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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international

Jeudi 5 mars 2009

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Audition de M. Hugues Bied-Charreton, directeur des affaires financières au ministère de la Défense

M. Georges Tron, Président. Mes chers collègues, pour cette première audition de la mission d’évaluation et de contrôle relative aux opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international, nous recevons M. Hugues Bied-Charreton, directeur des affaires financières au ministère de la Défense. Il est accompagné de Mme Agnès-Christine Tomas-Lacoste, chef du service des synthèses et du pilotage budgétaire, de son adjoint, le commissaire colonel Guy Lautrédou, ainsi que de M. Pierre Hougard, adjoint au chef du bureau de l’exécution budgétaire.

Madame, messieurs, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue. La mission d’évaluation et de contrôle, la MEC, attache une importance particulière à l’évaluation de la politique de défense, d’abord en raison de son poids important dans les finances publiques – un dixième des crédits du budget général, un cinquième des emplois de l’État et la moitié de ses dépenses d’équipement. L’évolution de ces dépenses nous conduit plus encore à vouloir contrôler leur pertinence.

L’an dernier, la MEC a ainsi pu mesurer, en matière d’équipement naval militaire, le volume de la « bosse » de la programmation à financer au cours des prochaines années. Elle a également constaté des défauts d’harmonisation entre les lois de programmation militaire et les budgets annuels.

S’agissant plus particulièrement des opérations extérieures, les Opex, le Rapporteur spécial de la commission des Finances pour les crédits de la défense, M. Louis Giscard d’Estaing, est particulièrement attentif à leur croissance tendancielle. Ces coûts sont-ils réellement maîtrisés ? Quelles en sont les principales composantes ? Est-il possible de les optimiser ? Ces questions seront au cœur de notre réflexion.

Je m’empresse de rappeler que notre démarche ne consiste ni à assujettir la défense de la France à des priorités purement budgétaires et comptables, ni à empiéter sur les compétences de la commission de la Défense ou de l’exécutif. La commission des Finances, par l’intermédiaire de la MEC, souhaite simplement veiller au bon emploi des deniers publics. Il ne s’agit pas d’altérer les choix stratégiques, mais au contraire d’en clarifier toutes les implications.

Conformément aux usages de la MEC, nos travaux seront animés par deux rapporteurs, l’un représentant la commission des Finances, l’autre la commission de la Défense, et issus pour l’un de la majorité, pour l’autre de l’opposition. Ainsi, je suis heureux de saluer la première participation à nos auditions de Mme Françoise Olivier-Coupeau, députée du Morbihan, membre de la commission de la Défense et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Je remercie également de leur présence, habituelle et précieuse, les représentants de la Cour des comptes : M. Alain Hespel, président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou, conseiller-maître, et M. Benoît d’Aboville, conseiller-maître en service extraordinaire, qui fut l’ambassadeur représentant permanent de la France à l’OTAN.

Monsieur le directeur, je vous propose de commencer par un bref propos introductif.

M. Hugues Bied-Charreton, directeur des affaires financières au ministère de la Défense. Considérant que vous auditionnerez également l’état-major des armées, je centrerai mon propos sur la manière dont la direction des affaires financières envisage le financement et la maîtrise des coûts des opérations extérieures.

Depuis 2006, le coût des opérations extérieures s’alourdit, en raison des opérations au Tchad et en Afghanistan. Le ministère de la Défense cherche cependant, dans un souci de transparence et de sincérité budgétaires, à accroître la budgétisation initiale de ces « surcoûts », en prévoyant dans la loi de finance initiale une provision pour les opérations extérieures. Par le passé, le ministère privilégiait un financement des surcoûts en gestion, par une loi de finances rectificative, plutôt que de les intégrer dans la construction budgétaire initiale. Ce temps étant révolu, il nous faut, pour inscrire les crédits nécessaires dans la LFI, d’une part améliorer notre capacité à prévoir les surcoûts, d’autre part les évaluer de manière extrêmement rigoureuse. C’est ce à quoi nous travaillons.

Des progrès importants ont déjà été accomplis, la budgétisation initiale couvrant aujourd’hui plus de la moitié des surcoûts identifiés. Dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire, le Gouvernement a proposé un mécanisme clair pour l’augmenter encore : la provision de 510 millions inscrite dans la loi de finances pour 2009 sera majorée de 60 millions en 2010, puis à nouveau de 60 millions en 2011. Nous arriverons ainsi à un socle de ressources de 630 millions d’euros qui nous permettra, si l’on se réfère à nos estimations actuelles, de couvrir plus de 70 % des surcoûts.

Ceux-ci ne devraient pas augmenter inexorablement, le Président de la République et le Gouvernement ayant exprimé leur volonté de recentrer les opérations extérieures sur quelques priorités stratégiques. L’état-major y reviendra certainement lors de son audition.

Par ailleurs, nous souhaitons mieux identifier ces surcoûts. En effet un certain nombre ne sont pas intégrés dans notre comptabilisation, par exemple les pertes de matériels ou leur usure accélérée, comme en Afghanistan. Nous sommes ouverts à une discussion sur la modification du périmètre des surcoûts, qui ne manquerait pas toutefois d’avoir des conséquences en termes de financement.

Nous travaillons également à améliorer la « traçabilité » et les modalités d’évaluation des surcoûts. Ce travail interne au ministère a vocation à être partagé avec le ministère du Budget. J’ai proposé récemment à ses représentants de nous rencontrer afin de dépasser nos incompréhensions actuelles et de parvenir à une méthode commune d’identification et de calcul des surcoûts, de manière à ce que le Gouvernement parle d’une seule et même voix devant la représentation nationale. J’espère que nous pourrons, avant la fin de l’été, nous mettre d’accord sur le périmètre, la méthode d’évaluation et la façon d’assurer la bonne traçabilité de ces dépenses dans les comptes du ministère – mais le sujet n’est pas simple, notamment en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Dispose-t-on d’outils comptables pour déterminer le montant des surcoûts ?

M. Hugues Bied-Charreton. Cela dépend de la nature des dépenses.

La moitié environ des surcoûts correspond à des dépenses de personnel, parfaitement identifiables et traçables, qui sont essentiellement liées à l’indemnité de sujétion pour services à l’étranger (ISSE).

S’agissant des dépenses de fonctionnement et d’intervention, 70 % d’entre elles sont imputées sur le budget opérationnel de programme des Opex (BOP Opex), correspondant à l’action 6 du programme 178 Préparation et emploi des forces. Les factures imputées sur ce budget sont directement traçables ; c’est un net progrès par rapport aux années antérieures.

Les 30 % restants correspondent à des dépenses communes. Ainsi, le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels ne fait pas l’objet d’un suivi identifié pour les Opex ; le calcul est réalisé a posteriori pour reconstituer les stocks. De même, les dépenses de combustible et d’alimentation de la marine ne sont pas traçables a priori : quand un bateau part en mer, il est impossible de définir précisément ab initio la dépense qui va ressortir à telle zone géographique ; là encore, on fait un calcul a posteriori.

Concernant les dépenses d’équipement, on peut utiliser les outils de la comptabilité générale. En juillet dernier, nous avons ainsi proposé à la Cour des comptes, dans le cadre de notre comité technique comptable commun, un mode de comptabilisation des provisions pour dépréciation et de l’amortissement accéléré du matériel.

C’est donc sur les 30 % de dépenses de fonctionnement qui font l’objet d’un calcul a posteriori qu’il faut concentrer nos efforts d’évaluation.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. La définition des surcoûts vous semble-t-elle bonne ? Par exemple, des dépenses à long terme, comme le raccourcissement des carrières, la bonification des retraites, les rentes ou les pensions d’invalidité, sont-elles prises en compte dans leur calcul ?

M. Hugues Bied-Charreton. Vous avez raison, un certain nombre de surcoûts ne sont pas pris en compte : c’est le cas des dépenses à long terme que vous avez citées, de celles liées à l’obsolescence accélérée ou aux pertes de matériels, ou encore des achats en urgence – il a fallu en consentir pour plus de 100 millions d’euros en Afghanistan en 2008.

Il faut distinguer le souci de transparence, qui, afin de rendre compte de la globalité des surcoûts des opérations extérieures, peut conduire à élargir leur périmètre de comptabilisation, et la problématique du financement. Jusqu’à présent, notre évaluation des surcoûts était relativement restrictive car, sachant qu’il était difficile d’obtenir le remboursement des dépenses, le ministère ne jugeait pas utile de se lancer dans des exercices jugés trop compliqués pour les bénéfices escomptés. Les dépenses d’équipement, par exemple, étaient autofinancées, l’annulation de crédits d’équipement permettant de gager les surcoûts des Opex dans le décret d’avance ; le ministère estimait donc qu’il n’avait pas besoin de faire des efforts supplémentaires pour évaluer ces surcoûts.

S’agissant du financement, nous disposerons bientôt, je l’ai dit, de quelque 630 millions d’euros de ressources identifiées ; mais nous ne sommes pas naïfs : étant donné les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, il paraît douteux que nous puissions, à l’avenir, obtenir davantage. Le rapport annexé au Livre blanc précise qu’au-delà de cette somme, on fera appel à la solidarité interministérielle, via la réserve de précaution. Nous espérons que ce sera bien le cas, mais cela restera un financement en gestion.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Pourquoi « en gestion » ?

M. Hugues Bied-Charreton. Au-delà des 630 millions d’euros auxquels nous arriverons en 2011, dont une part sera prélevée sur la réserve générale de budgétisation prévue dans le budget pluriannuel, il sera fait appel à la réserve de précaution, c’est-à-dire à la fraction des crédits qui sont « gelés » en début de gestion par le Gouvernement, conformément à l’information donnée au Parlement. Il s’agit donc d’un financement en gestion, qui peut passer par des décrets d’avance gagés par des annulations de crédits sur la réserve de précaution interministérielle, par des décrets portant virement de crédits, ou par une loi de finances rectificative. La direction du Budget serait plus à même de vous préciser les mécanismes.

M. Georges Tron, Président. Vous avez parlé dans votre propos introductif d’améliorer la concertation entre le ministère de la Défense et celui du Budget, ce qui veut dire qu’elle n’est pas très bonne. De fait, nous avons constaté, dans plusieurs documents, des divergences quant aux montants programmés. Qu’en est-il ? Quelles améliorations espérez-vous et quels sont vos projets en ce domaine ?

M. Hugues Bied-Charreton. Il existe en effet entre nos deux ministères une certaine incompréhension, qui tient à des divergences de méthode. Le ministère du Budget reproche au nôtre une opacité dans l’évaluation des surcoûts et fait montre de méfiance par rapport aux factures que nous présentons. S’il imagine que nous majorons délibérément les surcoûts, il commet un contresens : quand nous aurons clarifié les méthodes, il faudra malheureusement dresser le constat inverse ! Je précise que, comparés à ceux des autres pays, les surcoûts français restent somme toute modestes.

Pour l’évaluation et la facturation des surcoûts, nous nous fondons sur une instruction de 1984, qui est obsolète et qu’il faut refondre. Nous en avons engagé les travaux de réécriture. Dans ce cadre, un dialogue technique est conduit en interne, avec les états-majors, visant à clarifier, homogénéiser et solidifier l’évaluation des surcoûts. Déterminés à travailler dans la transparence, nous transmettrons notre projet d’instruction à la direction du Budget, afin de parvenir à une méthodologie commune, tant sur la définition que sur l’évaluation des Opex, et de mettre ainsi fin aux malentendus. Nous avions déjà fait une première proposition en juillet 2004, mais nous n’avons jamais obtenu de réponse de la direction du Budget ; c’est pourquoi nous voulons reprendre l’initiative.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Les dépenses du titre 6 relatives aux contributions internationales ont augmenté très rapidement entre 2007 et 2008, passant de 34 à 108 millions d’euros. Ces contributions constituent la principale cause de l’augmentation des surcoûts Opex. Quelle est votre analyse sur ce point ? Cette brutale augmentation est-elle liée à un théâtre d’opérations en particulier ?

Par ailleurs, le directeur du Budget a souligné devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, le 20 janvier dernier, la nécessité de minorer de 64 millions le coût des opérations extérieures pour 2008, en raison de remboursements reçus de l’ONU et de l’OTAN. Les remboursements en provenance de l’ONU concernent-ils les seules Opex de l’année en cours ou également des opérations passées, du fait du cycle budgétaire biennal des Nations unies ? Quant à ceux de l’OTAN, correspondent-ils à des remboursements de pays alliés pour services échangés, par exemple pour des livraisons de carburant en Afghanistan ou au Kosovo, ou proviennent-ils de l’OTAN elle-même, au titre de la rectification des dépenses exposées pour les coûts communs, dont le périmètre a tendance à s’étendre rapidement ?

M. Hugues Bied-Charreton. L’augmentation de nos dépenses au titre des contributions internationales est essentiellement due à l’opération EUFOR Tchad, qui représente 74 des 108 millions d’euros. Comment maîtriser leur évolution ? C’est un vrai sujet de préoccupation. Il revient au comité militaire de l’OTAN et, pour l’Union européenne, au comité ATHENA de s’accorder sur le socle des dépenses partagées. Cela suppose un consensus, ce qui limite les possibilités d’amélioration ; et de fait, notamment en matière de dépenses de rémunération, nous supportons directement l’essentiel du fardeau.

En ce qui concerne les remboursements, ce que vous dites m’étonne, car nous n’en percevons aucun de la part de l’OTAN. Les seuls que nous enregistrons proviennent de l’ONU : environ 41 millions en 2008 et, a priori, quelque 71 millions en 2009, principalement au titre des opérations au Liban et en Côte-d’Ivoire. Le chiffre de 64 millions que vous évoquez me paraît être l’addition, d’une part, des 30 millions de dépenses de titre 5 que le ministère a supportés directement sur son budget en 2008, considérés comme venant en réduction du surcoût brut, et d’autre part, des remboursements de l’ONU pour l’exercice 2008, que nous avions évalués à 34 millions – mais qui s’établissent finalement à 41 millions. Nous vous transmettrons un décompte détaillé.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Inversement, lorsque les pays alliés nous rendent des services – nourriture, logement, transport –, ceux-ci sont-ils facturés à la France, et si oui, selon quelles modalités ?

M. le commissaire colonel Guy Lautrédou, adjoint au chef du service des synthèses et du pilotage budgétaire. Les remboursements sont effectués directement, sur chacun des théâtres d’opérations. La nation qui effectue la prestation présente la facture à l’ordonnateur militaire du théâtre. Il s’agit de dépenses directes locales, prises sur les crédits du BOP Opex. De même, nous nous faisons rembourser sur place pour les prestations que nous assurons.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Quelles que soient les améliorations de notre méthodologie concernant les dépenses Opex, la méthode employée aux Nations unies, à l’Union européenne et à l’OTAN pour calculer les surcoûts échappe à notre compétence. Il demeurera donc deux méthodologies différentes, l’une découlant de nos propres décisions, l’autre nous étant en quelque sorte imposée par les contributions internationales. À votre avis, quelles sont les perspectives d’évolution des coûts communs ?

M. Hugues Bied-Charreton. Nous sommes en effet, en la matière, tributaires de règles fixées par les instances internationales. Celles de l’OTAN et de l’Union européenne sont extrêmement rigides et reposent sur la règle du consensus. Il est donc très difficile de les faire évoluer, d’autant que l’assiette des coûts prise en compte est forfaitaire – on fait référence à des matériels dans la nomenclature OTAN, sur la base de coûts forfaitaires fixés par l’OTAN, qui s’appliquent de manière uniforme à tous les États participants. Les pays qui, comme la France, s’impliquent plus que d’autres sur certains théâtres d’opérations versent de fait une contribution supérieure. Vous devriez poser cette question à l’état-major, chargé des négociations au sein du comité militaire de l’OTAN et du comité ATHENA.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Grâce aux données recueillies dans le cadre de votre veille méthodologique, pourriez-vous nous donner des prévisions par titre et, éventuellement, par théâtre, pour l’année 2009 ?

M. Hugues Bied-Charreton. Pour 2009, nous sommes en train de réviser nos prévisions, à la suite de l’annonce par le Gouvernement d’un recentrage de nos opérations extérieures et d’un désengagement partiel de la France sur certains théâtres d’opérations, comme le Tchad, la Côte-d’Ivoire ou le Kosovo. Cette décision générera des économies, peut-être pas dès 2009, mais à terme. Pour l’heure, il m’est difficile de vous donner des chiffres précis, mais en 2009, le surcoût des Opex pourrait représenter, toutes choses égales d’ailleurs, quelque 820 millions d’euros, contre 852 millions en 2008 – sauf éventuelle décision concernant l’Afghanistan, qui est un théâtre d’opérations particulièrement lourd. Nous sommes en train de finaliser la révision, nous vous transmettrons les chiffres dès que possible.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. On nous annonce la création, auprès du sous-chef d’état-major Opérations, d’un centre ayant une responsabilité budgétaire interarmées, ainsi que la création d’un centre interarmées d’administration des opérations. Comment ces deux centres vont-ils s’articuler ? Leur création va-t-elle provoquer la disparition d’autres structures ? En quoi cela permettra-t-il de fiabiliser le recueil des surcoûts ?

M. Hugues Bied-Charreton. L’état-major sera mieux placé que moi pour répondre précisément à ces questions. Je vais néanmoins vous donner quelques éclairages.

Le centre interarmées d’administration des opérations (CIAO) devrait être créé à l’été 2009. Il a vocation à centraliser l’ensemble des opérations budgétaires sur les Opex, aujourd’hui partagées entre plusieurs services du ministère, comme le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) – dont le bureau budgétaire gère notamment le BOP Opex –, les bureaux des finances des états-majors et ceux de services soutiens. Il travaillera en liaison directe avec les commandements des théâtres d’opérations, qui dans le système d’information Chorus sont considérés comme des unités opérationnelles. Par ailleurs, le centre interarmées de coordination de la logistique des opérations (CICLO), sans avoir de compétence budgétaire, devrait contribuer à rationaliser la répartition des moyens entre les différents théâtres d’opérations.

Mme Françoise Hostalier. Existe-t-il, sur certains théâtres d’opérations, une clef de répartition des contributions entre les opérations extérieures propres à la France et celles s’inscrivant dans un cadre international ? Par exemple, qu’en est-il pour le Tchad, où des actions financées par la France dans le cadre de l’opération Épervier sont menées pour le compte de l’EUFOR ? Y a-t-il un remboursement ?

M. Hugues Bied-Charreton. Par définition, les opérations financées dans un cadre multilatéral s’effectuent sur la base d’un mandat extrêmement précis, qui résulte d’un consensus entre les États ; si la France souhaite apporter un soutien complémentaire, comme au Tchad, cela suppose un financement national. Toutefois, en pratique, les situations peuvent varier suivant le théâtre d’opérations, en fonction du mandat international en vigueur et de la position de la France. L’état-major sera plus à même de préciser ces éléments.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. En rencontrant le chef d’état-major, j’ai été fort surprise d’apprendre qu’un certain nombre d’opérations ne faisaient pas l’objet de remboursements. Ainsi – même si cet exemple ne concerne pas les Opex –, lors du naufrage de l’Erika au large des côtes bretonnes, ni l’armateur ni les assurances n’ont remboursé un centime au ministère de la Défense. De même, dernièrement, lorsque le Carré d’As, bateau de plaisance parti dans des eaux dangereuses en dépit des sept avertissements qui lui avaient été donnés, s’est fait arraisonner par des pirates, nos commandos de marine ont dû intervenir : cela a coûté de l’argent au budget de la Défense, et on n’a rien demandé, ni à l’assureur, ni à l’armateur. Cela me paraît choquant. Peut-on faire évoluer cette situation ? Le ministère de la Défense ne pourrait-il pas s’inspirer de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui demande un remboursement lorsqu’elle doit assurer le sauvetage d’un plaisancier qui s’est mis en danger lui-même, en dépit des avertissements ?

M. Hugues Bied-Charreton. C’est un problème délicat. Il faudrait pouvoir clairement distinguer les opérations qui relèvent des missions légitimes du ministère, lequel doit pouvoir intervenir à tout moment pour venir soutenir et protéger nos ressortissants partout dans le monde, et celles qui vont au-delà de ces missions et que l’on pourrait facturer comme des prestations de services. La même question se pose pour la protection, au large des côtes africaines, de transports effectués par les compagnies pétrolières, menacés d’actes de piraterie.

Là encore, je ne suis pas le mieux placé pour répondre à une question éminemment politique, qui renvoie à la conception qu’a la France de la protection de ses ressortissants. En tant que fonctionnaire chargé des affaires financières du ministère de la Défense, je ne suis pas opposé à l’introduction d’un critère qui permettrait de distinguer les situations dans lesquelles l’intervention des forces n’aurait pas été totalement légitime, parce que les ressortissants se seraient mis d’eux-mêmes dans une situation dangereuse, en dépit des avertissements. J’avais d’ailleurs, en prenant mes fonctions, soulevé cette question auprès de l’état-major de la marine. Mais il faut préalablement avoir clairement défini le champ de l’intervention naturelle, ou légitime, du ministère au titre de la protection de nos ressortissants.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Une intervention est toujours légitime ; la question est de savoir si elle peut être facturée.

M. le commissaire colonel Guy Lautrédou. S’agissant de la participation des armées à des activités non spécifiques, la réglementation passe par des conventions ou des protocoles. Lorsqu’il est fait appel aux armées pour une manifestation d’ordre privé ou associatif, comme la Foulée blanche, une convention doit être signée, et les coûts supplémentaires sont remboursés par le prestataire. Lorsque la participation des armées est réclamée par une autre administration, il y a signature d’un protocole. Cela dit, à la suite d’une marée noire sur la côte atlantique, antérieure au naufrage de l’Erika, nous étions allés présenter les protocoles aux préfets concernés, et ils ont refusé de les signer.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Il ne s’agit pas de faire payer les préfets, mais l’assureur. Il me semble qu’en cas de tempête ou d’inondations, il est de la mission de l’armée d’intervenir. En revanche, quand un bateau est assuré, tout le monde se fait rembourser – y compris les collectivités territoriales –, sauf le ministère de la Défense. Cela me surprend.

M. le commissaire colonel Guy Lautrédou. S’il y avait remboursement, ce serait au bénéfice de l’État, non du ministère.

M. Hugues Bied-Charreton. En ce qui concerne l’Erika, il a été procédé à une évaluation globale des sommes exposées par l’État, qui a ensuite fait l’objet d’une négociation extrêmement complexe avec l’assureur. J’en ignore le détail, et notamment si l’État a pris en compte une partie des coûts supportés par le ministère de la Défense. Si cela a été le cas, le remboursement aura de toute façon été versé au budget général.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Nous avons analysé des services rendus par les armées qui, au sens de la LOLF, s’apparentent à d’autres types de missions que celles qui relèvent des Opex au sens strict. Je pense en particulier à l’assistance sanitaire aux populations civiles situées dans le périmètre des opérations extérieures, comme au Darfour ou à l’hôpital de Tomboukro, en Côte-d’Ivoire. Y a-t-il moyen de faire basculer ce type de prestations sur les crédits correspondants, qu’il s’agisse de la coopération, de l’aide au développement ou du développement solidaire ?

M. Hugues Bied-Charreton. Je ne peux pas répondre à cette question, n’en ayant discuté ni en interne, ni avec les ministères concernés.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Cette réflexion peut-elle cependant voir le jour au sein du ministère de la Défense, sous forme d’une sorte de comptabilité analytique ? Par exemple, sur les différents théâtres d’opérations, vous savez précisément quelle est la part des prestations du service de santé des armées qui n’est pas effectuée au profit des militaires.

Mme Françoise Hostalier. Pour aller dans le même sens, beaucoup d’opérations civilo-militaires sont aujourd’hui, sinon contestées, du moins perçues comme un mélange des genres, en particulier par rapport à l’action des organisations non gouvernementales. Il serait donc utile d’analyser précisément leur coût afin d’envisager certains transferts.

M. Hugues Bied-Charreton. On sait identifier ces dépenses et évaluer leur coût. C’est aujourd’hui le ministère de la Défense qui en supporte l’essentiel, parce qu’il considère que ces opérations font partie de ses missions, dans la mesure où elles participent à la stabilisation des théâtres d’opération et peuvent contribuer au renseignement. Toutefois, s’il fallait ouvrir une discussion interministérielle pour en partager les coûts, nous en serions tout à fait d’accord !

M. Georges Tron, Président. Merci, madame, messieurs, de nous avoir éclairés et, au-delà, de nous inciter à poser diverses questions à l’occasion de nos futures auditions. Peut-être serons-nous conduits, en fonction des réponses que nous aurons obtenues, à vous envoyer un questionnaire complémentaire.

——fpfp——