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Commission des affaires économiques

Mardi 13 décembre 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition de M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Information concernant la procédure de nomination de l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique.

M. le président Serge Poignant. Mes chers collègues, après dépouillement du scrutin du 7 décembre dernier, il apparaît que notre Commission a donné, à l’unanimité des trente votants, un avis favorable à la nomination de M. Bernard Bigot au poste d’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Je vous indique que cette nomination a également été approuvée à l’unanimité des votants par la Commission de l’économie du Sénat.

La Commission procède ensuite à l’audition de M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le ministre, bienvenue pour cette première audition devant notre Commission et merci d’avoir trouvé un peu de temps à nous consacrer malgré un calendrier extrêmement chargé pour vous.

Au lendemain du dernier sommet européen sur l’avenir de la zone euro et sur les perspectives qu’il convient de donner à l’Union, et tout juste une semaine après que l’Assemblée nationale a adopté un nouveau projet de loi de finances rectificative, nous souhaitons faire avec vous le tour des sujets qui intéressent cette Commission.

Nous sommes très soucieux du financement de l’économie réelle, en particulier de celui des PME – petites et moyennes entreprises – et des TPE – très petites entreprises. Qu’en est-il de l’encours des crédits qui leur ont été accordés ? Selon vous, le secteur bancaire s’engage-t-il suffisamment ? Le Gouvernement compte-t-il prendre de nouvelles mesures afin de soutenir nos entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles ?

À la suite de la crise financière qui a débuté en octobre 2008, les États sont venus au secours des banques, qui ont par la suite remboursé ces apports de capitaux. L’accord européen conclu les 26 et 27 octobre derniers a prévu un vaste plan de recapitalisation de ces établissements, en sorte qu’ils puissent afficher des ratios de fonds propres de 9 % d’ici à la fin du mois de juin 2012. Pensez-vous que les banques françaises pourront atteindre cet objectif, de manière à rassurer nos partenaires et les marchés mondiaux ?

D’autre part, dans le cadre des réformes structurelles communautaires, il est prévu de faire adopter une « règle d’or » au niveau européen avant la fin de l’année 2012. Comment la France entend-elle satisfaire pour sa part à cette exigence ?

Enfin, monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point sur la situation d’AREVA, notamment sur l’entrée de partenaires dans le capital de ses activités minières et l’éventuelle cession des participations du groupe dans Eramet.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, je suis très heureux d’être pour la première fois devant vous. Je rappelle d’ailleurs que le Gouvernement est à la disposition du Parlement, quelle que soit la pression de l’actualité internationale. Je m’efforcerai donc d’être le plus exhaustif possible dans les réponses que j’apporterai à vos questions.

Je dirai tout d’abord quelques mots sur l’architecture de l’accord de vendredi dernier, bien que le sujet ait été évoqué par le Premier ministre pendant les questions d’actualité.

Cet accord s’articule autour de trois principes.

Premièrement, une discipline budgétaire plus stricte.

Le pacte de stabilité et de croissance sera durci : des sanctions automatiques s’appliqueront chaque fois que le déficit excédera 3 % du PIB, et seule une majorité qualifiée d’États pourra faire obstacle au constat du non-respect de cette règle et de la trajectoire qui doit y conduire.

Les États s’engagent par ailleurs à adopter une « règle d’or » sur la définition de laquelle il faudra s’entendre d’ici au mois de mars 2012. Il appartiendra ensuite à la Cour de justice de l’Union de valider la règle d’or qui sera ainsi votée dans chacun des pays.

Le Parlement a débattu d’un texte. J’ai compris que le groupe socialiste, à l’Assemblée comme au Sénat, était défavorable à un processus débouchant sur la convocation du Congrès. Rien ne figure actuellement à l’agenda gouvernemental sur cette question – et il ne pourrait en être autrement qu’au cas où l’opposition modifierait sa position – mais la France aura de toute façon à faire face à ce rendez-vous, quels que soient les résultats des élections de la fin du premier semestre.

Deuxième principe : une solidarité effective.

Un mécanisme européen de stabilité (MES) va se substituer au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce mécanisme permanent, doté de 500 milliards d’euros, sera géré par l’administration de la Banque centrale européenne, ce qui est un gage de solidité, de crédibilité et de cohérence. En outre, les États membres de la zone euro se sont fixé pour objectif de mettre des ressources supplémentaires – pouvant aller jusqu’à 200 milliards d’euros – à la disposition du FMI.

Troisième principe : la nécessité de restaurer progressivement la confiance dans la gouvernance de la zone euro, pour supprimer une des principales causes de la situation actuelle.

Il y a dix jours, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales ont coordonné leur action pour favoriser l’accès aux liquidités. De fait, depuis l’été, les banques étaient soumises à deux problèmes : l’un de solvabilité – elles devront donc augmenter leurs fonds propres d’ici au mois de juin –, l’autre de liquidité – d’où les inquiétudes des acteurs économiques pour leur accès au crédit.

Le retrait des fonds américains a rapidement rendu plus difficile l’accès au dollar pour une partie des banques européennes, notamment pour les banques françaises. Il y avait là un risque de credit crunch, qui a conduit ces établissements à privilégier le crédit au sein de leur zone nationale en délaissant un peu l’investissement international. Cependant, il y a dix jours, la coordination des actions des banques centrales – canadienne, américaine, japonaise et BCE – pour les échanges de lignes de liquidité a nettement fait baisser la pression sur le financement de l’économie à l’international. Puis, la semaine dernière, la décision de la BCE d’ouvrir une ligne de crédit illimité à trois ans – ce qui constitue une première – a assuré aux banques la garantie d’accéder sans difficulté aux liquidités dont elles auraient besoin pour remplir leur mission. Le faible taux de ce crédit – 1 % – leur permettra en outre d’échapper à la très forte pression exercée par les marchés. Le problème de liquidité semble donc être durablement écarté.

Pour ce qui est de la solvabilité, les besoins des banques européennes en fonds propres ont été estimés par l’Autorité bancaire européenne à un montant de 115 milliards environ ; ceux des banques françaises ont été, quant à eux, évalués à 7,3 milliards, soit un peu moins que les 8,8 milliards initialement prévus.

Les quatre banques françaises d’importance systémique ayant réalisé 11 milliards de bénéfices à la fin du premier semestre, elles seront largement en mesure d’augmenter leurs fonds propres en respectant le calendrier fixé sans avoir à faire appel à des capitaux publics, ce qu’elles ne demandent d’ailleurs pas.

Cette augmentation des fonds propres ne se fera pas au détriment de l’accès au crédit. Et, pour répondre à votre question, monsieur le président, je vous précise que, sur les douze derniers mois, l’encours des crédits distribués aux entreprises françaises a augmenté d’un peu plus de 5 %, contre 1,5 ou 1,6 % en moyenne dans la zone euro. Les quelques signes de tension constatés en certains endroits du territoire s’expliquent par l’inquiétude éprouvée par les banquiers quant à leur accès aux liquidités, mais tout devrait revenir à la normale.

Pour nous en assurer, au-delà de la question du crédit, pour s’assurer de la mise sous tension coordonnée de tous les dispositifs de soutien aux entreprises, Claude Guéant et moi-même avons réuni au Ministère de l’économie il y a 15 jours l’ensemble des préfets de France. Le Premier ministre a confié au Commissaire général à l’investissement René Ricol, une mission de coordination nationale de ces dispositifs de soutien qui viendra en appui des cellules régionales que doivent mettre en place les préfets de région. Il s’agit d’assurer le traitement sans faille des demandes de soutien des entreprises. Le Premier ministre et moi-même feront un point régulier avec M. Ricol.

Toujours pour accompagner les entreprises en cette période difficile, nous avons décidé une régionalisation du Fonds stratégique d’investissement – FSI.

Le bilan des trois premières années de ce fonds est d’ores et déjà remarquable. En effet, près de 6 milliards d’euros en fonds propres ont été investis dans des entreprises de toutes tailles : de grandes entreprises comme Vallourec, Valéo ou Limagrain ; des entreprises de taille intermédiaire comme Daher, dans le secteur aéronautique, ou Grimaud, dans les agro-industries ; et trente PME importantes qui ont vocation à devenir demain des entreprises de taille intermédiaire.

Le FSI ne peut pas fonctionner comme un hedge fund ou un fonds equity qui ne rechercherait que la rentabilité. Régionalisé, il doit servir de point d’appui aux entreprises dynamiques pour les aider à changer de taille. Cela fait partie de la feuille de route qui a été adressée aux préfets, il y a une quinzaine de jours. Vous pouvez d’ailleurs prendre contact avec eux afin qu’ils vous aident à identifier les entreprises en question. Globalement, on estime que dans chaque département, il y en a cinq, six ou sept qui sont susceptibles d’être ainsi soutenues par ce fonds qui, doté de 20 milliards d’euros à sa création, a bénéficié de 1,5 milliard d’euros supplémentaires à la fin de l’été.

350 millions d’euros seront par ailleurs mobilisés par le FSI et investis dans les PME et les entreprises de taille intermédiaire, en lien très direct avec la CDC Entreprises et Oséo – partenariat qui se met en place et sera opérationnel en début d’année prochaine.

Dans les entreprises dont l’État est actionnaire, nous avons clairement posé le principe selon lequel la crise ne devait pas être le prétexte à de nouvelles suppressions d’emplois. C’est la ligne de conduite que tous les représentants de l’État ont été chargés de défendre dans les conseils d’administration de ces sociétés.

Il me faut bien sûr évoquer la situation particulière de certaines filières et de certaines entreprises.

Dans le secteur automobile, depuis le début de l’année, nos constructeurs connaissent des difficultés. En Europe, la demande de véhicules est en recul de 1 %. En France, le marché se maintient un peu mieux : il est resté bien orienté depuis le début de l’année 2011, avec un rebond de 3 % en octobre. Mais comme les constructeurs français ne sont pas suffisamment montés en gamme, ils sont amenés à comprimer leurs prix de vente pour conserver des parts de marché et sont poussés à déstocker en raison de l’incertitude de la conjoncture. Cela se traduit par une pression sur les coûts auprès de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants. Nous accorderons la plus grande attention à ce que, dans cette conjoncture incertaine, ces derniers soient préservés au maximum. Sachez que vous pouvez vous adresser à un médiateur de la sous-traitance Jean-Claude Volot, qui doit avoir des correspondants dans chaque département et dans chaque bassin économique.

Nous allons soutenir cette filière automobile : 750 millions d’euros d’investissements d’avenir seront consacrés aux véhicules du futur ; les équipementiers continueront de bénéficier du fonds de modernisation dédié et le bonus écologique sera maintenu en 2012 ; enfin les prêts bonifiés « véhicules décarbonés » favoriseront la production en série de nouveaux modèles.

Nous serons naturellement très attentifs à l’évolution de la situation dans le groupe PSA, qui annonçait récemment un plan d’économies au niveau européen. Sachez également que son président a confirmé au Président de la République qu’il n’y aurait, dans ce groupe en France, ni plan de licenciements, ni départs volontaires, ni aucune mesure d’âge.

Je terminerai sur AREVA. L’équipe dirigeante a publié hier une nouvelle feuille de route qui décline une stratégie de moyen terme, à la fois ambitieuse et raisonnable, prenant en compte l’impact de Fukushima, l’annonce par l’Allemagne de son désengagement du nucléaire et la situation d’investissements sur lesquels il y aura naturellement des éclaircissements à apporter le moment venu. Mais, comme nous l’avons demandé, Éric Besson et moi-même, rien ne sera fait là au détriment de l’emploi en France.

Quant aux participations d’AREVA dans Eramet, le Gouvernement entend n’envisager que les solutions assurant leur maintien dans la sphère publique. Eramet est notamment implanté en Nouvelle-Calédonie et les chantiers miniers de cette zone du Pacifique ont évidemment une grande importance stratégique.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour toutes ces réponses et je passe immédiatement la parole aux représentants des groupes.

M. François Brottes. Je me réjouis que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie soit plus accessible que le ministre chargé de l’industrie pour aborder de tels sujets. Cela dit, nos interventions porteront avant tout sur l’économie réelle.

Nous avons toujours considéré que l’institution d’un Médiateur du crédit et d’un Médiateur de la sous-traitance, tout comme la création du Fonds stratégique d’investissement et d’une banque publique Caisse des dépôts - Banque postale étaient d’excellentes initiatives. Nous avons même appelé de nos vœux le maintien des deux médiateurs précités – je ne ferai pas les mêmes compliments à l’adresse du Médiateur qui s’occupe d’observer les marges. Il est en effet utile, dans les moments de grande tension, que certains viennent mettre un peu d’huile dans les rouages.

Mais si vous travaillez à limiter les tensions qui s’exercent sur les marchés, vous le faites dans l’urgence, un peu comme on écope un bateau qui prend l’eau. C’est en tout cas ce qui ressort des discussions qui sont menées au niveau européen. Or on ne peut écarter l’idée que la croissance serait utile, que l’investissement à long terme serait nécessaire et qu’il est indispensable de donner, dès à présent, des perspectives à nos industriels, notamment dans les filières de pointe.

Vous avez été amené à proposer différents plans d’austérité au Parlement. Avez-vous évalué l’impact qu’auront sur les entreprises, en particulier sur celles du bâtiment, le relèvement du taux de TVA ou la disparition d’un certain nombre de prêts conçus pour favoriser les acquisitions immobilières, mais surtout les travaux de rénovation et les travaux en faveur de la sobriété énergétique, qui représentent un chantier énorme ?

D’autre part, pourquoi vous être laissé entraîner à proposer un gel des tarifs du gaz que le Conseil d’État devait forcément condamner ? Pouvez-vous nous dire de combien ces tarifs vont-ils augmenter ? Les entreprises, déjà touchées par l’augmentation des tarifs de l’électricité, verront ainsi leurs charges fixes s’alourdir encore, ce qui ne semble guère opportun dans la situation économique actuelle.

S’agissant enfin d’AREVA, vous avez sûrement beaucoup plus de recul que d’autres pour juger de sa situation, dans la mesure où vous n’avez pas été directement concerné par les dysfonctionnements du passé. Était-il vraiment opportun de changer la gouvernance du groupe au moment où on l’a décidé ? De vendre T & D qui lui rapportait un argent dont il avait bien besoin ? D’envoyer, au mois d’avril dernier, une lettre au président actuel pour lui demander encore davantage de rentabilité ?

Vous avez enfin indiqué qu’AREVA ne procéderait à aucun licenciement. Le propos valait sans doute uniquement pour la France. En effet, j’ai cru comprendre qu’il y aurait sûrement des suppressions d’emplois en Allemagne, comme s’il s’agissait de faire « payer » à cette dernière son abandon du nucléaire. Quoi qu’il en soit, l’avenir de cette très belle entreprise semble derrière elle. Cela justifierait que nous lui consacrions une réunion entière, cette fois-ci avec M. Besson – je l’ai d’ailleurs déjà demandé officiellement au président de la Commission.

M. Daniel Fasquelle. Je me félicite, au nom du groupe UMP, de la façon dont le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, a su, depuis quatre ans, prendre les bonnes décisions. Nous ne pouvons que nous réjouir de la solidité du couple franco-allemand et des progrès de la construction européenne.

Créer une monnaie unique, sans véritable gouvernement économique de l’Europe et sans convergence suffisamment forte de nos budgets et de nos économies, constituait un facteur de fragilité que nous sommes heureusement en train d’éliminer. Mais il convient maintenant de s’attaquer à une autre faiblesse : l’Europe ne se protège pas suffisamment du reste du monde. Quel est l’état de vos réflexions en la matière ? Comment faire en sorte que l’Europe défende mieux ses intérêts dans les négociations internationales ? Les entreprises européennes ne se battent pas à armes égales avec leurs concurrentes, de bien des points de vue – fiscal, social, environnemental… Nous devons mettre le sujet sur la table si nous voulons conserver nos emplois, notamment nos emplois industriels, en France et en Europe.

Dans nos circonscriptions, nous sommes interpellés par des entreprises, petites ou grandes, qui craignent de ne plus avoir accès au crédit. Mais le problème se pose aussi pour les collectivités territoriales. Celles-ci faisant travailler les entreprises sur l’ensemble du territoire national, le Gouvernement et le ministre de l’économie doivent veiller à maintenir leur capacité d’investissement.

J’aimerais moi aussi vous entendre sur le relèvement de la TVA de 5,5 à 7 % – selon quel calendrier et pour quel impact sur l’économie ? – tout en me félicitant qu’il ait conduit à l’abandon du projet de taxe de 2 % sur les chambres d’hôtel. En effet, il n’aurait pas été opportun d’imposer une taxe supplémentaire au secteur touristique qui, jusqu’à présent, a su résister à la crise. Les hôtels ont besoin d’investir et de recruter un personnel nombreux.

Avec trois autres parlementaires, j’ai été chargé par le Président de la République d’une mission sur la simplification du droit et sur l’adaptation des normes en milieu rural. Mais cette simplification est également indispensable pour les entreprises : qu’en est-il à ce sujet ?

Parmi nos filières d’excellence, nous avons évoqué le nucléaire, mais il faudrait aussi mentionner le tourisme, dont on ne parle pas suffisamment et qui a aujourd’hui besoin d’être soutenu. Le nombre de touristes dans le monde va croître. Nous devons être à même d’en attirer davantage en France.

Il me faut pour finir vous interroger sur une entreprise de mon département, aujourd’hui en très grande difficulté : SeaFrance, la dernière entreprise française à assurer la liaison transmanche ; 800 emplois sont en jeu. Le seul projet de reprise en lice a été déposé hier par les salariés : qu’en pensez-vous ? Quels moyens pouvez-vous mobiliser pour sauver, sinon la totalité, du moins une partie de ces emplois ?

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, il semble que l’on prépare l’opinion publique à une dégradation de la note française. C’est le Président de la République lui-même qui a évoqué le sujet, en précisant que ce ne serait pas la fin du monde. Il a raison, mais ne pourrait-on pas néanmoins s’interroger sur l’impact que cela pourrait avoir sur le service de la dette de notre pays et sur la manière dont il conviendrait alors de gérer – calmement, rationnellement – la situation ?

Comment sera validé l’accord politique conclu lors du dernier sommet européen ? En France, si j’ai bien compris, notre « règle d’or » devra être inscrite dans la Constitution soit en recourant au référendum de l’article 11, soit en la soumettant à l’approbation du Parlement réuni en Congrès, conformément à l’article 89. Même si cela ne pourra être fait qu’après l’élection présidentielle, j’aimerais savoir laquelle de ces deux voies le Gouvernement souhaite emprunter.

Enfin, la prolongation et le durcissement de la crise se traduisent par l’explosion du surendettement, notamment chez les ménages. Je vous conseille, monsieur le ministre, d’aller voir le film « Toutes nos envies », qui montre comment un jeune couple, tout à fait raisonnable, peut néanmoins se trouver pris à ce piège. Le phénomène est complexe et plusieurs réponses sont possibles. Mais il y en a une à laquelle le Gouvernement a toujours résisté : la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers. La nouvelle majorité du Sénat y sera sans doute favorable. L’Assemblée nationale devra se prononcer le 26 janvier sur le sujet, à l’occasion de la proposition de loi déposée par le Nouveau Centre. Notre groupe a pris le temps de dialoguer avec la CNIL et l’affaire est maintenant bien instruite. Le Gouvernement est-il prêt à doter la France de cet outil, dont disposent tous les autres pays ?

M. Daniel Paul. En 2005, 54,7 % des Français avaient voté « non » au référendum sur la Constitution européenne. On peut dire aujourd’hui qu’ils avaient eu raison, et nous avec eux, de dire « non » à une Europe dont nous dénoncions déjà, à l’époque, les dangers qui sont encore plus visibles à présent.

Les peuples sont de plus en plus absents de décisions qui, pourtant, engagent leur avenir. C’est ainsi que, par exemple, les acquis sociaux sont régulièrement « rabotés ». Comment, au-delà des élections présidentielle et législatives, comptez-vous permettre à nos concitoyens de se prononcer sur cette évolution de l’Union ?

Les politiques d’austérité sont en passe de faire replonger l’Europe dans la récession. La France est d’ores et déjà entrée dans un cercle vicieux : l’austérité condamne la croissance et les recettes fiscales qu’elle pourrait procurer ; les déficits se creusent, malgré la rigueur, appelant de nouvelles mesures d’austérité – et c’est ainsi que, déjà, les lois de finances rectificatives se succèdent à un rythme effréné.

Ces derniers mois, le Gouvernement a dû engager un premier plan de rigueur – 1 milliard pour 2011, et 8 milliards pour 2012. Depuis, les prévisions de croissance n’ont cessé d’être revues à la baisse, d’où l’annonce d’un deuxième plan de rigueur, de 8 milliards, pour respecter le rythme de réduction des déficits demandé par la Commission, laquelle anticipe désormais une croissance de 0,6 % en 2012 ; celle prévue par l’OCDE n’est même que de 0,2 %. Il devrait résulter de tout cela une nouvelle perte de 9 milliards de recettes fiscales et sociales, appelant, en toute logique, un troisième plan de rigueur pour rester sur la trajectoire devant conduire à un déficit public au maximum de 3 % du PIB en 2013, trajectoire intenable… sauf à prendre le risque d’anéantir tout espoir de reprise.

Pour éviter une récession à long terme, il est indispensable de se fixer pour objectif un retour rapide à la croissance. Nous pouvons envisager une relance budgétaire qui, évidemment, aggraverait temporairement les déficits, mais de manière productive. Il nous faut surtout réfléchir à de nouveaux outils de relance de l’investissement. Or l’investissement public représente plus de 3 % du PIB en France. Il est réalisé aux deux tiers par les collectivités territoriales, et à un tiers par l’État. Il faut le mettre au service d’une nouvelle politique industrielle, mais deux outils complémentaires s’offrent à nous : engager de véritables grands emprunts productifs, plus ambitieux que celui de 2008, mobilisant l’épargne qui circule en abondance sur les marchés financiers, ou drainer cette épargne privée vers de nouveaux produits d’épargne publique. C’est le sens de notre proposition relative au financement, en particulier, des infrastructures de transport, qui contribueraient à structurer notre territoire en ouvrant à notre pays de nouvelles perspectives.

Où en est la réflexion du Gouvernement sur les nouveaux outils d’investissement et sur les moyens de stimuler l’investissement public et d’exiger des banques qu’elles prennent leurs responsabilités dans le financement de l’économie ?

Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, vous vous félicitiez que le solde net des créations d’emplois dans l’industrie soit positif pour la première fois en dix ans, en passant toutefois sous silence que plus de 700 000 emplois salariés directs ont été supprimés au cours de la même période.

Dans cette conjoncture, sur quels outils concrets comptez-vous vous appuyer pour promouvoir une authentique politique industrielle ? Pouvons-nous nous satisfaire d’une politique de pôles de compétitivité qui rompt avec la conception républicaine de l’aménagement équilibré du territoire ? Pouvons-nous former quelque espoir dans le soutien aux PME innovantes, alors qu’un dispositif comme le crédit d’impôt recherche reste insuffisamment ciblé sur les hautes technologies et les PME industrielles, et qu’aucun programme public ambitieux d’amorçage technologique n’est pour l’heure à l’ordre du jour ?

Quelles sont les perspectives de M-Réal, à Alizay, dans l’Eure ? Le président de ce groupe finlandais, convoqué par M. Besson, ne s’est pas déplacé, ne s’est jamais excusé et n’a même envoyé personne pour le représenter. Il ne veut ni garder l’entreprise, ni la vendre, ce qui revient à liquider une activité rentable, fournissant un emploi à plus de 300 salariés.

Enfin, quel est l’avenir de Penly, en Seine-Maritime ?

Mme Frédérique Massat. Les prix à la consommation ont augmenté de 0,3 % en novembre, portant l’inflation à 2,5 % sur les douze derniers mois, soit le plus haut niveau constaté depuis deux ans. La hausse concerne bien sûr l’énergie, mais aussi les produits alimentaires ou de service – 4 % pour les assurances automobiles et 5,4 % pour les assurances et mutuelles de santé, sur le mois. En revanche, les salaires n’ont pas augmenté. Qu’allez-vous faire concrètement pour améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ?

Les frais bancaires pour les particuliers donnent lieu à de nombreux abus. À l’occasion du dernier texte sur les droits des consommateurs, nous avons soutenu sur le sujet un certain nombre d’amendements, qui n’ont pas été retenus. En son temps, Christine Lagarde avait demandé aux banques de pratiquer des tarifs plus transparents, plus justes et plus personnalisés. Malgré certains efforts, la situation est loin d’être satisfaisante. Envisagez-vous une action coercitive à l’égard des banques ?

Le statut d’auto-entrepreneur est de plus en plus utilisé : aujourd’hui, dans mon département de l’Ariège, 60 % des immatriculations à la chambre des métiers se font sous ce régime. Or les auto-entrepreneurs ne rendent pas aux consommateurs les mêmes services qu’un entrepreneur classique, notamment dans les secteurs du bâtiment ou de la réparation automobile ; il en résulte de nombreux litiges. Nous avions déjà dénoncé les inconvénients de ce statut qui mériterait d’être encadré bien plus strictement qu’il ne l’est actuellement. Monsieur le ministre, avez-vous dans vos cartons des projets en ce sens ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Dans cette crise, il semble bien que l’horizon s’éclaircisse, et nous ne pouvons que féliciter les gouvernements allemand et français, notamment, d’y avoir contribué.

Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, que la restauration de la confiance était en cours, mais est-elle générale ou est-elle limitée à seulement certains pays ou certains secteurs d’activité ? Nous avons en effet matière à nous interroger : quatre banques ont fait 11 milliards de bénéfices ; pourtant, comme les entreprises, les collectivités locales se voient refuser des prêts alors qu’elles contribuent grandement à l’économie de notre pays. Nous avons auditionné la semaine dernière les représentants de la Banque postale, qui pourrait leur fournir les crédits indispensables. Pouvez-vous nous dire quand celle-ci sera opérationnelle ?

L’impact financier du relèvement du taux réduit de TVA a été évalué, mais en est-il de même de son impact sur l’emploi ?

Enfin, où en est-on du toilettage des normes additionnelles aux normes européennes ? Dans ma circonscription, un transporteur d’animaux a bien du mal à appliquer l’ensemble de ces normes, au point qu’il a été verbalisé 149 fois en un mois !

Mme Pascale Got. Monsieur le ministre, comment admettre que la BCE ne soit toujours pas autorisée à prêter directement aux États européens ? Ces derniers doivent s’adresser aux banques, lesquelles leur prêtent très cher un argent qui ne leur coûte quasiment rien.

Au niveau national, en dépit des feuilles de route adressées aux préfets, ces mêmes banques refusent des prêts aux collectivités, notamment aux collectivités rurales. Je peux vous donner l’exemple d’une communauté de communes qui n’a pu obtenir un emprunt de 170 000 euros ! Et pourtant, on nous dit que les collectivités vont pouvoir continuer à emprunter. La réalité ne correspond pas au discours…

M. Thierry Benoit. Je voudrais saluer l’action du Gouvernement et du ministre de l’économie et des finances sur ces questions qui nous préoccupent au plus haut point depuis de très longs mois, et même de longues années. Bien qu’étant d’un naturel optimiste, je m’attriste de voir que mon pays et l’Europe sont en proie à de graves difficultés. Je suis par ailleurs surpris – je le dis en commission comme d’autres l’ont dit dans l’hémicycle – d’entendre certains dirigeants politiques français, qui aspirent à de très hautes fonctions, tenir des propos qui risquent de fragiliser les actions entreprises par la France et par l’Europe.

Monsieur le ministre, le taux de TVA réduit est passé de 5,5 à 7 %. Mais où en est-on de la TVA sur la consommation, de la « TVA sociale » ? L’envisage-t-on au niveau européen, pour fortifier le commerce dans la zone euro et pour organiser une certaine « protection » de nos économies ?

Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation d’une entreprise sous-traitante d’EADS : Lagassé Communications et Industries, implantée sur ma circonscription. Cette entreprise spécialisée dans l’électronique a été tout récemment placée en redressement judiciaire, avec une période d’observation de deux mois. Ses 250 salariés sont bien entendu inquiets pour leur emploi et attendent qu’un repreneur se manifeste.

Ce site industriel serait rentable s’il n’avait pas fait l’objet, de la part de la maison mère, le groupe canadien Lagassé, de ponctions récurrentes et importantes. Près de 90 % de son chiffre d’affaires est réalisé en sous-traitance pour Cassidian, l’un des quatre « piliers » d’EADS dont l’État est actionnaire à hauteur de 15 %. Or, monsieur le ministre, vous avez déclaré le 22 novembre dernier que l’État n’accepterait pas que « les ajustements économiques des plans stratégiques d’une entreprise où l’État se trouve en position d’actionnaire se fassent au détriment de l’emploi ». Comment l’État compte-t-il se faire entendre dans les conseils d’administration là où, comme à EADS, il est actionnaire minoritaire ? De quels leviers disposez-vous pour peser sur les stratégies de ces groupes afin qu’ils adoptent une attitude responsable, voire « intégratrice », vis-à-vis de sous-traitants placés dans une dépendance extrême ?

M. Jean-Marc Lefranc. Je tiens d’abord à féliciter la France et l’Allemagne d’être parvenues à cet accord emblématique, conclu par 26 des 27 pays de l’Union européenne.

Dans quel délai sera-t-il mis en œuvre ? Quels seront ses effets sur la croissance, sachant que celle-ci est, en France, tirée par la consommation et, en Allemagne, par le commerce extérieur ? Et quelles seront les conséquences, à court et moyen termes, du refus britannique d’y adhérer ? D’autre part, sur quels critères s’effectueront les versements à partir du fonds de 500 milliards et quelles garanties exigera-t-on des pays bénéficiaires ?

Je ne partage pas la position de notre collègue Daniel Fasquelle concernant la taxe sur les chambres d’hôtel à 200 euros la nuit : je considère que celui qui peut payer une telle somme peut aussi acquitter une légère surtaxe.

Bien que les États-Unis aient été privés depuis déjà plusieurs mois de leur triple A, les taux d’intérêt sur la dette américaine n’ont pas augmenté. Que vous inspire ce constat ?

Mes électeurs m’interrogent souvent sur l’assurance-vie, épargne préférée des Français. Depuis quelques mois, le montant des retraits dépasse celui de la collecte, en raison d’un transfert des placements vers l’immobilier, mais aussi de l’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite. De quelles garanties bénéficient les fonds en euros ? Leur rendement a baissé depuis quelques années. Quel est, selon vous, l’avenir de cette forme d’épargne ?

M. Jean Grellier. À l’initiative du président de l’Assemblée nationale, une mission d’information s’est penchée sur la question de la compétitivité de l’économie française et, à titre complémentaire, sur le financement de la protection sociale. Elle n’a pu conclure, faute d’accord entre les deux co-rapporteurs mais, à travers les différentes auditions, ses membres ont pu constater que cette compétitivité n’était pas seulement affaire de coûts, mais également d’éléments « hors-coûts », structurels : niveau de gamme insuffisant de nos produits, trop faible développement de la recherche et de l’innovation, manque d’entreprises de taille intermédiaire, relations difficiles entre les grands donneurs d’ordres et leurs sous-traitants, défaut d’attrait des formations technologiques... Pour y remédier, missions, assises, états généraux et audits de toutes sortes ont appelé à un retour de l’État stratège. C’est aussi la conclusion d’un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental. Comment définiriez-vous cet État stratège ? Sous quelles formes devrait-il intervenir pour corriger les défauts structurels de notre économie, en particulier dans le secteur industriel où de nombreuses filières souffrent de pertes d’activité et d’emplois ?

M. Franck Reynier. Si nous souhaitons redonner de la compétitivité à nos entreprises, il nous faudrait une fiscalité qui pèse moins lourdement sur le travail et donc qui mettre également à contribution le marché financier. La taxation sur les transactions financières fait l’objet de réflexions au niveau européen. Sans attendre les décisions communautaires, la France ne pourrait-elle prendre des initiatives en la matière comme l’a déjà fait l’Angleterre, avec la taxe dite stamp duty ?

Le secteur de l’énergie nucléaire traverse une période difficile après l’accident de Fukushima et le désengagement de certains pays, mais aussi avec les retards pris dans la construction des réacteurs à eau pressurisée (EPR) ou encore avec les interrogations sur les activités minières d’AREVA. Il est d’autant plus nécessaire, dans cette période politique charnière, d’adopter des positions claires. À Tricastin, le Président de la République a réaffirmé le soutien de l’État à la filière nucléaire. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

M. William Dumas. À vous entendre, monsieur le ministre, rien n’est de la faute du Gouvernement ni de la politique menée depuis cinq ans. Pourtant, Mme Carole Sirou, présidente de Standard and Poors’s France, a déclaré mardi dernier que, dès 2005, son agence avait alerté la zone euro, signalant des risques sur les finances publiques et des problèmes de compétitivité. Il semble que personne n’en ait alors tenu compte. Les gouvernements de l’époque, auxquels participait en France notre actuel Président de la République comme ministre de l’économie, n’auraient-ils pas dû écouter cet avertissement et s’efforcer d’anticiper ?

Dans le journal Le Monde du 8 décembre dernier, un autre dirigeant d’une agence de notation allait encore plus loin, soulignant la dégradation de notre commerce extérieur, parlant même de contre-performance. Qu’en est-il exactement et qu’en pensez-vous ?

Mme Anne Grommerch. Constituant un de nos principaux viviers d’emplois, nos PME et nos TPE devraient être au cœur de notre stratégie de réindustrialisation. Or de nombreux chefs d’entreprises nous font part de leurs difficultés pour obtenir des financements bancaires. De quels moyens disposons-nous pour y remédier ? Selon les dirigeants des banques, 80 % des dossiers reçoivent une réponse favorable mais il ne s’agit que des dossiers présentés. Combien de démarches n’atteignent même pas ce stade ?

Les établissements financiers se montrent inquiets des normes proposées dans le cadre de « Bâle III ». Ils n’ont en effet que jusqu’à 2015 pour porter à 4,5 % le ratio de leurs fonds propres de meilleure qualité. Or l’économie mondiale reste fragile : une application trop prompte de ces nouvelles règles ne risque-t-elle pas d’étouffer la reprise ? Ne peut-on en envisager le report ?

M. le président Serge Poignant. Merci mes chers collègues ; Monsieur le ministre, vous disposez maintenant du temps que vous souhaitez pour répondre à ces différentes questions.

M. le ministre. M. François Brottes m’a demandé si l’on parlait de croissance économique au sein des instances internationales, notamment européennes. Lors des réunions du G20 de Toronto puis de Londres, les participants, qui représentent 85 % de l’économie mondiale, n’avaient chaque fois traité qu’un seul thème : au cours de la première, la consolidation budgétaire par la réduction des déficits publics ; au cours de la seconde, tenue au moment de la crise, la relance économique. En revanche, le G20 de Cannes a accordé à ces deux questions un traitement plus équilibré, grâce à un intense travail diplomatique qui a convaincu des pays comme le Canada, le Brésil et la Chine de la nécessité de s’engager en faveur de normes juridiques et de politiques publiques précises. Dès lors, les pays qui le peuvent mèneront une politique de relance pour soutenir la croissance mondiale, et les pays qui le doivent pratiqueront la consolidation budgétaire. Comme presque tous les autres pays européens à l’exception de l’Allemagne, la France se situe plutôt dans la deuxième catégorie car l’adoption d’une politique de relance impliquerait d’accroître les dépenses publiques, et donc d’aggraver notre déficit, tout en réduisant les recettes.

Nous devons, sans pour autant nous soumettre aux diktats des experts internationaux, procéder à des choix compatibles avec la situation de nos finances publiques. Nous avons ainsi dû abandonner le dispositif dit Scellier, de défiscalisation de certains investissements immobiliers, apparemment connu du monde entier – le FMI m’a interrogé sur le sujet, ce qui démontre d’ailleurs, si besoin était, que nos comptes publics sont scrutés ligne par ligne par les observateurs du monde entier !

Des études d’impact ont bien été menées sur le passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 % – je vous les transmettrai. Elles montrent que l’incidence de ce relèvement est relativement marginale. Plus élevé, il aurait provoqué des tensions car ceux qui sont au taux de 19,6 % auraient pu demander à en bénéficier et les assujettis au taux de 5,5 % le refuser en prétextant que la marche à gravir était trop haute. Le choix retenu répond à la fois au souci de convergence fiscale avec l’Allemagne, où le taux intermédiaire de TVA est également de 7 %, et à celui d’une modération du poids de cette taxe indirecte.

L’augmentation des tarifs du gaz résulte directement de l’augmentation sensible du prix des matières premières au cours de cette année. La France a besoin d’une stratégie d’approvisionnement énergétique qui intègre des prévisions de financement à vingt ou trente ans, pour réduire la dépendance à l’égard du marché à court terme, dit spot. La hausse des tarifs s’impose à tous les pays importateurs mais elle doit rester modérée afin de préserver le pouvoir d’achat. Alors que la logique économique conduisait à une augmentation de l’ordre de 10 %, le gouvernement a retenu une hausse de moins de la moitié pour le début de l’année prochaine. Le Conseil d’État a soulevé une difficulté juridique, qui tient à ce que notre première décision ne permettait pas de répercuter immédiatement l’évolution du coût d’approvisionnement. Mais nous discutons avec les fournisseurs de la nature de leurs contrats, souhaitant les inciter à adopter une stratégie qui garantisse à la fois notre indépendance énergétique à long terme et une meilleure rentabilité : certains déséquilibres doivent être corrigés. L’augmentation à venir, annoncée au plus tard en début de semaine prochaine, devrait se situer autour de 4,4 %.

L’Allemagne dépend de l’énergie nucléaire à hauteur de 25 %, alors que nous en dépendons pour près de 80 %. Il est donc normal que nos choix ne soient pas les mêmes. La France ayant opté en faveur du maintien du nucléaire, les tribulations de cette année ne devraient pas entraîner de conséquences sur l’emploi chez Areva. Elles peuvent, en revanche, avoir un impact sur la stratégie de ce groupe qui voit ses activités se réduire, spécialement en Allemagne. On ne peut pas tout demander à une entreprise : une stratégie d’investissement s’accompagne nécessairement d’une adaptation à l’évolution des besoins et des marchés.

Je remercie M. Daniel Fasquelle de son soutien. Les encours de crédits distribués aux PME par les banques ont augmenté de 5,5 % au cours des douze derniers mois, soit quatre points au dessus de la moyenne européenne. Nous avons, il y a deux mois, connu quelques inquiétudes et, de ce fait, tenu des réunions de place à intervalles réguliers afin d’observer précisément la situation avec les responsables des grandes banques. Le Premier ministre a également demandé au gouverneur de la Banque de France de s’assurer de la fluidité de l’accès au crédit. La décision prise par la Banque centrale européenne (BCE) devrait, à l’avenir, éliminer une partie du danger entrevu : aucune banque ne pourra désormais justifier une attitude de repli. N’hésitez donc pas, pour les entreprises comme pour les particuliers, à nous signaler des anomalies, à en saisir le médiateur du crédit ou bien le préfet. Nous disposons, au ministère des finances, d’une cellule à qui remonte ces informations.

Le projet de taxe sur les chambres d’hôtel est abandonné.

La simplification des procédures administratives fait l’objet d’une feuille de route fixée par le Président de la République, mais sa mise en oeuvre risque d’être un peu longue. Nous entendons supprimer toute une série de contraintes, à l’exception toutefois de celles qui sont dues à la réglementation européenne, à laquelle nous ne pouvons déroger.

La situation de SeaFrance, à laquelle nous portons une grande attention, sera évoquée, le 19 décembre prochain, lors d’une audience du tribunal de commerce. Une seule offre de reprise a été présentée mais le financement fait défaut... Nous aurons au début de l’année prochaine la décision du tribunal, et nous verrons ce qu’il est possible de faire pour assurer le maintien de l’emploi dans la région de Calais.

MM. Jean Dionis du Séjour, William Dumas et d’autres ont soulevé la question d’une dégradation éventuelle de la note de la France par les agences financières spécialisées. Mais Moody’s et Standard & Poor’s ont placé toute la zone euro sous le même régime de surveillance, y compris l’Allemagne, pourtant considérée comme le bon élève. Sont concernés la dette publique, les fonds et les établissements publics de tous ces États. Et si, ici, on ne parle que de la France, croyez bien qu’il en est de même ailleurs : aux Pays-Bas ou en Autriche, on ne parle que de la dégradation de la note néerlandaise ou autrichienne ! C’est l’ensemble de la zone qui, fragilisée certes à des degrés divers, risque d’être dégradée en raison de sa trop faible gouvernance. Il revient donc aux États et aux institutions européennes de jouer leur rôle. L’accord intervenu vendredi dernier répond point par point aux interrogations nées de la crise que nous connaissons depuis dix-huit mois, qu’il s’agisse de la gouvernance, des sanctions, de la solidarité ou de la consolidation budgétaire, qui se fera selon un calendrier et des méthodes communs pour tous les pays membres de la zone euro. Le message envoyé par les agences n’est qu’un élément à considérer parmi d’autres. À garder l’œil continuellement rivé sur l’évolution des marchés, on se prive de la distanciation nécessaire pour élaborer une stratégie. Je rappelle que nous avons arrêté la nôtre depuis deux ans ; elle comporte des réformes en profondeur : réforme des retraites, RGPP, réduction des dépenses de l’État et de l’assurance maladie, gel des dotations aux collectivités locales, suppression progressive d’un certain nombre de niches fiscales… Mais nous avons besoin de croissance. Les mesures prises à cette fin dans les précédents budgets, notamment pour protéger le pouvoir d’achat, ont donné de bons résultats : ainsi, au dernier trimestre, la consommation a permis un rebond de croissance de 0,4 %, malgré l’effacement de 11 milliards de niches fiscales. Notre dispositif était donc bien calibré mais il faut tenir compte du ralentissement économique général. Nous subirons inévitablement l’effet des incertitudes quant à l’évolution de l’économie américaine et des économies émergentes, pour ne pas parler de l’instabilité de la zone euro. Nous en avons déjà tenu compte en corrigeant notre prévision de croissance pour 2012 et nous faisons le pari que les décisions prises aujourd’hui produiront des résultats à terme. Mais nous connaîtrons d’ici là quelques semaines difficiles.

Nous ne voulons pas nous situer dans la perspective d’une dégradation de la note de la France. Nous pouvons toutefois, comme travail d’école, réaliser une simulation de son incidence sur le service de la dette publique. Dans cette hypothèse, une augmentation d’un point du taux d’intérêt pour les obligations à dix ans représente un surcoût d’environ deux milliards la première année, d’un peu moins de quatre la deuxième, pour atteindre, au bout de huit ans, quatorze milliards par an. Ce qui n’est pas négligeable. Cependant, paradoxalement, alors que la zone euro n’a jamais traversé de crise aussi violente, jamais non plus la France n’a emprunté à des taux aussi bas ! Ils sont aujourd’hui en moyenne de 3,2 %, contre 3,5 % il y a six mois, alors que la crise s’est encore aggravée. Prudemment, nous avons prévu dans la loi de finances pour 2012 un taux de 3,7 % à dix ans, alors que, comme je viens de le dire, il s’établit aujourd’hui à 3,2 %. Nous disposons donc d’un peu de marge. Même si elle constitue toujours le deuxième poste budgétaire civil de l’État, la charge annuelle de la dette reste de 49 milliards. Cela étant, en cas de décrochage – que nous refusons d’envisager –, nous passerions dans un autre monde : les mesures fiscales se révéleraient insuffisantes et il faudrait en venir à une coordination des politiques publiques à l’échelle européenne.

Concernant le surendettement des ménages, monsieur Dionis du Séjour, nous connaissons votre engagement en faveur d’un fichier positif des crédits aux particuliers. Sollicités par la CNIL, nous n’avons pu encore donner suite à cette suggestion et je ne sais si nous pourrons présenter des dispositions prochainement, compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire. Vous allez déposer une nouvelle proposition de loi…

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a urgence !

M. le ministre. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, permet déjà un accompagnement des ménages surendettés ! Mais je reste à votre disposition pour reparler du sujet.

Monsieur Daniel Paul, le texte de l’accord intergouvernemental européen sera définitivement fixé en mars prochain. Selon la qualification juridique arrêtée, nous déterminerons alors le cheminement à suivre pour l’intégrer dans notre droit public. S’il s’agit d’un protocole additionnel, une révision constitutionnelle ne sera pas nécessaire. La seule clause pouvant obliger à une telle révision est évidemment la règle d’or et, compte tenu de la position prise par la gauche, nous ne pourrons, hélas, régler cette question qu’après l’élection présidentielle.

Concernant les nouveaux outils d’investissement pour les entreprises, je vous ferai parvenir ma réponse par écrit.

Madame Annick Le Loch, l’entreprise Lagassé Communications et Industries a en effet rencontré des problèmes indépendants de son activité puisqu’on soupçonne un de ses actionnaires de malversations. Le comportement d’EADS, dont elle est un sous-traitant, n’est donc pas en cause. Le dossier est suivi par le cabinet de M. Eric Besson, ministre chargé de l’industrie, et par le préfet du Finistère. Des solutions sont possibles, en liaison avec EADS, principal client de la société. Nous pourrons faire le point avant la fin de l’année.

Madame Frédérique Massat, les chiffres que j’ai cités en matière de croissance émanent de l’INSEE et non du Gouvernement. Ceux du dernier trimestre devraient être un peu moins bons en raison du ralentissement de l’activité. En tout état de cause, nous essayons de protéger les plus fragiles de nos concitoyens : aucune des mesures que nous avons prises n’a d’incidence sur les minima sociaux, ni sur les prestations sociales ou de redistribution.

Mme Christine Lagarde avait pris l’initiative d’encadrer les frais bancaires. Je tiens les statistiques correspondantes à votre disposition.

Le statut des auto-entrepreneurs a été aménagé afin d’éviter des distorsions de concurrence, notamment au détriment des artisans. Faut-il aller plus loin ? Je n’exclus rien mais je vois mal comment proposer un nouveau dispositif avant la fin de la législature. L’emballement des débuts semble maintenant maîtrisé mais il faut rester attentif aux risques de concurrence déloyale à l’encontre de secteurs traditionnels qui constituent le principal vecteur de l’emploi de proximité, particulièrement précieux en période de crise. Investissant par ailleurs d’importants moyens dans la formation professionnelle et dans l’apprentissage, il nous faut veiller à préserver l’équilibre entre le besoin de liberté de l’entrepreneur, auquel a bien répondu le régime des auto-entrepreneurs, et l’exigence d’équité économique, que pourrait menacer le plafond de 50 000 euros.

Je suis reconnaissant à M. Jean-Pierre Nicolas de son appui à l’action du Gouvernement. L’accord européen devrait permettre de restaurer progressivement la confiance. Je tiens à insister sur un de ses points, passé inaperçu, mais essentiel aux yeux des ministres des finances. L’implication du secteur privé dans la résolution de la crise grecque a été regardée par les marchés comme le « virus » responsable de la déstabilisation de la zone euro et elle a entraîné leur défiance. Je tiens à vous dire que le cas grec est et restera un cas exceptionnel.

La co-entreprise entre la CDC et La Banque postale pour le financement des collectivités locales devrait être opérationnelle en mars prochain.

Afin de faciliter l’accès des collectivités locales au crédit, le Premier ministre a annoncé une première enveloppe de trois milliards. Le marché de l’accès aux liquidités s’étant considérablement réduit à la fin de l’été en raison du départ des fonds américains et les prêts aux collectivités locales n’étant pas très rentables pour les banques, celles-ci se sont réorientées vers les opérations dégageant de meilleurs marges. Les trois milliards initialement arrêtés se sont donc révélés insuffisants : nous avons rajouté deux milliards afin de réaliser la jonction entre le règlement du problème Dexia – nous espérons obtenir gain de cause auprès de la Commission européenne à ce sujet – et la mise en place de la joint venture entre la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale. D’autres opérateurs tels que le Crédit agricole continueront d’intervenir naturellement sur ce marché.

Mademe Pascale Got, grâce à l’accord de Strasbourg, dit Monti-Merkel-Sarkozy, on ne prend plus l’opinion publique à témoin des difficultés auxquelles nous exposerait la BCE. Comme vous le savez, la France aurait voulu que celle-ci accorde une licence bancaire au FESF, le Fonds européen de stabilité financière mais, dans la mesure où le mécanisme européen de stabilité constituera un dispositif plus large que la BCE gérera, et dans la mesure aussi où la banque centrale a, de sa propre initiative, pris les décisions nécessaires quant à la baisse des taux d’intérêt et à l’accès aux liquidités, il lui appartient de définir sa politique, conformément à son statut d’institution indépendante. Nous ne la ferons donc plus intervenir dans le champ des décisions intergouvernementales. Elle a beaucoup évolué, elle sait ce qu’elle a à faire, elle joue désormais un rôle important. Mais on ne saurait comparer son action à celle de la Réserve fédérale américaine (FED), de la Banque d’Angleterre ou de la Banque nationale suisse. L’histoire nous dira donc si la BCE doit encore évoluer. Mais nous n’avons pas discuté d’une modification de traité visant à remettre en cause son indépendance.

La situation actuelle de l’assurance-vie résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : les dernières mesures fiscales, l’arrivée à la retraite d’une partie des générations du baby-boom, quelques interrogations sur la rentabilité de ces produits et, peut-être aussi, l’adoption de positions d’attente. Quoi qu’il en soit, des garanties existent sur les actifs en assurance-vie comme sur les actifs bancaires. Nous observons l’évolution des choses mais nous ne sommes pas inquiets. La principale question est plutôt de savoir comment l’assurance-vie, qui draine plus de 16 % de l’épargne française, pourrait irriguer au mieux l’économie productive.

Monsieur Jean Grellier, vous pouvez déduire la définition de l’État stratège de la politique que nous menons pour faire face à la crise ! Nous avons subi un effondrement des recettes et nous n’avons pas pour autant augmenté les impôts. Nous avons élaboré un plan de relance et organisé un grand emprunt afin de financer des investissements d’avenir. Nous avons réformé les universités et le crédit impôt recherche, créé le Fonds stratégique d’investissement et la banque publique pour le soutien aux PME. Ces mesures ont un coût mais, de même qu’il n’est pas d’agriculteur qui sème sans récolter un jour, un État qui a autant semé que le nôtre en récoltera forcément une modernisation et une compétitivité accrue pour notre économie.

Monsieur Franck Reynier, la question du coût du travail sera probablement au coeur du débat lors de l’élection présidentielle. Des idées circulent. Certains voudraient fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu, d’autres faire baisser le coût du travail en élargissant l’assiette de la fiscalité, par exemple en instituant une TVA sociale. Mais il ne faut pas confondre l’effet et la cause : la TVA sociale ne saurait, par elle-même, tenir lieu de projet politique car l’objectif doit être de réindustrialiser notre pays en rendant de la compétitivité à nos entreprises. C’est sur cette base qu’il convient de déterminer ensuite les mesures à prendre pour réduire le coût du travail. Comment, dans le cadre de la convergence fiscale européenne, notamment avec l’Allemagne, le faire évoluer afin de ne plus faire peser sur les seuls salariés le poids de la solidarité nationale ? Où trouver de nouveaux modes de financement qui n’altèrent pas notre modèle social ? Ces questions seront tranchées par les Français lorsqu’ils choisiront entre les propositions des candidats à l’élection présidentielle.

Notre commerce extérieur souffre d’une faiblesse structurelle qui s’explique, en partie, par ce que je viens de dire sur le coût du travail.

Madame Anne Grommerch, l’Autorité bancaire européenne a demandé aux banques de porter leur ratio de fonds propres à 9 % en juin prochain, soit, pour les banques françaises, une recapitalisation à hauteur de 7,3 milliards, sans appel au soutien public – ce qui pourrait être considéré comme une norme « Bâle deux et demi », ou encore « Bâle III moins six ans » puisque cela revient à leur demander d’appliquer maintenant une norme qui n’aurait dû entrer en vigueur qu’en 2017. Mais elles sont en mesure de le faire et, en tout état de cause, elles le doivent, en vertu de l’accord européen.

Cela étant, le problème n’est pas tant l’application de Bâle III à l’intérieur de la zone euro, car les régulateurs y veilleront, que son application à l’extérieur de cette zone, notamment par les Américains, qui n’en sont même pas encore à Bâle II. Nous en discutons donc au sein du G20.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie, monsieur le ministre pour vos réponses et soyez certain que notre Commission ne manquera pas d’être attentive aux suites qui seront données à ce sommet européen et aux annonces que vous avez faites.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 13 décembre 2011 à 16 h 15

Présents. - M. Alfred Almont, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Marc Lefranc, Mme Annick Le Loch, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul M. Serge Poignant, M. Franck Reynier

Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, M. Michel Raison, Mme Chantal Robin-Rodrigo

Assistaient également à la réunion. - M. Dominique Dord, M. Lionnel Luca,