Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international

Mercredi 29 avril 2009

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Audition du commissaire général Pierre-Yves Durbise, directeur général de l’économat des armées

M. Georges Tron, Président. Nous avons le plaisir d’accueillir le commissaire général Pierre-Yves Durbise, directeur général de l’économat des armées.

Nos deux rapporteurs, Mme Françoise Olivier-Coupeau et M. Louis Giscard d'Estaing, ont souhaité vous entendre, monsieur le commissaire général, sur la réforme de l’établissement que vous dirigez et sur sa contribution éventuelle à la maîtrise des coûts des opérations extérieures.

Deux membres de la Cour des comptes, M. Benoît d’Aboville et Mme Monique Saliou, nous accompagnent dans nos travaux.

M. le commissaire général Pierre-Yves Durbise, directeur général de l’économat des armées. Après avoir fait carrière dans le corps des commissaires de l’air pendant une trentaine d’années, j’ai été placé en détachement auprès de l’économat des armées (EdA), dont je suis le directeur général depuis le 1er janvier 2007.

Initialement créé sous le nom d’« économat de l’armée » en 1959, l’EdA est un établissement public à caractère industriel et commercial dont la mission est de contribuer au soutien des forces sur le territoire national, mais aussi à l’étranger dans le cadre des opérations extérieures.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. J’aimerais tout d’abord savoir quelle est la part du soutien aux Opex dans votre chiffre d’affaires, et quels types de biens et de services vous délivrez.

M. Pierre-Yves Durbise. Au cours des trois dernières années, les activités réalisées au titre des Opex ont représenté 50 % de notre chiffre d’affaires, dont le total s’élève à 313,8 millions d’euros. Toutefois, si l’on met de côté le soutien exceptionnel de 54 millions d’euros apporté à l’opération EUFOR au Tchad et en république Centrafricaine, le soutien aux forces en Opex ne constitue plus que 36 % de notre chiffre d’affaires.

À côté des opérations d’approvisionnement, qui sont le cœur historique de notre mission, nous sommes de plus en plus sollicités pour des marchés de transport et pour la gestion des camps militaires à l’extérieur du territoire, dans le cadre du processus d’externalisation lancé par le ministère de la Défense.

Les marchés de transport concernent essentiellement l’acheminement des biens. Mais ce type de prestations implique également de réaliser des opérations de douane et d’autres opérations administratives connexes, d’assurer le suivi des flux et, dans certains cas, de prendre en charge l’allocation des moyens.

De façon générale, la gestion des camps militaires consiste à apporter un soutien à la vie courante : nous sommes notamment chargés de gérer le personnel civil recruté localement, de coordonner les prestataires extérieurs, de réaliser les opérations de facturation, d’assurer leur suivi financier, mais aussi de gérer la restauration collective. À ce titre, nous nous occupons des approvisionnements, de la gestion des restaurants et de la sécurité sanitaire. D’autres prestations concernent plus directement la condition du personnel en opération, notamment l’accès à Internet et à la téléphonie, le fonctionnement des salles de sport, l’hébergement, l’entretien des locaux et des infrastructures, la fourniture de l’eau, la protection de l’environnement, la mise à disposition de libres services, ou encore l’organisation de la restauration de loisir quand les conditions s’y prêtent.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Votre établissement agit en tant que centrale d’achat. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?

M. Pierre-Yves Durbise. En tant qu’établissement public industriel et commercial, nous étions déjà un pouvoir adjudicateur au sens du code des marchés publics. Depuis une réforme intervenue en 2004, nous avons également le statut de centrale d’achat.

Nous partageons avec l’UGAP, l’Union des groupements d’achats publics, l’exclusivité de cette qualification juridique dans la sphère publique, mais l’UGAP a une vocation interministérielle, alors que nos clients sont tous rattachés au ministère de la Défense.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur votre implantation géographique, ainsi que sur l’organisation de vos services ?

M. Pierre-Yves Durbise. Notre direction générale, qui compte environ 160 personnes, est localisée à Pantin.

Je suis épaulé dans mes fonctions par un directeur général adjoint, lui-même commissaire général de la marine nationale et un secrétaire général, commissaire colonel de l’armée de terre. Comme je suis moi-même commissaire général de division aérienne, les trois armées, qui sont nos principaux clients avec la gendarmerie, sont donc actuellement représentées à la tête de l’économat. Cela favorise un mariage des cultures qui me semble d’autant plus utile que l’EdA est un établissement interarmées.

Notre management se compose également d’une division pilotage et contrôle de gestion, ainsi que d’un vétérinaire biologiste, mis à la disposition par le service de santé des armées. Il a naturellement la haute main sur toutes les questions de traçabilité des denrées et de sécurité alimentaire.

Le reste des services se divise en deux branches. La première est formée de plusieurs directions : des achats, des opérations, commerciale, financière et comptable – nous avons d’ailleurs la chance d’avoir un agent comptable résident –, des systèmes d’information, des ressources humaines, et une division infrastructures et moyens généraux.

La deuxième branche de l’économat est constituée d’implantations extérieures. Nous avons tout d’abord deux « comptoirs », l’un en Guyane, en voie d’extinction, l’autre en Allemagne, où l’une de nos succursales devrait bientôt fermer ses portes compte tenu du nouveau schéma d’implantation des formations lié à la révision générale des politiques publiques.

Les autres implantations extérieures sont des missions locales, présentes au plus près des forces françaises participant aux Opex, en Afghanistan, au Kosovo ou encore au Tchad, où nous intervenons en soutien de trois opérations imbriquées : le dispositif « Epervier », l’EUFOR Tchad/Centrafrique et la MINURCAT. Il y a également une mission en phase de décroissance en Côte d’Ivoire, ainsi qu’un bureau de représentation aux Émirats arabes unis, où une base navale française sera prochainement inaugurée par le Président de la République. Notre établissement a en effet été choisi par l’état-major des armées pour apporter son concours au déploiement de l’implantation militaire française dans ce pays.

Au total, nos effectifs s’élèvent à 1 170 personnes, dont 800 font l’objet d’un recrutement local, essentiellement en Afghanistan, au Kosovo et au Tchad. Le reste est composé de personnels d’encadrement (145 personnes), de personnels affectés à la direction générale (160) et de personnels en poste dans les comptoirs (45 en Allemagne et 15 en Guyane).

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Lorsque vous apportez votre soutien à des Opex, intervenez-vous également pour le compte d’armées étrangères ?

M. Pierre-Yves Durbise. Sauf exception, nous ne sommes en prise directe qu’avec les formations militaires françaises. C’est à elles que nous présentons nos factures. Il leur revient ensuite de conclure des accords techniques bilatéraux en vue de refacturer certains coûts, mais cela ne relève pas de notre compétence.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Vous arrive-t-il d’être mis en concurrence avec des opérateurs privés ?

M. Pierre-Yves Durbise. Nous pourrions l’être, car nous sommes le seul établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Défense qui ne reçoit aucune subvention de l’État. D’autre part, nous payons les mêmes impôts et les mêmes taxes que les opérateurs appartenant au secteur privé.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Payez-vous également un loyer pour votre implantation à Pantin ?

M. Pierre-Yves Durbise. Si nous n’en payons pas, c’est parce que nous sommes propriétaires des locaux.

En revanche, nous payons des impôts fonciers, ainsi que la taxe professionnelle, l’impôt sur les bénéfices et toutes les impositions relatives aux activités commerciales. D’un point de vue juridique et technique, nous pouvons donc être mis en concurrence. Toutefois, ce n’est pas le cas, puisque nos activités entrent dans le cadre des prestations dites « intégrées » au sens de l’article 3 du code des marchés publics et de la jurisprudence communautaire.

Bien que notre établissement jouisse d’une personnalité morale distincte de celle de l’État, il est en effet considéré comme un prolongement de ce dernier : dans 90 % des cas, nos clients relèvent du ministère de la Défense, lequel règle la quasi-totalité de nos factures et fournit ainsi l’essentiel de nos recettes ; le ministère dirige également l’établissement par l’intermédiaire du conseil d’administration, qui est présidé par M. Gérard Gibot, directeur adjoint du secrétaire général pour l’administration du ministère, et composé de représentants de nos principaux clients, à savoir les états-majors des armées, la direction générale de la Gendarmerie et la direction centrale du Service de santé des armées ; nous sommes également soumis au contrôle de la Cour des comptes et nous dépendons du contrôle économique et financier de l’État.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Dans ces conditions, quel est l’intérêt de faire appel à un établissement public tel que le vôtre ?

M. Pierre-Yves Durbise. Si le ministère a créé l’EdA, c’était d’abord pour contribuer au soutien des forces à l’extérieur du territoire métropolitain, car les services fonctionnant en régie directe, notamment ceux des commissariats aux armées, ne disposaient pas des savoir-faire et des structures nécessaires pour ce type d’activités.

La réforme engagée en 2002 a ensuite étendu notre champ d’intervention au territoire métropolitain, où nous effectuons désormais des opérations de ravitaillement en denrées alimentaires, lesquelles représentent 40 % de notre chiffre d’affaires.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. D’un point de vue financier, ne serait-il pas plus intéressant pour l’État d’assurer directement les prestations qui vous sont actuellement confiées ? Comme vous venez de l’expliquer, vous acquittez des impôts et des taxes.

M. Pierre-Yves Durbise. Il m’est difficile de me prononcer sur cette question, car je ne suis pas donneur d’ordres mais seulement exécutant.

Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est qu’il est très difficile d’évaluer des activités exercées en régie, car il y a beaucoup de coûts masqués. En faisant appel à un établissement public tel que l’EdA, qui est soumis à une comptabilité de type commercial, on peut au contraire connaître les coûts complets.

Le fait que nous soyons un établissement interarmées a également permis au ministère de rationaliser et de regrouper des interventions jusque-là réparties entre l’armée de terre, l’armée de l’air, la marine nationale et la gendarmerie. D’importantes économies d’échelle en ont résulté, notamment dans le cadre du dispositif « Vivres Métropole ».

En matière de restauration, par exemple, il n’y avait autrefois aucune donnée agrégée au plan national. Pour se faire une idée des coûts, il fallait s’adresser aux différentes structures de restauration collective, les unes après les autres. Grâce à notre système d’approvisionnement, qui est comparable à celui qu’utilisent les grandes entreprises du secteur privé, nous sommes maintenant en mesure d’indiquer avec précision le coût et la consommation des produits ainsi que le coût des services logistiques, lesquels ont été externalisés auprès d’un consortium, le groupement d’intérêt économique STEF-TFE/GEODIS.

Cette meilleure connaissance des coûts et des consommations nous a permis de réduire les fourchettes de nos appels d’offre, désormais comprises entre 1 et 1,5 contre 1 à 4 auparavant. Nos fournisseurs sont donc moins exposés à des risques de variation de leur activité, ce qui nous vaut des prix plus avantageux. En outre, nos partenaires préfèrent travailler avec un seul interlocuteur, l’EdA, au lieu d’intervenir dans le cadre d’une multitude de marchés non coordonnés.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Payez-vous des impôts sur les activités que vous réalisez à l’étranger ?

M. Pierre-Yves Durbise. Nous ne payons pas d’impôt à l’étranger, mais en France (impôt sur les sociétés) sur la totalité de nos activités en France et à l’étranger.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. L’EdA est-il également assujetti à la TVA ?

M. Pierre-Yves Durbise. C’est le cas pour nos activités en France, mais nous sommes exemptés de taxes à l’export.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. En matière d’externalisation, quel bilan établissez-vous, théâtre par théâtre, de l’expérimentation CAPES France (capacité additionnelle par l’externalisation du soutien aux forces françaises) ?

M. Pierre-Yves Durbise. Dans le contexte de la réduction du format des armées, les autorités de commandement se sont aperçues qu’il était très coûteux de conserver des capacités d’action simplement « au cas où ». Comme d’autres pays, la France s’est donc engagée, depuis 2007, dans une démarche expérimentale qui consiste à s’appuyer, pour le renforcement de ses capacités, sur des partenaires extérieurs, en l’occurrence l’EdA.

Pour notre part, nous n’intervenons pas dès le début des opérations extérieures. Ce n’est pas notre vocation, puisque nous employons du personnel civil. Dans un premier temps, les forces françaises doivent donc compter sur leurs propres moyens, puis nous prenons le relais une fois que la situation locale est stabilisée.

En application d’une convention générale conclue avec l’état-major des armées et les états-majors d’armées, nous recevons des ordres d’intervention précis pour chaque théâtre d’opération. Dans l’hypothèse où nous ne réaliserions pas nous-mêmes les prestations, il nous revient ensuite de faire jouer la concurrence ; en revanche, il n’y a pas lieu de lancer un appel d’offres avant de nous solliciter, car nous sommes une centrale d’achat.

Pour ce qui est du bilan, on constate des différences notables selon les théâtres d’intervention. Au Kosovo, par exemple, la maîtrise d’ouvrage déléguée a été confiée à l’armée de terre, que nous connaissons très bien pour avoir travaillé en symbiose avec elle depuis longtemps. D’autre part, nous étions déjà implantés sur place quand l’expérimentation CAPES France a été engagée, si bien qu’il nous a suffi d’élargir notre périmètre d’intervention. Nous n’avons donc pas rencontré de difficultés particulières et nos prestations sont très bien notées par l’armée de terre – je rappelle qu’une partie de notre rémunération dépend en effet de nos performances.

Au Tchad, en revanche, nous n’avions pas de relations préalables avec l’armée de l’air, hormis dans le cadre de l’approvisionnement en vivres sur le territoire métropolitain. En outre, il a fallu créer de toutes pièces une nouvelle mission, ce qui n’est pas allé sans quelques difficultés, l’armée de l’air étant assez réticente car elle avait l’impression que nous venions prendre sa place. Ensuite, quand la situation a commencé à s’améliorer, les événements survenus en février 2008 ont perturbé notre intervention, même si nos personnels n’ont pas exercé leur droit de retrait. En ce sens, nous avons réussi un test « grandeur nature ». Puis, il a fallu que nous nous adaptions au déploiement de l’opération EUFOR Tchad/RCA, qui est venue se greffer sur le dispositif initial.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Lorsque les administrations font appel à des réservistes pour participer à des opérations extérieures, ils reçoivent un grade d’affectation et sont soumis à un statut militaire. Est-il exact que ce n’est pas le cas des personnels employés par l’EdA ?

M. Pierre-Yves Durbise. En effet. Toutefois, sans être des militaires ou des réservistes, nos personnels bénéficient d’une couverture comparable. Ils ont en effet le statut de personnels civils placés « à la suite des forces ».

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Si je comprends bien, ils bénéficient de contrats de travail de droit privé ?

M. Pierre-Yves Durbise. Oui, ce sont d’ailleurs des contrats à durée déterminée, car les opérations extérieures évoluent souvent de façon très imprévisible.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. La fourniture d’énergie, notamment de groupes électrogènes, fait-elle partie de vos compétences ?

M. Pierre-Yves Durbise. Tout dépend des situations locales. Nous n’assurons pas ce type de prestations au Tchad, car l’armée de l’air a souhaité conserver intégralement ses compétences dans le domaine de l’énergie. Au Kosovo, il nous a été demandé d’externaliser l’activité entretien des groupes électrogènes, à titre expérimental mais notre appel d’offres a été infructueux : la seule proposition n’était pas compatible avec les contraintes budgétaires fixées par l’état-major. Cette activité reste pour le moment exercée en régie directe.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Coopérez-vous avec le service des essences des armées ?

M. Pierre-Yves Durbise. Ce service est implanté dans les camps militaires où nous intervenons, mais nous ne sommes pas en contact direct avec lui. D’autre part, les pompes à essence ne dépendent en aucun cas de nous.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. En septembre dernier, j’ai constaté qu’Internet ne fonctionnait pas dans le camp international de Warehouse, en Afghanistan, pays où nous retournerons d’ailleurs la semaine prochaine. Où en est la situation ?

M. Pierre-Yves Durbise. EADS, qui est notre prestataire sur place, rencontre effectivement des problèmes pour différentes raisons : il y a des interférences, mais aussi des difficultés avec le logiciel de facturation employé pour les cartes prépayées. Ce logiciel ayant été changé la semaine dernière, la situation devrait s’améliorer. Au demeurant, l’accès à Internet n’était pas totalement impossible, même s’il n’était pas toujours satisfaisant. Il va de soi que nous consentons systématiquement des gestes commerciaux en faveur des clients concernés par les difficultés d’accès.

D’autre part, l’état-major des armées a décidé de lancer un programme de subventions en la matière, considérant que le budget de la défense pouvait prendre en charge une partie des dépenses au titre de l’amélioration de la condition militaire. Il reste à voir de quelle façon cette décision se traduira concrètement. Nous réfléchissons à un dispositif qui permettrait d’accéder gratuitement à Internet, pendant une durée déterminée, sans recours aux cartes prépayées.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Il y a des inégalités flagrantes : certains personnels ont gratuitement accès à Internet en permanence et d’autres pas. La question se complique également du fait de la présence de forces étrangères au camp de Warehouse. Comment comptez-vous vous y prendre techniquement ?

M. Pierre-Yves Durbise. C’est une question qu’il faudra étudier avec notre prestataire de services. Pour le moment, il me semble que le maintien d’un système de cartes prépayées n’est pas incompatible avec l’instauration d’un dispositif permettant un accès gratuit à Internet pendant une durée limitée. En effet, le commandement a l’intention de financer dans une certaines limite des cartes prépayées qui seraient ainsi accordées mensuellement au personnel militaire présent sur chaque site.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. La condition militaire dépend de petits détails, qui ne coûtent pas forcément très cher, mais qui ont un grand impact psychologique. Je pense aussi à la question des colis, gratuits pour les soldats américains et payants pour les soldats français.

M. Pierre-Yves Durbise. En tant que prestataires de service, nous ne demandons pas mieux que l’instauration d’une telle gratuité, qui faciliterait également notre gestion.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. De façon plus générale, quel bilan faites-vous du fonctionnement du camp de Warehouse ?

M. Pierre-Yves Durbise. De nombreuses adaptations, parfois délicates, ont été nécessaires dans un premier temps. Il a notamment fallu plusieurs mois, en 2006, pour nous entendre sur la répartition des coûts. En matière de restauration par exemple, les frais fixes font désormais l’objet d’une forfaitisation, les dépenses variables d’un coût homme/jour. Il me semble que nous ne nous heurtons plus aujourd’hui à des problèmes particuliers.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Le projet de loi de programmation militaire prévoit que les partenariats public-privé seront également privilégiés en matière d’achats. Qu’en pensez-vous ?

M. Pierre-Yves Durbise. Ces partenariats sont des opérations complexes, s’inscrivant dans de très longues durées. Ils peuvent donc se justifier pour des opérations d’investissement mais pas pour des prestations de services, en particulier dans des théâtres d’intervention extérieure. Compte tenu des risques économiques, il me semble impossible de trouver des prestataires de services qui accepteraient de s’engager dans ces opérations, sur de longues années et à des conditions économiques qui seraient pertinentes pour les deux parties.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. En Afghanistan, l’OTAN a pourtant négocié avec Thalès un contrat pour la fourniture d’un système de communications. Ne peut-on pas envisager que l’EdA assure ce type de prestations ?

M. Pierre-Yves Durbise. Ce n’est pas notre cœur de métier. Nous sommes spécialisés dans la restauration collective, l’entretien des infrastructures et la gestion des camps militaires. Nous ne pouvons pas prendre en charge des investissements dans des infrastructures aussi lourdes.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Il reste que la plupart des camps militaires utilisent de plus en plus des infrastructures « semi-lourdes », telles que les Algeco. Cela contribue-t-il à changer la situation ?

M. Pierre-Yves Durbise. Nous pouvons tout à fait servir d’intermédiaire pour l’installation des Algeco, mais cela ne saurait être considéré, à mon sens, comme un investissement dans une infrastructure lourde.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Qu’en est-il en matière de sécurité, Par exemple pour l’installation des caméras et des détecteurs ?

M. Pierre-Yves Durbise. Ces dispositifs très spécifiques font souvent partie de systèmes intégrés. Or l’EdA n’a ni les compétences nécessaires pour concevoir de tels dispositifs ni la vocation d’assurer la sécurité des forces armées en Opex.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Dans ce cas, pourquoi ne pas créer un département spécialisé ? Les questions de sécurité ne sont-elles pas liées à la gestion des camps militaires que vous assurez ?

M. Pierre-Yves Durbise. Ce ne serait envisageable que si le ministère souhaitait externaliser ce type d’opérations. À défaut, il y aurait une redondance qui ne me semble pas souhaitable.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Pouvez-vous nous expliquer le mode de facturation de vos prestations ? J’aimerais également en savoir plus sur vos délais de paiement : la loi de modernisation de l’économie a-t-elle eu un impact dans ce domaine ? Enfin, existe-t-il un accord d’intéressement ou un plan de participation dans votre établissement ?

M. Pierre-Yves Durbise. Nous avons effectivement un plan d’intéressement pour la période 2007-2010. Il s’applique, dans la limite de 4 % de la masse salariale, si notre excédent brut d’exploitation est positif, et si nous avons respecté les objectifs budgétaires fixés par le conseil d’administration.

S’agissant des modes de facturation, nous avons recours à trois systèmes différents selon les types de prestations considérés. Pour un montant représentant 75 % de notre chiffre d’affaires, nous utilisons une facturation de nature commerciale, en particulier pour les activités réalisées dans le cadre du dispositif « Vivres Métropole », pour les approvisionnements, pour les activités de libre-service, pour les marchés de transport, hors CAPES France, et pour les activités des comptoirs. Près de 22 % du chiffre d’affaires sont concernés par le système dit costs and fees, qui consiste à facturer toutes les charges, internes comme externes et à percevoir une rémunération assise sur un pourcentage, fixe ou variable, du chiffre d’affaires. Il existe enfin un système de facturation forfaitaire, qui est notamment appliqué aux activités de restauration dans la base de Warehouse.

La combinaison de ces modes de facturation conduit parfois à des solutions assez complexes. Dans le cadre de l’opération EUFOR Tchad/RCA, nous utilisons ainsi une facturation de type commercial pour les coûts communs – infrastructures, dépenses de protection ou encore location de véhicule – et une facturation à l’euro/l’euro pour le reste, les coûts d’intervention de l’EdA étant pris en charge par la France.

On se plaint parfois que l’EdA présente ses factures avec un peu de retard, mais vous imaginez sans difficulté la complexité du système comptable. Dans le cadre de la facturation de type costs and fees, il faut présenter toutes les pièces justificatives de dépenses. Par exemple, en 2008, nous avons délivré près de 2 000 factures récapitulatives au titre de l’opération CAPES France soit 40 000 pièces justificatives de dépenses au total.

On nous a également reproché un défaut de contrôle interne sur des montants estimés à environ deux millions d’euros en 2008. Or, cela représente à peine 0,6 % de notre chiffre d’affaires, ce qui est loin d’être catastrophique. D’autre part, nos difficultés sont essentiellement liées à la croissance rapide de notre activité, qui est passée de 162 à 313 millions d’euros en deux ans. Comme toutes les PME, nous nous heurtons à des obstacles dans le domaine des systèmes d’information. Nous avons prévu une mise à niveau, mais elle va prendre quelque temps.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. En sens inverse, les délais de paiement de vos clients sont-ils raisonnables ? Y a-t-il des restes à payer en fin d’exercice ?

M. Pierre-Yves Durbise. Il n’y en a pas, sauf dans l’hypothèse où les factures n’auraient pas été présentées à temps, essentiellement quand les dépenses sont engagées à la fin de l’exercice.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Avez-vous des besoins en fonds de roulement ?

M. Pierre-Yves Durbise. Nous n’avons pas beaucoup de marges de manœuvre, mais nous n’avons jamais été obligés de faire appel à des lignes de crédit pour payer nos fournisseurs depuis que je suis à la tête de l’EdA.

Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Il nous reste à vous remercier d’avoir répondu avec précision à toutes nos questions.