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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Évaluation et perspectives des pôles de compétitivité

Mercredi 15 avril 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Rousseau, directeur général de la Compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) au ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

M. David Habib, Président. Monsieur le directeur général, nous vous remercions de votre disponibilité. Nous avons tenu à vous recevoir aussitôt après les représentants des deux cabinets ayant réalisé de novembre 2007 à juin 2008 l'évaluation des pôles de compétitivité, à savoir CM International et Boston Consulting Group, afin d’évoquer avec vous les grands axes de la stratégie des pôles.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Monsieur le directeur général, pouvez-nous préciser la place qu’occupent les pôles de compétitivité dans le dispositif recherche et innovation ? Qui les pilote ? Qu’en est-il par ailleurs de l’exécution budgétaire, de l’implication des PME et des grandes entreprises ? Enfin, comment voyez-vous les perspectives 2009-2011 ?

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Les pôles de compétitivité, lancés en 2004, se situent au carrefour de la politique d’innovation, de la politique industrielle et de l’aménagement du territoire. La multiplicité des objectifs qui leur a été assignée a-t-elle nui à leur cohérence d’ensemble et à leur efficacité ?

Lors du premier appel à projets, 67 pôles ont été labellisés sur 105 candidatures. Cela ne traduit-il pas un certain manque de sélectivité, sachant que près de 85 % des aides de l’État bénéficient aux quinze pôles ayant une audience nationale, les autres répondant davantage à des préoccupations d’aménagement du territoire ? Ne faut-il pas remettre en cause le grand nombre de pôles existants ? En effet, si les pôles sont plus des outils d’aménagement du territoire que des outils de soutien à la recherche, en cas de catastrophe industrielle ou de crise dans un secteur, c’est toute la région concernée qui se trouve alors sinistrée.

Les pôles français ont-ils par ailleurs atteint une taille critique suffisante leur permettant de traiter d’égal à égal avec nos concurrents ?

M. Luc Rousseau, directeur général de la Compétitivité, de l’industrie et des services. Le dispositif des pôles de compétitivité a été lancé sur la base d’un diagnostic des forces et des faiblesses du système industriel français et de sa capacité d’innovation. Ce diagnostic a fait apparaître des succès industriels dans les secteurs de l’espace, l’aéronautique, de l’automobile ainsi que la qualité des équipes, mais aussi une faible coopération entre les différents acteurs du fait d’un certain individualisme.

M. Alain Claeys, Rapporteur. La mise en place des pôles de compétitivité a-t-elle modifié la politique d’innovation de l’État en permettant de la rationaliser ?

M. Luc Rousseau. À l’instar de ce qu’avaient lancé les Japonais, des succès ont été obtenus à l’étranger, en particulier en Suède, au Danemark, aux États-Unis ou encore en Corée. On voit que lorsque l’on réunit des acteurs complémentaires sur un espace restreint, on gagne en efficacité. Une telle démarche n’étant pas spontanée en France, des pôles ont été créés, précisément pour faciliter la mise en relation de trois catégories d’acteurs principaux : les établissements d’enseignement, les établissements de recherche et les entreprises.

Le paysage de l’aide financière à l’innovation n’est pas si complexe en France : on ne compte, outre les pôles, côté État, que OSEO, suite à la fusion de cette agence avec l’AII, et au niveau européen, existent le programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT) et le programme EURÊKA.

La demande d’aide peut être individuelle. OSEO apporte ainsi son soutien aux PME comptant jusqu’à 5 000 personnes, pour des projets innovants proches du marché. En cela, elle se différencie de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui s’intéresse au progrès scientifique, mais qui n’a pas pour mission de vérifier si un débouché sur le marché existe, et encore moins de quantifier ce débouché. Lorsqu’une entreprise s’adresse à OSEO, elle doit présenter ses perspectives commerciales – son business plan – et la façon dont elle entend devenir compétitive sur le marché.

Avec les pôles, la démarche est beaucoup plus coopérative. Il s’agit de faire en sorte que les différents acteurs se rencontrent et créent des projets ensemble. La première strate de projets concerne la recherche et développement (R&D) collaborative et l’innovation.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Comment expliquez-vous que les crédits de l’Agence nationale de la recherche n’aient fait qu’augmenter, s’agissant de la recherche fondamentale ?

M. Luc Rousseau. Pour être également administrateur de l’ANR, je puis préciser que si ses crédits ont augmenté les premières années, ils sont stables depuis deux ans. Quoi qu’il en soit, l’ANR n’a pas de dispositif consacré à la compétitivité. Elle s’intéresse presque exclusivement aux appels à projets thématiques, dont les acteurs sont à 83 % des acteurs académiques et à 17 % des entreprises qui peuvent être ou non situés dans la zone d’un pôle. Logiquement, les projets académiques ou à dominante académique ne sont pas pris en charge par le dispositif dont j’ai la co-animation, à savoir le fonds unique interministériel (FUI), qui finance les projets de recherche et développement collaboratifs des pôles de compétitivité. Il n’y a donc pas de concurrence entre ANR et FUI.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Selon vous, qu’ont apporté les pôles de compétitivité au dispositif français de politique d’innovation ?

M. Luc Rousseau. D’abord, des projets : 626 ont ainsi été soutenus jusqu’au début 2009.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Sur la période 2006-2008, le FUI a été doté de 730 millions d’euros. Or, sur ces trois exercices, il reste à payer 538,7 millions d’euros. La majorité des crédits n’a donc pas été dépensée.

M. Luc Rousseau. Tous les crédits ont été engagés pour soutenir des programmes de recherche d’entreprises, en collaboration avec des laboratoires scientifiques. Ces programmes durent en moyenne trois ans. C’est pourquoi, entre le moment où vous décidez d’un programme et celui où vous payez il peut se passer jusqu’à quatre ans, les crédits de paiement s’étalent eux aussi sur trois-quatre ans.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les autorisations d’engagement ont-elles été engagées ?

M. Luc Rousseau. Oui, toutes les autorisations d’engagement du FUI ont été consommées et les paiements augmentent d’ailleurs fortement cette année, ne serait-ce que par rapport à l’année dernière.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Qu’ont apporté les pôles de compétitivité ?

M. Luc Rousseau. Davantage de coopération entre PME et grands groupes et de coopération entre entreprises et laboratoires. Les acteurs le soulignent eux-mêmes : avant, on savait simplement que l’autre existait ; maintenant, on coopère, on additionne les forces pour être plus innovant, pour arriver plus vite sur le marché et pour être plus compétitif.

M. Alain Claeys, Rapporteur. N’existe-t-il pas une contradiction à mener à la fois une politique d’innovation et une politique d’aménagement du territoire ? Qu’il y ait 67 pôles, cela se comprend dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire. Mais en va-t-il de même dans le cadre d’une véritable politique d’innovation ?

M. Luc Rousseau. L’initiative des pôles de compétitivité, lancée en 2004 lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) – devenu depuis le comité interministériel d’aménagement et de compétitivité du territoire (CIACT) – est un peu l’antithèse de l’image traditionnelle de la politique d’aménagement du territoire : elle ne s’applique plus sur tout le territoire, mais, thématiquement, sur un nombre très limité de lieux afin d’être plus efficace. On peut donc parler d’une nouvelle politique d’aménagement et de compétitivité du territoire.

Avons-nous été assez sélectifs ? 67 pôles – 71 aujourd’hui depuis le CIACT du 5 juillet 2007 –, cela paraît beaucoup. Néanmoins on compte parallèlement plus de 80 universités, qui veulent chacune couvrir tous les domaines d’études. Dans le seul domaine des sciences de la vie, par exemple, il existe entre quatre et huit pôles, suivant les frontières que l’on adopte. L’enjeu pour l’État est de parvenir à concentrer les moyens nouveaux, alloués notamment aux laboratoires et aux universités, sur un nombre limité de métropoles liées aux pôles. Aujourd’hui, il existe davantage de centres de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) qu’il n’y a de pôles de compétitivité en technologies de l’information ; on peut donc se demander si l’Institut doit ouvrir d’autres centres ou développer les centres existants en liaison avec les pôles de compétitivité. Créer moins de pôles et mettre davantage d’argent public sur davantage de lieux hors pôle ? La dialectique n’est pas simple.

S’agissant des 67 projets de pôle retenus sur les 105 présentés, ils ont fait l’objet d’une procédure très ouverte sachant qu’un écrémage informel avait d’abord été effectué notamment par les préfets de région : ce sont en effet environ 150 projets qui avaient été « pré-présentés ». Leur évaluation, à laquelle il était logique de procéder au bout de trois ans, s’est révélée globalement bonne : seuls treize pôles ont été mis en sursis.

J’en viens à la question de la redondance éventuelle entre les pôles.

M. Alain Claeys, Rapporteur. La réponse est dans les chiffres. Quand 85 % des financements ne touchent que 15 pôles, c’est qu’il y a un problème.

M. Luc Rousseau. Il existe de petits pôles, comme le Pôle européen de la céramique à Limoges, le pôle Parfums, arômes, senteurs, saveurs à Grasse ou encore le pôle Arve industries dans le domaine du décolletage, dans la vallée de l’Arve. Tous ces petits pôles, soit 70 % de l’ensemble des pôles, ne reçoivent certes que 15 % des aides, mais est-il mauvais d’encourager des acteurs qui souhaitent travailler entre eux et qui font preuve de dynamisme et de permettre ainsi aux parfumeurs de Grasse ou aux décolleteurs de la vallée de l’Arve de conforter leur compétitivité et leur aura internationale ?

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Ne pensez-vous pas que le pôle de Grasse aurait pu faire partie de la Cosmetic Valley localisée à Chartres ?

M. Luc Rousseau. Qui dit pôle dit marché des idées, des talents, mais aussi proximité géographique : en une demi-journée, les acteurs doivent pouvoir se rencontrer. Voilà pourquoi il n’a pas été possible, en l’occurrence, de se contenter d’un seul pôle pour la filière cosmétique.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Le fait de spécialiser un territoire peut présenter des risques. Les situations basculent très vite, et des catastrophes industrielles peuvent se produire – dans les mines, par exemple. N’est-on pas en train de construire les problèmes de demain ?

M. Luc Rousseau. Entre deux risques, il faut choisir le moindre. Nous sommes déjà confrontés à un problème de perte de compétitivité. L’objectif des pôles est précisément d’améliorer cette compétitivité et de renforcer le dynamisme et la croissance des territoires. Peut-être certains secteurs souffriront-ils dans dix ou quinze ans. Il nous a néanmoins semblé que les avantages étaient supérieurs aux inconvénients.

À court terme, les pôles ne spécialisent pas davantage le territoire, dans la mesure où nous faisons travailler des acteurs qui existent. Mais il est exact qu’à moyen et long terme, on finit, en attirant d’autres acteurs auxquels on propose un environnement favorable, par accroître la spécialisation et, partant, la vulnérabilité du territoire concerné.

Cela étant, la géographie économique nous enseigne qu’il y a davantage de succès à attendre lorsque l’on se spécialise que lorsque l’on ne se spécialise pas. D’où cette volonté de mettre en place ces pôles – ou clusters.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Est-ce lisible depuis l’étranger ?

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Existe-t-il, en France, des pôles qui, par leur taille, peuvent rivaliser avec les grands pôles étrangers ?

M. Luc Rousseau. Certains pôles français, surtout parmi les plus grands, travaillent avec leurs homologues étrangers. D’autres s’associent pour coopérer à l’étranger, notamment au Japon et aux États-Unis. Tel est le cas de « LifeScience Corridor France », une alliance entre les pôles Cancer-Bio-Santé de Toulouse, Lyon Biopôle et Alsace BioValley pour concrétiser des collaborations de terrain avec la région du Kansai au Japon.

Les pôles mondiaux ou à vocation mondiale ont pour la plupart une dimension telle qu’ils ont une visibilité internationale forte. C’est le cas de Minalogic, de System@tic Paris Région, de Cap Digital et d’Aerospace Valley. Cela n’empêche pas d’autres pôles plus discrets, comme celui de Grasse, d’être connus à l’étranger dans leur secteur d’activité, même s’ils ne le sont pas du grand public international.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les pôles permettent-ils de mener une politique d’innovation, une politique industrielle ou une politique d’aménagement du territoire ? Au niveau des ministères et des grandes directions, qui les pilote aujourd’hui ? Quelles sont les relations entre votre direction et la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité du territoire, la DIACT ?

M. Luc Rousseau. L’innovation est une composante forte, voire la composante majeure d’une politique industrielle ; quelques pôles sont dans les services, mais la plupart sont dans le domaine de l’industrie. La politique des pôles met en cohérence une politique d’aménagement du territoire avec l’impératif de compétitivité industrielle. Le fait de concentrer des moyens sur des espaces restreints, plutôt urbains, aboutit à une nouvelle politique d’aménagement et de compétitivité du territoire.

La direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), ex-direction générale des entreprises (DGE), assure, conjointement avec la DIACT, le secrétariat du groupe de travail interministériel (GTI), responsable de la mise en œuvre, de l'animation et du suivi de la politique des pôles de compétitivité.

Le ministère de l’Économie, de l'industrie et de l'emploi est impliqué de façon majeure par le biais de la direction dont j’ai la charge et d’un certain nombre d’établissements publics, comme l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), pour qui la politique du crédit d’impôt recherche et la politique des pôles de compétitivité constituent deux outils majeurs, qui nous différencient par rapport aux autres pays européens. Le ministère de l’Économie réunit régulièrement à Bercy les représentants de la DIACT et des autres ministères avec l’ensemble des pôles.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Concrètement, quelles sont vos relations avec la DIACT ?

M. Luc Rousseau. Entre mes collaborateurs et ceux du délégué interministériel, les contacts sont très réguliers : hebdomadaires, voire pluri-hebdomadaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quel a été votre rôle dans l’audit des pôles demandé par le Gouvernement ?

M. Luc Rousseau. La mission d'évaluation a été mise en œuvre par la DIACT mais nous avons été associés à l’élaboration du cahier des charges et au choix du prestataire et nous avons participé aux comités de pilotage. Cette évaluation m’est d’ailleurs apparue globalement de bonne facture.

Nous sommes peut-être un peu plus concernés que la DIACT concernant la stratégie économique et le concept de plateformes, ce qui est logique. Cela dit, il est souhaitable qu’une structure interministérielle par essence et rattachée au Premier ministre joue un rôle clef pour une bonne coopération entre ministères concernés.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Le transfert, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de la gestion des dossiers à OSEO ne fait-elle pas peser un risque substantiel sur la mise en œuvre de la politique nationale des pôles de compétitivité ? D’autres transferts ont été relevés comme étant des échecs par la Cour des comptes.

M. Luc Rousseau. Vous faites sans doute allusion à deux transferts antérieurs : celui de la procédure ATOUT, qui a pour objectif d'aider les PMI à maîtriser les nouvelles technologies et qui s’est déroulé correctement sur le plan administratif même si la procédure a été mise tout de suite en extinction, et celui du fonds de compétitivité des entreprises (FCE), en 2004, qui, pour sa part, s’est mal passé, notamment du fait que c’est le stock, à savoir les dossiers en cours, qui a été transféré. Cette fois-ci, il n’est envisagé de ne transférer que les nouveaux dossiers. Ceux déjà contractualisés resteront gérés par ma direction, et la politique des pôles restera du ressort des ministres et du Gouvernement. Seront transférés une part de l’instruction et l’ensemble de la gestion des dossiers des programmes de recherche-développement collaboratifs.

Une politique de pôles, c’est d’abord une contractualisation avec chacun des pôles au niveau de la gouvernance et des objectifs, une coordination des pôles qui relèvent du même domaine ainsi que la définition d’une politique générale, laquelle comprend trois éléments : l’innovation, l’ouverture à la coopération internationale, l’anticipation des besoins des pôles en qualification qui doit être menée en liaison, notamment, avec les établissements publics de formation-éducation nationale et enseignement supérieur.

À l’issue de l’évaluation, nous avons défini une deuxième phase, fondée sur des éléments plus structurants : le développement des relations entre entreprises et le financement privé ; l’émergence de nouvelles entreprises, de l’incubateur à la pépinière, y compris à l’international – voire la cotation en bourse ; le partage d’infrastructures, à commencer par les plateformes technologiques. Un appel à projets a d’ailleurs été lancé à cet égard en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations : sur 80 projets de plateforme, une trentaine a été présélectionnée et une quinzaine sera sans doute soutenue au titre de cette année.

L’État reste en tout cas directement impliqué, mais après la réception de 600 projets, on peut considérer que les appels à projets constituent une procédure rôdée que l’on peut transférer en grande partie à OSEO, qui intervient par ailleurs sur de petits dossiers individuels, faiblement coopératifs, notamment ceux inférieurs à 750 000 euros. Lors de leur passage par OSEO, les PME des pôles reçoivent un bonus, ainsi le taux d’intervention, et de soutien financier est le même que dans les autres dispositifs (FUI, Eureka).

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Comment expliquez-vous les difficultés que rencontrent les projets à se mettre en place ? Quelles solutions la DGCIS préconise-t-elle ?

M. Luc Rousseau. Qu’entendez-vous par « difficultés » ?

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Au vu des chiffres, on a l’impression que des projets n’avancent pas. Sur 750 millions d’euros de dotation du FUI de 2006 à 2008, il reste à payer 538,7 millions d’euros.

M. Luc Rousseau. Nous en sommes au huitième appel à projets – je pourrai, si vous le souhaitez, vous laisser un document sur ce point. Chaque fois, 150 à 200 projets sont présentés et nous en retenons une moitié. Sur les sept premiers appels à projets, l’assiette totale est de 3,4 milliards d’euros pour 795 millions d’euros de subventions d’État prévus. La coopération avec les collectivités territoriales pour savoir comment elles souhaitent s’impliquer est excellente, sachant que lorsque l’État met 2 euros, elles en apportent un peu plus de 1. On peut dire que « la machine à projets » fonctionne. L’ensemble des dotations budgétaires est engagé chaque année.

Un projet de recherche et développement s’étale sur trois ans à peu près. Lorsque l’on en retient un, l’expérience montre que les autres ne se font alors généralement pas, ce qui prouve que le soutien public est incitatif. Il est par ailleurs tout à fait normal qu’un décalage apparaisse avec les paiements, ceux-ci intervenant après production de justificatifs des travaux de recherche.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Les 538 millions d’euros restants seront utilisés ?

M. Luc Rousseau. Les 538 millions de crédits de paiement correspondent à des autorisations d’engagement utilisées et seront en grande majorité payés. Comme toujours, certains projets n’iront pas jusqu’au bout et, pour d’autres projets, les justificatifs ne nous parviendront pas complètement. On peut prévoir, intuitivement, que 10 à 20 % d’autorisations d’engagement ne seront jamais couvertes par des crédits de paiement effectivement payés.

M. Alain Claeys, Rapporteur Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le taux de succès des projets au cours de la période 2006-2008 ?

M. Luc Rousseau. Cela dépend des programmes. Nous n’avons pas encore de lisibilité concernant le taux d’échec de ceux de 2006 arrivant à échéance en 2009.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Comment jugez-vous les structures de gouvernance qui constituent une autre source de financement des pôles ?

M. Luc Rousseau. Une bonne gouvernance contribue grandement au succès du pôle. Elle doit réunir une bonne équipe – entre deux et dix permanents – et un bon bureau, c'est-à-dire les acteurs économiques, qui participent eux-mêmes au financement avec l’État et les collectivités locales.

Les structures de gouvernance ont été d’inégale qualité – on a pu déplorer ici ou là des gaspillages, un salaire excessif, voire deux changements de directeur général en trois ans – mais, globalement, on peut rejoindre les évaluations largement positives du Boston Consulting Group.

À l’issue de l’évaluation de l’été dernier, le Gouvernement a arrêté deux orientations : une décroissance de l’engagement de l’État et une augmentation de la part privée.

M. Alain Claeys, Rapporteur. L’engagement de l’État pour 2009-2012 baisserait bien de 20 % ?

M. Luc Rousseau. L’objectif est de 50 % de financement public pour le fonctionnement des pôles, à l’horizon de trois ans, contre 75 % précédemment. Pour l’État, cela correspond à une baisse peut-être même de plus de 20 % par rapport à la situation de 2008.

Les nouveaux contrats avec les pôles, passés pour une durée de trois ans, prévoient chacun cette décroissance des financements de l’État. Et comme les collectivités locales affichent simultanément leurs perspectives, les pôles bénéficient d’une bonne lisibilité.

Pour autant, ces derniers ont pu, en contractualisant, réaffirmer leur stratégie et leurs ambitions et prendre des engagements en faveur des PME concernant la mise en place d’éléments structurants. C’est ainsi que les plateformes permettent à la vingtaine ou à la cinquantaine d’entreprises d’un même domaine de mutualiser les moyens. De même les pôles permettent de lancer des actions collectives à l’international et d’évaluer globalement les besoins en qualification des entreprises du pôle en liaison avec les organismes de formation afin que les qualifications disponibles soient un atout et non un handicap pour le développement des entreprises.

Le suivi s’effectue au niveau local ensuite – les régions, comme d’autres collectivités, sont souvent impliquées dans les pôles – les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE), procèdent à un suivi des actions collectives et de l’animation des pôles. C’est l’occasion de vérifier que les actions prévues pour les entreprises ont été effectuées et que ce qui a été contractualisé est respecté.

Enfin, deux fois par an, nous organisons à Bercy une réunion à destination des organes de gouvernance de l’ensemble des pôles. Cette animation collective, qui dure généralement une journée, contribue fortement au pilotage ; c’est l’occasion de témoigner des meilleures pratiques, pour que les autres pôles s’en inspirent.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Où en est-on, justement, de la signature des contrats de performance entre pôles, État et collectivités territoriales ? Que recouvre, d’ailleurs, cette notion de contrat de performance ?

M. Luc Rousseau. Sur les 71 pôles, 13 sont en année probatoire. Il en reste 58, sur lesquels 4 n’ont pas produit les documents qu’ils auraient dû fournir au 31 mars ; 18 se sont vus demander des compléments ; 17 ont présenté des projets de contrats qui sont aujourd'hui prêts à être signés ; 19 pôles ont présenté des projets qui demandent encore de petits ajustements. Tous les projets de contrats ont été récemment examinés de façon interministérielle, sous l’égide de la DGCIS et de la DIACT ainsi que des autres ministères concernés – défense, équipement, aviation civile, environnement, santé, agriculture.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. En matière d’objectifs, quels sont les indicateurs pertinents ? Combien de temps dure la période d’observation ?

M. Luc Rousseau. Nous vous remettrons un contrat type comprenant les critères sur lesquels nous nous appuyons en utilisant les bases de données INSEE.

Il nous faut évaluer si la croissance a été plus forte dans les pôles qu’en dehors, mais il faut attendre six ou sept ans pour apprécier leur efficacité. Les travaux d’innovation se traduisent en produits au bout de quelques années et un certain laps de temps est nécessaire pour juger du succès commercial et de l’impact économique.

Nous commençons à percevoir une accentuation de l’effort de recherche des entreprises présentes dans les pôles, effort qui devra se concrétiser en emplois pérennes, en exportations et en valeur ajoutée.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Vous ne saurez cependant jamais ce qui se serait passé en l’absence de pôle.

M. Luc Rousseau. On peut établir des comparaisons entre entreprises qui appartiennent à un même secteur d’activité et qui faisaient preuve du même dynamisme avant la constitution du pôle, afin de savoir si une différence d’évolution apparaît entre celles qui se trouvent maintenant dans les pôles et les autres. Une évaluation assez lourde avait été conduite en Midi-Pyrénées pour la procédure ATOUT. Si on veut être rigoureux, il faut conduire ce type d’évaluation.

Dans les projets de contrat de pôle, on trouve les moyens mis par les différents acteurs ainsi que les axes favorisés, tels que le développement de la R&D et de projets structurants, la synergie entre entreprises et établissements de formation, la gestion prévisionnelle des compétences, le financement privé – notamment la mise en relation avec les business angels, les investisseurs en capital-risque et autres investisseurs –, l’implication des PME, la création d’entreprises, le rayonnement commercial international, l’insertion dans le territoire à moyen ou long terme - s’agissant en particulier de la politique de développement urbain et de la réservation foncière – ou encore le développement durable.

À partir de chacun de ces items suggérés aux pôles, ces derniers décrivent ce qu’ils comptent faire et à quoi ils s’engagent. Si l’on peut affirmer qu’environ un tiers des projets est satisfaisant, qu’un autre tiers justifie des ajustements et que le dernier tiers n’est pas satisfaisant, c’est en se fondant justement sur le programme d’action des pôles. C’est en effet ce qui nous permet d’apprécier si les engagements pris par les pôles sont suffisants ou pas.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Qu’est-ce qu’un pôle peut apporter aux PME et aux TPE en phase de pré-innovation ? Quelle mutualisation peut exister entre ces entreprises et les grandes ?

M. Luc Rousseau. Le paysage industriel français fait apparaître de grands champions internationaux, comme Saint-Gobain, Michelin, Air Liquide, etc., mais le renouvellement de notre tissu industriel dans les nouveaux secteurs – technologies de l’information, biotechnologies et, demain peut-être, technologies vertes – est insuffisant.

Notre souci est de faire émerger davantage de nouveaux acteurs. Le pôle doit permettre, à ceux qui ont décidé de se rencontrer, de faire émerger des projets, notamment de création d’entreprises. C’est pourquoi, dans la phase « 2.0 », nous avons insisté sur le sujet des incubateurs et des pépinières et sur la mise en relation avec les financeurs privés.

Le pôle doit aider les porteurs de projets à mieux formaliser leur business plan, pour qu’ils soient davantage compréhensibles par les investisseurs. Il peut faire venir sur place, de Paris ou d’au-delà, des capitaux-risqueurs en organisant une journée de rendez-vous d’affaires avec plusieurs dizaines de porteurs de projets. Dans cette phase, l’accompagnement des toutes jeunes entreprises et l’aide à l’émergence de nouveaux projets pour renouveler notre tissu économique sont des sujets prioritaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur. À la suite de l’audit, que se passera-t-il pour les pôles qui n’arriveront pas à créer les synergies nécessaires ? Qu’en sera-t-il de leur labellisation ?

M. Luc Rousseau. S’agissant des 13 pôles en sursis, les auditions de mi-parcours démarrent la semaine prochaine. Le Gouvernement devra prendre des décisions d’ici à la fin de l’année. Ces décisions peuvent être de trois types : rapprochement avec un autre pôle - le pôle poitevin MTA est déjà engagé dans un processus d’intégration dans Mov’eo, processus qui sera achevé à la fin de l’année ; désengagement de l’État de certains pôles de dimension régionale ou confirmation du pôle.

M. Alain Claeys, Rapporteur. À quoi le rapprochement conduit-il ? À la disparition d’un pôle ?

M. Luc Rousseau. Cela conduit à ce que, sur la carte, il y ait effectivement un pôle de moins. L’équipe du Poitou bénéficiera de la force et de la lisibilité de Mov’eo et de son accès aux constructeurs. Entre Poitiers et Paris, la distance est encore raisonnable.

Je peux prendre un autre exemple, sans le stigmatiser : le pôle Qualimed, à Montpellier, qui fait partie de ces 13 pôles, et le Pôle européen d’innovation en fruits et légumes, en Avignon. Ils constituent un peu le pôle rive droite et le pôle rive gauche du Rhône, dans un même domaine, celui des fruits et légumes et autres cultures alimentaires. Nous souhaitons plutôt une fusion de ces pôles ; on observe d’ailleurs une dominante « entreprises » en Avignon et une dominante « recherche publique » à Montpellier. J’espère qu’on y arrivera car, vu de Chine ou des États-Unis, il est difficile de distinguer Montpellier d’Avignon.

Certains pôles n’arriveront peut-être pas à passer la barre. Il faudra alors trouver d’autres formes d’encouragement, peut-être à dominante locale. On peut d’ailleurs se demander ce qui doit relever de l’implication de l’État et de l’animation locale.

Depuis 2004 surtout, un pan important des actions de développement économique relève des collectivités territoriales, et plus spécifiquement des régions. Certes, l’État est légitime à intervenir, en collaboration avec les régions, pour s’assurer d’une cartographie nationale harmonieuse. Sinon, on risque d’avoir les mêmes pôles, au moins dans certains domaines, comme par exemple celui de la biotechnologie. À lui donc de mettre en place et à disposition ces outils de rayonnement international. Mais il me semble que le niveau local est davantage légitime à soutenir des acteurs qui veulent coopérer entre eux, mais qui ont une lisibilité plus faible ou une masse critique moins importante.

M. Alain Claeys, Rapporteur. En qualité de membre du conseil d’administration de l’ANR, comment jugez-vous l’implication des organismes de recherche dans les pôles ?

M. Luc Rousseau. Cela dépend des données locales, mais ils sont impliqués. Au départ, nous avions relevé une césure trop importante entre la recherche académique et la recherche privée. Or les 626 projets du FUI que j’ai évoqués au début de mon propos impliquent chacun au moins un acteur académique.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Je visais plus précisément les organismes de recherche. Leur implication mériterait-elle d’être plus grande ?

M. Luc Rousseau. Localement, leur implication est bonne. Néanmoins, la stratégie de développement de certains organismes de recherche n’est peut-être pas encore suffisamment ancrée sur le tissu économique et la cartographie des pôles de compétitivité.

Ce n’est pas parce qu’il existe, dans telle université ou telle antenne d’un grand organisme de recherche, un professeur très compétent, avec une équipe prometteuse de 20 personnes, qu’il faut développer, en dehors d’un pôle de compétitivité, un nouveau centre. La logique d’attractivité de l’aménagement du territoire implique qu’on lui indique qu’à 100 ou 300 kilomètres plus loin, il pourra disposer de moyens beaucoup plus importants. Il ne s’agit pas pour lui de traverser l’Atlantique !

M. Alain Claeys, Rapporteur. L’ANR ne joue-t-elle pas cette politique ? Elle donne parfois la priorité à des dossiers venant de pôles de compétitivité.

M. Luc Rousseau. Elle n’a pas à jouer cette politique en matière de sélection.

L’ANR consulte les pôles de compétitivité avant de rédiger les appels à projets. Les priorités stratégiques des pôles sont donc intégrées dans ces appels à projets et ceci devrait à mon sens se renforcer. Les projets émanant des pôles bénéficient simplement d’un léger bonus financier.

M. David Habib, Président. Monsieur le directeur général, je vous remercie.

Je souhaite pour ma part que l’on n’oublie pas certains aspects essentiels, comme l’emploi et la fiscalité, qui n’ont pas été évoqués. Par ailleurs, il me semble que le meilleur moyen d’évaluer la pertinence des pôles est de « benchmarker » les territoires afin de déterminer la performance de ceux qui sont classés en pôles et ceux qui ont refusé de l’être – je suis à cet égard très heureux de présider la communauté de communes de Lacq qui soutient le pôle de compétitivité Énergie-environnement.