas favorables à un relèvement du plafond des livrets d’épargne : outre que le taux d’épargne est déjà élevé dans notre pays, les livrets ne sont pas saturés, loin de là.

M. Michel Lucas. Le livret d’épargne se caractérise par l’exonération fiscale qui y est attachée et par le plafonnement du dépôt. Dans le contexte actuel, ce plafond pourrait peut-être être relevé, mais il n’en restera pas moins que les encours partent intégralement à la Caisse des dépôts…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le taux de centralisation n’est pas de 100 % !

M. Michel Lucas. … au profit de laquelle nous travaillons donc.

M. François Pérol. Parce qu’il n’est pas sain de maintenir une telle divergence d’intérêt entre les distributeurs du produit et l’institution qui le centralise, nous avons plaidé en faveur d’une diminution progressive du taux de centralisation d’autant que nous sommes à un moment où les banques ont besoin de conserver sur leur bilan l’essentiel des dépôts qu’elles collectent.

S’agissant du financement du logement social, je ne suis pas en mesure de répondre très précisément à votre question. Tout ce que je puis dire, c’est que les banques contribuent au financement des PLUS, en répondant à des appels d’offres.

M. Baudouin Prot. Les procédures collectives françaises, monsieur Fasquelle, sont efficaces et il ne convient pas de les modifier trop souvent. Alors que la situation des entreprises demeure fragile, nous avons besoin de stabilité et de prédictibilité en la matière. Une remise en chantier globale ne me semblerait donc pas opportune.

Notre pays a rapidement transposé la directive européenne sur les rémunérations des opérateurs de marché – cela a été fait le 17 décembre dernier – et toutes les banques françaises l’ont appliquée. Les nouvelles règles sont plus strictes que celles du G 20 s’agissant des rémunérations différées, du fait notamment d’un dispositif de claw-back ou de malus. Nos établissements, de ce point de vue, se sont montrés exemplaires. J’ajoute que les rémunérations variables ont sensiblement baissé cette année dans les principaux d’entre eux.

M. François Pérol. Des évolutions importantes ont en effet eu lieu. Si nos pratiques de crédit n’ont pas changé dans la mesure où elles demeurent fondées sur la prise en compte des revenus des emprunteurs, nous avons arrêté les activités de marché pour compte propre qui n’étaient pas liées à des activités clientèle. Les encours que nous gérons diminuent donc au fur et à mesure des cessions auxquelles nous procédons. Quoi qu’il en soit, le modèle des banques françaises était jusqu’ici beaucoup plus traditionnel et, donc, beaucoup moins orienté vers ces activités que les banques américaines. Dans ces conditions, la révolution que nous devons accomplir est de bien moindre ampleur.

D’une façon générale, les règles ne sont pas favorables à l’investissement en capital-risque, qui est assez gourmand en fonds propres. Malgré cela, nous avons maintenu et développé cette activité dès lors qu’elle est en relation avec nos activités de prêts aux entreprises au niveau régional. Nous continuons donc à investir dans les fonds régionaux de capital-risque mais nous avons cédé les activités de capital-risque dites nationales, en raison de leur défaut de synergie avec nos autres activités.

M. Jean-Paul Chifflet. Après la crise de 2008, nous avons fortement recentré l’activité de marché afin de revenir à l’économie réelle et au service du client. Nous avons bâti un projet de groupe à dix ans et à quatre ans qui se concentre sur les notions de loyauté et d’éthique.

L’observatoire du financement des entreprises indique que les PME françaises disposent du niveau de fonds propres le plus élevé d’Europe.

S’agissant du capital-risque, nous promouvons également un accompagnement régional modéré, compte tenu de la consommation de fonds propres qu’il exige.

Nous accompagnons aussi les entreprises qui travaillent dans les secteurs du tourisme et de l’agriculture, en particulier en cette période de sécheresse. Une enveloppe de 700 millions de crédits aux taux de 1,5 % et 2 % a été annoncée afin d’aider en particulier les éleveurs bovins.

Enfin, monsieur Dumas, je répondrai par écrit à votre question sur la taxation lors du retrait d’espèces sur un compte d’épargne.

M. Michel Lucas. Nous finançons directement 630 entreprises, ce qui représente 2,4 milliards de fonds propres, pour une durée globale de sept à huit ans. Nous participons également à des fonds régionaux, notamment en Alsace où nous disposons de 50 % du fonds, mais à la condition de pouvoir en assurer la gestion au lieu que cette dernière soit confiée à une société nationale.

Le cas d’Arkéa a été évoqué. J’ai connu le Crédit mutuel lorsqu’il employait 900 personnes ; aujourd’hui, nous sommes 72 000. Si certains ont tendance à construire des murs, je considère quant à moi qu’il convient de se montrer parfois plus ouvert car le développement se fait plus à l’international qu’au niveau régional. Bien que je sois un brave paysan de Basse-Bretagne exilé dans le Bas-Rhin, je m’efforce d’avoir une vue d’ensemble aussi large que possible des problèmes qui se posent !

M. François Pérol. Nous ne nous reconnaissons pas du tout dans les chiffres qui ont été donnés par UFC-Que choisir. Outre qu’en matière de cartes bancaires la France dispose d’un système extrêmement performant, les clients peuvent choisir : huit millions de ceux dont les ressources sont assez faibles disposent d’une carte à autorisation systématique – par définition, les frais d’intervention sont donc nuls – et il existe également des cartes à débit immédiat et à débit différé. Notre système est beaucoup moins coûteux que ceux qui existent à l’étranger et garantit un service de qualité tant aux commerçants qu’à leurs clients.

En ce qui concerne la mobilité bancaire, nous avons pris des engagements auprès des pouvoirs publics à travers la définition de normes professionnelles contrôlées par l’Autorité de contrôle prudentiel.

Les banques ne sont pas particulièrement responsables du déficit d’investissement en capitaux propres. Au demeurant, ce diagnostic est très contesté puisque le récent rapport du médiateur du crédit sur le financement des PME ne fait pas état d’une insuffisance de ces fonds chez ces dernières.

M. Baudouin Prot. S’agissant des crédits aux PME, trois éléments indiquent une évolution positive : les encours de crédits croissent de même que la proportion d’entreprises satisfaites, et le nombre des réclamations diminue fortement. Les 28 % de PME qui se déclarent insatisfaites ne le sont d’ailleurs peut-être pas globalement : simplement le questionnaire portait sur la réponse faite à la totalité de leurs demandes. Quoi qu’il en soit, les 400 000 salariés de nos établissements demeurent mobilisés – nous allons en recruter 15 000 de plus cette année – afin de conforter nos relations avec notre clientèle.

M. François Pérol. S’agissant de la titrisation des matières premières, je ne dispose pas de lumières particulières. D’une manière générale, le marché de la titrisation est très peu développé. Paradoxalement, la combinaison des règles de Bâle III sur le ratio en capital, sur le ratio de liquidité et sur le ratio d’effet de levier pourrait faire renaître l’intérêt pour la titrisation comme moyen de se procurer des financements supplémentaires mais, aussi, de diminuer la taille des bilans – pratique à laquelle nous n’avons pas recouru massivement par le passé puisqu’en général les crédits que nous réalisons restent inscrits à nos bilans.

À propos des emprunts toxiques des collectivités locales – dont le volume est très faible par rapport au stock total –, des discussions sont en cours avec Bercy mais aussi entre collectivités locales et établissements bancaires afin de parvenir à régler au mieux, pour l’ensemble des parties, les problèmes qui se posent.

M. Jean-Paul Chifflet. Un nombre assez notable de dossiers se règle en effet de manière bilatérale entre banque et collectivité locale.

M. François Pérol. En ce qui concerne la rémunération des comptes courants, les pratiques diffèrent selon les banques.

M. Baudouin Prot. Nous avons trouvé un équilibre général en ne facturant pas les chèques de nos clients et en ne rémunérant pas leurs comptes courants.

M. François Brottes. Quelle est votre position à l’égard du « fichier positif » de Bercy ?

M. François Pérol. Nous participons aux travaux de la mission de préfiguration de ce fichier en faisant des propositions constructives mais aussi en mettant en garde contre la collecte de renseignements exhaustifs sur les engagements de crédit pris par nos concitoyens, car elle pourrait contrevenir à la loi Informatique et libertés sans pour autant permettre de combattre efficacement le surendettement.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie, messieurs, d’avoir répondu à notre invitation. Vous avez pu mesurer l’intérêt de mes collègues pour le financement des entreprises tant au niveau national que local, et votre rôle est évidemment fondamental en la matière.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 14 juin 2011 à 17 h 15

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Claude Gatignol, M. Bernard Gérard, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Vautrin, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Jean-Michel Couve, M. Gérard Hamel, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, M. François Loos, M. Philippe Armand Martin, M. Michel Raison