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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international

Jeudi 5 mars 2009

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Audition de M. Éric Querenet de Breville, sous-directeur à la direction du Budget, accompagné de M. Benoît Guérin, adjoint au sous-directeur à la direction du Budget

M. Georges Tron, Président. Monsieur le directeur, vous connaissez les principes de fonctionnement de la MEC, pour avoir participé l’année dernière à une audition sur les programmes d’équipement naval. Nous nous efforçons de vérifier la bonne utilisation des fonds publics, à travers des échanges très ouverts, en présence et avec le concours de membres de la Cour des comptes. Aux députés de la commission des Finances s’associent des membres d’autres commissions ; sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, il s’agit de la commission de la Défense. De même, il est de tradition d’associer un rapporteur appartenant à la majorité et un autre appartenant à l’opposition, qui cosignent le rapport.

Je vous donne la parole pour un propos introductif, puis j’inviterai nos rapporteurs à vous poser des questions.

M. Éric Querenet de Breville, sous-directeur à la direction du Budget. La budgétisation et le financement des opérations militaires extérieures, les « Opex », sont un exercice difficile, qui s’apparente à un exercice de tir sur une cible mobile, se déformant dans le temps, dont la position nous est notifiée par le ministère de la Défense sans qu’on puisse la vérifier, et, enfin, dont la taille est approximative, puisqu’il s’agit d’une dépense évaluative.

Pour tirer sur cette cible, nous arrivons de loin, puisque jusqu’en 2005, il n’y avait quasiment aucune budgétisation des Opex en loi de finances initiale. Le progrès a été tardif, mais rapide car aujourd’hui, cette budgétisation initiale atteint 60 % du surcoût net des Opex, exclusion faite – parce qu’on raisonne uniquement sur la mission Défense des contributions du ministère des Affaires étrangères aux opérations de maintien de la paix sous mandat des Nations Unies. Si l’on retenait une approche interministérielle, et compte tenu des « rebasages » qui ont été opérés par amendement à la loi de finances pour 2008 et, à hauteur de 50 millions d’euros, par celle pour 2009, on arriverait à un niveau de budgétisation de l’ordre de 73 %.

Si la cible est mobile, c’est d’abord parce que le coût des Opex a augmenté de plus de 50 % ces dernières années. C’est ensuite parce que, alors que nous avions d’abord fixé pour objectif d’atteindre un niveau de budgétisation avoisinant 80 % de la dépense moyenne des trois dernières années, on raisonne aujourd’hui par rapport aux dernières dépenses connues.

La cible se déforme : comme le montre, dans le document que je vous ai communiqué, le graphique de la page trois, le ratio entre les surcoûts déclarés et les effectifs en Opex augmente très fortement depuis 2006. Les dépenses du titre 2 – dépenses de personnel –, qui représentaient 60 % des surcoûts il y a trois ans, n’en constituent plus que 40 % ; à l’inverse, on constate une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ainsi que des nation born costs, appels de fonds réalisés dans le cadre de l’OTAN et de l’Union européenne.

Le problème de la position de la cible, enfin, est celui de la « traçabilité » de la facture. Nous sommes les notaires de ce qui nous est présenté par le ministère de la Défense, sans pièces justificatives, lors des décrets d’avance ; concernant l’exécution, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel de la Défense n’est pas en mesure de « tracer » les dépenses autres que les dépenses de personnel – indemnité de sujétion pour service à l’étranger (ISSE). Le reste n’est ni « traçable » ni « auditable ». Les dépenses d’Opex ne relèvent pas du circuit budgétaire et comptable prévu par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, mais de procédures dérogatoires ; nous nous employons, avec le ministère de la Défense, à les réformer.

Plus généralement, pour faire progresser cette situation, plusieurs pistes doivent être explorées.

La première, c’est de mieux connaître la position de la cible. À cet égard, le tableau de la page 7 retrace les causes du manque de transparence et de fiabilité des surcoûts qui nous sont présentés. La facture, en totalité, est déclarative et non « auditable ».

Les dépenses correspondant au versement de l’ISSE, tout d’abord, sont « traçables », mais elles ne sont pas « auditables » : n’ayant pas accès au fichier de paye, nous ne pouvons pas vérifier les « dates de valeur », c’est-à-dire l’adéquation des versements avec les dates d’arrivée en théâtre d’opération et de retour en métropole ; nous faisons confiance au ministère de la Défense pour respecter les montants unitaires de primes tels qu’ils sont prévus par les textes réglementaires, mais le contrôle ne nous est pas possible.

Les dépenses imputées sur le BOP (budget opérationnel de programme) Opex et l’action 6 (Surcoûts liés aux opérations extérieures) du programme 178 Préparation et emploi des forces, ensuite, sont partiellement « traçables », mais on ne sait pas toujours s’il s’agit de « coûts » ou de « surcoûts » : s’il est clair que les dépenses de transports viennent en sus de ce qui serait dépensé en métropole, pour d’autres types de dépenses de fonctionnement il ne nous est pas possible, sans connaître les conventions précises utilisées par l’état-major des armées, de savoir si l’on est en présence d’un surcoût – d’un coût marginal –, ou d’un coût qui existerait même sans Opex.

La troisième et dernière catégorie de surcoûts Opex déclarés par la Défense regroupe des charges calculées, non imputées sur l’action 6 du programme 178, notamment les charges de maintien en condition opérationnelle ; on nous dit que ces dernières augmentent fortement du fait des Opex, mais nous ne connaissons pas les conventions retenues à ce sujet par le ministère de la Défense.

Afin de savoir exactement ce qui est dépensé sur place par les trésoriers des armées, nous avons proposé au ministère de la Défense de créer, dans le cadre des fonds d’avances pour les Opex, une réserve centrale unique. Aujourd’hui, en effet, le trésorier accompagnant les troupes informe le comptable du Trésor public dont il dépend territorialement en métropole – lequel, au demeurant, ne reçoit pas de pièces justificatives. Plutôt, donc, qu’une multitude de comptables du Trésor ayant un simple pouvoir d’évocation, il faudrait un comptable assignataire unique, couvrant la dépense consolidée, et qui pourrait être soit le contrôleur budgétaire et comptable actuel du ministère de la Défense, soit le trésorier payeur général de l’Essonne qui, par tradition, est le trésorier payeur des armées. Il serait bon de convaincre de l’intérêt de cette solution l’état-major des armées, qui a exprimé certaines réticences.

D’autre part, il a été décidé fin 2008 de créer un groupe de travail interministériel sur les Opex, afin de réformer l’instruction de 1984 et de nous permettre de connaître les conventions de calcul des charges indirectes imputées aux Opex. Il devait se calquer sur le groupe de réflexion que présidait M. Jean-Claude Mallet pour l’élaboration du Livre blanc, en réunissant le ministère du Budget, la direction des affaires financières du ministère de la Défense et l’état-major des armées. Malgré nos demandes, il n’est toujours pas constitué, le ministère de la Défense souhaitant préalablement harmoniser les conventions de calcul entre les armées et assurer leur validation par l’état-major. Pour notre part, nous souhaitons qu’il puisse se réunir au plus vite.

La deuxième piste, sur laquelle je n’ai pas à m’étendre puisqu’il s’agit de considérations stratégiques, c’est la revue des Opex selon un bilan coûts-avantages. La page 11 du document que je vous ai donné montre la très forte concentration des opérations : EUFOR Tchad, l’opération Épervier au Tchad et l’Afghanistan représentent 55 % des surcoûts ; à l’inverse, une vingtaine d’opérations ne pèsent que pour 10 % – et leur coût décroît.

La troisième piste concerne les mécanismes de financement et de remboursement. Selon que l’on est sous mandat de l’ONU, de l’OTAN ou de l’Union européenne, ce ne sont pas les mêmes. Il est clair que le système européen ATHENA n’est pas satisfaisant, le périmètre des dépenses financées en commun, selon les clés de contribution des États membres, étant très restreint. La France, qui participe très largement à l’opération EUFOR Tchad, se voit ainsi facturer des dépenses au prorata de ses troupes, sans pouvoir se faire rembourser. Il en va différemment dans le système de l’ONU, même si, comparé aux coûts réels, le forfait peut paraître un peu faible pour les pays développés, et au contraire trop élevé pour d’autres.

Il est évidemment difficile de réformer le système ATHENA, puisque cela ne peut se faire qu’à l’unanimité. La France peut néanmoins se décider à mettre le sujet sur la table, ou alors tirer les conséquences du système quant à sa participation aux opérations. Nous sommes dans une situation inverse dans le cadre de l’OTAN : nous participons très peu aux opérations, hormis en Afghanistan, et par rapport à l’ensemble de ces opérations, notre contribution financière est inférieure aux quelque 12 % qui nous sont demandés au titre de la contribution aux coûts communs ; notre intérêt serait donc de diminuer la contribution aux coûts communs. Le mieux me paraît donc être de s’en tenir à la situation actuelle en ce qui concerne l’OTAN, et de tenter de faire évoluer le système ATHENA, qui n’est pas cohérent.

La première piste, consistant à tracer et auditer la dépense, vérifier la facture présentée et assurer la transparence des conventions de calcul, est la plus prometteuse à court terme.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Nous pourrions avoir un long débat sur votre proposition d’analyser les Opex selon une approche coûts-avantages, mais je m’en tiendrai pour l’instant à une première question : le ministère de la Défense et celui du Budget ont-ils une définition commune des surcoûts ?

M. Éric Querenet de Breville. Depuis deux ans, nous sommes d’accord sur le fait que la facture qui nous est présentée doit être nette, et non pas brute. C’est un progrès : auparavant, les remboursements de l’ONU nous étaient facturés… Quant aux conventions de calcul, nous ne les connaissons pas, et c’est pourquoi je souhaite que le groupe de travail soit constitué au plus vite. En ce qui concerne les surcoûts directs – et non pas calculés –, d’alimentation par exemple, il n’y a pas de désaccord sur la définition, mais en revanche nous voulons pouvoir tracer et auditer les factures qui nous sont présentées.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Comment considérez-vous les dépenses à long terme, telles que raccourcissements de carrière, bonifications de retraite, rentes ou pensions d’invalidité ?

M. Éric Querenet de Breville. Pour le moment elles sont considérées comme des coûts dérivés, mais dans une approche en « coût complet » il faudrait en effet les prendre en compte. Elles pèsent notamment sur la mission Anciens combattants. De toute façon, les montants en cause ne sont pas considérables par rapport à l’ensemble de la facture.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Je voudrais revenir sur nos intérêts contradictoires dans le cadre de l’OTAN et dans celui du système ATHENA. Tout d’abord, les ordres de grandeur sont différents. Les coûts communs de l’OTAN progressent très rapidement, et la situation en Afghanistan laisse penser que leur périmètre va encore s’étendre, pour accroître la solidarité entre alliés. Au sein d’ATHENA, nous souhaitons que cette solidarité s’exerce davantage ; mais comme il s’agit en partie des mêmes nations, on nous répond que ce que nous voulons pour ATHENA, nous devons l’accepter aussi à l’OTAN. En voulant renforcer la solidarité dans le cadre d’ATHENA, ne risque-t-on pas un violent retour de bâton à l’OTAN ?

M. Éric Querenet de Breville. Il faut évidemment y prendre garde. Il faudrait faire des simulations sur le gain à attendre d’un renforcement de la solidarité dans le cadre d’ATHENA et sur la perte corrélative qui résulterait de l’adoption des mêmes principes à l’OTAN. Comme elles sont fonction du drapeau sous lequel se font les engagements de la France, ce serait là encore au groupe de travail de les réaliser, sur la base de différents scénarios. Néanmoins, il me paraît plus facile de plaider la solidarité au sein de l’Union européenne que de plaider le « chacun pour soi » à l’OTAN.

M. Georges Tron, Président. En dépit des incertitudes, vous disposez d’éléments objectifs qui devraient vous permettre de faire des projections sur ce que nous pourrions perdre ou gagner.

M. Éric Querenet de Breville. Nous avons établi en vue de cette audition le tableau de la page 10, qui réunit des informations que nous n’avons pu obtenir que récemment sur l’année 2008. Il effectue une décomposition entre coûts nationaux et contribution aux coûts communs, dans le cadre de l’ONU, de l’OTAN et de l’Union européenne. En retirant la quote-part ONU, qui n’est pas à imputer sur le ministère de la Défense, et en ajoutant les opérations nationales, on arrive aux 850 millions d’euros bruts que représente le surcoût des Opex en 2008.

Dans le cadre de l’OTAN, nos coûts nationaux sont élevés en valeur absolue – environ 200 millions – et notre contribution au titre des coûts communs est de 41 millions. Dans le cadre d’ATHENA, cette contribution est réduite à la portion congrue puisqu’elle est de 14 millions, tandis que l’addition des coûts nationaux, financés selon nos procédures nationales, et des coûts administrés par l’Union européenne mais restant à notre charge atteint environ 115 millions d’euros. L’évolution de la situation dépend essentiellement de l’avenir de l’opération EUFOR Tchad, qui représente 90 % de l’engagement français sous bannière européenne.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Notre travail consiste à analyser les dépenses présentées par le ministère de la Défense comme étant des surcoûts. Le vôtre de vérifier qu’elles peuvent être imputées au budget au-delà de ce qui a été inscrit en loi de finances initiale – qui diminue d’autant ce qui, dans le système antérieur, était constaté en loi de finances rectificative et abondé par le budget général. Est-ce bien cela ?

M. Éric Querenet de Breville. Quand il n’y avait pas de budgétisation, il pouvait y avoir une ouverture en loi de finances rectificative, qui remboursait le gage généralement pris sur les dépenses d’équipement militaire – sorte d’auto-assurance du ministère de la Défense. Mais dans la facture qui nous est présentée, il y a des charges calculées analytiquement, dont on veut vérifier qu’elles ne recoupent pas ce qui figure déjà ailleurs dans le budget de la Défense ; et il y a des surcoûts directs, dont on veut vérifier la réalité – mais ce n’est pas tant le souci de la direction du Budget que du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Nous sommes d’accord sur l’objectif. Il nous faut parvenir à distinguer les coûts réellement supplémentaires dus aux Opex, ou coûts marginaux, des coûts fixes qui resteraient attachés aux unités si elles n’étaient pas déployées en opérations.

En ce qui concerne l’ISSE, vous nous dites ne pas avoir accès au fichier de paye, mais vous connaissez le montant global des sommes versées sur une année.

M. Georges Tron, Président. Pourquoi, d’ailleurs, n’avez-vous pas accès au fichier de paye ? Je suis très frappé par l’incompréhension, ou la difficulté de communication, ou la concurrence, je ne sais, entre le ministère de la Défense et celui du Budget. Nous avons davantage l’habitude des difficultés entre services d’un même ministère… Pensez-vous que la situation puisse évoluer ?

M. Éric Querenet de Breville. Tout ce que j’ai dit est factuel ; le ministère de la Défense ne devrait pas le contester car nous sommes d’accord sur le constat, ainsi d’ailleurs que sur une bonne partie des propositions que j’ai faites ici. Une rupture s’est produite dans le cadre de la préparation du Livre blanc, qui a été l’occasion d’une coopération et d’un échange d’informations inédits entre les deux ministères. Pour la première fois, nous avons fait un travail de projection à douze ans, dont la loi de programmation militaire n’est que la première étape. Il y a quelques mois, sans cette rupture, j’aurais été incapable de vous présenter autre chose que le montant de la facture et la façon dont elle a été financée en gestion ou en LFI ; les autres informations qui figurent dans les tableaux que je vous ai fournis nous ont été données dans les trois derniers mois. Je suis donc très optimiste sur l’avenir.

Nous mettons en place avec le ministère de la Défense un comité financier pour suivre la question des équipements. S’agissant des Opex, la décision a été prise de constituer un groupe de travail et je souhaite simplement qu’il se réunisse au plus vite, afin de nous associer aux travaux ab initio. Je suis sûr que nous allons aboutir, et que nous allons réformer l’instruction de 1984 avant la fin de l’année 2009.

M. Georges Tron, Président. Quels outils vous manque-t-il pour mesurer l’incidence d’une évolution des systèmes ATHENA et de l’OTAN ?

M. Éric Querenet de Breville. Tant que nous n’avions pas les informations qui figurent à la page 10 du document, il aurait été difficile de faire des simulations. Maintenant, il nous faut vérifier les chiffres.

Par ailleurs, la direction financière du ministère, qui est notre correspondant, dépend de l’état-major des armées. Le Livre blanc prévoit le renforcement de la fonction financière : il relève en effet au premier chef d’une direction financière de traiter de comptabilité analytique ou de circuits budgétaro-comptables ; mais aujourd’hui, ces tâches sont effectuées à l’état-major des armées.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Nous pourrions, si vous nous y autorisez, servir en quelque sorte de « casques bleus » dans cette affaire, pour présider à l’installation du groupe de travail commun aux deux ministères, laquelle pourrait être l’aboutissement aussi heureux que prochain du rapport que nous présenterons à l’issue de cette mission d’évaluation et de contrôle !

Au-delà de ce sujet, quels sont les points sur lesquels vous souhaitez particulièrement attirer notre attention ? Je remarque par exemple qu’à la page 4, vous parlez de « déformation curieuse » du rapport entre les surcoûts relevant du titre 2 et les autres : pouvez-vous nous apporter des précisions ?

M. Éric Querenet de Breville. En ce qui concerne les surcoûts hors titre 2, nous n’avons pas les moyens de vérifier les factures qui nous sont présentées, et pour une part il s’agit de charges calculées. Le ministère de la Défense nous a expliqué la déformation du rapport entre titre 2 – relatif aux charges de personnel – et hors titre 2 en 2008 par les opérations en Afghanistan. Certes, les dépenses de fonctionnement (titre 3) ont augmenté de 46 millions en Afghanistan, mais le tableau de la page 4 montre aussi que la hausse des surcoûts hors titre 2 est liée au premier chef à l’opération EUFOR Tchad, et en leur sein, au titre 6, c’est-à-dire aux appels de fonds au prorata des troupes dans le cadre du système ATHENA. Dans les autres opérations que le Tchad et l’Afghanistan, on ne retrouve pas cette déformation entre le titre 2 et le hors titre 2 : les dépenses baissent de manière à peu près parallèle.

Le remboursement des dépenses sur la base des factures déclarées n’incite pas le ministère de la Défense à produire des justifications. Cela étant, plus on trace la dépense, plus on peut budgétiser en loi de finances initiale ; aujourd’hui, 86 % des dépenses de masse salariale de l’ISSE y sont ainsi inscrites. J’insiste sur ce lien entre transparence et taux de budgétisation : au cours des trois prochaines années, nous nous sommes engagés à améliorer la budgétisation du hors titre 2, mais en contrepartie nous devons pouvoir effectuer les vérifications nécessaires.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. En ce qui concerne la hausse de 66 millions, en 2008, des surcoûts du titre 6 imputables à l’opération EUFOR Tchad, devons-nous comprendre que vous n’avez pas plus de précisions ?

M. Éric Querenet de Breville. Oui.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. L’importance de la somme est-elle liée au système ATHENA ?

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Le chef d’état-major nous a expliqué que les contrats d’alimentation, pluriannuels, étaient négociés pour un certain effectif de soldats et que, si celui-ci diminuait, on continuait à payer pour l’effectif initialement fixé.

M. Éric Querenet de Breville. Par ailleurs, je ne sais pas si le coût par homme est supérieur quand la France paie directement ou quand le financement passe par le système ATHENA. Pour le moment, notre seul constat est que, contrairement à ce que nous avons pu entendre, ce ne sont pas les opérations en Afghanistan qui expliquent la dérive, mais l’opération EUFOR Tchad.

Dernière remarque sur ces surcoûts : M. Hervé Morin, lors de la présentation du projet de loi de finances, a évoqué le chiffre de 100 millions d’euros de dépenses d’investissement urgentes faites en 2008 dans le cadre des Opex, en raison notamment du type de terrain rencontré en Afghanistan ; on ne retrouve pas ce chiffre dans le tableau des surcoûts car, tout en répondant à ce qui relève ainsi de la surprise tactique, il est normal de faire évoluer l’équipement de nos armées, lequel doit notamment pouvoir servir en Opex. Par convention avec le ministère de la Défense, les surcoûts Opex en termes d’investissement ne sont pas remboursés.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Concernant la progression de la budgétisation, quelles sont vos estimations pour 2010 et 2011 ? Pour le reste, pouvez-vous préciser le mécanisme que vous visez par l’expression « financement en gestion » ? Et avez-vous déjà des prévisions pour 2010, compte tenu des modifications de format envisagées ?

M. Éric Querenet de Breville. Sur le dernier point, la réponse est non.

En ce qui concerne la budgétisation, le progrès qui a pu être observé ces trois dernières années va se poursuivre.

Enfin, l’écart entre le surcoût réel des Opex et le surcoût voté en loi de finances initiale va être financé par un système à trois étages : le premier consiste en un redéploiement au sein de la mission Défense, qui sera au maximum de 30 millions d’euros en 2010 et de 60 millions en 2011 et les années suivantes ; le deuxième est un droit de tirage sur la réserve de budgétisation, à hauteur du montant autofinancé par la Défense, soit 30 millions en 2010 et 60 millions en 2011 et les années suivantes ; au-delà – c’est-à-dire si le coût des Opex dépasse, à partir de 2011, 630 millions, montant auquel on arrive en ajoutant aux 510 millions actuels les deux premiers étages –, il y aura une taxation interministérielle. La clé de répartition entre les ministères n’est pas fixée ; elle n’exclura pas le ministère de la Défense, non plus que celui des Affaires étrangères. Mais quoi qu’il en soit, le ministère de la Défense est assuré désormais de ne pas avoir à débourser par redéploiement plus de 60 millions avant « taxation interministérielle » éventuelle, alors qu’en 2008, il a subi 180 millions d’euros d’annulations – liées pour 80 millions, certes, à la décision prise sur le deuxième porte-avions. C’est pour lui un réel progrès.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Lorsqu’on veut éviter de déployer des troupes, on réalise en général des dépenses de prévention et on essaie de faire intervenir les acteurs locaux. Actuellement, ces dépenses sont partagées entre le ministère des Affaires étrangères, au titre de la coopération militaire, et l’état-major. Avez-vous intégré ces éléments dans les projections à long terme ?

M. Éric Querenet de Breville. Pour le moment, non.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. De fait, le calcul de dépenses ayant permis d’éviter le recours à la force – resté virtuel – paraît compliqué.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Pour prendre un exemple, si l’on considère que la stratégie de sortie de l’Afghanistan est la formation de l’armée afghane, celle-ci peut être assurée par divers systèmes de financement ; pour le moment, on prend sur les crédits du ministère de la Défense, mais on peut imaginer d’autres formules.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Si la police et la gendarmerie participaient aux actions de formation, la dépense serait-elle intégrée dans les surcoûts Opex ?

M. Éric Querenet de Breville. S’agissant de la gendarmerie, 15 millions d’euros sont inscrites en LFI, pour une dépense qui s’est élevée à 20 millions en 2008. Pour la police, il n’y a pas actuellement de budgétisation au titre des Opex. Si les dépenses étaient amenées à augmenter, il faudrait examiner la capacité contributive des programmes Police nationale et Gendarmerie nationale et mettre au point un système de taxation interministérielle.

M. Georges Tron, Président. Merci infiniment pour les informations que vous nous avez apportées. Peut-être aurez-vous suscité de nouvelles questions de nos rapporteurs pour nos futures auditions.

——fpfp——