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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Services départementaux d’incendie et de secours

Jeudi 12 mars 2009

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 8

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Marc Giroud, directeur du service d’aide médicale d’urgence – SAMU – de Pontoise, président de SAMU de France

M. David Habib, Président. Ce matin, nous avons eu la volonté d’explorer la réalité du terrain des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), en auditionnant des directeurs de SDIS, des présidents de conseil général et un préfet de zone. Comme M. Georges Ginesta l’a rappelé, notre mission d’évaluation et de contrôle a pour but, d’abord, de vérifier la bonne utilisation des fonds publics, ensuite, de trouver les moyens d’éviter une inflation des demandes en la matière.

Les services d’aide médicale d’urgence (SAMU) ont été cités à plusieurs reprises lors de nos premières auditions, et il nous a semblé utile d’entendre un de leurs responsables. M. le docteur Marc Giroud, directeur du SAMU de Pontoise, a accepté de participer à nos travaux.

Nos trois rapporteurs sont M. Georges Ginesta, de la commission des Finances, M. Bernard Derosier et M. Thierry Mariani, membres de la commission des Lois.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur le directeur, nous souhaitons vous entendre expliquer, à partir de votre expérience de l’ensemble du territoire national, comment s’articulent aujourd’hui les SAMU et les SDIS, eu égard à quelques tensions antérieures alimentées par les uns et par les autres. Cette relation est-elle satisfaisante, a-t-elle des conséquences financières et peut-elle être améliorée – notre collègue Ginesta rappelant régulièrement la nécessité de diminuer les dépenses des SDIS ?

M. Marc Giroud. Une précision : je suis le directeur du SAMU de Pontoise, mais aussi le président de SAMU de France.

La question des finances n’étant pas au cœur de mon métier – de mon savoir et de mon expérience – ni de celui de SAMU de France, je vous répondrai donc plutôt sous l’angle de la coordination et de ses retentissements positifs ou négatifs, sachant qu’une bonne coordination contribue à dépenser efficacement et à optimiser les moyens.

À mes yeux, la coopération entre SAMU et pompiers est beaucoup plus simple qu’on ne le dit. Vous évoquez des tensions alimentées de part et d’autre, mais citez-nous des cas où SAMU de France les a alimentées ! Nous ne nous situons pas du tout dans ce registre et je ne suis donc pas là pour porter des griefs. Lorsque les ministres nous ont réunis, à la demande du Président de la République, il y a maintenant un an, pour travailler sur le fameux référentiel commun de l’organisation des secours à personne et de l’aide médicale d’urgence, je leur ai dit que notre travail en commun avec les sapeurs-pompiers est plus que bon – il est exemplaire – et je leur ai demandé de nous aider en nous indiquant d’autres services publics qui coopèrent mieux et plus que nous. J’attends la réponse des ministres à cette question et l’exemple qui nous serait ainsi donné ! Au contraire, certains pourraient s’inspirer de nos pratiques car, même si des difficultés entre SAMU et pompiers se présentent de temps en temps, c’est précisément parce que nous travaillons beaucoup ensemble et au quotidien.

La relation pompiers-SAMU est exemplaire grâce à notre complémentarité et, surtout, à notre culture commune. Je reconnais aux pompiers, et c’est - j’en suis certain - réciproque, le sens du service public et de l’engagement auprès des malades. Entre eux et nous, c’est viscéral, chromosomique, nous vivons cet engagement en permanence et il nous rapproche. On ne peut pas en dire autant d’autres partenaires ; j’en parlerai. Et lorsque nous nous sommes réunis voici un an pour élaborer ce référentiel commun, c’est précisément le critère patient – l’intérêt du malade – qui a permis aux deux parties de s’entendre : à chaque fois que l’un démontrait à l’autre que telle pratique était préférable, moins compliquée, plus rapide pour le patient, nous tombions aussitôt d’accord.

Dans le courrier par lequel j’ai été convié à participer à cette audition, vous m’avez demandé à quoi sert le référentiel. Les textes que nous avions précédemment écrits – auxquels j’avais contribué en 1990 – ayant vieilli, il était intéressant de les mettre au goût du jour, et cet exercice, certes long et parfois difficile – une centaine d’heures – s’est révélé très productif. Ce référentiel décline trois principes.

Le premier est que la régulation médicale exercée par les SAMU est déterminante pour le « juste soin ». Nous n’appliquons évidemment pas le juste soin en fonction de préoccupations économiques, mais pour répondre au besoin du patient. Cela étant dit, cette régulation est sans aucun doute positive au plan économique car elle permet de dépenser en fonction d’une utilité appréciée par le médecin régulateur.

Le deuxième principe est celui de la médicalisation par les ambulances du SAMU, mais seulement quand c’est nécessaire.

Le troisième principe – mentionné en premier dans le texte – est la proximité, qui met en avant l’avantage des sapeurs-pompiers, toujours les plus rapides.

Ce référentiel apporte trois choses.

D’abord, il permet d’accroître la rapidité à différentes étapes, car nous avons prévu des départs réflexes, des bilans simplifiés, mais aussi des automatismes, des absences de discussions – et le Président de la République a eu raison d’être très ferme sur ce dernier point qui relève du bon sens. Dans certains cas en effet, on parlotait alors qu’il était possible d’agir tout de suite quitte, éventuellement, à en discuter après.

Le référentiel facilite ensuite la coordination grâce notamment à une information systématique et au développement de l’informatique dans une perspective de progrès.

Enfin – et c’est formidable –, nous avons créé ensemble, formellement, une démarche qualité qui n’existait auparavant que de manière informelle.

Restent deux problèmes.

Premièrement, les difficultés dont vous faites état en matière de coordination existent surtout entre pompiers et ambulanciers privés – et non entre pompiers et SAMU. Ces problèmes sont lourds, pratiquement ingérables, et cause des doublons. Autant il est possible d’améliorer encore certains points dans la relation pompiers-SAMU, même si elle est déjà exemplaire, autant je ne sais pas comment faire s’agissant des pompiers et des ambulanciers privés. Les ambulanciers nous disent vouloir faire avec nous exactement comme nous faisons avec les pompiers, mais nous n’avons pas besoin de faire avec l’un ce qui est déjà très bien fait avec l’autre, car les ambulanciers ne respectent, bien souvent, ni les délais ni leurs engagements pris avec nous…, sans compter les problèmes de formation, d’équipements et même de commandement ! En cas de problème – et c’est rare – avec les sapeurs-pompiers, nous savons à qui nous adresser pour le régler, pas avec les ambulanciers privés.

Cette situation s’ajoute à celle des médecins généralistes, sur laquelle vous légiférez dans le cadre de la loi hôpital, patient, santé, territoires. Bon courage, car il n’y a pas forcément les troupes sur le terrain ! Il faut être réaliste : nous assumons, avec les pompiers, ces difficultés.

Deuxièmement, depuis quelque temps, les pompiers recrutent des infirmiers de sapeurs-pompiers (ISP) – l’absence de concertation préalable sur ces ISP a d’ailleurs alimenté nos récentes discussions –, lesquels se sont mis à accomplir des actes allant au-delà des compétences des infirmiers, avec tous les problèmes que cela peut poser en termes de sécurité et de qualité des prises en charge des patients. En outre, l’implantation de ces ISP crée des doublons en certains endroits du territoire déjà bien couverts par le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR). De plus, ces infirmiers ont presque toujours été recrutés dans les hôpitaux, dont on connaît les problèmes d’effectifs infirmiers. Ils sont payés plus cher et bénéficient d’incitations plus fortes, d’exonérations d’impôt, etc. Résultat : si nous demandons à une infirmière hospitalière agissant comme volontaire chez les sapeurs-pompiers de venir le lendemain travailler à l’hôpital, elle nous répond par la négative car elle sera chez les pompiers ! Enfin, ce recrutement a été mis en place sans coordination des plannings. Même si cette situation n’est pas du tout de l’ordre de l’exemplaire, elle est cependant marginale et nous en discutons. Le référentiel commun aborde timidement ce problème, mais seulement dans les perspectives, des protocoles d’emploi de ces infirmiers étant prévus à l’échelle nationale, et nous participerons, avec la Haute autorité de santé, à leur validation. Cependant, rien n’est prévu concernant l’implantation territoriale des ISP. Quant aux conventions entre les hôpitaux et les sapeurs-pompiers, nous n’avons pas encore commencé à y travailler.

En résumé, sur le plan de la coordination, les relations entre sapeurs-pompiers et SAMU sont excellentes, l’ombre des infirmiers de sapeurs-pompiers ne nous préoccupant que secondairement.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Un exemple : s’ils sont appelés par le directeur d’une maison de retraite en raison de l’indisponibilité de l’ambulance, les pompiers ont-ils le droit sans être accompagnés d’un médecin de transporter une personne qui n’est pas malade, mais simplement âgée et sous perfusion ?

M. Marc Giroud. C’est vous qui votez la loi ! Il ne m’appartient pas de vous répondre.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si, vous êtes là pour ça !

M. Marc Giroud. Il est bien que le pompier puisse le faire dans le cadre où nous travaillons aujourd’hui, à savoir en lien avec la régulation médicale qui apprécie au cas par cas – il n’est pas possible de répondre de manière générale à votre exemple. C’est d’ailleurs ce qui se fait dans la pratique, de manière sûre et efficace.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Le sapeur-pompier a besoin d’une autorité médicale pour effectuer le transport.

M. Marc Giroud. Elle fonctionne, monsieur le député !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si vous vous entendez parfaitement entre vous, ce n’est pas forcément le cas avec l’ensemble du corps médical, notamment avec les ambulanciers qui en font partie !

M. Marc Giroud. Les ambulanciers font plutôt partie du système de soins.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour appréhender le problème dans son ensemble.

M. Marc Giroud. Vous ne verrez pas de pompier faire, dans une maison de retraite, quelque chose qui n’a pas été coordonné, validé par le médecin régulateur. Même si vous pouvez me citer un cas, globalement ce n’est pas ainsi que cela marche !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce n’est pas ainsi que cela devrait marcher.

M. Marc Giroud. Je vous donne mon opinion : ce système de coordination, de bilan sur place fonctionne remarquablement bien – avec sans doute quelques loupés… comme partout.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Autre question : sur la coordination entre le 15 et le 18, qui décide du prompt secours ? S’il y a prompt secours, ce sont les sapeurs-pompiers, sinon c’est le staff médical.

M. Marc Giroud. C’est le cas.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Vous êtes dans un monde parfait !

L’assurance-maladie paye plus de 300 euros la nuit des ambulances en astreinte, qui ne sont pas forcément utilisées si, l’appel étant reçu sur le 18, le pompier décide d’envoyer ses collègues faire l’intervention. Cela autorise les sapeurs-pompiers à demander toujours plus d’effectifs et plus de matériels, la sécurité sociale – et donc in fine l’assuré – continuant à payer des ambulances en astreinte sous-utilisées. Aujourd’hui, il faut coordonner les deux, nous dire qui doit faire quoi, qui a autorité sur qui !

M. Marc Giroud. Vous soulevez deux problèmes : celui de la relation entre le 15 et le 18 et celui des ambulanciers privés. Sur le premier, mon opinion de directeur de SAMU est largement partagée par mes collègues : la liaison 15-18 fonctionne bien. Sur le second, je le répète, la coordination entre pompiers et ambulanciers est exemplaire de ce qu’il ne faut pas faire !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Les pompiers appellent-ils systématiquement le staff médical ?

M. Marc Giroud. Absolument.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. C’est le malade qui appelle le 15 ou le 18 et le régulateur apprécie par téléphone qui il faut envoyer. Le SAMU et les services des sapeurs-pompiers ont des missions différentes : la médecine pour les SAMU, le transport pour les SDIS. Ces derniers sont donc « en concurrence » avec les ambulanciers qui vivent à 300 euros la nuit – le service public étant indemnisé à hauteur de seulement 100 euros lorsqu’il intervient. Le hiatus est là. Je ne suis pas sûr que le SAMU – mais votre avis nous intéresse – puisse réorganiser cela différemment ; c’est aux pouvoirs publics de fixer les règles d’intervention entre ambulances privées et sapeurs-pompiers en fonction de la nature des missions.

M. Marc Giroud. Je suis totalement d’accord.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Effectivement, notre objectif étant de supprimer les doublons pour ne pas payer deux fois – via l’assurance-maladie et les impôts –, la position de chacun doit être clarifiée.

M. Marc Giroud. Je suis complètement d’accord, mais je m’avoue un peu incompétent. Autant je sais ce qu’il faut faire pour améliorer la relation entre SAMU et pompiers, et nous y travaillons – c’est une dimension importante de ma vie professionnelle et de celle de mes collègues dans les SAMU – avec une grande satisfaction car notre système est efficace et nous l’améliorons encore ; autant je ne sais pas faire ce que vous ne faites pas, c’est-à-dire le partage des compétences et des responsabilités entre pompiers et ambulanciers privés. Il ne faut pas demander au médecin régulateur du SAMU de palier la carence de l’organisation nationale…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce qui est demandé ici, c’est de réduire la dépense globale !

M. Marc Giroud. Le médecin régulateur n’a pas vocation à réduire la dépense ; son art est de qualifier le cas à partir d’un corpus de références qui lui sont données par la loi, les recommandations professionnelles, la Haute autorité de santé, les comités départementaux de l’aide médicale urgente et des transports sanitaires. Il discute, comprend, interprète, évalue les risques et décide, par exemple, de faire entrer le patient dans la catégorie de l’asthmatique à un niveau de gravité donné. Ensuite, les auxiliaires appliquent, déclinent la qualification du cas en déterminant le schéma dans lequel va s’inscrire le patient, selon, par exemple, qu’il se trouve en milieu rural ou en milieu urbain.

Personne n’a jamais réglé ce problème – qui est selon moi une des tares de notre système de secours et de soins d’urgence –, et ce n’est pas au médecin régulateur de le faire.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. C’est vrai : il faut régler ce problème du transport soit par la voie législative, soit de façon réglementaire afin de préciser les missions des uns et des autres.

Des problèmes se sont posés – je ne sais pas s’ils existent toujours – quand, en raison de l’insuffisance de moyens des SAMU ou de la décision du régulateur de ne pas envoyer le SAMU, les sapeurs-pompiers ont dû assumer la mission de transport, d’où leur sentiment d’être taillables et corvéables à merci. C’était le sens de ma question tout à l’heure, à laquelle vous avez répondu en expliquant que les choses s’étaient aplanies et régularisées grâce à des conventions départementales.

M. Marc Giroud. En cas de problème, cela retombe sur les sapeurs-pompiers et le service hospitalier d’accueil ! Mais après tout, c’est la noblesse et la mission du service public. En revanche, nous vivons difficilement le discours actuel selon lequel nous devons, théoriquement, travailler avec les ambulanciers privés et les médecins généralistes car, non seulement nous les cherchons, mais il nous est reproché de trop utiliser les sapeurs-pompiers et de surcharger les services d’urgence sur lesquels nous nous replions ! Notre but est toujours d’apporter aux malades la solution la moins mauvaise et, à cet égard, nous avons la satisfaction, dans les cas où nous faisons agir – même à tort sur le plan de la qualification des rôles – le pompier et l’hôpital, de fournir aux malades un service d’un excellent niveau sur le plan de la sécurité et de la qualité ! Nous ne laissons pas les gens « sur le carreau » ! Que cela coûte cher est un autre problème, notre première vocation étant d’assurer aux malades une prise en charge efficace, quelle que soit leur condition sociale.

Il existe donc deux difficultés importantes aujourd’hui. En interne aux pompiers, le positionnement, un peu mystérieux, des infirmiers de sapeurs-pompiers, qui entraîne des doublons. Et, surtout, le problème jamais résolu des ambulanciers privés et de leur place dans les urgences. De plus, le mode de financement des ambulanciers privés – un forfait et une décote de 60 % de leurs tarifs – est très mauvais. Cette invention de l’assurance-maladie marche bien en milieu rural, mais pas en ville. En milieu rural, l’ambulancier travaille généralement avec sa femme, elle-même ambulancière ; ils touchent l’astreinte en sortant une fois toutes les trois nuits et leur situation est confortable. En revanche, en ville, les ambulanciers sont employés, ils dorment dans un arrière-fond d’hôpital ou dans un hôtel à bon marché, l’entreprise ne s’en sortant pas avec plusieurs interventions dans la nuit car, avec la décote de 60 %, elle y perd par rapport au tarif de base. Ce système soi-disant incitatif, mais moins payé pour la nuit que pour la journée n’a pas de sens et est une des causes de la carence d’ambulanciers privés. C’est le financement qui pervertit le système et, s’il était corrigé au moins pour les grandes villes – le problème se pose particulièrement en banlieue parisienne et notamment dans mon département –, il y aurait plus d’ambulanciers, et moins de pompiers se plaignant de devoir faire le travail des ambulanciers privés.

On aboutit aussi à de drôles de situations. L’« ambulance des pompiers » est, vous le savez, gratuite pour l’usager. Le service public hospitalier doit donner à ce dernier toutes les informations utiles – c’est une obligation issue de la Charte du patient –, en particulier les conditions dans lesquelles il va être pris en charge. Ainsi, nous expliquons à une dame qui nous appelle qu’elle a besoin d’aller à l’hôpital et qu’elle peut s’y rendre soit avec une ambulance – système payant –, deux personnes pouvant venir la chercher dans une demie heure ou trois quarts d’heure, soit gratuitement avec les sapeurs-pompiers, trois d’entre eux pouvant arriver en un quart d’heure ! Imaginez sa réaction ! (Sourires.) C’est ce système que vous nous demandez d’appliquer au quotidien ! Or lorsque nous avons la faiblesse d’appuyer sur le « bouton rouge », c’est mieux non seulement pour la dame et l’hôpital, car il y a moins d’attente, mais aussi pour nous, eu égard au juge qui, en cas de problème, peut nous reprocher d’avoir fait attendre la patiente, de ne pas avoir contrôlé l’ambulancier, arrivé au bout d’une heure et quart, etc. L’ambulancier, nous ne le tenons pas par la main ! Le pompier, s’il est envoyé, on est sûr qu’il va y aller et faire exactement ce qu’on attend de lui.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Vive le service public !

M. Marc Giroud. Alors levez cette ambiguïté, monsieur le député, car il y a le service public et le service non public…, et on nous demande d’utiliser le second qui est moins performant !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Faut-il par conséquent supprimer l’astreinte des ambulanciers privés dans les hôpitaux ?

M. Marc Giroud. Ils ne sont pas vraiment dans les hôpitaux, mais – et il y a une confusion dans votre texte – dans la ville.

Le législateur a écrit dans la loi qu’en cas de carence de l’ambulancier privé, c’est l’hôpital siège du SAMU qui paye la sortie des pompiers…

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Oui.

M. Marc Giroud. Je me demande où vous avez trouvé ça ! On n’a jamais vu dans notre système d’assurance-maladie un prescripteur payeur ! Le payeur, c’est d’ordinaire le malade. On avait pensé, m’a-t-on expliqué, à un effet rétroactif sur le prescripteur… Mais le régulateur s’en moque, sa seule préoccupation étant une prise en charge efficace du patient.

M. le Président David Habib. Votre exemple est tout à fait pertinent.

M. Marc Giroud. Ce dispositif législatif est contre-productif. Cette espèce d’erreur selon laquelle les pompiers sont gratuits et les ambulanciers payants fait que nous allons dans le sens où on nous dit de ne pas aller.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est bien la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui : pour en parler. Je répète ma question : faut-il supprimer les ambulanciers privés payés sous astreinte ?

M. Marc Giroud. Non, les ambulanciers privés ayant selon moi un grand rôle à jouer, il faut s’atteler à trouver un cadre de coordination, de répartition des rôles entre ambulanciers et pompiers. En tant qu’experts ayant un regard particulier, nous pouvons vous donner des avis, ce problème relevant beaucoup plus de politiques générales et de vos décisions que des nôtres.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nos décisions sont aussi alimentées par des avis compétents.

M. Marc Giroud. Effectivement, aujourd’hui, l’articulation pompiers-ambulanciers mérite d’être complètement réexaminée car elle n’a pas de sens. Comme aurait dit ma pauvre mère, ce n’est ni fait ni à faire ! Puisque vous me demandez de vous aider, je vous donne la solution : allez à Londres et regardez le système ambulancier.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Que font de plus les Anglais ?

M. Marc Giroud. Ils ont mis en place un système national de transport sanitaire englobant ce qui existe dans notre pays chez les pompiers et les ambulanciers privés. Ce système monobloc marche, mais a un défaut important : s’il se met en grève – comme il y a une quinzaine d’années –, il y a des morts. En France, la dualité gendarmes-policiers et pompiers-ambulanciers évite d’avoir une seule jambe sur laquelle sauter.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Qui paye ?

M. Marc Giroud. Le service de santé.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Et l’usager ?

M. Marc Giroud. Je ne saurais pas trop vous détailler le système anglais d’assurance maladie, mais le fonctionnement du système de transport sanitaire y est très satisfaisant, avec cependant par rapport au nôtre le gros défaut de ne pas avoir inclus dans son concept le dispositif SAMU et la régulation médicale.

En conclusion, si un étranger me demande conseil, je lui propose d’aller « faire son marché » et de prendre le système d’ambulances anglais, le modèle SAMU français – car il apporte le juste soin avec la régulation médicale, dispositif globalement très bon, à mon avis le meilleur, même s’il comporte des défauts, et nous sommes assez peu contestés là-dessus – et le système de transport héliporté allemand ou suisse, car si la France fabrique des hélicoptères de qualité, elle ne les a pas bien mis en œuvre dans les secours. Avec tout cela, monsieur le député, vous avez le meilleur système du monde.

Auparavant, le système soviétique était une référence, et nous nous en sommes inspirés. Nous l’avons imité, puis dépassé, et avons inventé le système SAMU. Aujourd’hui dans le monde il y a, en gros, le système anglo-saxon et le système SAMU, ce dernier ayant l’avantage de la réponse adaptée.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Dans toutes les ex-républiques soviétiques, l’un des ministères les plus importants est le ministère des situations d’urgence. Elles continuent à coordonner les secours, même si cela fonctionne beaucoup moins bien qu’avant, grâce à une autorité générale.

M. David Habib, Président. Si Thierry Mariani cite le modèle communiste dans les préconisations du rapport… (Sourires.)

Merci beaucoup, Docteur, de votre franchise ; elle a été, je crois, appréciée par les rapporteurs. Vous avez bien isolé deux problèmes : la place des infirmiers de sapeurs-pompiers et la relation entre ambulanciers et pompiers. Nous allons poursuivre nos travaux et vous adresserons le rapport qui comportera les propositions des trois rapporteurs.

——fpfp——