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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Allocation des moyens des universités

Jeudi 4 juin 2008

Séance de 10 h 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. David Habib, Président, puis de M. Benoist Apparu, membre de la MEC

–  Audition, ouverte à la presse, de MM. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’Enseignement supérieur, Gilles Bloch, directeur général de la Recherche et de l’innovation, ainsi que Michel Dellacasagrande, directeur des Affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

M. David Habib, Président : Je souhaite la bienvenue à nos trois invités, MM. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, Gilles Bloch, directeur général de la recherche et de l’innovation, ainsi que Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Je salue également les Rapporteurs MM. Alain Claeys et Laurent Hénart, qui se sont particulièrement investis dans leur travail, ainsi que MM. Régis Juanico et Benoist Apparu, qui ont eux beaucoup œuvré à l’élaboration de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU). Je remercie, enfin, M. Yann Petel, conseiller-maître à la Cour des comptes, dont l’expertise est toujours précieuse.

C’est la troisième séance que nous consacrons aux moyens alloués à l’université. Je ne doute pas qu’elle se déroulera dans le même esprit de franchise et de clarté que les deux réunions précédentes grâce auxquelles nous avons pu mesurer combien il est temps de repenser le système San Remo.

Devant vous quitter à 11 heures, je laisserai à M. Benoist Apparu le soin de me succéder à la présidence de cette réunion.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous vous remercions, Messieurs, d’avoir répondu à notre invitation.

Une polémique s’est esquissée par voie de presse à la suite des auditions d’hier mais je tiens à préciser qu’aucune structure n’a été mise en cause. Nous essayons simplement, dans l’esprit de la MEC, de parvenir avec vous à un constat partagé quant à une meilleure attribution des moyens à l’université afin d’en améliorer l’efficacité et l’efficience.

Tous les dispositifs imaginables échoueront si l’on ne tente pas d’abord de réduire les inégalités entre les universités. Comment expliquer une pareille situation ?

En outre, l’autonomie de l’université n’oblitérant en rien le droit de regard de l’État sur l’efficacité des politiques universitaires, d’où proviennent les dysfonctionnements de l’évaluation ?

Les dotations des universités sont par ailleurs fondées sur trois ressources principales : la gestion de la masse salariale, la dotation globale de fonctionnement et, enfin, le contrat. Comment envisagez-vous dans ce cadre la répartition de la nouvelle allocation de moyens, sachant qu’il importe de distinguer la formation de la recherche ?

M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur : Je vous remercie de votre accueil.

Le système San Remo a fait l’objet d’un certain nombre d’aménagements qui l’ont considérablement compliqué jusqu’à le rendre illisible. La politique de la ministre vise à répondre à des considérations d’ordre technique, certes, mais également, politique : la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche a ainsi institué l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), premier élément autorisant la conception d’un nouveau dispositif de répartition des moyens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avant la création de cette agence, était-ce bien la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) qui évaluait les contrats ?

M. Bernard Saint-Girons : C’était un service du ministère, la mission scientifique, technique et pédagogique, qui évaluait les contrats, les instances d’évaluation des organismes de recherche évaluant pour leur part les unités mixtes de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Des contrats ont, semble-t-il, été renégociés sans qu’il ait été vraiment possible d’évaluer les contrats précédents. L’AERES a-t-elle aujourd’hui, précisément, cette mission d’évaluation ?

M. Bernard Saint-Girons : La vague B de la contractualisation a été en quelque sorte l’occasion d’un rodage de l’agence. Avant toute intervention de quelque organisme que ce soit, c’est elle qui procède à l’évaluation des établissements sur les volets « gouvernance », « recherche » et « formation ». La DGES, quant à elle, n’intervient qu’à l’issue des rapports de l’AERES et après que les universités ont été mises en situation de répondre aux observations qui leur ont été faites. Des cotations sont alors instaurées pour les formations ou la recherche et c’est sur cette base que la discussion est engagée avec les établissements, en concertation étroite avec la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) afin de pouvoir apprécier la stratégie scientifique d’un établissement à l’aune des priorités définies par l’État et de veiller à la mise en place de partenariats entre universités et organismes de recherche. La DGES négocie donc à la fois directement avec les établissements et occupe en quelque sorte la place d’« ensemblier » du dispositif.

Premier exemple : l’AERES a émis des avis réservés sur un certain nombre de licences. Il importe avant tout d’en comprendre les raisons : telle ou telle université ne disposerait-elle pas de la compétence idoine pour assurer telle ou telle formation ou une rationalisation de l’offre de formation s’impose-t-elle ? La DGES évoque toujours avec les universités les points essentiels du rapport de l’agence, de même qu’elle demande les mesures que ces dernières comptent prendre afin de répondre à ces observations. C’est alors qu’elle décide si telle ou telle formation peut être habilitée ou si un regroupement rationalisé est nécessaire.

Deuxième exemple : les universités de Nantes, d’Angers et du Mans disposaient chacune d’une école doctorale de grande qualité mais, sur la base d’une évaluation positive cette fois, une discussion a été engagée qui a abouti à une réorganisation de ces écoles et à la création d’un pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES).

Dernier exemple : l’AERES a formulé des observations sur des dénominations fort peu claires au sein du cursus Licence Master Doctorat (LMD) et la DGES a demandé une clarification à l’université en question.

Avec la vague C, l’AERES est désormais en pleine responsabilité. Pour sa part, la DGES doit veiller en particulier à faire en sorte que le contrat soit signé au début de la période qu’il vise. Nous avons en outre prévu que l’agence et la DGES puissent dresser un bilan de la situation lors de la phase de finalisation des contrats mais il est vrai que cela risque d’être difficile.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourquoi un tel manque de transparence dans la communication des informations ?

M. Bernard Saint-Girons : Sans doute en raison des 43 familles de formations existantes et des processus de pondération survenant dans la prise en compte des étudiants. Nous travaillons donc sur des indicateurs simplifiés et sur les familles de formation elles-mêmes.

M. Benoist Apparu, Président : Vous envisageriez de les réduire à combien ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous travaillons en ce moment sur deux types de formation : scientifiques et littéraires.

M. Benoist Apparu, Président : Vous envisagez donc un passage de 43 à 2.

M. Bernard Saint-Girons : Tel est en effet notre objectif.

M. Benoist Apparu, Président : Vous y incluez les écoles d’ingénieurs, les IUT et les IUFM ?

M. Bernard Saint-Girons : La distinction entre écoles d’ingénieurs et IUT n’a pas encore été opérée car les simulations réalisées démontrent qu’en tenant compte de la masse salariale et de la recherche, leurs situations ne diffèrent pas fondamentalement de celles des universités. La loi LRU, en outre, globalise les dotations de l’université. Enfin, il n’est pas question que les présidents des universités utilisent à des fins internes le système national de répartition des moyens. Il importe donc que le dispositif qui sera mis en place soit suffisamment clair pour considérer les situations spécifiques de chaque établissement tout en laissant aux universités la responsabilité de leur politique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cela est-il acté pour les IUT ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous travaillons sur cette hypothèse.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce n’est donc pas acté.

M. Bernard Saint-Girons : La masse salariale concernant l’université dans sa globalité, une approche générale me semble la plus adéquate. C’est au président de l’université de parvenir à faire vivre les différentes composantes de son établissement. L’université est un tout irréductible à la somme des unités qui la composent. Avec la transparence, le fléchage des moyens ne devrait plus être à l’ordre du jour.

Par ailleurs, deux conditions sont à mon sens nécessaires pour régler la question des inégalités : des moyens à la hauteur de l’augmentation des effectifs accueillis lorsque des dérives ont commencé à se produire – en l’occurrence en 1997 et 1998 –, ainsi qu’un redéploiement des moyens entre les universités qui sont le mieux dotées et celles qui ne le sont pas. Je précise toutefois qu’il n’y pas d’université sur-dotée puisqu’un effort de rattrapage majeur est aujourd’hui engagé et qu’il faudra sans doute mettre à profit les ressources complémentaires mobilisées aujourd’hui et pour les quatre ans à venir en faveur des universités afin de parvenir aux équilibrages souhaités.

M. Régis Juanico : Avez-vous réfléchi à des mécanismes précis afin d’améliorer le système des dotations ?

M. Bernard Saint-Girons : Le système sur lequel nous travaillons est fondé sur la masse réelle des moyens à répartir : il n’est en effet pas question de maintenir la distinction entre dotations théoriques et dotations réelles. À partir des dotations 2008 et compte tenu des pondérations entre étudiants scientifiques et littéraires, certaines universités sont au-dessus de la ligne, d’autres en dessous.

Est-il donc envisageable d’entrer dans une phase active de rééquilibrage, me direz-vous ? Vraisemblablement, à condition que des moyens complémentaires soient attribués de façon différenciée aux universités, en fonction de leurs besoins. L’équité n’est pas l’égalitarisme : des universités doivent pouvoir par exemple continuer à jouer pleinement leur rôle sur un plan international.

M. Régis Juanico : Les moyens complémentaires auxquels vous faites allusion, ce sont les cinq milliards annoncés pour le budget de l’enseignement supérieur ?

M. Bernard Saint-Girons : En effet.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Quel est l’avis de MM. Bloch et Dellacasagrande sur les propos de M. Saint-Girons, le fonctionnement du système San Remo et les rapports entre l’État et les universités ? Comment appréhendez-vous l’application de la loi LRU et la situation des établissements ayant opté pour le nouveau statut, la mise en place des nouveaux critères devant être effective au 1er janvier 2009 ?

M. Gilles Bloch, directeur général de la Recherche et de l’innovation : Je vous remercie à mon tour de votre accueil. Le travail de réflexion sur le nouveau schéma d’allocation des moyens est mené collectivement même si la DGES est pilote en la matière.

Le système concernant l’attribution des moyens dévolus à la recherche était sans doute plus lisible et plus transparent – le contrat comprenant un volet dédié aux moyens alloués sur des critères d’effectifs de « publiants » et un volet sur la performance des unités – mais il souffrait d’être déconnecté de tout ce qui concerne la partie « masse salariale » et du fait que l’évaluation préalable à la contractualisation n’était pas explicite. De surcroît, non seulement le très bon travail du conseil national d’évaluation (CNE) n’était pas utilisable pour déterminer les critères du futur contrat de l’université mais il n’était pas disponible au moment de la discussion avec une université.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La création de l’AERES a donc dû vous rassurer.

M. Gilles Bloch : Le phasage des processus et l’engagement d’une discussion sur les besoins d’information de l’État préalablement au contrat sont en effet très positifs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous d’accord avec l’AERES sur les critères d’évaluation ?

M. Gilles Bloch : Le dialogue est en cours et sans doute des convergences se feront-elles au moment de la vague D.

M. Bernard Saint-Girons : Nous avons élaboré avec la DGRI un « document unique » qui nous permet précisément d’avoir une unité de vue.

M. Gilles Bloch : L’évaluation était précédemment réalisée par la mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP), le CNRS, l’INSERM etc. Le système dont nous disposons aujourd’hui est heureusement homogène puisque l’agence est en mesure de noter toutes les unités figurant dans le périmètre d’une université à partir d’une même méthode. Il s’agit là d’un réel progrès, et pour l’évaluation, et pour la transparence.

J’adhère par ailleurs tout à fait aux propos de M. Saint-Girons.

M. Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche : Nous nous sommes quant à nous plus particulièrement occupés du coût du nouveau mode d’allocation des moyens – estimé entre 500 et 800 millions d’euros – et par la masse salariale, qui s’élève à 7 milliards et qui sera transférée progressivement hors du titre II – sachant que les universités ne gèrent aujourd’hui qu’un milliard environ de masse salariale sur leur budget propre. Les universités devront prendre en compte des données tel que le glissement-vieillesse-technicité (GVT) ou l’évolution de la valeur du point et nous les accompagnerons dans cet exercice qui est souvent nouveau pour elles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Combien d’universités sont-elles prêtes pour ce transfert ?

M. Bernard Saint-Girons : À ce jour, 31 universités ont demandé à être évaluées et une quinzaine de rapports nous sont parvenus. Nous demandons aux universités la teneur du plan d’action qu’elles envisagent compte tenu des difficultés constatées et, à partir de l’audit de l’inspection générale, nous proposerons à Mme la ministre de l’Enseignement supérieur et à M. le ministre du Budget la liste des universités dont il nous semble qu’elles pourront accueillir les compétences élargies au 1er janvier 2009.

M. Benoist Apparu, Président : Vous estimez leur nombre à une vingtaine environ ?

M. Bernard Saint-Girons : Oui.

M. Michel Dellacasagrande : Il faut également que nous permettions aux universités d’être aussi optimales que possible en leur proposant un certain nombre d’instruments, notamment en ce qui concerne la gestion de la paie. Nous travaillons en particulier sur la « paie à façon » car la lenteur des retours d’information sur les paies ne permettrait pas aujourd’hui un suivi correct de la masse salariale.

Trois conditions sont donc impératives pour que les universités aient une gestion autonome de leur masse salariale : une bonne connaissance de sa valeur, une assurance quant aux instruments de suivi de cette gestion et, enfin, une bonne préparation du processus de paie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il conviendrait d’aborder la question de la répartition entre la partie normée et l’allocation variable, aussi bien dans le domaine de la formation que de la recherche. Quel est votre point de vue et quel est l’état de votre réflexion ?

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Les critères retenus doivent-ils être différents selon les blocs de disciplines ? Combien de blocs de disciplines distingueriez-vous ? Dans le domaine de la formation, envisagez-vous des critères particuliers en licence et en master ?

M. Bernard Saint-Girons : Premièrement, le système sur lequel nous travaillons fait la distinction entre une part normée, à l’activité et une part à la performance. Cette observation vaut aussi bien pour la formation que pour la recherche. En effet, nous considérons qu’il n’y a qu’une seule politique d’établissement, qui englobe la formation et la recherche. C’est si vrai que nous avons demandé aux établissements qui jusqu’ici faisaient remonter dans un premier temps le volet recherche et dans un deuxième temps, trois ou quatre mois après, le volet formation, de faire remonter ces deux volets simultanément. À ce jour, nous travaillons à une répartition qui est de 90 % pour la part à l’activité et de 10 % pour la part à la performance.

M. Benoist Apparu, Président : Y compris la masse salariale ?

M. Bernard Saint-Girons : Oui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On passerait ainsi de 3 à 10 % ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous sommes légèrement au-dessus dans les simulations que nous avons faites jusqu’à aujourd’hui dans le cadre de notre système évolutif.

Ce schéma correspond très précisément aux préconisations de l’Inspection générale des finances qui, au moment d’établir le guide d’audit, avait indiqué que la part à la performance devrait représenter de 5 à 10 % des dotations allouées aux universités.

Comment décliner cet objectif sur la formation d’une part, et sur la recherche de l’autre ?

Dans le volet formation, la part à l’activité va prendre en compte le nombre d’étudiants, avec une pondération qui devait s’établir autour de 2,2 points entre les étudiants de lettres et sciences humaines (LSH) et les étudiants de sciences. C’est ce qui ressort des situations actuelles et des expérimentations menées.

Dans cette hypothèse, la part à l’activité renvoie déjà à des éléments plus qualitatifs qu’auparavant. Nous ne prenons pas comme référence les seuls étudiants inscrits. Nous regardons de plus près la prise en compte des étudiants présentant effectivement l’examen ; la direction de l’évaluation et de la prospective, la DEPP, travaille par ailleurs de son côté pour consolider cet indicateur et voir comment il peut être utilisé.

M. Benoist Apparu, Président : Qu’entendez-vous par « examen » ?

M. Bernard Saint-Girons : Il s’agit de se mettre d’accord. Faut-il prendre en compte les éléments de contrôle des connaissances ou ceux qui marquent la fin du premier semestre ? Dans ce cas, on pourrait aller plus loin et considérer qu’il ne s’agit pas seulement de s’asseoir dans la salle mais qu’il faut réaliser une performance minimale. Mais dans la pratique, ce serait compliqué à mettre en œuvre. Cela signifie en tout cas que l’aspect quantitatif et l’aspect qualitatif sont assez proches l’un de l’autre. Le plan licence vise d’ailleurs à faire en sorte que l’étudiant qui s’inscrit reste à l’université jusqu’au bout de son parcours.

La part liée à la performance amène à une interrogation : faut-il la pondérer et comment ? Comment l’évaluer pour la licence et pour le master ?

M. Benoist Apparu, Président : S’agissant de la part à l’activité, vous n’avez évoqué que le nombre d’étudiants. Pour l’instant, la DGES n’envisage-t-elle pas d’autre critère : social, immobilier par exemple ?

M. Bernard Saint-Girons : Sur l’aspect social, ma réponse sera double : premièrement, dans les moyens du plan licence, nous avons opéré une répartition qui prend en compte la difficulté des publics accueillis, plus précisément les bacheliers qui entrent à l’université avec un retard d’un an ou plus. Les universités de lettres et de sciences humaines ont ainsi bénéficié fortement des premiers crédits du plan licence. Deuxièmement, nous avons la volonté d’assurer intégralement la compensation des droits d’inscription des étudiants boursiers, qui s’est faite jusqu’à présent de manière aléatoire et partielle, pour des raisons budgétaires évidentes. C’est important à souligner, dans la mesure où certaines universités sont dans une situation d’inégalité par rapport aux autres. Dans l’académie de Créteil, les étudiants boursiers peuvent représenter plus de 30 % des effectifs d’une université.

Faut-il prendre en compte d’autres éléments ? C’est autour du coût de l’étudiant que nous pensons déterminer l’ensemble des dotations des universités. Nous n’avons pas, à ce stade de nos réflexions, envisagé d’autres critères.

M. Benoist Apparu, Président : Autrement dit, vous intégrez la dotation au mètre carré dans le coût de l’étudiant, mais vous ne prenez pas en compte l’immobilier existant ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous en sommes là, au stade de notre analyse. Je m’explique : d’abord, l’ancien système prétendait le prendre en compte, mais ne le faisait pas ; ensuite, si nous acceptons un mécanisme automatique, nous retomberons dans un système dont nous ne voulons plus.

Comment apprécier la performance ? Faut-il l’apprécier de la même manière pour le niveau licence et pour le niveau master ?

Pour le niveau licence, nous travaillons sur l’indicateur de la valeur ajoutée. Il s’agit, compte tenu des publics accueillis, de mettre en perspective les taux de réussite escomptés et les taux de réussite constatés. L’exercice peut apparaître compliqué et là encore, la DEPP a été mise à contribution. Ce critère est-il pertinent ? Il nous semble en tout cas répondre à une des préoccupations que vous évoquiez tout à l’heure, la spécificité des publics accueillis et la capacité d’une université à réduire à la fois les taux d’évaporation et d’abandon – qui sont aussi les objectifs du plan licence.

Quel pourcentage accorder à la performance ? On nous a proposé 10 %. On nous a aussi proposé d’adopter un pourcentage plus faible pour la licence, par exemple 5 %, et plus fort pour le master, par exemple 20 %. Pour le niveau master, on prendrait en compte le nombre de diplômés et les taux d’insertion – insertion professionnelle ou poursuite dans un parcours doctoral.

M. Benoist Apparu, Président : Les critères que vous souhaitez prendre en compte sont-ils des critères d’évolution, pour la même université, d’une année sur l’autre ? Ou s’agit-il de critères standardisés, université par université ? Autrement dit, prendrez-vous en compte le fait qu’une université a vu son taux d’insertion baisser de 50 % à 45 %, ou monter de 5 à 15 % ?

M. Bernard Saint-Girons : C’est un critère évolutif.

Je voudrais ajouter qu’il est très important, pour des raisons d’équité et de lisibilité, que le critère du taux d’insertion fasse l’objet d’une appréciation homogénéisée. Un effort de formation doit être engagé pour que les observatoires de l’insertion professionnelle créés dans les universités adoptent les mêmes méthodes d’évaluation et de suivi de cohortes.

M. Régis Juanico : Vous avez évoqué les projections que vous faisiez à partir du nouveau modèle d’allocation des moyens. Vous avez parlé des universités qui seraient « un peu au-dessus » et de celles qui seraient « un peu en dessous ». Avez-vous pu déterminer si ces dernières présentaient des points communs, du point de vue de la taille, de la situation géographique, etc. ?

M. Bernard Saint-Girons : La situation de ces universités « un peu en dessous » est assez disparate, mais nous avons constaté que celle des universités nouvelles demandera de notre part une vigilance particulière. Mais votre question appelle un premier commentaire. Nous devons nous donner pour cible que toutes les universités atteignent ce niveau moyen à l’horizon 2012, quand elles seront toutes passées aux compétences élargies.

Sans doute le modèle que nous mettons en place aujourd’hui devra-t-il être actualisé, modifié et stabilisé pour que nous atteignions un système de croisière.

M. Alain Claeys, Rapporteur : J’ai lu, dans la mise au point faite par Jean-François Dhainaut à propos de son audition d’hier, un passage qui me préoccupe : « …compte tenu de l’étanchéité voulue par le législateur entre l’évaluation et la décision (à la différence des pays anglo-saxons où les agences accréditent), il n’y a pas eu, et il ne pouvait y avoir de concertation spécifique à ce sujet entre la DGES et l’AERES. » Le législateur n’aurait-il pas été suffisamment clair ?

M. Bernard Saint-Girons : Le législateur a voulu distinguer la tâche d’évaluation et la responsabilité de l’attribution des moyens quelle que soit la voie, ensuite, par laquelle s’effectue cette attribution. C’est une caractéristique du système français.

Par ailleurs, l’engagement de chaque vague contractuelle a été marqué par une réunion commune des directions, de l’AERES et des présidents des universités concernées. Cela a permis aux directions et à l’AERES de préciser la méthode de travail suivie, les échéances, les temps d’évaluation et les temps de négociation des directions avec les universités. Nous avons travaillé ensemble pour que les présidents d’université entendent bien la même partition et connaissent la place occupée par chacun dans le dispositif.

Enfin, nous sommes à un moment qui est caractérisé par deux éléments complémentaires : premièrement, le document unique, qui remonte vers nous de toutes les universités et qui permet, sur une base normalisée, d’avoir toutes les informations sur toutes les unités de recherche de toutes les universités, et englobe la référence aux écoles doctorales ; deuxièmement, le cahier des charges de l’évaluation …

M. Alain Claeys, Rapporteur : La DGES sera-t-elle appelée à le rédiger ?

M. Bernard Saint-Girons : Elle va le préparer, puis le concerter. Il permettra d’indiquer les points sur lesquels nous souhaitons avoir un regard plus particulier. Imaginez une évaluation sur la vague A, où il est question des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) de Lyon ou de Grenoble. Nous pouvons alors demander que l’on regarde avec une vigilance toute particulière les politiques interuniversitaires, les politiques de site. Ce n’est pas un cahier de commandes. Il doit permettre d’identifier plus particulièrement les sujets sur lesquels nous attendons des éléments d’évaluation. Cela n’empêchera pas l’AERES, qui est de surcroît indépendante, de mener d’autres investigations pour avoir une connaissance fine de l’ensemble du dispositif, de se constituer une bibliographie de l’ensemble des universités et d’identifier leurs points forts et leurs points faibles de celles-ci. Que nous demandions que certains sujets soient particulièrement visés parce que nous en faisons dépendre l’allocation des moyens, c’est légitime. Que l’AERES ait besoin d’autres informations que celles qui nous concernent directement, c’est sa responsabilité.

M. Gilles Bloch : Le dialogue entre directions et AERES se déroule au rythme de la disponibilité des uns est des autres. Pour la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI), l’évaluation des organismes de recherche est un exercice très nouveau.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous appuyez-vous sur des systèmes d’évaluation existants ?

M. Gilles Bloch : Je parle de l’évaluation des établissements. À la suite d’un travail de plusieurs mois avec l’AERES, nous avons mis au point un cahier des charges qui a fait l’objet d’une commande « cosignée » par le directeur général de la santé et par moi-même pour une évaluation de l’INSERM. Nous avons fait de même avec le directeur général de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture, pour une évaluation du CEMAGREF. Un dialogue existe donc. Il faudra que l’on dispose, pour les universités, d’un prototype de cahier des charges. Que l’État soit en attente vis-à-vis d’une autorité administrative indépendante n’empêche pas cette dernière de se saisir d’autres sujets.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le cahier des charges pour les universités sera-t-il rapidement mis au point ?

M. Bernard Saint-Girons : Il est en cours de finalisation. Nous avons pu l’élaborer en le mettant en perspective avec ce qui ressortait de la pratique de cette année.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourrions-nous en avoir l’ébauche ?

M. Bernard Saint-Girons : Volontiers.

M. Gilles Bloch : Le Rapporteur a évoqué la séparation de la décision et de l’évaluation. Le système de recherche français est assez spécifique ; dans le périmètre de la recherche universitaire, les acteurs sont multiples : CNRS, INSERM, etc. Il est aujourd’hui précieux d’avoir, sur l’ensemble des universités, un regard consolidé d’une instance d’évaluation, dont chaque acteur puisse se saisir pour prendre ses décisions. Coupler la décision et l’évaluation dans une agence particulière biaiserait la capacité d’évaluation de cette instance.

M. Bernard Saint-Girons : Pour l’anecdote, les directions et le bureau des contrats de la DGES ont été réunis pour entendre les lignes essentielles des rapports de l’AERES au début de la vague B. Lorsque nous avons engagé les discussions au mois de novembre dernier, le président de l’AERES et ses collaborateurs les plus proches ont évoqué les grands sites sur lesquels la vague allait être élaborée.

En amont, pour la vague B, il nous reste à faire le bilan. Cela nous permettra d’avoir effectivement ce cahier des charges dont nous vous ferons parvenir la copie dans l’après-midi ou dès demain.

M. Benoist Apparu, Président : Revenons au financement des universités. Concernant la part à l’activité pour la formation, prévoyez-vous des critères liés à la politique de l’établissement ? Pensez-vous prendre en compte, par exemple, les PRES ou d’éventuelles fusions d’universités ? Comment ? Pour la recherche, quel est votre point de vue, entre la part à l’activité et la part à la performance ?

M. Bernard Saint-Girons : Commençons par la recherche. En ce domaine, l’évaluation est familière, fréquente et ancienne. La distinction entre l’activité et la performance est encore plus ténue qu’ailleurs.

La part à l’activité doit être évaluée à partir du nombre des enseignants chercheurs publiants. Pour les scientifiques, l’aspect « publiant » est relativement simple à apprécier : revues à comité de lecture, publications internationales, dépôt de brevets. Pour les lettres, c’est plus compliqué. Faut-il prendre en compte les manuels ? Les communications à des colloques ? Lesquels ? Nous avons besoin de nous concerter et d’affiner notre analyse. À ce stade, sans dire qu’il est artificiel de parler d’activité, nous sommes déjà aux confins de l’activité et de la performance. En résumé, notre idée est de faire en sorte que les moyens dévolus répondent aux besoins du « chercheur actif environné ».

La part à la performance doit correspondre aux cotations d’équipes effectuées par l’AERES : A+, A, B, C ou D. Nous entendons également prendre en compte la valorisation.

Nous sommes dans une hypothèse où la part à la performance ne représente évidemment pas 100 %, dans la mesure où la part salariale est difficile à « rétrécir ». Un pourcentage de 20 % constitue pour nous une première base de travail.

Nous sommes en train de travailler au volet des politiques d’établissement. Nous nous intéressons, notamment, à la façon dont les universités valorisent leur patrimoine : temps d’ouverture, temps d’occupation, prêt pour des colloques, etc. Nous nous intéressons également aux bibliothèques. Les politiques locales doivent aussi être prises en compte : politiques de sites, capacité à porter des écoles doctorales communes.

De tels éléments mériteraient d’être valorisés. Dans quelle proportion ? Nous n’en sommes pas là.

M. Benoist Apparu. Comment prenez-vous en compte le cas particulier de Strasbourg ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous suivons ce cas avec une vigilance toute particulière. Nous souhaitons non seulement que l’université de Strasbourg issue du rapprochement des trois universités actuelles voie le jour au 1er janvier 2009, ce qui est pratiquement acquis, mais qu’elle exerce des compétences nouvelles, ce qui suppose un accompagnement fort.

Le défi est pour nous, et pour l’université de Strasbourg, d’être ensemble dans cette démarche. Cela signifie que les critères d’allocation des moyens que nous avons évoqués pour la nouvelle université prennent en compte la diversité des composantes et la diversité des publics accueillis, afin que la globalisation trouve tout son sens. Dans un contexte tel que celui-ci, en effet, la globalisation est seule capable de permettre une gestion intelligente. Ce sont les priorités de l’établissement qui permettront localement de définir les objectifs et la manière dont les responsabilités devront être réparties entre les niveaux 1, 2 et 3 et, par voie de conséquence, de définir les moyens.

Nous ne pensons pas que les grandes universités devraient avoir un traitement particulier.

M. Benoist Apparu, Président : Autrement dit, dans votre esprit, 1+1+1 n’est pas égal à 3,5 mais à 2,8 ou à 3 ?

M. Bernard Saint-Girons : Plutôt à 3. La question des moyens ne doit pas polluer cette transformation du paysage strasbourgeois.

M. Benoist Apparu, Président : Polluer, non. Mais on peut se demander si on doit encourager cette transformation pour qu’ensuite, dans d’autres universités, un processus similaire se déroule de la même façon. Si on n’encourage pas Strasbourg pour montrer symboliquement aux autres universités l’intérêt qu’il y a à se rapprocher, on risque de faire traîner les choses.

M. Bernard Saint-Girons : Nous avons soutenu très fortement les PRES.

M. Benoist Apparu, Président : Ce n’est pas tout à fait la même chose.

M. Bernard Saint-Girons : Si ce n’est que certains PRES préfigurent des fusions. Les universités d’Aix-Marseille et de Nancy fournissent l’exemple de deux rapprochements. Et nous verrons ce qu’il en sera pour Montpellier.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : M. Saint-Girons a évoqué tout à l’heure la spécificité des universités des villes nouvelles. Celles-ci sont parmi les rares universités qui connaissent encore une forte évolution de leur population étudiante. Or le système basé sur le nombre d’étudiants amenait à considérer la situation existante et la situation passée. Comment le système nouveau pourra-t-il anticiper les situations de croissance que l’on peut raisonnablement prévoir ?

Ma seconde question est relative à l’immobilier. Je comprends bien l’aspect vertueux du système qui nous a été décrit, qui concerne aussi bien l’État que les collectivités territoriales. Mais les investissements sont en cours, certaines universités se disent sous-équipées en moyens immobiliers, alors que d’autres sont plutôt bien équipées, voire sur-équipées. Est-ce que le système mis en place prévoit une surveillance du ministère pour éviter une certaine négligence dans les travaux de maintenance et dans le fonctionnement courant de ces bâtiments ?

M. Bernard Saint-Girons : S’agissant des universités nouvelles, la perspective du passage aux compétences élargies devrait nous permettre de jouer et sur la masse salariale et sur les plafonds d’emplois pour opérer, à partir de postes vacants, des redéploiements. La possibilité de déplacer des supports d’emplois en modulant dans l’université de départ la part de la masse salariale récupérée ou laissée en fonction du niveau d’encadrement observé, constitue un élément de stratégie sur lequel nous entendons poursuivre la réflexion. C’est d’ailleurs une piste à laquelle le rapport des Inspections générales des finances et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche invite à réfléchir.

S’agissant du volet immobilier – pour rester dans le droit commun, je ne parlerai pas des universités qui seront propriétaires de leur patrimoine – le premier impératif est de normaliser la situation de l’amortissement, très inégalement et très aléatoirement pratiqué. Nous tenons à attirer l’attention sur ce point. Par ailleurs, un certain nombre d’opérations, comme celles prévues dans les CPER (contrats de projets État-région), dans le « Plan campus », permettront de disposer de patrimoines « normalisés » et donc d’enclencher la pratique vertueuse que vous évoquez.

M. Benoist Apparu, Président : Merci, messieurs les directeurs. M. Alain Claeys vous a suggéré de nous faire parvenir certains documents sur l’évaluation afin que nous puissions améliorer nos travaux. Il me reste une dernière question à vous poser, relative à la période de transition, car celle-ci m’inquiète beaucoup.

Nous n’avons absolument pas évoqué cette période de quatre ans qui s’ouvre devant nous, avec des universités autonomes et des universités n’ayant pas encore opté pour les nouvelles compétences prévues par la loi LRU. Comment les critères pourront-ils évoluer, en fonction de l’une et de l’autre situation ? On a parlé des nouveaux critères à étudier. Il faudra ensuite apprécier le différentiel entre ce que les universités peuvent recevoir avec les nouveaux critères et ce qu’elles reçoivent aujourd’hui. Comment corriger les inégalités et surtout les trous qui risquent d’apparaître dans le budget de certaines universités ?

M. Bernard Saint-Girons : Le modèle qui sera stabilisé, lorsque la ministre aura procédé à ses arbitrages et reçu vos observations, a vocation à être utilisé dès 2009. Il nous faudra sans doute étudier la bonne manière de faire jouer les critères et la montée en puissance du système en prévoyant un rythme différent. Mais pour l’instant, notre idée est que le système s’appliquera à toutes les universités.

M. Benoist Apparu, Président : Vous ne distinguez pas les universités « en LRU » et les universités « hors LRU » ?

M. Bernard Saint-Girons : C’est notre idée mais il s’agit d’une hypothèse qui n’est pas arbitrée et qui devra l’être dans les temps qui viennent. On peut effectivement considérer que les universités LRU entrent dans le nouveau dispositif. Après tout, celles qui se sont réformées y ont vocation. Par ailleurs, il serait paradoxal de déplorer les inconvénients de l’ancien système, et de le maintenir. Il ne s’agirait pas seulement de faire cohabiter deux systèmes, mais de laisser subsister un système que nous considérons comme obsolète.

La fin de votre propos était éminemment politique. Il est clair qu’un modèle de répartition qui aboutirait d’emblée à des réductions massives de moyens pour certaines universités a toutes les chances de nous mettre en grande difficulté. Pour les universités qui, avec le modèle nouveau, seraient sur-dotées, il faudra que nous prenions en considération l’ensemble des perspectives que j’ai évoquées tout à l’heure. En tout cas, il ne peut pas y avoir de perdants dans ce système, qui n’est pas sur-doté. Par conséquent, l’idée qu’il y ait d’emblée des reprises de moyens serait contradictoire avec l’esprit même du plan lancé par le Président de la République.

M. Benoist Apparu, Président : Je vous remercie.

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