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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Services départementaux d’incendie et de secours

Jeudi 7 mai 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 35

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile, Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales, et Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques

M. David Habib, Président. Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue pour cette troisième matinée d’auditions de la mission d’évaluation et de contrôle sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours.

Nous recevons aujourd’hui M. le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile – que je remercie d’avoir accepté de se joindre à nous une deuxième fois –, M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales, et M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des Finances publiques, afin d’étudier plus précisément le financement des SDIS.

Menés dans un esprit consensuel, nos travaux sont animés par trois rapporteurs : MM. Georges Ginesta et Bernard Derosier, qui représentent, l’un, la commission des Finances, l’autre, la commission des Lois, et M. Thierry Mariani, également de la commission des lois, qui, en mission à l’étranger, vous prie d’excuser son absence.

Afin que nos échanges soient les plus directs possibles, je propose à M. Ginesta de vous poser immédiatement une première série de questions.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La commission des Finances a souhaité créer une mission d’évaluation et de contrôle en raison de la forte croissance des budgets des SDIS ces dernières années.

Entre 1996 et 2007, leurs dépenses ont augmenté de 245 %, et de 45 % depuis l’achèvement de la départementalisation des SDIS en 2001. Aujourd’hui, le budget de la sécurité civile s’élève à 5,5 milliards d’euros : 1 milliard à la charge de l’État et 4,5 milliards à la charge des collectivités territoriales. Bien que le maire reste le prescripteur de la sécurité, les conseils généraux ont pris une place importante dans ce dispositif, notamment en matière de financement. Chaque Français dépense en moyenne 80 euros pour les SDIS – c’est-à-dire qu’une famille de quatre enfants peut, sans le savoir, verser pour eux une somme supérieure au montant de sa taxe d’habitation !

Comment remédier à cette absence de pilotage et responsabiliser les SDIS en matière budgétaire ? Faut-il modifier le système de financement ?

M. Alain Perret, préfet, directeur de la Sécurité civile. Les chiffres avancés par M. le rapporteur expriment une réalité incontestable. Cependant, ils traduisent aussi la remise à niveau des SDIS, dopée par la départementalisation, qui s’est traduite par une modernisation des équipements matériels et immobiliers.

Ce n’est pas la seule explication : 87 % du budget des SDIS sont affectés à la rémunération ou au régime indemnitaire des personnels. En raison de l’augmentation des interventions, il a fallu renforcer les effectifs et recruter un nombre important de sapeurs-pompiers professionnels.

Ces phénomènes cumulés ont abouti à la situation financière décrite par M. le rapporteur. Toutefois, l’examen des comptes de gestion pour 2007 fait apparaître une augmentation moyenne des dépenses des SDIS de 4,7 %, inflation comprise. Par rapport aux années précédentes, la tendance est donc à la baisse ; il reste à vérifier qu’elle s’est confirmée en 2008.

Parallèlement, à l’initiation de la Cour des comptes, nous avons mis en place à l’échelle nationale un contrôle de gestion particulièrement rigoureux, comprenant vingt indicateurs, qui nous permettent d’observer avec précision les évolutions budgétaires, ainsi que les variations d’un SDIS à l’autre.

Ce souci de rationalisation, l’État l’affirme non seulement par un discours pédagogique visant à une meilleure maîtrise des dépenses publiques, mais aussi par la mise en place de modèles d’organisation adaptés. En effet, après une période de croissance très rapide, il appartient aux acteurs concernés de veiller à ce que l’organisation des SDIS soit désormais la plus efficace possible. Les nouveaux indicateurs devraient nous y aider. Il n’est pas question de modifier la géographie des implantations, fixée par les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) ; toutefois, dans le cadre du renforcement des compétences des préfets de zone, nous souhaitons la création d’un SDACR zonal, qui permettrait d’évaluer les risques locaux avec une plus grande exactitude.

La plaquette financière que nous avons réalisée en collaboration avec la direction générale des Finances publiques et avec le concours technique de la direction générale des Collectivités locales a été bien reçue. Tout le monde s’accordant sur le constat et les principes, nous pouvons réagir avec efficacité.

Je puis vous assurer que j’y contribue à titre personnel. Par exemple, j’ai fait en sorte que tous les SDIS puissent bénéficier d’une comptabilité analytique. Il arrive que certaines charges de fonctionnement – comme l’électricité – relèvent d’autres lignes budgétaires. Or, l’autonomisation du fonctionnement des SDIS passe par un contrôle interne, qui ne peut relever que de l’autorité des présidents de conseils d’administration des SDIS (CASDIS).

Bien évidemment, l’État ne peut se résoudre à accepter la dérive des dépenses. Il mettra tout en œuvre pour qu’elles soient aussi maîtrisées que possible, notamment à travers plusieurs axes. En premier lieu, la normalisation. Globalement, sur la France entière, les dépenses d’équipement s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. Nous avons déjà entrepris une action lourde pour réviser les normes techniques. Le travail doit se poursuivre en intégrant l’exigence de mutualisation. Y rechercher désormais le prêt-à-porter plutôt que la haute couture. En second lieu, la formation. Elle doit être adaptée à travers une relecture commune des guides nationaux de référence dont la densité engendre un effet d’impact budgétaire disproportionné avec les exigences opérationnelles. Sans jamais remettre en cause ce principe, auquel je suis particulièrement attaché, nous devons néanmoins remettre à plat le dispositif existant. Il en est de même pour les écoles départementales de sapeurs pompiers pour lesquelles en plein concertation nous devons œuvrer pour éviter doublons et redondances et développer les synergies nécessaires.

Enfin, il ne s’agit pas de jouer les « Père Fouettard ». Cependant, si nous sommes conscients des difficultés rencontrées sur le terrain, nous devons aussi fixer des limites. Certes, il fallait remettre les budgets à niveau, mais, maintenant, les SDIS doivent tout mettre en œuvre pour trouver des formules d’organisation, d’acquisition des équipements et de fonctionnement, permettant de maîtriser les coûts. L’État pourra leur apporter son concours.

La maîtrise de la dépense a toujours été un impératif pour les élus, même en période de forte augmentation : je rappelle que les dépenses d’investissement ont progressé de 16 % entre 2005 et 2006 et de 22 % entre 2006 et 2007. Il ne s’agit donc pas de « verrouiller » le budget des SDIS, au risque de fragiliser l’efficacité de la réponse opérationnelle mais de prendre quelques mesures simples.

Je précise enfin que le ratio de 80 euros par habitant recouvre des écarts significatifs : de 55 euros dans le Haut-Rhin ou la Moselle à 218 euros en Haute-Corse.

J’ai la conviction qu’avec de la volonté et surtout les nouvelles méthodes de travail et de dialogue permanent avec les élus, nous arriverons à maîtriser la situation. Sur de tels sujets, il convient d’amener les représentants du personnel vers une prise de conscience et une démarche maîtrisée : le discours de vérité s’impose. Pour ce qui nous concerne, lorsque nous recevons les syndicats ou la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, nous abordons systématiquement, avec clarté et engagement, la question de la maîtrise des dépenses.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Ce qui nous inquiète, ce n’est pas la dépense inscrite au budget de l’État, qui est maîtrisée, mais l’augmentation des dépenses des SDIS, ainsi que la progression du nombre de sapeurs-pompiers professionnels, dont les effectifs sont passés en dix ans de 28 000 à 38 000.

En 2004, le salaire moyen annuel des personnels des SDIS s’élevait, selon une étude de l’INSEE de novembre 2006, à 25 000 euros, soit autant que dans la fonction publique d’État, alors que les sapeurs-pompiers relèvent de la fonction publique territoriale. Les fonctionnaires de catégorie A représentent 52 % des effectifs des SDIS, alors que, dans la fonction publique d’État, leur proportion est d’à peine 14 %.

À l’origine, les carrières de sapeurs-pompiers avaient été fixées sur le modèle de la filière technique de la fonction publique territoriale. Depuis, beaucoup d’avantages ont été engrangés, provoquant une inflation des salaires. Ainsi, les sapeurs-pompiers peuvent atteindre le grade d’adjudant de manière linéaire, alors que, dans la filière technique, il faut passer au moins un examen professionnel pour parcourir tous les grades de la catégorie C.

En ce qui concerne les officiers, le double niveau de recrutement a été abandonné et les carrières ont été accélérées. Depuis 1997, le nombre de colonels et de lieutenants-colonels a plus que doublé, et le rapport entre les lieutenants et les capitaines s’est inversé : alors que l’on comptait 2 000 lieutenants pour 600 capitaines en 1997, il y a aujourd’hui 1 600 capitaines pour 900 lieutenants !

L’évolution des carrières n’est donc maîtrisée ni par les communautés d’agglomération, ni par les communes, ni par les conseils généraux. Le système n’a pas de pilote, et les sapeurs-pompiers professionnels profitent largement de la multiplicité des tutelles.

Faut-il les intégrer aux conseils généraux, qui subventionnent très largement les SDIS ?

M. Alain Perret. Le pilotage de la carrière des officiers est un de nos principaux problèmes. Nous l’avons repris en main et une refonte de l’encadrement supérieur a été engagée.

Aujourd’hui, quiconque accède au grade de commandant est certain d’être colonel, ce qui revient à nier nos exigences en matière de parcours qualifiant et de mobilité géographique et technique. Des discussions sont en cours pour définir ce que doit être la carrière d’un officier, préciser le niveau de formation initiale nécessaire et renforcer les exigences en matière de formation continue. Les difficultés que vous soulevez, monsieur Ginesta, trouveront certainement des solutions dans le texte qui sera prochainement soumis à l’Assemblée des départements de France (ADF) et discuté au sein de la section des présidents de conseils d’administration de SDIS.

Je le répète, nous ne sommes pas favorables à une fuite en avant, mais à la structuration des carrières. Nous souhaitons que toute promotion corresponde à une qualification acquise par le sapeur-pompier.

M. Edward Jossa, directeur général des Collectivités locales. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité avait prévu la suppression à compter du 1er janvier 2006 des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au financement des SDIS.

Cette mesure s’est avérée extrêmement difficile à appliquer, compte tenu de la très grande disparité des contributions communales, tant d’un département à l’autre qu’entre communes et EPCI – ce qui était bien souvent le fruit de l’histoire.

Le délai prévu par le législateur était destiné à résorber progressivement ces inégalités. Or, en matière de finances, toute modification d’un équilibre est compliquée à mettre en œuvre. Faute de progrès en ce domaine, le Gouvernement a diligenté en 2007 une mission d’inspection, qui a débouché sur la suspension de cette mesure dans la loi de finances rectificative pour 2008.

La suppression des contributions des communes et des EPCI au financement des SDIS devait être compensée par un prélèvement sur leur dotation globale de fonctionnement. Or le montant de DGF perçu par plus de 4 000 communes et 300 EPCI s’est révélé insuffisant. Il aurait fallu instaurer un prélèvement sur ressources fiscales, avec une évolution dans le temps différente de celle de la fiscalité, provoquant de ce fait une inégalité de traitement entre les communes. Certes, on s’est trouvé dans une situation similaire à l’occasion de la suppression des contingents communaux d’aide sociale, mais cela concernait un moins grand nombre de communes.

Par ailleurs, la mission d’inspection a montré qu’une coupure complète entre les communes et les SDIS serait artificielle, les équipements étant implantés dans le cadre communal. En outre, une certaine inquiétude s’est développée dans les SDIS à la perspective d’un désengagement total des communes, dans la mesure où ils entretiennent avec elles des relations quotidiennes.

Voilà pourquoi il a été jugé préférable de renoncer à une départementalisation totale des SDIS, décision qui a été avalisée par le Parlement.

Toutefois, des problèmes subsistent.

En premier lieu, la forte augmentation de la dépense des SDIS est une source de difficultés pour les départements, qui réclament l’indexation de la contribution communale sur l’évolution de la dépense, alors que les communes sont attachées au maintien du plafond actuel. C’est un point délicat. À notre avis, si l’on souhaite privilégier une véritable maîtrise des dépenses, il faut un patron financier, et les départements sont les plus habilités à remplir ce rôle. La dilution de la charge de l’augmentation de la dépense entre les partenaires serait l’occasion de jouer les uns contre les autres, et ne ferait qu’accroître leur irresponsabilité financière.

Ensuite, il faudrait mettre en place des outils de gestion beaucoup plus performants et développer le benchmarking : en effet, les régimes indemnitaires, les matériels et les dépenses de fonctionnement varient beaucoup d’un endroit à l’autre, chaque conseil d’administration de SDIS se trouvant quelque peu isolé face aux demandes internes. Un système d’expertise ou de validation des matériels et des techniques devrait être instauré, peut-être sous la forme d’une commission permanente d’analyse des coûts.

Manifestement, il manque non seulement des outils d’information, mais aussi des instances de discussion. Il faut en tout cas que le système se régule car, tant pour les communes que pour les départements, l’étau budgétaire se resserre.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Personne ne peut douter de votre bonne volonté, messieurs. En particulier, monsieur le directeur de la Sécurité civile, j’ai apprécié lors de votre précédente audition votre volonté de clarification et de simplification. Soit dit en passant, nos chiffres divergent : selon nos données, la part des frais de personnel dans la dépense des SDIS s’élève à 64 %, et non 87 % comme vous l’avez affirmé. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point.

Étant membre de la commission des Lois, j’aborderai le problème davantage du point de vue organisationnel que financier, mais les deux se rejoignent.

Chacun s’accorde à reconnaître que le système actuel, hybride, ne satisfait personne – sauf peut-être l’État, qui ne participe que marginalement au financement des SDIS, alors que la sécurité civile relève de ses pouvoirs régaliens. Pourtant, l’État fixe les normes – qui concernent jusqu’au diamètre des tuyaux ! –, ainsi que le temps de travail des personnels.

Or, la direction de la Sécurité civile n’a jamais su résister au lobby des colonels et aux manifestations des sapeurs-pompiers. En conséquence, les SDIS doivent faire face à des contraintes organisationnelles croissantes, en raison notamment du faible nombre de gardes annuelles assurées par leur personnel.

La direction de la Sécurité civile et la direction générale des Collectivités locales seraient-elles prêtes à fixer, en application des directives européennes, une norme organisant le service suivant le système des trois-huit ? Si chaque département continue à organiser le temps de travail dans son SDIS, le problème risque de perdurer. Que l’État joue donc son rôle !

Monsieur le directeur général des Collectivités locales, vous nous avez expliqué les raisons de l’abandon sine die de la disposition de la loi de 2002 prévoyant la suppression de la contribution des communes et des EPCI au financement des SDIS. Mais comment fera-t-on si la participation des communes reste bloquée au niveau de l’inflation, sachant que, selon une étude réalisée pour l’ADF par le cabinet François Lamotte, il faut s’attendre à une augmentation de la dépense de 4 à 5 % par an au-dessus de l’inflation ? Et que se passera-t-il si l’on entre dans une période de déflation ? Le Gouvernement doit apporter une réponse à cette question : il serait trop facile d’accuser les collectivités territoriales d’augmenter leurs sources de financement par l’impôt alors qu’elles doivent faire face à des contraintes qui leur sont imposées par l’État !

Par ailleurs, pourquoi la direction de la Sécurité civile gère-t-elle les sapeurs-pompiers, alors que tous les autres fonctionnaires territoriaux relèvent de la direction générale des Collectivités locales ?

Enfin, monsieur le directeur de la Sécurité civile, pouvez-vous nous préciser en quoi consisterait le concours de l’État à la gestion des SDIS ?

M. Alain Perret. Le temps de travail des sapeurs-pompiers est un sujet tabou. Actuellement, la moyenne nationale est de 89 gardes de vingt-quatre heures par an.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Normalement, cette moyenne devrait se situer entre 90 et 100 gardes par an !

M. Alain Perret. Certes, mais il a fallu prendre en compte certains « droits acquis ».

Ce problème ne peut être traité que dans le cadre général du statut de la fonction publique territoriale : je ne me risquerai pas à en faire un sujet de discussion autonome. Il faut y adjoindre les questions des catégories d’appartenance, des modalités de passage d’un grade à un autre, de la part respective des concours internes et des concours externes dans le recrutement, autant de sujets sur lesquels je perçois une attente de la part des syndicats. En d’autres termes, il convient de s’accorder sur un ensemble cohérent de mesures, sans isoler un point par rapport à un autre.

C’est dans cette optique que je rencontrerai les syndicats le 19 mai prochain, au cours d’une réunion dont l’ordre du jour portera pour l’essentiel sur la réforme de la filière sapeur pompier à travers les orientations contenues dans le rapport « formation spécialisée n° 3 » du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui traite des questions statutaires – la « FS 3 » – ce qui intéresse bien évidemment les présidents de conseil d’administration de SDIS et l’ADF. A ces échanges, seront associés les élus de manière systématique. « FS 3 » est un travail de très longue haleine qui nécessitera un travail en profondeur en tenant compte au premier chef de tout ce qui aura trait aux effets budgétaire indirects.

Cela vaut aussi pour la réforme de la catégorie B et la question des rémunérations. Je ne peux agir vis-à-vis du monde syndical que dans un cadre global, et en connaissant les marges d’acceptation des élus : il est inutile de lancer un processus qui risque d’être bloqué par la suite.

La refonte des statuts comporte deux volets. Le premier concerne les adjudants-chefs, les majors et les lieutenants. Le second s’attache à la formation des officiers et des officiers supérieurs ; nous avons la chance de pouvoir compter sur des officiers supérieurs qui sont à la fois de grands professionnels et de bons managers, et nous souhaitons amplifier ce phénomène.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas pour l’État de s’immiscer dans un mode de gestion propre aux SDIS. M. le directeur général des Collectivités locales a fait plusieurs propositions, comme une éventuelle prise en charge par le conseil général ou l’attribution, au sein des SDIS, des fonctions de gestion à des personnes qualifiées : on peut certainement être à la fois colonel de sapeurs-pompiers et bon gestionnaire, mais le niveau technique et la disponibilité exigés peuvent parfois empêcher de mener ces deux fonctions de front. Dans le nouveau schéma organisationnel des SDIS, la gestion des personnels, du budget et du parc immobilier devrait être l’affaire de spécialistes issus de la fonction publique territoriale, et non d’officiers de sapeurs-pompiers. J’ai d’ailleurs reçu des échos favorables à cette proposition.

L’État pourrait donc jouer un rôle d’aiguillon, en rappelant qu’il existe des gisements de compétences. Nous commençons à aborder ces questions avec l’ADF. Mon objectif est d’aboutir, ensemble, à une sorte de protocole global sur les mesures à prendre.

Mon rôle est de préparer les éléments techniques d’une décision. Il faut donc, en dépit des crispations sur ce sujet, poser la question du temps de travail, mais dans un cadre plus large, le dispositif de la sécurité civile étant d’une rare complexité.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. L’inflation de la dépense tient au fait que le système n’est plus piloté. La départementalisation, qui devait être une décentralisation, fut en définitive une centralisation, puisque, auparavant, les communes géraient et finançaient les SDIS. Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers profitent de la multiplicité des interlocuteurs.

Ils assurent en moyenne 140 interventions par an, pour 95 jours de garde : cela signifie qu’ils exercent leur métier une fois et demie par jour de garde. Une intervention durant en moyenne deux heures vingt-sept minutes, ils travaillent donc trois heures et demie par jour de garde, 95 fois par an ! La promotion n’est plus maîtrisée, les primes sont décidées par les personnels eux-mêmes – tous ont droit à la prime de feu, même les personnels administratifs – et les revenus sont de 30 % supérieurs à ceux des employés municipaux, à statut équivalent ! Il faut mettre fin à cette situation.

M. Edward Jossa. Les SDIS ne sont pas encore totalement acquis à une culture où l’on considère qu’un bon gestionnaire doit réaliser des économies, et pas seulement obtenir beaucoup de crédits. Or, comme dans tous les secteurs de la sécurité, il est très difficile de résister aux demandes : il suffit qu’un matériel ait été refusé et qu’ensuite une intervention se passe mal pour que l’on incrimine une décision budgétaire.

L’enjeu est de promouvoir un bon management. Pour cela, il faut un pilote financier ; pour le moment, c’est le département qui joue ce rôle, et je pense qu’il faut plutôt renforcer ce qui existe que compliquer les choses avec des solutions alternatives. Indexer les contributions communales sur l’évolution de la dépense reviendrait à diluer l’effort financier. Si les départements doivent assumer les variations budgétaires, ils seront d’autant plus motivés pour remettre en cause certaines règles de management. La priorité, c’est de maîtriser la dépense.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Doit-on, à l’instar de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, faire apparaître sur l’avis de taxe d’habitation la contribution au financement des SDIS, de manière à sensibiliser nos concitoyens à leur coût ?

M. Bruno Rousselet, sous-directeur à la direction générale des finances publiques. L’hypothèse d’une mention du coût du SDIS sur l’avis de taxe d’habitation, dans un objectif de responsabilisation des usagers, ne me semble pas opportune.

Tout d’abord, il s’agirait d’une opération extrêmement complexe. Nous la réalisons bon gré mal gré pour la contribution au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, mais l’effectuer sur la France entière serait bien plus lourd, et les risques d’erreur s’en trouveraient accrus.

Par ailleurs, les avis d’imposition étant déjà surchargés, il faut considérer qu’une mention supplémentaire en chasserait automatiquement une autre. L’information sur le coût des SDIS se ferait au détriment de celle sur un taux cumulé dans le cadre d’un passage en intercommunalité ou sur une hausse de l’impôt consécutive à la perte d’un abattement spécifique. Or, les demandes d’information des usagers portent plutôt sur les particularités de leur imposition que sur le montant global des dépenses des SDIS.

M. Edward Jossa. S’agissant de la mise en place d’une fiscalité spécifique, de deux choses l’une : soit l’on crée un impôt supplémentaire, et il faut l’assumer ; soit les prélèvements obligatoires restent stables, et il s’agit d’opérer un simple transfert de ressources. Dans ce cas, le déficit de l’État est aggravé si le transfert porte sur un impôt dont il dispose actuellement. Je ne vois pas ce que l’on y gagnerait en lisibilité. En outre, en raison de la perspective d’une réforme en profondeur de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe professionnelle, il serait préférable d’attendre.

M. David Habib, Président. Les rapporteurs évoquaient une meilleure lisibilité plutôt qu’un transfert de ressources.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Monsieur Rousselet, sur le terrain, les sapeurs-pompiers bénéficient d’une très bonne image, qui serait quelque peu ternie si nos concitoyens savaient combien leur sécurité leur coûte ! C’est dans cet esprit que nous réclamons depuis des années une mention supplémentaire sur l’avis d’imposition, sur le modèle de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Au-delà des discours convenus, messieurs Perret et Jossa, j’avoue ne pas être satisfait de vos réponses. Le problème est éminemment politique : il manque une réelle volonté pour assurer la bonne adéquation des besoins des SDIS et des contributions des financeurs.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Nous sommes là pour proposer des solutions : on ne peut se contenter d’évoquer les difficultés administratives ou le manque de place sur une feuille ; sinon, rien ne changera, et la dépense continuera d’augmenter !

Nos concitoyens s’intéressent à ce qu’on veut bien leur dire ; si on continue à leur cacher les choses, ils ne demanderont jamais rien ! Notre responsabilité, à nous, politiques, est de défendre l’intérêt général contre les excès du corporatisme – sinon, celui-ci gagnera toujours.

Cela passe d’abord par l’information du contribuable, puis par une mesure fiscale spécifique, se traduisant par une diminution équivalente sur le budget du conseil général. Si nous affirmons que cela est matériellement impossible, notre mission d’évaluation et de contrôle s’achèvera sans aucun résultat, et nous serons responsables du maintien de la croissance des dépenses.

Il est inacceptable que des personnes qui ne travaillent que 95 jours par an jouissent d’une image si favorable, essentiellement bâtie sur les interventions incendie, soit moins de 10 % du total, et plus particulièrement sur les interventions sur feux de forêt, qui ne représentent que 1 % de l’ensemble. Nous devons dire la vérité à nos concitoyens !

M. David Habib, Président. Le travail de nos rapporteurs donnera lieu à un rapport qui comprendra le compte rendu de nos auditions et pourra être enrichi de divers documents. Pourriez-vous, monsieur Rousselet, nous faire parvenir une note écrite sur les deux hypothèses évoquées : mention du coût des SDIS sur l’avis d’imposition et création d’une taxe spécifique ?

M. Bruno Rousselet. Je le ferai avec plaisir.

Je ne conteste pas que l’information de nos concitoyens soit importante ; d’ailleurs, j’ignorais jusqu’à aujourd’hui combien me coûtaient les SDIS. En revanche, s’il n’y a pas fiscalisation de leur financement, je ne suis pas sûr qu’une donnée de ce type ait sa place dans un avis d’imposition individualisé. La mention d’un montant global de la dépense pour le département est parfaitement envisageable, mais ce sera nécessairement au détriment d’un autre renseignement.

M. Alain Perret. En tout cas, soyez assurés que nous avons conscience des difficultés actuelles et que nous nous efforçons d’améliorer les choses, en étroite liaison avec les partenaires sociaux et avec les présidents de CASDIS.

M. David Habib, Président. Messieurs, je vous remercie.

Nous allons maintenant accueillir les représentants des départements et des communes. J’imagine qu’ils dresseront le même constat, ce qui prouve que la principale question est celle de la gouvernance. Nous l’aborderons avec Mme la ministre lors de son audition, qui conclura nos travaux.