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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Services départementaux d’incendie et de secours

Jeudi 28 mai 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Audition, ouverte à la presse, du colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs pompiers de France (FNSPF)

M. Georges Tron, Président. Nous accueillons M. le colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, accompagné de M. le colonel Lincheneau, secrétaire général, et de M. Guillaume Bellanger, directeur général.

Les auditions de notre mission d’évaluation et de contrôle se déroulent d’une manière interactive, avec des questions et des réponses aussi brèves que précises, et sans aucune considération partisane. Nos rapporteurs sont MM. Georges Ginesta, Rapporteur spécial de la commission des Finances pour la mission Sécurité civile, Thierry Mariani, Rapporteur pour avis de la commission des Lois, qui rapporta également la loi sur la modernisation de la sécurité civile, et Bernard Derosier, membre de la commission des Lois – dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. La mission que nous ont confié le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances consiste à déterminer les moyens permettant d’endiguer l’accroissement des dépenses des services d’incendie et de secours (SDIS) dont le budget a augmenté globalement de 245 % entre 1996 et 2007 et de 43 % depuis 2001, date de la fin de la départementalisation. Quelles seraient selon vous les mesures à prendre en ce sens ?

Par ailleurs, le régime de garde de 24 heures est-il le plus adapté d’un point de vue financier dès lors qu’entre onze heures du soir et sept heures du matin, les interventions sont très peu nombreuses ? Le nombre annuel de jours de garde, par ailleurs, est de 90 et les sapeurs-pompiers professionnels ne réalisent que 140 interventions par an dont la durée moyenne s’élève à deux heures vingt. Travaille-t-on correctement en exerçant si peu ? Une telle situation n’implique-t-elle pas de nouveaux besoins de formation, donc de nouvelles dépenses ?

Je rappelle, enfin, que les collectivités locales consacrent déjà 4,5 milliards d’euros aux SDIS et l’État près d’un milliard.

M. Richard Vignon, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Selon l’enquête annuelle sur les SDIS, commandée par l’Assemblée des départements de France (ADF), la croissance certes importante du budget des SDIS depuis une dizaine d’années s’est très sensiblement ralentie depuis deux ou trois ans – s’agissant notamment des contributions des conseils généraux. Comme le disposait la loi dite de départementalisation, les transferts de l’ensemble des corps communaux à un établissement public devaient être assurés, de même qu’il importait de combler les retards accumulés s’agissant des casernements et des personnels mais également des équipements matériels. À cela s’est ajoutée la loi sur les 35 heures, dont l’impact sur la masse salariale ne pouvait qu’avoir des conséquences financières pour les 38 000 sapeurs-pompiers professionnels.

En outre, et même si nous comprenons évidemment votre souci de limiter les dépenses publiques, notre budget de la sécurité civile est tout à fait comparable à celui que d’autres pays européens tels l’Angleterre ou l’Allemagne consacrent à des services identiques et il est bien entendu très inférieur, par exemple, à celui dédié à la culture ou à l’agriculture dans notre pays.

La remise en cause des gardes de 24 heures, système le plus répandu et qui a fait historiquement ses preuves, quant à elle, coûterait bien plus cher que son maintien, les sapeurs-pompiers professionnels étant présents dans leur caserne près de 2 400 heures par an. Un régime « heure pour heure » - les « trois-huit » ou les « douze-douze » -, s’il serait conforme aux préconisations de la Commission européenne, ne manquerait pas d’entraîner une hausse des effectifs des sapeurs-pompiers professionnels, comme nous l’avons d’ailleurs constaté dans les départements qui appliquent ce système et qui comptent 25 % de personnels en plus par rapport à d’autres départements comparables. La FNSPF est donc attachée au régime de 24 heures de garde, qui présente le meilleur rapport entre coût et qualité du service. De nombreux sapeurs-pompiers y sont très attachés.

Par ailleurs, si les interventions nocturnes diminuent - d’où la pondération de nos effectifs -, nous devons aussi maintenir une forte couverture de risques et c’est précisément cette dernière qui coûte le plus cher - la disparition éventuelle de toute activité opérationnelle n’entraînerait quant à elle qu’une économie de 6 % environ.

Enfin, si nous passons 300 heures par an en intervention - avec le stress que cela comporte - et qu’un fonctionnaire doit en effet travailler 1 600 heures, nous consacrons l’essentiel de notre temps de travail à l’entraînement, à la formation, au maintien des matériels, à la prévention, à la sensibilisation aux risques. Si un boulanger a tôt fait de vendre une baguette, on ne peut pas dire qu’il en aille ainsi de sa fabrication !

M. Georges Tron, Président. Permettez-moi une remarque de méthode. S’il me paraîtrait opportun d’effectuer des comparaisons, mutatis mutandis, avec des services de secours étrangers, la MEC se refuse en revanche absolument à entrer dans une logique de comparaison entre les différents services publics français, chacun d’entre eux étant alors inévitablement amené à faire valoir que, compte tenu de ses moyens et de ses missions, il ne se débrouille pas plus mal qu’un autre. La question essentielle, en l’occurrence, est de savoir si les dépenses engagées pour les SDIS pourraient être moindres, ou non.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Si l’augmentation de la dépense publique pourrait se comprendre en raison d’un accroissement des tâches, je rappelle que le nombre de vos interventions, autour de quatre millions par an, soit 11 000 par jour – stagne depuis une dizaine d’années alors que les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels, dans le même temps, sont passés de 28 000 à 38 000. Travaillant moins, ces derniers doivent être plus formés mais, je le répète, exerce-t-on correctement un métier que l’on pratique peu ? Plus encore, la meilleure des formations n’est-elle pas la pratique ?

Par ailleurs, la dépense publique se justifie par une quantité de travail et non de formation. Si le boulanger dont vous avez parlé vit de son travail, le service public vit quant à lui de l’argent du contribuable et donc, d’une certaine façon, du boulanger. Parce que les situations ne sont pas tout a fait comparables, il me semble urgent de favoriser une prise de responsabilité globale. De la même manière, si l’on doit comparer nos SDIS avec ceux d’autres pays, comme l’a justement dit notre Président, il ne faut tenir compte que des seuls effectifs de sapeurs-pompiers professionnels. Enfin, est-il logique que ces derniers fassent des vacations – dont le paiement n’est pas imposable - alors qu’elles avaient été prévues à l’origine pour les seuls sapeurs-pompiers volontaires ?

M. Richard Vignon. Sur le premier point, je ne peux rien ajouter à ce que j’ai déjà dit mais j’invite M. le Rapporteur à venir en mission avec nous afin qu’il se fasse une idée peut-être plus précise de ce que représentent ces 300 heures d’intervention.

Nous pourrions préciser les chiffres : si le nombre d’interventions a été proche de quatre millions en 2008, il était de 3,78 millions en 1999. En outre, prendre 1999 comme année de référence conduit à occulter l’impact exceptionnel des tempêtes de décembre sur l’activité opérationnelle des SDIS et à fausser la perception. Si les effectifs ont en effet augmenté de 25 % entre 1998 et 2008, les interventions ont crû elles aussi de 15 %, ce ne sont pas les seules interventions qui justifient le nombre de sapeurs-pompiers professionnels mais bel et bien le niveau de couverture de risques - décidé par les élus locaux dans le cadre du schéma directeur d’analyse et de couverture des risques (SDACR) -, lequel conditionne par exemple la rapidité des interventions. Il me semble que la prise de responsabilité globale appelée de ses vœux par M. le Rapporteur existe déjà : les élus, les administrateurs et les présidents des SDIS cherchent tous à promouvoir une gestion toujours plus efficace.

De surcroît, si des sapeurs-pompiers professionnels effectuent des vacations, c’est qu’ils ont aussi contracté un engagement de pompier volontaire : comme n’importe quel citoyen, notamment fonctionnaire, ils peuvent en effet avoir ce double statut qu’il serait absurde de leur interdire. Néanmoins, loin de moi l’idée de nier que ces vacations peuvent parfois masquer des heures supplémentaires - ce que nous condamnons - mais force est de reconnaître aussi que tout le monde y trouve son compte comme le reconnaissent d’ailleurs des membres de votre commission.

M. Georges Tron, Président. Si tel est bien le cas, pourquoi ne pas procéder à une évaluation et légaliser cette façon de faire ?

M. Richard Vignon. La FNSPF ne peut que condamner cette pratique consistant à faire passer une partie du service d’un sapeur-pompier professionnel en vacation de pompier volontaire alors que le fonctionnaire devrait être payé en heures supplémentaires. Toutefois, outre qu’une évaluation serait en effet judicieuse, il me semble que les finances publiques sont mathématiquement gagnantes.

M. Georges Tron, Président. N’est-il pas de notre devoir d’en tenir compte d’une manière ou d’une autre ?

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Surtout, n’est-il pas paradoxal de prétendre que 90 jours de garde annuels suffisent alors que les sapeurs-pompiers font par ailleurs des vacations dont le mode de paiement entraîne aussi une perte de recettes pour l’État ?

Vous avez par ailleurs raison d’insister, Monsieur Vignon, sur la bonne gestion de certains élus locaux mais également sur la dimension européenne des questions qui nous préoccupent puisque nous serons peut-être financièrement contraints de mettre en place la garde de huit heures. Comment, en effet, rémunérer en heures supplémentaires de nuit des heures effectives de repos puisque l’augmentation du nombre de pompiers a diminué le nombre de leurs interventions individuelles ? Dans ce cas-là, les sapeurs-pompiers professionnels seront présents 200 jours par an dans leur caserne et effectueront 1 600 heures de temps de travail. Ne pourrait-on donc pas chercher ensemble des moyens d’être plus vertueux ? J’ajoute que les incendies, dont l’extinction prend toujours du temps, ne représentent plus que 8 % du nombre des interventions et, parmi eux, les incendies de forêt - qui sont les plus « chronophages » -, que 0,8 %.

Enfin, nous devons réfléchir à une répartition des tâches plus stricte entre SDIS et SAMU.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Si je suis d’accord avec M. Ginesta s’agissant de la révision des modalités de garde, je précise qu’il n’a jamais été question de supprimer le double statut pour les sapeurs-pompiers professionnels, système dont tout le monde a des raisons de se féliciter.

Par ailleurs, comment expliquez-vous les disparités départementales dans la répartition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et quelle serait selon vous la répartition idéale ?

M. Richard Vignon. Je voudrais rappeler à Monsieur Ginesta que les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls fonctionnaires à faire des vacations en tant que sapeurs-pompiers volontaires mais qu’il en est également ainsi pour de nombreux gendarmes ou policiers par exemple. Cela signifie-t-il pour autant qu’ils ne travailleraient pas assez dans leur « métier de base » ? Je ne le crois pas. Depuis les 35 heures en particulier, n’est-il pas tout à fait honorable de consacrer du temps à un engagement civique ?

S’agissant de la modalité de garde, je rappelle que les sapeurs-pompiers sont présents en moyenne 2 400 heures par an en caserne : ce n’est pas rien ! Quoi qu’il en soit, la question du temps de travail, qui n’a jamais été simple, ne constitue plus pour la FNSPF un cheval de bataille.

M. Georges Ginesta, Rapporteur. Il ne s’agit pas d’être simple mais économe.

M. Richard Vignon. Vaste programme ! Je vous souhaite bon courage !

M. Georges Ginesta, Rapporteur. C’est précisément pour cela que nous voulons vous y associer.

M. Richard Vignon. Nous ne le souhaitons pas : la question du temps de travail est réglée et il est préférable d’en rester là.

Par ailleurs, un arrêté des ministères de la Santé et de l’Intérieur clarifie les compétences respectives des SDIS et du SAMU en rappelant que les services publics sont en charge du secours public et que les transports sanitaires relèvent de la responsabilité des ambulanciers privés - lesquels sont d’ailleurs en nombre insuffisant puisque nous réalisons 160 000 interventions qui devraient relever de ces derniers.

Il est vrai que si la répartition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est assez hétérogène - sans doute pour des raisons historiques et culturelles, le nord-est de la France se caractérisant par exemple par une forte culture de l’engagement volontaire - notre modèle de sécurité civile n’en repose pas moins sur leur complémentarité. Faire bouger les lignes, quoi qu’il en soit, demeure difficile car il en va de la volonté des citoyens.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Pourquoi selon vous le décret d’application de la loi sur la modernisation de la sécurité civile de 2004 portant statut d’élèves officiers n’a-t-il pas encore été pris ?

Avec 80 écoles départementales - qui manquent d’ailleurs de coordination - comment améliorer la rentabilité de notre système de formation ?

Les pompiers volontaires disposant d’une formation équivalente à celle des professionnels et leur carrière ne durant en moyenne que huit ans, faut-il revoir cette dernière ou encourager des engagements plus longs ?

M. Richard Vignon. Aucun statut juridique acceptable des élèves officiers n’a été trouvé. De la même manière, si un officier attaché à un SDIS est un fonctionnaire public territorial, qu’advient-il juridiquement dès lors qu’il est mis à disposition de l’État ou d’une autre collectivité que la sienne, dans des conditions financières d’ailleurs le plus souvent précaires ? Parce que nul ne le sait précisément, il serait sans doute opportun de créer un centre national de gestion de leur carrière.

Par ailleurs, si la présence d’une école dans chaque département me semble indispensable – ne serait-ce que pour des raisons pratiques –, toutes n’ont pas le même coût en fonction des équipements dont elles disposent. La mutualisation des moyens de celles qui bénéficient de plateaux techniques importants me paraît souhaitable.

Si les sapeurs-pompiers volontaires ont, pour une part seulement, la même formation que les professionnels, ils doivent effectuer 240 heures de formation initiale qu’ils peuvent répartir sur trois ans quand les seconds doivent en faire 640 en une année sans que les mêmes missions leur soient d’ailleurs toujours confiées. Quoi qu’il en soit, une réflexion s’impose quant à leur formation – selon nous trop longue – car il serait sans doute possible, avec d’autres moyens pédagogiques, de faire mieux et plus rapidement même si la polyvalence des interventions demeure un atout fondamental.

Enfin, si les sapeurs-pompiers volontaires ne restent en effet que huit ans en moyenne dans nos rangs, je note que la carrière d’une femme médecin, par exemple, est également plus courte que celle de ses confrères masculins malgré une formation identique ; pour autant, personne n’imagine un seul instant réduire leur formation. Il n’en demeure toutefois pas moins vrai que la fidélisation constitue un problème important auquel la mission « Ambition volontariat » que la ministre de l’Intérieur a confiée à M. Luc Ferry devrait permettre de réfléchir, le turn-over presque permanent étant très coûteux pour les SDIS.

M. Thierry Mariani, Rapporteur. Le regroupement de 13 départements du sud-est n’a pas amélioré la coordination de la formation.

M. Richard Vignon. Si, puisque la formation de base est effectuée dans chacune des écoles départementales et que l’école d’application de sécurité civile (ECASC) de Valabre, dans les Bouches-du-Rhône, prend en charge les étapes suivantes. Cet exemple est tout à fait convaincant.

M. Georges Tron, Président. Je vous remercie.