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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Allocation des moyens des universités

Mercredi 28 mai 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. David Habib, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de Mme Sophie BINET, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), Mme Anna MELIN et M. Thierry LECRAS, membres de l’UNEF.

M. David Habib, Président : Nous vous remercions, mesdames, monsieur, d’avoir répondu à l’invitation de la mission. Les Rapporteurs vous ont adressé leur questionnaire écrit. Vous avez la parole pour un bref exposé liminaire.

Mme Sophie BINET : Nous nous félicitons de la tenue de cette mission parce que la question des critères de répartition des moyens est fondamentale pour trois raisons :

– des dispositions législatives ont rendu inopérant le fonctionnement antérieur ;

– le Gouvernement s’est engagé – et nous espérons que cet engagement sera tenu – à augmenter de façon substantielle des moyens des universités d’ici à cinq ans ;

– nous ne sommes pas satisfaits du mode actuel de répartition des moyens. Les normes San Remo sont insuffisantes sur un certain nombre de questions.

Par ailleurs, la part du contrat s’est, avec le temps, considérablement accrue dans le financement des universités alors qu’elle n’est encadrée par aucun critère et que son volume n’est en rien transparent. Le CNESER, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, n’en a pas connaissance. Le contrat représente en quelque sorte la partie immergée de l’iceberg.

Il importe de tout remettre à plat et de définir des critères garantissant à la fois l’objectivité et la transparence.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous n’êtes pas opposés au contrat ?

Mme Sophie BINET : Non, mais il faut s’assurer que le contrat n’est pas fonction du poids des lobbies. Dans les discussions des contrats, les présidents d’universités de province ne pèsent pas le même poids politique que ceux qui sont membres de la CPU – la conférence des présidents d’université – ou présidents de grosses universités parisiennes.

C’est pourquoi nous demandons que la discussion repose d’abord sur des critères objectifs et transparents permettant des projets politiques forts de développement des universités.

La question du financement doit répondre à trois préalables :

– les financements et les critères doivent permettre aux universités d’assumer l’ensemble de leurs missions de service public ;

– les critères doivent garantir l’égalité entre les universités ;

– les critères doivent même permettre de corriger les inégalités de départ entre les universités en ce qui concerne les publics accueillis, le patrimoine immobilier et les dotations aux personnels. Ainsi remettra-t-on les compteurs à zéro.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Pouvez-vous nous donner maintenant votre position sur le questionnaire qui vous a été adressé ? Les questions se regroupent en trois grands blocs. Le premier concerne la transparence et la lisibilité du système, et le rééquilibrage entre les établissements par les nouveaux modes d’allocations. Le deuxième porte sur les critères envisageables pour l’allocation à l’activité. Le troisième a trait à la partie « libre » d’allocations de l’État, toujours dans un cadre contractuel. Quelle part envisageriez-vous pour cette partie libre ? Nous nous interrogeons également sur le concept d’efficience. Comment mesurer le fait que l’activité se déroule effectivement et efficacement ?

M. Thierry Lecras : Une réforme du système actuel de répartition des moyens est nécessaire. Cette répartition a lieu aujourd’hui dans la plus totale opacité. Les contrats sont examinés en négociation bilatérale entre les présidents d’université et le ministère sans aucune concertation avec les associations de la communauté universitaire ni même avec le conseil d’administration.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous réalisé des études sur les inégalités entre universités ?

Mme Sophie Binet : Il y a cinq ans encore, nous avions la chance que nous soient communiquées les dotations réelles sur les dotations théoriques et les potentiels sur les besoins en fonction des normes San Remo. C’était nos critères de référence. À partir de 2002 ou 2003, on a cessé de nous fournir ces éléments. Dès lors, la répartition se faisait totalement en aveugle, puisqu’on ne savait pas d’où on partait. En 2002-2003, la majorité des universités étaient en dessous de 100 %, quelques-unes étant au-dessus, comme Paris VI-Jussieu ou Le Havre. Depuis, la DGES semble avoir cessé de faire ces calculs. Peut-être la Cour des comptes a-t-elle plus d’éléments que nous. Nous sommes sur ce point très demandeurs.

M. David Habib, Président : La MEC a prévu de recevoir des représentants de la DGES. La question leur sera posée. Comme M. Claeys y a insisté toute la matinée, il importe d’avoir une exigence de transparence totale.

Mme Sophie Binet : Non seulement il n’y a aucune transparence des contrats, dont les volumes ne sont même pas communiqués, mais encore, depuis quatre ou cinq ans, nous avons peu d’éléments concernant la DGF.

M. Thierry Lecras : Le système de répartition San Remo pose un certain nombre de problèmes. Nous serions d’avis, non pas de le supprimer, mais de le rénover afin qu’il prenne en compte de nouveaux critères permettant d’assurer une égalité entre les établissements. Les critères du système San Remo concernant le patrimoine immobilier, par exemple, ne prenaient en compte que la surface immobilière et non les moyens à prévoir pour la maintenance et la réhabilitation des bâtiments, éléments pourtant à prendre en compte pour allouer aux établissements les moyens nécessaires.

M. Régis Juanico : S’agissant de la dotation globale de fonctionnement, seriez-vous favorable à une péréquation entre universités, à l’instar du système, certes perfectible, qui existe entre les collectivités territoriales les plus riches et les plus pauvres ? La loi LRU introduit de nouvelles sources de financement, notamment par le biais des fondations, mais toutes les universités n’en bénéficieront pas et les inégalités risquent de se creuser.

M. Thierry Lecras : Il faut en effet porter la plus grande attention à la correction des inégalités, qu’elles concernent le territoire ou le public. L’université de Paris XIII, par exemple, accueille plus d’étudiants en difficulté sociale que celle de Paris II. Il faut établir des critères pour corriger de telles inégalités et pour que tous les établissements puissent assurer leur mission de service public.

Mme Sophie Binet : Il convient de distinguer les inégalités structurelles, tenant au nombre d’étudiants boursiers ou à l’état du patrimoine – celles qui séparent, par exemple, Paris VIII et Paris IX Dauphine –, et les inégalités que le développement des fondations et des ressources propres des universités entraînera. Il est d’autant plus important de corriger ces dernières qu’elles risquent de creuser l’écart entre certaines disciplines : les fondations se développeront sans doute moins au profit des sciences humaines et sociales que des « sciences dures ». À l’évidence, l’université de Saint-Étienne aura plus de mal que celle de Lyon I à récolter des fonds via sa fondation, mais il faut aussi prendre en compte les inégalités liées aux disciplines. Il est donc important de disposer à la fois d’un correctif permanent fondé sur la situation de départ de l’université et d’un correctif qui évolue en fonction du développement des ressources propres de l’université.

Nous considérons que le critère des disciplines n’est plus opérant pour fixer les dotations. Aux termes des normes San Remo, les sciences devraient bénéficier de plus d’argent que les sciences humaines parce qu’elles exigeraient plus de travaux pratiques, plus de travaux dirigés et plus de volume horaire. Le plan Licence lancé par Mme la ministre prévoit au contraire que tous les étudiants doivent bénéficier de vingt heures de cours hebdomadaires en première année, l’objectif étant d’opérer une remise à niveau et de se rapprocher du taux d’encadrement et du volume horaire en classes préparatoires.

De même, s’il fallait établir une priorité entre cycles, sans doute faudrait-il l’accorder à la licence plutôt qu’au master. Aujourd'hui, les établissements dotent le master de beaucoup plus de crédits, se conformant à un schéma un peu cynique selon lequel on fait le tri en premier cycle et l’on consacre prioritairement ses moyens aux étudiants retenus en master. Pourtant, ce n’est pas gâcher l’argent que de le mettre là où il y en a le plus besoin : en première année, lorsque les étudiants ont besoin d’être très encadrés et d’avoir beaucoup d’heures de cours. On a moins besoin d’encadrement en master car on est plus autonome.

Enfin, il est important de corriger les critères d’évaluation de la performance en fonction des universités. Nous serions formellement opposés à une comparaison entre le taux de réussite net de Paris VIII et celui de Paris IX Dauphine : il faut une pondération prenant en compte les publics accueillis – avec pour critère, par exemple, l’âge auquel les étudiants ont obtenu leur baccalauréat, le nombre d’étudiants étrangers, etc. En outre, les critères de performance ne doivent intervenir que pour établir un bonus-malus à la marge. Il ne faudrait pas qu’ils aboutissent à pénaliser les universités qui ont le plus besoin d’aide et de moyens pour pouvoir progresser. Si l’on en arrive à doter encore plus celles qui présentent déjà les meilleurs taux de réussite, on aura fait l’inverse de ce que l’on voulait : donner à l’ensemble des universités les moyens de faire réussir leurs étudiants.

En d’autres termes, il ne faut pas s’en tenir à un taux de réussite à un instant t mais prendre en compte la capacité de progrès des établissements, qui bénéficieront par exemple d’un bonus si leur taux de réussite a progressé durant les quatre années du contrat. Les représentants des étudiants resteront très vigilants sur cette question car si une université est pénalisée du fait de l’inefficacité de son équipe de direction, ce sont les étudiants qui en feront d’abord les frais. D’où notre réticence.

M. David Habib, Président : Je vous remercie.

M. Thierry Lecras : Pouvons-nous vous faire parvenir une contribution écrite ?

M. David Habib, Président : Bien entendu. Sachez aussi que nous relaierons vos préoccupations en ce qui concerne la diffusion des informations. Tout comme la MEC, vous devez être en mesure de mener votre travail d’analyse.

——fpfp——