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Commission des affaires économiques

Mercredi 21 décembre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Herteman, président-directeur général de Safran.

La commission a auditionné M. Jean-Paul Herteman, président-directeur général de Safran.

M. le président Serge Poignant. Nous avons aujourd’hui le plaisir de recevoir M. Jean-Paul Herteman, PDG de Safran, que je remercie de sa présence.

Durant ce mois de décembre – et ce sera aussi le cas en janvier prochain –, nous organisons des auditions de dirigeants de grandes entreprises de secteurs variés. Ainsi, nous avons déjà reçu M. Philippe Varin, pour PSA, et, hier, M. Carlo Bozotti, PDG de STMicroelectronics, afin d’aborder avec eux les enjeux auxquels les industriels implantés en France sont confrontés.

Je vous propose donc, monsieur Herteman, de présenter le groupe Safran, ses activités, ses résultats, sa stratégie de développement, mais également d’évoquer le rapprochement, d’une actualité brûlante, de ses divisions optronique et navigation inertielle avec celles de Thales, puisque vous vous êtes engagés à fonder une co-entreprise.

Enfin, deux problématiques, qui me semblent fondamentales pour l’industrie française, intéressent au plus haut point les membres de cette commission.

Tout d’abord, celle de la conquête des marchés émergents – et, en particulier, de celui de la Chine – dont nous savons qu’ils tirent la demande mondiale. Quelle stratégie mettez-vous en place pour y accroître vos parts de marché ? Êtes-vous confrontés à la concurrence d’entreprises locales ? Implantez-vous vos usines sur place ou conservez-vous votre base industrielle en France ? En d’autres termes, un probable recentrage de vos ventes vers l’Asie profitera-t-il à l’emploi en France ?

Ensuite, celle de l’innovation technologique. Quels moyens consacrez-vous à l’amélioration technologique de vos produits ? Quels sont les progrès affichés par le moteur LEAP, qui devrait prendre la relève de votre moteur historique qu’est le CFM 56 – vous aviez alors créé une co-entreprise avec General Electric (GI) –, et peut-être procèderez-vous donc aujourd’hui à partir du même modèle ? Plus généralement, quelles avancées technologiques peut-on attendre dans votre secteur ? Quel est le calendrier de réalisation de l’avion électrique, sur lequel vous souhaitez être leader ? Enfin, quels gains escomptez-vous de l’intégration de modules électriques dans les avions en termes d’économies de carburant et d’émissions de CO2 ?

M. Jean-Paul Herteman, président-directeur général de Safran. Safran est un équipementier qui travaille dans les secteurs de l’aéronautique, de la défense et de la sécurité, ces trois pôles étant d’ailleurs fréquemment associés. Il se caractérise par un haut niveau technologique – ainsi qu’une haute criticité de ses applications : pour un avion, nous réalisons par exemple le moteur, les trains d’atterrissage, les freins, les systèmes électriques ; dans le domaine de la sécurité, nous travaillons les applications identitaires de la biométrie, les contrôles d’accès aux frontières, la détection des explosifs dans les aéroports. Entre l’industriel et son maître d’œuvre – avionneur, compagnie aérienne, agence étatique –, toutes ces fonctions requièrent l’établissement de relations de confiance sur la très longue durée.

Nous sommes en pole position mondiaux dans nombre d’activités et, lorsque cela n’est pas le cas, nous nous situons parmi les deux, trois ou quatre premiers. En détenant un peu plus de 50 % des parts de marché mondial des moteurs des avions de transport de passagers de plus de cent places, nous sommes leaders grâce à l’exemplaire partenariat transatlantique noué par les industriels en 1972, validé par les présidents Nixon et Pompidou un an plus tard et prolongé, depuis le salon de Farnborough, jusqu’en 2040. Même si cela est moins connu, nous sommes également le premier constructeur mondial de turbines d’hélicoptères en détenant, là encore, à peu près la moitié du marché mondial environ – je rappelle que Turbomeca a été fondée dans les années sombres par un génial ingénieur polonais, Joseph Szydlowski. Enfin, nous sommes également premiers seuls, ou ex aequo, dans le domaine des trains d’atterrissage, des freins ainsi que des systèmes électriques des avions, et premier acteur mondial dans le domaine de la sécurité biométrique.

Nous réalisons presque 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont quasiment 80 % à partir de nos exportations. Nous employons 57 000 personnes, dont 34 000 en France. Notre actionnariat est quant à lui atypique, puisque l’État détient 30 % du capital, les salariés 17,5 % – et 25 % à 26 % des droits de vote –, le reste étant détenu par les marchés financiers : les investisseurs se répartissent en trois tiers entre Français, Britanniques et Américains.

Safran se porte bien, à l’instar de l’industrie aéronautique, même si ce secteur sera affecté par les répercussions économiques de la crise financière européenne. Quoi qu’il en soit, le marché est soutenu par la montée en puissance des grands pays émergents, le trafic aérien croissant en moyenne, dit-on, deux fois plus vite que le PIB – nous disposons donc d’un formidable levier de croissance dans les pays à forte augmentation de PIB et dans lesquels le transport aérien est encore très peu utilisé. À cela s’ajoute, compte tenu du prix relativement élevé du pétrole, le besoin impérieux de remplacer des avions anciens très gourmands en carburant : entre les avions qui datent du milieu des années 80 et les derniers modèles, les économies s’élèvent en effet entre 30 % et 40 %.

Avec près de 10 % d’augmentation, nos résultats sont en nette progression cette année et il devrait en être de même l’an prochain. Nos investissements en recherche et développement (R&D), qui étaient élevés, ont encore augmenté : nous nous situons au vingt-cinquième ou vingt-sixième rangs des sociétés françaises. Plus précisément, ils s’élèveront l’an prochain à 1,6 milliard, ce qui représente plus de 12 % du chiffre d’affaires, mais là est la clé du succès : nos prédécesseurs ont construit Safran à partir de l’innovation technologique et nous continuons dans leur lignée.

S’agissant des brevets, nous sommes le cinquième déposant français de brevets.

Pour ce qui est de l’innovation technologique, je souhaite vous rapporter trois anecdotes.

Safran – alors Gnome et Rhône – réalise des moteurs d’avions depuis 1909. Deux industriels lyonnais, les frères Seguin, qui possédaient une forge à Gennevilliers – que nous avons toujours –, ont eu l’idée géniale sur le plan technologique de faire tourner le moteur à pistons en étoile, refroidi par air, autour d’un arbre de rotation fixe. Si bien qu’en 1915, ils étaient, de loin, les premiers constructeurs de moteurs d’avion au monde.

Dans le domaine de l’identité biométrique, deux chercheurs du laboratoire de morphologie mathématique – unité mixte de recherche entre l’Ecole des Mines de Paris et le CNRS – lancent leur entreprise à Fontainebleau, en 1973. Aujourd’hui, leur société emploie 8 000 personnes, réalise 1,5 milliard de chiffre d’affaires et constitue la plus importante entité mondiale de ce secteur.

Gnome, devenu Gnome & Rhône puis Secma, possédait une usine de moteurs d’avions boulevard Kellermann. Lorsque cette usine a été transférée sur un site de la ville nouvelle Evry-Corbeil en 1969, Paul Delouvrier a décidé qu’un laboratoire de matériaux associé au CNRS devait s’implanter dans les mêmes locaux : il y est toujours ! J’ajoute que, depuis 25 ans, nous sommes co-propriétaires avec le CNRS et le CEA d’un laboratoire de recherche fondamentale sur les composites thermo-structuraux à Bordeaux.

Je vous ai rapporté ces trois anecdotes pour vous montrer comment se développe une société comme Safran.

Sans les exportations, Safran n’existerait pas : nous construisons deux à trois moteurs de Rafale par mois et 120 moteurs CFM 56 pour Airbus et Boeing ; Air France est certes un très gros et très fidèle client mais la flotte de moteurs que nous y avons pèse seulement un peu plus de 1 % de notre flotte totale.

Nous veillons à avoir une empreinte mondiale, sachant que la Chine est aujourd’hui le premier marché en matière d’aviation civile. Et comme nous ne pouvons pas procéder à l’entretien des moteurs que nous avons dans ce pays à partir de notre seule usine de Saint-Quentin-en-Yvelines, nous sommes présents sur place. Toutefois, nous avons à cœur de conserver notre noyau dur industriel et technologique sur le sol national : cela ne relève pas seulement d’un devoir social ou sociétal mais d’une forte logique industrielle – les trois quarts de nos investissements industriels sont d’ailleurs réalisés en France. Nous avons ainsi investi 110 millions d’euros – et nous en sommes très satisfaits – dans la construction d’une usine très performante à côté de l’usine originelle de Turbomeca, à Bordes, où il n’était plus possible de fabriquer des produits industriels de classe mondiale.

Plus récemment, nous venons d’investir 53 millions d’euros à Montluçon afin de construire une nouvelle usine Sagem où l’on fabrique des centrales de navigation inertielle de très haute précision. Il s’agit là d’une technologie que seuls les États-Unis et la France maîtrisent.

De la même manière, nous avons procédé au déplacement d’un établissement de fabrication de régulateurs hydromécaniques pour moteurs d’hélicoptères que nous possédions à Mézières-sur-Seine, à côté de Mantes-la-Jolie, de l’autre côté de cette ville. Nous respectons la même logique qui consiste à garder les compétences et à conserver une étroite proximité entre centres de décision, de conception et de production. Nous travaillons dans des domaines très stratégiques dans lesquels le succès d’un produit se construit sur dix ou trente ans. Les mauvais choix, en la matière, peuvent ne pas pardonner. À la limite, nos activités relèvent plus de l’artisanat de haut vol que de l’industrie de grandes séries et de gros volumes. Il faut une très grande proximité entre le concepteur et le réalisateur. Ainsi, lorsque nous construisons une usine, nous plaçons le bureau d’études en son cœur : c’est un sacré atout !

Par ailleurs, nous préparons de nouveaux investissements. Ainsi le LEAP, successeur du CFM 56, fera-t-il appel à des technologies très avancées dans le domaine des matériaux composites. Nous allons créer une nouvelle usine en Lorraine, ces pièces étant de surcroît tissées sur des Métiers Jacquard fabriqués par un industriel français.

Cependant, tout ne va pas non plus pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nos coûts de mains d’œuvre, par exemple, ne constituent pas un atout vis-à-vis de nos concurrents américains ou britanniques – qui sont aussi, parfois, nos grands partenaires. Dans bien des cas, nous parvenons à les compenser mais notre handicap n’en demeure pas moins.

Le taux de change entre l’euro et le dollar, quant à lui, ne nous assure pas un niveau de compétition égal avec les États-Unis – c’est aussi vrai pour toute l’industrie aéronautique européenne, y compris allemande. Nous serions sur un pied d’égalité pour un taux de l’ordre de 1,15 ou 1,20 dollar pour 1 euro. Dix centimes de plus coûtent deux points de marge à Safran et trois points à EADS. Le niveau de profitabilité de Safran, d’environ 10 %, demeure toutefois très honorable, même si celui de nos grands concurrents américains se situe plutôt entre 15 % et 20 %.

Dans les secteurs du transport aérien civil, de la défense et de la sécurité technologique, la demande devrait quant à elle rester très forte sur le moyen et long terme en croissant en moyenne plus vite que la richesse mondiale. Plus précisément, dans les quarante dernières années, le transport aérien a crû en moyenne deux fois plus vite que le PIB mondial en étant multiplié par dix. Cela a été rendu possible parce que, dans le même temps, les progrès technologiques ont permis de diviser par quatre la consommation en carburants fossiles par passager. Dans les vingt ans à venir, nous la diviserons encore par deux. Le transport aérien continuera ainsi d’augmenter, mais son empreinte carbone sera neutre à partir de 2025 ou 2030, grâce non seulement à de meilleures performances technologiques des moteurs, mais aussi au recours progressif à des biocarburants qui ne mettront pas en péril l’ensemble de la chaîne agro-alimentaire.

Dans le domaine de la sécurité – notamment dans les transports et en respectant, bien entendu, la liberté individuelle –, les besoins à venir sont immenses. L’Inde, par exemple, ignorait la carte d’identité et s’apprête maintenant à délivrer à son 1,3 milliard d’habitants des cartes qui seront sécurisées par une double technique de biométrie – empreintes digitales et iris de l’oeil. Safran est au cœur de cet immense projet dont les perspectives sont colossales. La première application concrète dérivée de cette carte d’identité sera l’accès à la sécurité sociale des classes les plus défavorisées. La Chine suivra vraisemblablement la même voie. Paradoxalement, dans ce domaine, les développements proviennent donc parfois plus des pays émergents que de la vieille Europe – étant entendu que les États-Unis demeurent le premier marché pour ce type de produits et le prescripteur de technologies en la matière. Nous avons donc beaucoup investi dans ce pays en procédant à des acquisitions.

Le CFM 56 – CF pour Civil Fan, marque commerciale de General Electric, et M. 56 pour cinquante-sixième avant-projet de Snecma – est le plus gros succès de l’histoire de l’aviation. Nous avons commencé à investir sur ce projet en 1972, et le retour sur investissement a eu lieu plus de vingt ans plus tard. Nous avons réalisé sept ou huit versions de ce moteur, mais il est temps maintenant de passer à une génération nouvelle, et ce sera le LEAP, qui permet de réduire la consommation de 15 % et le bruit de 50 % par rapport au dernier modèle de CFM 56. Clin d’œil de l’histoire : le premier client a été un avionneur chinois qui n’existait pas il y a quatre ans ; un an après, nous avons été sélectionnés en double source par Airbus et, cette année, nous l’avons été – en simple source, cette fois – par Boeing comme nous le sommes pour le Boeing 737 depuis 1983. Nous avons beaucoup travaillé pour parvenir à un tel résultat. La clé du succès ? Des choix technologiques qui ont été effectués au milieu des années 90 : si nous nous étions trompés, nous l’aurions payé très cher vingt ans après. En l’occurrence, le LEAP se positionne sur le marché aussi bien que son prédécesseur, ce qui est d’autant plus précieux que c’est rare.

L’une des évolutions voire révolutions pour les avions du futur résidera dans le passage de l’énergie hydraulique – pour piloter et manœuvrer l’avion – à l’électricité en plaçant des petits moteurs électriques dans les roues. Nous parviendrons ce qui se fait aujourd’hui à faire rouler les avions au sol sans utiliser leurs gros moteurs au ralenti dans des conditions environnementales et énergétiques déplorables. L’un des axes de notre plan de recherches stratégiques consiste à être l’un des premiers acteurs mondiaux de ces technologies – c’est un domaine pour lequel nous consacrons beaucoup de R&D.

Dans le domaine de l’optronique – qui comprend notamment les techniques de visions de nuit appliquées aux forces armées –, nous avons signé hier un accord avec Thales, en présence du ministre de la défense. La France disposait de deux champions européens dans ce secteur : Safran – ex-Sagem, s’agissant des départements optronique – et Thales. Toutefois, compte tenu non seulement de ce que le client français représente une petite moitié de notre activité, mais aussi de l’évolution de la compétition mondiale, nous avons considéré qu’il était préférable de passer d’une logique de concurrence franco-française à une logique de partenariat. Encore fallait-il y parvenir tant les fusions industrielles sont assez faciles sur le papier et difficiles à mettre en œuvre : il faut que toutes les parties prenantes y adhèrent en évitant de ne pas complexifier la situation ou de déplacer les problèmes sans les résoudre. En l’occurrence, nous sommes parvenus à un accord pragmatique qui traite l’essentiel des doublons dans le respect des intérêts des actionnaires et des salariés. Nous renforçons la filiale commune qui existait déjà dans le domaine des senseurs infrarouges – il s’agit d’un aspect très important car, dans les systèmes optroniques, ce sont les capteurs qui font la différence en permettant notamment de bénéficier de la résolution d’une caméra de télévision en infrarouge grâce à la possibilité de travailler sous la température de liquéfaction de l’oxygène.

En outre, nous mettons en place une société commune – dans laquelle chaque entité disposera de 50 % du capital – afin de fabriquer tous les produits nouveaux qui se présenteront sur le marché tout en conservant les usines et les produits actuels – comme nous l’avons d’ailleurs fait avec General Electric lorsque cela était nécessaire, en laissant le bureau d’études de Snecma à Villaroche et celui de GE à Cincinnati, sans que cela ne nous empêche de prendre 55 % de parts de marché mondial.

Enfin, nous avons des projets en partenariat – partage des revenus et des tâches – tant pour la France que pour l’exportation dans le domaine des équipements optroniques.

Sans doute a-t-il fallu du temps mais, comme nous le disent nos amis russes lorsque l’on râle quand ils ne tiennent pas les délais : « Chez nous, on met du temps à atteler, mais on laboure vite ! ».

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie pour cet exposé.

Je note, en particulier, l’importance des moyens consacrés par Safran à la R&D ainsi que votre positionnement mondial, notamment en direction des pays émergents.

M. François Brottes. Les auditions se suivent et se ressemblent puisque M. Bozotti, président-directeur général de STMicroelectronics, évoquait hier le même montant d’investissements en R&D que Safran.

Les grandes et belles aventures industrielles sont mondiales, mais, en France, elles sont toujours étroitement liées à l’État et à la recherche publique – l’aérospatiale et la microélectronique ont su d’ailleurs tirer les enseignements d’une telle situation. Il est important que nous sachions à quel point un tel partenariat vous est encore utile, y compris dans le cadre du rapprochement avec Thales, et à quel point la commande publique peut avoir encore un peu d’importance. Peut-on imaginer néanmoins qu’une telle situation constitue un inconvénient à l’exportation dans le domaine de la défense ? En outre, si un tel lien est important au commencement de l’aventure, a-t-on ensuite envie de s’en défaire ou demeure-t-il essentiel ?

En tant que sous-traitant, êtes-vous bien traité, et vos sous-traitants le sont-ils ?

Enfin, s’agissant de votre rapprochement avec Thales, lorsqu’on lit la presse, on comprend que la présence de Dassault au capital de votre futur partenaire est une variable clé ? Comment faire évoluer ce dossier afin de conforter l’équipe France de l’aéronautique.

Nous comprendrions que vous ne puissiez pas répondre publiquement, de façon détaillée, à ces questions stratégiquement importantes.

M. Lionel Tardy. Certains, parmi nous, ont assisté au dernier salon du Bourget au cours duquel on nous a promis monts et merveilles à propos de l’accord entre Thales et Safran, lequel est cependant loin du « big bang » souhaité par le ministère de la défense – je rappelle que l’État est respectivement actionnaire à hauteur de 27 % et de 30 % de Thales et de Safran. Nous avions en effet compris qu’il s’agissait de créer un leader mondial dans le cadre d’un vaste échange d’actifs dans le domaine de la navigation inertielle et de la génération électrique avec Safran et de l’optronique avec Thales. Que pensez-vous d’un accord dont la durée de vie est in fine limitée entre cinq et dix ans sans que les actifs industriels soient mis en commun, puisqu’ils demeurent au sein des maisons mères ? Nous avons entendu parler d’une pression de la part des syndicats de Safran mais qu’en est-il vraiment ?

Le moteur LEAP constitue en effet un enjeu stratégique important puisqu’il équipera l’A320 Néo – le marché est de surcroît énorme avec le 737 Max de Boeing et le C 919 du chinois Comac. Quelles sont les perspectives en matière de chiffre d’affaires, étant entendu que la croissance du trafic aérien, notamment en Asie, sera supérieure à celle du PIB mondial ?

Qu’en est-il de la campagne d’essai d’un prototype de propulseur spatial électrique à effet Hall qui doit avoir lieu dans le cadre du lancement du satellite alpha 7 de Thales à l’Alenia Space en 2012 ?

Comment Safran se positionne-t-il dans le domaine des drones vis-à-vis d’autres constructeurs français et américains – ces derniers étant leaders en la matière ? Je rappelle que le drone Patroller est en cours de certification et que les drones jouent un rôle de plus en plus important dans les domaines civil et militaire.

Enfin, dans le domaine de la sécurité, vous envisagez une croissance à deux chiffres de votre chiffre d’affaires pour la période 2011-2015, notamment en raison de l’accélération des contrôles dans les aéroports. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces technologies dans lesquelles vous êtes leaders comme l’identification biométrique, la reconnaissance faciale, les passeports sécurisés ? Que sait-on faire ? Ces technologies sont-elles totalement opérationnelles ? En est-on au stade industriel ? Quelles sont les perspectives pour les cinq prochaines années ? Qu’en sera-t-il de la sécurisation de l’accès à ces données afin d’éviter leur piratage ?

M. Jean-Paul Lecoq. Safran est une grande société française dont nous pouvons tous être fiers, et je partage l’argumentation de François Brottes selon laquelle l’État contribue au rayonnement à travers le monde de telles sociétés.

Vous nous dites, monsieur le président-directeur général, que deux tiers des effectifs de Safran sont en France, mais nous souhaiterions connaître la tendance en matière d’emploi. Dans ma circonscription, à Gonfreville-L’Orcher près du Havre, où se trouve l’usine Aircelle, nous aurions en effet pu accueillir les ateliers nécessaires aux nouveaux projets de nacelles, pour l’A320 Néo notamment, mais c’est Casablanca qui a été choisie. Cela nous inquiète parce que nous avons besoin d’emplois industriels en France et nous nous demandons s’il ne faudrait pas y voir le début d’une délocalisation. Mme Nadine Morano nous a expliqué à cet égard, au nom du Gouvernement, qu’il fallait désormais parler non plus de délocalisation, mais de « colocalisation ». Pouvez-vous nous dire ce que recouvre cette notion et s’il s'agit d’une tendance pour l’avenir ?

Enfin, quel rôle l’État, actionnaire à 30 %, joue-t-il au sein du conseil d’administration pour préserver et développer les emplois industriels en France ? Votre groupe peut-il jouer un rôle en la matière?

M. Jean Gaubert. Dans l’Union européenne, la mode est aux appels d’offres pour le matériel civil. La fusion entre deux entreprises françaises, Safran et Thales, est-elle un avantage ou un inconvénient à cet égard, sachant que vous risquez d’être attaqués pour défaut de concurrence ?

M. Pierre Lasbordes. La France ne peut qu’être fière d’avoir une société comme Safran dans son giron. Vous avez réussi, monsieur le président-directeur général, à apaiser les tensions nées de la fusion Sagem-Snecma, mais votre modestie vous a interdit d’en parler !

Par ailleurs, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, je considère que, compte tenu du marché que la sécurité représente, il vous faudra faire un effort de communication pour mettre en valeur vos atouts en la matière.

Enfin, où en est votre réflexion sur le futur système de propulsion du futur lanceur Ariane ?

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le président-directeur général, le rapprochement Thales-Safran, connu depuis l’automne 2009, inquiétait les salariés – à cet égard, j’avais reçu une lettre de l’intersyndicale de l’entreprise Sagem spécialisée dans l’optronique qui se trouve sur la communauté d’agglomération de Poitiers. Sans doute l’ambition était-elle au départ beaucoup plus importante, mais, aujourd’hui, syndicats et représentants du personnel sont rassurés par l’accord du 20 décembre qui prévoit la création d’une co-entreprise à vocation commerciale. Il n’y aura donc pas de fusion.

Par ailleurs, le 16 décembre, à Séoul, vous avez obtenu un marché pour moderniser les sous-marins. Les salariés de Sagem, qui sont très impliqués dans la stratégie de l’entreprise – ils en sont actionnaires à 17 % – auraient néanmoins souhaité être mieux informés de l’évolution du dossier.

Mme Laure de La Raudière. Vous avez évoqué le niveau élevé de votre entreprise en matière de recherche et développement. Quelles sont vos relations avec les universités françaises ? Avez-vous noué des partenariats ? Quelles sont les actions mises en oeuvre suite à l’application de la loi pour l’autonomie des universités – LRU ? Avez-vous l’intention de créer, avec les universités françaises, des fondations ou des chaires sur vos sujets d’activité afin de favoriser le transfert industriel ?

Par ailleurs, vous l’avez dit, le niveau des coûts salariaux impose des efforts de compétitivité si l’on veut assurer la production dans notre pays. S’agissant de marchés qui sont en développement, ce qui est une bonne nouvelle, pensez-vous que la stabilité de l’emploi en France sera préservée ? Peut-on même imaginer des relocalisations d’activités de production dans notre pays ?

Enfin, dans le domaine de la sécurité technologique, vous avez évoqué vos actions répondant aux demandes d’État – cartes d’identité, reconnaissances morphologiques, etc. Avez-vous mis en oeuvre des outils de protection ou développé des partenariats avec d’autres sociétés pour assurer la sécurité des informations ainsi recueillies ? Avez-vous une ambition particulière pour assurer la sécurité des données afin de développer la confiance dans l’économie numérique ?

M. Kléber Mesquida. D’après nos informations, les conseils d’administration de Safran et Thales envisagent non une fusion, mais la création d’une co-entreprise commerciale limitée à l’optronique, ce qui est bien éloigné des ambitions initiales. En effet, sous l’impulsion de trois ministres de la défense successifs, de la Direction générale de l’armement et du Président de la République, l’État n’a pas ménagé sa peine, ces dernières années, pour mettre fin aux redondances entre Safran et Thales dans deux filières technologiques sensibles : l’optronique et la navigation inertielle. Le résultat est néanmoins assez décevant, et les conseils d’administration devraient examiner aujourd’hui cette hypothèse de co-entreprise. Après avoir envisagé un projet ambitieux d’échange d’actifs et fait de même avec un schéma de co-entreprise industrielle, Safran et Thales ont finalement opté pour ce que l’on pourrait appeler un minimum syndical, à savoir la création d’une co-entreprise commerciale limitée au seul domaine de l’optronique. Sachant que des contractions d’effectifs – c’est un euphémisme ! – sont toujours à craindre lorsque des regroupements interviennent, quel est le sort réservé aux salariés de vos entreprises, dont 34 000 sont employés en France ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Nous nous réjouissons de voir à quel point l’entreprise Safran est performante, monsieur le président-directeur général. Les salariés sont-ils tous actionnaires ? L’intéressement est-il global ou individuel ?

Par ailleurs, les Britanniques figurent parmi vos principaux concurrents. Pensez-vous pouvoir combler les handicaps résultant du cours de l’euro et du coût de la main-d’œuvre grâce à votre stratégie de recherche et développement, qui, si j’ai bien compris, est orientée à la hausse dans un marché caractérisé par une forte augmentation du trafic aérien ?

Sur 57 000 emplois, 34 000 sont en France, dites-vous. Pensez-vous maintenir cette proportion ou envisagez-vous de procéder à un rééquilibrage avec un secteur recherche et développement plus développé en France et une main-d’œuvre plutôt localisée dans des pays à moindre coût ?

En cette période de vœux, je vous souhaite de faire les bons choix pour les prochaines années !

M. William Dumas. Monsieur le président-directeur général, vous semblez anticiper, pour 2012, une nette amélioration de vos performances financières et viser, pour 2015, une marge courante de 15 % environ. Vous fondez ces prévisions sur la hausse des cadences de production des avions, la croissance de vos activités de services et la progression à deux chiffres de votre activité de sécurité. Mais comment pouvez-vous être si optimiste compte tenu des incertitudes de la conjoncture macro-économique actuelle et de la volatilité boursière ? Sachant que votre marché est pour 80 % tourné vers l’export, le yoyo entre l’euro et le dollar ne risque-t-il pas de peser sur vos résultats ? Combien cela peut-il représenter pour Safran ?

Les pays émergents comme la Chine tirent la croissance, nous dites-vous. Mais ne représentent-ils pas une menace pour l’avenir ? Sachant qu’ils forment quinze à vingt fois plus d’ingénieurs que nous, pensez-vous pouvoir conserver les deux tiers de vos emplois en France ?

Enfin, il est assez rare que 17 % du capital soient détenus par les salariés. Pour vous, est-ce plutôt un handicap ou une chance ?

Mme Marie-Lou Marcel. Quelles seront les conséquences sur les marchés militaire et civil de l’accord signé avec Thales pour la naissance d’une co-entreprise qui doit générer une filière industrielle créatrice d’emplois ?

La Snecma et le CNRS ont réalisé une campagne d’essai d’un prototype de propulseur spatial électrique à effet Hall. Quelles sont les vertus de ce nouveau propulseur, qui est respectueux de l’environnement et consomme moins que le système de propulsion classique traditionnel ?

Enfin, votre groupe a conclu, le 24 novembre dernier, avec quatre organisations syndicales représentatives, un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en France. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet accord qui devrait être étendu à la dimension européenne du groupe d’ici à trois ans ?

Mme Corinne Erhel. Monsieur le président-directeur général, vous consacrez environ 11 % de votre chiffre d’affaires à la recherche et développement. Votre groupe est-il membre actif de pôles de compétitivité ? Participez-vous à certains projets relatifs au grand emprunt et si oui lesquels ? Quel regard portez-vous sur ces politiques ? Que vous ont-elles apporté ? Vous ont-elles permis de maintenir des effectifs sur certains territoires ?

M. Jean-Paul Herteman. Les relations entre les pouvoirs publics et des sociétés de haute technologie de type Safran procèdent de l’évidence et existent dans tous les pays, y compris les plus libéraux, avec des moyens d’intervention qui peuvent être différents mais n’en sont pas moins très forts. Les États-Unis ont, depuis un certain temps, une définition très large de leur sécurité, qui va jusqu’aux technologies critiques et à l’approvisionnement énergique. Ils en tirent toutes les conséquences en matière de politique de recherche et développement ou de contrôle des investissements étrangers sur leur sol de sociétés contribuant à leur sécurité, au sens large. La France a suivi une politique de ce genre de façon intense dans les années 60-70, et peut-être un peu moins intensément en d’autres temps. Nous assistons à une nouvelle dynamique dans ce sens, et c’est logique car ces technologies contribuent à la souveraineté du pays.

Pour ce qui est des programmes, ils ont une durée telle qu’ils ne relèvent pas d’une logique de marché à court terme. Le CFM 56 réalisé avec General Electric est le plus grand succès de l’histoire de l’aviation civile. Or, nous avons commencé à y consacrer de l’argent en 1972 et avons été à découvert pendant bien plus de vingt ans. C’est un programme profitable sur soixante-dix ans, voire quatre-vingts ans. Au départ, bien sûr, Snecma, propriété de l’État français à 90 %, avait cette volonté d’investir sur la durée. Quant à son partenaire, General Electric, qui était purement privé, une bonne partie de sa prise de risques découlait d’un programme militaire. À chacun sa formule ! Dans le monde qui se profile à l’horizon, Airbus et Boeing continueront à dominer le marché des avions, mais le troisième avionneur mondial est d’ores et déjà brésilien. Quant à la Russie, elle cherche à reprendre une place sur ce marché que la Chine a déjà commencé à pénétrer. Et tous ces pays traiteront cette industrie comme une industrie de souveraineté. La France serait donc bien naïve de ne pas en faire autant.

Je reviendrai sur l’apport du grand emprunt pour l’avenir à vingt ou trente ans de notre industrie aéronautique et spatiale.

Oui, nous sommes sous-traitants des avionneurs, mais il n’y a rien de déshonorant à avoir Airbus, Boeing ou EADS comme client ! Quant à savoir si nous sommes bien traités, c’est comme pour tout dans la vie, cela se négocie ! Abusons-nous de l’importance des produits que nous concevons pour l’avion lui-même ? Là aussi, tout est question de négociation et d’équilibre ! Quelqu’un a souligné l’importance de l’A320 pour Airbus. Ce produit a été lancé au milieu des années 80 parce qu’un motoriste a accepté de prendre le risque de faire un moteur pour cet avion à une époque où Airbus n’avait produit que quelques centaines d’appareils, pas davantage. Et ce motoriste, c’était CFM. Historiquement, les progrès des moteurs contribuent aux progrès de l’avion pour les deux tiers selon les motoristes, pour un peu moins de la moitié selon les avionneurs. La vérité doit être entre les deux. Mais il n’y a pas de problème d’équilibre entre les avionneurs et leurs motoristes. Voyez l’histoire extraordinaire de CFM motoriste en simple source depuis 1983 du Boeing 737, l’avion le plus vendu dans le monde. En 1981 ou 1982, Southwest Airlines, la compagnie low cost texane, commande des Boeing 737 à moteur CFM ; elle doit aujourd’hui avoir 450 ou 500 avions de ce type et vient d’en commander 150 avec le moteur LEAP en simple source. Cette confiance sur le long terme est donc sans doute méritée.

Quant aux relations avec nos sous-traitants, il ne faut pas verser dans l’angélisme, mais savons bien que si nous n’avons qu’une seule source et que si notre fournisseur ne va pas bien nous sommes les premiers à en subir les conséquences. Nous évitons donc de faire courir à nos sous-traitants des risques qu’ils ne pourraient pas assumer. En cette période de montée de cadences, les besoins en fonds de roulement sont tendus, et il est de bonne politique de prévoir des avances pour aider nos sous-traitants et de permettre leur regroupement lorsqu’ils n’ont pas la taille critique. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – GIFAS – s’est organisé en filières depuis très longtemps. Parmi les 300 sociétés, outre les très grandes – EADS, Dassault, Thales, Safran –, se trouve une foultitude d’entreprises intermédiaires et de petite taille, et les présidents débattent tous les mois des dernières actions engagées. Ainsi, on s’est aperçu que les grandes entreprises, qui avaient l’apanage de la gestion de 4 000 apprentis en alternance – nombre qui sera bientôt porté à 6 000 –, n’en embauchaient finalement que peu, alors que les PME avaient de forts besoins de recrutements pour pouvoir monter en cadence. Nous nous sommes donc tournés vers les pouvoirs publics pour leur demander d’aménager la législation afin que nous puissions mutualiser des circuits d’apprentissage entre un grand maître d’œuvre et une PME fournisseur de celui-ci dans une logique éducative cohérente. Nous espérons faciliter ainsi le recrutement par nos PME de jeunes talents, qu’ils soient ingénieurs, techniciens ou ouvriers. Nous pensons que c’est ainsi qu’il faut faire avancer les choses.

Le LEAP marque le début d’une nouvelle génération de moteurs à partir de technologies auxquelles nous travaillons depuis vingt ans. Il est positionné comme le CFM l’était sur le Boeing, sur l’Airbus, et nous avons un client chinois qui aura tôt ou tard sa place au soleil même s’il restera sans doute décalé pendant des décennies par rapport aux deux leaders mondiaux. Les premières ventes de LEAP au Chinois sont intervenues fin 2009, début 2010. Sur l’A320 Néo, nous devons avoir plus de 50 % de parts de marché, et il y a eu 2 700 commandes sur le Boeing 737, sachant que notre cadence de production annuelle est de l’ordre de 1 400. Les premiers produits seront livrés en 2016 et notre carnet de commandes est déjà rempli pour deux ans. Nous n’allons donc pas bouder notre plaisir ! Et, grâce à nos ingénieurs, techniciens et ouvrier, nous réussirons ce nouveau moteur aussi bien que le CFM.

La question de la propulsion électrique est très technique. Les satellites étant classiquement propulsés par des carburants liquides assez énergétiques et décapants, certains ont eu l’idée d’utiliser l’électricité produite par le photovoltaïque pour accélérer les particules d’un gaz neutre, le xénon, dans une sorte d’électroaimant très intense. C’est la vitesse de ces atomes de xénon qui, par réaction, propulse le satellite. C’est une technologie soviétique que nous avons menée jusqu’au stade de la commercialisation en partenariat avec nos collègues russes. Cela a commencé en 1991 ou 1992 à Kaliningrad et c’est aujourd’hui une réalité. Nous avons déjà des moteurs plasmiques sur des satellites commerciaux. Nous n’en avons peut-être pas assez fait la publicité, mais nous avons réalisé, pour le compte de l’Agence spatiale européenne, une mission terre-lune avec une sonde d’observation scientifique. Pour aller de l’orbite terrestre à l’orbite lunaire avec ce moteur électrique, nous avons consommé quarante-cinq kilos de carburant, en l’occurrence de gaz xénon, ce qui est peu. Mais pour être totalement honnête, je dois dire qu’il a fallu dix-huit mois pour faire le voyage ! Plus prosaïquement, sur un satellite de télécommunication en orbite géostationnaire, qu’il faut mettre sur orbite puis stabiliser au cours de sa quinzaine d’années de vie économique, le passage à l’électrique doit permettre d’économiser une tonne et demie de carburant emporté sur le satellite, celui-ci pesant entre quatre et six tonnes. C’est donc une technologie pointue qui peut faire une grande différence. Cela vient de Russie, et c’est bien pour tout le monde.

S’agissant de nos drones, nous avons une activité dans ce que l’on appelle le segment tactique, qui n’opère pas à très grande distance de sa base et dans lequel la liaison des données recueillies par le drone vers le sol se fait par radio, et non par satellite. Nous équipons les armées de six ou sept pays, dont la France, avec un drone tactique de première génération : le Sperwer, qui a largement été utilisé en Afghanistan par les Pays-Bas, le Canada puis la France. C’est un drone de reconnaissance équipé d’une boule d’optronique à haute résolution. Nous avons un projet en cours, le Patroller, dont la formule est un peu différente. Alors que le Sperwer est un petit avion de 300 kg catapulté qui atterrit avec un parachute, donc très simple de mise en œuvre, le Patroller est un moto-planeur utilisant la cellule d’un industriel allemand ou autrichien, piloté depuis le sol et qui peut être équipé de boules optroniques ou de tout autre système de capteurs. Le Patroller présente l’avantage de pouvoir rester en l’air une quinzaine d’heures au lieu de trois ou quatre. Nous espérons lui trouver des débouchés, mais nous ne sommes pas dans le domaine des Predator ou des drones de longue endurance, qui relèvent plus des grands systèmes de défense que des équipements d’optronique ou de navigation.

En ce qui concerne, la sécurité dans les aéroports, c’est nous qui avons mis en place Pégase à Roissy. Cela permet de simplifier la vie des voyageurs tout en sécurisant le système. Les empreintes digitales seront bientôt prises par un simple passage au-dessus d’un capteur. La reconnaissance faciale fonctionne sur de petits nombres de personnes, des recherches mathématiques sont encore nécessaires si nous voulons pouvoir l’appliquer à des millions d’individus – nous nous y employons. La grande idée, qui se concrétisera dans les trois ou quatre ans à venir, est de combiner, de manière plus sûre et plus agréable pour le passager, l’ensemble des contrôle d’identification et de repérage des substances dangereuses. Nous allons essayer de concevoir des sas à la fois agréables et sécurisés, dans lesquels les passagers passeront sans être obligés de retirer leurs chaussures ou de sortir les flacons de leurs bagages. Tout cela, c’est de la science, de la recherche et développement au service de tous.

Vous m’avez demandé si nous conserverions les deux tiers de nos effectifs en France. L’an dernier, nous avons recruté 2 400 personnes dans notre pays et, sauf cataclysme macroéconomique, nous en recruterons au moins autant en 2012. Un tel nombre rapporté à 34 000, c’est plus que le renouvellement d’une génération ! Cela étant, quand on achète le leader mondial de la reconnaissance de visages et l’émetteur des permis de conduire dans quarante-quatre États des États-Unis d’Amérique, ce sont 2 200 personnes résidant là-bas qui rejoignent Safran, et c’est plutôt bien pour la France. Cela n’a d’ailleurs pas été très facile, car les États-Unis suivent de très près les investissements étrangers qui touchent à leur sécurité. Nous recrutons en France de manière très significative, majoritairement des ingénieurs, ainsi que des techniciens et des personnels d’atelier qui sont des ouvriers extrêmement qualifiés indispensables.

Quant à Aircelle, quel parcours ! On l’oublie souvent, mais Safran est l’héritier de marques comme Hispano-Suiza et Bugatti, symboles d’une industrie d’excellence à la française. De reconversion en reconversion, c’est dans les années 80 que le site Hispano-Suiza du Havre trouve sa vocation avec les nacelles, c’est-à-dire tout ce qui est autour du moteur, qui réalise l’inversion de poussée et l’atténuation de bruits. Si l’A380 est aussi silencieux c’est surtout le fait des nacelles qui cassent le bruit de manière spectaculaire : elles fonctionnent comme des enceintes acoustiques inversées. Et ces nacelles sont produites au Havre par une société qui réalise environ 800 millions d’euros de chiffre d’affaire et dont le niveau d’investissement à long terme a été tel que j’ai été conduit à la recapitaliser à hauteur de 900 millions d’euros.

Sur l’A320 d’origine, Aircelle, qui intervenait comme sous-traitant de Goodrich pour fabriquer l’inverseur de poussée, n’avait pas accès aux revenus de service découlant de la première monte. Sur l’A320 Néo, la société a la pleine responsabilité de la nacelle, ce qui représente une avancée spectaculaire. Elle réalise la totalité des nacelles de l’A380 et espère avoir des débouchés sur le 737 MAX.

Le centre de gravité technique et industriel d’Aircelle se trouve au Havre et a vocation à y demeurer. Si, pour assurer son expansion et équilibrer l’équation économique, Aircelle s’est développée au Maroc, on ne peut pour autant parler de délocalisation, puisque cette politique n’a pas eu d’impact négatif sur l’emploi en France. Au contraire, ce qui est gagné en matière de coûts est réinvesti dans la R&D. Je rappelle que, alors que le chiffre d’affaires s’élève à 800 millions d’euros, nous avons procédé à une recapitalisation de 900 millions d’euros. J’indique par ailleurs, que l’usine du Havre a déjà vendu 2 730 moteurs libres – soit deux ans de production – quatre à cinq ans avant leur mise en service. Bref, l’usine du Havre ne s’est pas délestée sur celle de Casablanca, vis-à-vis de laquelle elle joue un rôle de grand frère ; leurs relations sont étroites.

J’ai inauguré dernièrement une petite usine de nacelles à Xi’an, en Chine, car nous fabriquons la nacelle comme le moteur de l’avion chinois. Rapprocher les deux parties relève non d’une délocalisation industrielle mais du bon sens. En l’occurrence, ce sont deux ingénieurs marocains qui forment les trente employés de l’usine de Xi’an, et ils en sont fiers.

Au Maroc, 1 500 à 1 800 personnes travaillent à la production de nacelles, de câblage électrique et de logiciels de sécurité. Ils ont en général moins de trente ans et un bac plus deux. Les deux tiers sont des femmes, ce qui donne tout son sens à ce partenariat transméditerranéen. En tout cas, cela ne détruit pas d’emplois en France.

L’État possède 30 % de Safran, dont j’ai simplifié et resserré la gouvernance. J’ai remplacé le système « à deux chambres », conseil de surveillance et directoire, par un conseil d’administration plus resserré, qui accueille des profils variés. Quatre administrateurs représentent l’État, et trois les personnels salariés, les autres étant des indépendants. Au conseil d’administration siègent Francis Mer, Giovanni Bisignani, ancien président d’Alitalia et de l’Association internationale des transporteurs aériens, et Jean-Lou Chameau, professeur d’origine française, qui préside l’université américaine Caltech (California Institute of Technology). L’État a mandaté trois femmes – Astrid Milsan, de l’Agence des participations de l’État, Michèle Rousseau et Laure Reinhart – et un homme, qui représente le ministère de la défense. Le conseil accueille encore Élisabeth Lulin et Caroline Grégoire Sainte-Marie, issue du monde des PME.

Le haut niveau d’actionnariat salarié, qui constitue un atout, s’explique par le rachat de l’entreprise par les salariés de Sagem et les ouvertures successives du capital de Snecma. La majorité des 16 % à 17 % d’actionnaires salariés vient de Snecma. Cet été, quand l’augmentation de nos performances nous a permis de verser aux salariés une prime individuelle de 500 euros, nous leurs avons offert la possibilité de placer cette somme en se portant acquéreur d’actions de leur entreprise. 17 000 salariés français nous ont ainsi montré leur confiance. Ce signal fort témoigne d’une culture spécifique : de la base au sommet, chacun est impliqué dans l’entreprise.

Certains d’entre vous ont regretté, tout en s’inquiétant de l’avenir des personnels, que l’accord entre Safran et Thales n’aille pas plus loin. Pourtant, l’optronique est tout sauf un gadget. De nuit, quand la visibilité est mauvaise, le système Félin permet à nos soldats de faire mouche avant que l’adversaire ne les voie. Il s’agit d’un avantage décisif. De même, il ne peut y avoir de drones sans optronique. Dans un domaine où les technologies évoluent vite, nous avons, grâce au recoupement industriel, apporté nos laboratoires de recherche à la filiale Sofradir, commune à Safran et à Thales. Et nous allons créer une seule société française de capteurs, en instaurant un management industriel unique sans changer les équipes. Pour l’instant, de tels capteurs ne se trouvent qu’en France, aux États-Unis et en Israël, mais la situation évolue rapidement. Il était donc urgent d’agir.

Safran et Thales ont engagé une autre évolution en créant une co-entreprise, sur le modèle de CFM International, qui, sans posséder d’usine, contrôle 55 % du marché mondial. Les deux sociétés financeront pour moitié tout nouveau projet entrant dans le champ des systèmes optroniques, et partageront les tâches et les revenus. À cet égard, j’ai signé hier avec Luc Vigneron, PDG de Thales, un accord qui correspond manifestement aux voeux du ministre de la défense et du délégué général pour l’armement. Si nous n’avons pas prévu de mettre en commun des actifs industriels, ce que Snecma et General Electric n’ont pas fait non plus pour CFM, notre logique n’est pas celle d’une restructuration industrielle lourde – l’activité optronique de Safran, qui augmente de 10 % par an, représente seulement 9 % à 10 % du résultat opérationnel. Nous nous contentons de rassembler nos forces pour rester dans le peloton de tête de la compétition mondiale. Cela suppose de renoncer à la logique de concurrence, privilégiée jusqu’à il y a quelques années par la direction générale de l’armement du ministère de la défense. Après s’être livré un match qui a duré trente ans, nos équipes doivent à présent collaborer. Peut-être rapprocherons-nous un jour l’architecture industrielle des systèmes, mais, pour cela, il faut que les conditions du succès soient réunies. Pour l’heure, l’accord ne porte que sur l’optronique, qui pèse tout de même, chez Safran comme chez Thales, 600 à 700 millions d’euros.

La navigation inertielle représente, pour les activités de défense, quelques dizaines de millions pour Thales et un peu de moins de 200 pour Safran. Les programmes sont bien ancrés, les unités de production étant situées, pour Safran, à Montluçon, et, pour Thales, à Châtellerault sans qu’on puisse les transférer. Thales a investi de manière considérable dans le civil, pour un résultat qu’on ne connaîtra que dans une dizaine d’années. Les programmes sont sur leur lancée. Compte tenu des difficultés, nous avons provisoirement renoncé, en accord avec le ministère de la défense, à conclure un accord industriel. D’ailleurs, aucun acteur ne s’est spécialisé dans ce secteur, qui est intégré au champ plus large de l’avionique. Nous avons paré au plus urgent en nous consacrant à l’optronique, plus particulièrement aux capteurs, aux nouveaux systèmes pour la rénovation de l’Atlantique 2 et à l’hélicoptère du futur. Sans bouleverser le paysage industriel, Safran et Thales mettent en commun le meilleur de leurs forces, tout en respectant les personnels.

Pour Safran comme pour l’ensemble du tissu industriel français, le grand emprunt, le crédit impôt recherche et le rapprochement entre l’université et la recherche industrielle constituent des avancées – pour ma part, j’ai été invité à siéger au conseil d’administration du CNRS et j’y attache une importance particulière. Le lien entre la recherche et l’industrie est un atout pour la France. Safran consacre un tiers de son effort en R&D à des laboratoires universitaires ou associés au CNRS, français pour la plupart, même si la recherche rayonne dans le monde entier. Le crédit impôt recherche nous apporte une capacité d’autofinancement en matière de recherche équivalente à 1 % du chiffre d’affaires, ce qui compense en partie la sous-évaluation du dollar par rapport à l’euro, qui représente deux à trois points.

En tant que président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), j’ai insisté pour qu’on crée une ligne importante pour préparer la succession d’Ariane. Le chantier doit être amorcé avec vingt ans d’avance. Nous dépensons déjà des sommes significatives pour préparer des moteurs qui suivront le LEAP, dont l’idée remonte à 1991-1992. Le successeur du LEAP sera lancé dans vingt ou vingt-cinq ans, mais il faut d’ores et déjà faire les bons choix pour ne pas perdre pied dans ce secteur.

Les investissements d’avenir prévoient 500 millions d’euros pour le spatial et 1,5 milliard d’euros pour l’aéronautique. Et certains programmes phares sont déjà modifiés…Quelles que soient les contraintes budgétaires, dont nous sommes conscients, l’État joue son rôle en investissant pour le futur.

C’est à nous de faire que la Chine soit plus une opportunité qu’une menace. Plus de 1 000 personnes y travaillent pour Safran, contre 7 000 aux États-Unis. Certes, nous devons nous montrer vigilants envers les transferts de technologie non souhaités, mais il faut savoir que, rapporté à leur population, ce pays, comme l’Inde, forme la même quantité d’ingénieurs que la France. La Chine, parfois présentée comme l’usine du monde, en sera le laboratoire, quand la démographie, les structures sociales et le coût du travail se seront rapprochés des nôtres. Ces évolutions pourront s’ajuster, mais nous ne résisterons à l’essor du monde émergent qu’en conservant un différentiel d’innovation. C’est à notre portée.

À côté d’innovations comme les matériaux du LEAP, dont nous sommes fiers, nous avançons dans d’autres domaines. Nous réfléchissons chaque jour au moyen de compenser le handicap lié au coût de la main-d’œuvre. Par exemple, à Melun-Villaroche, nous sommes repartis de zéro pour savoir comment réduire le temps de montage d’un moteur d’avion dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité. Alors qu’avant, les compagnons – et les pièces – rayonnaient autour d’un moteur fixe placé au cœur de l’atelier, désormais, on fait avancer le moteur de manière rythmée dans l’atelier, ce qui fait gagner 40 % du temps sur l’ensemble du cycle, pour une économie financière de 30 %, et ce sans toucher aux salaires ni aux charges.

En téléphonie mobile, Sagem ne couvrait que 1,5 % du marché mondial. La marque était peu connue et notre technologie ne suffisait pas à faire la différence. D’ailleurs, au bout de quelques années, les grands du secteur, comme Nokia, ont fini par souffrir. En trois ans, Sagem a perdu 600 millions d’euros, soit autant que pour développer un moteur d’avion, puisque nous avons investi 1 milliard dans les trois versions du LEAP. Tout chef d’entreprise qui perd 200 millions par an sans aucune perspective a le devoir d’arrêter. Nous disposions de deux usines : une à Fougères, l’autre en Chine. En termes de productivité, celle de Fougères était cinq à sept fois plus productive que celle qui se trouvait en Chine ; en termes de coûts, c’était plutôt l’inverse. Toutefois, l’implication du personnel de Fougères – chaque année, dix petites idées de terrain par personne étaient primées, ce qui correspond à un standard japonais – et le soin apporté au processus m’ont convaincu de garder l’usine. Reconvertie dans l’électronique de défense, elle produit désormais pour les moteurs d’avion des calculateurs de petite série, qui apportent une forte valeur ajoutée et se situent à un haut niveau de compétitivité dans le standard mondial. Un investissement élevé en matière industrielle et en formation qualifiante nous a permis de conserver la quasi-totalité du personnel. Pour Safran, le différentiel d’innovation passe aussi par le travail de terrain.

Nous avons déjà évoqué l’avion électrique. L’énergie hydraulique doit être tout le temps sous pression, ce qui exige en permanence de l’énergie et crée un risque de fuite. Substituer des vérins électriques à des vérins hydrauliques permet de gagner jusqu’à 5 % de performance. C’est pour nous un champ nouveau, dans lequel nous investissons fortement. De même, pour la traction au sol, remplacer les moteurs de l’avion par de petits moteurs électriques situés dans les roues permet de gagner 5 % de carburant sur un Paris-Nice. Pour développer cette technologie, nous nous sommes associés à 50 % avec le groupe américain Honeywell, comme nous l’avions fait avec General Electric.

Nous faisons partie des pôles de compétitivité. Nous en présidons un dans la région parisienne. Nous appartenons aussi à des fondations. Depuis 1969, nous avons noué des partenariats structuraux voire capitalistiques, en tant que copropriétaires des murs et des équipements d’un laboratoire avec le CNRS, ce qui nous donne une grande force.

En matière de sécurité, on peut sûrement faire plus et mieux, mais la demande reste fragmentée. Sur ce dossier pluriministériel, l’Europe, les États-Unis et les pays émergents ont des points de vue très différents. Il faut allier science et conscience, soit notre domaine et celui de la puissance publique. Pour l’instant, ce secteur relève surtout du B2G (Business to Government), qui s’adresse aux gouvernements, aux agences gouvernementales ou aux institutions publiques. Les industries de sécurité biométriques sont promises à un grand avenir pour les transactions sécurisées sur internet. Nous sommes présents au Brésil, où l’on développe les cartes bancaires biométriques. Une start-up issue du laboratoire de mathématiques de Fontainebleau, qui emploie aujourd’hui 8 000 personnes, deviendra un pôle d’équilibre et de développement pour Safran. En partenariat avec Lockheed Martin, maître d’œuvre américain, nous sommes également chargés de la base d’empreintes digitales du FBI depuis 1993, application aussi délicate à construire qu’un moteur d’avion. En nombre de machines, le premier client de CFM est The United States Air Force, ce qui prouve la confiance que l’on a à notre égard et montre l’utilité des partenariats internationaux ;

Pour la R&D, Safran privilégie la France, même si, quand nous décidons d’établir une installation industrielle à l’étranger, nous y intégrons les fonctions de préparation méthodique et technique. Nos racines technologiques sont françaises, comme doit l’être notre avenir à long terme.

Pour réfléchir sur l’espace, il faut remonter aux origines. Quand, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, le Centre national d’études spatiales (CNES) a mis au point Symphonie, son premier prototype, la France n’avait pas de lanceur. L’Europe avait vainement tenté d’en créer un. Les États-Unis nous proposaient de nous accueillir, en contrepartie de la propriété intellectuelle du prototype. Le président Pompidou a refusé. Pour montrer aux Américains que nous pouvions nous passer d’eux, il a lancé le programme Ariane avec l’Allemagne. La fusée n’avait pas donc été dessinée pour être produite. Le moteur de l’étage supérieur, toujours utilisé sur Ariane 5, est un petit bijou, dont les tolérances se mesurent en microns. C’est de l’artisanat, presque de l’art, même si l’on réussit la prouesse d’en produire six ou sept par an.

L’idée stratégique de départ a bien fonctionné. L’Europe possède un accès autonome à l’espace et détient la moitié des parts de marché des satellites commerciaux dans le monde. Cela dit, son gros lanceur n’est pas forcément le plus adapté aux satellites d’observation et de missions institutionnelles, c’est-à-dire au renseignement militaire. Pour les petites charges utiles, elle se dote, en complément d’Ariane, d’un petit lanceur que développe l’Italie et, dans une moindre mesure, la France.

Conçue pour envoyer une navette en orbite basse, Ariane 5 est un bon lanceur de satellites géo-commerciaux. Néanmoins, il est temps de songer à son évolution ou à sa succession. Le moteur, qui constitue la moitié voire les deux tiers de la performance des avions, représente 90 % de celle des fusées. L’avenir passe donc par les systèmes de propulsion. Ariane 5, qui pèse 750 tonnes au décollage, emmène un passager de moins de 10 tonnes, soit 1,5 % de la masse au décollage. Une défaillance de 2 % empêcherait le satellite de se mettre en orbite. Au décollage, Ariane 5 dégage une puissance équivalente à celle de neuf tranches de centrale nucléaire. C’est dire le degré d’exigence de la performance technique, qui s’inscrit aussi dans une logique de coûts. En la matière, il faut trouver un compromis, en sachant que le succès d’un moteur d’avion ou de lanceur, qui peut durer vingt ou trente ans, se prépare avec vingt ans d’avance : le moteur de l’étage supérieur d’Ariane 5 a été dessiné à Villaroche en 1968.

M. le président Serge Poignant. Monsieur Herteman, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 21 décembre 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. François-Michel Gonnot, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Lionel Tardy

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Claude Gatignol, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, M. Daniel Paul, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, Mme Colette Langlade, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marie-Line Reynaud