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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Services départementaux d’incendie et de secours

Jeudi 12 mars 2009

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse, du colonel Philippe Berthelot, directeur du service département d’incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique, du colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var, et du lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère.

M. David Habib, Président. Beaucoup a été dit et écrit sur les SDIS. Il s’agit d’une matière qui évolue, tout comme les choix politiques et territoriaux qui s’y rapportent, les dernières élections locales ayant d’ailleurs conduit les collectivités à se prononcer à ce propos.

La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a été un élément important pour l’organisation des différents services d’incendie et de secours.

Nous ne sommes pas ici pour porter un jugement, mais, au cours des quatre séries d’auditions auxquelles nous procéderons à partir de ce matin, pour aller le plus loin possible dans l’étude de ces services. Notre rapport devra être consensuel.

Pour ouvrir ces auditions, les rapporteurs ont décidé d’entendre les acteurs locaux de la sécurité civile. Nous accueillons le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire-Atlantique, le colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var et le lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La commission des Finances s’est intéressée à la dépense globale des services d’incendie et de secours car, si elle ne s’était préoccupée que de la dépense de l’État elle serait passée à côté de l’essentiel. Dans le projet de loi de finances, l’État consacre en effet à ces services plus de 400 millions d’euros au titre du ministère de l’intérieur et 550 millions pour les autres ministères. Pour leur part, les services d’incendie et de secours représentent un budget global de 4,2 milliards d’euros, les marins pompiers de Marseille 100 millions d’euros et les sapeurs-pompiers de Paris 300 millions d’euros.

Au total, le contribuable est ainsi amené à financer seul 5,5 milliards d’euros, ce que l’on peut comparer aux budgets des ministères de la culture – 2,8 milliards d’euros –, de l’agriculture – 3,5 milliards –, et même du logement – 5,9 milliards – ou de la justice - 6,7 milliards d’euros.

La départementalisation étant intervenue de 1996 à 2001, il nous a semblé intéressant de voir d’abord avec les acteurs locaux, qui sont les premiers intéressés, comment on pourrait freiner la dépense. On sait que le nombre des interventions a peu évolué en dix ans, restant aux alentours de 4 millions par an, soit en moyenne 11 000 par jour. Pour cela, on disposait voilà dix ans de 28 000 sapeurs-pompiers professionnels (SPP). Or, ils sont aujourd’hui plus de 38 000 pour la même quantité de travail.

Le cœur de métier a changé. Ceux que l’on appelle affectueusement les « soldats du feu » ne consacrent aujourd’hui que moins de 10 % de leurs interventions à cette partie de leur profession. Même si l’on tient compte du fait qu’elles sont plus consommatrices en heures de travail, on n’arrive qu’à 17 % du total. Les incendies de forêt ne représentant eux-mêmes que 10 % des interventions au titre des incendies, l’ancien cœur du métier ne constitue plus désormais que 1 % de l’activité totale !

Ces modifications sont à l’origine de doublons, par exemple avec les SAMU. Il faudra donc clarifier les choses et se demander qui fait quoi. L’assurance-maladie ne peut pas continuer à payer plus de 300 euros pour chaque ambulance en astreinte dans les hôpitaux de 20 heures à 8 heures, alors que ce sont en fait les sapeurs-pompiers, financés par l’impôt, qui exercent la mission. Il faut arrêter de payer deux fois !

Une réflexion doit également s’engager sur le temps de travail. S’il y a 10 000 sapeurs-pompiers de plus pour le même nombre d’interventions, c’est en partie aussi parce que les conditions ont changé : il y a dix ans, ils effectuaient 140 gardes de vingt-quatre heures par an ; aujourd’hui ils en font 95, voire 90. Les gardes de vingt-quatre heures ne sont pas une obligation. Elles peuvent être de douze ou de huit heures, étant entendu que l’horaire annuel est de 1 607 heures. Il faut donc regarder si les gardes de vingt-quatre heures sont bien adaptées. Les statistiques montrent en effet que, dans ces conditions, les pompiers exercent 143 fois par an leur métier : fait-on bien son métier lorsque l’on n’intervient en moyenne que 1,5 fois par jour de travail ?

J’aimerais aussi que nous abordions ensemble la question des achats : ne pourrait-on pas les mutualiser davantage ? Le prix d’un véhicule de secours et d’assistance aux victimes peut varier de 51 000 à 78 000 euros, celui d’un fourgon-pompe de 142 000 à 257 000 euros. Pourquoi de tels écarts entre les départements ? Pourquoi ne pas standardiser davantage ? Pourquoi ne pas mutualiser comme cela se fait en Allemagne ?

C’est dans l’esprit de la LOLF que la commission des Finances se pose ces questions, c’est-à-dire en se demandant comment dépenser moins avec le même service, ou comment assurer un meilleur service avec la même dépense.

L’État est bien entendu partie prenante puisqu’il produit des textes qui doivent être ensuite appliqués par les acteurs locaux : il ordonne, mais ce sont les collectivités locales qui payent. La complexité de la réglementation produit de la dépense. Au bout du compte, il faudra donc se demander s’il convient de rester dans la configuration actuelle ou d’intégrer les SDIS dans les conseils généraux, d’autant que les sapeurs-pompiers professionnels ont le statut d’employés territoriaux.

Autre question essentielle : pour le contribuable, faut-il fiscaliser la dépense et la rendre transparente, c’est-à-dire la « sortir » des charges indifférenciées du conseil général pour ajouter une colonne sur la feuille des impôts locaux, à côté des lignes communale, départementale et régionale de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ?

M. le colonel Philippe Berthelot, directeur du SDIS de Loire-Atlantique. Les sapeurs-pompiers exécutent certaines missions de service aux personnes dans la mesure où personne d’autre ne le fait. Une clarification éviterait sans doute que deux services n’entrent en « concurrence ». Cela étant, les ententes entre chefs de service, sous la coordination du préfet, permettent souvent d’organiser au niveau local une complémentarité entre les services d’urgence hospitaliers et ceux des pompiers.

Pour autant, je ne suis pas certain que toutes les dépenses engagées sur le plan sanitaire soient justifiées. C’est en particulier évident pour les permanences d’ambulance que vous avez évoquées. Il me semble que cela peut être traité par les agences régionales d’hospitalisation (ARH). Pour leur part, les usagers sont demandeurs avant tout d’une réponse rapide et adaptée. Or l’urgence est quand même essentiellement le travail des sapeurs-pompiers, qui ont en la matière un véritable savoir-faire.

Si la part des incendies a beaucoup diminué dans notre activité, ils demeurent très consommateurs en temps, en hommes et en formation. Nous devons être particulièrement performants dans ce qui est notre seul domaine de compétence exclusive : le feu, c’est la guerre et nous avons donc intérêt à être bons !

M. David Habib, Président. M. Ginesta vous a également interrogés sur l’évolution du métier, notamment concernant la productivité des sapeurs-pompiers et les matériels.

M. le colonel Éric Martin, directeur du SDIS du Var. La départementalisation en 1996 a provoqué une baisse des interventions – que l’on faisait, au temps de la compétence communale, « à la bonne franquette » du fait de la proximité des acteurs – grâce à une amélioration de la régulation entre ces derniers. De même, en nous permettant de facturer certaines interventions n’entrant pas dans le ressort direct du service public, la nouvelle législation en a réduit le nombre. Pour autant, la demande de nos concitoyens demeure importante et il me semble observer ces dernières années une légère remontée du volume des interventions.

Pour les secours à personne, les services départementaux sont plus proches de la population qu’un service de l’État. Dans le Var, grâce à des conventions signées entre son président et plusieurs hôpitaux, le SDIS assurera la mutualisation matérielle des gardes ambulancières pour quatre des six hôpitaux du département. Plutôt que de payer des ambulances privées à rester stationnées vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un hôpital, le choix a donc été fait de mettre à disposition tous les véhicules des centres de secours rattachés à un établissement hospitalier, les ambulances et sapeurs-pompiers restant dans les casernes pour vaquer à leurs occupations habituelles mais devenant disponibles dès lors que le SMUR en a besoin.

Le débat sur le temps de travail est complexe : 95 gardes de vingt-quatre heures par an représentent 2 280 heures alors que la durée légale est de 1 607. Sortir du mode de garde par vingt-quatre heures permettrait vraisemblablement de faire des économies, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la dimension des casernes, mais sous réserve que le passage aux 2x12 ou aux 3x8 heures ne débouche pas sur le même mode de travail qu’aujourd’hui. La garde comporte actuellement un temps de sport, un temps de formation, des tâches administratives et techniques liées, par exemple, à l’entretien ou à la vérification du matériel, de plus en plus lourde.

Dans les départements qui ont déjà opté pour des gardes de 2x12 heures, on constate que l’on est à environ 1 500 heures de présence, mais avec la même organisation que pour une garde de vingt-quatre heures, c’est-à-dire avec une chambre pour le repos du personnel qui n’est pas sollicité la nuit. Certes, si l’on passait à des gardes de huit heures, les sapeurs-pompiers effectueraient 200 périodes par an, mais il faudrait négocier pour qu’ils puissent continuer à se former lorsqu’ils ne sont pas sollicités. On ne saurait ignorer que les organisations syndicales exercent une pression puisque, dans des départements organisés en séquences de vingt-quatre heures pour certaines missions, les sapeurs-pompiers effectuent quand même 1 607 heures.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un laxisme des responsables, mais de la nécessité de gérer une pression qui est bien antérieure à la départementalisation. Lorsque je suis entré dans le corps des sapeurs-pompiers, en 1982 à Montluçon – municipalité communiste où la CGT était très puissante –, un jour de travail était suivi de deux jours de repos, un pompier effectuant de la sorte 122 gardes par an, tandis qu’un de ses collègues en assurait 150 dans une autre commune.

Selon moi, la départementalisation n’a pas encore complètement permis de lisser les pratiques au niveau du nombre de gardes annuelles. J’ajoute que tous les centres de secours ne sont pas sollicités et ne doivent donc pas être traités de la même manière – monsieur Ginesta comprendra ce que je veux dire si je compare ceux de Comps et de Toulon… Pour autant, il est vrai que je vois mal comment on peut maintenir des acquis professionnels et comment on peut former des personnels avec 67 gardes par an en séquences de vingt-quatre heures. Dans l’armée, un tiers du temps de carrière d’un officier est consacré à la formation…

Dans le Var, nous affectons trois hommes par ambulance et la moyenne du temps d’intervention de secours à personne est d’une heure. Pour un feu de forêt, nous pouvons mobiliser 250 à 400 camions pendant plusieurs jours. On le voit, les interventions ne sont pas comparables et il faut donc être prudent dans l’usage que l’on fait des statistiques.

S’agissant des acquisitions de matériel, nous collaborons depuis un certain temps avec plusieurs SDIS du bassin méditerranéen pour préparer des cahiers des charges à destination de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), puis nous achetons nos véhicules sur son catalogue. Cela a permis au département du Var, et surtout à ceux qui n’avaient pas un volume d’achat suffisant, de gagner de l’argent. La mutualisation doit donc dépasser le cadre départemental afin que chacun profite des baisses de marges.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. J’observe que nous avons devant nous trois directeurs départementaux, qui sont des fonctionnaires territoriaux, mais nommés par l’État, ce qui constitue un anachronisme dans notre fonction publique – mais tel n’est pas l’objet de notre rapport.

Je souhaite insister sur la question du temps de travail. Sans doute y a-t-il là une part de laxisme des élus mais est-il tellement étonnant, lorsque l’on dirige un service départemental, de rechercher la paix sociale ? Mais cette paix tient également par l’application de normes fixées par la direction de la Sécurité civile (DSC), donc par l’État, et qui s’imposent : la fourchette de 90 à 100 gardes de vingt-quatre heures n’a été fixée ni par les directeurs départementaux ni par les présidents des SDIS !

Quelle est votre opinion à ce propos ? Peut-on imaginer un système de 3x8 à l’égard duquel j’ai cru comprendre, monsieur le directeur départemental du Var, que vous étiez plutôt réservé ? Pour autant, le système actuel laisse du temps aux sapeurs-pompiers professionnels pour faire, par exemple, du syndicalisme et pour venir contester le fonctionnement des SDIS…

À ce propos trouvez-vous normal qu’un sapeur-pompier professionnel (SPP), parce qu’il n’effectue que 95 gardes de vingt-quatre heures par an, puisse être sapeur-pompier volontaire (SPV) ailleurs ? Ne devrions-nous pas nous montrer plus rigoureux en la matière ?

Enfin, puisque vous venez de trois départements très différents – quelle chance est la vôtre, monsieur Single, de n’avoir que sept ou huit sapeurs-pompiers professionnels tandis que j’en ai 2 000 sur les bras – pouvez-vous nous indiquer les ratios entre SPP et SPV ?

M. Philippe Berthelot. Les gardes de vingt-quatre heures présentent l’avantage de n’être décomptées que seize heures et elles sont donc plus avantageuses pour le service en termes de présence, mais aussi par rapport aux gardes de douze heures qui comptent une heure pour une heure et pendant lesquelles on a intérêt à faire travailler les gens la nuit, sans quoi ils ne sont pas rentables dès qu’ils ne sortent pas en intervention.

Vous avez relevé tout à l’heure le faible nombre d’interventions par garde. Un sapeur-pompier professionnel n’effectue pas plus de trois à cinq heures d’interventions par période de garde. Si on les paie douze heures pour cela, ce sera encore moins rentable.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce sont des employés municipaux, ils ne sont pas payés à l’heure mais mensualisés.

M. Philippe Berthelot. Je veux simplement dire qu’il est moins rentable de payer des gens la nuit s’ils ne font que dormir.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Est-il acceptable qu’un homme qui est payé comme fonctionnaire ne soit que 95 jours par an sur son lieu de travail, ce qui lui laisse quand même 270 jours de liberté ? Si l’on passait à douze ou à huit heures, il serait beaucoup plus présent. Accomplir un minimum d’actes professionnels est tout de même nécessaire pour être compétent !

N’oublions pas, en outre, qu’au cours de ces 95 jours de garde un sapeur-pompier professionnel n’effectue que 140 interventions, ce qui signifie qu’il n’exerce son métier en moyenne que 1,5 fois par jour ! Or, mieux vaut pratiquer son métier que s’entraîner lors d’exercices provoqués.

M. Philippe Berthelot. Le système des douze heures présente aussi des avantages évidents, le premier étant que les gens viennent plus souvent, étant entendu qu’il faut, dans ce cadre, leur imposer de faire de nuit le travail normal, avec de la formation, des manœuvres et des interventions, ce qui se fait plus naturellement dans le cadre des 3x8. Mais est-ce socialement « vendable » ? C’est un autre débat.

Dans l’absolu, le cumul du statut de sapeur-pompier volontaire et de celui de sapeur-pompier professionnel est choquant : les personnels demandent à se reposer après une garde de vingt-quatre heures, voire de douze heures, mais ils sont payés à la vacation, en tant que sapeur-pompier, pendant leur temps de repos. Ce cumul est tout à fait inacceptable au sein de la même unité.

En revanche, beaucoup d’unités ont des sapeurs-pompiers professionnels qui habitent dans un autre département, où ils sont sapeurs-pompiers volontaires. Les plus nombreux dans ce cas sont les membres de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, dans un rayon de 100 kilomètres autour de la capitale.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il y a en effet là un véritable cumul de revenus d’autant que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas soumis à l’impôt pour les vacations…

M. Philippe Berthelot. Il va de soi qu’il faut encadrer cela. Sinon, c’est la porte ouverte à n’importe quoi.

M. le lieutenant-colonel Éric Single, directeur du SDIS de la Lozère. Je fais un peu figure de Petit Poucet dans cette audition car le SDIS de la Lozère compte neuf sapeurs-pompiers professionnels, moi-même compris, ce qui signifie d’ailleurs que nous aurions bien besoin de faire plus de vingt-quatre heures par jour. Il est vrai que je n’ai par ailleurs pas de problème de syndicats…

S’agissant des volontaires, je connais bien les deux départements que M. Ginesta a cités dans son rapport spécial puisque, avant d’être directeur en Lozère, où je dirige un SDIS composé à 98,5 % de volontaires, j’étais directeur adjoint dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Nous avons bien sûr une obligation de résultat sur le terrain et le double statut est pour nous une obligation : nous obligeons les professionnels à être également volontaires, tout simplement parce que nous leur demandons beaucoup plus de travail et de disponibilité qu’à un sapeur-pompier professionnel dans un grand département et que le statut de volontaire permet de les indemniser lors de surcroît d’interventions, et de garantir leur couverture sociale.

En ce qui concerne le budget des SDIS, outre les opérations, il faut tenir compte des effets des réformes intervenues ces dernières années, notamment en ce qui concerne les formations, dont le coût a véritablement explosé, et les normes, qui ont considérablement accru le prix des véhicules et des équipements, en particulier de protection individuelle. Les petits SDIS sont ainsi obligés de faire particulièrement attention et il ne me semble pas qu’ils se montrent particulièrement gaspilleurs.

On a par ailleurs évoqué l’idée d’un rapprochement entre les SDIS et les conseils généraux. Pour ma part, je suis plutôt favorable au système actuel car la présence des maires et des présidents des communautés de communes dans les conseils d’administration me paraît de nature à conserver aux services que nous rendons un caractère de proximité. Qui plus est, nous demandons aux élus des communes où sont établis les centres de secours de privilégier dans leurs recrutements, à compétences égales, celui de sapeurs-pompiers volontaires afin que ces derniers soient disponibles dans la journée pour répondre aux besoins. Conserver ce lien de proximité est donc indispensable pour maintenir le volontariat.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous avez évoqué la formation. À ce propos, on peut s’étonner qu’alors qu’il existe une école nationale des sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence, pas moins de 80 écoles aient été créées à l’initiative des départements.

M. Éric Single. Nous-mêmes n’avons pas d’école mais un service de formation. Votre question nous ramène cependant à celle du volontariat : il nous serait difficile d’envoyer nos volontaires en formation initiale loin de chez eux, dans des écoles de zone. Pour sa part, la formation continue, qui se fait chaque semaine lors de manœuvres, exige des plateaux techniques.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Cette formation se fait dans chaque caserne, lors de l’entraînement des sapeurs-pompiers.

M. Éric Single. On peut envisager une mutualisation à l’occasion de manœuvres intercasernes.

M. Philippe Berthelot. Nous avons besoin de plateaux techniques et une mutualisation serait donc utile. Mais il n’y a pas 80 plateaux techniques mais 80 écoles. Or, une école, c’est parfois seulement quelques salles de cours et une aire bitumée.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est quand même consommateur d’heures…

M. David Habib, Président. Élu de la région de Lacq, je dispose à la fois du SDIS et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et je suis convaincu que l’idée de mutualisation doit animer tous les acteurs.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pourquoi les sapeurs-pompiers de Paris ?

M. David Habib, Président. Parce que, après la découverte d’un gaz hautement sulfuré, Charles de Gaulle l’a décidé ainsi. Outre Biscarosse, Kourou est aussi dans ce cas, pour d’autres motifs. Mais M. Nicolas Sarkozy pourrait remettre aussi en cause ce choix du général de Gaulle…

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Je rejoins le constat de Georges Ginesta quant à l’explosion des dépenses publiques et à la nécessité de trouver les moyens de la réduire.

Par ailleurs, la diversité des situations rend toute simplification illusoire : dans mon département, les choses sont très différentes entre les sapeurs-pompiers d’Avignon et ceux qui travaillent dans un village rural au pied du Ventoux.

Il faut également tenir compte des évolutions locales : dans la commune dont j’ai été maire pendant seize ans, plus personne, sans les pompiers, n’assurerait de permanence après la disparition des gardes de nuit des médecins.

S’agissant de la gouvernance, j’ai l’impression, pour avoir été membre d’un conseil général pendant douze ans, qu’il y a dans la gestion des SDIS une parfaite transparence, mais aucune visibilité : le grand public ignore qui fait quoi et le contribuable ne sait ni combien ça coûte ni comment c’est dirigé. Faute d’information, la population peut croire que l’élu qui ne se voit doté que d’un petit camion, pourtant peu coûteux et mieux adapté à la situation locale, est moins efficace que son voisin. On peut ainsi être tenté d’acheter la paix locale comme vous avez dit que l’on achetait la paix sociale.

Dans cette période de grande réflexion sur l’organisation territoriale, que pensez-vous, messieurs, de l’idée de créer pour les services d’incendie et de secours une ligne fiscale spécifique sur la feuille d’impôts locaux, semblable à celle qui existe pour les ordures ménagères, qui a au moins le mérite que le contribuable sache pourquoi il trie ses ordures ?

M. Éric Martin. Le président du SDIS du Var est aussi le président du conseil général et il ne manque pas une occasion de rappeler sa volonté de voir les dépenses du SDIS fiscalisées.

Certes, nous avons un avis sur la gouvernance, mais celle-ci relève avant tout des choix politiques et l’on peut se demander si Bercy en accepterait d’autres.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Bercy est rarement d’accord quand l’initiative ne vient pas de lui… Plus sérieusement, il est évident que l’on est aujourd’hui à un niveau de dépenses individuelles – 79 euros par habitant, un peu plus dans le Var – totalement masqué au contribuable alors qu’en fait une famille de quatre personnes paye davantage pour les sapeurs-pompiers que pour sa taxe d’habitation ! Thierry Mariani a donc raison de dire qu’il faudrait rendre cela totalement transparent.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Dans le système de financement actuel, les communes et groupements de communes continuent de participer. La loi de décentralisation avait prévu que cela cesserait en 2006 mais, après un report à 2010, on semble aujourd’hui avoir totalement renoncé à cette idée. Le financement à la fois par les communes et par les départements est une des données du problème. Je suis pour ma part favorable à une ligne identifiée pour un seul financeur. Le SDIS étant un établissement public, on pourrait imaginer que ce soit lui qui perçoive ce budget.

M. Philippe Berthelot. Dans les différents postes que j’ai occupés, je n’ai pas constaté que les élus voyaient le SDIS comme une sorte de boîte noire, d’autant que nous avons construit la départementalisation avec eux et en toute transparence. À un moment donné, il a bien fallu mettre tout à plat avec le directeur général des services du département, en exposant quelles étaient les dépenses, en particulier en raison des charges de personnel auxquelles s’ajoute le montant des vacations.

Pour notre part, nous sommes là pour appliquer la politique publique déterminée par les élus. Si la fiscalisation est de nature à rendre les choses plus transparentes et à rassurer la population et les élus, pourquoi pas ?

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Dès lors qu’il la constaterait directement, le contribuable s’intéresserait davantage à l’augmentation du budget, comme il le fait lorsque la taxe d’habitation ou le foncier bâti augmentent. Cela conduirait donc sans doute à freiner la dépense.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Cela ferait en effet évoluer le rapport des forces car on verrait qu’acheter la paix sociale conduit à alourdir la note fiscale. Les élus pourraient peut-être mieux ainsi résister à certaines demandes.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Dès lors qu’ils sont obligés d’afficher les augmentations des impôts locaux, les maires seraient incités à une certaine prudence.

M. David Habib, Président. Le système actuel, qui mêle financeurs départementaux et communaux, mais aussi la responsabilité du conseil général et celle du préfet, entraîne une dilution du pouvoir, donc des responsabilités, dont les grands bénéficiaires sont les sapeurs-pompiers et peut-être aussi les directeurs départementaux qui, cherchant eux aussi la paix sociale, n’ont pas toujours la volonté ou le courage de maîtriser leurs hommes.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Le système dans lequel les maires participent est également plutôt opaque car l’élection, pour nécessaire qu’elle soit, est assez formelle : dans mon département on constitue une liste unique et je me demande s’il existe un seul département ou des listes concurrentes sont en présence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Parce que, après la départementalisation, on a refait des groupements au sein des départements, on a aujourd’hui des officiers départementaux et des officiers de groupements. N’a-t-on pas accéléré ainsi les promotions et fait en sorte qu’il y ait un lieutenant-colonel ou un colonel pour 70 sapeurs-pompiers professionnels, là où il n’y aurait qu’un sergent dans l’armée ?

M. Éric Martin. Je reviens à la question de M. Derosier sur le fait que des sapeurs-pompiers professionnels sont aussi volontaires. Dans le Var, la départementalisation a coûté cher parce qu’elle a conduit à instituer des gardes permanentes, constituées de sapeurs-pompiers volontaires, dans beaucoup de casernes, ce qui a permis d’améliorer la qualité de la distribution des secours. Aucun centre de secours du Var n’est constitué à 100 % de professionnels.

S’agissant du prétendu manque de courage de la part des directeurs départementaux en matière de maintien de la paix sociale, j’ai connu pour ma part pendant trois ans un conflit social très dur au cours duquel des banderoles apposées sur les camions me traitaient nommément de « directeur voleur ». Le SDIS était protégé par des CRS car les grévistes ont mis à plusieurs reprises le feu au SDIS. Il n’y a eu aucune interpellation, pas plus d’ailleurs que quand ils ont placé des fumigènes dans le tunnel de Toulon alors qu’il était ouvert à la circulation ou lorsqu’ils s’en sont pris avec violence à un commissaire de police à Saint-Raphaël ou à leurs habituels collègues de travail, gendarmes et CRS, à Paris en décembre 2006. Tous ces faits sont restés impunis, ce qui a conduit certains à en conclure que les pompiers « surfaient » sur la vague de leur popularité. En effet, un élu est-il aujourd’hui capable de dire non à des pompiers en grève depuis plusieurs mois et de tenir, tout seul ?

À l’évidence, il faut revoir un certain nombre de choses. En vertu du principe même de la décentralisation, l’État, qui impose beaucoup, laisse une marge de manœuvre importante aux collectivités territoriales. Mais, s’agissant d’un service dont vous avez rappelé le coût important, on peut se demander s’il doit rester territorial ou s’il doit être étatisé voire militarisé. Mais il n’est pas certain qu’un statut à envergure plus large soit moins onéreux.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La dépense s’accélère : elle a augmenté de 45 % tandis que les interventions n’augmentaient que de 5 %. On arrive à des situations extravagantes : 80 % des dépenses sont constituées par les salaires. Depuis qu’on est passé de 28 000 pompiers à 38 000, le mouvement continue : il y a eu encore récemment 500 embauches.

M. David Habib, Président. On voit bien là un véritable problème de gouvernance. Il faut avoir le courage de dire que les élus ne peuvent pas, seuls, demander que l’on modifie cette gouvernance. Vos propos témoignent aussi, messieurs, des dysfonctionnements du dispositif. La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 n’a pas réglé ce problème, et elle a peut-être même encouragé la confusion et isolé les élus.

Même si le SDIS est désormais cogéré par les communes et par le département, les sapeurs-pompiers interviennent toujours sur la base du pouvoir de police du maire. Mais pour ma part, je suis incapable de dire combien de sapeurs-pompiers interviennent, tellement le turn-over est important depuis la départementalisation : indiscutablement, le lien local s’est distendu.

Une clarification est donc indispensable et Georges Ginesta a fixé un premier cap.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. On ne peut pas vraiment parler de cogestion car la loi donne au département la responsabilité première dans la gestion des SDIS, tandis que les communes désignent un ou des représentants.

M. David Habib, Président. En effet, mais lorsque l’écart en voix est faible et que la proportionnelle s’applique, les communes ont quand même un poids important au sein des conseils d’administration (CASDIS). Mais tel n’est sans doute pas le cas dans le Nord, où le président du conseil général dispose d’une majorité absolue…

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Il n’y a en pratique ni gouvernance ni équilibre des pouvoirs. Il est plus facile de dire non à d’autres professions qu’à des infirmières ou à des pompiers, d’autant que l’on se sent à la merci d’un éventuel accident. La gouvernance doit donc garantir la transparence et clarifier les responsabilités.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. On en revient au financement : je maintiens que le financement des SDIS ne doit plus être globalisé dans le budget départemental et municipal. La départementalisation étant achevée depuis 2001, il est bon de faire le point en vue de redéfinir le pilotage du système.

M. David Habib, Président. Merci, messieurs.

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