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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Suites données aux préconisations de la Mission d’évaluation et de contrôle sur l’immobilier de l’État

Jeudi 24 janvier 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Table ronde de représentants de l’État :

M. Dominique Lamiot, directeur général de la Comptabilité publique (DGCP), ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Paul-Henri Watine, trésorier payeur général de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône, M. Alain Espinasse, secrétaire général adjoint des affaires régionales (SGAR), préfecture de la région Rhône-Alpes et M. Bertrand Munch, directeur de l’Évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

M. Georges Tron, Président : Je suis heureux d’accueillir MM. Dubost, Lamiot, Espinasse, Watine et Munch au nom de la commission des Finances et de la mission d’évaluation et de contrôle dans le cadre de cette audition consacrée à l’immobilier de l’État, sujet sur lequel un troisième rapport sera rédigé. Je me félicite en outre de la présence de représentants de la Cour des comptes.

Je salue M. le rapporteur Yves Deniaud et je vous prie d’excuser l’absence du second rapporteur, M. Jean-Louis Dumont, qui n’a pu être des nôtres aujourd’hui. Je salue aussi M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État (CIE), organisme que j’ai par ailleurs l’honneur de présider.

La commission a récemment reçu M. Woerth et nous avons donc eu l’occasion de lui faire part de nos remarques sur l’évolution de la réforme de l’immobilier de l’État. Je lui ai quant à moi indiqué que, depuis deux ans, nous avions pris bonne note d’un certain nombre de changements dans la gestion de notre patrimoine immobilier.

M. le ministre a confirmé sa volonté de réforme, y compris s’agissant de la règle de retour de 85 % des produits de cession. Nous l’avons également interrogé sur la manière dont il compte travailler avec différents organismes mis en place dans le cadre de la réforme de 2005 et, en particulier, le CIE, dont M. le ministre a souhaité qu’il puisse être saisi pour avis avant toute cession.

Nous avons interrogé M. le ministre sur les réformes préconisées par le rapport de 2005 et qui nous semblent un peu en retrait par rapport aux souhaits que nous avions alors émis. Nous l’avons enfin interrogé sur la façon dont se déroule la réforme de France Domaine et nous lui avons demandé quelle était la formule idoine pour renforcer le rôle de cette structure comme « bras séculier » des opérations de gestion et de cession.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Où en est la réforme interne du service France Domaine ? A-t-il développé un « projet d’entreprise » pour y parvenir ? Combien d’agents de la direction générale des Impôts (DGI) ont-ils rejoint la direction générale de la Comptabilité publique (DGCP) ? Combien ont fait usage de la possibilité qui leur a été accordée de rester à la DGI ? Il semblerait que les meilleurs spécialistes des questions domaniales soient restés à la DGI pour des raisons de carrière, dans les services centraux aussi bien que déconcentrés.

Qu’en est-il du recrutement d’une trentaine de contractuels, professionnels en provenance du secteur privé, comme l’avait promis M. Jean-François Copé ?

M. Dominique Lamiot : Le transfert de l’administration des domaines de la DGI à la DGCP a été réalisé le 1er janvier 2007. Ce projet était attendu depuis longtemps car, si la DGI traite très largement des questions fiscales, la DGCP, qui s’occupe de gestion publique, était beaucoup mieux indiquée pour travailler avec les services des domaines : la certification des comptes de l’État a ainsi nécessité une évaluation très fine de son patrimoine immobilier. L’évaluation domaniale au bénéfice des collectivités territoriales fait par ailleurs partie des missions normales du Trésor public à l’égard du secteur public local.

Ce transfert a concerné près de 2 000 personnes dans les services déconcentrés et 60 collaborateurs en administration centrale. Sur ces 2 000 agents, le « taux d’évaporation » est quasiment nul : des demandes de mutation ont certes été formulées mais en très petit nombre. S’agissant des personnels d’encadrement, il convient de distinguer l’administration centrale et les services déconcentrés : dans le premier cas, pas un n’a manqué à l’appel de la DGCP, nombre d’entre eux ayant d’ailleurs demandé leur intégration définitive.

M. Georges Tron, Président : Disposez-vous de pourcentages précis ?

M. Daniel Dubost : À Paris, un seul cadre n’a pas encore demandé son intégration dans les corps du Trésor public.

M. Dominique Lamiot : Dans le second cas, en ce qui concerne donc les services déconcentrés, tous les collaborateurs qui travaillaient à temps plein sur les questions domaniales ont rejoint les services du Trésor – cela n’a pas été le cas des cadres supérieurs qui n’exerçaient que marginalement des fonctions domaniales. La « force de travail » a été transférée en totalité.

M. Georges Tron, Président : Quels sont les chiffres précis ?

M. Daniel Dubost : En tout, 1 900 agents ont été mis de droit à la disposition de la DGCP. Toutes catégories confondues, 160 agents ont demandé une affectation à la DGI, 191 agents de la DGI ont, depuis, demandé leur affectation au sein du service France domaine et 87 agents en fonction dans ce service ont demandé leur intégration dans les statuts de la DGCP. Des difficultés minimes ont été rencontrées dans quelques départements ou régions, notamment en Rhône-Alpes : les effectifs du pôle de gestion des patrimoines privés basé à Grenoble ont fondu, les agents ayant quitté, comme ils en avaient le droit, la DGCP pour assumer des fonctions fiscales à la DGI. Ce pôle a été supprimé et les personnels ont été réintégrés dans le pôle de Lyon qui, désormais, couvrira toutes la région Rhône-Alpes.

M. Dominique Lamiot : Les départs en retraite, par ailleurs, ont été compensés par des recrutements par la DGCP.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quid des 30 contractuels annoncés par M. Copé ?

M. Dominique Lamiot : Les retards sont patents même si quelques recrutements ont eu lieu au sein de France Domaine. Faut-il néanmoins absolument retenir le chiffre de 30 ? Les effectifs de France Domaine doivent être de toute façon renforcés, et pas seulement par des contractuels. À cela s’ajoute un risque de déséquilibre au sein de l’administration centrale.

M. Georges Tron, Président : Y a-t-il des réticences ?

M. Dominique Lamiot : Pas d’ordre culturel, en tout cas, mais nous nous sommes en revanche interrogés sur notre attractivité. S’agissant de la certification des comptes de l’État, par exemple, nous avons non seulement fait appel à un cabinet international mais aussi à des contractuels. Sans eux, il n’aurait pas été possible de mener à bien notre mission. À cela s’ajoute le fait que le marché est extrêmement concurrentiel et que l’administration ne peut pas toujours proposer les mêmes traitements que le secteur privé.

M. Georges Tron, Président : Des objectifs chiffrés de recrutements ont-ils été fixés ?

M. Dominique Lamiot : Il n’y a pas d’objectifs chiffrés, mais la volonté d’accroître le nombre de collaborateurs est patente. La dynamique gouvernementale et le conseil de l’immobilier de l’État nous permettront d’aller plus loin. Les décisions importantes qui ont été prises par le conseil de modernisation des politiques publiques devraient conforter l’État propriétaire, de même s’agissant des décisions prises en matière d’entretien. Le mouvement est là !

M. Georges Tron, Président : Encore faut-il qu’il s’incarne ! Il y a deux ans, on nous avait déjà expliqué que le mouvement était lancé. Finira-t-il par atteindre son but ? Lorsque j’étais moi-même rapporteur sur ces questions, j’avais été frappé par la culture du cloisonnement, comme M. Copé l’avait alors lui-même reconnu. La problématique de la professionnalisation, en outre, n’était alors envisagée que sous les auspices du secteur public. Combien de contrats ont-ils été signés ?

M. Dominique Lamiot : Deux.

M. Georges Tron, Président : C’est en effet un tout petit mouvement !

M. Dominique Lamiot : Certes, mais on avance.

J’ajoute que, dans le cadre de la fusion de la DGI et de la DGCP, France Domaine occupera, selon nous, une position privilégiée dans le nouvel organigramme de la direction en étant directement rattaché au directeur général, ce qui témoigne d’une volonté politique forte.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : J’en accepte l’augure, car le mouvement dont il a été question ressemble un peu à celui des chœurs de l’Opéra chantant : « Marchons ! Marchons ! » tout en faisant du surplace.

Le 15 décembre 2008, au cours de son audition par la commission des Finances, M. Woerth a déclaré : « Après avoir appris à connaître son patrimoine et à le céder, l’État doit dorénavant être capable de le gérer, dans l’optique d’un État propriétaire unique. »

Où en est la définition de la stratégie immobilière de l’État – principes de répartition entre Paris centre, périphérie et province, arbitrage propriété-location ? Où en est la mise en œuvre d’une gestion active sur une base mutualisée des immeubles de l’État ? Quid de la constitution d’un tableau de bord ministère par ministère relatif à des indicateurs de performance immobilière permettant ainsi de mesurer l’avancement des réformes ?

Enfin, le rapport de la MEC ayant constaté en 2005 les fonctions purement « notariales » de l’ancienne administration des domaines, le service France Domaine est-il maintenant devenu le bras séculier qu’elle avait appelé de ses vœux ?

M. Georges Tron, Président : Plus globalement, quel jugement portez-vous sur la place de France Domaine dans la stratégie immobilière et sur la façon dont il s’acquitte de ce rôle ? Est-il sorti de cette fonction « notariale » ?

M. Dominique Lamiot : Absolument, comme en témoignent tous les organismes qui travaillent avec France Domaine. Pour autant, France Domaine peut-il être considéré comme un bras séculier ? Incarne-t-il pleinement l’État propriétaire ? Pas encore. Non seulement il faut faire tomber un certain nombre de barrières culturelles, mais des questions juridiques se posent. Le décret en Conseil d’État actuellement en préparation doit apporter des réponses.

S’agissant des stratégies immobilières, nous ne partons pas de zéro. Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) ont été élaborés, mais ils sont très inégaux et doivent être revus. Il en va de même dans les services déconcentrés.

Le mouvement engagé par M. Woerth en souhaitant que le CIE donne son avis sur les opérations importantes constitue une nouvelle donne. Cela permettra de revaloriser considérablement la fonction immobilière de l’État.

M. Daniel Dubost : Indubitablement, l’administration des domaines a abandonné toute approche « notariale », notamment, la rédaction des actes notariaux. C’est le cas à Paris ; ce sera bientôt le cas en province, mais il est notable que les administrations gestionnaires, elles, nous demandent parfois de continuer à assumer cette fonction.

Sur le plan stratégique, nous avons tout d’abord commencé par modifier l’avis domanial qui, jusqu’alors se limitait à vérifier que le prix de l’opération était conforme au marché local et était le plus souvent positif. Désormais, celui-ci comporte deux volets : l’un concernant la valeur de l’opération, l’autre la conformité de l’opération proposée aux orientations de la politique immobilière de l’État. Stupéfaction : nous avons été amenés à rendre plusieurs avis négatifs ! Nous avons poursuivi par la mise en place des SPSI, dont la première vague montrait, il est vrai, qu’ils n’ont guère été satisfaisants. Ils seront d’ailleurs révisés d’ici au mois de mai, date du deuxième conseil de la modernisation des politiques publiques (RGPP).

Si France Domaine essaie d’être un « bras armé », il n’est pas un « bras séculier » : le débat culturel est extrêmement fort, les administrations gestionnaires n’acceptant pas de se voir déposséder de leur sentiment de propriété au bénéfice de France Domaine. C’est nous qui désormais nous tournons vers le marché en proposant à ces administrations des opérations correspondant à leurs besoins fonctionnels et aux orientations de la politique immobilière de l’État.

M. Georges Tron, Président : Il semble donc heureux d’avoir réformé France Domaine plutôt que d’avoir ajouté un nouveau rouage dans le grand mécano de l’État. Les réticences ne sont pas surprenantes.

S’il est bel et bon de donner des avis, à quoi servent-ils s’ils ne sont pas suivis ? Que se passera-t-il donc demain lorsque France Domaine ou, le cas échéant, le CIE formuleront un avis négatif ?

M. Daniel Dubost : La décision de passer outre un avis négatif relève du ministre gestionnaire et du ministre du budget. L’avis du CIE devrait quant à lui avoir un poids considérable. À ce jour, je n’ai pas constaté que les ministres aient passé outre les avis négatifs rendus.

À l’égard des réticences culturelles, j’ai le sentiment que l’adossement à un ministre qui a une volonté très forte de mener ses opérations immobilières de manière performante constitue un atout très précieux.

M. Georges Tron, Président : Estimez-vous que les avis émis sont fondés sur une information complète ? Que penseriez-vous d’une opération dont on découvrirait qu’une partie des informations nécessaires à la formulation d’un avis n’a pas été apportée ?

En particulier, quel jugement portez-vous sur le rachat de l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale alors que le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, auditionné le 12 décembre 2006 par le CIE, n’en avait rien dit ?

M. Daniel Dubost : De manière générale, France Domaine peut rencontrer des difficultés à formuler un avis pertinent, car il est parfois délicat d’obtenir les informations nécessaires à sa formulation de la part de l’administration gestionnaire.

S’agissant de l’Imprimerie nationale, outre que je n’ai pas participé à l’audition du CIE à laquelle il est fait allusion, j’avais eu alors l’occasion d’indiquer en septembre 2006 les opérations immobilières importantes réalisées dans les mois à venir et qui concerneraient l’Éducation nationale et les Affaires étrangères. Nous avons, quant à nous, conduit cette opération en fonction des directives que nous avons reçues.

M. Georges Tron, Président : Nous poserons en l’occurrence précisément la question à M. Bernard Kouchner, mais je vous demande ce que vous pensez de la force d’un avis rendu par le CIE ou France Domaine lorsqu’une partie des informations est occultée ? En l’espèce, je dispose d’une lettre du ministre des Affaires étrangères justifiant une telle occultation.

M. Daniel Dubost : Un avis fondé sur des informations parcellaires est nécessairement lacunaire. Lorsque nous ne disposons pas des informations que nous jugeons utiles, nous émettons un avis négatif ; nous ne nous risquons à donner un avis positif que si l’économie globale de l’opération nous semble positive.

M. Georges Tron, Président : Dans une telle situation, l’avis est donc par définition lacunaire.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Je souscris tout à fait, M. le président, à votre conclusion.

Les affaires de l’Imprimerie nationale, de la Maison de la francophonie et, plus récemment, la demande récurrente du ministère de la Culture d’implanter la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et du spectacle – DMDTS – dans le Louvre des antiquaires et, depuis hier à Beaubourg, montrent que les ministères se comportent encore en quasi-propriétaires et qu’il n’est pas encore entré dans les mentalités que l’État était, depuis la mise en place de France Domaine, le propriétaire unique. Quelle autorité France Domaine a-t-il l’impression d’avoir acquise face aux ministères ? À l’occasion des deux contrôles sur pièces et sur place que j’ai effectués en septembre 2007, les réponses qui nous ont été remises par écrit au questionnaire que nous avions adressé au sujet des opérations que je viens de citer ont été, en substance, que France Domaine n’avait pas à s’en mêler.

Je viens d’apprendre, par des coupures de presse irlandaise – je suis président du groupe d’amitié France-Irlande depuis de longues années – que la France avait l’intention de vendre son ambassade en Irlande : le bâtiment principal pour 60 millions d’euros et un bâtiment qui abritait des services administratifs pour 20 millions d’euros. Il est d’ailleurs curieux que les chiffres soient déjà annoncés puisque la France vient seulement de mettre en vente. Ce n’est pas une petite opération. Qui en avait entendu parler ?

M. Daniel Dubost : France Domaine n’a pas de service à l’étranger et ne prend donc pas en charge les opérations de cession ou d’acquisition réalisées hors de France. Ces dernières font l’objet d’un examen par une commission interministérielle présidée par un magistrat de la Cour des comptes. France Domaine donne son avis dans le cadre de cette commission.

M. le ministre des Affaires étrangères que vous avez prévu d’auditionner vous indiquera les changements qu’il envisage sur la gestion de l’immobilier à l’étranger.

Où en est la mise en place d’un État propriétaire unique ? Une première étape a été la décision prise lors du conseil de modernisation des politiques publiques – CMPP – du 12 décembre 2007 de remplacer la notion d’affectation, qui fonde, du point de vue juridique, la quasi-propriété. Nous avons proposé le projet de décret en Conseil d’État, qui permet de mettre en œuvre cette décision, mais la discussion n’est pas achevée.

En effet, cette décision est prise pour la deuxième fois, puisqu’elle figurait déjà parmi les mesures décidées à la suite de la communication du précédent ministre du Budget le 6 février 2006. Elle était également contenue dans la circulaire du Premier ministre du 28 février 2007. S’il y a eu un an de discussion entre ces deux dates sur ce sujet, c’est que les administrations ne souhaitaient pas – et elles l’avaient fait savoir – que le régime de l’affectation disparaisse.

À la suite de la décision du CMPP, nous réunissons, chaque mois, les administrations sous l’autorité du secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État. Lors de la réunion de janvier, nous leur avons annoncé les décisions qui avaient été prises en décembre et les inflexions qui allaient s’ensuivre. J’ai été heureux de voir que les administrations réagissaient de manière positive à l’égard des modifications que nous leur apprenions. Les choses évoluent donc dans un sens favorable.

Les représentants du Rhône pourront, néanmoins, témoigner que, dans la réalité des provinces, les services déconcentrés de l’État n’ont pas connaissance des décisions prises sur l’État propriétaire unique. Nous avons demandé aux trésoriers payeurs généraux d’assumer auprès des préfets la responsabilité de l’État propriétaire plein et entier et ils nous disent qu’ils ont face à eux des responsables de services déconcentrés désemparés.

M. Georges Tron, Président : Je retiens de votre discours, qui est assorti de toutes les prudences nécessaires, qu’au niveau central, il y a de très fortes résistances, que les ministères ne jouent pas le jeu car ils sont contre la remise en cause de la règle de l’affectation. Les décisions qui sont prises par France Domaine sont contestées. Au niveau déconcentré, l’information ne passe quasiment pas et vos interlocuteurs locaux sont désemparés.

Ce constat, que M. le rapporteur comme moi-même avions déjà fait, ne justifie-t-il pas une impulsion nouvelle et une remise en cause de l’organisation, entre autres de France Domaine, pour pallier les carences observées ?

M. Daniel Dubost : La situation évolue en profondeur, et il faut bien voir que ce qui se passe aujourd’hui ne se serait certainement pas passé il y a un an.

On ne peut pas révolutionner d’un coup une situation qui date de plusieurs dizaines d’années, pour ne pas dire davantage. On peut comprendre qu’une administration gestionnaire ait le sentiment de puiser dans sa chair vive lorsqu’elle mobilise les crédits qui permettent de réaliser une opération immobilière et qu’elle s’en sente ensuite propriétaire. Maintenant, il lui est dit, du jour au lendemain, qu’elle n’est plus que locataire. Il est normal que cela ne se passe pas tout seul.

Les décisions fortes que vous appelez de vos vœux existent. M. Copé puis M. Woerth en parlent de manière très régulière et il ne se passe pas un mois sans que nous évoquions ce sujet devant les TPG lorsque nous les réunissons. Il ne faut pas oublier qu’il n’était pas possible de réunir les services des domaines il y a encore un an, puisque ces services n’existaient pas : il y avait des fonctions domaniales éclatées entre différents services.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Avant de passer au niveau déconcentré, j’ai encore deux questions générales.

La première concerne les travaux : entretien et construction.

Certains ministères ont des outils propres : l’EMOC – Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels – pour le ministère de la Culture, l’AMOTMJ – l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la Justice – pour le ministère de la Justice. Un rapport sénatorial dénonce le fait que, dans le cadre de l’EMOC, il n’ait jamais été possible de rendre des travaux à moins de 25 % de surcoût et sans des mois, voire des années, de retard. Quant à l’AMOTMJ, ceux qui ont affaire à des chantiers de construction ou de rénovation d’établissements pénitentiaires savent qu’elle mériterait à peu près la même appréciation. Se pose un vrai problème d’efficacité, du fait d’outils dispersés réputés de mauvaise qualité. Y a-t-il eu des progrès en ce domaine ?

Ma seconde question appelle une réponse très brève : combien de conventions d’occupation prévues dans la circulaire du 28 février 2007 et rebaptisées « quasi-baux publics » depuis lors ont-elles été signées ?

M. Daniel Dubost : À question précise, réponse précise : aucune convention n’a été signée, tout simplement parce que le régime de l’affectation n’a pas été abrogé. Après la suppression de celui-ci par décret en Conseil d’État, les baux entre l’État propriétaire et l’administration locataire pourront être mis en place. Quant aux choix faits alors par le Gouvernement, il n’y avait pas d’autre possibilité compte tenu du retard pris dans l’élaboration de la circulaire de février 2007 : deux mois, rappelons-le, avant le changement de gouvernement. N’a été publiée qu’une circulaire alors qu’elle aurait dû être précédée d’un décret en Conseil d’État.

S’agissant des établissements publics externes, il ne m’appartient pas de faire des commentaires à leur sujet. Dans le cas de la Maison de la francophonie, il y a eu dix ans d’arbitrage. Depuis le mois de juillet, il s’est passé beaucoup de choses. Le ministère des Finances est parti, et il a également été décidé de faire partir les services de l’Écologie.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Ma question portait sur la conduite des travaux.

M. Daniel Dubost : Nous n’avons pas fédéré les différents établissements publics de maîtrise d’ouvrage qui existent aujourd’hui.

M. Yves Deniaud, Rapporteur: La volonté de le faire existe-t-elle ?

M. Daniel Dubost : Cela ne fait pas partie des chantiers prioritaires.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : À défaut de les fédérer, comme cela avait été envisagé, ne serait-il pas plus intéressant de faire appel à de vrais professionnels ?

M. Daniel Dubost : En faisant sortir les différentes administrations de la Maison de la francophonie, on a également fait sortir l’EMOC de ce projet, qui n’est plus, selon les décisions officielles, avenue de Ségur.

M. Bertrand Munch : En tant que client de France Domaine et service du ministère de l’Intérieur, rien de ce qui est interministériel ne nous est indifférent.

En tant que client de France Domaine, nous pouvons vous garantir que celui-ci est très loin aujourd’hui de se comporter comme un notaire, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer, au sein de l’État, à développer des compétences de négociateur et de juriste de l’immobilier, parce que les interlocuteurs dans le secteur ne sont pas des anges. France Domaine nous met aujourd’hui sous une « pression d’enfer » pour la bonne utilisation des mètres carrés et leur mobilisation.

Il ne faut cependant pas s’attendre à ce que les ministères deviennent passifs et se comportent comme des locataires moyens d’immeubles parisiens qui se font berner par leur syndic. Ce serait d’ailleurs déplorable. Notre premier problème dans l’immobilier parisien, comme ailleurs, c’est de loger nos troupes, de les faire travailler et d’utiliser l’argent sur l’immobilier, sur le fonctionnement et sur la masse salariale de manière la plus efficace possible. Entre le postulat et la réalité, il y a un grand chemin. Toutefois je peux témoigner que, en deux ans, nos relations avec France Domaine sur ce plan ont radicalement changé.

L’avenir dira si l’on a gagné en efficacité. Au fur et à mesure qu’on sortira d’une gestion événementielle des problèmes immobiliers sur Paris, on arrivera à trouver un équilibre.

S’il y a un sujet qui doit être traité sur un ensemble territorial cohérent
– par exemple, une région –, c’est bien l’immobilier. Ce n’est pas entre la direction de la Jeunesse et des sports de Lille et celle de Perpignan qu’on optimisera celui-ci, mais bien, à Lyon, par exemple, entre la direction de la Jeunesse et des sports et la direction du Travail. On a besoin de trouver un réceptacle territorial, dans lequel s’articule l’action du couple France Domaine-TPG et préfet.

Deux compétences sont, en effet, en jeu.

Tant qu’il n’y a pas, en bas d’un acte, soit de location, soit d’acquisition, soit de cession, la signature de quelqu’un d’habilité à France Domaine, nous ne pouvons rien faire. Il y a là un verrou extrêmement puissant. C’est l’aspect que l’on appelait autrefois notarial. Cependant il faut bien voir que, sans notaire, on ne sait ni prendre à bail, ni louer, ni acheter, ni vendre. Nous considérons que, sur ce plan, France Domaine a des outils extrêmement puissants.

L’autre aspect est l’analyse économique, qui est le rôle du patron des administrations de l’État sur un ressort territorial, à savoir du préfet, avec la compétence de France Domaine.

Pour continuer la mutation, qui est loin d’être achevée, il faut non seulement faire ce que France Domaine fait aujourd’hui, mais aussi avoir une approche englobant les aspects à la fois financiers et techniques, d’autant qu’une grande part de l’immobilier, même si l’on essaie de le mobiliser, est relativement statique. On ne le change pas tous les ans. On ne vend pas et on n’échange pas la totalité du parc. Donc il faut l’entretenir. Il y a une continuité entre le petit et le gros entretien, les investissements de rénovation et l’argent que l’on peut consacrer à la cession-acquisition, sans parler de la question de la location, laquelle mobilise des crédits de fonctionnement.

Pour avoir une approche globale de cet ensemble, il faut disposer d’un service technique de l’immobilier. Un certain nombre d’agences, comme vous l’avez dit, s’en occupent dans différents ministères. Il existe également toute une série de services de l’État : les secrétariats généraux pour l’administration de la police, les services d’infrastructure de la défense. Un certain nombre de services du ministère des Finances ont un réseau territorial. Le ministère de l’Intérieur a l’ambition – qui se décline de manière très précise dans la RGPP – de fédérer, et mieux, de rassembler, les services immobiliers de l’État et les services techniques à un niveau territorial adapté – qui doit être au-dessus du département car celui-ci est trop petit –, pour faire face notamment à des évolutions réclamant une compétence supplémentaire : par exemple, le développement durable dans l’immobilier, la HQE – la haute qualité environnementale.

De tels travaux doivent être confiés à des gens compétents. Il faut pour cela rassembler les crédits immobiliers : pas seulement ceux d’investissement
– d’achat ou de vente à travers le service France Domaine –, mais l’ensemble des crédits consacrés à l’immobilier. Si l’on réalise davantage de travaux d’entretien, on garde les immeubles en meilleur état et on n’en est pas réduit à vendre des ruines. Il faut rassembler les crédits sur une même ligne. Des propositions sont en cours.

Enfin, je ne suis pas sûr que l’immobilier privé fasse mieux que l’immobilier public. Quand il y a une évolution des prix de l’immobilier et de l’indice de la construction et que l’on constate 20 % de décalage entre le début et la fin d’une opération, il y a des raisons. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’améliorer. À cet égard, la piste consistant à rassembler les services immobiliers techniques de l’État dans un ressort territorial est à creuser. Cela revient à passer à la maîtrise d’ouvrage, qui demande peu de personnel, mais des gens compétents et qu’on sait payer, que ce soit des contractuels ou des ingénieurs de carrière.

Cela doit rester un service public car la définition du besoin est de la compétence du maître d’ouvrage. Je ne connais aucune institution qui ait délégué à des gens indépendants la définition de son besoin immobilier. Tout ce qui est maîtrise d’œuvre peut ensuite être externalisé.

M. Georges Tron, Président : De nombreux exemples montrent que l’État est extrêmement en retard en ce qui concerne la gestion de son immobilier.

J’ai été très intéressé par la comparaison que vous avez faite. Il ne s’agit pas, en effet, pour les ministères de se comporter comme des « locataires moyens ». Où placez-vous la frontière entre ce qui relève, selon vous, de la définition d’une stratégie immobilière globalisée et centralisée et la part que vous reconnaissez à chaque ministère dans la décision ?

Lors de son audition sur le schéma pluriannuel de stratégie immobilière, SPSI, Mme Malgorn, secrétaire générale du ministère, nous a fait part d’orientations qui sont radicalement différentes de celles qui sont prises aujourd’hui. Nous a-t-elle tenu un discours de circonstance, ou bien le ministère de l’Intérieur a-t-il changé d’avis ?

M. Bertrand Munch : Sur les décisions structurantes comme celles concernant l’administration centrale, il me semble naturel que ce soit le ministre compétent qui définisse les lieux d’implantation de ses services, car cette implantation est un élément d’efficacité.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le ministère de l’Intérieur, il me semble que le fait de déplacer les services de renseignement de Beauvau et du XVe arrondissement à Levallois s’inscrit dans le cadre d’un schéma immobilier. Je ne dis pas qu’on n’aurait pas pu faire mieux ni autrement. Celui qui prétendrait réaliser une opération impeccable aujourd’hui s’exposerait à des retours de bâton.

Cela étant, cette décision ne me paraît pas contradictoire avec ce qu’avait annoncé Mme Bernadette Malgorn. Elle s’inscrit même dans la suite du schéma qu’elle avait présenté devant le conseil de l’immobilier de l’État. Il se produit toujours des évolutions, notamment sur l’immobilier des administrations centrales. Je ne prendrai qu’un exemple, quitte à m’exposer, moi aussi, aux coups de bâton : depuis l’audition de Mme Malgorn, le ministère de l’Outre-mer est devenu une composante pleine et entière du ministère de l’Intérieur. L’approche immobilière ne peut donc plus être la même.

M. Georges Tron, Président : Est-ce à dire que la stratégie immobilière n’est pas définie en fonction d’une ligne directrice sur plusieurs années, mais en fonction des évolutions politiques du moment ? Ce serait la négation pure et simple d’une stratégie immobilière.

M. Bertrand Munch : Au contraire : une stratégie immobilière qui voudrait s’exonérer de ce genre d’évolution ne serait pas réaliste.

Cela étant, elle ne tient pas compte de tous les changements. La vente de l’immeuble de la délégation interministérielle pour l’aménagement et la compétitivité du territoire, la DIACT, s’est effectuée indépendamment du fait que la DIACT était dans tel ou tel ministère.

Le rythme de réalisation d’une opération immobilière demande effectivement du temps et de la continuité. D’un autre côté, qui pourrait dire que le schéma immobilier d’un ministère soit indépendant de l’organisation de celui-ci ?

M. Georges Tron, Président : Ce que je veux savoir, c’est quelle part de décision vous reconnaissez à l’organisme central de l’État et au ministère lui-même. J’ai bien entendu que vous plaidiez pour que la décision revienne finalement au ministère. J’ai tendance à penser l’inverse.

Je prends un exemple concernant un autre ministère.

Alors qu’il a acquis en plein centre de Paris un immeuble pour mettre ses services, cet immeuble est resté vide pendant douze ans – ce qui coûte à l’État 80 millions d’euros – et le conseil de l’immobilier de l’État est maintenant saisi d’une demande du secrétariat général dudit ministère pour s’installer dans l’immeuble en face !

M. Bertrand Munch : Je ne critiquerai pas un autre ministère, non seulement parce que c’est un autre ministère, mais aussi parce que je ne suis pas sûr que nous aurions su faire mieux, compte tenu des difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui : nous sommes obligés de recueillir des avis qui, bien qu’ils ne soient pas juridiques, ont un effet à tout le moins de verrouillage ; pour rentrer dans des immeubles et réaliser des aménagements, nous sommes toujours soumis à un système de maîtrise d’ouvrage publique alors qu’il nous est demandé d’être concurrentiels avec des gens du privé sur un marché en constante évolution et sur lequel, pour optimiser les choix, il faut être capable de prendre des décisions rapides !

Sur les questions concernant l’administration centrale, je constate que le service France Domaine est vraiment monté en puissance et est devenu, sinon le garant, du moins celui qui pose et repose les questions de manière extrêmement incisive : tant qu’on n’y a pas répondu, on ne peut pas rentrer dans les murs parce qu’on a besoin de la signature de France Domaine. Depuis une année, il demande aux ministères – qui, pour moi, ont à prendre la décision de l’implantation de leurs services – s’ils se sont bien assurés que les opérations envisagées étaient au meilleur coût.

M. Georges Tron, Président : Dans le cas que j’ai cité et qui est un exemple flagrant de dysfonctionnement, ne trouvez-vous pas nécessaire qu’il existe une autorité centrale qui puisse contrer les décisions du ministère ?

M. Bertrand Munch : Je continue à penser qu’une autorité centrale qui ne prendrait en compte que l’aspect optimisation immobilière ne permettrait pas d’optimiser le rapport entre occupation des lieux et coût immobilier parce qu’elle ne pourrait pas prendre en considération toute une série de questions qui, sans être directement immobilières, sont en interaction constante.

M. Georges Tron, Président : Pourquoi ?

M. Bertrand Munch : À moins de transférer à cette autorité la totalité des crédits qui, de près ou de loin, touchent à l’immobilier, je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner. Encore une fois, vous isolez l’immobilier du reste. Cette instance prendra des décisions. Elle pourra affecter des locaux, mais ceux-ci resteront souvent vides et seront mal adaptés.

Il y a aussi un problème de taille critique. À partir de quel moment, aura-t-on besoin d’une instance centrale ? Qu’est le patrimoine immobilier de La Poste, par exemple, par rapport à celui de l’État ?

M. Georges Tron, Président : Sur un total général de 16 000 immeubles, la part domaniale de son parc doit représenter à peu près un dixième de la valeur du parc domanial de l’État.

J’entends avec attention, monsieur Munch, vos remarques. Je ne les partage pas du tout, vous l’aurez compris. En tant que rapporteur spécial de la commission des Finances sur le budget de la Fonction publique depuis de nombreuses années, j’ai évidemment une vision globale : immobilier et effectifs. Or, en matière de gestion des actifs immobiliers, je suis au regret de vous dire que c’est la situation actuelle qui doit faire l’objet de critiques et non ce que nous voudrions mettre en place et qui ne l’est pas encore.

M. Daniel Dubost a mis en avant les très fortes réticences des administrations et l’on mesure ce à quoi il doit se heurter.

Je vous propose, monsieur le rapporteur, d’interroger maintenant les services déconcentrés de l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La dimension interministérielle de la réforme du service France Domaine est-elle appliquée au niveau déconcentré ?

Comment se décline la nouvelle politique immobilière de l’État, avec l’extension en 2008 des SPSI et des loyers budgétaires aux vingt-six grandes agglomérations de province ?

Pourquoi l’expérimentation en région Rhône-Alpes de mutualisation de l’entretien n’a-t-elle toujours pas pu être mise en place ? Quelles sont les différentes options envisagées pour une mise en œuvre pratique de cette expérimentation à partir de 2008 ? Le service France Domaine est-il organisé en conséquence ? Le ministère des Finances, lui-même occupant immobilier important dans la région Rhône-Alpes, joue-t-il un rôle moteur dans l’avancement de cette nouvelle politique de l’État ?

M. Paul-Henry Watine : Mes propos viendront en écho à ce qui a été dit de la situation au niveau central, parce qu’elle ne diffère pas fondamentalement au niveau local.

À la suite de la réforme de France Domaine, nous avons hérité en fait de trois services séparés – et même de quatre en comptant la gestion de la Cité administrative de Lyon : un service de gestion des patrimoines privés, un service d’évaluation composé des brigades compétentes et un service juridique. Nous sommes actuellement en train de mettre sur pied – et le délai que nous constatons dans la mise en œuvre des orientations nouvelles nous permet de nous y atteler – un cinquième service d’animation de la gestion immobilière.

Les personnels dont nous avons « hérité » de la DGI sont restés et la plupart des cadres ont opté pour le statut du Trésor. Néanmoins, comme nous avons des fonctions nouvelles, nous devons apporter du sang neuf et faire de la formation. Sur l’ensemble de la substance de la Trésorerie générale, je procède à des redéploiements et je mets quelques personnes en formation sur les métiers nouveaux d’animation de la politique immobilière dont nous sommes chargés sous l’impulsion du préfet.

D’une certaine manière, nous sommes les seuls, avec la préfecture, à savoir qu’il y a une nouvelle politique immobilière de l’État. Nos interlocuteurs sont dans la position de propriétaires ayant acquis leur maison il y a cinq ans ou même davantage auxquels un notaire vient déclarer qu’il est désormais le propriétaire de leurs biens et qu’ils doivent lui payer un loyer. Les chefs de service régionaux et départementaux n’ont reçu ou disent n’avoir reçu aucune information sur les évolutions intervenues.

De notre côté, nous faisons de l’information au niveau local, avec le préfet, lors de réunions départementales ou régionales. Le préfet de région m’a demandé de faire à nouveau une communication sur ce point lors du prochain CAR, le comité de l’administration régionale.

Nous avons la chance d’avoir eu à Lyon des initiatives qui nous permettent de jeter les bases – de poser les briques, en quelque sorte – de la nouvelle politique : les loyers budgétaires sur l’agglomération de Lyon, les discussions, qui ont eu lieu, sous l’impulsion du préfet, sur la politique d’entretien mutualisée au niveau régional, et les SPSI. Nous bénéficions également à Lyon d’une cité administrative très importante qui va pouvoir servir de point d’accroche de la réflexion que le préfet et nous-mêmes souhaitons mener sur l’optimisation des implantations de l’administration à la faveur des réformes de celle-ci : révision générale des politiques publiques – RGPP –, fusion de la direction générale de la Comptabilité publique et de la direction générale des Impôts. Cette optimisation des implantations doit s’inscrire dans un schéma départemental. Nous sommes en train de mettre en place les compétences nécessaires pour pouvoir jouer ce rôle auprès du préfet.

Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait un grand décalage entre Lyon et Paris, puisqu’on rencontre les mêmes problèmes. Le décor est planté. Nous sommes en chemin.

J’attends cependant des administrations centrales, hors les ministères des Finances et de l’Intérieur, qu’elles informent leurs fonctionnaires au niveau déconcentré des changements de règle du jeu, car c’est l’un des problèmes majeurs que nous rencontrons : les acteurs en face de nous fonctionnent comme avant et l’on découvre souvent que l’on fait le travail en double.

M. Georges Tron, Président : Quelle est, selon vous, la bonne dimension territoriale pour apprécier la façon dont il faut gérer l’immobilier ? La région ou le département ?

M. Paul-Henry Watine : Je considère, personnellement, que la stratégie d’implantation des services doit être établie le plus près possible du terrain, donc au niveau départemental.

La gestion opérationnelle, l’entretien et, éventuellement, l’utilisation plus spécialisée de certains immeubles nécessitent, en revanche, de passer du cadre départemental au cadre régional.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Pouvez-vous parler de l’expérimentation de mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes ?

M. Alain Espinasse : Avant de parler de l’expérimentation, je reviendrai brièvement sur deux aspects.

M. Dubost a parlé de services désemparés. Cela ne veut pas dire démotivés. Les trois objectifs fixés dans la circulaire de février 2007 – rendre un meilleur service public aux usagers, faire des économies au bénéfice des contribuables et mieux soutenir l’action des agents publics – ne peuvent que motiver les services.

Si la question de la motivation ne se pose pas, tel n’est pas le cas, par contre, de celle de l’organisation et du rôle de l’État dans les services déconcentrés, régions et départements. À l’exception très notable du ministère de l’Intérieur et de l’appui local des services de M. Watine, il n’y a eu aucune instruction des ministères sur la politique de gestion immobilière.

Si l’on veut que le préfet – de région ou de département – ait une action interministérielle, la moindre des choses est que les services placés sous son autorité aient des instructions claires et précises en matière immobilière de leurs services nationaux.

Quant à savoir quel est le bon niveau, je partage pleinement le sentiment de M. Watine. C’est d’ailleurs ce qui figurait dans les propositions du préfet de région : le bon niveau pour conduire une politique stratégique en matière immobilière, et notamment d’entretien, est la région. Il ne s’agit pas de mutualiser les actions de la DDJS de la Loire et de la DDJS de Grenoble, mais, comme l’a dit M. Munch, de rapprocher la DDJS et la DDASS d’un même département. Cela ne peut se faire, encore une fois, que si les services en question ont une vision claire de la stratégie immobilière de leur ministère aujourd’hui.

Pourquoi l’expérience de mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes n’a-t-elle toujours pas été mise en place, avez-vous demandé, M. le rapporteur ? Je fais une analyse un peu plus nuancée de la situation.

La circulaire a chargé le préfet de région de la mise en place d’un pôle interministériel pour gérer les travaux d’entretien du propriétaire. La question qui s’est posée, au TPG comme aux services du ministère de l’intérieur et au préfet, a été de savoir comment il fallait s’emparer du sujet. Il faut bien voir que l’on partait de zéro. S’il s’agit de mettre en place un pôle de compétences, quelle est la finalité de celui-ci ? S’il s’agit d’identifier les services tout de suite, au service de quoi ceux-ci seront-ils ?

Nous avons réfléchi à un système de gouvernance au niveau régional : la stratégie et les décisions seraient définies par une instance qui rassemblerait les préfets de département et les chefs de pôles des services déconcentrés et qui, sur la base du travail réalisé dans chaque département, fixerait les priorités en matière d’entretien. Cela nécessite la définition d’un outil budgétaire pertinent. Le ministre du Budget n’a pas encore pris sa décision à ce sujet, mais un outil budgétaire mutualisé paraît incontournable.

Il a fallu également dresser un état des besoins pour avoir une idée de ce que pouvait représenter l’ensemble des gros travaux à réaliser. Comme il y a autant d’approches que de services déconcentrés et de ministères, on a cherché, entre le mois d’avril et le mois de mai 2007, à définir localement le plus grand dénominateur commun de ce que pouvaient représenter ces travaux. Une estimation a été faite de ce que cela pouvait représenter en 2008 sur l’ensemble des administrations de l’État en région Rhône-Alpes et a été transmise aux services du Premier ministre en juillet.

Nous procédons actuellement à l’état des lieux des compétences.

Si le ministre décide, comme il l’a redit lors de son audition, de confirmer l’expérimentation, nous serons en mesure de répondre à sa demande.

Il faudra encore réfléchir à l’organisation de l’entretien. J’ai la faiblesse de penser qu’on peut aussi trouver des compétences techniques dans les services de l’État. Appuyons-nous sur tout ce que nous avons avant de songer à externaliser. Cela nous coûtera moins cher.

M. Georges Tron, Président : Nous avons vu qu’il y a un conservatisme certain de la part des ministères.

Il y a deux méthodes pour lutter contre celui-ci : l’une paraît un peu dépassée, l’autre ne semble pas encore avoir cours.

La première est d’intéresser financièrement les administrations aux cessions de biens immobiliers ou de terrain. Le ministère de la Défense jouissait d’une double dérogation : le produit des cessions – dans son intégralité – non seulement lui revenait, mais revenait aussi à chacune des armées qui se sentaient elles-mêmes propriétaires de ces biens immobiliers. Il est à craindre que, si l’on dépasse cette vision, le conservatisme soit encore aggravé.

L’autre méthode serait d’imposer les baux publics : chaque « affectataire » se sentirait non plus propriétaire, mais locataire. Cela inciterait les administrations à réévaluer constamment l’utilisation de leurs biens, un certain nombre n’étant pas utilisés du tout. Ce qui fait bouger les administrations, c’est quand le coût du maintien-entretien devient trop lourd.

Comme on le voit, la question centrale est : comment dépasser le conservatisme que nous sentons tous ?

M. Yves Deniaud, Rapporteur : L’option choisie depuis longtemps par les Britanniques est d’imposer sur le budget voté aux administrations un loyer qui les conduise à examiner avec précision le périmètre immobilier qu’elles ont et à déterminer si elles doivent le réduire ou, au contraire, l’étendre.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie.

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