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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Évaluation et perspectives des pôles de compétitivité

Mercredi 15 avril 2009

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu.

M. David Habib, Président. Merci, Monsieur Leprince, d’avoir répondu à notre invitation. Les pôles de compétitivité ont quatre ans d’existence. Des évaluations ont été menées par des cabinets indépendants. Quel bilan en tirez-vous, du point de vue spécifique des PME innovantes ?

M. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu. Merci de votre invitation. Le Comité Richelieu a été créé voilà vingt ans par cinq PME innovantes et en compte aujourd’hui environ 250 – des entreprises qui représentent en moyenne 110 salariés et 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et sont donc bien établies. Il a des relations particulières avec vingt-deux pôles de compétitivité dans le cadre du Pacte PME, qu’il mène en partenariat avec OSEO et qui a pour objet de faciliter les relations entre les PME et les grands groupes. J’ai transmis la liste de questions que vous m’aviez fait parvenir à nos adhérents et je vous ferai part de leurs réactions.

Pour ce qui est du bilan des pôles de compétitivité, les PME innovantes constatent la mise en place d’une dynamique, mais qui a encore peu d’impact sur la création ou la croissance d’entreprises dans leur domaine.

L’un de nos adhérents, qui participe à quatre pôles de compétitivité, estime ainsi, je cite, que si ces derniers ont au début dégagé une énergie mobilisatrice et fédératrice qui tranchait avec la routine de l’époque, ils sont rapidement devenus « une couche supplémentaire du mille-feuille réglementaire et ont repris la culture et les habitudes de leurs membres dominants – grandes entreprises nationales, universités, collectivités territoriales ». Un autre, qui, je cite encore, ne croit plus aux pôles de compétitivité, avec lesquels il entretient « des relations courtoises, mais sans intérêt », poursuit ses projets autrement, bien que certains d’entre eux fassent l’objet, selon lui, d’une obstruction de nature politique de la part de certains pôles. Bref, la dynamique créée est considérée comme positive, mais sans que l’on puisse identifier de nombreuses retombées concrètes.

Pour autant, certains points pourraient être améliorés, qu’il s’agisse du mode de financement, trop long et trop lourd, du poids des grands groupes ou de l’approche trop orientée vers la R & D (recherche et développement) et pas assez vers le business, autrement dit trop en amont et pas assez en aval. Sur le plan structurel, se pose aussi un problème de visibilité concernant l’objectif général des pôles.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Que devrait être un pôle de compétitivité, pour le Comité Richelieu ?

M. Emmanuel Leprince. Une structure qui devrait avoir pour objectif de créer de nouvelles activités en France.

Le problème est que l’on ne sait pas aujourd'hui si la priorité doit être donnée à des nouvelles activités créées dans des nouvelles entreprises ou à des nouvelles activités créées dans des entreprises établies ou des grands groupes. Or, selon la priorité retenue, le contenu des pôles n’est pas le même, qu’il s’agisse de la gouvernance ou du type de projets retenus.

Enfin, les PME innovantes regrettent la structure géographique des pôles, qui leur donne une mentalité trop locale alors qu’elles ont besoin d’être mises en relations avec les meilleurs acteurs, où qu’ils soient en France. La notion de filière fait sens, mais ce critère géographique pose problème.

La synthèse à laquelle est parvenu le Comité Richelieu est que le cœur d’activité des pôles ne correspond pas, volontairement ou de facto, aux besoins prioritaires des PME innovantes.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Comment définiriez-vous ce cœur d’activité ?

M. Emmanuel Leprince. Par la mise en place de projets R & D permettant à des groupements – réunissant des grands groupes, des PME, des laboratoires – de travailler ensemble en recherche et développement. C’est là justement l’une des deux raisons principales du manque de correspondance des pôles avec les besoins prioritaires des PME innovantes.

Les pôles, en effet, sont essentiellement orientés vers des projets de R & D collaborative alors que les PME innovantes ont d’abord besoin qu’on les aide à mener des projets individuels. En recherche et développement, on peut faire, faire faire ou faire avec : on fait soi-même, on fait travailler un laboratoire pour soi ou on travaille à plusieurs – c’est la recherche collaborative. Pour les PME, le « faire » est le plus simple, le plus efficace et le plus rapide – ce qui est essentiel en période de crise. Malheureusement, les pouvoirs publics ont tendance à favoriser la recherche collaborative, que ce soit au niveau des projets européens – le programme-cadre de recherche et développement notamment – ou à celui des pôles ou d’OSEO, qui poursuit désormais cette priorité, notamment avec le programme Innovation stratégique industrielle (ISI) qui absorbe une part importante de ses financements. Le coût de gestion de la recherche collaborative est très important, puisqu’il faut aider au montage des projets. Cela peut bien sûr être intéressant pour la PME, mais ce n’est souvent pas prioritaire.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Peut-être parce que le retour sur investissement se trouve trop différé ?

M. Emmanuel Leprince. Certainement. Ce type de projets implique aussi une organisation, ou des consultants. Le cycle est trop long. Enfin, l’aspect collaboratif n’est pas en soi une vertu : il peut être vu par l’entreprise comme un risque de spoliation de sa propriété intellectuelle, voire industrielle.

La deuxième raison du manque de correspondance des pôles avec les PME est que ces dernières ont un immense besoin qu’on déverrouille leur accès aux marchés, alors que les pôles sont trop focalisés sur l’amont. Miser beaucoup sur la R & D est bien sûr toujours intéressant, mais encore ne faut-il pas oublier l’aval.

À l’origine, la plupart des PME ont estimé que les grands groupes qui seraient présents dans les pôles de compétitivité pourraient être des utilisateurs de leurs produits, donc des clients. Mais en pratique, dans la majorité des pôles, les grands groupes sont représentés par leur section de recherche et développement dont l’objectif est d’abord de trouver le financement de projets de recherche collaborative. Les pôles n’ont donc pas ce rôle de mise en contact qu’avaient espéré les PME. Voilà pourquoi nous pensons que les pôles ne répondent pas aux besoins prioritaires – j’insiste sur le terme « prioritaire » – des PME innovantes car cela ne signifie pas que les pôles n’ont pas de valeur ajoutée pour les PME.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Après cette présentation générale, revenons sur le problème du financement. Est-ce sa complexité qui est en cause ?

M. Emmanuel Leprince. Les PME se plaignent beaucoup de la lourdeur du financement des projets – certaines prétendent même qu’il est presque plus facile d’obtenir un financement européen. Elles posent aussi de façon récurrente la question du guichet unique, qui est essentielle pour elles. Elles s’interrogent enfin sur le type de projets soutenus : participer à des gros projets, avec un grand nombre d’acteurs, est une contrainte importante pour des PME.

Le Comité Richelieu souhaite qu’il y ait plus de concurrence entre les entreprises candidates à l’aide, mais que celles qui sont choisies soient soutenues plus fortement. Ainsi, la Commission européenne a augmenté son taux d’aide mais la France a diminué le sien. Il pourrait être augmenté pour les PME. L’aide a aussi tendance à être limitée au montant actuel des fonds propres de l’entreprise. C’est un élément du « plafond de verre » qui bloque la croissance des PME, puisqu’il pousse à déterminer le montant de l’aide non pas en fonction du potentiel de l’entreprise mais de ce qu’elle pèse aujourd’hui. Par ailleurs, les avances remboursables sont fréquemment préférées aux subventions. Or, si elles permettent d’aider plus d’entreprises au total, elles ne sont certainement pas étrangères au fait que les PME françaises aient tant de mal à grandir. Le problème est que l’aide couvre le début de la mise au point du produit – la recherche et développement– mais qu’il reste ensuite des phases d’industrialisation, voire de commercialisation, qui coûtent de l’argent à l’entreprise. Le fait qu’il s’agisse d’avances remboursables handicape la capacité de l’entreprise à lever les financements privés nécessaires pour ces phases finales. En pratique, les entreprises se retrouvent exsangues alors qu’elles auraient besoin d’investir encore.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Il faudrait repousser l’échéance du remboursement ?

M. Emmanuel Leprince. Pas seulement. Le remboursement est considéré comme une dette. Il pénalise la capacité de l’entreprise à lever de l’argent. Pour finir, certains souhaitent que les aides soient remboursées non pas en fonction du chiffre d’affaires réalisé, mais du profit réalisé par l’entreprise. Je précise que l’ensemble de ces critiques sur le mode de financement n’est pas propre aux pôles de compétitivité, mis à part la question du guichet unique.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Revenons sur la recherche et développement : n’est-ce pas ce qui manque aujourd’hui aux PME ?

M. Emmanuel Leprince. Non. Ce qui leur manque, c’est du chiffre d’affaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les PME font donc assez de recherche et développement et n’ont pas besoin d’alliances dans ce domaine ? Je pensais que si beaucoup de grands groupes avaient bénéficié de financements de la part des pôles de compétitivité, c’est que les PME avaient du mal à présenter des dossiers de financement.

M. Emmanuel Leprince. Je rappelle que je ne parle que de cinq à dix mille PME, qui sont innovantes. Pour celles-là, le crédit d’impôt recherche est un instrument merveilleux. Nous y sommes extrêmement favorables.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Certains disaient qu’il profiterait aux grosses structures au détriment des petites.

M. Emmanuel Leprince. C’est faux, puisqu’il a augmenté aussi pour les PME. Le fait que la croissance soit plus importante en valeur absolue pour les grands groupes ne nous pose aucun problème – nous adorons les grands groupes, surtout ceux qui font de l’innovation : ce sont des clients ! Notre problème, c’est notre chiffre d’affaires. Le seul souci que nous cause l’augmentation du crédit d’impôt recherche est qu’elle a entraîné une forte diminution des budgets d’aide sur projets, en particulier d’OSEO Innovation. Certes, la question de la coexistence d’une aide sur projets et d’un crédit d’impôt recherche fort peut se poser. Pour l’instant, ce que nous souhaitons est que même si le budget d’OSEO Innovation n’augmente pas, il soit focalisé sur des dépenses non éligibles au crédit d’impôt recherche – des dépenses en aval, ce qui répond à notre obsession de l’accès au marché.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Vous pensez donc qu’il ne peut pas y avoir de synergies – que les pôles de compétitivité sont voués à l’échec pour des raisons de concurrence, de confidentialité et de délais de retour sur investissement, parce qu’une grande entreprise peut investir dans la recherche et attendre quelques années et pas une petite ?

M. Emmanuel Leprince. C’est assez vrai pour ce qui est de la recherche collaborative. Les relations entre les PME innovantes et les grands groupes sont vitales lorsque ces derniers sont les clients des premières, mais est-il nécessaire de forcer des PME à faire de la recherche et développement avec eux ? Il y a des cas où c’est très profitable, voire indispensable, mais ce n’est généralement pas un besoin prioritaire. Si l’on veut que les PME renforcent leur recherche et développement, il y a d’autres façons de faire, et nous avons des propositions sur ce sujet.

Par ailleurs, même lorsque la recherche collaborative est nécessaire, le mode de gouvernance actuel n’est pas satisfaisant. Si on laisse les PME et les grands groupes se débrouiller entre eux, ce sont les grands groupes qui gagnent. Il faut imposer un peu de dirigisme. Actuellement, le système est censé s’autogouverner et on en voit le résultat dans la part effective que prennent les PME dans les budgets, ou dans certains phénomènes annexes de spoliation de propriété intellectuelle, par exemple.

Bref, la recherche collaborative n’est pas une priorité pour nous mais, là où elle peut marcher, il faut adapter la gouvernance.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Le crédit d’impôt recherche, qui rencontre un certain succès, n’est-il pas devenu concurrent des pôles de compétitivité ?

M. Emmanuel Leprince. C’est ce que les PME nous disent : lorsqu’elles ont le choix entre 30 % seules ou 45 % selon des procédures compliquées, à long terme et avec le risque de se faire voler une partie de leur savoir-faire, elles se décident souvent vite. En revanche, il y a des cas où la recherche collaborative avec de grands groupes est indispensable. Cela dépend du métier de la PME.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Vous avez aussi évoqué le problème de la structure locale des pôles.

M. Emmanuel Leprince. Les PME sont unanimes : il y a un critère de trop dans les pôles de compétitivité. Il faut conserver le critère technologique, mais pas géographique.

M. Alain Claeys, Rapporteur. La notion d’aménagement du territoire n’apparaît donc pas comme prioritaire.

M. Emmanuel Leprince. Pas pour une PME implantée dans un endroit de France non couvert par un pôle mais qui est leader dans son domaine.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Et pour ce qui est de la question de la visibilité générale des pôles ?

M. Emmanuel Leprince. Nous avons besoin de connaître l’objet stratégique des pôles : créer des nouvelles activités dans de nouvelles entreprises, ou dans des entreprises déjà existantes ? La première approche est offensive, la seconde défensive. Les deux sont nécessaires, mais elles ne peuvent utiliser le même véhicule. Or, la réponse des pouvoirs publics n’est pas très claire. Notre impression est que les pôles à vocation mondiale privilégient les entreprises existantes, contrairement aux pôles plus locaux.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quels sont vos interlocuteurs au sein de l’État ?

M. Emmanuel Leprince. Principalement la direction générale de la Compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Il y a aussi OSEO – mais la question de son rôle dans les pôles semble ouverte – et l’Agence nationale de la recherche (ANR), que nous voyons toutefois directement, sans passer par les pôles : elle publie les appels à projets et nous proposons des PME pour participer aux comités stratégiques de certains de ces appels.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Pour en revenir à la recherche et développement, vous considérez donc que les PME pourraient se passer des pôles de compétitivité ?

M. Emmanuel Leprince. Du point de vue des PME, la priorité est de mener des projets de recherche individuelle. Ce qui n’empêche pas que des projets de recherche collaborative soient parfois nécessaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Et pour mener des projets individuels, il n’est pas besoin d’un « machin » aussi complexe : il suffirait de faciliter les financements.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Mais n’y a-t-il pas besoin des deux ? La petite entreprise a besoin d’assurer son quotidien, mais aussi de participer aux grandes évolutions technologiques.

M. Emmanuel Leprince. Si, il y a besoin des deux : c’est pourquoi j’ai bien parlé de « priorités ». La PME doit effectivement concilier le très court terme et le moyen et long terme – et pour ce long terme, il faut modifier la gouvernance des pôles, afin que la recherche collaborative soit effectivement ouverte aux PME.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Comment ?

Emmanuel Leprince. Il faudrait qu’ils apportent une valeur ajoutée en aval en permettant aux PME de faire du business avec de grands groupes. Dans l’état actuel des choses, c’est impossible parce que les représentants des grands groupes viennent de leur section de recherche et développement, pas des achats.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les grands groupes participent donc aux pôles non pas pour faire du business, mais pour avoir accès à des appels d’offre.

M. Emmanuel Leprince. Il suffit de regarder la carte de visite de leurs représentants !

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. N’arrive-t-on pas à une contradiction entre recherche et aménagement du territoire : du point de vue de la recherche, les PME et les grandes entreprises seraient en compétition, alors que du point de vue de l’aménagement du territoire, les PME voudraient profiter du business en étant des sous-traitants des grands groupes ? Dans la filière cosmétique, par exemple, une grande différence existe entre ceux qui fabriquent de nouveaux produits et ceux qui fabriquent les flacons.

M. Emmanuel Leprince. J’irai encore plus loin : il y a contradiction entre excellence et aménagement du territoire ! L’excellence, c’est la compétition – trouver le meilleur où qu’il soit. Mais les deux ne sont pas incompatibles : on les retrouve en même temps dans le cadre du Pacte PME par exemple, qui permet de mettre en contact les grands groupes et les PME. Du côté des grands groupes, l’approche n’a aucune dimension d’aménagement du territoire – on contacte la direction des achats où qu’elle se trouve et on lui indique les meilleures PME françaises. Mais il faut en même temps mener des actions avec les pôles et des structures présentes localement, qui connaissent les PME et qui peuvent les accompagner.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Mais il est clair que la priorité de vos adhérents n’est pas l’aménagement du territoire. Parlez-nous de la gouvernance.

M. Emmanuel Leprince. La question est de savoir comment faire fonctionner la recherche collaborative entre petits et gros. Pour cela, il faut d’abord des indicateurs objectifs. On a en effet beaucoup de mal à connaître la part réelle des PME dans les budgets des projets labellisés par les pôles. Il y a des effets de bord importants – par exemple lorsque la filiale d’un grand groupe est comptabilisée parmi les PME, ou lorsqu’on prend en compte, dans les crédits attribués aux PME, des aides d’OSEO mais qui concernent des projets individuels. Il faut donc pouvoir disposer de données annuelles objectives – en termes bien sûr de crédits et non de nombre de projets. Dans les vingt-deux pôles de compétitivité avec lesquels nous travaillons, qui sont à vocation mondiale, la part des PME semble en train de diminuer dans les crédits du Fonds unique interministériel, d’augmenter dans ceux des collectivités locales et de rester stable pour ce qui est de l’ANR. Une telle politique de transparence nous paraît indispensable.

Ensuite, il faut assurer une meilleure représentation des PME dans les pôles de compétitivité. Or deux freins existent : la PME « alibi », qui dit que tout va bien parce qu’elle est entourée de ses grands clients et que son projet à elle est financé, et le fait que les dirigeants de PME n’ont pas le temps de se rendre à toutes les réunions du conseil d’administration. Pour y remédier, des structures associatives, qui pourraient être locales, du moment qu’elles sont bien portées par des PME, ou nationales, de type CGPME, pourraient les représenter dans les conseils d’administration – l’avantage de la CGPME étant qu’elle pourrait réunir ses représentants de tous les pôles pour faire des échanges de bonnes pratiques.

Enfin, il faudrait aussi des projets spécifiquement ciblés sur les PME, avec deux conditions : la participation d’au moins deux participants, puisqu’il s’agit de recherche collaborative, mais pas forcément plus et que le projet soit porté par une PME. L’intervention d’un grand groupe ne serait pas obligatoire. On pourrait garantir à ces projets une instruction plus rapide qu’aux projets classiques, et leur réserver un budget annuel – ainsi que le fait par exemple la direction générale pour l’Armement du ministère de la Défense, qui affecte environ 15 % de ses crédits de recherche et développement à un processus spécial : le dispositif REI (Recherche exploratoire et innovation), qui est orienté vers les PME et qui se déroule très vite. Ces procédures seraient mieux adaptées aux PME.

Sur un autre sujet, le questionnaire que vous nous avez fait parvenir évoquait l’évaluation des pôles menée en juin 2008. Nous la contestons sur deux points. D’abord, l’étude concluait à un fort niveau d’implication des PME dans les projets, des PME qui recevraient une part importante des financements publics dédiés. Nous sommes d’autant moins d’accord que l’étude ne mentionne aucun chiffre. Pour ce qui est des pôles à vocation mondiale, nous considérons que les grands groupes reçoivent quatre fois plus que les PME. Ensuite, l’étude estimait que la participation des PME au sein des pôles et leurs relations avec les grands groupes dans les projets étaient satisfaisantes. Or, 67 % des PME membres de pôles estiment qu’elles n’y sont pas suffisamment valorisées. Il y a une attente à ce sujet.

M. Alain Claeys, Rapporteur. L’objectif du Gouvernement est aujourd’hui de favoriser la synergie entre les pôles de compétitivité. Y êtes-vous favorables, et quels obstacles y voyez-vous ?

M. Emmanuel Leprince. Nous y sommes favorables si cela permet de faire disparaître les barrières géographiques. L’obstacle est dans le fonctionnement des pôles : évitons de rajouter un niveau supplémentaire de complexité aux procédures.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Qu’en est-il de la propriété intellectuelle ? Dans le domaine de la santé, par exemple, une des difficultés des PME innovantes est qu’au moment de la valorisation des contrats de propriété intellectuelle, elles doivent faire face à une multitude d’interlocuteurs.

M. Emmanuel Leprince. La demande des PME est forte s’agissant d’un appui en matière de propriété intellectuelle, avec éventuellement des conditions types qui seraient imposées aux autres partenaires avant le démarrage du projet. Certaines parlent de forts déséquilibres dans les négociations non seulement avec les grands groupes, mais aussi avec les laboratoires, qui sont incontournables dans les pôles. Certains bénéficient de conditions quelque peu avantageuses.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quelles pourraient être les structures d’appui ? Les pôles de compétitivité eux-mêmes ?

M. Emmanuel Leprince. Les PME auraient besoin autant d’un soutien en matière de compétences, puisque le domaine est très complexe, que d’une amélioration de la gouvernance pour éviter le déséquilibre dans les négociations. Il y a aussi une valorisation en aval : c’est l’accès au marché. Nous restons toutefois sceptiques sur le rôle que pourraient y jouer les pôles, du fait de leur aspect géographique.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Il est vrai que nous avons très peu évoqué l’accès au marché dans nos travaux.

M. Emmanuel Leprince. C’est une très forte attente des PME.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Mettre l’accent sur les écotechnologies, qui sont une matière transversale qui touche tous les pôles, ne va-t-il pas accentuer encore le clivage entre pôles de compétitivité et aménagement du territoire ?

M. Emmanuel Leprince. Je pense que si. On peut retrouver ce clivage dans d’autres domaines transversaux, tels que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les PME.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Tous ces domaines posent un problème au regard de la localisation géographique des pôles de compétitivité.

M. Emmanuel Leprince. Et de la notion de filière, selon qu’il s’agit de filière de compétence ou de marché. Certains pôles sont positionnés sur un marché, d’autres sur des compétences – les systèmes embarqués, par exemple, qui touchent plusieurs marchés. Mais toute classification a ses désavantages…

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Il faut donc faire le bilan entre ce qu’on obtient en matière de recherche et en matière d’aménagement du territoire. La concentration peut apporter des résultats, mais aussi des catastrophes.

M. Alain Claeys, Rapporteur. En tout cas, la finalité des pôles de compétitivité – innovation, aménagement du territoire, aspect industriel – ne correspond absolument pas aux priorités de vos adhérents : trouver des marchés auprès des grands groupes.

M. Emmanuel Leprince. Cela ne devrait pas être la finalité des pôles. En revanche, c’est un besoin des PME que les pôles ne remplissent pas, pas plus qu’ils ne les aident à mener les projets individuels de recherche et développement dont elles ont besoin.

M. Alain Claeys, Rapporteur. En quoi les pôles empêchent-ils les PME innovantes de faire individuellement de la recherche et développement ? Pourquoi ne peuvent-elles pas répondre aux appels d’offre dans cette matière ?

M. Emmanuel Leprince. Parce que les appels d’offre portent sur des projets collaboratifs. Pour les projets individuels, il faut obtenir des aides hors des pôles – d’OSEO, ou fiscales. La notion de cluster des pôles implique la collaboration.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Les pôles sont-ils utiles pour des recherches dont l’application ne serait pas extrêmement rapide ?

M. Emmanuel Leprince. J’insiste : la recherche collaborative est utile, ou le serait à condition de modifier la gouvernance. Nous en avons besoin.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Mais il est vrai qu’une PME excellente en recherche qui n’en retire pas de quoi vivre finira par déposer son bilan…

M. Emmanuel Leprince. C’est une affaire de tempo : celui de la recherche collaborative est moins adapté aux PME qu’aux grandes entreprises, mais nombre d’entre elles en ont besoin.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les grands groupes externalisent aussi leur recherche et développement.

M. Emmanuel Leprince. N’allez pas le dire à leurs sections recherche et développement !

M. Alain Claeys, Rapporteur. Merci beaucoup pour cette intervention. Peut-être pourrez-vous nous communiquer les réponses de vos adhérents au questionnaire que nous vous avions adressé.

M. Emmanuel Leprince. Bien sûr. Par ailleurs, si cela vous est utile, nous pourrions transmettre un questionnaire à des PME. Vous disposeriez ainsi de données plus précises.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Nous en profiterions avec grand intérêt. Nous allons élaborer le questionnaire et vous le transmettre.